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La Finance Islamique au Maroc entre réticence de la demande et perspectives de Dossiers de Recherches en Economie et Gestion, Dossier Spécial, Juin 2013 | 137 « La Finance Islamique au Maroc entre Réticence de la demande et perspectives de développement » . La Finance Islamique au Maroc entre réticence de la demande et perspectives de développement Said EL MEZOUARI Enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion (ENCGS). Laboratoire Finance, Comptabilité et Gestion. Université Hassan 1er Settat. GSM : 06 61 38 42 59 [email protected] Mohamed LOTFI Enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion (ENCGS). Université Hassan 1er Settat. GSM : 06 63 79 68 95 [email protected] Youness BOUTHIR Doctorant-chercheur, Ecole Nationale de Commerce et de Gestion (ENCGS). Laboratoire Finance, Comptabilité et Gestion. Université Hassan 1er Settat. GSM : 06 62 17 06 32 [email protected]

Finance islamique

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La Finance Islamique au Maroc entreréticence de la demande et perspectivesde développement ( réalisé par Bouthir )

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« La Finance Islamique au Maroc entre Réticence de la demande et perspectives de développement

».

La Finance Islamique au Maroc entre

réticence de la demande et perspectives

de développement

Said EL MEZOUARI

Enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion (ENCGS). Laboratoire Finance, Comptabilité et Gestion. Université Hassan 1er Settat.

GSM : 06 61 38 42 59 [email protected]

Mohamed LOTFI

Enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion (ENCGS). Université Hassan 1er Settat.

GSM : 06 63 79 68 95 [email protected]

Youness BOUTHIR

Doctorant-chercheur, Ecole Nationale de Commerce et de Gestion (ENCGS). Laboratoire Finance, Comptabilité et Gestion. Université Hassan 1er Settat.

GSM : 06 62 17 06 32 [email protected]

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Résumé

De nos jours, la crise économique et financière mondiale a imposé aux pays de trouver des solutions profondes et urgentes pour répondre à la dégradation de leurs grands équilibres macro-économiques. Plusieurs secteurs sont touchés par cette crise en particulier le secteur financier dans plusieurs pays occidentaux. Ce qui a généré l’effondrement et la défaillance de plusieurs groupes bancaires internationaux. Ces derniers perçoivent dans le niveau de résilience dont ont fait preuve certaines banques islamiques suite à la crise des subprimes l’assurance d’un système plus résistant aux turbulences et plus performant que le système bancaire classique.

La finance islamique a vu ses premiers jours dans les années 1970 dans les pays des pétrodollars. Mais ses fondements sont apparus bien avant, au début du XXe siècle, temps où les chercheurs et les praticiens musulmans cherchaient une alternative aux paradigmes économiques dominants, à savoir le capitalisme libéral et le communisme. L’économie islamique devient donc acceptable et adoptée par plusieurs professionnels en finance y compris par les non musulmans.

Ainsi, ce concept (la finance islamique) se veut comme remède aux exigences de la finance internationale basée sur la rémunération des crédits par des intérêts en proposant des produits légitimés par la référence à l’Islam. Elle a pu s’intégrer facilement dans les circuits de la finance internationale à travers sa propagation dans une grande partie des pays arabes et islamiques.

Au Maroc, la commercialisation des produits et services financiers islamiques ou officiellement appelés « alternatifs » est très récente. L’introduction de ces produits date de septembre 2007 et vient en réponse à un engouement croissant et une grande attente exprimée par les consommateurs marocains, et en même temps pour améliorer la bancarisation de l’économie nationale et stimuler le développement économique. Pourtant, l’évaluation des réalisations fait ressentir une réticence de la demande et des difficultés énormes pour commercialiser ces produits.

L’objectif de notre communication est de mettre la lumière sur les causes de cette réticence de la demande nationale des produits et services financiers islamiques malgré tout l’engouement des clients marocains pour ces produits alternatifs. Nous allons essayer de diagnostiquer la situation et de proposer quelques remèdes afin de donner à la finance alternative toute la place quelle mérite pour qu’elle contribue au développement socio-économique de notre pays.

Mots-clés : Finance islamique - Crise - Maroc - Produits alternatifs - Banques participatives

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Introduction

Considérée comme la solution crédible et alternative à la finance conventionnelle, la finance islamique continue sur son évolution constante et rapide. Actuellement, les deux références mondiales en la matière sont la Malaise et les pays du Golf. Des récentes statistiques parlent d’un volume d’environ 8% seulement du marché financier mondial ! Pourtant, elle jouit d’un fort potentiel de croissance qui étonne les observateurs.

