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Association Foi et Culture Scientifique Le 14 juillet 2015 Compte rendu de la réunion du 10 juin 2015 Présents : Benoît-Michel AMOUSSOU, Georges ARMAND, Jacques AUGÉ, Jean-Paul BANQUET, Anne- Marie et Catherine BERRIAUD, Geneviève et Pierre BERRIER, Bernard BOURGEAT, Jean-Claude BRÉMAUD, Claude CABOT, Claire CAILLERIE, Gérard CHEVALIER, Ba Pho DANG, Bertrand DELCEY, Marie-Odile DELCOURT, Alexandre GYÉNÉS, Marcelle L'HUILLIER, Marc LE MAIRE, Françoise et Philippe LECLERCQ, Jean LEROY, Philippe LESTANG, Dominique et Françoise LEVESQUE, Élisabeth LIVOLANT, Hélène LOIRAT, Françoise et Jean-Louis MASNOU, Sylvie MORELLET, Monique et Patrice NICOLAS, Nicole NICOLAS, Jean RAGOT, Christian RAQUIN, Blandine RAX, Nathalie SAINT-CAST, Bernard SAUGIER, Élisabeth VAICHERE. Personnes excusées : Dominique GRÉSILLON, Jacques ORFILA, Bernadette GASCHIGNARD. SOIGNER L'HOMME BLESSÉ EN REDÉCOUVRANT L'EXPÉRIENCE SPIRITUELLE thème introduit par Nathalie Saint-Cast, Françoise Masnou-Seeuws. avec la contribution de Françoise et Dominique Lesveque. Pour soigner les souffrances psychiques, des médecins font appel à la "méditation pleine conscience". En quoi consistent ces méthodes, quelles questions posent-elles aux scientifiques ? Quels sont leurs liens avec les traditions chrétiennes de spiritualité ? Références: - La Vie : Les conseils de 8 experts pour vous initier à la méditation , (juillet 2014) et Les secrets de la méditation , dossier hors série (novembre 2014). - Jon Kabat-Zinn et Richard Davidson : L'Esprit est son propre médecin, (Les Arènes, 2014) - Christophe André : Méditer jour après jour , (L'iconoclaste, 2011) ; Je médite, jour après jour. Petit manuel pour vivre en pleine conscience , (L'iconoclaste, 2015). - Hubert Thomas : Foi et délivrance. Figures du Christ thérapeute , (Lessius, 2013, Bruxelles). - John Meier : Un certain juif Jésus. Les données de l'histoire . (Tome 2 : Les paroles et les gestes, Cerf, 2005) - Groupe de Fontenelle : Accompagner l'homme blessé , (Desclée de Brouwer, 2014) SOIN DE L’HUMAIN, MÉDITATION, SPIRITUALITÉ : L’INTÉRIORITÉ REVISITÉE 1) Situation du sujet par rapport à notre travail des séances précédentes a. (En 2014) Le tournant thérapeutique dans le livre de Charles Taylor « L’âge séculier » Dans le chapitre 1 « Les remparts de la croyance », page 75, lorsqu'est évoqué le désenchantement, le passage d’un moi poreux entouré de forces bénéfiques ou maléfiques, à un moi isolé, pour lequel le physique est séparé du moral : 1/22

FCS : Compte rendu de la réunion du 10 juin 2015secteurpastoraldelyvette.fr/files/FCS/FCS-CR-10-06-2015.pdf · - Christophe André : Méditer jour après jour, (L'iconoclaste, 2011)

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Association Foi et Culture Scientifique Le 14 juillet 2015

Compte rendu de la réunion du 10 juin 2015

Présents : Benoît-Michel AMOUSSOU, Georges ARMAND, Jacques AUGÉ, Jean-Paul BANQUET, Anne-Marie et Catherine BERRIAUD, Geneviève et Pierre BERRIER, Bernard BOURGEAT, Jean-ClaudeBRÉMAUD, Claude CABOT, Claire CAILLERIE, Gérard CHEVALIER, Ba Pho DANG, Bertrand DELCEY,Marie-Odile DELCOURT, Alexandre GYÉNÉS, Marcelle L'HUILLIER, Marc LE MAIRE, Françoise et PhilippeLECLERCQ, Jean LEROY, Philippe LESTANG, Dominique et Françoise LEVESQUE, Élisabeth LIVOLANT,Hélène LOIRAT, Françoise et Jean-Louis MASNOU, Sylvie MORELLET, Monique et Patrice NICOLAS, NicoleNICOLAS, Jean RAGOT, Christian RAQUIN, Blandine RAX, Nathalie SAINT-CAST, Bernard SAUGIER,Élisabeth VAICHERE.

Personnes excusées : Dominique GRÉSILLON, Jacques ORFILA, Bernadette GASCHIGNARD.

SOIGNER L'HOMME BLESSÉ EN REDÉCOUVRANT L'EXPÉRIENCE SPIRITUELLE

thème introduit par Nathalie Saint-Cast, Françoise Masnou-Seeuws.avec la contribution de Françoise et Dominique Lesveque.

Pour soigner les souffrances psychiques, des médecins font appel à la "méditation pleine conscience". En quoiconsistent ces méthodes, quelles questions posent-elles aux scientifiques ? Quels sont leurs liens avec lestraditions chrétiennes de spiritualité ? Références:- La Vie : Les conseils de 8 experts pour vous initier à la méditation, (juillet 2014) et Les secrets de la méditation, dossierhors série (novembre 2014). - Jon Kabat-Zinn et Richard Davidson : L'Esprit est son propre médecin, (Les Arènes, 2014)

- Christophe André : Méditer jour après jour, (L'iconoclaste, 2011) ; Je médite, jour après jour. Petit manuel pour vivre en pleine conscience, (L'iconoclaste, 2015).- Hubert Thomas : Foi et délivrance. Figures du Christ thérapeute, (Lessius, 2013, Bruxelles).

- John Meier : Un certain juif Jésus. Les données de l'histoire. (Tome 2 : Les paroles et les gestes, Cerf, 2005)

- Groupe de Fontenelle : Accompagner l'homme blessé, (Desclée de Brouwer, 2014)

SOIN DE L’HUMAIN, MÉDITATION, SPIRITUALITÉ : L’INTÉRIORITÉ REVISITÉE

1) Situation du sujet par rapport à notre travail des séances précédentes

a. (En 2014) Le tournant thérapeutique dans le livre de Charles Taylor « L’âge séculier »

Dans le chapitre 1 « Les remparts de la croyance », page 75, lorsqu'est évoqué le désenchantement, le passaged’un moi poreux entouré de forces bénéfiques ou maléfiques, à un moi isolé, pour lequel le physique est séparédu moral :

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Voyez le contraste. Un moderne éprouve un sentiment dépressif, mélancolique. On lui répondra qu’il s’agir d’un dérèglementchimique de son corps, qu’il doit avoir une carence, qu’une hormone ne doit pas fonctionner correctement, et bien d’autreschoses de ce genre. Le voilà instantanément soulagé. Son impression peut être mise à distance, et donc, ipso facto,considérée comme infondée… Cette étape de désengagement est liée à la distinction moderne entre le corps et l’esprit et aufait que nous avons relégué le physique au rang de cause purement contingente du psychique.

Un prémoderne en revanche ne serait en rien soulagé d’apprendre que son humeur est due à la bile noire, car celane suffit pas pour s’en dégager. La bile noire est la mélancolie … Certaines maladies mentales sont interprétées comme unepossession. La force qui vous guérit peut aussi vous rendre meilleur .

Dans le chapitre 17, Dilemmes 1, où sont analysées les polémiques entre la religion et l’humanisme séculier, ily a plusieurs pages sur la maladie mentale et le tournant thérapeutique. Dans le monde moderne, le mal tend àêtre perçu comme étant produit par la société, l’histoire, le patriarcat, le capitalisme. La culture dominante estcapable de condamner le péché collectif, mais personne n’éprouve de sentiment de culpabilité personnelle. Ceque l’on considérait autrefois comme un péché est perçu comme une pathologie. La guérison n’implique pas laconversion, une plus grande sagesse, un regard plus élevé sur le monde.

Dans un monde sécularisé, nous devons penser que nous sommes parfaitement bien comme nous sommes,dans notre existence ordinaire. Mais alors, comment interpréter la souffrance psychique, et tout ce qui autrefoisétait considéré comme le fruit du péché : l’impuissance, la division, l’angoisse, le spleen, la mélancolie, le videl’acédie, la tristesse accablante …

On interprète tout cela comme des pathologies : c’est le tournant thérapeutique.

Même des individus qui réussissent brillamment sur le plan de l’épanouissement humain peuvent ressentir unvide spirituel : dans une société où la réalité spirituelle est niée, on va interpréter leur malaise commepathologique.

Donc il y a un conflit entre une interprétation spirituelle et une interprétation pathologique de nossouffrances psychiques.

b. En septembre 2014, lors de la séance « Comment l’esprit soigne le corps (et vice-versa) », Marie-Odile Delcourt avait rendu compte du livre de Jon Kabat-Zinn et Richard Davidson « L’esprit est son propremédecin » (traduction française, Les Arènes, Paris (2014)). Des études scientifiques montrent que la méditationest un outil efficace pour lutter contre la dépression. Il s’agit en particulier de se libérer d’une trop forteidentification avec les pensées et les sentiments négatifs. Ces méthodes sont largement utilisées aux États-Unis, eten France, en particulier par Christophe André à la Salpétrière.

2) Aujourd’hui, nous allons revenir sur le soin de la souffrance psychique :

a. Nathalie Saint Cast présentera le livre de Christophe André, médecin psychiatre à l’hôpital SainteAnne (Paris), « Méditer jour après jour » ainsi qu’un article de La Croix et un dossier de La Vie oùon insiste sur la présence de la méditation dans la tradition chrétienne

b. Ensuite, Françoise Masnou rendra compte du livre « Foi et délivrance. Figures du Christthérapeute », publié en 2013 aux éditions Lessius (Bruxelles). L’auteur, Hubert Thomas, est moinebénédictin à Wavreumont-Stavelot, et a travaillé dans un centre de soins pour toxicomanes.

c. Françoise Levesque parlera du livre du groupe de Fontenelle « Accompagner l’homme blessé ». Cegroupe, qui se réunit à l’abbaye de Saint-Wandrille rassemble des psychologues, des coachs et desaccompagnateurs spirituels.

d. Dominique Levesque présentera les travaux de John Meier sur les miracles de Jésus (Un certain juifJésus. Les données de l'histoire).

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MÉDITATION ET QUÊTE D'INTÉRIORITÉexposé de Nathalie Saint-Cast 1

Plan de l'exposé :Introduction

1) Discours de l’Église au sujet des pratiques de méditations orientales

et définition du mot "méditation" dans l'expérience spirituelle chrétienne.

2) La forme de méditation dite de "Pleine Conscience"(PC)

3) Exemples d'utilisations de ce type de méditation PC en France.

Conclusion

INTRODUCTION

Dans le livre « Foi et délivrance. Figures du Christ thérapeute », au chapitre 9, nous relevons que :

les crises peuvent être un lieu d'approfondissement personnel, un appel à accueillir, à écouter. Mais pourporter les crises de la vie, une vie spirituelle est nécessaire, on a besoin d'un discernement spirituel. Or, trop souvent ,la vie ordinaire est coupée de l'expérience humaine de l'intériorité.

Face aux "déséquilibres "et aux injustices qu'il a lui-même générés, le monde en crise prend conscience de seslimites et de l'urgence d'un changement de paradigme.

