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n° 64 novembre 2007 n° 64 novembre 2007 Société Française de Médecine Générale DOCUMENTS DE RECHERCHES EN MÉDECINE GÉNÉRALE DOCUMENTS DE RECHERCHES EN MÉDECINE GÉNÉRALE Sociologie et antropologie quels apports pour la médecine générale Sociologie et antropologie quels apports pour la médecine générale SFMG Le plaisir de comprendre SFMG Le plaisir de comprendre Documents de Recherches en Médecine Générale novembre 2007 n° 64 Documents de Recherches en Médecine Générale novembre 2007 n° 64

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n° 64novembre 2007

n° 64novembre 2007

SociétéFrançaisede Médecine

Générale

DOCUMENTSDE RECHERCHES

EN MÉDECINE GÉNÉRALE

DOCUMENTSDE RECHERCHES

EN MÉDECINE GÉNÉRALE

Sociologie et antropologie

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Peut-on décrire et comprendre la médecine sans mise en perspective historique et sociologique?

L’interrogation sur la nature des rapports entre la médecine, ou plutôt les médecines, les soignés et lessoignants est indissociable de tout sujet relevant de la « Santé ». Les demandes de soins et d’aides, élé-ments constitutifs de l’art de soigner, ne sont pas des exclusivités du domaine médical. Les pratiquesmagiques, religieuses comme les pratiques soignantes populaires n’ont pas disparu depuis l’avènementde la médecine scientifique.Le modèle de la médecine fondée sur les faits probants favorise les données (plus ou moins aisément)objectivables et quantifiables. Ces dernières ne doivent pas toutefois faire écran à d’autres co-facteurstout autant prégnants et décisifs qui conditionnent aussi bien le déroulement de la demande de soinsque des réponses proposées.

L’histoire de la médecine est celle d’une construction sociale marquée par de forts enjeux idéologiques.Ils éclairent les évolutions des politiques des multiples acteurs sociaux, dont les médecins eux-mêmes.L’anthropologie médicale s’est historiquement d’abord penchée sur les pratiques exotiques, puis a rapi-dement investi les systèmes de soins, leurs méthodes et outils. La question récurrente de ce bio-pouvoirest devenue majeure dans la société d’autant plus que la santé a été instaurée comme un « marché ».Le bruit de fond médiatique médical et ses liens avec la gestion des questions sociales a participé à latransformation de la notion de « Droit à l’accès aux soins » à celui de « Droit à la Santé »

Malgré la simplicité apparente du questionnement initial sur la place nécessaire des sciences socialesdans toute approche santé, la réponse n’est pas un fait acquis pour nombre des acteurs clé de la santé,dont les médecins eux-mêmes. Pour la médecine générale, dans sa fonction d’interface entre le champprofane et le champ professionnel, la prise en compte des sciences humaines et sociales est pourtant unélément décisif pour toute approche du sens et de la complexité inhérente aux pratiques soignantes. Ducoté des soins quotidiens, elle se traduit par exemple par les pratiques hétérogènes entre les médecinset des différences pour un même médecin face à un même problème au sein de sa patientèle. Ces varia-tions conduisent à s’interroger sur les divers déterminants médicaux et sociaux en cause…

Pourtant les travaux d’ethnologues et de sociologues sur la santé sont souvent méconnus, négligés, sco-tomisés, voire déniés car ils posent des questions relatives à la place de ce bio-pouvoir dans la société.C’est souvent par la petite porte de la relation soigné-soignant que les sciences humaines sont entréesdans la formation médicale initiale ou continue, avec un focus sur la maladie et le couple médecin-malade. Les sociologues en portant leur attention sur la diversité des acteurs et sur le contexte socialont travaillé sur des aspects que les médecins laissaient pour leur part dans l’ombre. Ils ont mis à jource qui était hâtivement décrété comme relevant de la « logique », de « l’usage », de « l’implicite », oudu « qui va de soi »…

C’est notamment le mérite de chercheurs comme Eliot Friedson, Isabelle Baszanger, MartineBungener, Jean Peneff ou Alain Ehrenberg, et bien d’autres, d’avoir porté leur regard de sociologuessur le champ médical et ses acteurs.

Leurs façons de regarder autrement les évolutions passées et présentes, aboutissent à d’autres mises enperspective des questions d’idéologies, des relations de pouvoir, des blocages et inerties des systèmesde soins comme des stratégies de santé publique et des inégalités sociales de santé.

Au travers de ces approches sociologiques diversifiées on retrouve les débats permanents qui impli-quent notamment la médecine générale et les médecins généralistes. Ils imposent un regard distanciésur la place de la médecine selon les pays, leurs histoires sociales, politiques et culturelles. Ils condui-

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Éditorial

sent notamment les professions de la santé à revisiter leur modèle dominant du moment. À revisiter età relativiser, mais aussi à mieux saisir et agir sur les changements de paradigmes en cours comme entémoignent les exigences nouvelles du patient devenu « usager-consommateur-citoyen-contribuable »informé de façon claire, loyale et compréhensible tant au plan individuel qu’au travers des associationsd’usagers.

L’approche sociale est présente partout et les exemples ne manquent pas. Quid de toute puissance pré-sumée de la médecine et de la promotion médiatiquement assistée de la gestion du risque cardiovascu-laire et du cholestérol ? Faut-il oublier ou passer sous silence que la baisse de mortalité observée est engrande partie liée à la réduction d’incidence de la mortalité une fois la morbidité survenue. Faut-il dansle même temps scotomiser par exemple le fait que le taux de survie après infarctus du myocarde variesurtout selon les catégories socioprofessionnelles. C’est là une des illustrations des inégalités socialesde santé. Dans une logique de santé publique quels sont les facteurs structurels qui participent à la dif-férence de 4.6 ans d’espérance de vie entre les régions Midi-Pyrénées et celle du Nord pas de Calais ?Comment analyser rigoureusement les multiples raisons qui aboutissent à la différence de décès entre35 et 65 ans pour les ouvriers et les cadres : 26 % contre 13 %?

Dans une logique voisine, les données récentes sur l’accroissement des troubles musculo-squelettiques(TMS), les cancers professionnels ou le harcèlement professionnel peuvent-elles être examinées uni-quement à l’aune de la biomédecine? La clinique du travail selon la formule d’Yves Clot, aboutit auconstat du développement de « l’écoute » dans les milieux professionnels au fur et à mesure de ladégradation des conditions du travail.

Les approches sociologiques éclairent aussi la forte tendance à la médicalisation de la santé. Elles don-nent des arguments pour comprendre non seulement des questions relatives aux soins mais aussi pourexpliciter des enjeux sociaux ou sociétaux au travers des débats modélisant sur la procréation médica-lement assistée, la génétique ou l’éthique.

Si comme le soulignait Georges Canguilhem, « la santé a remplacé le salut », alors la diversité et larigueur des outils, les méthodes et les acteurs pour investiguer ce champ et ces évolutions est une prio-rité. La santé est-elle surtout une production liée aux services des professionnels de la santé ou d’abordle résultat de comportements multiples individuels et collectifs dans un contexte de vie sociale (fami-liale, scolaire, professionnelle, environnemental, etc.) ?

Une telle vision ne conduit-elle pas à relativiser l’activisme médical et à renoncer à l’illusion de la toutepuissance présumée d’une approche scientiste de la santé? Elle rappelle aussi à la réalité concernant la« bienveillance » et la « neutralité » supposées des professionnels… Les résultats de travaux de socio-logie amènent à la perte d’une certaine « candeur » des professionnels de la santé sur eux-mêmes et surleurs pratiques !

En publiant dans ce Document de Recherche en Médecine Générale des travaux de sociologues et d’an-thropologues, la SFMG illustre son intérêt de ces approches et leurs apports dans l’analyse des pra-tiques. Faut-il y voir un retour aux sources de la SFMG? Il est indispensable de rappeler ici que la poi-gnée des fondateurs de la SFMG était aussi des Balintiens et que, dès sa création en 1973, la SFMGavait systématiquement inclus dans ses travaux de recherche des sociologues, linguistes et psychana-lystes. La théorisation de la médecine générale s’est faite avec leur concours.

Les sciences humaines et sociales sont donc essentielles pour argumenter les débats sur les évolutionset mutations du système de santé français. Ce sont des indicateurs des tensions contradictoires aux-quelles est soumis un système complexe sur un aussi sujet central que la vie. Une raison de plus pourêtre attentif à ces travaux qui viennent alimenter notre « plaisir de mieux comprendre ».

La SFMG

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALE

En fonction de sa propre expérience chaque méde-cin élabore sa définition de la médecine qui déter-mine sa pratique au quotidien. Il existe ainsi plu-sieurs manières d’exercer la médecine : centréesur la maladie, centrée sur le malade, centrée surla santé, médecine salariée, médecine libérale,médecine hospitalière, médecine générale, méde-cine spécialisée. Il ne faudrait pas parler de lamédecine mais des médecines.

Si le débat pour définir précisément la médecinen’est pas tranché, la formation des futurs prati-ciens, quant à elle, est tranchée et sans débat : laformation universitaire s’appuie essentiellementsur les sciences biologistes, laissant un strapontinaux sciences humaines. Cela correspond à lareprésentation traditionnelle du rôle du médecin :poser un diagnostic et proposer une thérapeutique.Cette même logique suppose le rôle du patient :accepter le diagnostic et suivre les recommanda-tions du médecin. Dans ce schéma la relationmédecin/malade relève de l’humanisme, du bonsens ou de la psychologie de base, l’étudier d’unpoint de vue scientifique relève au mieux d’uneperte de temps, au pire du charlatanisme.

Mais alors pourquoi un nouveau concept apparaît-il dans le discours des médecins : « le relation-nel »? Pourquoi des formations se développent-elles pour apprendre à gérer « le relationnel »?Que signifie l’apparition d’une nouvelle maladiecomme le « burn out syndrom »? Que signifiel’apparition d’une nouvelle discipline qui s’impo-se peu à peu : l’éthique médicale? Pourquoi faut-il donner des nouveaux droits au malade ?Pourquoi faut-il développer études et enquêtespour améliorer la qualité des soins, alors que, detoute évidence, les médecins sont des profession-nels qui font de leur mieux? Pourquoi un certainnombre de médecins se sentent-ils dévalorisés etont-ils l’impression de devenir des prestataires deservices? Pourquoi faut-il créer des réseaux for-malisés où les médecins devraient apprendre à tra-vailler ensemble, comme si coordonner leur actionn’était pas une évidence? Pourquoi et selon quel-le logique, l’évaluation des pratiques apparaît-elledans le champ médical là où régnait la confiancedu profane envers l’expert ?

Ces questions en imposent une autre : les scienceshumaines ont-elles une place en médecine? Ilsemble qu’une réponse affirmative commence à sedessiner. Cependant il ne suffit pas d’acter laréponse, il faudrait préciser la question : quelleplace faut-il leur faire ? Avec cinq questions subsi-diaires :

• quel rapport, quel positionnement entre médeci-ne et sciences humaines?

• de quel savoir de base les médecins disposent-ilssur les sciences humaines?

• quel type de connaissances les médecins ont-ilsbesoin d’acquérir en sciences humaines?

• quelle demande les médecins peuvent-ils adres-ser aux sciences humaines?

• quelle aide concrète les sciences humaines peu-vent-elles apporter à la médecine?

Commencer à poser quelques fondements desciences humaines en médecine est déconcertant :les demandes des médecins sont ambiguës et hési-tantes. Cela est particulièrement vrai pour lamédecine générale. Amorcer ce débat entre cesdeux disciplines revient à ouvrir la boîte dePandore :

• dans la pratique les généralistes sont déjà consi-dérés comme les spécialistes de « la relationhumaine », les théories des sciences humainespeuvent-elles encore apporter quelque chose?

• la vision qu’ont les généralistes des scienceshumaines est limitative. Elle se concentre sur laconnaissance des déterminants sociaux et cultu-rels des patients. Les sciences humaines seraientun outil pour aider les généralistes à communi-quer mieux avec leurs patients.

• les sciences humaines doivent apporter un savoirconcret adapté aux demandes précises des géné-ralistes, l’idéal serait qu’elles apportent des« recettes ».

• quelles sciences humaines pourraient-elles êtreutiles aux généralistes ? Quelle différence entreanthropologie et sociologie.

Toutes ces problématiques sont le reflet de la dis-tance qui existe entre les deux disciplines : lasociologie et la médecine sont deux sciences quise sont développées séparément. La science médi-

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QUELS SONT LES APPORTS CONCRETS DES SCIENCESHUMAINES A LA MÉDECINE GÉNÉRALE ?

Mathieu Lutsman, Isabelle Bourgeois

La médecine est-elle une science, un art, une technique, une relation d’aide? Et si elle estune science, est-elle une science humaine ou une science biologique? La réponse ne peutêtre tranchée en quelques mots, elle nécessite un débat approfondi. Il n’est même pas sûrqu’une vérité surgisse de la discussion, chacun défendant ses arguments sans qu’aucun nesoit décisif.

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEcale ignore en grande partie le savoir développépar les sciences humaines. De même, la sociologiefait principalement de la médecine un objet derecherche qu’elle étudie au même titre que d’aut-res aspects de la réalité sociale. Ainsi le savoir éla-boré sur la médecine semble avoir eu peu deconséquences sur la gestion des problèmes desanté, contrairement par exemple à la sociologiede la famille où le savoir élaboré a contribué à ladéfinition des politiques publiques familiales.Selon la même logique, la place faite aux scienceshumaines dans la formation des médecins demeu-re restreinte, contrairement à ce qui tend à se fairedepuis les années 80 dans le cursus de formationdes infirmiers.

Le dialogue entre médecine et sociologie sembleêtre sous le sceau d’un étrange paradoxe : lesmédecins connaissent très peu les sciences humai-nes, ils n’ont officiellement aucune demande pré-cise tout en insistant pour que l’aide des scienceshumaines soit opérationnelle et concrète et s’intè-gre dans la logique de la médecine.

Les sciences humaines, et en particulier la socio-logie, fonctionnent selon leur propre logique.Comment médecins et sociologues pourraient-ilsse comprendre alors que :

• le médecin demande au sociologue une explica-tion culturaliste pour mieux comprendre unpatient considéré comme radicalement autre.

• le sociologue met le médecin sous microscope,analyse les dysfonctionnements du système : lemédecin est autant objet de recherche que lepatient.

Le médecin veut qu’on l’aide à améliorer sacommunication avec le patient alors que lesociologue veut obliger le médecin à réfléchirsur lui même et sur sa pratique.

Répondre à cette contradiction ne peut se fairequ’en ouvrant un débat, c’est exactement ce quepropose cet article. Il est impossible de résumer larichesse des apports de la sociologie de la santé àla médecine générale. En revanche il est possibled’amorcer le débat en identifiant les attentes et lesbesoins des uns et des autres.

L’article est présenté en deux parties :

• la première propose une définition générale etsynthétique de la sociologie.

• la seconde présente un éclairage sur la sociolo-gie de la santé.