Le Maroc est très en retard par rapport à d’autres pays voisins. Malgré que la finance islamique est présente dans le jargon de ses autorités monétaires depuis plus de vingt ans maintenant. Les activités dites islamiques ont fait leur appariation en octobre 2007, date où le gouverneur de la Banque Centrale du Maroc (Bank Al Maghrib) a autorisé la commercialisation des produits nommés officiellement « Alternatifs ». Depuis cette date, ces nouveaux produits n’ont pas pu convaincre la grande masse des consommateurs marocains, et leur commercialisation a rencontré certains obstacles : cherté, manque de sensibilisation, manque de compétences, absence de cadre réglementaires approprié,…Par conséquent, l’impact était clair, à peine 111 millions MAD en 0188. Mais, la contradiction est choquante : 94% des marocains autrement dit 7 marocains sur 10 sont favorables pour des produits et services bancaires conformes à la Charia! (selon une étude récente menée par le cabinet Islamic Finance Advisory & Assurance Services)

Ce dilemme entre le succès qu’ont connu les banques islamiques dans le monde entier, surtout suite à la crise économique et financière internationale et l’appétit des clients domestiques pour des produits bancaires en conformité avec les préceptes de l’islam, alors l’inexistence de ce type d’institutions financières au Maroc alimente les débats. La réalité de commercialisation de certains produits qualifiés d’islamiques était un début de réponse à ce besoin d’ouverture sur la finance internationale. La volonté des autorités gouvernementales de proposer un projet de loi dont les clauses stipulant l’implantation et la création de banque islamiques sur le marché national montre un changement de position attentive des pouvoirs publics et des professionnels bancaires marocains envers ces institutions d’essence islamique.

Nous allons essayer tout au long de notre analyse de comprendre cette problématique complexe. Nous allons amorcer notre travail analytique par un passage littéraire sur l’origine et l’évolution, les tendances, les principes fondamentaux et les apports potentiels de la finance islamique (Première partie). En suite, nous allons mettre le doigt sur l’expérience marocaine, en menant un diagnostic permettant de mettre en relief les obstacles qu’affronte cette jeune industrie de finance islamique pour décoller au sein de notre pays, les mesures et les conditions à préparer pour garantir sa réussite. A la fin de cette analyse qualitative, nous allons pouvoir apporter des réponses à la problématique de notre papier et proposer des solutions pour contribuer au développement de la finance

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islamique dans notre pays (Seconde partie).

I. Généralité : origine, évolution, principes et apports potentiels de la finance islamique

I.1. Aperçu sur l’origine et l’évolution de la finance islamique

Les racines et les principes de la finance islamique sont aussi vieux que la religion elle-même. En effet, Fiqh Al Mouamalat constitue depuis des siècles un cadre structuré et déterminé tous les transactions financières des musulmans.

Ce n’est qu’à la fin du XXe siècle que le système financier islamique s’est assez développé pour être considéré comme un modèle distinct. Il apporte des réponses aux défaillances des systèmes classiques existants.

Afin de réduire l’exclusion bancaire et de promouvoir le développement social des populations les plus démunies, des institutions financières ont vu le jour, mais leur périmètre est resté limité aux affaires locales.

Il fallait attendre les années 70, pour témoigner de la véritable naissance de la finance islamique moderne. La création de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) a été à l’origine de l’émergence de cette renaissance. Le défi à l’époque était double, d’une part concevoir un système financier qui devrait respecter les enseignements de l’islam, et d’autre part être compatible avec le modèle économique existant et caractérisé par moderne.

En 1972, lors de la conférence islamique tenue à Djeddah, un plan global de réforme des systèmes monétaires et financiers classiques en fonction des règles de l’islam a été lancé.

En 8479, lors du sommet de l’OCI à Lahore, la Banque Islamique pour le développement (BID) a été créée. Cette institution intergouvernementale est devenue la pierre d’édifice du système islamique. Elle a comme objectifs de :

- Participer en injectant et en prêtant des capitaux pour des projets productifs d’entreprises ; - Fournir de l’aide financière aux pays membres en vue de leur développement économique et social ;

Cette banque islamique a pour mission de :

- Etablir et gérer les fonds spéciaux pour des objectifs spécifiques ; - Accepter les dépôts et mobiliser les ressources financière nécessaires selon des modalités conformes à la Charia.

Actuellement, la BID abrite 56 pays membres, mais les parts sont détenues en majorité par une minorité des pays : Arabie Saoudite : 26,5%; Lybie : 10,6%; Emirats Arabes : 7,5%;…

Par la suite des banques islamiques ont vu le jour dans la majorité des pays

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du Golfe : la Dubaï Islamic Bank au Qatar (1975), la Kuwait Finance House et la Banque Fayçal en Egypte (8477), la Banque Islamique de Jordanie (8471),…

Pour accompagner ce mouvement, structurer davantage les Institutions Financières Islamiques (IFI) et raffiner et harmoniser leurs règles de fonctionnement, l’Organisation de Comptabilité et d’Audit des Institutions Financières Islamiques (AAOIFI) a vu le jour en 1991.

Mais, ce n’est qu’au 21ème siècle que l’essor de la finance islamique a commencé à attirer les intérêts et à marquer l’histoire de la finance mondiale. En effet, le nombre des institutions financières a explosé pour atteindre plus de 300 institutions opérant essentiellement dans 75 pays à travers le monde.

Le dynamisme et l’évolution rapide de cette industrie jeune, surtout dans les centres traditionnels, ont généré un grand intérêt de la part des acteurs mondiaux de la Finance Conventionnelle (FC) particulièrement dans les pays développés où les systèmes financiers classiques traversent des crises sans précédent.

Avec la libéralisation accrue, le système financier islamique est devenu plus diversifié et a gagné de plus en plus de profondeur. Par conséquent, la finance islamique semble être actuellement un des segments les plus dynamiques de l’industrie internationale de services financiers.