Aujourd'hui, de plus en plus de personnes se tournent vers la méditation car elles y trouvent une voie quiredonne place au soin de soi tout en ayant le souci de l'autre. Le mot méditer vient d'ailleurs du latin meditari, demederi, "donner des soins à ".

La méditation pose l'homme par rapport à lui-même, à l'autre et au cosmos, et l'unifie par rapport au monde.

Alors qu'est-ce que la méditation ? Comment peut-elle être une réponse, un moyen utile à cette quêted'intériorité ? Nous apprend-elle à "être" réellement, pour mieux aimer et servir davantage ?

Pour répondre à ces questions, je m'appuierai sur des observations et des citations extraites de trois recueils detémoignages :

- Le journal la Croix du Samedi 27 décembre 2014 dans son dossier central "Religion et spiritualité" : Laméditation une réponse à la quête d'intériorité ?

- Une présentation de la méditation" pleine conscience" à partir du livre "Méditer jour après jour " deChristophe André2 qui propose une définition de l'intériorité, par une approche contemplative, à l'aide detableaux. Ce livre est un manuel d'initiation à la pleine conscience qui, à travers 25 leçons, nous montrecomment se pratique cette méthode de méditation étudiée et validée par la recherche scientifique.

- Le journal la Vie qui a consacré son Hors Série de novembre 2014 sur les secrets de la méditation donnequelques exemples de pratique de la méditation pleine conscience dans des Centres spirituels, des hôpitaux,des écoles ou entreprises.

I) "La posture" de l’Église concernant la méditation et l'expérience spirituelle.

Aujourd'hui, l'intérêt grandissant pour des formes de méditation orientales interroge beaucoup les chrétiens.Certaines pratiques sont parfois considérées comme "sectaires" car peuvent surprendre et inquiéter.(comme laMéditation Transcendantale par exemple).

Mais, pour pouvoir parler de méditation, Il est important de définir le mot en le resituant dans chaquetradition, et d'observer les pratiques (voir dérives, ou syncrétismes) qui en découlent.

1 Kinésithérapeute en hôpital.2 Christophe André, né en 1956, est psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, dans une unité de psychothérapie comportementale etcognitive, spécialisée dans le traitement et la prévention des troubles émotionnels, anxieux et dépressifs. Il est l'auteur de nombreuxouvrages: Et n'oublie pas d'être heureux. Abécédaire de la psychologie positive (Odile Jacob, Paris, 2014) et Qui nous feras voir lebonheur ? avec Martin Steffens (Le Passeur, Paris, 2004).

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L’ÉGLISE SE SITUE À DANS L'OUVERTURE :

Elle rejoint Luc 6,37 « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés; ne condamnez pas et vous ne serez pascondamnés. Pardonnez et vous serez pardonnés. Donnez et vous recevrez. »

Dans le décret du concile Vatican II Nostra Aetate sur les relations de l’Église avec les religions nonchrétiennes :

L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincèreces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de cequ’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes.

Dans sa déclaration sur la liberté religieuse, Dignitatis Humanae, l’Église

revendique pour l’homme la possibilité d’agir en vertu de ses propres options et en toute libre responsabilité ; non passous la pression d’une contrainte, mais guidé par la conscience de son devoir.

L’ÉGLISE EST DANS LA VIGILANCE :

Dans sa "Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 15 octobre 1989".le Cardinal Ratzinger précise " Quelques aspects de la méditation chrétienne" : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19891015_meditazione-cristiana_fr.html

Chez beaucoup de chrétiens de notre temps, le désir est très vif d’apprendre à prier d’une manière authentique etapprofondie, malgré les nombreuses difficultés que la culture moderne oppose à l’exigence ressentie de silence, derecueillement et de méditation. L’intérêt que des formes de méditation liées à certaines religions orientales et à leursmodes particuliers de prière ont suscité ces dernières années, même parmi les chrétiens, est un signe nonnégligeable de ce besoin de recueillement spirituel et de profond contact avec le mystère divin. Toutefois, face à cephénomène, on a aussi ressenti de divers côtés la nécessité de pouvoir disposer de critères sûrs, au plan doctrinal etpastoral, qui permettent d’éduquer à la prière, dans ses multiples manifestations, tout en demeurant dans la lumièrede la vérité révélée en Jésus, grâce à l’authentique tradition de l’Église.

En 2013, Mgr Raffaello Martinelli, de la Congrégation pour la doctrine de la foi, ayant collaboré, pendant plusde 23 ans, avec le cardinal Joseph Ratzinger, précise que pour sa méditation, un chrétien peut apprendre desautres traditions religieuses (zen, yoga, respiration contrôlée, mantra) :

Du moment que l'Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions, on ne devrait pas mépriserpréalablement ces indications puisque non-chrétiennes. Au contraire, on pourra recueillir d'elles ce qu'il y a d'utile, àcondition de ne jamais perdre de vue la conception chrétienne de la prière, sa logique et ses exigences.

En effet, quand on parle de méditation, l'image qui nous vient immédiatement à l'esprit, est sans doute lapratique bouddhiste.

La méditation issue de la tradition bouddhiste suscite effectivement un réel engouement partout dans lemonde. L'école occidentale de méditation, fondée il y a huit ans dans un cadre laïque, par le philosophe FabriceMidal en témoigne.

Mais, dans la tradition chrétienne, nous l'avons peut-être oublié, la méditation est présente depuis toujours

car c'est la porte d'entrée de la prière comme nous l'explique déjà au XIIe Guigues le Chartreux dans les quatredegrés de l'exercice spirituel : lectio, meditatio, oratio, contemplatio.

Il existe différentes écoles d'oraison 3 qui peuvent nous toucher par leur spiritualité et qui nous prépare à laprière en nous disposant dans le recueillement, le silence, menant à l'adoration et à la louange ou lacontemplation.

Il est temps de reconnaître toute la diversité et la richesse de notre tradition chrétienne. En redécouvrant nous-même la mystique chrétienne à partir de l'enseignement des Pères du désert, la philocalie (amour de ce qui estbeau), la voie hésychaste (être en paix, garder le silence) redonne goût et corps à notre propre pratique de prière.

Dans la contemplation (véritable expérience mystique d'Union à Dieu) c'est Dieu qui agit directement dansl’Âme. La suspension des sens et des facultés fait partie de l'expérience mystique chrétienne au stade de lacontemplation (après le travail de "purification" et de disposition induit par la lectio, la meditatio et l'oratio).

3 Écoles d'oraison selon l'École française de spiritualité, ou l'École d'oraison carmélitaine, ou fransciscaine, ignatienne etc...4/22

Certains mots ( "méditation", expérience mystique, contemplation...) peuvent avoir des sens différents enfonction des personnes, des contextes et des traditions.

La mystique n'est pas à confondre avec les phénomènes mystiques (visions, lévitation, extases etc..).Selon son étymologie, mystique vient de mûo en grec, fermer les yeux et la bouche, qui a donné "mystère",réalité cachée à découvrir (au sens théologique) et a donné mystique, au-delà des sens, intérieur et insaisissable.

Quelques définitions de Michel de Certeau (s.j.) peuvent nous éclairer.

La mystique est centrée sur la pratique, la communication, que ce soit dans la prière ou dans la contemplationsilencieuse. Elle est un entretien. Le langage mystique dit une expérience qui s'organise sur une différence qui fondela relation entre l'Absolu et l'homme. Même pour la mystique hénologique (de l'unité, de l'un : l'hindouisme et l'islam), ils'agit bien d'une âme en quête ou visitée par l'Absolu.

Le résultat final est toujours l'unité, quelle que soit cette unité (fusion dans l'hindouisme ou union dans lechristianisme).

Aujourd'hui, des cours de théologie spirituelle sont accessibles et nous aident à redécouvrir, à comprendrela spécificité de la méditation dans la tradition chrétienne et dans les autres traditions religieuses. Redécouvrir larichesse de la tradition spirituelle chrétienne nous permet de dialoguer avec les autres religions et spiritualitéstout en approfondissant et unifiant notre propre foi et pratique catholique.

Le croyant aujourd'hui est appelé à entrer dans sa foi avec cœur et intelligence. Connaître intimement sapropre tradition évite le syncrétisme ou le fondamentalisme qui peut conduire à l'intégrisme.

Actuellement, de nombreuses personnes ont perdu le goût et le sens de la pratique liturgique, cependant ellesdésirent apprendre à prier à la suite du Christ et se rapprochent de lieux comme Taizé, de certains monastères, oucentres spirituels pour être guidés dans une rencontre plus intime avec Dieu.

En plus des différentes écoles d'oraison 4, des groupes de méditation chrétienne existent et sedéveloppent.

À Paris, j'ai découvert récemment au « Forum104 » rue de Vaugirard.- des propositions de parcours de méditation "Pleine Conscience" et Parole de Dieu intitulé "vivre la paix duchrist"5

- un groupe de la « Communauté Mondiale pour la Méditation Chrétienne » qui se réunit toutes lessemaines. Pour Laurence Freeman 6, moine bénédictin très engagé dans le dialogue interreligieux, héritierdu Père John Main :

la contemplation est une nouvelle forme d'évangélisation et le défi pour l’Église est d'être capable, grâce à sa grandetradition mystique, d'aider ceux qui veulent aller plus loin sur un chemin d'intériorité.7

On peut noter que la culture anglo-saxonne de la méditation chrétienne ne semble pas différencier les étapesde la prière ou les étapes de l'expérience chrétienne (lectio, meditatio, oratio) menant progressivement à l'union àDieu (contemplatio).

2) Définition de la méditation dite de pleine conscience : (PC)

La méditation de pleine conscience que l'on appelle aussi « Mindfulness » est la première étape de laméditation bouddhiste. (Cette méditation n'a pas de visée religieuse mais permet d'apprendre à être dans un étatd'attention au présent. De nombreuses formations sont proposées partout en France.).

4 selon l'école française de spiritualité, ou l'école d'oraison carmélitaine, ou franciscaine, ignatienne, etc.5 www.vivrelapaixduchrist.fr : Eric Julien, aumônier de prison, accompagne également des confirmands et des catéchumènes.6 Laurence Freeman (né le 17 juillet 1951) est un prêtre catholique et un moine bénédictin de l'abbaye de Turvey en Angleterre. En 1975,Freeman rejoint le frère John Main OSB à Ealing Abbey à Londres, dans le cadre de la première communauté laïque expérimentale dédié àune vie bénédictine, avec la méditation chrétienne comme pratique contemplative. Après la mort de John Main en 1982, Freeman apoursuivi le travail de l'enseignement méditatif qui avait commencé à se développer pour former une communauté mondiale. Il continue àparcourir le monde pour donner des conférences et des retraites. En 1991, il est retourné vivre en Angleterre pour établir le centreinternational de méditation chrétienne. La communauté mondiale nouvellement formée est désormais présente dans plus de 100 pays.7 Journal la Croix, Samedi 27 décembre 2014 dossier central "Religion et spiritualité".

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Le premier qui proposa ce type de méditation fut le maitre bouddhiste Thich Nhat Hanh8 .

En 1979, pour rendre cette pratique plus accessible, Jon Kabat Zinn, docteur en biologie moléculaire àl'université du Massachusetts, (qui pratiquait au départ la méditation zen) évalue scientifiquement cettedémarche et la laïcise complètement.

Pour aider ses patients à faire face à leurs souffrances, il met au point deux méthodes :

- la(MBSR)méthode de " réduction du stress basée sur la pleine conscience", et

- une autre thérapie plus cognitive qui s'adresse aux personnes souffrant de dépression sévère, laMindfulness-Based Cognitive Therapy. C'est cette thérapie cognitive basée sur la pleine conscience qu'utilise lepsychiatre Christophe André.