L’intention n’est pas de transformer les médecinsen sociologues. Ils ne sont pas non plus pharma-ciens, biochimistes, biophysiciens, anatomistes…

et pourtant ils ont acquis une connaissance debase de toutes ces disciplines. La logique devaitêtre la même pour la sociologie. L’enjeu final estd’intégrer ce savoir dans la pratique quotidienne.

QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

La sociologie est une discipline scientifique quivise à observer et analyser les dimensions collec-tives de la vie en société. Elle explique commentfonctionne et se transforme une société. Elle ana-lyse d’un côté comment l’environnement sociald’un individu ou groupe d’individus structureleurs façons de penser et d’agir et, d’un autre coté,s’interroge sur la manière dont les actions indivi-duelles ou collectives contribuent à modifier cetenvironnement.Les pères fondateurs de la discipline que sontÉmile Durkheim et Max Weber sont à l’origine dedeux approches opposées dans la façon de penserce lien entre individu et société :Le premier, à l’origine de l’approche holiste pro-pose d’étudier les phénomènes sociaux comme untout extérieur aux individus. Ce n’est pas l’indivi-du qui « fait » la société mais la société qui a unpouvoir de coercition sur lui. Le holisme est unparadigme sociologique qui met à jour des loisgénérales d’évolution de la société. Cette postureengage les chercheurs à utiliser principalementdes méthodes d’analyse quantitatives (statistiques,sondages). L’approche holiste en sociologie a pro-duit tout un ensemble de recherches qui mettenten valeur les déterminismes sociaux. Les princi-paux auteurs s’inscrivant dans ce paradigme sontKarl Marx et Pierre Bourdieu.Le second, à l’origine de l’approche dite de « l’in-dividualisme méthodologique », propose à l’in-verse d’expliquer le fonctionnement de la sociétéà l’aune des comportements individuels. Laméthode individualiste prônée par Max Weber,« invite donc le sociologue à partir des individuspour expliquer un fait macro social et sa sociolo-gie compréhensive postule qu’il faut pour celareconstituer le sens que les acteurs donnent à leursactions ». L’individualisme méthodologiqueaccorde ainsi une part d’autonomie aux individusdans les choix qu’ils font. Deux auteurs s’inscri-vant dans ce paradigme sont Raymond Boudon etMichel Crozier. Les analyses qui en ressortentreposent tout à la fois sur des méthodes quantita-tives et qualitatives (entretiens, observations).Ce clivage, s’il est fortement marqué historique-ment et politiquement est, aujourd’hui moinsvivace que dans les années 1970, 1980 et la socio-logie actuelle est plutôt marquée par une approcheindividualiste dans la tradition de Max Weber.Quelles que soient ses approches, la sociologieapporte donc des éléments d’explications sur

LA SOCIOLOGIE

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toute une série d’interrogations dans des domai-nes très divers (famille, travail, école, religions) etégalement sur des questions qui correspondent àdes préoccupations politiques et sociales dumoment (violences urbaines, organisation du sys-tème de santé, exclusion sociale).

SOCIOLOGIE ET ANTHROPOLOGIE, DESSCIENCES SOCIALES QUI APPROCHENT LE RÉELPAR L’ENQUÊTE DE TERRAIN

La sociologie est une des disciplines de scienceshumaines comme la psychologie, l’économie,l’histoire, la philosophie, ou encore l’anthropolo-gie. La psychologie s’intéresse à la structure et aufonctionnement de l’activité mentale à partir d’ex-périences et d’observations. L’économie proposedes modélisations théoriques des comportementsindividuels ou collectifs en lien avec des préoccu-pations de productivité, rentabilité, efficacité ouefficience, le plus souvent au moyen d’un traite-ment statistique. L’histoire cherche à reconstituerla réalité de phénomènes passés et repose sur l’a-nalyse d’archives. La philosophie, elle est la quêtede la sagesse à partir d’un raisonnement abstrait.Sociologie et anthropologie sont, quant à ellesdeux disciplines voisines parce que ce sont lessciences sociales de l’enquête de terrain. Elles nese distinguent finalement que par les sujets qu’el-les traitaient au départ. L’anthropologie était plu-tôt tournée vers l’étude de sociétés hors de notrechamp culturel. Aujourd’hui la différence entreanthropologie et sociologie n’est plus fondée surun clivage géographique. Il s’agit surtout du choixdes sujets.Les méthodes utilisées sont l’observation et l’en-tretien. L’observation directe consiste à s’immer-ger dans un milieu et à noter tous les événementsobservés sans sélection a priori. L’observationcomme méthode d’enquête est souvent un com-plément de l’entretien qui représente la méthodecentrale d’investigation empirique en sociologiequalitative.Il nécessite l’apprentissage rigoureux d’une tech-nique spécifique qui le distingue de l’interviewjournalistique. En effet le journaliste dispose d’untemps court et ne vise pas à l’objectivité. Il cher-che à « faire dire » des choses à son interlocuteuren vue d’un scoop éventuel. La démarche dusociologue est toute autre puisque son objectif estde comprendre les perceptions de l’individu qu’ilenquête. Il s’abstient formellement d’influencerde quelque manière que ce soit le discours de cettepersonne. En tant que discipline scientifique lasociologie vise à l’objectivité. Seuls des entretiensmenés avec rigueur et dans le strict respect desrègles de réalisation d’un entretien sociologiquepeuvent produire une enquête sociologique dequalité. Par exemple les « focus groupes » qui sontsouvent utilisés en marketing, ne sont pas une

technique d’investigation en sociologie. Les inter-actions qui se jouent entre les individus qui com-posent se groupe modifient leurs perceptions. Lesréactions des uns influencent les autres.Autrement dit, toute la démarche du sociologuedans une enquête de terrain sera d’influencer auminimum la réalité qu’il observe.Il existe deux types d’entretiens en sociologiequalitative : l’entretien semi-directif et l’entretienbiographique. Le premier consiste, à l’aide d’unguide d’entretien qui fait office de pense-bête, àaborder un certain nombre de thèmes avec la per-sonne. L’ordre des questions importe peu. Toutl’art du sociologue est de faire parler la personnequ’il a en face de lui sans avoir besoin de la relan-cer souvent. C’est ainsi que les questions ne sontpas fermées. Les seules interventions du sociolo-gue dans l’entretien sont des relances pour plus deprécision ou pour aborder un autre thème du guided’entretien. L’entretien biographique, lui, est nondirectif. Il est plus long que l’entretien semi-direc-tif qui peut durer jusqu’à deux heures et tient auminimum une heure. La durée de l’entretien estégalement un des éléments essentiel de sa qualitéde même de sa réalisation en face à face.L’entretien non directif se réalise sur plusieursheures et consiste à demander à la personne inter-viewer de raconter une partie de sa vie.L’entretien directif, quant à lui qui est plutôt unetechnique enquête quantitative, est l’entretientypique du sondage. Les questions sont fermées etdoivent être traitées de façon statistique afin deproduire une connaissance simple sur une popula-tion représentative. L’approche qualitative de lasociologie ne se préoccupe pas du caractère repré-sentatif de l’échantillon étudié au profit d’une ana-lyse fine de processus micro-sociaux qui ne peu-vent pas être mis en lumière autrement.

COMMENT LA SOCIOLOGIE TRAITE-T-ELLE DELA MÉDECINE GÉNÉRALE ET DES MÉDECINSGÉNÉRALISTES ?

La sociologie de la médecine générale est touterécente en France même si Isabelle Baszangeravait déjà traité en 1979 dans sa thèse de la socia-lisation professionnelle des médecins généralis-tes. Rares sont les sociologues qui, jusqu’à uneépoque récente s’intéressaient spécifiquement à cesegment professionnel. Un premier colloque ensociologie s’est tenu au mois de juin 2006« Approches sociologiques de la médecine géné-rale ». Il témoigne de la constitution d’un champde recherche spécifique en sociologie. Voiciquelques extraits de l’appel à communication quidonne une vision claire de l’état des questions ensociologie de la médecine générale :« L’organisation d’une rencontre autour de lasociologie de la médecine générale et des méde-cins généralistes semble pertinente à plus d’un

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titre : d’une part les réformes récentes ont eu deseffets directs sur la médecine générale, qu’ellesconcernent les études médicales ou l’organisationde l’offre de soins ; d’autre part un certain nomb-re de travaux sociologiques ont été ces dernièresannées consacrés au rôle des généralistes dans lesystème de santé et aux dynamiques qui parcou-rent ce groupe professionnel. […] Toutes les ten-tatives de réforme du système de santé françaisparlent de revaloriser cette médecine de premierrecours en donnant aux omnipraticiens un rôle depivot dans l’organisation des parcours de soin despatients. On se plaît ainsi à invoquer le rôle essen-tiel des généralistes sans guère mobiliser d’étudessur la manière dont ils réussissent à déclinerconcrètement dans leurs consultations la notion dequalité de pratique. La connaissance de leurs pra-tiques, dans leur diversité, et de leurs positionne-ments par rapport aux politiques sanitaires repré-sente aujourd’hui un enjeu. Entre le dénigrementdont le travail des omnipraticiens est encore sou-vent l’objet de la part des spécialistes ou deshospitaliers et une vision idéale de ce que seraitleur fonction dans un système de soins optimal, letravail d’enquête est seul à même de produire uneanalyse pragmatique de ce que sont et font lesgénéralistes. Parmi les disciplines mobilisables, lasociologie tient une place de premier plan si l’onen juge par les recherches récentes. »

Cinq thèmes ont été choisis afin de balayer l’en-semble des travaux qui pouvaient s’inscrire dans cechamp: Identitié(s) professionnelle(s), environne-ment institutionnel et nouveaux défis, généralistesde demain : des jeunes, des femmes, et des condi-tions d’exercice? patients de médecine générale,retour sur la sociologie de la médecine générale.

De la théorie à la pratique, comprendre les para-digmes et les méthodes de la sociologie ne donnepas forcément une réponse intuitive à la questioncentrale posée dans cet article : « Quels sont lesapports concrets des sciences humaines à lamédecine générale? »

Cette question s’adresse au sociologue qui estainsi sommé de prouver la pertinence de sonchamp disciplinaire, comme si les patients inter-pellaient les médecins en leur demandant, enentant dans leur cabinet, « Docteur, prouvez-moiavant toute chose que votre science est capablede me guérir et démontrez-moi de quellemanière ».

Que ce type de question directe s’adresse à l’ex-pert sociologue ou à l’expert médecin, la réponsepertinente et opérationnelle n’est pas facile à trou-ver : il ne s’agit pas simplement d’exercer son art

mais d’en démontrer la pertinence.

L’expert peut répondre suivant différentes démar-ches méthodologiques :

• faire appel à l’évidence et au savoir communé-ment partagé. Le rôle du médecin est évident : ilest là pour soigner les patients. De même le rôledu sociologue est évident : il est là pour com-prendre comment fonctionne la société.

• faire appel à l’argument d’autorité. Le médecinest celui qui sait, son diplôme le prouve, lepatient doit obéir, suivre les recommandationsde la science sans quoi ce dernier ne fait paspreuve de rationalité. De même le sociologue estcelui qui sait, il a acquis connaissances scienti-fiques et méthodes opérationnelles pour décryp-ter et analyser le comportement des acteurs, lemédecin doit donc logiquement utiliser lesconnaissances mises à sa disposition, sans quoilui aussi aurait un comportement irrationnel.

• faire appel à la logique et à la démonstrationcognitive. Médecins et patients peuvent s’asseoirautour de la table, le médecin développerait uneargumentation, étude scientifique à l’appui, pourdémontrer au patient la supériorité de la médeci-ne scientifique sur la religion, les rebouteux ouautres sorciers. De même les sociologues, en sefondant sur la recherche en sciences humaines,peuvent expliquer aux médecins de manièrecognitive et rationnelle, que l’appropriation desconnaissances développées par les sociologuesde la santé leur permettrait de comprendremieux leur pratique, leurs patients, l’évolutiondu savoir médical et en conséquence de gérermieux tant les relations médecin/malade que lesrapports entre pairs et avec la puissancepublique.

• faire appel à la négociation. Médecins et patientspourraient s’asseoir autour d’une table et com-menceraient d’abord par se demander pourquoila question est posée, quel enjeu elle cache (yaurait-il une question plus fondamentale derriè-re la question?). De même les sociologues et lesmédecins pourraient commencer, avant toutedémonstration, par s’asseoir autour d’une tableet les sociologues pourraient demander auxmédecins : « pourquoi faut-il démontrer lesapports concrets des sciences humaines? ».

Chacun pouvant être sensibilisé davantage parl’une des quatre démarches, pour répondre à laquestion que les médecins posent aux sociologues« quels sont les apports concrets des scienceshumaines à la médecine générale? », il faudraitpouvoir donner au lecteur, une réponse multipleafin de s’adapter aux différentes attentes. Lerédacteur fait le choix d’utiliser les deux dernièresméthodes.

LA SOCIOLOGIE DE LA SANTÉ

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Cette seconde partie sera présentée en deuxtemps : d’abord une démonstration théorique fon-dée sur la logique universitaire des apports de lasociologie à la médecine générale, ensuite unetentative de démonstration des implicationsconcrètes de la sociologie dans la pratique quoti-dienne des médecins.

Utiliser un tel plan est un enjeu complexe pour lesociologue : ne pas se contenter du rôle de l’experten se limitant à expliquer un savoir mais entrerdans une logique de négociation et intégrer lesattentes et les besoins des médecins généralistes.Cependant cette démarche ne peut se faire que, si,par effet miroir, les médecins acceptent d’adopterla même démarche. Il faudrait alors qu’ils s’inter-rogent sur les raisons et la manière dont ils ques-tionnent les sciences humaines. En effet les socio-logues pourraient légitimement retourner à l’ex-péditeur la question posée. Ce n’est peut-être pasaux sciences humaines de se demander quelapport concret elles peuvent apporter aux méde-cins, mais plutôt de demander aux médecins com-ment eux qui, par définition, passent leur temps àgérer des relations humaines peuvent-ils ne pasutiliser ce savoir ? Les sciences humaines ne sont-elles pas au cœur de la pratique des médecins?Des médecins généralistes en particulier ?

L’APPROCHE THÉORIQUE

Le savoir élaboré par les sciences humaines peutintéresser les médecins à double titre. En premierlieu le savoir spécifiquement élaboré dans lechamps de la sociologie de la santé permettrait aumédecin de comprendre les véritables enjeux deleurs pratiques, ainsi que le rôle et la place qu’ilsoccupent dans le système de santé. Mais ilconvient de ne pas oublier dans un second tempsque le médecin est lui-même un acteur du champsocial et qu’il a aussi besoin de comprendre l’évo-lution de la société. En ce sens, le savoir sociolo-gique général peut aussi lui être utile.

LA SOCIOLOGIE DE LA SANTÉ

La sociologie aborde la problématique de la santéselon quatre angles d’approche.

La sociologie des maladies

La sociologie des maladies permet de comprendreque la maladie est un concept beaucoup plus com-plexe qu’il n’apparaît au premier abord. Elle est unconcept en soi qui doit être déconstruit et analyséafin de mieux saisir les valeurs qu’il véhicule.