Ces dernières années, le paysage financier islamique a été remarquablement transformé. Ainsi, nous assistons à un nombre élevé et une gamme étendue de produits et services, une importance croissante pour les actifs islamiques dans les pays musulmans et non musulmans. Derrière cet essor sans précédant, le renouveau spirituel et religieux qui a créé un appétit croissant pour des produits conformes aux préceptes de l’islam. Aujourd’hui l’islam est la religion qui croit le plus vite dans le monde. Ajoutés à cela, les problèmes géopolitiques (Stigmatisation des musulmans avec l'attentat du World Trade Center, les tensions Israélo-palestiniennes, les Guerres d'Iraq, d’Afghanistan,…) ont accentué l'antagonisme des musulmans envers le système capitaliste1.

La masse considérable de liquidité en provenance des monarchies du Golfe, en est une autre raison explicative. La prise de conscience que le pétrole n'est pas éternel, pousse les investisseurs de cette zone à préparer l'après-pétrole et sont sensibles aux opportunités que la finance internationale peuvent leur offrir. Cela fait les affaires des Etats occidentaux qui sont en mal de liquidités.

I-2 Les tendances actuelles : la Finance islamique en chiffres

Dans certains pays, les banques se sont « converties » en banques

1 BENLAHMAR, I. (2010), « La Finance Islamique est elle un rempart à la finance conventionnelle

face à la crise? ». Mémoire de Fin d’Etudes

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islamiques et dans d’autres, les deux systèmes financiers peuvent coexister. La majorité, des banques internationales qui ont choisi de profiter de ce marché ont opté pour l’ouverture de guichets islamiques.

En 2008, les actifs conformes à la Charia sont estimés à 951 milliards de dollars contre 758 milliards de dollars un auparavant, soit une hausse de 25%. Ce chiffre est estimé à près de 8111 milliards de dollars d’actifs en 0188, pour confirmer la tendance haussière des transactions conformes à la Charia.

Les produits bancaires représentent l’essentiel des actifs, le reste étant composé des produits d’investissements, d’émission des Sukuks, des Fonds d’Investissements (FI) et des produits Takaful.

L’industrie de la finance islamique a connu une croissance annuelle moyenne en deux chiffres ces dix dernières années, et est annoncée comme deux fois plus rapide que celle la finance conventionnelle, autour de 15% par an2. La tendance devrait continuer à connaître la même accélération durant les prochaines années en fonction des efforts et réglementations qui seraient mises en place et adoptées par les pays. L’expansion rapide de la finance islamique reflète son degré de compétitivité et sa capacité à:

- Répondre à l’évolution structurelle de la demande des consommateurs et des entreprises ; - Résister aux aléas d’un environnement difficile et en perpétuelle mutation.

I-3 Les sources de la Charia3

Le terme « Charia », signifie en arabe « Le chemin à suivre ». Il désigne un système légal basé sur l'éthique musulmane. Ce système joue le rôle de référence juridique et indique la ligne de conduite dans tous les domaines de la vie des musulmans, y compris le domaine économique/financier. Les deux principales sources de la Charia sont :

Le Coran : Le livre saint de l'Islam rend compte du message de Dieu tel que révélé au Prophète Mohammed (SAWS), il constitue la première source en termes de loi. Tout élément tiré d'autres sources juridiques doit impérativement être en totale conformité avec la parole de Dieu dans le Coran.

La Sounna : Ce terme englobe l'ensemble des enseignements transmis par le Prophète Mohammed (SAWS) via ses paroles, ses expressions, ses actes, et son approbation tacite.

2 www.financialislam.com 3 BENLAHMAR, I. (2010), « La Finance Islamique est elle un rempart à la finance conventionnelle

face à la crise? ». Mémoire de Fin d’Etudes

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Ces deux sources constituent les bases essentielles permettant de déterminer la conformité de toute action avec les règles et la finalité de la Charia. Toutefois, la Charia reste ouverte à des interprétions et développements possibles. En effet, nous pouvons rajouter deux autres sources de la Charia :

L'Ijmaa : Dans sa dimension technique, Ijmaa signifie le consensus des juristes musulmans sur un point de droit. En pratique, l'Ijmaa fait office de preuve si aucun élément du Coran ou de la Sounna ne permet de trancher sur un cas.

Le Qiyass (raisonnement par analogie) : cette technique consiste à affecter, sur la base d'une caractéristique sous-jacente commune, la règle juridique d'un cas existant trouvée dans les textes du Coran, de la Sounna et/ou de l'Ijmaa à un nouveau cas dont la règle juridique n'a pas pu être clairement identifiée. Ceci tout en restant fidèle à l'esprit des sources traditionnelles du droit musulman.

I-4 Principes et fondements de la finance islamique

Toute transaction dans le cadre du modèle financier islamique ne doit pas aller en l’encontre de cinq principes fondamentaux :

1- L’interdiction du prêt à Intérêt/Le Riba

Le terme « Riba » désigne, dans le droit musulman, tout avantage ou surplus perçu par l'un des contractants sans aucune contrepartie acceptable et légitime du point de vue de la Charia. Le Riba a deux formes principales:

Riba-Al-fadl : Il s'agit de tout surplus concret perçu lors d'un échange direct entre deux choses de même nature qui se vendent au poids ou à la mesure.

Riba-Annassia : Le surplus perçu lors de l'acquittement d'un dû, dont le paiement a été posé comme condition de façon explicite ou implicite dans le contrat, en raison du délai accordé pour le règlement différé. Riba-Annassia est le type le plus répandu dans la société, notamment à travers les crédits, des prêts et des placements proposés par les établissements bancaires et les organismes de financement traditionnels.