De nombreuses études scientifiques montrent que la Pleine Conscience est bénéfique pour notre santé, notrecapacité de concentration, notre équilibre émotionnel, mais c'est surtout sa pratique qui fait du bien.

C'est plus une "façon d'être" qu'une technique où il faudrait se tenir assis, sur un coussin ou sur un tapis; c'esthabiter le réel autrement que de façon automatique.

La PC est une base et non pas un ressourcement spirituel. Pour Jon Kabat Zinn, c'est une unité psychophysique qui nécessite une préparation et un entraînement régulier.

Par l’entraînement, il a apparition en nous "d'un observateur" : une partie de la conscience qui devientcapable d'observer les pensées, les émotions qui arrivent. L'observateur, dans une attitude d'accueil bienveillante,produit une sorte de mise à distance où on ne se laisse pas piéger par les émotions et entraîner par nos pensées,nos ruminations, car on réalise qu’elles ne sont, en fait, que ce qu'on décide d'en faire. Alors on devient fort de lafragilité qui nous habite. Car on développe de la compassion pour soi-même et envers les autres en reconnaissantla difficulté d'être pleinement libre et conscient.

Le livre « Méditer jour après jour » est accompagné d'un CD qui nous aide à commencer, à continuer et àrevenir à la pratique de cette pleine conscience.

Ce n'est pas du tout de la relaxation, on ne cherche pas un "bien être" absolu en gommant ce qui ne va pasmais on travaille au développement de nos capacités de pleine conscience. Capacité d'attention, d'écoute, deconcentration dans l'instant présent nous apprend à nous sentir vivant et nous aide à être plus ouvert et détenduface aux sollicitations du monde.

Il n'est jamais urgent de méditer, il est juste important de prendre le temps de le faire régulièrement. Méditer c'estcomme marcher dans la nature, regarder passer les nuages, écouter le bruit du vent, etc.

Ce choix de prendre le temps de méditer est une proposition pour lâcher le passé et le futur et de nous tournerdoucement vers l'instant présent.

Dans cette pratique de PC nous renonçons à trois automatismes qui emprisonnent notre mental :

- renoncer à la tendance à tout juger, si c'est bien ou mal pour observer simplement ce qui vient, ce qui est réellement.

- renoncer à obtenir quelque chose de précis, mais être présent à ce qui se passe ici et maintenant.

- renoncer à choisir et tout accueillir en nous.

Les exercices proposés peuvent être pratiqués assis, yeux fermés, mais aussi debout ou allongé.

Dans ce manuel « Méditer jour après jour »,

Cinq méditations de base permettent de suivre notre respiration, de prendre conscience de son corps,d'accueillir les sons, d'observer et de se détacher de ses pensées et de s'ouvrir à l'expérience de l'instantprésent.

8 Maitre Zen, moine bouddhiste vietnamien de 89 ans, un des promoteurs les plus connus du bouddhisme en occident, quel'on peut encore rencontrer et écouter au village des pruniers en Dordogne.

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Quatre méditations plus avancées nous permettent de nous situer face au corps douloureux, à la souffrance, àstabiliser les émotions et de prendre conscience de la douceur et du bonheur, et de construire la paix par desliens d'amour.

- Centrés dans le présent, nous neutralisons nos ruminations sur le passé ou le futur, on évite le piège de selaisser aller ainsi à toute tristesse, angoisse et peurs. On accueille la joie et nous construisons une nouvelleattitude face aux émotions (pourquoi ai-je cette pensée ?).

- Nous développons une capacité d'attention qui régule le niveau des émotions. Dans les émotions, lasouffrance a tendance à modifier les perceptions de notre vie. Ce qui change, c'est la façon de les ressentir .On lesaccueille sans qu’elles nous entraînent et nous voilent le réel.

Voici quelques phrases du livre qui illustrent les différentes leçons :

Leçon 1 « Vivre l’instant présent » :

(page 26) méditer en pleine conscience, ce n’est pas analyser l’instant présent […] c’est l’éprouver, le ressentir, de toutson corps, sans mots.

(page 28) La pleine conscience nous apprend que l’expérience est aussi importante que le savoir […] l’expérience,comme voie d’accès au réel, ne remplace pas le savoir, la raison ou l’intelligence, mais elle les complète

Leçon 2 « La respiration au cœur de la méditation » :

(page 32) Depuis toujours, la respiration occupe une place centrale dans les pratiques méditatives : c’est le moyen leplus puissant pour se connecter à l’instant présent, ou pour s’apercevoir qu’on a du mal à se connecter. On peut sepacifier par le souffle […] lorsqu’on va mal, lorsqu’on souffre d’anxiété ou de dépression, on respire mal

Leçon 3 « méditer avec le corps » :

(pages 44-49) les non-méditants pensent souvent que la méditation est une pratique seulement psychique. Quelleerreur ! C'est une pratique éminemment corporelle. La PC repose sur une expérience respectueuse des sensationscorporelles […] Il ne s'agit pas de penser à son corps, de juger ce qui s'y passe, d'essayer de la détendre ou des'agacer envers lui, mais d'entrer en contact avec lui […] Prendre notre corps comme centre de gravité de l'expériencede l'instant présent. Souvent, nous le traitons comme un outil […] mais il peut bien plus pour nous car […]i l est laporte de l'esprit. Corps et esprit ne sont ni la même chose ni deux choses séparées : ce sont deux réalités différentesmais très étroitement connectées […].

p48.Le corps a des capacités d'auto-réparation. La PC n'est pas une recherche de bienfaits et de réparation, mais laméditation semble avoir un effet frein sur le vieillissement cellulaire, en agissant sur les télomères, ces petitscapuchons qui se trouvent à l'extrémité de nos chromosomes.

Leçon 5 « Observer ses pensées » :

(page 66) La psychologie à la première personne, introspective ou phénoménologique, a longtemps étédéconsidérée : comment prétendre être juge et partie ?« On ne peut pas, disait Auguste Comte, se mettre à la fenêtrepour se regarder passer dans la rue » En matière de conscience, c’est pourtant possible : il faut juste beaucoup,beaucoup d’entraînement.

Leçon 6 « A propos des émotions » :

(page 80) La pleine conscience va à l’encontre de notre tendance naturelle à retenir l’agréable et à repousser ledésagréable. C’est pour cela que les séances et les exercices ne sont pas toujours des moments confortables (encoreune différence avec la relaxation). Dans la pleine conscience, on accueille les ressentis émotionnels négatifs etdouloureux, on leur permet simplement d’être là. Ainsi, plutôt que de vouloir chasser sa tristesse ou résoudre soninquiétude, on commence d’abord par accepter leur présence […].

Les patients anxieux ou déprimés n’aiment pas qu’on leur dise de […] permettre à leurs affects d’être là. […] ça leurfait peur « Si j’ouvre les vannes et si je baisse la garde, je vais me faire engloutir par la souffrance » Mais non,rassurez-vous […] Je pourrai plus facilement réfléchir à mes inquiétudes si j’ai reconnu et accepté mon angoisse.

3) Exemples de pratique de la « Pleine Conscience » en France, dans des centres spirituels, à l'hôpital, àl'école (chez les jésuites), en entreprise.

a) À l'abbaye Sainte-Croix à St Benoît(86), un pôle de méditation est ouvert aux croyants et aux non-croyantsdepuis le 1er Septembre 2014. À la demande de l'Archevêque de Poitiers, Patrice Gourrier, prêtre et psychologueclinicien a crée et anime ce centre en distinguant deux axes

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- un axe thérapeutique, totalement laïc avec des sessions de méditation de pleine conscience(Mindfulness/MBSR).

- un axe spirituel qui propose des sessions de méditation fondées sur la mystique des Pères du désert et leurexpérience de la méditation silencieuse.9

b) À l'hôpital St Anne depuis une dizaine d'année et ponctuellement à Cochin et surtout dans le secteur privé,les vertus thérapeutiques de la PC sont reconnues et utilisées. C'est surtout le programme appliqué au stress (laMBSR) qui est pratiqué en rhumatologie au CHU de Strasbourg, en néphrologie à la Pitié-Salpêtrière, au sein ducentre anticancéreux de Gustave-Roussy à Villejuif et à l'hôpital européen Georges Pompidou.

Pour l'instant, la méditation n'est pas inscrite au Code de la santé publique et est considérée comme unepratique non conventionnelle. Par conséquent, les séances ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale.10

Mais le personnel soignant souhaite également utiliser la PC et se former. Pour JG Bloch11, cette demande esttout à fait justifiée car

l'hôpital affronte de manière amplifiée ce qui se passe dans la société : la diminution des effectifs, la surtechnicisationdes tâches, l'augmentation des charges administratives, la déshumanisation progressive."

Au Canada depuis janvier 2015, les cours de « pleine conscience » sont obligatoire pour les étudiants enmédecine.

c) À l'école.

Danièle Granry est directrice de l’école maternelle et primaire jésuite Le Caousou, à Toulouse. En 2005, elle a lancéau sein de son équipe une réflexion sur l’éducation à l’intériorité. Deux ans après, des enseignants commençaientà initier leurs élèves à la méditation. Aujourd’hui, dans cet établissement qui accueille près de 700 élèves, huit classes,de la moyenne section au CM2, y puisent régulièrement de quoi apprendre à mieux se connaître. Un quart d’heure derespiration et visualisation le matin, trois jours par semaine. Une séance plus longue pour ouvrir la semaine. Ou troisquarts d’heure de « dialogue contemplatif » tous les 15 jours […]

« Nos temps de méditation sont laïques, pour être accessibles à des enfants non pratiquants et parfoisnon chrétiens. Mais ils font partie de la pastorale. Si l’on ne se connaît pas de l’intérieur, on ne peut pas aller plus loindans l’expérience de la foi. On voit d’ailleurs des enfants qui après la méditation semblent demeurer dans uneincroyable qualité de recueillement, de prière 12 »

d) En entreprise. Dans l'enquête « pour ou contre la méditation en entreprise ? », les propos recueillis par lajournaliste Amélie Duhamel sont partagés. Pour les uns, la pratique de la PC est « une ouverture formidable quirenforce le tissu social et le vivre ensemble », et pour d'autres, elle n'est qu'un outil de management au service dela productivité, elle n'est qu' « une diversion pour canaliser les tensions professionnelles au lieu et place debénéfices plus concrets, salaire ou congés […] et peut même mener à des dérives sectaires auxquelles laMiviludes est d'ailleurs très attentive. » 13

Il est donc admis que la méditation, pour qu’elle puisse délivrer ses bienfaits psychoaffectifs incontestables,soit enseignée par des personnes compétentes et aux intentions explicites.

Conclusion

En nous redonnant la capacité d'être conscient de l'instant et de nos sensations, de se tourner vers l’intérieur etde reconnaître nos pensées et sentiments difficiles (tristesse, colère, confusion, sentiment d’inadaptation), laPleine Conscience constitue la première étape de la guérison émotionnelle.

- Dans notre monde sécularisé, nous avons vu qu'une pratique "laïcisée" de méditation que l'on nomme alors« pleine conscience » est très utile car elle laisse la liberté à chacun d'y percevoir (ou non) la visée spirituelle9 Lire l'article dans le Hors Série du journal la Vie de novembre 2014 sur les secrets de la méditation.10 ibid11 Médecin rhumatologue et instructeur de MBSR est à l'initiative du diplôme universitaire de médecine, méditation et neuroscience àl'université de Strasbourg.12 http://www.jesuites.com/2015/04/a-lecole-le-caousou-on-developpe-la-meditation/13 Hors Série du journal la Vie de novembre 2014, p 30-31.