Les différents régimes du mal

Les maladies n’ont pas une existence universelle

et immuable. Elles prennent forme en fonction deslieux et des époques. Souffrir du SIDA en Afriqueou en Occident ne recouvre pas une même réalité.De même, si le cancer existe depuis l’Antiquité, ilne devient le fléau des fléaux qu’au XXe siècle(Pinel).

Si nous prenons l’exemple de la perception histo-rique des maladies, il est possible d’effectuer unconstat simple : la place, la perception et le rôleque joue la maladie évoluent en fonction desépoques (Herzlich). À chaque époque sa maladiesymbolique : peste, lèpre, tuberculose, cancer…Le médecin peut percevoir cela comme une sim-ple évolution du savoir médical, en revanche, cequi fait sens pour le sociologue est qu’il ne s’agitpas d’une simple succession de maladies maisd’une succession de « représentations sociales » :

• au Moyen Âge le visage de la maladie a étécelui de l’épidémie : image collective de la mal-adie où l’individu n’est pas malade seul, il estmalade avec les autres ; synonyme de mort bru-tale et collective, la maladie entraîne une fortediminution démographique et transforme lasociété par une dépopulation subite. Le facteurbiologique n’en est pas seul responsable : lamisère et la famine chronique sont encore plusdéterminantes.

• au XIXe siècle une autre maladie s’empare del’imaginaire collectif : la tuberculose. La tuber-culose tue de manière massive (20 % des décès)mais lentement (en 20 ans), le malade n’est plustotalement exclu de la société, la tuberculoseinvente le statut du malade chronique moderne.Petit à petit avec la tuberculose, la maladiedevient une affaire personnelle et non celle de lacommunauté. Elle est une transition entre deuxtypes de représentation de la maladie : le modè-le collectif de la maladie et le modèle indivi-duel.

• au XXe le cancer devient la maladie embléma-tique. L’image s’impose à tel point que chaqueproblème social grave est synonyme de cancer.Le cancer ne s’impose pas parce qu’il est unemaladie nouvelle mais sa place est liée au déve-loppement même de la médecine moderne : sta-tistiques, épidémiologie, radiographie… nou-velles techniques médicales permettant de dia-gnostiquer les cancers internes. L’évolutiondémographique joue un rôle important : le can-cer étant une maladie de la dégénérescence, ilatteint de préférence les personnes âgées. Ilreprésente le prototype de la maladie des tempsmodernes : maladie individuelle, qui ne se trans-met pas, au long cours, qui nécessite investisse-ment et suivi médical, elle impose le dévelop-pement de la recherche médicale et de l’hôpitalmoderne.

• dans l’avenir il semble que les maladies menta-

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEles soient appelées à devenir la maladie emblé-

matique.

Comprendre cette situation permet aux médecinsgénéralistes d’entrer dans la complexité d’unconcept apparemment simple : les maladies nesont pas uniquement définies par les facteurs bio-logiques, elles prennent sens dans un contextesocial bien particulier, ce que perçoit le médecinn’est pas seulement l’expression d’un trouble bio-logique, mais aussi l’interaction de la biologieavec le social.

Dans la même logique il va de soi que le rôle dusoignant n’est pas le même en fonction de lareprésentation dominante, le rôle du médecin évo-lue lui aussi à travers l’histoire.

Les deux régimes des maladies

L’évolution des représentations de la maladie per-met de conceptualiser deux grands types qui sesuccèdent et se complètent dans le temps : la mal-adie aiguë et la maladie chronique.

La maladie aiguë : le temps est court, de quelquesjours à quelques semaines : un début, un déroule-ment et une fin. La cause peut être traitée, deuxpossibilités : la guérison ou la mort. Le modèles’intègre dans le modèle bio-médical : une mal-adie précise, un ennemi maléfique à éradiquer, lamaladie est centrale, l’individu périphérique.Dans ce modèle le patient a un interlocuteuressentiel : le médecin. L’avis du patient est secon-daire.

La maladie chronique : elle a un début, mais pasde fin, elle dure toute la vie ou du moins très long-temps. Maladie souvent incurable, seules lesconséquences peuvent être traitées. L’absence deguérison a pour conséquence que le patient doitapprendre à vivre avec sa maladie. Maladie quis’amalgame à la vie du patient, l’individu est cen-tral, la maladie périphérique. Dans ce modèle lepatient a de multiples interlocuteurs, le médecinn’est que le maillon d’une chaîne et a besoin del’aide du patient pour le suivi et la prise en chargede la maladie, le patient devient un partenaire.

Si la maladie aiguë a, pendant des siècles, repré-senté la maladie, de nos jours la maladie noble estla maladie chronique. Alors que la maladie aiguëest renvoyée en grande partie à la bobologie.Cependant le rôle du médecin a été conçu sur lemodèle de la maladie aiguë (le savant versus leprofane), la maladie chronique impose un autremodèle de relation médecin/malade, fondé nonsur un rapport entre expert et profane, mais sur unrapport de coopération où le médecin devientcelui qui sait un peu plus, le patient celui sait un

peu moins, l’enjeu est alors la transmission dusavoir ou l’éducation du malade. Cependant lesenjeux, le contenu et le mode d’emploi de cetteéducation ne sont pas précisés :

• Comment s’effectue cette éducation?• Avec quelle limite?• Qui garde l’autorité dans la relation

médecin/malade?• Un médecin peut-il accepter que le patient en

sache plus que lui ?• Un patient peut-il accepter que son médecin ne

sache pas tout ?• Être un prestataire de service est-il positif ou

négatif ?• Les média jouent-ils un rôle positif ou négatif ?

Deux modèles de maladie

Deux conceptions de la maladie opposées seconfrontent depuis l’Antiquité (Laplantine) :

• le modèle bio-médical : ontologique (la maladiea un « être » précis, une existence solide : lalésion anatomique), exogène (la maladie résultede la pénétration d’un élément étranger et hosti-le à l’intérieur du corps, modèle pasteurien),maléfique (la maladie constitue une agressionextérieure, un ennemi qu’il faut éliminer).

• le modèle holiste : fonctionnel (la maladie necorrespond pas à une lésion spécifique, mais àune rupture d’équilibre), endogène (la maladien’est plus considérée comme une entité étrangè-re mais elle est liée à l’histoire de l’individu.Être malade a un sens), bénéfique (la maladie estassimilée à une « crise » qui permet à l’individude mieux se comprendre et en conséquence demieux gérer ses conflits).

Dans le modèle bio-médical, les maladies sontdonc des entités spécifiques et indépendantes. Peuimporte la personne, tout le monde souffre de lamême maladie. Le rôle du médecin est alors de nes’intéresser qu’à la maladie. Dans ce modèle lemeilleur des médecins est le chirurgien : il ôte latumeur, et tout rentre dans l’ordre.

Dans la perspective holiste, la maladie perd saplace centrale au profit de la personne malade. Cequi compte est la capacité de l’individu à s’adap-ter tant d’un point de vue psychologique que phy-sique. Dans ce modèle : la maladie ne se résumepas à la réalité biologique mais résulte de l’inte-raction entre une essence biologique et la manièredont réagit l’individu : le meilleur des médecinsest alors le balintien.

Il serait illusoire de croire qu’un de ces modèlesserait plus scientifique que l’autre, nous pouvons

DRMG 64 — page • 12 • Société Française de Médecine Générale

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEjuste constater que le modèle holiste est domi-nant jusqu’au XIXe siècle, le modèle bio-médicalprend le relais à la naissance de la médecinemoderne, sans que disparaisse toutefois le modè-le holiste.

Il serait illusoire de croire qu’il existe des cloisonsétanches et qu’il existerait des médecins bio-médicaux versus des médecins holistes. En fonc-tion des circonstances chacun est amené à utilisertel ou tel modèle, même si chaque médecin fondesa pratique sur un modèle qu’il privilégie.

Dans la pratique le choix de se référer à tel ou telmodèle est capital, en effet il n’entraîne pas lemême type de stratégie thérapeutique ni le mêmetype de relation médecin/malade.

La sociologie des malades

La formation universitaire des médecins est prin-cipalement fondée sur l’apprentissage des diffé-rents types de maladies avec comme hypothèsenon exprimée que la maladie « frappe » tous lesindividus exactement de la même manière (Good).Ainsi s’invente peu à peu la figure du malade« moyen », qu’il est possible de soigner de maniè-re identique comme le professeur qui enseigne àun élève idéal type, sans tenir compte des variabi-lités et des attentes des individus.

En effet un patient n’est pas seulement un malademais aussi une personne, il suffit de prendre letemps de les écouter, de les observer pour s’aper-cevoir d’une évidence : les patients sont loin d’êtretous identiques. Non seulement ils ont des attentesdifférentes mais ils possèdent aussi leurs propresconceptions de la santé. De plus ces concepts peu-vent différer de ceux des professionnels. Peuvent-ils être catégorisés comme illogiques et irration-nels pour autant ?

Les médecins peuvent-il se contenter du constatempirique qu’ils font tous les jours : les maladesne sont pas tous identiques et cependant continuerà les soigner de la même manière?

Les médecins peuvent-ils se contenter d’acter queles patients raisonnent et se contenter de penserqu’ils sont irrationnels ?

En plus de diagnostiquer et de proposer une théra-peutique les médecins doivent répondre à troisautres questions :

• donner du sens aux interrogations du patientpour qui la maladie ne se résume jamais totale-ment à des facteurs biologiques

• adapter le traitement à la vie du patient• accepter ou non les raisonnements profanes des

patients, ce qui a pour conséquence de s’interro-ger sur la manière dont le médecin se représentele rôle du malade : un malade, un patient, unclient, un usager?

Ce que représente la maladie : les représenta-tions sociales

Dans les sociétés modernes, même pour lespatients, le corps et les maladies sont vus à traversle prisme du regard bio-médical (Herzlich).Cependant des questions profanes persistent :« quelle est l’origine de mon mal? » « pourquoicela m’arrive à moi? » « quelle faute ai-je com-mise? » « pourquoi maintenant ? »

Les patients acceptent une première explicationbiologique, mais pour eux derrière l’aspect pure-ment descriptif des maladies se cachent desgrands modèles explicatifs. Ces grands modèlesremettent souvent en cause la société. Les indivi-dus donnent des explications sociales à la mal-adie, le déclenchement de la maladie est dû auxeffets nocifs de la société sur un individu « sain » :

• au mode de vie malsain• au fait de vivre dans une société trop agressive• au rythme de vie trop rapide• à la pollution• à la nourriture chimique

La maladie objective un rapport conflictuel ausocial (Herzlich).

Pour le patient, le concept important n’est pas« maladie » mais « santé ». Deux modèles princi-paux de représentation de la santé :

• la santé, considérée d’un point de vue purementorganique, comme absence de maladie

• la santé, définie comme un état d’équilibre, pos-sibilité pour l’individu de maîtriser au mieux lespressions de la vie sociale. La santé comme bienêtre, comme capacité d’action ou d’accomplisse-ment de soi et d’harmonie avec les autres.

les conséquences de la maladie sur le patient

La rupture biographique : La maladie transfor-me la vie du patient (parfois brutalement) : il exis-te un avant et un après la maladie. Les sociologuesparlent de rupture biographique.

Devenir malade signifie pour le patient : perte decapacité à agir, perte de rêve et d’action.

Changement de statut social : La vie du patientn’est pas uniquement bouleversée par rapport à luimême mais aussi dans sa vie relationnelle : êtremalade ou en bonne santé a du sens socialement.

Société Française de Médecine Générale DRMG 64 — page • 13 •

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEDevenir malade modifie le statut social de l’indi-vidu (en bien ou en mal). À l’annonce de la mal-adie le patient peut vivre l’événement de troismanières :

• vivre la maladie comme une force destructricequi le prive de son activité, de ses liens avec lesautres, de ses rôles habituels dans la société, ellele prive de son identité propre

• la maladie peut être vécue comme libératrice etdonner l’occasion à l’individu d’échapper aurôle que la société lui impose, et qui étouffe sonépanouissement personnel. La maladie peut luipermettre de se retrouver lui-même et deretrouver un vrai sens à sa vie.

• la maladie peut devenir un « métier » enfin pourceux qui se retrouvent à gérer au quotidien unemaladie grave. La maladie devient un élémentessentiel de la vie par lequel le malade estreconnu par les autres et la société. Le combatcontre la maladie peut même devenir l’élémentcentral de sa vie, l’intègre dans la société et luidonne son identité et son équilibre.

En fonction de la manière dont le patient perçoitla maladie et l’intègre à son univers social, ilcoopérera avec le médecin de diverses manières :il se contentera d’obéir ou exigera d’être soigné etguéri immédiatement, il acceptera les soins ou lesrefusera, il cherchera à guérir ou préférera conti-nuer à « bénéficier » de la maladie, ou encore ildeviendra un professionnel de sa maladie etc.

Les rôles de malades : en fonction de l’image quele médecin de fait de sa profession, il peut conce-voir le rôle du malade de trois manières :

• le médecin détient le savoir : le patient doit obéir,• le médecin détient le savoir mais il doit le parta-

ger : le patient doit comprendre avant d’obéir,• le médecin ne détient pas l’ensemble des

connaissances, la prise en charge doit tenircompte du savoir profane : le patient doit êtrerespecté et son savoir pris en compte dans lastratégie thérapeutique.

La relation : ces trois réactions ont pour consé-quence de structurer trois types de relation méde-cin/malade :

• premier cas : l’approche directive. Chacun desacteurs est cloisonné dans son rôle : le médecinest l’expert, il a le savoir, le patient est le profa-ne, il n’a qu’un choix logique et rationnel : suiv-re les instructions du médecin. Le dialoguemédecin/malade est alors inutile, le médecinrespecte le serment d’Hippocrate, il fait le biendu malade. Dans cette logique le malade est unpatient.

• deuxième cas : l’approche communicationnelle.

Le médecin accepte de prendre en compte lesinterrogations du patient. Il se sent l’obligationde ne pas se contenter d’ordonner, son rôle estaussi d’expliquer. Le dialogue médecin/maladeprend place dans la consultation, cependant ilreste marginal : la logique reste la même quedans le premier cas, il faut éduquer le patientafin que celui-ci intègre le vrai savoir ou le refu-se. Dans cette logique le malade est un client.

• troisième cas : l’approche négociée. Le médecinaccepte non seulement de prendre en compte lesinterrogations du patient, mais aussi ses raison-nements, ses choix, et les conséquences de lamaladie sur la vie de ce dernier. La relationmédecin/malade se complexifie, le médecin nedoit pas se contenter d’expliquer mais il doitadapter ses propositions thérapeutiques auxenjeux du patient. Le dialogue médecin/maladeest central : la décision finale est le résultat d’unprocessus de négociation. Dans cette logique lemalade est un partenaire.

La sociologie des professions

Si les concepts de malade et de maladie se sontrévélés plus complexes que pouvaient le laissersupposer les évidences, cette logique a pourconséquence que le rôle du médecin ne se réduitpas à soigner des maladies.

En fonction du type de modèle explicatif auquel lemédecin adhère il existe deux types de pratiquesmédicales :

• les médecins bio-médicaux,• les médecins balintiens.