Selon les règles de la Charia, l’argent n’a aucune valeur intrinsèque car il constitue simplement un moyen d’échange et ne pourrait dont pas être un moyen de réaliser un profit.

2- Principe de Partage des Pertes et Profits (PPP/3P)

Elément clé dans le concept de la finance islamique. Ce système de « 3P » permet d’associer le capital financier au capital humain. Concrètement, en vertu de ce principe, un investisseur (banque islamique) doit confier ses fonds à un entrepreneur avec qui il partagera les bénéfices en fonction de la performance de l'actif sous-jacent, il devra également partager toute perte éventuelle avec cet

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entrepreneur si celle-ci n'est pas due à une négligence ou une faute grave de ce dernier. Le partage est déterminé contractuellement et peut ne pas être égalitaire mais dans doit être tout le temps équitable.

3- Interdiction de l’incertitude (Gharar) et de la spéculation (Maysir)

La Charia interdit, dans les affaires et le commerce, les activités contenant des éléments d’incertitude excessive ou qui reposent sur la spéculation.

Le Gharar peut être défini comme étant tout flou non négligeable au niveau d'un des biens échangés et/ou qui présente en soi un caractère hasardeux et incertain4.

La correspondance en finance conventionnelle renvoie aux produits ou transactions à terme, caractérisés par une incertitude évidente quant à leur réalisation, tels que les Futures, les Swaps ou les autres produits financiers plus complexes comme les Subprimes.

Quant au Maysir, elle est liée à la notion de jeu de hasard qui peut générer un enrichissement injustifié au détriment des autres, et désigne toute forme de contrat dans lequel le droit des parties contractantes dépend d'un événement aléatoire. Ainsi, chaque contrat doit avoir tous les termes fondamentaux (tels que l'objet, le prix, les délais d'exécution et l'identité des parties contractantes) clairement définis au jour de sa conclusion.

4- La tangibilité de l’actif ou L’« Asset Backing »

Toute transaction financière islamique doit être obligatoirement adossée à un actif tangible réel et matériel et surtout détenu.

Ce principe de l'« Asset Backing » permet de renforcer la stabilité économique et la maîtrise des risques. Le principe de la tangibilité des actifs est également une manière d’inciter les investisseurs à s’engager dans l’économie réelle, et d’empêcher la déconnexion observée entre les marchés financiers et l’économie réelle. Ceci permet de promouvoir la justice sociale et l’équité ainsi que la liberté d’entreprendre.

5- Interdiction des activités illicites

La Charia exige que tout musulman ne puisse traiter des biens jugés illicites ou Haram. Aucun investissement ne peut ainsi être réalisé par un financier islamique dès lors qu’il porte sur des produits interdits par la Charia ou des activités illicites telles que l’alcool, la viande porcine, armement, jeux du hasard (loterie,.. ),…. Nous trouvons ce principe d'exclusion dans la finance éthique en faveur du développement durable et dans l'investissement socialement

4 Centre Islamique de la Réunion, Cellule de Fiqh, (Avril 2008). « Comprendre la finance

islamique ». Publication - Édition spéciale

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responsable.

I-5 Les apports potentiels de la finance islamique

En pleine ère de crise financière internationale qui balaie tous les indices de croissance sur son passage, la finance islamique a démontré une résilience particulièrement forte. En effet, grâce à une véritable traçabilité de ses transactions et son appartenance à la famille des finances qui prônent les valeurs morales et éthiques, le système financier islamique a su jongler entre risque de spéculation et risque systématique lié aux aléas du marché financier international en jouant la carte de la sécurité.

Dans ce sillage, le système financier islamique avec comme noyau les banques islamiques se présente comme alternative moderne et opérationnelle pour tous les opérateurs : entreprises, les particuliers,...

Cette industrie, malgré son jeune âge, commence à gagner de la place et de la confiance pour alterner au système actuel en présentant une résilience contre les dérives constatées avant et au cours de la crise qui menace la stabilité financière mondiale.

Ainsi, loin de toute considération idéologique ou politique, et dans une analyse logique et objective, nous pouvons avancer sans risque de nous tromper que la finance islamique pourrait apporter des solutions aux fardeaux et problèmes qui entravent le développement des pays : chômage, logement, dégradation des pouvoirs d’achats, infrastructures,…

La croissance et la diversification de la finance islamique ainsi que l’environnement dans lequel elle opère a poussé les instituions financières internationales à s’y intéresser5. Dans ce cadre des fenêtres islamiques et carrément d’instituions bancaires islamiques se sont ouvertes.

Les institutions financières islamiques pourraient constituer un cadre propice pour la mobilisation de ressources, internes (capital, les réserves, les profits,…) et externes (dépôts à vue, comptes bloqués à rémunération participative ou compte d’épargne et enfin les revenus des projets et placements et les commissions de gestion)6. En effet, des ressources internes étaient thésaurisées sous forme de cash dans les coffres forts, bijoux ou encore de biens immobiliers en l’absence d’instruments répondant aux convictions religieuses d’une grande frange de la population.

En outre, (« les formules d’investissements basées sur les techniques participatives, telles que «Al Moudaraba» ou «Al Moucharaka» sont fortement plus

5 Conseil Déontologique des Valeurs Mobilière de la Bourse de Casablanca, (octobre 2010).

« Finance Islamique ». Rapport. 6 LAHLOU. A, (1996). «Le Système bancaire du point de vue islamique». Acte de colloque.