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originelle. La méditation n'est pas un "must", mais une aide sur le chemin de connaissance de soi, un tempspréparatoire, une disposition intérieure. Pour certains, ce peut-être une étape importante pour mieux accueillir etintégrer la Parole de Dieu.

- Personnellement, la pratique de pleine conscience m'aide à "ancrer" physiquement et dans le présent, mapratique d'oraison personnelle, et ma prière en assemblée. La prière ne résume pas à elle seule toute l'expériencespirituelle, mais elle est l'attitude qui me permet d'unifier toute ma vie intérieure, mes relations aux autres et àl'environnement.

- En tant que kinésithérapeute, j'ai déjà utilisé certaines techniques de gestion du stress, dans le cadre duréentraînement à l'effort des coronariens en cardiologie au CHU de Nantes mais cette lecture me donne envie decontinuer à approfondir et pourquoi pas à me former à la méditation pleine conscience. D'autant plusqu'aujourd'hui, à travers mes études de théologie, des liens intéressants apparaissent. Je suis en effet très sensibleà l'approche phénoménologique du philosophe Emmanuel Falque qui propose une nouvelle façon de « com-prendre Dieu » grâce à l'expérience du corps, de la voix, pour être dans la conscience et dans l'accueil de notrefinitude […] et de sa possible métamorphose.14 […]de sa résurrection dans la figure du Christ transfiguré.

DISCUSSION

Françoise MASNOU : Nathalie dans son exposé sur le livre de Christophe André insiste sur le changement deparadigme. Je note la continuité avec ce que nous avions travaillé en septembre dernier : il remercie Jon Kabat-Zinn et Mathieu Ricard au début de son livre.

Philippe LESTANG : Ce qui me frappe, à tort ou à raison, c'est que je sens dans tout cela, malgré tout, un aspectvolontariste. Le volontarisme est un peu le contraire de ce qui me paraît nécessaire pour la relaxation.Personnellement j'ai une autre approche de la relaxation.

Nathalie SAINT-CAST : La méditation pleine conscience n'est pas une méthode de relaxation. Le but recherchén'est pas d'atteindre un état de bien-être. La « Pleine Conscience » c'est être attentif à ce qui arrive à laconscience. C'est aussi accueillir et accepter d'avoir mal. C'est donc une autre approche que les techniques derelaxation.

Françoise MASNOU : Il insiste beaucoup sur le lâcher-prise.

Nathalie SAINT-CAST : On retrouve cela en phénoménologie: on apprend à entrer davantage dans le réel. Jean-Paul BANQUET : Merci, Nathalie, pour ta présentation Je fais simplement deux remarques. D’abord, vunotre position d’utilisateurs, je ne pense pas qu’il soit judicieux d’opposer des traditions qui ne sont pas lesnôtres, pire encore en qualifiant l’autre de secte. Il est clair que l’on parle plus aisément de ce dont on a uneexpérience concrète. Mais la méditation transcendantale n’est pas plus sectaire que le gourou bouddhiste auqueltu as rendu visite dans le Sud de la France. Il peut toujours y avoir des dérives. Celui qui veut se convertir aubouddhisme ou à l’hindouisme, c’est autre chose. Mais on peut très bien utiliser ces techniques de façon ‘laïque’puisque nous sommes en France, et personne ne nous demandera des comptes. Elles ont des approchesdifférentes. Elles peuvent se manifester par des résultats biologiques différents, justement en fonction de cesvoies d’accès à la conscience, comme le montrent ces activités électriques delta inhabituelles chez ces religieusesCarmélites. Cependant globalement, les résultats comportementaux et cliniques sont comparables en termes deconfort de vie, de facultés d’attention, et de réaction face à la douleur.Il faut cependant souligner que chez certains malades mentalement fragiles et enclins aux activités délirantes ouaux hallucinations, elles doivent être utilisées avec précaution , il faut avancer à pas mesurés.Avant les années 80 des recherches importantes biologiques, électroencéphalographiques, psychologiques etcliniques entre autres avaient été réalisées.

14 E. Falque, métamorphose de la finitude. Essai philosophique sur la naissance et la résurrection, Paris, Cerf,2004.9/22

Dans les années 80, à l’hôpital de jour La Rochefoucauld à Paris, j’ai utilisé une méthode de méditation, enassociation avec d’autres démarche thérapeutiques, le hatha-yoga, la diététique en particulier, pour libérer desmalades psychiques et psycho-somatiques de l’emprise délétère que peut présenter la chimiothérapie chronique,les neuroleptiques en particulier, sur le bon fonctionnement du cerveau. C’est un mode d’addiction assezcomparable à celui des toxicomanies.Pour nous chrétiens, il n’est pas évident de christianiser ces méthodes. Et l’Église a longtemps exprimé desréticences envers elles. Mais au moins par l’intention, il est possible d’en faire une pratique religieuse et uneprière.

NSC : Non, je me suis mal exprimée, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je ne souhaitais pas citer la MéditationTranscendantale en particulier. J'ai juste eu des échos de personnes très suspicieuses, mais comme partout, il peuty avoir des dérives. Il y a vraiment une grande ouverture à ces techniques de la part des autorités religieuses, maisla vigilance et un discernement est souhaitable pour éviter également tout syncrétisme.

Jean-Paul BANQUET : Le deuxième point, le fait d’être observateur de ses états de conscience n’est pas lepropre de la méditation. C’est une sorte de metacognition ‘online’ et c’est une faculté propre à l’homme, endehors de tout état méditatif. La méditation facilite ou accentue sans doute ce processus de l’observateur observé.Mais ce qui est plus spécifique de la méditation à l’état pur, c’est l’expérience d’un état d’éveil ‘extralucide’malgré l’absence d’un support mental de quelque nature qu’il soit. À un stade avancé, cet état d’observateurs’invite occasionnellement au cours des phases du sommeil profond et/ou du sommeil paradoxal au cours desrêves. Jean-Claude BREMAUD : Le Dalaï Lama se soumet régulièrement à des examens avec électrodes. MatthieuRicard, également. Lui, il fait partie d’une étude longitudinale. Un ouvrage, « Le cerveau de Bouddha », (2012,Les Belles Lettres), préfacé par Christophe André, développe une approche neuroscientifique : la situation deméditation modifie des éléments chimiques dans l’organisme. La méditation déclenche une pacification del’esprit. Certaines personnes disent que la méditation les a transformées, qu’elles ne sont plus les mêmes qu’il y a5 ou 10 ans. À l’ANAS (Agence Nationale d'Art Sacré) d’Évry, dans les m2 laïques de la Cathédrale, tous les 15,jours une séance de méditation, ouverte à tous.

Bernard SAUGIER : C'est à propos du rapport à l'entreprise. J'ai compris que pour certains syndicalistes, laméditation pourrait être un outil de management de la direction permettant d'éviter des discussions sur des sujetsconcrets comme les salaires, la durée du travail, les promotions etc. Voici ma question : si la méditation a le venten poupe aujourd'hui, ne serait-ce pas à cause du sentiment d'impuissance qu'on a devant l'évolution du monde ?Il semble qu'au lieu de chercher à changer le monde, on va chercher une forme d'harmonie avec soi-même et avec

les autres, mais en perdant de vue l'objectif qu'avaient les socialistes de la fin du 19e siècle, et qui était detransformer la société.

NSC : Je pense que quand on se transforme intérieurement, on transforme le monde extérieurement. Il y a une pacification. Chez les gens qui méditent régulièrement cela se sent. Ce sont des gens plus détendus, qui ont un autre rapport au corps, qui sont moins conditionnés par leurs structures mentales.

Jean-Paul BANQUET : Il est illusoire de vouloir changer le monde s’il n’y a pas à l’intérieur de soi un minimumd’unité. Notre action sur le monde serait alors superficielle. Je pense que la méditation peut amener cetteunification intérieure. Ce n’est pas nécessairement un retrait de la vie active, mais le respect d’un certain rythme,un mouvement de va-et-vient de l’intérieur vers l’extérieur. Si l’être est en permanence branché sur l’extérieur, lecorps et le mental s’épuisent et il ne reste plus rien à donner. C’est ce que l’on constate actuellement dansbeaucoup de couches de la société, le milieu des affaires, de la politique. Et le syndrome de burn-out est présentécomme un titre de gloire, un trophée de guerre, alors que c’est le syndrome le plus criant d’un profond mal-être,d’une fuite de soi. Il faut absolument préserver ce mouvement de flux et de reflux de l’intérieur vers l’extérieur.S’il n’y a pas cette démarche de ressourcement, changer le monde d’accord mais vers quoi, dans quelledirection ? Il y a bien sûr le danger de se retirer complètement, mais est-ce vraiment un danger ? C’est ce que fontles Pères du désert, mais c’est pour aller vers Dieu. En dehors de toute pratique de la méditation, c’est une loi

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générale qu’ont comprise beaucoup de philosophes et de sages en quête de paix intérieure, à commencer par leChrist qui s’est retiré pendant quarante jours avant de se lancer dans sa vie publique.

NSC : Il y a des recherches actuellement sur le cerveau. On s'aperçoit que nous sommes crées grâce auxinteractions avec les autres et en relation avec les autres cerveaux. Si un cerveau commence à fonctionnerdifféremment, il « impacte » les autres. On sort du dualisme corps esprit et on découvre une autre compréhension,un autre rapport aux autres.

Jean-Paul BANQUET : Oui, mais ce n’est pas automatique, c’est une recherche volontaire. On peut méditer touten restant égoïste.

Jean-Claude BREMAUD : Le dernier livre de Matthieu Ricard s’intitule : « Plaidoyer pour l’altruisme », (2013, Essai Poche.) Faire de la méditation, c’est s’ouvrir aux autres.

NSC : Oui, avec compassion. Les chrétiens redécouvrent la mystique. Aujourd'hui on redonne place àl'expérience spirituelle, à l'expérience de la Miséricorde de Dieu où l'incarnation de l'Amour vient faire sens.La Sagesse s'incarne dans notre expérience d'être humain.

FOI ET DELIVRANCE. LE CHRIST THERAPEUTEpar Hubert Thomas,

exposé de Françoise Masnou-Seeuws

L’auteur, Hubert Thomas, est moine bénédictin à Wavreumont-Stavelot, et atravaillé dans un centre de soins pour toxicomanes.

Pourquoi ce livre ? En couverture, l’auteur a mis des images anciennes demoines accueillant des malades, des exclus comme traditionnellement l’ont faitles monastères, avec cette inscription « Qu’ils soient reçus comme le Christ ».Dans son introduction, l’auteur écrit :

Longtemps j’ai cru que Jésus s’adressait aux gens « normaux » et sansproblèmes, qu’il proposait somme toute un idéal, une image de réussite plusvalorisante. De longues années de travail auprès de gens blessés, des drogués,des alcooliques, l’écoute de personnes séparées et divorcées, m’ont conduitailleurs. Mon propos ici serait d’évoquer ce changement, [...] en ouvrant despistes. La vie spirituelle en nous se développe à travers une lente imprégnationde tout ce qui porte l’Évangile.

En fait, le livre est fondé sur son expérience de soin accordé aux démunis,déviants, exclus, perdus hors des chemins de raison. Il s’appuie sur l’Évangile :« Je ne suis pas venu pour les bien-portants mais pour les malades » ou bien

« Les aveugles voient, les sourds entendent, les morts ressuscitent ».

Son propos est de montrer que l’Évangile s’adresse directement à tous ceux qui souffrent. Le Christ est venusur la terre des hommes pour en faire « une terre de vivants ». Libérateur, il est aussi celui qui soigne.