En fonction de la manière dont le médecin perçoitle rôle du malade il existe deux manières deconcevoir son rôle de médecin (Rameix) :

• médecin paternaliste,• médecin prestataire de service.

Première typologie : médicament ou écoute?

Le médecin bio-médical

Ce type de médecin s’inscrit dans l’idéologiedominante : le modèle bio-médical. Il ne cherche àsoigner que des « vraies maladies » qu’il est pos-sible d’identifier clairement et qui correspondentau savoir appris à la Faculté.

À chaque maladie, il applique une rigoureuselogique scientifique :

• un diagnostic qui définit concrètement et positi-vement la maladie,

• un processus pathologique qui permet de com-

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEprendre comment la maladie agresse le corps,• un pronostic qui permet d’estimer l’évolution

de la maladie,• une thérapeutique (prescription du médicament

adéquat).

Le rôle du médecin est clair : diagnostiquer et trai-ter des maladies. Le malade quant à lui est unmalade anonyme dont on suppose qu’il réagitd’une manière moyenne à la maladie.

Ce modèle est dominant, il est performant etefficace, il a cependant quelques limites :

• comment prendre en charge un diabétique lors-qu’il fait le ramadan?

• comment traiter un patient témoin de Jéhovahqui a besoin d’une transfusion, alors que sa reli-gion le lui interdit ?

• chaque patient réagit différemment, il n’existepas de malade moyen type,

• le savoir médical est limité et il ne permet pastoujours de prendre une décision rationnelle,claire et sans ambiguïté, il existe beaucoup dezones d’incertitude.

Le modèle balintien

À l’opposé du modèle bio-médical, un certainnombre de médecins ont développé un autre typede pratique, pour cela ils se réfèrent à l’explica-tion holiste de la maladie.

Dans son ouvrage écrit en 1957 « Le médecin, sonmalade et la maladie » M. Balint a conceptualiséce type d’approche. Pour Balint le médicament leplus souvent utilisé par le médecin est le médecinlui même. Ce qui compte n’est pas uniquement lemédicament mais la manière dont il est prescrit :l’atmosphère dans laquelle le médicament estdonné est capitale.

Pour Balint, la maladie en elle-même n’a pasbeaucoup d’importance. Elle n’est que le moyendont se sert le malade pour parler au médecin : elleest le média d’une souffrance plus profonde. Lamaladie que le patient présente n’est que le symp-tôme offert. Le rôle du médecin se transforme, cedernier doit être capable de décrypter la vraiesouffrance derrière le symptôme offert et la traiter.

Ce modèle a aussi ses limites :

• la principale est le risque de transformer lemédecin généraliste en psychanalyste et de vou-loir tout expliquer par le psychologique. L’excèsd’explication psychologique peut obnubiler lemédecin.

• il obligerait le patient à se remettre en causemême s’il ne le désire pas et si sa demande se

limite à une prise en charge somatique (unmédecin n’est pas un confesseur).

En conclusion : il n’existe pas de « meilleurmodèle » mais des logiques complémentaires.

Seconde typologie : ordonner ou conseiller?

Le médecin ne traite pas des cadavres, objets pas-sifs, mais des êtres humains. Comment doit-il secomporter avec ces malades, comme un père ouun conseiller?Deux exemples concrets :

• l’annonce de la mauvaise nouvelle,• le refus de se faire soigner.

L’annonce de la mauvaise nouvelle : dire à unmalade qu’il a un cancer peut se faire de deuxmanières : dire toute la vérité, conseiller un traite-ment et laisser le patient décider et se prendre encharge. Ou alors considérer qu’il est fragile, et luimentir à moitié ou complètement et prendre encharge l’angoisse du patient en décidant à sa place.

Le refus de soin : donner un traitement peut sefaire de deux manières : soit donner un ordreauquel le patient doit obéir et insister, voire s’as-surer, que le patient a suivi l’ordonnance, soit don-ner un avis qui n’est qu’un conseil et laisser lepatient prendre ses responsabilités.

Pour gérer l’annonce de la mauvaise nouvelle oule refus de soins, le médecin peut s’appuyer surdeux principes philosophiques opposés quiconduisent à deux attitudes opposées :• le principe de bienfaisance,• le principe d’autonomie.

Le principe de bienfaisance : le paternalisme

Le principe de bienfaisance se définit ainsi :« Devant des situations de souffrance, de vulnéra-bilité, le principe de bienfaisance semble s’impo-ser avec une très grande force. Le médecin entredans une morale du bien à faire, morale téléolo-gique. Le bien est la guérison du malade et l’obli-gation morale n’est pas fondée sur la volonté decelui qui agit mais sur quelque chose d’exté-rieur à lui : la fragilité et l’extrême dépendance decelui qui souffre, le corps blessé et souffrant quiappelle les gestes du médecin. La moralité estfondée sur la fragilité de l’autre — la nature ouautrui — fragilité qui est un appel absolu à laresponsabilité. Ainsi, si par exemple le médecinjuge bon pour le malade de ne pas lui dire la véri-té, il peut ne pas la lui donner. Comment ajouterune souffrance à la détresse du patient ? »(Rameix).

Société Française de Médecine Générale DRMG 64 — page • 15 •

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALELe principe d’autonomie : le conseiller,

Le principe d’autonomie se définit ainsi : « Lademande de consentement aux soins — et doncl’acceptation d’un éventuel refus — se fonde surle principe du respect de l’autonomie dupatient. Est-ce que l’homme peut exercer sonautonomie pour refuser un traitement vital ? Pourdisposer de sa vie? Pour se droguer? Pour semutiler ? Pour se suicider ? L’autonomie est lafaculté de se donner à soi-même la loi de sonaction, sans la recevoir d’un autre quel qu’ilsoit (Rameix). Une théorie de l’autonomie s’op-pose à une théorie hétéronomique de la morale quisuppose que la norme morale provient de quelquechose d’extérieur à l’homme ». Le principe del’autonomie implique le respect du patient quelleque soit sa décision ; dans ce cadre-là, le médecindoit présenter la meilleure des démarches possi-bles. Ensuite, c’est le patient qui décide en sonâme et conscience. L’information doit être libre,loyale, simple et éclairée afin que le patient puis-se réellement faire un choix. Le médecin n’estplus directement responsable de la vie de sonpatient, il l’assiste plutôt comme un conseiller.

En conclusion : il serait plus aisé pour le médecinde pouvoir effectuer un choix entre l’un ou l’autrede ceux principes : faut-il tenir compte de la fai-blesse du malade et intégrer une logique du bien àfaire? Faut-il considérer le malade comme unepersonne et respecter les choix d’une personneautonome même s’il y a un danger vital ?

Le médecin est soumis à une injonction paradoxa-le et doit respecter deux principes opposés : il a lapossibilité de se référer plus ou moins à l’un desdeux principes et d’adopter une posture rigide oud’accepter de gérer la tension générée par l’anta-gonisme de ces deux principes et d’effectuer enfonction de l’interaction et de chaque contexte unchoix adapté à la fois à la situation et à la deman-de du patient.

La sociologie de l’action organisée

Centrer l’approche sociologique de la santé sur lamaladie, le malade et le médecin serait fairecomme s’il était possible d’isoler un processus dureste de la réalité sociale. La médecine appartientà un système global dont les enjeux dépassent deloin le simple face à face médecin/malade.

La médecine s’intègre aussi dans une logiqueinstitutionnelle : les hôpitaux, les cliniques, lesrapports avec l’État, le rôle des différents syndi-cats, la place et le rôle de la sécurité sociale, lerapport avec les laboratoires pharmaceutiques…

Peut-on penser la place de la médecine dans la

société uniquement à travers une logique desoins?

Le médecin généraliste voit dans l’hôpital un lieuspécialisé et performant où il envoie le maladelorsque les soins ambulatoires ne sont plus possi-bles, le sociologue voit dans l’hôpital une institu-tion qui a pris une place centrale dans le systèmede santé (3 819 établissements, 700 000 lits,1 million d’emplois), institution complexe quipermet d’étudier comment s’organise et se produitle travail médical (Herzlich).

Étudier l’hôpital comme une organisation totalepermet de comprendre comment le système desanté prend corps dans une société et concrète-ment pour les médecins de comprendre quellessont les attentes de la société à leur égard, queltype de réponses ils y apportent, au final de mieuxsaisir la nature exacte de leur rôle dans la société.Ceci selon une logique macro sociologique.

Le médecin généraliste est ambigu vis-à-vis del’hôpital : lieu presque « magique » dont il attendla résolution des problèmes qui le dépassent, et enmême temps source de rancœur et de plaintes :l’hôpital est trop bureaucratique, lointain, leshospitaliers ne sont jamais assez disponibles,coopèrent mal, trop arrogants dans leurs rapportsavec les généralistes, les courriers n’arriventjamais assez vite, les sorties des patients ne se fontjamais de manière organisée, les urgences ne sontpas assez réactives…

Étudier l’hôpital comme une organisation totalepermet de comprendre la complexité de lieu, deséchanges et des interactions qui s’y produisent,cela peut permettre de changer de registre : de pas-ser de la plainte à l’analyse des faits, l’hôpitaln’est pas ce qu’il est dans l’unique but de compli-quer le travail des médecins libéraux mais résultede multiples facteurs qui ont chacun une logiquerationnelle. Étudier l’hôpital revient à passer de lamorale à la science, de la plainte à la propositiond’actions concrètes qui permettraient d’améliorerla relation ville/hôpital.

Rappel historique

Pour tout médecin qui observe un hôpital de nosjours, le rôle de l’hôpital est évident : il s’agit dulieu où les malades sont soignés. Lieu où s’exercela médecine de pointe : le médecin en est le maît-re des lieux.

En fait cette évidence cache un long processushistorique : l’hôpital comme lieu de soins tech-niques, performants et spécialisés est le produitd’une histoire avec des conflits, des luttes et desnégociations entre de multiples acteurs et non le

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEproduit « naturel » d’une rationalité fondée sur lalogique de l’évolution du savoir scientifique(Herzlich).

Les premiers hôpitaux apparaissent en France auMoyen Âge, ils sont appelés « Maisons de Dieu »parce que leur rôle n’est pas de soigner desmalades mais, à une époque où misère maladie etinfirmités sont étroitement liées, de recueillir lesindigents. Il s’agit avant tout d’un asile, d’un lieude charité envers les pauvres. Les médecins sontdonc absents de l’institution, les remèdes essen-tiels sont un toit pour dormir et de la nourriturepour ne pas mourir de faim.

L’hôpital ne se transformera pas au départ sousl’influence de l’évolution du savoir médical, maissous l’influence de l’ÉTAT: le pouvoir royal s’in-quiète du désordre créé par ces populations mar-ginales. En 1656 est donc créé à Paris l’hôpitalgénéral dans l’objectif de regrouper sous unemême administration l’ensemble des divers typesd’établissements (ceux pour les malades, les pau-vres, les mendiants, les vagabonds, lesvieillards…). Ainsi l’hôpital commence à s’orga-niser de manière un peu plus rationnelle, selonune logique qui semble être celle de la bienfaisan-ce, mais qui se double d’une logique de contrôlesocial. Le pauvre doit être secouru, mais aussicontrôlé.

L’étape suivante est la Révolution : l’Église com-mence à perdre son rôle au sein de l’institutionhospitalière alors que de nouveaux acteurs s’affir-ment : l’ÉTAT moderne prend conscience qu’il abesoin d’une population en bonne santé tant pourla guerre que pour le prestige sur la scène interna-tionale, et le médecin qui trouve dans l’hôpital lelaboratoire idéal pour étudier les maladies, nais-sance de la médecine moderne à travers la nais-sance de la clinique (Foucault).

Le visage de l’hôpital commence alors à se trans-former peu à peu, les malades y prennent uneplace de plus en plus centrale, cependant son rôled’asile ne disparaît pas pour autant, s’il devient demoins en moins un asile de pauvres, il ne devientpas le lieu de référence des malades mais uneinstitution hybride qui prend en charge « lesmalades pauvres ».

Il faudra attendre le XXe siècle avec l’apparition ducancer comme fléau social (Pinel) pour que lebesoin d’un lieu de soins sophistiqués se fassesentir. Ce processus aboutira à la naissance del’hôpital moderne à travers deux étapes : les réfor-mes de 1945 qui donneront à tous les malades, ycompris les riches, le droit d’aller à l’hôpital et de1958 qui, avec la création des C.H.U., font del’hôpital un lieu scientifique et technique où le

malade peut recevoir des soins sophistiqués etperformants : la figure du médecin hospitalierapparaît enfin.

De cette histoire demeure deux faits :

• le rôle de l’hôpital n’est pas uniquement dévoluaux soins mais quadruple : à côté du soin pren-nent place les fonctions d’asile, de recherche etd’enseignement,

• le processus historique ne s’arrête pas avec lavictoire du médecin hospitalier comme si l’évo-lution pouvait être figée, un nouvel acteur com-mence à prendre le pas sur le mandarin : le direc-teur de l’hôpital.

Voir dans l’hôpital uniquement un lieu de soinsoblitère le passé et le futur. L’hôpital est autant unlieu de contrôle social que de bienfaisance, lalogique scientifique y est de plus en plus réguléepar la logique économique.

L’hôpital comme une organisation

Le face à face médecin/malade hante toutes lesreprésentations des soignants, mais il ne cor-respond absolument pas à la réalité hospitalièrequi ressemble plutôt à une bureaucratie au sensqu’en donne Weber. Ce modèle repose sur plu-sieurs éléments :

• la place essentielle de la hiérarchie,• la primauté des règles générales,• l’existence de buts précis et prédéfinis.

Face aux soignants qui justifient leur action en sefondant sur une double logique scientifique et debienfaisance se rajoute à l’hôpital une troisièmelogique d’action : la logique bureaucratique. Celapermet d’expliquer la complexité du fonctionne-ment hospitalier qui, contrairement à une bureau-cratie classique, ne respecte pas une autoritéunique, les travaux sociologiques montrent que laspécificité des hôpitaux est l’existence d’une dou-ble autorité :

• la première de type « bureaucratique » représen-tée par l’administration,

• la seconde de type « charismatique/traditionnel » représentée par les médecins.

L’hôpital est donc un lieu d’affrontement entredeux logiques qui ont leur légitimité et qui sonttoutes les deux à l’origine de l’hôpital moderne :

• la logique rationalisatrice de l’État, incarnée parl’administration locale qui pousse non seule-ment à intégrer une logique économique mais àavoir une vision globale où il faut planifier, orga-niser. Le malade y est un perçu comme unité

Société Française de Médecine Générale DRMG 64 — page • 17 •

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEavec un coût, les maladies comme des réponses

à des demandes de soins, les médecins commeune offre de soins à gérer,

• la logique scientifique des médecins qui pousse àrépondre à la demande quand elle se manifeste, àaccroître les performances du plateau technique,à multiplier les spécialistes médicaux, à dévelop-per la recherche. Le malade est alors perçucomme un patient qu’il faut soigner, les maladiescomme un objet de prestige et de recherches, lesmédecins comme les experts seuls habilités àrépondre à la demande de soins.