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juteuses que les placements bancaires classiques, notamment en période de baisse de taux. La souscription à des «Sukuk» auprès d’un émetteur sérieux pourrait garantir une rentabilité bien loin de celle offerte à travers des placements monétaires. D’un autre côté, ce même mécanisme de «Sukuk» pourrait être utilisé pour mobiliser des ressources pour l’Etat, les opérateurs privés, les banques et financer ainsi des projets d’envergure et des méga projets : projets d’infrastructure, raffineries, aciérie, constructeurs automobile… »)7

Les fonds d’investissement islamiques sont également un cadre attrayant pour drainer des ressources, surtout auprès des investisseurs externes, notamment en provenance des pétrodollars.

Un autre volet revêt une grande importance, c’est celui du marché des assurances qui n’a pas atteint le niveau de développement souhaité (à peine 8% du total des actifs islamiques). Ce marché pourrait être fortement dynamisé grâce à la solution «Takaful».

En résumé, les institutions financières islamiques pourraient constituer une source de financement et un levier de développement et de croissance incontournable vu les opportunités qu’elles offrent.

II- Diagnostic de la finance islamique au Maroc : réalité et perspectives

II-1 Evolution lente de la finance islamique au Maroc :

Parler de la finance islamique au Maroc remonte à 1990, date de tenue d’une conférence sur la thématique sous l’égide de Bank AL-Maghrib et la Banque Islamique de Développement. Pourtant la Banque Centrale du Maroc n’a jamais sollicité le statut de membre et garde toujours le statut d’observateur.

Il fallait attende les prémices de la crise financière internationale, période où tout le monde à commence de parler des tremblements des équilibres financiers et d’émergence d’un système jeune et prometteur capable d’alterner l’ancien et classique de finance internationale, pour que le Maroc demande l’adhésion, en 0118, à l’international Financial Services Board (IFSB).

Et ce n’est qu’en septembre 0117, que Bank Al-Maghrib a publié la première directive8 relative aux produits islamiques officiellement nommés « alternatifs ». En vertu de cette directive trois nouveaux produits bancaires se sont autorisés à être commercialisés par les banques marocaines. Ces produits alternatifs sont parmi les plus répandus de la finance islamique : Mourabaha pour le financement du commerce, Moucharaka et crédit-bail Ijara pour les entreprises.

7 MZID. W, Directeur de la Banque Zitouna Tunisie, (2010). « La Finance islamique :

Principes fondamentaux et apports potentiels dans le financement de la croissance et du

développement ». Papier 8 Bank Al-Maghrib, (septembre 2007). Directive n° RN 33/G/2007.

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Le gouverneur a précisé, dans son annonce, qu’aucune banque islamique spécialisée ne se verrait accorder un agrément, et que ces produits pourraient être proposés par les banques commerciales marocaines existantes. Il a aussi souligné que ces nouveaux produits financiers autorisés concernent uniquement le financement, et non les dépôts. Pour lui, étant donné que 53% des dépôts bancaires au Maroc sont sous formes de comptes courants non créditeurs d’intérêts, il n’est pas nécessaire d’introduire des facilités dédiées pour les dépôts islamiques.

L’adoption des produits alternatifs par le public a, cependant, été plus lente que prévu, pratiquement parce que les banques commerciales marocaines n’ont pas fait la promotion suffisante des services bancaires islamiques et les produits proposés sont onéreux.

Les produits autorisés ont permis, pourtant, l’élargissement de l’assiette des produits bancaires proposés par les banques marocaines et ont contribué à une meilleure bancarisation de l’économie nationale.

Le marché marocain reste fermé aux banques islamiques internationales. Plusieurs d’entre elles ont demandé, depuis une quinzaine d’années à intégrer le circuit bancaire marocain, mais vainement devant le refus des autorités monétaires marocaines. Les raisons invoquées étaient d’ordre règlementaire. En effet, la loi bancaire en vigueur ne le permet pas9.

Au Maroc, nous ne trouvons que la BID qui a pour finalité de financer (conformément aux préceptes de la Charia) les grands projets publics. Notre pays est le principal bénéficiaire de projets et du commerce de la BID, bien qu’il soit un bailleur de fonds relativement modeste en le comparant à d’autres Etats membres. Cela s’explique par le fait que le financement repose naturellement sur la pertinence de la demande de financement de membres. L’une des raisons de la réussite du Maroc tient à sa capacité à soumettre des demandes de financement cohérentes fondées sur des plans d’affaires de qualité et assorties de projections réalistes de coûts et de recettes10.

II-2 Présentation des produits « alternatifs » autorisés au Maroc

Les nouveaux produits bancaires islamiques communément appelés « alternatifs » sont, comme nous l’avons avancé ci-dessus, parmi les produits les plus répandus dans le monde.

Ainsi, en concertation avec le Groupement Professionnel des Banques du Maroc, Bank Al-Maghrib a défini devant régir l’offre de ces produits par les banques 9 L’économiste, (19/10/2011). « Finance islamique: Le Maroc a une place à prendre ». Edition n°

3640 10 Banque Africaine de développement, (2010). « Services Bancaires et finance islamiques en

Afrique du Nord : évolution et perspectives d’avenir ». Rapport.

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commerciales marocaines.