Pourquoi l’avoir choisi : je pense à tous nos collègues chercheurs qui souffrent de dépression. Jem’intéresserai surtout à la première partie, qui parle du soin.

I . PREMIÈRE PARTIE : LE SOIN DE L’HUMAIN

Chapitre 1 : le Christ thérapeute.But : montrer les liens entre la démarche spirituelle et celle de la thérapie. Attention, ce n’est pas le même

propos que Françoise Dolto. Mais on tient compte de l’apport de Freud. Trois révolutions : Copernic, puisDarwin, puis Freud. Pour ce dernier, le soleil de la raison n’est pas tout-puissant, chacun de nous est habité par del’ombre, qui agit à son insu sur les moindres actes de la vie.

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La réflexion porte sur ce qu’est la rencontre avec le Christ : le Christ appelle à la foi, plus qu’il ne promeut descroyances. Et la foi, c’est l’ouverture à la vérité dans sa vie. Il s’agit d’en finir avec la scission entre la foi et lavie, où peuvent s’enliser les meilleurs chrétiens. Il faut dégager une foi de confiance, qui recompose toute ladynamique d’une vie ;

Parler du Christ thérapeute, c’est quitter une figure lointaine pour une figure en prise avec la réalité deshommes, leurs blessures, leurs limites.

Chapitre 2 : L’Évangile, idéal ou religion ?

L’Évangile-idéal peut devenir une dérive, une perversion. En fait, l’Évangile interpelle l’homme là où il est« Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades ». Le Christ reprend à son compteune ligne de force qui traverse la Bible de part en part : le choix entre la vie et la mort. Une position pessimiste,dépressive, ne peut-elle pas vous mettre en permanence dans une mort à petit feu ?

Chapitre 3 : La Parole qui guérit.

Il s’agit de rechercher une parole qui, en nous, fasse sens, soit source de lumière, de foi, de courage d’être :l’homme la trouve laborieusement, à travers mille tâtonnements, fatigues, détours. L’homme reçoit la parolecomme un don, il s’ouvre au travail de la parole, qui fait la clarté en lui. Il se met à percevoir tout ce qui àl’intérieur de lui est illusions, mensonges, refus. Il se rend compte que, privée de ce don, sa vie a un goût demort.

Chapitre 4 : Les guérisons.Jésus n’est pas seulement un homme de parole, il guérit les malades, les remet debout ; il leur redonne une

place dans la société. Les guérisons sont chargées de symbolisme : dans leurs détails concrets, elles indiquent desmaladies qui ne sont pas seulement de ce temps-là. Voir la guérison d’un homme possédé dans Marc 5 1-20 : cethomme s’est réfugié dans un cimetière, il a retourné la violence contre lui-même, il est éclaté en de multiplesmoi. Il devra retrouver le chemin vers son propre nom, assumer sa propre agressivité. La vie va reprendre pieddans des zones de l’individu qui avaient été colonisées par le mal. C’est l’homme tout entier qui doit être guéri :certaines guérisons font intervenir le pardon du péché. Le péché est ce qui divise, qui dé-symbolise. Jésussollicite toujours la foi pour opérer la guérison : cela veut dire qu’il implique toujours le souffrant au niveau dela confiance.

Les récits font souvent mention de déplacement : il faut être vivant, il faut se déplacer. Selon Hubert Thomas,les guérisons sont une part essentielle du message évangélique : « Lève-toi et marche » apparaît comme unnouveau commandement.

Chapitre 5 Possession et dépossession dans l’Évangile. Jésus guérit des possédés en vue de leur rendre l’autonomie personnelle. Faut-il démythologiser ces textes ?

Ou, au contraire, réaliser que nous pouvons être possédés par l’alcool, la drogue, l’argent, la sexualité, la jalousie.

Le travail de l’Évangile est un travail de dépossession, de désaliénation (théologie de la libération,Christ libérateur). Déposséder signifie rendre à l’homme sa liberté, sa capacité de choisir, de reprendre sa vie enmain. Il faut écarter l’utilisation de l’Évangile comme une norme de jugement où, au lieu d’être invités à vivre,les chrétiens seraient invités à se conformer.

Chapitre 6 : Psychothérapie et vie spirituelle.

Ne pas les confondre, mais mettre en lumière les points communs. L’expérience religieuse recherche finalitéet sens, la psychothérapie aide le sujet à prendre conscience. Dans les deux cas, la parole est importante :« proférer pour se trouver » disait Marcel Légaut, quand il s’agit de redire l’Évangile avec sa propre parole. Dansles deux cas, on s’intéresse au désir : comment s’est-il structuré, qu’est-ce que je vais en faire. Françoise Doltomontre que Jésus initie au désir : au fond de la difficulté de vivre, il y a toujours une carence au niveau de la foi.Si je perds contact avec mon désir, la peur de vivre s’installe, avec repli sur soi, angoisse, phobies. Les péchés dequelqu’un disent quelque chose sur son désir. Il y a bien des pulsions dans l’Évangile : sexualité, agressivité, goûtdu pouvoir, de la richesse. Convertir le désir ne signifie pas nier les pulsions : Jésus, thérapeute du désir, appelle à

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un déplacement de celui-ci : choisir l’ouverture au lieu de la fermeture, la vie au lieu de la mort et du meurtred’autrui, faire de la place à l’autre, renoncer à l’illusion de la toute-puissance. Enfin, en psychothérapie commedans la voie chrétienne se pose la question des relations. Qu’est-ce qui se joue d’inconscient dans les relationsque je noue ? Comment dénouer les nœuds étouffants ?

Chapitre 7 : Va, ta foi t’a sauvé.

La question de la souffrance est la question numéro 1 de la condition humaine. Jésus vient guérirl’homme, dans le quotidien de ses blessures, de ses meurtrissures. Il s’agit de choisir la vie, de retrouver lecourage d’être. Jésus s’adresse à des gens malades, diminués, minorisés, exclus. « Va, ta foi t’a sauvé » signifie« Tu as pu retrouver en toi des ressources de confiance, de courage, un chemin s’ouvre, vas-y ! ». Dire « TA » foiimplique guérir du désir mimétique, de l’inquiétude de n’être pas comme les autres. Jésus tire les gens del’anonymat, de la foule « Qui m’a touché ? », « Quel est ton nom ? »

Chapitre 8 : La peur et la foi .

L’Évangile dit qu’on peut surmonter ses peurs : peur de mal faire et de se tromper, peur de rester enfermédans son péché, peur du qu’en dira-t-on. Il faut permettre aux gens de passer d’une version compacte et rigide deleur existence à une version plus souple, plus vivante. On peut affronter le jugement d’autrui, l’angoisse de n’êtrepas comme les autres (René Girard) : ce qui importe n’est pas le jugement mais la confiance redonnée. Jésusinvite au non-jugement : ne pas réduire quelqu’un à une faille, une faute ; ne pas se réduire soi-même à cettefaille. Au contraire d’une atmosphère de jugement mutuel, suscitant méfiance et crainte, l’esprit de l’Évangileappelle à créer des relations de confiance. La parabole des talents dénonce la peur aliénante de se risquer et des’exposer chez celui qui va enterrer son talent. Il ne faut pas vivre à l’ombre de la mort : l’Évangile appellechacun à vivre selon ce qui le fait vivre et non selon ce qui le fait mourir

Chapitre 9 : Les crises de la vie et la vie spirituelle.

Nombreuses crises dans une vie : maladie, handicap, alcoolisme, perte d’un être cher, séparation, difficulté àassumer une responsabilité. Ces crises sont inévitables, elles relèvent de la complexité de la vie. Le risque est dechoisir une vie traversée par la peur fondamentale de vivre, qui se barricade et se protège sans cesse contre ce quipeut venir l’affecter. Au contraire, les crises peuvent être un lieu d’approfondissement personnel, un appel àaccueillir, à écouter. Mais pour porter les crises de la vie, une vie spirituelle est nécessaire, on a besoin d’undiscernement spirituel : or très souvent la vie spirituelle ordinaire s’est débranchée de l’expérience humaine del’intériorité. En Occident, on a dissocié l’expérience religieuse de l’expérience psychique, on a perdu la vertusymbolique de la religion.

Toute crise appelle le soin. Il s’agit de faire droit à une dimension de l’homme qui est autre encore que soncorps et son psychisme, la troisième part de l’homme, sa dimension spirituelle. C’est ce par quoi l’homme peutassumer et porter sa condition d’homme, y compris la détresse et la mort, afin de ne pas en être écrasé. HubertThomas cite alors un texte du théologien Drewerman, dans « La Parole qui guérit » :

Nous nous adressons sans cesse aux gens comme s’ils étaient définitivement sauvés, et nous dogmatisons sur desconditions qu’on n’a jamais éprouvées psychiquement. C’est bien ce que veut dire névrose obsessionnelle :considérer comme achevées des personnes qui, à ce titre, n’ont plus la permission de tâtonner pour trouver elles-mêmes leur chemin. Je tiens donc à bien le dire : la communauté ne peut exister de façon crédible qu’en autorisantl’individu à vivre.

Hubert Thomas pose alors la question : N’y a-t-il pas quelque part un effondrement du christianismequand on désespère que l’amour puisse par lui-même sauver l’homme ? Qu’est-ce que le soin de l’hommechez Jésus ? Sa parole et son action guérissent en rassemblant ce qui est séparé et divisé : Jésus travaille contrel’exclusion et l’isolement. Dans la guérison du démoniaque, il lui fait retrouver son nom propre. Il se confronte àla puissance meurtrière qui avait fait voler son désir en mille morceaux (légion) L’action de Jésus est de remettrela puissance du désir de cet homme dans le bon sens.

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II . DEUXIÈME PARTIE : REMETTRE EN CHEMIN

Chapitre 1 : L’Évangile est voie.

« Va » signifie « Que ta vie aille quelque part » ; il faut créer des chemins nouveaux, inventer des pistes :c’est ce qui est suggéré à la femme adultère « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pècheplus ». Nouveau chemin, en te séparant de ce qui peut être pour toi chemin de mort. Rappelons qu’avant d’êtreappelés « chrétiens », les premiers disciples étaient appelés « adeptes de la Voie »

Chapitre 2: Pour trouver sa voie.

C’est un défaut grave de notre monde occidental d’avoir ramené le chemin de l’homme à sa profession « Quefait-il ? ». Nous mettons tout notre trésor dans la carrière, la compétition, la concurrence : il y a une érosion desvaleurs morales et spirituelles.

Chapitre 3 : La traversée.

Décrit diverses étapes du parcours spirituel : l’écoute, faire la vérité, quel chemin choisir, quelles sont lesséparations nécessaires : vivre, c’est toujours avoir à se séparer (pas de couple viable sans séparation desparents… )

Chapitre 4 : Vers l’autre rive.

Beaucoup d’hommes et de femmes blessés – couple cassé, famille dispersée, travail perdu, alcoolisme – n’onttrouvé personne à qui parler au moment où cela leur arrivait. Nous devrions apprendre à accompagner l’autredans ces passages difficiles. Jésus se trouve là où les hommes et les femmes ont à faire un passage « Je suis laVoie, le Chemin et la Vie ». Comme dans l’épître aux Hébreux, on peut dire que Jésus a partagé la conditionhumaine afin de délivrer ceux qui, par crainte de la mort, passaient toute leur vie dans une condition d’esclaves.

Chapitre 5 : Aller vers les commencements.

Pas de texte écrit par Jésus : seule compte sa présence personnelle qui a un effet de vérité et de vie surl’homme dans son monde quotidien.

Chapitre 6 : D’exil et de commencement.