L’hôpital moderne correspond à l’ensemble de ceslogiques qui en même temps s’opposent mais sontconstitutives des enjeux qui le construisent :répondre aux demandes des malades doit aller depair avec la gestion des ressources et la planifica-tion de l’offre de soins.

L’hôpital comme un lieu de production desoins

Si nous passons du regard macro sociologique auregard micro sociologique, il n’est pas possible decomprendre les actions des acteurs en se fondantuniquement sur leur soumission soit aux règlesbureaucratiques soit à l’autorité médicale, chaqueacteur garde une part de jugement, d’initiative per-sonnelle et les actions des acteurs se comprennentmieux en utilisant le modèle de l’ordre négocié deStrauss : l’action des acteurs, si elle repose en par-tie sur la connaissance de rôle prédéterminé à l’a-vance, du respect de la hiérarchie, de règles géné-rales, de l’état des connaissances, et d’un objectifprécis n’est jamais complètement prédéterminée àl’avance, l’action résulte d’un processus complexed’interactions où l’acteur s’adapte à son interlocu-teur et à la situation : la hiérarchie n’est jamaisfigée, les règles ne sont jamais immuables, lesconnaissances évoluent toujours, la situation n’estjamais toujours exactement la même, le destinn’est jamais écrit à l’avance (Herzlich).

Les différentes recherches sur l’hôpital menéessur la base d’observations montrent que lesactions concrètes des soignants échappent en par-tie à la logique organisationnelle, le fonctionne-ment hospitalier, la logique scientifique, la volon-té de bienfaisance vis-à-vis des malades. Lesactions s’expliquent par de nombreuses négocia-tions internes qui reposent sur quatre logiques :

• le soignant ne travaille pas sur un cadavre maissur un patient bien vivant capable d’exprimerdes volontés,

• les tâches à l’hôpital sont extrêmement variées ets’articulent selon une hiérarchie : du travailnoble aux tâches ingrates,

• l’activité médicale ne repose pas sur un savoir

absolu mais relatif, le travail au quotidien desacteurs est donc source de doutes et d’incertitu-des,

• l’hôpital est un lieu ou règne la multiplicité :multiple autorité, multiple corps de métier, mul-tiple logique.

L’action des acteurs est sous l’influence de cesmultiples facteurs, la production du soin ne res-semble donc pas aux productions habituelles, ils’agit d’un objet bien particulier qui échappe auxreprésentations traditionnelles du colloque singu-lier. À cette image les sociologues (Strauss) préfè-rent substituer celle de trajectoire de maladie.

Comprendre comment se réalise le processus desoins ne doit pas se limiter au processus de guéri-son après application d’une thérapeutique, lanotion de trajectoire implique que pour en arriverlà, le patient ne se contente pas de voir évoluer samaladie mais interagit avec de nombreux acteurs,prendre en compte l’organisation du travail autourdu processus de soins permet de comprendre ceque vit réellement le patient et de suivre son évo-lution.

Strauss propose 7 phases :

1 la pré-trajectoire : avant le commencement de lamaladie,

2 l’amorce de la trajectoire : les premiers symptô-mes et le diagnostic,

3 une phase de crise : la maladie est aiguë, lessymptômes intenses, une hospitalisation peutêtre nécessaire,

4 une phase stable : les symptômes sont souscontrôle,

5 une phase instable : les symptômes ne sont pluscontrôlés par le traitement,

6. le come-back : une phase de rémission pendantlaquelle les symptômes sont peu visibles,

7 la détérioration progressive : reprise de l’aggra-vation avant la mort.

Penser en termes de « trajectoire de maladie » atrois avantages :

• remettre en perspective le rôle réel du médecinet montrer l’action de l’ensemble des autresintervenants auprès du patient,

• ne pas penser uniquement en termes de maladiemais en termes « d’organisation du travail »,

• centrer la prise en charge sur ce que vit et ressentle patient.

DRMG 64 — page • 18 • Société Française de Médecine Générale

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALELe concept de « trajectoire de maladie » permet depenser la globalité de la prise en charge qui repo-se sur l’analyse de :

• l’influence de la structure de prise en change(hôpital, clinique, cabinet médical…),

• la vision de l’ensemble des actions et des inter-actions,

• la prise en compte de ce que vit réellement lepatient.

Penser en terme de construction du travail de soinspermet donc à la fois aux soignants de mieux sai-sir le sens de son action, mais d’en saisir lesconséquences sur le malade, nous sommes loin dumodèle libéral du médecin seul responsable deson malade.

LA SOCIOLOGIE GÉNÉRALE

Notre époque étant marquée par la rapidité destransformations sociales, un des buts de la socio-logie est de comprendre et d’analyser ce change-ment social, de saisir les raisons de son évolutionet de son incidence sur le comportement des indi-vidus. Le médecin est concerné par ce savoirparce que le patient qui pénètre dans un cabinet necesse pas pour autant d’être un individu vivant ensociété. Ce dernier n’abandonne pas sa manièred’être pour devenir uniquement un malade.

Afin de comprendre l’évolution des comporte-ments, les sociologues ont forgé un certain nom-bre de concepts qui sont autant de grilles d’ana-lyse de l’évolution de la société. Ainsi des auteurscomme Kaufmann, de Singly, Lahire, Dubet,Giddens ou Beck…, ont réfléchi aux processus demodernité, d’individualisation, d’autonomie, deréflexivité et de confiance, concepts qui leur ser-vent à décrypter les comportements individuels.Appréhender ces analyses permettrait aux méde-cins de mieux saisir l’évolution de la relationmédecin/malade, les nouvelles exigences despatients, le nomadisme, l’évolution du rôle del’expert dans la société, la place des médias, àregarder autrement la problématique de la com-pliance, à déconstruire la notion de prestataire deservice, à mieux analyser le burn out syndrom,l’évolution du comportement des malades…Deux analyses particulières peuvent permettre aumédecin de mieux comprendre l’évolution de sapropre place dans la société

• l’évolution du rôle des experts,• l’évolution des exigences de la société vis-à-vis

des individus.

L’expert

De manière très schématique deux grands princi-

pes servent et ont servi de références et guidentl’action :• la religion,• la science.

Contrairement aux représentations habituelles cesdeux champs ne sont pas si antagonistes que celamais plutôt complémentaires tant d’un point devue diachronique que synchronique.

Jusqu’à la Révolution française, le fondement dela société était la religion, le but de chaque indivi-du était d’assurer son salut dans l’au-delà, ce quise passait sur terre était secondaire. Les expertsexistaient déjà à cette époque sauf qu’ils n’étaientpas les mêmes qu’aujourd’hui et que leur rôle n’é-tait pas tout à fait identique. Avant la Révolution,la société était peu spécialisée, les individusdevaient être capables d’assurer de multiples fonc-tions. Dans les domaines des idées et de laconnaissance les prêtres avaient le rôle dominantet central : ils étaient les experts de la réflexionintellectuelle. À la différence de la société d’au-jourd’hui qui est devenue une société de spécialis-tes, les prêtres étaient la référence pour toutes lesquestions que se posaient les individus. Ilsgéraient le rythme de la vie quotidienne avec lesprières et les cloches, à travers leurs prêches ilstenaient le rôle de moralistes et de politiciens, àtravers les universités, ils géraient la recherchephilosophique et scientifique, à travers la confes-sion, ils étaient aussi les psychologues, enfin dansles villages ils assuraient aussi le rôle de méde-cins.

Après la Révolution la religion perd son statut demodèle de référence, la science petit à petit prendsa place et organise la vie de la société. La logiquede croyance ne disparaît pas pour autant, c’est laréférence qui change : les individus se réfèrent à lascience plutôt qu’à la religion. À cette époque secréent ou s’imposent de nombreuses disciplinesscientifiques : la médecine, l’économie, la sociolo-gie, l’anthropologie.

Deux effets de cette évolution : le but de l’indivi-du n’est plus d’aller au paradis, mais d’être heu-reux sur terre, l’expert n’est plus le prêtre et iln’est plus unique, il y a autant d’experts que dedisciplines scientifiques. La santé prend une placecapitale et les médecins s’imposent comme lesgardiens de ce temple sacré.

La quête du bonheur remplace la quête du salut,les experts et les champs d’expertises se multi-plient comme des petits pains, cependant unechose ne change pas : l’omniscience de l’expert, lacroyance en l’expert, l’expert a réponse à tout.

Dans la seconde moitié du XXe siècle deux événe-

Société Française de Médecine Générale DRMG 64 — page • 19 •

SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEments sont venus remettre en cause la science etles prêtres de la science : la bombe atomique etTchernobyl.

Peu à peu l’expert est désacralisé et tombe de sonpiédestal : du politique au journaliste, de l’ensei-gnant au scientifique, du juge au médecin : laconfiance n’est plus aveugle, elle est remplacéepar le contrôle, les procès et l’évaluation des pra-tiques.

De nos jours l’image de l’expert omniscient s’ef-face peu à peu, l’expert ne disparaît pas en tantque tel mais les demandes qu’on lui adresse semodifient :• le savoir de l’expert n’est pas nié mais limité :

l’expert n’a plus réponse à tout, il n’est plusdépositaire du savoir,

• l’idée s’impose peu à peu que chacun est expertde quelque chose dans son domaine (même lepatient a son domaine d’expertise).

En conséquence le rôle et la place de l’expert dansla société se modifient : l’expert ne peut plus secontenter de dispenser son savoir avec la certituded’être écouté voire obéi, il doit accepter de perdresa position dominante pour s’intégrer à la chaînede décision, chacun des acteurs de nos jours y par-ticipe.

L’expert ne doit plus simplement être maître d’unsavoir, il doit aussi le partager, l’expliquer,apprendre à coopérer et à intégrer d’autreslogiques que celles qui peuvent être explorées enlaboratoire. L’enjeu devient alors un enjeu démo-cratique : comment trouver une solution pour quetous ces savoirs se coordonnent ?

Un concept à déconstruire : l’autonomie

Cette transformation progressive des rapportsexperts/profanes prend sens dans une évolutionglobale de la société.

Depuis l’esprit des lumières, la soumission à l’é-glise est peu à peu remplacée par la volonté de rai-sonner par soi-même, de trouver sa propre liberté,de se donner à soi-même sa propre loi. Cette évo-lution est source d’un regard ambigu : elle est à lafois valorisée avec la magnification de la respon-sabilité individuelle et critiquée avec la stigmati-sation des excès de l’individualisme.

Une vision classique ferait de la société moderneun lieu d’opposition frontal entre l’individu et lasociété avec comme antienne symbolique la rup-ture du « lien social ». La modernité correspon-drait à une assemblée d’individus égoïstes quis’entrechoqueraient les uns les autres dans unecompétition infinie survivant dans un corps social

structuré. Dans cette vision le concept d’indivi-dualisme est confondu avec celui d’autonomie.

La sociologie actuelle (Lahire, Kaufmann, Dubet,De Singly) propose un système plus complexe.Pour ces derniers, si l’autonomie et la recherchede soi sont bien au centre de la modernité, l’auto-nomie ne provient pas d’une rupture de lien socialmais de sa multiplication. L’autonomie des acteursest une production du social. Dans les sociétés tra-ditionnelles l’individu vit dans un petit universclos, ses choix sont limités : il se soumet à la com-munauté ou la quitte. Dans la société moderne,l’individu vit dans un monde vaste et ouvert où lesidées se confrontent (la famille, l’école, la télévi-sion, Internet, les voyages…), les choix sont mul-tiples, il peut se référer ainsi à de nombreuxmodèles et continuer à vivre dans la société sanspour autant suivre un chemin prédestiné.

L’autonomie résulte aussi bien de la possibilitéque de l’obligation de s’inventer sa propre identi-té à travers la multiplicité des chemins possibles.L’individu moderne n’est ni rejeté ni accepté danssa globalité, l’idéal étant qu’il soit capable, à par-tir des différents repères proposés, de s’inventerlui même.

Pour un auteur comme Ehrenberg, nous sommespassés d’une communauté traditionnelle où la col-lectivité favorisait le respect de l’ordre social, àune société moderne qui valorise l’autonomie et laliberté comme valeur de référence pour chaqueindividu : la responsabilité individuelle est valori-sée et la dépendance stigmatisée.

L’individu de nos jours est toujours soumis à unepression de la collectivité, le respect des tabous estremplacé par quatre nouveaux commandements :

• connais-toi toi-même et trouve ta vraie person-nalité,

• sois toi-même et décide par toi-même,• fais-toi plaisir,• mais surtout ne prend pas de risque, ta vie est

unique et tu ne dois pas la mettre en danger.

Pour Ehrenberg cette évolution a pour conséquen-ce de passer d’une « société de névrosés » à une« société de dépressifs ». En effet, symptôme à labase, la dépression est devenue maladie à partentière. Avec l’idéalisation de l’autonomie desacteurs, la société adresse à chaque individu unmessage paradoxal : « Je t’ordonne d’être libre ».Entre valorisation de l’autonomie (éducation despatients, responsabilisation de l’individu) etbesoin de dépendance (réassurance, recherche deconseils, besoin de confiance, doutes permanents,angoisses…), le médecin se retrouve au centred’un nœud d’exigences, confronté aux demandes

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEdes patients et aux règles qu’impose la société.

En conclusion : le concept d’autonomie traversel’évolution de la pratique des médecins etexplique sur plusieurs points les nouveaux enjeuxdes médecins :

• l’évolution de la relation médecin/malade dansune société qui valorise l’autonomie : le maladene veut plus et ne peut plus se soumettre simple-ment au savoir de l’expert,

• l’autonomie n’étant pas un simple calque del’individualisme, le patient ne souhaite pas deve-nir client d’un prestataire de services, mais par-tenaire dans une relation où les enjeux de l’en-semble des acteurs sont pris en compte,

• à travers les notions d’éducation des malades, lemédecin devient le relais inconscient des exi-gences de la société vis-à-vis de chaque indivi-du, le malade doit être capable de se prendre encharge lui même et ne doit pas rester assisté,

• le médecin est aussi celui qui prend en chargeceux qui, selon l’expression d’Ehrenberg, sont« fatigués d’être eux même » et revendiquentsans pouvoir l’assumer autrement que par lamaladie, le droit à ne plus être responsables.

L’APPROCHE PRATIQUE

A ce stade de l’exposé, seul le lecteur est capablede décider si l’auteur a répondu ou non à la ques-tion centrale « quels sont les apports concrets dessciences humaines à la médecine générale? ».

Par définition les lecteurs ne sont pas uniques etont des attentes variées. Pour certains la présenta-tion théorique est suffisante, pour d’autres la théo-rie proposée ne reste qu’une spéculation intellec-tuelle sans application pratique, ils veulent desréponses précises à des questions précises qui lesaideraient à mieux gérer leur patient au quotidien.

Cependant, de même que les médecins dépendentde leur champ disciplinaire et traduisent lesdemandes de leur patient en fonction de leursavoir sans y répondre directement, de même lesociologue ne peut répondre aux médecins qu’autravers de la logique de sa discipline : le sociolo-gue observe des faits, théorise des situations, pro-pose des concepts mais il ne donne pas de recettesprécises adaptées à chaque contexte. Le médecindoit être capable de piocher dans les théoriessociologiques pour répondre aux questions duquotidien.