L’opération « Mourabaha » est définie comme étant tout contrat par lequel un établissement de crédit acquiert, à la demande d’un client, un bien meuble ou immeuble en vue de le lui revendre moyennant une marge bénéficiaire convenue d’avance, le règlement par le client se fait en un ou plusieurs versements, à une date ultérieure, ne dépassant pas 48 mois.

L’opération « Moucharaka » est définie comme étant tout contrat ayant pour objet la prise de participation, par un établissement de crédit, dans le capital d’une société existante ou en création, en vue de réaliser un profit. Les deux parties participent aux pertes à hauteur de leur participation et au profit selon le prorata prédéterminé.

L’opération « Ijara »est définie comme étant tout contrat selon lequel un établissement de crédits met, à titre locatif, un bien meuble ou immeuble à la disposition d’un client.

Retenir bien, le 8 octobre 2007 date où la première banque marocaine qui a pris l’initiative et l’aventure de commercialiser ces produits pour la première fois. Il s’agit d’Attijari Wafabank qui a dévoilé deux formules essentielles, la première baptisée « Miftah Al Kheir » et la seconde nommée « Miftah Al Fath ». Les deux produits sont la déclinaison, respectivement, de « Mourabaha » et « Ijara wa Iqtinaa ». le troisième produit « Moucharaka » n’a pas été commercialisé au Maroc.

La première formule est un contrat par lequel la banque acquiert, à la demande de son client, un bien immobilier à usage d’habitation ou professionnel en vue de le lui revendre, immédiatement, moyennant une marge bénéficiaire connue d’avance. Le règlement par le client se fait en un ou plusieurs versements étalés sur une durée convenue avec la banque, qui peut atteindre 25 ans, et le prix de vente au client est calculé sur la base du coût de revient de l’immeuble que supporte la banque (prix, frais du dossier, taxe d’enregistrement,…).

Miftah Al Kheir peut couvrir la totalité du prix de l’immeuble. La capacité d’endettement de l’emprunteur est cependant plafonnée à 91% de ses revenus. Le produit offre, par ailleurs, la possibilité de remboursement par anticipation sans pénalité et donne lieu à l’inscription d’une hypothèque en premier rang pour la banque ainsi que la souscription à un contrat d’assurance décès et invalidité dont la prime est comprise dans la mensualité.

La deuxième formule, quant à elle, est un contrat selon lequel la banque met à la disposition de son client, à titre locatif, un bien immobilier, assorti de l’engagement ferme du client d’acquérir le bien au terme du contrat. Le produit s’adresse à la fois aux particuliers et aux professionnels et peut également financer la totalité du prix du bien objet du contrat. La durée du contrat varie entre 10 ans et 20 ans au maximum.

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II-3 Comparaison entre produits « alternatifs » et produits conventionnels

Pour mieux cerner et comprendre le contenu des nouveaux produits commercialisés au Maroc, nous jugeons utile de faire une comparaison entre ces produits et les produits traditionnels existants.

II- 3-1 « Ijara wa Iqtinaa » et le crédit bail ou le leasing :

Entre les deux formules, il existe plusieurs points de convergence :

- Dans les deux cas, le contrat porte sur l’acquisition d’équipement au profit d’un client dont les ressources financières ne lui permettent pas de faire face à un investissement déterminé.

- Il s’agit précisément d’un contrat de location, cela veut dire que le bien reste la propriété de la banque qui le loue au client pour une période déterminé.

- Dans les deux formules, l’option d’achat du bien est à la fin de la durée du contrat.

- Dans les deux systèmes islamiques et classiques, c’est le mode de financement le plus cher.

En revanche, le principal point de divergence entre les deux modes réside dans le principe de résiliation du contrat. En effet, le système islamique stipule que le bénéficiaire du contrat Ijara peut le résilier avant l’échéance de la dernière traite. Contrairement, dans le leasing, il est tenu de respecter l’échéancier et ce n’est qu’à cette date qu’il peut soit lever l’option d’achat du bien, ou refuser de lever l’option d’achat, ou bien convenir sur la base de la valeur résiduelle, d’un nouveau loyer échelonné dans le temps.

Mais la différence de taille réside dans le fait que la première formule pose sur le principe de la marge bénéficiaire, alors que le leasing sur le taux d’intérêt qui est prohibé par la Charia.

II-3-2 La Mourabaha et le Crédit acheteur :

Dans les deux modes de financement, la banque accorde à un acheteur un prêt d’un montant déterminé qu’il remboursera à des échéances déterminées. Le fournisseur a, dans les deux modes, l’avantage d’être payé directement ou au comptant.

La divergence entre les deux formules, est que dans le crédit acheteur le crédit financier porte sur le moyen de paiement, alors que dans la Mourabaha il y a un contrat commercial (vente) et un financement à terme. En plus la banque dans la première formule est étrangère au contrat commercial, alors que dans la seconde, elle est partie intégrante.

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II-3-3 la Moucharaka et les autres crédits de financement :

La principale distinction entre les deux formules est la notion du risque. Le système de financement islamique exige que la banque soit associée avec le client, non seulement dans les gains, mais aussi dans les pertes. Alors que dans le système conventionnel, la banque ne lui intéresse que la réception des intérêts hormis le destin de l’investissement.