Remettre l’Évangile dans les commencements de notre être, là où se fait la genèse profonde de notre désir. Dequelque manière, nous sommes tous pris aux filets d’une certaine séduction des idoles, et détournés de ce qui estvrai et simple. L’Évangile, c’est quelqu’un qui naît à sa propre parole : tant d’hommes et de femmesaujourd’hui souffrent non point de trop parler mais de parler au moyen de morceaux de langage fabriquéspar d’autres.

Chapitre 7 : La conversion.

Cette idée de conversion, très présente dans la Bible, est tombée en désuétude. On pourrait peut-être employerle mot de déplacement ? Se convertir, c’est devenir plus humain, c’est choisir la vie : il s’agit alors d’un enjeuthérapeutique. Cf le Deutéronome, 30, 19 :

J’en prends à témoin aujourd’hui contre vous le ciel et la terre, c’est la vie et la mort que j’ai mises devant vous, c’estla bénédiction et la malédiction. Tu choisiras la vie pour que tu vives.

Choisir d’entendre les appels plutôt que de s’y fermer ; choisir d’être dans le jeu de la vie et pas en dehors :l’appel à choisir la vie suppose qu’il y ait de la place dans la vie. « Vas-y, il y a de la place pour toi, tu n’es pasexclu ! Il y a du jeu au-delà de ton enfermement ! » Que serait un choix de mort ? Choisir à la place de l’autre, oulaisser l’autre choisir à ma place, ou rester figé à ma place, sans bouger. L’idole est ce sur quoi l’homme a lamaîtrise, le pouvoir et la domination. Se détourner des idoles et accepter l’alliance avec le Dieu vivant revient àaccepter la distance. Se convertir est une naissance, un passage. La conversion est aussi de l’ordre du lâcher

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prise : on ne peut tout contrôler, tout maîtriser. L’auteur cite un texte d’Anselm Grün, (p. 117 dans « Petiteméditation sur les fêtes de Noël », Paris, Albin Michel, 1999)

Le bœuf au front buté et l’âne croulant sous la charge sont l’image d’attitudes existentielles que nous connaissonstous. Souvent, nous suivons notre chemin de manière butée, sans regarder ni à droite ni à gauche. Et nous noussurchargeons parce que nous ne voulons pas ou ne pouvons pas prendre la mesure de nos forces. Dans notre piétélégaliste, la naissance du Christ apporte l’esprit d’enfance. L’enfant n’a pas le sens de la loi ; dans la spontanéité deson amour, il fait fi de toute légalité. Il n’a pas non plus le sens de la charge idolâtre, des efforts de l’ascèse que nousnous imposons à nous-mêmes et par laquelle nous pensons contraindre Dieu à descendre vers nous, et pouvoir fairede notre ego une idole. L’enfant prend tout avec légèreté. Loin de nous imposer des charges, il nous enseigne lalégèreté de l’être »

Chapitre 8 Qui est l’autre ?

Chapitre 9 La plainte d’être né.

Troisième partie : Dieu est dans l’ouvert.Quatrième partie : Inventer un langage.

POINTS COMMUNS AVEC L’EXPOSE DE NATHALIE : confiance - non-jugement - laisser du jeu, lâcher-prise - déplacement et conversion – vérité - faire la clarté en soi - laisser de la place pour l’autre - chercher EN SOI les ressources - écarter la tentation de se conformer, de répéter les paroles d’un autre - nécessité d’une vie spirituelle pour affronter les crises.

DIFFERENCES : Lève-toi et marche, accueil de l’Esprit Saint.

ACCOMPAGNER L'HOMME BLESSE,Groupe de Fontenelle

exposé de Françoise Levesque

Deux mots d’un livre intitulé : « Accompagner l’homme blessé », co-écrit par une équipe composée (dansl’ordre alphabétique) d’un médecin psychiatre, d’un psychologue clinicien, de deux coachs (une femme, unhomme), d’un moine, d’un évêque et d’une consultante. Ils se désignent pas les abréviations de psy, coach et spi.

Ce livre n’apprend pas grand-chose à quelqu’un qui a une petite pratique de l’accompagnement ; or il mesemble qu’en tant que parent ou ami, nous avons tous une petite pratique de l’accompagnement ; et aussi que,baignant dans la culture de notre époque, post révolution psychanalytique, nous avons tous quelques notions depsychologie.

Je ne parlerai pas de beaucoup de pages qui listent des évidences mais j’ai retenu trois points :

1- l’insistance, dès l’introduction, sur le respect, une évidence mais face à une personne déficiente ousimplement différente, socialement, mentalement, ce n’est pas toujours facile. Cette importance du respect estillustrée par une citation du pape François :

L’Église devra initier ses membres à cet « art de l’accompagnement », pour que tous apprennent à toujours ôter leurssandales devant la terre sacrée de l’autre (Ex 3,5).

Nous avons besoin de nous exercer à l’art de l’écoute, qui est plus que le fait d’entendre. Dans la communication avecl’autre, la première chose est la capacité du cœur qui rend possible la proximité, sans laquelle il n’existe pas unevéritable rencontre spirituelle. L’écoute nous aide à découvrir le geste et la parole opportune qui nous secouent de latranquille condition de spectateurs. C’est seulement à partir de cette écoute respectueuse et capable de compatirqu’on peut trouver les chemins pour une croissance authentique, qu’on peut réveiller le désir de l’idéal chrétien,

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l’impatience de répondre pleinement à l’amour de Dieu et la soif de développer le meilleur de ce que Dieu a semédans sa propre vie.

2- Je retiens aussi cette affirmation : « La santé spirituelle ne dépend pas de la santé du corps ou de l’esprit nine l’implique nécessairement. »

Elle est développée de la façon suivante : « Être sauvé, c’est vivre en enfant de Dieu, donc en communionavec Dieu et avec les autres. » Cette phrase explicite ce que le “spi” met derrière ces mots, “ être sauvé ” : notrevie est sauvée quand elle est vécue en relation.

Cette communion peut se vivre indépendamment du bien-être matériel, corporel ou psychologique. De fait, onconstate souvent que des blessures psychologiques peuvent demeurer mais si elles sont mises en lumière, reconnueset acceptées, elles peuvent alors devenir un lieu de fécondité spirituelle...

Ainsi la personne du Christ :

Alors que la souffrance due aux blessures génère fréquemment la fermeture sur soi et provoque une rupture avecDieu et avec les autres, le Christ en fait le lieu de sa communion extrême avec Dieu et avec l’humanité, puisqu’aumoment de mourir sur la croix il prie : “Père, pardonne-leur ; il ne savent pas ce qu’ils font.” (Lc 23, 34)

L’homme est appelé par le Christ à se mettre debout et à avancer, même s’il doit porter – au moins pour untemps – son grabat ou sa croix : « Lève-toi, prends ton grabat et marche ! » (Jn 5, 8) ; « Celui qui veut me suivre,qu’il prenne sa croix et me suive. » (Mc 8, 34)

3- J’ai été frappée enfin, par quelques lignes sur la conversion :

Le mot grec, métanoïa, signifie retournement. L’Écriture, avec les prophètes du Premier Testament, retentit d’appels àla conversion. Cet appel culmine dans la prédication du Christ : « Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle. »L’appel du Christ continue à retentir dans la vie des chrétiens. La conversion n’est pas uniquement le résultat d’uneffort humain, elle est avant tout l’action de l’Esprit Saint au plus profond de nous-mêmes.

Ces quelques lignes qui arrivaient en coïncidence avec un événement vécu par un proche, ont donné au motconversion un sens qu’il n’avait pas pour moi. Il m’est apparu que la conversion, c’est un changement brutal deparadigme (comme en physique). C’est découvrir brusquement une autre façon de voir les choses. Ce n’est pasrevenir à ce qu’on a quitté comme le fils prodigue (on imagine souvent la conversion comme rentrer dans labonne façon de se conduire, revenir à la façon de voir de l’Église), c’est entrer dans un monde nouveau. C’est cedont Max Dorra, professeur de médecine, parle quand il dit : « la sortie d’un montage qui incarcère ».

La conversion, c’est découvrir la vie dans une situation qu’on ressentait comme invivable, c’est éprouver lebonheur d’être aimé et digne d’être aimé quand on est en deuil de quelqu’un qu’on aime ou d’un désir essentiel.C’est entrer dans une relation avec l’amour qui nous habite. Et c’est quelque chose qui nous est donnée (même sielle est sans doute préparée).

Et convertir, c’est faire voir les choses d’une autre façon. C’est ce que Jésus essaie de faire pour les gensvenus l’écouter dans le récit de la guérison du paralytique.

LES MIRACLES DE JESUS Un certain juif Jésus. Les données de l'histoire

par John Meyer.Exposé de Dominique Levesque

Dans le second tome de son ouvrage, intitulé en français « Un certain Juif Jésus », John Meier, présente lepoint de vue d'un exégète sur les récits de guérison relatés dans les évangiles. John Meier est un prêtre du diocèsede New-York, docteur en sciences bibliques de l'Institut Pontifical à Rome. Il est professeur de Nouveau

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Testament à l'Université Notre-Dame (Indiana États-Unis) et son ouvrage qui comporte actuellement 4 volumeset dont le titre anglais est « Jesus, a marginal Jew », est une référence exégétique, comme on dit, incontournable.

Évoquer les guérisons qui sont rapportées dans les évangiles, oblige à se placer dans une perspective oùguérison n'a pas le sens ordinaire ou habituel d'aujourd'hui, d'une meilleure santé, correspondant à une infectionbactérienne ou virale surmontée avec parfois l'aide de médicament. Ni même non plus dans la perspective du sens

que le mot guérison pouvait avoir à l'époque du 1er siècle dans le cadre de la médecine antique. Les récitsévangéliques de guérisons paraissent avoir été dans le passé, et sont encore aujourd'hui considérés commerapportant des événements miraculeux, des miracles.

Pour prendre en compte ce point vue passé et actuel sur les récits de guérison des évangiles, John Meier faitprécéder l'analyse de ces textes évangiles de deux brefs chapitres intitulés, l'un : Les miracles et les mentalitésmodernes et l'autre : Les miracles et les mentalités anciennes. Ces deux chapitres permettent de situer les a-priori

avec lesquelles éventuellement les récits de miracles peuvent être abordés aujourd'hui et au 1er siècle.Aujourd’hui, et c'est l'exemple que prend John Meier, des événements, comme ceux déclarés miraculeux àLourdes, sont analysés par des experts qui concluent à l'impossibilité d'en déterminer la causalité dans l'état desconnaissances actuelles : la guérison est médicalement inexplicable. Libre à chacun, d'en conclure soit quel'explication viendra lorsque les connaissances médicales auront progressé, soit que l'on se trouve face à unévénement relevant d'une intervention divine. Blaise Pascal écrivait déjà à propos des miracles : « Il y a del'évidence et de l'obscurité, pour éclairer les uns et obscurcir les autres. » (Pensées, Section VII 564).

Dans l'antiquité, à l'époque de Jésus, je cite John Meier : « Dans l'ensemble, le monde gréco-romain antiqueétait un monde, où les miracles étaient acceptés comme faisant partie du paysage religieux », bien que descritiques étaient faites vis à vis de l'acceptation trop facile à considérer des événements comme des miracles(cf. Cicéron, De Divinatione). De plus dans le monde antique la pratique de la magie était aussi largementrépandue, elle reposait sur la croyance en des pratiques permettant de manipuler, de faire agir des forcessurnaturelles par des rites ou des sortilèges. La distinction entre miracle, relevant d'une faveur divine ou prodigerelevant de la magie n'est dans le contexte antique pas forcément simple à établir. Les récits de miracles sontnombreux dans la littérature juive autre que évangélique, par exemple ceux concernant les rabbis Honi et Haninaben dosa, et ceux de la littérature hellénistique (ainsi dans la Vie d'Apollonius de Tyane, philosophe sophiste quifaisait partie du cercle philosophique de la femme de l'empereur Septime Sévère). Il y a de nombreusesinscriptions rapportant des guérisons miraculeuses à Épidaure. Pour résumer, dans l'antiquité, miracles etprodiges sont plutôt bien acceptés, même si ces événements peuvent être considérés comme d'origine maléfique,ainsi dans Marc 3,22 :

Et les scribes, qui étaient descendus de Jérusalem, dirent : « Il (Jésus) est possédé de Béelzébul ; c'est par le princedes démons qu'il chasse les démons.