Cependant, de même que le médecin peut secontenter d’appliquer son art sans trop se soucierde la demande des patients ou, à l’inverse, s’appli-quer à prendre le temps de répondre à l’ensemble

des questions que lui pose le patient, de même lesociologue théorique peut paraître trop abstrait etdoit descendre observer plus finement le terrain.

En reprenant les quatre chapitres de la sociologiede la santé, il est possible de répondre au lecteurqui demande plus de concret à travers des exem-ples :

LA SOCIOLOGIE DE LA MALADIE

Les médecins qui passent leur temps à soigner desmaladies sont évidemment capables de définir cequ’est une maladie. De plus, le rhume, par exem-ple, est une expérience commune et les médecinspartagent avec leurs patients la définition commu-ne : les maladies sont des états affectant le corpsd’un individu.

La maladie serait exclusivement une affaire debiologistes, elle serait le reflet de l’ordre naturelavec comme qualité d’être éternelle, universelle etimmuable. Chaque maladie attendant bien sage-ment qu’un médecin de génie la découvre.

L’approche sociologique permet d’opérer une rup-ture avec la conception selon laquelle la maladieserait une réalité uniquement décryptable sur leplan biologique. Comme nous l’avons montré, lamaladie n’a de sens que dans un espace-tempsbien défini, les maladies se définissent de deuxmanières :- Biologiquement,- socialement.

L’approche sociologique opère aussi une ruptureavec la notion de découverte des maladies. Lesmaladies ne sont pas découvertes mais inventéesau cours d’un processus que les sociologues qua-lifient de construction sociale des maladies. Ceprocessus ne nécessite pas de microscope maisrésulte de conflits entre de nombreux acteurs (leschercheurs, les médecins, les malades, les labora-toires, les patients, les familles, les caisses desécurité sociale…), ces âpres négociations abou-tissent à la création progressive d’un corpus depathologies, corpus évolutif par définition.

Ce processus de construction sociale des maladiesconcerne l’ensemble de la nosographie et non pasuniquement les maladies dites psychosomatiques.

Un exemple de construction sociale : angorou maladie coronaire? (Good)

Les maladies cardiovasculaires constituent la pre-mière cause de mortalité en France et la premièreparmi elles est la maladie coronaire (MC). Enl’absence de traitement, l’angine de poitrine évo-lue vers l’infarctus du myocarde (IDM) qui

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEconduit à la mort cellulaire d’une partie du mus-cle cardiaque.

La maladie coronaire se définit parfaitement selonle modèle bio-médical :

• la MC résulte d’une modification physiologique,fonctionnelle, et pathologique du muscle car-diaque qui souffre par manque d’oxygénation.La MC est provoquée par un flux sanguin insuf-fisant dans les artères coronaires atteintes d’a-thérosclérose.

• l’IDM représente pour le médecin la maladie« noble » par excellence, celle qu’il faut toujourssavoir diagnostiquer.

Il est possible cependant de se demander pourquoiil existe deux expressions pour nommer une mal-adie dont la définition est claire :

• Angine de poitrine/Angor,• Maladie coronaire.

Pour répondre à cette question, il faut comprendrele processus de construction sociale de la maladiecoronaire.

1re étape : XVIIIe siècle : la découverte

Un médecin, William Heberden, décrit pour lapremière fois cette pathologie qu’il baptiseANGINA PECTORA. Un débat s’ouvre rapide-ment : deux modèles explicatifs s’opposent : l’unsubjectif lié à l’expérience propre du patient, etl’autre sur l’information objective mécaniste obs-ervée par le médecin :• certains praticiens ont défini l’angor comme

l’expérience d’une douleur thoracique et dessymptômes associés sans référence à une ano-malie physiopathologique sous jacente : unangor se traduit par ces symptômes, en ce sens ils’agit d’un trouble du patient.

• à l’autre extrême, d’autres définissent unique-ment l’angine de poitrine comme la conséquen-ce de lésions localisées.

Le décor de la controverse est posé : Angor, symp-tôme ou lésion spécifique?

2e étape : XIXe siècle : le doute

La première définition de la pathologie a étéexclusivement clinique. Dans les décennies quiont suivi, beaucoup d’autopsies ont été pratiquéespour relier le ressenti du patient à une lésion obs-ervable sur le cadavre.

Une certaine corrélation entre clinique et lésionanatomique est établie. Cependant l’observationanatomo-pathologique ne peut pas trancher, trop

d’ambiguïtés persistent :• dans de nombreux cas le diagnostic d’angor a été

posé et aucune lésion cardiaque n’a été retro-uvée,

• à l’inverse de nombreux cadavres ont montré deslésions anatomiques sur des patients qui n’ontjamais souffert d’angine de poitrine.

En l’absence de lien scientifiquement prouvéentre clinique et lésion anatomique, les médecinsdu XIXe ont conclu qu’il était impossible de classerl’angor parmi les maladies. Elle a été classéeparmi les symptômes. L’angine de poitrine a étédéfinie comme un trouble fonctionnel : un dés-équilibre de la fonction cardiaque dont l’originedemeure inconnue : modification vague non spéci-fique du système nerveux ou pathologie car-diaque?

3e étape : début du XXe siècle : la quasi certitude

En 1920 la découverte de la thrombose corona-rienne transforme l’angor en maladie coronaire.La lésion gagne sur le symptôme, la définition dela pathologie se déplace vers une définition anato-mique. La maladie coronaire devient une entitéclinico-pathologique qui commence par l’occlu-sion progressive de l’artère coronaire et qui abou-tit à la mort d’une partie du muscle cardiaque parasphyxie quand l’occlusion est supérieure à 70 %(IDM).

La thrombose coronaire propose enfin un méca-nisme physiopathologique cohérent et scientifiqueet « sauve » l’angor de son statut hybride. Cettedémarche a été approuvée par une grande majori-té de la profession médicale. Cependant uneminorité l’a refusée et est entrée en résistancecontre cette rationalisation excessive. Ces méde-cins ont refusé la réduction de l’angor à la MC.

Pour le Dr Roberts : « l’angor est une douleur tho-racique paroxystique liée ou non à une maladiecardiaque ou aortique démontrable… associée àune sensation de danger ou de mort imminente ».

Roberts réaffirme la place du symptôme et refusetout lien systématique entre clinique et lésion. Eninsistant sur « la sensation de peur » que génère ladouleur, il rappelle que l’angor ne peut être rédui-te à des lésions anatomiques puisqu’elle reflète laréaction totale d’un individu.

Dans cette logique Roberts privilégie la maladiede l’individu sur la lésion spécifique, un hommesouffrant d’angine de poitrine ne se réduit pas àune lésion anatomique. Le patient est angineux.Roberts ne voulait pas subordonner un événe-ment complexe, la souffrance d’un individu, à unévénement anatomique.

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEMalgré cette opposition le modèle ontologiquetriomphe complètement en 1950.

4e étape : la seconde moitié du XXe siècle : leretour du modèle holiste

Dans cette seconde moitié de siècle, le modèle dela maladie coronaire s’affine avec les découvertestechnologiques telles que la coronarographie, lediagnostic devient certain :• ceux qui ont une lésion anatomique se voient

confirmer le diagnostic d’angine de poitrine,• ceux qui n’ont pas de lésion n’ont pas d’angine

de poitrine.

La lésion semble l’emporter sur le symptôme et levécu du patient. Cependant une nouvelle étapedevait être franchie. Après s’être centrés sur larecherche du mécanisme physiopathologique, lesmédecins ont cherché à savoir de quelle manièrese forme la thrombose. Le concept de cause pré-disposante est apparu. Les premières causes pré-disposantes identifiées sont :

• l’hérédité,• l’alcool,• le tabac.

Dans cette logique le concept de facteur derisque émerge dans les années 1950. La MCrebascule en partie du côté du malade. La MCdevient la conséquence des mauvaises habitudesdu patient ou de l’évolution de la vie moderne(l’augmentation du stress, de la tension et dudésir d’efficacité).

Rechercher et éliminer les facteurs de risquedevient une priorité du médecin. Cette approcheremet à l’ordre du jour la vision globale deRoberts et les préoccupations sur les styles de viede la personne. Pour prévenir la MC, contrôler lesfacteurs de risque devient essentiel. Le patientdoit modifier son mode de vie :

• marcher au lieu de prendre sa voiture,• faire un régime,• éviter le stress,• arrêter de fumer,• traiter son HTA, son diabète.

L’aspect holiste a été reformulé à travers leconcept du facteur de risque. L’individu est ànouveau central.

Conclusion : victoire ontologique ou holiste?

Une maladie qui se construit en plusieurs étapes :• une maladie clinique définie par des symptô-

mes : l’angor,• une maladie anatomique définie par une lésion

anatomique : la MC,• une maladie qui se définit par la constitution de

l’athérosclérose,• une maladie qui se définit par des facteurs de

risque.

Conséquence pratique

Faut-il :

• accorder plus d’importance à l’expérience indi-viduelle du patient ?

• voir la MC uniquement comme un processusphysiopathologique universel ?

Est-ce une question de posture, de regard ou detype d’action?• le cardiologue doit traiter et agir sur la lésion

constituée. La maladie est centrale. Pour le car-diologue la MC intègre avant tout le modèle biomédical,

• le médecin généraliste doit prévenir l’apparitionde la pathologie, contrôler les facteurs de risqueest essentiel. L’individu est central. Pour lemédecin généraliste la MC intègre avant tout lemodèle holiste.

Entre les conceptions ontologique et holiste, lesmédecins et les patients continuent de négocierune frontière toujours mouvante entre l’individuet la maladie.

LA SOCIOLOGIE DES MALADES

Les médecins qui savent définir si facilement lesmaladies définissent le malade de manière toutaussi aisée : il s’agit d’un individu qui souffred’une affection biologique. Derrière cette défini-tion centrée sur la maladie, le malade reste unéternel inconnu qui cependant a la capacité d’userle médecin à travers le burn out syndrom.

Une enquête de terrain observant les relationsmédecin/malade peut un peu lever le voile etmontrer qu’il est possible de s’adapter au patientsans pour autant se perdre dans la variété infiniedes personnalités.

S’intéresser à la personne derrière le maladecomporte pour le médecin un redoutable piège :• soit il imagine un malade moyen, affecté de

manière identique par un processus biologique,et il est légitime pour appliquer le savoir théo-rique et général appris à la faculté, au risqued’une caricature de la réalité,

• soit il imagine que chaque maladie s’exprime demanière différente dans chaque malade, il estalors certainement plus proche de la réalité,mais à ce moment-là sur quel savoir se fonde-t-il pour appliquer une théorie générale ?

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEPour éviter ce piège, les sociologues proposentun outil : la typologie. les malades ne sont niuniques ni multipliables à l’infini. Il est possiblede les catégoriser et donc de s’adapter un tantsoit peu à leur attente sans perdre trop de tempsni de l’opérationnalité qui caractérise l’efficacitéde la médecine moderne.

L’étude de terrain et l’observation des faits per-mettent donc de comprendre ce que vit le méde-cin tous les jours avec ses patients et de créercette typologie (Lustman).

Variabilité des attentes

Le médecin s’attend à être jugé par le patient enfonction de ses compétences cliniques et de sonefficacité thérapeutique. Ceci ne correspondpourtant pas à la réalité. Le patient le juge eneffet sur de multiples critères. Les attentes despatients sont multiples, variées et complexes :• l’attente de base : être guéri rapidement sans

être dérangé dans son quotidien,• volonté que leur problème soit pris en charge,

en mélangeant modèle bio-médical et modèleholiste,

• de l’attention, de la gentillesse et de la considé-ration,

• un diagnostic, un nom de maladie,• l’origine de la maladie,• une attente controversée : le conseil,• une seconde attente controversée : la demande

d’information,• une troisième attente controversée : le dialogue.

Pour le sociologue l’ensemble des attentes dupatient peut être résumé par un concept : la« réassurance ».Les questions principales auxquelles doit répon-dre le médecin : « Est ce grave ou non ? » « Peut-on faire quelque chose ou non ? » « Ma vie va-t-elle changer ou non ? ».

Trois profils de patients idéaux types

• les patients du passé : le médecin commeautorité

- ils sont plutôt âgés, plutôt employés ououvriers,- ils ne veulent rien comprendre, rien savoir, ilsveulent être guéris,- ils obéissent sans critiquer ou désobéissent ensilence,- ils ne changent pas de médecin,- ils ne posent pas de questions et ne demandentpas de conseils,- ils ne s’informent pas et font totalementconfiance au médecin,- ils n’acceptent pas que les médecins puissentmontrer les limites de leur savoir.

• les patients du présent : le consumérisme- ils sont plutôt jeunes ou d’âge moyen, appar-tiennent à toutes les catégories sociales,- ils veulent être guéris vite, ils ne supportent pasd’être malades,- ils critiquent le médecin et discutent s’ils nesont pas d’accord,- ils changent souvent de médecin, font du noma-disme médical,- ils posent des questions, mais ne demandentpas de conseils,- ils s’informent et lisent tous les média sur lasanté, ils ont une confiance relative envers lemédecin,- ils acceptent les limites du médecin, mais nonde la médecine : si un médecin ne sait pas, unautre saura.

• les patients du futur : la gestion de l’offremédicale

- ils sont jeunes, plutôt étudiants, C.S.P. plutôtsupérieure,- ils veulent comprendre leur maladie, compren-dre ce qui se passe en eux,- ils dialoguent avec le médecin, ils aiment l’é-change,- ils ont deux types de médecins, le vrai celui quicompte, celui de passage pour les petites mal-adies,- ils posent des questions et demandent desconseils,- ils s’informent et lisent les média, mais fontune totale confiance au médecin qu’ils ont inves-ti,- ils acceptent les limites du médecin, le médecinqui ose dire « je ne sais pas » est un bon méde-cin pour eux, car il cherche, et de plus il est sin-cère et honnête.

LA SOCIOLOGIE DES PROFESSIONS

De même que les médecins définissent aisémentmalade et maladie, leur rôle semble tout aussiévident : « la médecine a pour fonction de décri-re les maladies en termes objectifs et tenter deles traiter ».

La relation médecin/malade est complètementabsente de cette définition, or nous avons vuqu’il existe plusieurs types de malades, et qu’ilexiste plusieurs types de médecins, ces typolo-gies prennent sens dans l’interaction qui peut senouer entre le médecin et le malade, et nous pou-vons en conséquence supposer que des typolo-gies de malades et de médecins génèrent plu-sieurs modèles de relation médecin/malade.Modèles que le médecin devrait connaître afinde choisir quel type de pratique lui convient lemieux.

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEUn modèle consensuel de relation méde-cin/malade : Parsons

Talcott Parsons part d’une hypothèse : médecin etmalade ont le même but : la guérison.