II-4 Résultats décevants après la commercialisation des produits « alternatifs » au Maroc :

En dépit de la prise en conscience du rôle important que peut jouer la finance islamique dans le dynamisme économique et la stabilité sociale de notre pays, la commercialisation des nouveaux produits bancaires a rencontré énormément d’obstacles et de difficultés. En effet, une évaluation de la situation après plus de cinq années de leur introduction, montre des résultats décevants et inquiète les protagonistes de cette industrie. Selon l’agence Ecofin « l’encours global de ces produits alternatifs n’a atteint que 800 millions de dirhams en 2011 en comparaison avec 9,4% du total de l’actif bancaire en Egypte et 9,6% en Turquie. Au Maroc, « ils ne pèsent que 1,8% dans l’actif bancaire à fin 2010 », selon le journal marocain L’Economiste.

En effet, notre pays est en retard en termes de développement des produits dits alternatifs. La Tunisie, l'Egypte ou encore la Turquie font état d'une nette progression de la part de participation des produits islamiques dans l'actif bancaire.

La commercialisation de ces nouveaux produits, depuis leur introduction, reste timide et n’arrive pas répondre aux attentes des clients. Nous pouvons citer les causes principales qui ont entravé le décollage de cette jeune industrie :

- Cherté des produits offerts justifié par la double transaction sur le contrat d’achat par la banque et la revente au client, et le manque de la concurrence (une seule banque a osé commercialiser ces produits, les autres attendaient le comportement du marché); - La pression du lobby des banques qui redoute la commercialisation de ces nouveaux produits et nouvelles banques islamiques concurrentes; - L’absence d’une volonté politique qui doute de tout ce qui est islamique; - Manque de compétence et carence des moyens et formations dans le domaine; - Marketing modeste qui n’accompagne pas les ambitions de développement de ces activités; - Absence du rôle des oulémas (Foukahas) pour sensibiliser et donner de la légitimité à ces nouveaux produits.

Le Maroc a tourné le dos à la finance islamique, qui selon l'avis de certains

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experts, représente un réel manque à gagner et son avenir reste très prometteur.

II-5 Réussir la promotion de la finance islamique au Maroc : quelles conditions ?

A l’heure actuelle, tout le monde s’intéresse à la finance islamique : Gouvernement, investisseurs, chercheurs, épargnants,... tous ces intervenants ont de grandes attentes par rapport à la finance islamique. En effet, faut-il entreprendre des mesures et assurer de bonnes conditions pour garantir la réussite de cette jeune industrie. Nous pouvons en citer principalement sans prétendre être exhaustifs :

- Avoir une vraie volonté politique et définition d’une stratégie globale pour la promotion de l’industrie financière islamique à travers les différentes composantes du système: banques, compagnie Takaful, fonds d’investissement… avec une implication des pouvoirs publics dans cette stratégie, notamment la banque centrale;

- La préparation des différents acteurs (politiques, économistes, cadres bancaires, Oulémas, …) par une formation adéquate dans les divers domaines de la finance islamique, tant sur le plan technique que charaïque afin de renforcer leurs compétences;

- La définition des mécanismes de fonctionnement et d’instruments du marché monétaire et de la gestion de trésorerie qui sont conformes aux principes de la finance islamique;

- L’encouragement des banques réticentes par la mobilisation des subventions, de récompenses et de protection contre la concurrence déloyale;

- La nécessité de se conformer aux règles, normes et standards définis par les organes de contrôle et de régulation tels que l’AAOIFI, le CIBAFI, IICRA…

- La nécessité d’éviter de transposer des expériences toutes prêtes d’autres pays sans tenir compte des spécificités et du contexte local.

- Adoption d’un marketing incitatif et lancement de compagne de sensibilisation de l’importance de ces produits dans le dynamisme économique et social du pays, en utilisant tous les médias disponibles;

- La définition et mise en place d’un cadre réglementaire approprié et complet (refonte de la loi bancaire, arsenal juridique et fiscal appropriés,…) permettant à la finance islamique de tracer son chemin vers la performance; etc.

Toutes ces mesures sont capables de donner de la vie et du dynamisme à la commercialisation des produits islamiques et assurer leur réussite auprès d’une population accueillante (7 marocains sur 10 se disent favorables aux produits

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financiers conformes aux préceptes de l’islam)11.

Au Maroc, avec la venue au pouvoir du PJD, l'introduction d'un chapitre sur la finance islamique dans la loi bancaire est programmée et le gouvernement actuel compte réellement créer une banque commerciale islamique et estime que la finance islamique serait vitale pour l’économie nationale.

Les autorités marocaines espèrent que la création ou l’avènement d’établissements financiers islamiques pourront contribuer au développement de Casablanca Finance City (CFC), cité dédiée aux entreprises financières. Ce projet du Moroccan Financial Board a l’ambition de faire du Maroc « un hub régional de la finance en Afrique du Nord et de l’Ouest »12.

Pour concrétiser leur volonté et convaincre les marocains de l’intérêt socio-économique de la finance islamique, le gouvernement est prêt à aménager la fiscalité et mettre en place un arsenal juridique et réglementaire favorable, pour que les produits proposés ne soient pas chers, comme ce fut le cas par le passé. Par ailleurs, les autorités marocaines misent sur la formation des différents acteurs et la sensibilisation des futurs clients.