Par rapport aux récits d'événements vus comme miraculeux de la littérature antique, on peut considérer,analyser la spécificité des récits de guérison rapportés dans les évangiles, comme cela est fait par John Meier. Encitant John Meier, voici l'une de ces spécificités :

Tout d'abord, il convient de dire que le contexte d'un grand nombre de ces récits dans tel ou tel évangile est uncontexte de relation religieuse personnelle entre Jésus et les bénéficiaires de ses miracles. Au moins implicitement lecontexte des miracles des évangiles est un contexte de foi, de confiance ou d'attitude de disciple. […] Concrètementcet aspect de relation religieuse personnelle peut varier d'un récit à l'autre et d'un évangéliste à l'autre.

Pour illustrer ces points, le plus simple est de rappeler quelques-uns des récits qui sont présentés comme desévénements miraculeux, des guérisons dans les évangiles. Il y a les récits d'exorcismes qui font référence à desforces maléfiques, démoniaques, et les récits de guérisons de maladie : lèpre, paralysie, cécité, […].

Parmi les récits d'exorcismes, les plus longs et élaborés sont ceux du démoniaque gérasénien (Mc 5, 1-20), etde l'enfant possédé (Mc 9, 14-29). Le premier récit se place au terme d'une traversée du lac de Tibériade par Jésuset les disciples, traversée au cours de laquelle Jésus apaise la tempête. Juste après que Jésus ait débarqué sur larive vient à sa rencontre un homme que aujourd'hui par son comportement nous qualifierions de fou, mais quel'évangile nous dit, possédé par un esprit impur. L'homme déclare : « Que me veux-tu Jésus Fils du Dieu TrèsHaut ? », une déclaration semblable à celle faite par un homme, dit également possédé par un esprit impur, dans

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la synagogue de Capharnaüm (Mc, 1, 24-28) : « Que nous veux-tu, Jésus le Nazarénien, es-tu venu pour nousperdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu. » La réponse de Jésus dans les deux récits est similaire : « [...] Sorsde cet homme, esprit impur ». Dans le récit du possédé gérasénien, l'esprit impur qui se révèle multiple, estexpulsé dans des porcs et dans celui de la synagogue de Capharnaüm, l'esprit impur quitte l'homme. Dans lesdeux cas la délivrance des deux hommes se place dans un contexte religieux dont l'élément principal est sansdoute plus celui de la révélation de l'identité de Jésus, que celui d'une guérison. Une révélation contraire à laconception marcienne du ''secret messianique'' , je cite John Meier où « […] aucun être humain ne peut connaîtreet proclamer dans la foi que Jésus est le Fils de Dieu avant l'acte définitif du mystère que sera la mort de Jésussur la croix ». Il n'est pas question, et pour cause, de la foi des deux hommes puisque ce sont, selon le texteévangélique, les esprits impurs, des êtres surnaturels qui s'expriment.

Le récit de la guérison de l'enfant démoniaque (Mc 9, 14-29) se situe dans les trois évangiles synoptiquesaprès celui de la Transfiguration. Jésus et Pierre, Jacques et Jean, les trois disciples témoins de la Transfiguration,rejoignent les autres disciples qu'ils trouvent entourés d'une foule. Quelqu'un de la foule dit « Maître, je t'aiamené mon fils qui a un esprit muet […] j'ai demandé à tes disciples de l'expulser mais ils n'en ont pas étécapables ». Suit un échange entre Jésus et le père de l'enfant qui décrit le comportement de l'enfant possédé,comportement qu’aujourd’hui nous considérerions comme celui d'un enfant épileptique. Le père parlant à Jésusconclut : « Si tu peux quelque chose, viens à notre aide par pitié pour nous. » Jésus lui répond : « Si tu peux !Tout est possible à celui qui croit. » et le père de l'enfant dit : « Je crois, viens en aide à mon peu de foi ! » Jésusensuite chasse l'esprit impur et guérit l'enfant. Le contexte religieux est à l'évidence celui de la foi. Je cite John Meier :

[…] nous avons là un cas inhabituel où Jésus demande la foi comme condition pour un exorcisme et on peut y voiraussi une circonstance unique dans les quatre évangiles et même dans le Nouveau Testament où Jésus parle de sapropre foi comme source de ses miracles.

Tout autre encore est le récit de l'exorcisme (Mc 7, 2-4-30) de la petite fille d'une femme syro-phénicienne .L'enfant n'est pas présente et la mère bien qu'elle soit païenne implore grâce pour sa fille, une grâce qui lui estfinalement accordée. Un récit où il est plus question d'une espérance que de foi, un récit que l'on peut interprétercomme préfigurant la proposition de salut qui sera faite plus tard aux « gens des Nations ».

Les récits de guérison de paralysie, cécité, de la lèpre […], présentent aussi une grande diversité de situation.

Le récit de la guérison à Capharnaüm (Mc 2, 1-12), d'un paralysé déposé devant Jésus par une ouverturepratiquée dans le toit de la maison, implique des éléments différents d'un simple récit de miracle. Cela commencepar : Jésus voyant leur foi dit au paralytique : « Mon enfant tes péchés te sont remis. » A priori ce n'était peut-êtrepas ce qu'attendaient le malade et ses quatre compagnons. Suit alors une interrogation sur la légitimité de cepardon, légitimité que Jésus justifie en disant que le Fils de l'Homme peut non seulement remettre les péchés,mais dire aussi efficacement lève-toi et marche au paralysé. Indubitablement le récit se situe dans un contexte quinon seulement implique la foi, l'espérance du malade, la relation que Jésus établit avec lui en lui pardonnant sespéchés, cas unique dans les récits de miracle évangéliques, mais il y a aussi une interrogation sur l'identité deJésus à laquelle la réponse donnée est le miracle accompli.

Les trois synoptiques (Mc 1, 40-45) rapportent le récit de la guérison d'un lépreux qui vient à Jésus et supplie« Si tu veux, tu peux me guérir ». Ému, Jésus étend la main, le touche et dit : « Je le veux soit guéri ». Malgré lademande de Jésus de ne faire part qu'au prêtre de sa guérison, le lépreux la proclame. Le contexte du miracle estcelui de la foi, de l'espérance du lépreux, de la relation que Jésus établit avec lui et aussi de l'application desprescriptions légales qui doivent être effectuées. Mais John Meier remarque que de façon paradoxale et un peuénigmatique dans le récit de Marc, l'annonce de sa guérison par le lépreux conduit Jésus à s'isoler ce qui « […] apour seul effet d'attirer à lui les gens de toute part ».

La guérison (Mc 10, 46-52) à la sortie de Jéricho d'un mendiant, le fils de Timée, Bartimée, se présentecomme un récit beaucoup plus simple. À l'appel de Bartimée « Fils de David, Jésus aie pitié de moi », Jésusdemande « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Question à laquelle Bartimée répond « Rabboni que je voie » etJésus dit « Va, ta foi t'a sauvé ». Ce récit d'une certaine façon, j'aurai tendance à le prendre comme l'archétype dela prière miraculeusement exaucée par la foi, mais John Meier, comme les autres exégètes, font une analysecritique, historique beaucoup plus complexe de ce récit.

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Ces exemples montrent que les récits explicites, détaillés de miracles sont rapportés avec une intention qui vaau-delà d'un miracle de guérison. Comme mentionné dans les synoptiques (Mc. 1,34, Mt 8,16, Lc 4,40-41) Jésusguérit beaucoup d'autres malades, chassa beaucoup de démons qu'il empêchait de parler parce qu'ils savaient quiil était. Dans une époque, une culture où la nature miraculeuse, la relation au divin d'un événement sont bien,voire aisément acceptées, le caractère miraculeux de la guérison qu’aujourd'hui on aurait peut-être tendance àmettre en premier plan, ne doit pas masquer que, je cite John Meier

[…] les miracles de Jésus dans les évangiles sont présentés comme des signes et des réalisations de la puissancemiséricordieuse du Dieu d’Israël qui intervient à la fin des temps pour sauver non seulement les individus maisl'ensemble d'Israël par l'intermédiaire de son envoyé Jésus.

L'intention des évangélistes en rapportant les miracles de Jésus ne me paraît pas celle d'insister sur cetteactivité de guérison, mais de révéler dans ces récits la mission et l'identité de Jésus, une mission qui est desusciter la foi, et d'annoncer la bonne nouvelle du salut.

DISCUSSION

Jean-Paul BANQUET : C’est un commentaire à la tentative de Françoise Masnou pour faire un parallèle entre saprésentation (Le Christ thérapeute) et celle de Nathalie sur la méditation. Une multitude de voies sont offertes ànotre réalisation. Elles correspondent aux différents canaux de communication avec l’extérieur, les autres ou biennous-mêmes, qui sont à notre disposition : la parole, la pensée, les sensations, les sentiments, et même l’action. Jene connais pas bien la tradition bouddhiste, mais dans d’autres traditions orientales et l’hindouisme en particulier,ces voies sont clairement identifiées. À chacun de choisir celle qui lui convient le mieux, quitte à ultérieurementélargir ses horizons. Il peut être difficile de demander à un enfant qui ne tient pas en place, tout au moins dans unpremier temps, de s’asseoir quelque temps immobile pour méditer. On peut aussi choisir la voie de l’action,d’aller vers l’autre dans le souci de lui être secourable. Bernard SAUGIER : Je voudrais faire un commentaire à propos de la figure du Christ thérapeute. Un moment, tuas dit, Françoise : « Si on ne croît plus que l'amour puisse guérir, sommes-nous encore chrétiens ? » Tout en étantfondamentalement d'accord, je me dis que quand quelqu'un est vraiment malade, et je pense en particulier auxmalades psychiques, penser que la conversion puisse être a solution complète pour leur guérison est peut-être unleurre.

Françoise MASNOU : Non, ce n’est pas cela, j’ai sans doute voulu aller vite. Il parle bien des psychothérapiesqui sont nécessaires dans de nombreux cas. Il y a tout un chapitre, dont je n’ai pas parlé, où il réfléchit à la placerespective de l’accompagnement spirituel et de la psychothérapie. Il y a bien sûr des personnes qui doiventconsulter un psychothérapeute, prendre des médicaments, etc. Mais ce qu’il dit avec force c’est que dans unmonde sécularisé nous ne croyons plus que l’évangile peut apporter un mieux-être, que la vie spirituelle estimportante pour tous ceux qui sont en souffrance. Il ne s’agit pas de se substituer à un traitement éventuellementnécessaire, il s’agit de les ouvrir à l’évangile pour qu’ils choisissent de vivre. Pour lui, dans les récits de miracle,le Christ a aidé des gens à se guérir eux-mêmes. L’évangile s’adresse à des gens qui souffrent. Le message« Lève-toi et marche », « Change de chemin », « Éloigne-toi des forces de mort » leur indique un chemin. Parexemple, Hubert Thomas remarque que lors de ses rencontres avec des couples qui se déchiraient, ils ont souventréalisés qu’ils n’avaient pas fait la démarche de quitter leur père et leur mère pour s’engager dans une nouvellevie. Son livre traite de la vie spirituelle, et de son importance pour traverser les crises.