À partir d’observations, Parsons déduit un modè-le qui permet de comprendre la relation méde-cin/malade. Il analyse le rôle et la place de la mal-adie et de la médecine dans la société :• la santé est nécessaire au bon fonctionnement

de la société : l’individu est un travailleur, ildoit être en bonne santé,

• un individu malade ne peut plus travailler etassumer ses rôles sociaux, en conséquence lamaladie est une déviance, un trouble de l’ordresocial,

• la médecine est l’institution moderne qui permetde gérer en douceur cette menace, en proposantun compromis :

• elle donne au malade le droit de s’exempter deses responsabilités pendant un temps court,

• elle fait cesser au plus vite le scandale de la mal-adie afin que les intérêts de la société soient pré-servés,

• la médecine joue un rôle de contrôle, de régula-tion sociale,

• ce rôle est bénéfique : le malade peut se soigneret la société retrouve rapidement un travailleur.

Dans cette analyse la relation médecin/maladeest quelque chose de très simple :• les patients ont besoin des médecins et viennent

leur demander leur aide,• les médecins sont des bons professionnels com-

pétents, altruistes et dévoués (sermentd’Hippocrate).

Ce modèle est :asymétrique : le médecin possède la compétence,le patient est un ignorant,consensuel : chacun accepte le rôle de l’autre,puisqu’ils sont complémentaires : le patient sou-haite guérir et le médecin a le savoir qui permet desoigner.

Dans ce modèle consensuel malade et médecinrespectent de façon inconsciente des rôles :

Rôle du malade :

deux droits :• être reconnu comme malade et, le temps de sa

maladie, exempté de ses responsabilités,• avoir accès à une aide et une assistance pour

guérir.

deux devoirs :• vouloir guérir et considérer la maladie comme

indésirable,

• obligation de rechercher une aide compétente etde coopérer avec le médecin.

Rôle du médecin :• être compétent professionnellement,• ne pas abuser de son autorité,• être spécifique et se limiter à soigner les mal-

adies,• ne pas chercher à créer des liens personnels entre

lui et le patient, la médecine doit être fondée surdes règles abstraites qui s’appliquent à tout lemonde, le médecin doit respecter une logique deneutralité affective,

• être dévoué à la collectivité, ne pas avoir d’aut-res motivations que le bien de ses patients,

• avoir une vision universelle et traiter tous lesmalades de la même manière sans distinction desexe, d’âge, de classe sociale ou d’ethnie.

Dans ce modèle, la médecine joue un rôle tout àfait particulier dans la société moderne : contrôleren douceur les maladies et rétablir l’ordre social.En mettant fin « au scandale de la maladie », lemédecin remet le patient au travail. Le malade estavant tout celui qui ne produit plus, la société luireconnaît le droit d’être malade, à la seule etunique condition qu’il guérisse rapidement etreprenne sa place et ses rôles au sein de l’ordresocial.

Dans ce modèle aucun problème de relationmédecin/malade : chacun respecte son rôle.

Ce modèle est contredit par les faits :• il est adapté aux maladies aiguës, mais pas aux

maladies chroniques,• la relation médecin/malade n’est pas complète-

ment asymétrique : le patient n’est pas un acteurpassif et ignorant,

• le patient n’obéit pas toujours,• les médecins ne sont pas universels et ne traitent

pas tous les malades de la même manière,• la relation médecin/malade n’est pas toujours

consensuelle, de nombreux conflits sont possi-bles.

Un modèle conflictuel de la relation méde-cin/malade : Freidson

Dans les années 1970 dans un contexte de reven-dication générale et de remise en cause desexperts, un nouveau modèle de la relation méde-cin/malade est proposé. Ce modèle est théorisépar E. Freidson, un sociologue interactionniste del’école de Chicago dans son ouvrage « La profes-sion médicale ».

Ce modèle s’appuie sur une hypothèse : les diffé-rents groupes sociaux (les malades/les médecins)ont des intérêts divergents et s’opposent.

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEUn modèle qui oppose des professionnels à desprofanes. Pour Freidson, le médecin n’est pasaltruiste, universel, dévoué à la collectivité et pos-sède des enjeux propres : son unique souci n’estpas le malade. Pour Freidson les médecins consti-tuent un groupe social comme les autres avec sesintérêts propres. Le plus important est de protégerla profession médicale contre le risque de perdreson monopole sur la santé. Deux dangers :• le public (il faut imposer, en cas de maladie, le

recours au médecin),• la concurrence (religieux, voyants, rebouteux,

sorciers…).

Dans cette logique, la relation médecin/maladen’est pas consensuelle, de nombreux conflits sontpossibles :• opposition : culture professionnelle/culture pro-

fane (le médecin perçoit le malade et ses besoinsen fonction du savoir acquis lors de sa forma-tion. Le patient, quand il consulte, a déjà sonidée reposant sur une tradition culturelle, dispo-sant d’informations glanées à droite ou à gau-che),

• opposition : logique de soin/respect de la viequotidienne du patient (le diagnostic entraîneune logique médicale (examen, traitement), lepatient a une autre logique : se soigner tout enrespectant les exigences de sa vie quotidienne),

• autonomie professionnelle/autonomie dupatient : lutte de pouvoir : qui décide?

Pour résumer : les médecins sont en lutte perma-nente pour conserver leur autonomie, les patientspour être écoutés et considérés. Nous ne sommespas dans un modèle consensuel mais dans unmodèle conflictuel. Ce modèle transforme la rela-tion médecin/malade, ce qui simplifie et caricatu-re la réalité. De manière paradoxale, en présentantle patient comme une victime du pouvoir médical,il rejoint le modèle de Parsons sur un point : lemalade serait réduit à l’état d’impuissance, à ladifférence près que pour Parsons cette impuissan-ce correspond à l’asymétrie des savoirs, le patientdoit se soumettre, alors que pour Freidson cetteimpuissance correspond à un abus de pouvoir, lepatient est une victime qui doit lutter pour retro-uver sa place afin d’être entendu.

Un modèle négocié de la relation méde-cin/malade : Strauss

Parsons et Freidson permettent d’observer plu-sieurs facettes de la réalité complexe de la relationmédecin/malade, mais ils posent tous les deux quele patient est impuissant. A. Strauss montre dansson ouvrage « La trame de la négociation » que lepatient n’est pas si impuissant que cela.

A. Strauss se fonde sur une autre hypothèse : les

patients ne sont jamais réduits à l’état d’impuis-sance, ils possèdent une grande marge de manœu-vre qu’ils utilisent en permanence : les patientspassent leur temps à négocier.

Définition : négocier c’est reconnaître l’existencede l’autre, lui donner la parole, l’écouter, essayerde trouver un compromis qui tienne compte desintérêts de tous les participants.

Le modèle de « l’ordre négocié » :

négociation entre soignants :

Négociation permanente entre médecins et méde-cins, médecins et paramédicaux :• avec le radiologue pour obtenir un scanner en

urgence,• avec un confrère pour obtenir une consultation

en urgence,• à l’hôpital entre médecins et infirmières pour le

meilleur traitement, le jour de sortie.

négociation avec le patient :

Les patients profitent de chaque possibilité quileur est offerte pour négocier dans les cabinetsmédicaux :• Docteur, vous êtes sûr que les antibiotiques sont

bien nécessaires?• Docteur, pour guérir il me faut des antibio-

tiques !• Docteur, vous me prescrivez ce médicament en

pilule, mais je préfère en sirop,• Dites docteur, si vous preniez le rendez-vous à

ma place, vous ne croyez pas que cela irait plusvite ?

Le modèle de l’ordre négocié repose sur 4caractéristiques :• les positions hiérarchiques ne sont pas figées, il

n’existe pas de suprématie définitive,• le destin n’est pas écrit, les choses ne sont pas

prédéterminées mais se constituent au cours duprocessus de négociation,

• l’ordre qui se met en place entre les différentsacteurs n’est jamais définitif et peut toujours êtrerenégocié,

• le temps est une donnée essentielle de la négo-ciation, il permet un processus d’apprentissage.Des acteurs, soumis dans un premier temps, peu-vent acquérir leur autonomie dans un secondtemps.

ConclusionParsons et Freidson ont travaillé sur une relationmoyenne type et n’ont pas tenu compte de la plu-ralité des situations possibles :• Dans la maladie aiguë, l’espace de négociation

est limité. Pour guérir, il suffit de prendre un trai-

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEtement sur une durée courte,• Dans la maladie chronique, il faut convaincre

les patients de suivre un traitement au longcours ; il ne suffit pas de donner un traitement, ils’agit aussi de convaincre le malade de changerde vie, de respecter de nouvelles règles. Le butpoursuivi n’est pas le même, il ne faut pas faireobéir le patient mais le transformer en partenai-re, le patient doit être éduqué afin de devenir« auto soignant ».

LA SOCIOLOGIE DE L’ACTION ORGANISÉE

Le médecin de famille de campagne, travaillantseul dans son cabinet, confronté à la misère dumonde, prenant seul en charge sur ses épaules, à lafois la maladie de tout un chacun, mais aussi lasouffrance psychologique aussi bien personnelleque familiale, correspond à une image idéaleencore largement répandue de nos jours. Danscette image d’Épinal le médecin est un héros destemps modernes, un expert bienveillant qui règnesur un domaine bien particulier les maladies et lesmalades. Pour mieux comprendre cette étrangeprofession le sociologue devrait en toute logiquese contenter d’étudier d’un point de vue social, lesmaladies, les malades et les médecins. Cettedémarche suppose deux hypothèses :

• la permanence et la validité du modèle du « col-loque singulier » en tant que référence de priseen charge dominante des patients. Modèle oùtout se passe dans le face à face entre un méde-cin et un patient, le médecin est alors le princi-pal responsable du devenir du patient,

• il suffit d’appliquer un savoir expert, une offrede soin, reposant sur les données validées par lascience pour que d’emblée la santé et la qualitéde vie des populations s’améliorent. Le rôle dumédecin se limite à appliquer son savoir expertsur les maladies.

Ces deux hypothèses supposent que le médecinsoit un expert reconnu de toute évidence, que lesméthodes qu’il propose sont d’emblée viables etque le savoir s’applique de lui même en touterationalité. Or l’observation des faits montre quel’image du médecin de famille est une belleimage d’Epinal et qu’il ne suffit pas de proposerune offre de soin pour qu’automatiquement laqualité de vie des populations s’améliore.Prenons un exemple concret : le médecin est tou-jours seul dans son cabinet face à son patient,mais il n’est plus le seul acteur : au modèle du« colloque singulier » s’adjoint de plus en plus lemodèle « du travail en coopération ». En tenantcompte de ces nouvelles hypothèses, le sociolo-gue, qui entend étudier l’ensemble des pratiques,doit étendre sa réflexion à de nouveaux champs.Il peut par exemple :

• étudier la manière dont les professionnels desanté travaillent les uns avec les autres et explorerainsi : les limites, les enjeux (d’identité, d’autono-mie, de concurrence) les difficultés concrètes, lesrésistances…• étudier l’impact du système de santé sur lespopulations, de quelle manière le système médicals’intègre dans le champ des représentations socia-les.

Pour terminer cet article, il nous semble importantd’ouvrir la réflexion sur tout ce qui se passe endehors du cabinet. L’impact de la médecine sur lasociété ne se limite pas à la relationmédecin/malade. Un premier exemple portera surle travail en coordination des médecins généralis-tes, un second sur l’impact du système de santésur les populations.

Le travail en coordinationLe médecin obtient son diplôme en faisant lapreuve aux yeux de ses futurs pairs qu’il a acquisun corpus de connaissances qui lui permet de dia-gnostiquer et de repérer des maladies. Le reste del’activité médicale ne nécessite pas de formationparticulière : il suffit de s’installer de poser « saplaque », et le médecin est à pied d’œuvre.

Cependant dans les faits de nombreuses questionsse posent :• médecine salariée ou médecine libérale?• cabinet de groupe ou exercice solitaire ?• proposer des rendez-vous, ou porte ouverte?• utiliser ou non une secrétaire ?• où s’installer ? Comment s’installer ?• comment se créer le carnet d’adresses des cor-

respondants ?• etc.

Il est aussi une question qui n’est pas conceptuali-sée en elle-même mais qui est au cœur de la pra-tique : comment travailler avec les confrères ?Comment les généralistes peuvent-ils travailleravec les spécialistes ? À cette question les méde-cins répondent de manière différente, il est possi-ble d’établir une typologie (Lustman/Vega/Saradon) :• les médecins « moralistes » : le travail en coor-

dination va de soi, un bon médecin doit tra-vailler en respectant ses confrères sinon il n’estpas professionnel,

• les médecins « anxieux » : le travail en coordi-nation est une inconnue ; les attentes des confrè-res semble incompréhensibles, un trou noir,comprendre semble impossible et ne pas com-prendre est source de souffrances (question despécialiste : pourquoi tel médecin généraliste nem’adresse plus de patient ?),

• les médecins « relationnels » : le travail encoordination ne va pas de soi, mais n’est pas

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEnon plus incompréhensible. Il doit faire l’objet

d’une réflexion personnelle ou avec les autresacteurs de la profession, d’étude et de formationqui permettraient à chaque médecin de saisir lesattentes des confrères et de s’y adapter enacceptant de comprendre que chacun agit enfonction de sa situation.

La question est pourtant si peu anodine quel’ÉTAT a fait le constat que le travail en coordina-tion dysfonctionne et propose, voire impose, sessolutions :• carnet de santé,• dossier médical partagé,• médecin référent,• médecin traitant,• création de réseaux formalisés.

Ces réformes sont promues avec différents suc-cès, mais sans état des lieux de ce qui existedéjà, donc sans élaboration d’un savoir sur lamanière dont les médecins travaillent ensemble,tout en se fondant sur l’hypothèse que seul letravail en collaboration permet une coordinationefficace entre les différents acteurs du systèmede santé.

Observer le travail au quotidien des médecinspermet de comprendre qu’il est difficile de pro-poser un idéal à atteindre sans le définir exacte-ment et que dans les faits les médecins utilisentplusieurs modes de travail en coordination(Lustman/Vega/ Saradon) :• la collaboration,• la coopération,• l’instrumentalisation,• la négation.

La collaboration : une forte implication per-sonnelle

La « collaboration » se rapproche le plus de l’i-déal du « travailler ensemble ». Elle est associéeà l’idée de relations privilégiées, « étroites » avecles autres acteurs, qui sont unis par des liaisonspermanentes et utiles, à la fois nécessaires etélectives, impliquant des actions durables.

L’idée de collaboration implique une bonneconnaissance réciproque, des rencontres directesen face à face, le partage, l’échange, les confi-dences, le travail en équipe, la formation com-mune, l’élaboration de nouveaux savoirs en com-mun, des réflexions partagées et aussi de rela-tions qui ne se limitent pas aux échanges profes-sionnels.

Une relation de collaboration se fonde donc sur :• une relation de confiance de personne à personne,• une relation de confiance dans la compétence

professionnelle,• un support de communication : des rencontres

réelles,• l’importance secondaire de la proximité,• la recherche d’autonomie n’a pas sa place,• la négociation est centrale.

Dans une logique de collaboration, le soignantpeut montrer ses failles, ses doutes et ses faibles-ses, il accepte en outre que l’autre l’influence etacquiesce à ses propositions sans chercher à lesdiscuter ni à les contrôler.