Afin de rattraper son retard et redynamiser son économie, le Maroc a entreprit tout récemment la refonte de sa loi bancaire dans la laquelle il a introduit un chapitre sur les activités des banques appelées officiellement dans le corpus du projet de loi « banques participatives ». Ces futures banques proposeront à leurs clients des produits en adéquation avec la Charia. A ce jour, les banques traditionnelles ont-elles aussi le droit de proposer ces types de produits mais sous réserve d’un agrément.

Les activités des banques participatives et des banques classiques seront encadrées par une organisation : le comité Charia. Son rôle sera double : effectuer un travail d’audit et valider la conformité des produits proposés avec les préceptes de l’islam. Ce comité mettra à disposition ses conseils aux banques qui au passage devront être transparentes et appliquer à la lettre les principes éthiques de la finance islamique.

Tous ces efforts investis, ont pour finalité de rendre le Maroc une plateforme de cette industrie sur le plan régional. En conséquence, plusieurs banques des pays du Golfe ont exprimé leur volonté de venir s'implanter au Maroc.

Conclusion Générale :

Tout au long de ce modeste papier, nous avons démontré que la finance islamique représente une bonne alternative à la finance conventionnelle.

Dans ce sillage, nous pouvons avancer que l'industrie des services

11 Cabinet Islamic Finance Advisory & Assurance Services, (Juin 2012). Etude. 12 www.afrik.com

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financiers islamiques est en plein essor, elle attire les institutions financières de tous azimuts. La taille de cette industrie a largement dépassé les 1000 milliards USD en 2011, et cette croissance exponentielle est loin de s'estomper.

Il ne s’agit pas là d’une mode, ou du fruit d’un contexte politique particulier, mais plutôt d’un système alternatif venant compléter, et non se substituer au système conventionnel, offrant des opportunités pour le financement de l’économie, la relance de l’emploi, la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie des citoyens,….13

Devant l’expansion et le rôle primordial de cette jeune industrie dans le dynamisme économique et social, le Maroc n’est pas resté les mains croisées, et essaye de préparer le terrain pour devenir une plateforme régional afin d’accueillir les établissements voulant venir y investir. Ainsi, avec la création de Casablanca Finances City, notre pays a l’ambition de devenir un acteur régional de référence de la zone, et à revoir son positionnement.

Pour accompagner cette ambition, et accélérer le rythme de développement de la finance islamique au pays, les autorités monétaires ont décidé, tout récemment, d’autoriser la création de banques islamiques dites, toutefois, participatives. Ces futures banques, si toutefois le projet est validé, proposeront à leurs clients des produits en adéquation avec la Charia.

Pour répondre à notre problématique, nous avons pu constater que face aux obstacles et difficultés rencontrées par la commercialisation des produits alternatifs au Maroc, les consommateurs, pour des questions de pouvoir d’achat, n’ont pas pu se donner à cette nouvelle industrie. Toutefois, la majorité écrasante d’entre eux (49%), espère avoir des produits conformes aux préceptes de l’Islam, sans pour autant être chers.

Notre étude aurait été plus significative, si nous avions pu conduire des entretiens avec des professionnels, mais faute de temps, nous étions menés à faire une étude documentaire et prospective.

Il sera intéressant de suivre avec attention l'évolution de la finance islamique au Maroc. Va-t-elle connaitre un succès? Va-t-elle attirer des investisseurs des pays du Golfe ? Les clients marocains vont investir dans les produits offerts par les banques participatives ? Quels effets vont créer ces nouveaux produits dans l’économie nationale ? Dès que l’approbation du projet de loi sur les banques participatives sera effective, nous pourrions réaliser à posteriori une étude quantitative sur la place de la banque alternative au Maroc et les conséquences de son introduction. Cette étude pourra confirmer ou non la

13 MZID. W, Directeur de la Banque Zitouna Tunisie, (2010). « La Finance islamique :

Principes fondamentaux et apports potentiels dans le financement de la croissance et du

développement ». Papier

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tendance dégagée par notre modeste analyse qualitative.

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Bibliographie

Bank Al-Maghrib, (septembre 2007). « Directive n° RN 33/G/2007 ».

Banque Africaine de développement, (2010). « Services Bancaires et finance islamiques en Afrique du Nord : évolution et perspectives d’avenir ». Rapport.

BENLAHMAR, I. (2010), « La Finance Islamique est elle un rempart à la finance conventionnelle face à la crise? ». Mémoire de Fin d’Etudes.

Cabinet Islamic Finance Advisory & Assurance Services. (Juin 2012). Etude

Cellule de Fiqh du Centre Islamique de la Réunion, (Avril 2008) «Comprendre la finance islamique » Publication - Édition spéciale.

Conseil Déontologique des Valeurs Mobilière de la Bourse de Casablanca, (octobre 2010). « Finance Islamique » Rapport.

L’économiste, édition n° 6891 du 0188/81/84, « Finance islamique: Le Maroc a une place à prendre »

LAHLOU. A, (1996) «Le Système bancaire du point de vue islamique» Acte de colloque.

MZID. W, Directeur de la Banque Zitouna Tunisie, (2010) « La Finance islamique : Principes fondamentaux et apports potentiels dans le financement de la croissance et du développement» Papier.

Sites internet

www.bkam.ma: site officiel de Bank Al-Maghrib www. asmeci.tripod.com/asmeci.htm: Site official de l’association marocaine d'études

et recherches en économie islamique www.afrik.com www.afdb.org/fr: Site officiel de la Banque Africaine de Développement www.financialislam.com www.oumma.com: site de débats sur la finance islamique