Marcelle L'HUILLIER : Il y a parmi nous ce soir au moins deux personnes qui sont spécialistes del'accompagnement, Bertrand Delcey, prêtre du diocèse d’Évry et Benoît Michel Amoussou, frère franciscaingardien de « La Clarté-Dieu » à Orsay. Ils ont peut-être un témoignage à nous donner.

Bertrand DELCEY : Je suis venu parce que cela fait un certain temps que je m'intéresse à la méditation commechemin chrétien de la prière. Quelque chose de peu connu dans notre culture chrétienne occidentale et moderne,

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très cérébrale et réflexive. Entre autre, j'ai cheminé grâce à un livre de Jean-Marie Gueulette, dominicain « Petittraité de la prière silencieuse » (Albin Michel), qui a écrit aussi le remarquable « Laisse Dieu être Dieu en toi »(Cerf). J'ai eu la chance aussi de suivre le parcours "Vivre la Paix du Christ" (voir www.vivrelapaixduchrist.fr)proposé par Eric Julien, engagé par ailleurs comme moi dans l’aumônerie de la maison d'arrêt de Fleury, et sur

son secteur pastoral de Brétigny. Depuis plusieurs années, avec des jeunes de 6e comme de Terminale, je lesinvite parfois à "se poser" avec et dans leur corps, en étant attentif à leur respiration, moyennant un minimum deconseils, sur la manière de se tenir notamment. Chaque fois je suis surpris par leur réceptivité... et une fois letemps terminé, aucun ne se lève brutalement, pas même pour sortir son téléphone ! Pour ma part, moi qui suis néavec un ressort sous les fesses, la méditation chrétienne m'aide à mettre un minimum de gratuité au cœur mêmede mon temps long et intense d'activités. Elle m'apprend, par mon corps auquel je suis plus sensible, attentif, àêtre mieux présent à moi même, à Dieu, aux autres au cœur de l'action. Pour finir une remarque sur le manque deperméabilité dans notre Église : la méditation, c'est bien connu dans tous les monastères ! Et ce n'est pas parhasard si de nombreux moines "respirent" une certaine paix, nonobstant leur charge de travail, leurs soucis ou lesinévitables tensions communautaires. Benoît-Michel AMOUSSOU : Je me réjouis de voir qu'on revient aujourd'hui au spirituel dans notre monde etqu'on donne au Seigneur sa place dans notre vie de tous les jours. Les méthodes qu'on utilise pour la méditation,la prière, l'oraison c'est bon, cela aide, mais l'intervention directe de Dieu dans nos vies permet, à mon avis,d'aller beaucoup plus profond. Personnellement, j'ai eu la démarche inverse : j'ai eu la grâce d'avoir fait larencontre du Seigneur avant d'avoir une méthode de méditation. Le Seigneur était déjà là, puis quand j'étais aunoviciat, j'ai suivi les méthodes du père Caffarel.

Jean-Paul BANQUET : En deux mots pouvez-vous nous dire ce qu'est cette méthode du père Caffarel ?

Benoît-Michel AMOUSSOU : Cela se déroulait en tout sur 24 mois, pendant les deux ans de noviciat, un moisd'enseignement théorique, puis un mois de pratique.

Françoise MASNOU : Merci beaucoup. On pourrait peut-être aussi donner la parole à Catherine et Anne-MarieBerriaud qui sont religieuses.

Catherine BERRIAUD : Je suis d'accord avec ce que Benoît-Michel vous avez dit. Je trouve ça très beau de nepas confondre la méthode avec Dieu. À un moment, au début, on parlait de volontarisme. C'est vrai que c'estimportant de mettre les moyens, pour prier ou pour être plus présent au monde, mais dans la prière chrétienne,quelque chose qui est très beau, c'est la part de Dieu. La prière est une grâce, un cadeau immense. C'est ce que jepeux dire, sur les différentes méthodes et moyens que j'ai pu pratiquer.

Jean-Louis MASNOU : C’est une question posée à Dominique. Il y a ces miracles dans la vie de Jésus et, pendantla Passion, les gens l’apostrophent en lui disant d’appliquer un miracle pour lui-même comme il l’a fait pourd’autres (Luc 23 35-38). Jésus ne le fait pas. Est-ce parce que, une fois de plus, l’essentiel, pour Jésus, c’est samission ?

Dominique LEVESQUE : Je ne sais pas si je sais répondre à cette question. Je dirai simplement que dans l'un desÉvangiles de la Passion il y a un parallèle, d'ailleurs suggéré par la parole du Christ « Mon Dieu, pourquoi m'astu abandonné »qui est le début du psaume 22. On retrouve dans ce psaume 22 une manière d'apostropher lapersonne abandonnée, qui est la même que dans le récit de la Passion. Ce n'est pas forcément une réponse à taquestion. Il faut conserver présent dans de telles questions qu'un miracle n'est pas un prodige, un miracle est unévénement possible, comme par exemple l'est une guérison, mais qui devient miracle car il est suscité par la foiou il suscite la foi.

Monique NICOLAS : Je pense que le Christ a assumé sa condition humaine jusqu'au bout. Quand vous avez untorturé dans une prison, il n'y a pas de miracle. C'est pour cela qu'il n'a pas voulu faire un miracle.

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Françoise LEVESQUE : Je crois qu'il ne pouvait pas descendre, parce qu'il était homme.15

Philippe LESTANG : Quand il a marché sur les eaux, il était homme aussi... Il n'y a pas de limites à ce qu'unhomme peut faire, lorsqu'il est complètement habité par l'amour. Jésus, c'est l'homme transfiguré.

Alexandre GYENES : Il me semble que la méditation chrétienne concerne essentiellement Dieu. Elle se situeprincipalement sur trois axes :

1 – La Bible et notamment l’Évangile. Que signifient ces textes pour moi aujourd’hui ?2 – Comment je peux discerner puis faire la volonté de Dieu ?3 – Dans le but de prendre conscience de la bonté de Dieu à mon égard réfléchir sur la question : Qu’est-ce

que j’ai reçu de Dieu ?

THÈME PRINCIPAL 2015-2016 : « Un monde en mutation ... Vers quel futur ? »

Calendrier : 16/9 - 14/10 - 18/11 - 9/12 - 6/1 - 3/2 - 9/3 - 6/4 - 11/5 - 8/6

Heure et lieu : 20h30 - Paroisse St-Rémi (Salle Teilhard de Chardin),

13 rue Amodru, 91190 Gif sur Yvette.

Ces soirées de réflexion et de dialogue sont ouvertes à tous, scientifiques ou non.

16/ 9 : « Religions et savoirs en Europe, de la Renaissance au siècle des lumières », Jean Marie Le Gall (Professeur d'histoire moderne à Paris I Panthéon-Sorbonne).

14/10 : « Quelques pistes sur les mutations sociétales en cours ou à venir », Marie-Odile Delcourt (Professeur honoraire de chimie à l'Université Paris Sud).

18/11 : « Du changement climatique au partage des ressources : vers une écologie intégrale dans la foulée de Laudato si' », Bernard Saugier (Professeur honoraire d'écologie à l'Université Paris Sud).

9/12 : « Ferdinand Gonseth (1890-1975), un mathématicien et philosophe pleinement engagé dans la science de son siècle », Gilles Cohen-Tannoudji (Physicien et philosophe des sciences). 6/ 1 : « Peut on réduire nos émotions et nos comportements à l’activité de notre cerveau ? »,

Catherine Belzung (Docteur en neurosciences, professeur à l’Université François Rabelais de Tours). 3/ 2 : « Pierre Hadot et la philosophie comme art de vivre »,

Jean-Claude Brémaud (Psychosociologue, animateur du Club des Amis de Pierre Hadot). 9/ 3 : En préparation. 6/ 4 : En préparation. 11/5 : « La recherche scientifique est-elle malade de sa croissance exponentielle ? »

Marc le Maire (Professeur de biologie à l'Université Paris Sud)et Assemblée Générale de Foi et Culture Scientifique.

8/ 6 : « Nature, temps, impermanence, Éveil dans le bouddhisme zen au Japon »,

Yoko Orimo (spécialiste de la mystique zen du Japon médiéval).

15 NDLR : Sur l'humanité de Jésus, le théologien orthodoxe Olivier Clément (1921-2009) a écrit : « Au Golgotha comme à Gethsémani,Dieu éprouve humainement l'absence de Dieu, le silence de Dieu, comme aussi cette soif fiévreuse dans le vide où nous sommes tousaujourd'hui. Au Golgotha comme à Gethsémani, entre le Fils et le Père, entre Dieu et Dieu, s'élève comme un mur opaque, l'angoisse del'homme, sa solitude, son orgueil désespéré, et la soif de celui qui, à la fois, se détourne et meurt de se détourner, de celui qui meurt de haïr,de se haïr. Au Golgotha, comme à Gethsémani, c'est comme si Dieu prenait le parti de l'homme contre Dieu, comme si Dieu étaitparadoxalement athée.Mais alors, pour nous tous, pour toi, pour moi, si peu que s’ouvre notre cœur, ce vieux cœur rebelle et angoissé ou simplement indifférent,mais alors la volonté humaine de Jésus s’abandonne avec une infinie confiance à la volonté du Père. Alors, dans cette obéissance humainesouverainement libre se dénoue la tragédie de la liberté humaine. Alors se libère notre liberté. Chez Luc comme chez Marc, au jardin desOliviers, la prière s’achève par un ‘tu’ vibrant d’amour (et dans l’amour se libère la liberté) au bout de la phrase torturée, enfin confiante :« Non ce que je veux, mais ce que toi… », « Pourtant, non comme je veux, mais comme toi… » [...]» Joie de la Résurrection, 2015,Salvator, pp 57-59 (texte cité par www.abbaye-oelenberg.com/pour-prolonger/2014/2014-04-13_A_Rameaux.pdf)

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PROCHAINE REUNION

Mercredi 16 septembre 2015 - 20h 30 - Salle Teilhard de Chardin, 13 rue Amodru, Gif sur Yvette.

RELIGIONS ET SAVOIRS EN EUROPE, DE LA RENAISSANCE AU SIÈCLE DES LUMIÈRES

par Jean Marie Le Gall

Professeur d’histoire moderne et directeur de l’UFR d’Histoire de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, Jean-

Marie Le Gall est spécialiste de l’histoire culturelle et religieuse des XVIe - XVIIe - XVIIIe siècles.

Notre invité traitera de l’évolution des rapports entre foi et savoir scientifique de la Renaissance auxLumières.

Il montrera tout d’abord l’apparent divorce qui se manifeste entre science et religion,dont la condamnation de Galilée demeure emblématique.

Des liens multiples cependant subsistent entre sciences et théologie : bien desreligieux sont des savants et Newton se veut autant théologien que savant.

Mais des points de tension durables se révèlent : ainsi le problème de l’Eucharistie,ou le récit de la Genèse. D’un Dieu révélé, on en arrive au Dieu raisonnable du déisteVoltaire.

Jean-Marie Le Gall a publié Un idéal masculin. Barbes et moustaches XVe - XVIIIe siècles

(2011), Les humanistes en Europe, XVe - XVIe siècle (2008), Le mythe de Saint-Denis entre Renaissance et Révolution

(2007) et a contribué à l'Histoire de la virilité de l'Antiquité au XXIe siècle (à paraître).

Le nouveau numéro N° 42 de Connaître est paru en juillet 2015.

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