La pluralité et l’intensité des échanges font de lacollaboration un mode de relation consommateurd’énergie (et de temps) pour les partenaires de larelation, nécessitant une démarche volontaire etpartagée par chaque acteur.

La coopération : une relation occasionnelle

La coopération est le fait de travailler avec unautre dans « l’acceptation temporaire et provisoi-re d’une certaine interdépendance » entre lesacteurs. La coopération serait donc, comme la col-laboration, une manière de travailler ensemblemais de façon beaucoup moins étroite, chacungardant ses distances et son autonomie.

La coopération se fonde sur :• une relation de confiance de personne à person-

ne, mais la personne en tant que telle est secon-daire,

• une relation de confiance sur la compétence pro-fessionnelle,

• un support de communication : courrier, un peule téléphone et aucune rencontre directe,

• une importance centrale de la proximité,• des inter-influences réciproques limitées, l’auto-

nomie de chacun reste centrale,• une négociation peut exister mais de manière

limitée et ponctuelle.

Il faut qu’il existe entre les deux « coopérateurs »un certain degré de confiance, mais celle-ci estlimitée à la compétence professionnelle. Chacunrespecte la façon dont l’autre travaille mais refu-se de se laisser influencer par ses méthodes, oualors à la marge et de manière ponctuelle, sansqu’il puisse y avoir remise en cause de ses pra-tiques et de sa propre vision des soins. Les pro-positions du partenaire seront plus ou moinsacceptées, elles seront discutées et contrôlées. Lerespect de la part d’autonomie de chaque acteursemble un enjeu primordial : chacun entend res-ter maître de son exercice, l’autre n’émet qu’unavis qui sera plus ou moins intégré dans la prisede décision, la négociation demeure possible,mais elle reste limitée.

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEL’instrumentalisation : utiliser à son profit

À notre connaissance, les recherches se sont peuintéressées à ce mode de relation professionnelle.Cependant notre travail de terrain montre l’im-portance de cette troisième manière de travaillerensemble où l’autre est nié en tant que personne.Chacun des partenaires se sert de l’autre en l’ob-jectivant, l’autre n’est identifié qu’à son rôle pro-fessionnel, il est là uniquement pour rendre unservice, souvent un geste technique (« uneradio », « une fibro », « un pansement », « unerééducation »).

La relation peut se caractériser de cette façon :• aucune confiance de personne à personne,• confiance dans la compétence professionnelle

mais vague et non approfondie,• support de communication : ordonnance ou

courrier,• la proximité est le fondement du travail en coor-

dination,• l’autonomie est totale,• la négociation absente.

La proximité d’abord et la compétence ensuitedemeurent les seuls critères de l’élection. La rela-tion passe par le patient et se tisse uniquement surle mode professionnel. Le généraliste organise,contrôle et décide seul de la stratégie thérapeu-tique, son autonomie est totale. Cependant, si lepartenaire n’a pas le choix de la tâche à exécuter,il dispose lui aussi d’une entière autonomie dans lamanière de l’effectuer, l’instrumentalisation étantavant tout une absence complète de négociation.

La négation : l’absence de relation

Si les différentes études évoquent les modes derelations professionnelles considérées commepositives (collaboration, coopération), elles évo-quent « le non-travail ensemble » uniquement àtravers les tensions et les conflits considéréscomme des obstacles à une bonne pratique, posantimplicitement le travail en coordination comme la« bonne » norme. L’autre n’est pas reconnu en tantque tel, il est nié non seulement en tant que per-sonne, mais aussi que professionnel.

Cette absence de relation est fréquente. Elleimplique deux logiques :- soit la non reconnaissance de la spécificité dutravail de l’autre par sa rareté ou son altérité(orthophoniste, médecin conseil),- soit une logique de concurrence, les deux acteurspartageant le même territoire et se retrouvant doncen conflit direct pour se construire une clientèle(l’exemple des rapports pédiatres/médecins géné-ralistes étant le plus significatif).L’absence de relation peut se définir par :

• confiance dans la personne inexistante,• confiance dans la compétence professionnelle

inexistante,• support de communication inexistant,• importance de la proximité inexistante,• autonomie totale, elle va jusqu’à l’exclusion de

l’autre,• négociation inexistante.

Dans la négation, nous sommes au-delà de lalogique d’autonomie, nous nous retrouvons dansune logique d’exclusion, active ou passive. L’autren’est l’objet d’aucune reconnaissance parce qu’ilest soit trop proche, soit trop loin.

L’enjeu est l’identité, le territoire, et avant tout desavoir qui on est.

En conclusion, les différents modes de travail encoordination ne sont pas utilisés de manière iden-tique, mais ils ont tous leurs justifications et leurefficacité : l’instrumentalisation et la négationconstituent les modes auxquels les médecins dansleur ensemble auraient le plus souvent recours, lacoopération venant en troisième position et la col-laboration en dernière (elle ne correspond qu’à unpetit nombre « d’élus »).

Entre l’État qui veut promouvoir une révolutiondans l’organisation du travail collectif des soi-gnants et des soignants hésitants, ambigus, et sou-vent critiques, qui réagissent en ordre dispersé,l’observation des faits montre que la collaborationn’est possible que dans certaines situations bienprécises et ne peut pas être la norme du travail encoordination.

Le travail en collaboration permet certes d’élabo-rer des stratégies communes et d’améliorer gran-dement la coordination des soins, mais il n’endemeure pas moins qu’il reste une technique chro-nophage qui demande de la part de chacun des par-ticipants une grande dépense d’énergie. En outredans la pratique quotidienne, tous les médecins tra-vaillent déjà en coordination avec de nombreuxacteurs de santé mais ils n’utilisent pas le modèlede « la collaboration ». Ils ont recours à des modè-les plus souples comme « la coopération » (accep-tation temporaire d’une certaine interdépendance),ou encore « l’instrumentalisation » (chacun utiliseles compétences de l’autre dans le cadre d’une rou-tine d’où toute négociation est exclue), enfinlorsque la concurrence domine, nous nous retro-uvons dans une logique « de négation » qui rendimpossible tout travail de coordination.

Place de la logique bio-médicale dans ladémarche de soin

La médecine moderne étant fondée sur le déve-

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEloppement du savoir scientifique, elle devrait êtrereconnue spontanément par les populations et lasimple mise en place de structures médicalesdevrait améliorer spontanément l’état sanitaire dela population.

Encore une fois, derrière l’évidence se cache lacomplexité. L’amélioration de l’état de santé despopulations ne repose pas uniquement sur la miseen place de structures sanitaires et l’application dusavoir moderne.

L’OMS a choisi, parmi les indicateurs majeurs del’état de santé des populations, le nombre demorts à la naissance pour fonder sa politique desanté et répartir les fonds. Or il existe un pays qui,malgré l’arrivée de la médecine moderne, résiste :l’Équateur où l’indicateur de mortalité infantiledemeure élevé. Selon l’OMS cette situation s’ex-plique par le refus des femmes équatoriennesd’accoucher dans des maternités. D’un point devue scientifique cette situation est bien sûr irra-tionnelle et illogique. Pour élucider le mystèrel’OMS a donc financé une enquête qui devaitrépondre à la question selon la logique médicale :expliquer le comportement bizarre des paysanneséquatoriennes.

La réponse a été simple et lumineuse : si les pay-sannes équatoriennes n’accouchaient pas dans lesmaternités c’est « essentiellement à cause d’ob-stacles culturels ». Cette explication a l’avantaged’être politiquement correcte et de plaire à tout lemonde puisque personne n’est stigmatisé.Personne n’est coupable s’il s’agit d’un phénomè-ne culturel et cela explique tous les échecs.Cependant cette explication a le désavantage êtreredoutablement inefficace parce ce que si c’estculturel, il n’y pas grand chose à faire, à partregretter que ces pauvres paysannes ne soient pasnées au bon endroit.

Une seconde enquête a été réalisée, celle-ci, enévitant les présupposés, a essayé de montrer lalogique des acteurs. Ses résultats sont très diffé-rents, si les femmes équatoriennes n’accouchentpas dans les maternités, c’est que :• l’Équateur est un pays de montagnes, les distan-

ces sont sur-multipliées,• si l’accouchement en lui-même est gratuit, le

coût du transport est prohibitif,• les soignants sont des blancs ou des métis, les

patientes des indiennes. Le mépris des soignantset la différence culturelle établissent des barriè-res parfois infranchissables,

• par facilité les médecins pratiquent des césarien-nes, alors que dans la culture indienne les césa-riennes sont tabous (après une césarienne lafemme ne serait plus apte à procréer),

• un certain nombre de ligatures des trompes sont

opérées sans le consentement des patientes.

En conclusion : pour pratiquer son art le médecindoit se fonder sur un double savoir : les connais-sances bio-médicales, les connaissances sociolo-gique et anthropologique des populations. Un seulde ces deux savoirs est reconnu comme obligatoi-re, l’autre est jugé secondaire, les faits cependantfrappent à la porte : le médecin vit dans la cité.

UNE NOUVELLE RELATION ENTRE SOCIOLOGIEET MÉDECINE

Dans les faits, les médecins se retrouvent aujour-d’hui confrontés, de manière aiguë, à de nom-breuses problématiques qui ne relèvent pas toutesdu modèle épidémiologique et auxquelles leur for-mation universitaire ne les a pas préparés. Cesproblématiques relèvent souvent d’une analysesociologique. Ces questions émergentes ont danscertains cas déjà été traitées par certains sociolo-gues mais elles sont loin de constituer le cœur desinterrogations des sciences humaines sur le champde la santé.

Ces questions émergentes montrent bien le besoind’interaction entre médecins et sociologues : cesderniers ont besoin de mieux comprendre l’origi-ne des questions auxquelles les médecins sontconfrontés et les premiers pourraient mieux utili-ser des savoirs déjà constitués afin de trouver desréponses mieux adaptées à leurs problématiques.Ces questions pourraient alors servir de base àl’ouverture d’un dialogue entre les deux discipli-nes dans le but d’esquisser une recherche interdis-ciplinaire avec élaboration d’un questionnementcommun.

Identifier ces questions émergentes pourrait êtreune première étape du débat, il est cependant d’o-res et déjà possible de proposer une liste de thè-mes :• L’évaluation des pratiques médicales (PMSI,

questionnaire de satisfaction, réflexion sur sapropre pratique, évaluation des actions de pré-vention, évaluation des stratégies de prise encharge…),

• Rôle et identité du médecin généraliste (posi-tionnement par rapport aux spécialistes, auxpara-médicaux, médecin traitant/médecin réfé-rent, coordination des soins, dossier médicalpartagé, réseaux institutionnalisés, formationmédicale continue, logique bio-médicale versusBalint…),

• L’éthique médicale (droits des malades, relationmédecin/malade, éducation des patients,connaissance sociale et culturelle des patients,compliance, annonce de la mauvaise nouvelle,information des patients, euthanasie, CMU,place « du social » et du « culturel » dans une

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SCIENCES HUMAINES –MÉDECINE GÉNÉRALEconsultation de médecine…),• Les rapports avec les autres institutions (ÉTAT,

industrie pharmaceutique et visiteurs médicaux,prescription de nouveaux médicaments, place dela recherche…),

• L’évaluation des politiques de santé publique(évolution de la profession, connaissance desopinions et des besoins des médecins…).

La sociologie est une discipline scientifique avecses concepts, une logique, des méthodes unerigueur dans la réalisation de ses analyses. Il nes’agit pas d’une boîte à outils dans laquelle onpeut piocher de façon partielle et utilitariste.L’alliance entre sociologie et médecine généralene consiste donc pas à donner des recettes auxmédecins pour comprendre leurs malades.

Pour autant le sociologue n’est pas un expert de lamédecine générale. Le détenteur du savoir et lemaître de la décision reste le médecin. Toutcomme ce dernier a besoin de comprendre unminimum de biologie ou de chimie pour exercerson art, le médecin a besoin également de com-prendre certains concepts de sociologie pour utili-ser les sciences sociales dans sa pratique. Celasignifie donc qu’il peut être amené à lire des arti-cles ou ouvrages de sociologie ou même à s’initierà cette discipline dans le cadre de sa formationcontinue.

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QU’EST-CE QUE N’EST PAS LA SOCIOLOGIE

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Sociologue, chercheur associé au Centre de Sociologie des Organisations(Sciences Po) et chargée de recherches chez Risques et Intelligence, bureaud’études spécialisé en sociologie de la santé et des risques sanitaires envi-ronnementaux, Isabelle Bourgeois a publié, entre autre, dans la revueEsprit en février 2005 « Le médecin traitant dans la réforme de l’AssuranceMaladie. Une étape symbolique pour la cause généraliste ». Elle a soutenusa thèse de sociologie à l’Institut d’Études Politiques de Paris le 29 mai2007 sous la direction de Francis Pavé : « Le médecin généraliste dans letravail médical de premier recours, entre dynamiques locales et logiques declientèle. Les cas de quatre espaces relationnels en médecine générale ».

Isabelle Bourgeois

Sociologue, chercheur associé au Centre de Sociologie des Organisations(Sciences Po) et chargée de recherches chez Risques et Intelligence, bureaud’études spécialisé en sociologie de la santé et des risques sanitaires envi-ronnementaux, Isabelle Bourgeois a publié, entre autre, dans la revueEsprit en février 2005 « Le médecin traitant dans la réforme de l’AssuranceMaladie. Une étape symbolique pour la cause généraliste ». Elle a soutenusa thèse de sociologie à l’Institut d’Études Politiques de Paris le 29 mai2007 sous la direction de Francis Pavé : « Le médecin généraliste dans letravail médical de premier recours, entre dynamiques locales et logiques declientèle. Les cas de quatre espaces relationnels en médecine générale ».

Matthieu Lustman

Sociologue, médecin généraliste, chercheur et membre du CERLIS (Centrede Recherche sur les Liens Sociaux) Paris V, Matthieu Lustman a soutenu sa thèse de médecine en 1999 sous la présidence du Pr Sicard – "La rela-tion médecin/malade, une étude historique et sociologique" – et va soute-nir sa thèse de sociologie en février 2008 sous la direction de Pr MoniqueHirschhrorn : "Du suicide, comme une construction sociale". Enseignant desociologie de la santé en PCEM1 à Lille, il a effectué plusieurs recherchessur les professionnels du système de santé, en collaboration entre autreavec Anne Véga ("Evaluation des stratégies de prise en charge des suici-dants" pour l’ANAES en 2002, "Etude qualitative des interactions profes-sionnelles dans les réseaux de soins informels" pourl’ANAES en 2004). Il est le cofondateur en 2006 avec Isabelle Bourgeois et Anne Pellissier del’association Sociologie & Santé.

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Notes1 Barbusse, B., Glayman, D. (2005), La sociologie en fiches,Ellipses, p 110.2 Nous parlerons ici uniquement de sociologie qualitative etne traiterons pas de la sociologie quantitative qui fonde sonsavoir sur le traitement statistique d’enquêtes à grande échel-le.3 Il s’est tenu à l’Ecole Nationale de la Santé Publique àRennes et était organisé par François-Xavier Schweyer etGéraldine Bloy.

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