48
n° 63 Juin 2006 n° 63 Juin 2006 Société Française de Médecine Générale DOCUMENTS DE RECHERCHES EN MÉDECINE GÉNÉRALE DOCUMENTS DE RECHERCHES EN MÉDECINE GÉNÉRALE Groupe de Pairs 3 e Symposium National Groupe de Pairs 3 e Symposium National SFMG Le plaisir de comprendre SFMG Le plaisir de comprendre Documents de Recherches en Médecine Générale Juin 2006 n° 63 Documents de Recherches en Médecine Générale Juin 2006 n° 63

Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

  • Upload
    lamtu

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

n° 63Juin 2006

n° 63Juin 2006

SociétéFrançaisede Médecine

Générale

DOCUMENTSDE RECHERCHES

EN MÉDECINE GÉNÉRALE

DOCUMENTSDE RECHERCHES

EN MÉDECINE GÉNÉRALE

Groupe de Pairs3e Symposium National

Groupe de Pairs3e Symposium National

SFMGLe plaisir de comprendre

SFMGLe plaisir de comprendre

Doc

umen

ts d

e Re

cher

ches

en

Méd

ecin

e G

énér

ale

Juin

200

6 n°

63D

ocum

ents

de

Rech

erch

es e

n M

édec

ine

Gén

éral

e Ju

in 2

006

n°63

Page 2: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Directeur de Publication :Rédacteur en chef :

Comité de rédaction :

Relecture du document :

Bernard GAVIDDidier DUHOTPascal CLERC, Didier DUHOT, Rémy DURAND,Elisabeth GRIOT, Luc MARTINEZRosemonde MOHN, Catherine MARTIN

Mise en page : Micro Paddy (Courriel : [email protected]) / Impression : Pralon GraphicN° ISSN0767-1407 • Dépôt légal : Juin 2006

Page 3: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

TABLE DES MATIÈRES

Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

La démarche décisionnelle du médecin en soins primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Analyse du parcours et de la coordination des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Évaluation des pratiques professionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Gestion d’un Groupe de Pairs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Groupes de Pairs : mises en scène de soi, représentations, répétitions et entractes . . . . . 19

D’où viennent les savoirs mobilisés dans une analyse de pratiques ? . . . . . . . . . . . . . . 23

L’analyse de pratiques en « Groupes de Pairs » : un outil développant la professionnalité 35

© DICTIONNAIRE DES RÉSULTATS DE CONSULTATION EN MÉDECINE GÉNÉRALEDéposé auprès de la S.G.D.L. - Reproduction interdite sauf autorisation écrite de la S.F.M.G.

Page 4: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Dernière minute… Dernière minute… Dernière

La Société Française de Médecine Générale a eu l’hon-neur d’être parmi les premiers organismes d’Évalua-tion des Pratiques Professionnelles reconnus officielle-ment par la Haute Autorité de Santé le 18 juillet 2005.Désormais les médecins libéraux et salariés qui le sou-haiteront pourront valider leur obligation d’évaluationdes pratiques professionnelles en participant à unGroupe de Pairs® labellisé par la Société Française deMédecine Générale.

Labellisation du groupe.

Chaque mois le groupe adressera les grilles de présen-tation des cas, les comptes rendus et les feuilles d’é-margement de chaque séance au département Groupesde Pairs de la SFMG. Chaque groupe, une fois par an,adressera sa demande de labellisation.

S’il répond aux critères de qualité de cette méthode deformation et d’évaluation de la pratique médicale queconstituent les Groupes de Pairs, la SFMG adresseraune attestation de labellisation au Groupe.

Validation individuelle de l’obligation d’évaluationdes pratiques professionnelles

• le médecin d’un groupe labellisé SFMG devra adres-ser à la SFMG une demande écrite de validation de sadémarche d’évaluation des pratiques professionnel-les,

• Pour que cette demande soit examinée, le médecindevra être à jour de sa cotisation annuelle de membrede la SFMG.

• Cette demande sera alors examinée par les responsa-bles du département Groupes de Pairs®, qui, au vu desdocuments adressés mensuellement par le groupe(notamment la grille de présentation de cas et lecompte rendu de la séance) valideront ou non ladémarche.

• Le médecin aura acquitté les frais de dossier et degestion.

• Quand la démarche aura été validée, le médecin rece-vra un certificat pour faire valoir ce que de droitauprès des conseils régionaux ad hoc.

Quels sont les critères de labellisation d’un Groupede Pairs®

• Le groupe se réunit au moins 8 fois dans l’année.• Le groupe est constitué exclusivement de médecins

de même exercice et de même discipline (de 5 à 12).• Lors de chaque réunion du groupe, à tour de rôle un

des participants exerce la fonction de modérateur.• Les participants signent la liste d’émargement à

chaque séance.• Les réponses aux questions non résolues lors d’une

séance sont apportées et discutées à la séance suivante.• Un compte rendu de séance est rédigé systématique-

ment.

• Les comptes rendus, les grilles de recueil, les listesd’émargement de toutes les séances sont adressésmensuellement.

• les trois temps de la réunion sont respectés :- les cas présentés au premier temps sont tirés au

sort,- le deuxième temps de la réunion est consacré à

l’amélioration du parcours et de la coordinationdes soins,

- le troisième temps de la réunion pouvant êtreconsacré :

- au thème prioritaire défini pour l’année :définition du thème, discussion des recomman-dations, réflexion sur les cas relevant de cethème et posant problème,

- à la lecture critique des résultats et commen-taires des recherches bibliographies demandésà la séance précédente,

- à la discussion d’un cas complexe,- etc.

Les éléments incontournables de l’évaluation

• Utiliser les grilles de présentation (soit la grille stan-dard, soit la grille en rapport avec la thématique choi-sie pour l’année par le groupe si la pathologie dupatient s’y rapporte).

• Noter les références bibliographiques, leur niveau depreuve quand il existe et la date.

7:00

7:30

8:00

8:30

9:00

930

10:00

10:30

11:00

1130

12:00

12:30

1:00

1:30

2:00

2:30

3:00

3:30

4:00

4:30

5:00

4e symposium

des Groupes d

e Pairs

à Paris

"Groupes de

Pairs

et Évaluation

des Pratiques

Professionn

elles"

inscriptions

:

[email protected]

ou

tel : 01 41

90 98 20

1 octobre 2006

Page 5: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Le Groupe de Pairs en médecine générale (titre déposé) est une méthodologie élaborée, mise en placeet défendue par la SFMG depuis de nombreuses années. En perpétuelle évolution, cette méthodologiediffuse désormais largement au sein de la communauté médicale toutes spécialités confondues.

Le premier symposium en 2001• a validé la méthodologie des groupes de pairs et ses trois temps distincts,• a confirmé la faisabilité et l’acceptabilité du concept par les médecins, étape indispensable à une dif-fusion large dans la profession,• a mis en place le label SFMG qui atteste de la démarche qualité des Groupes de Pairs.

Le deuxième symposium des Groupes de Pairs en 2003 a affiné la méthodologie en engageant lesGroupes de Pairs dans la médecine factuelle. Il s’agit désormais, lors de l’exposé des cas cliniques, deconfronter aussi sa pratique aux données probantes de la science à l’aide d’une démarche scientifique,la démarche EBM:• formuler le problème posé par une question claire,• réaliser une recherche documentée pour recenser les éventuelles réponses pertinentes,• apprécier la qualité des données trouvées (niveaux de preuve, soins primaires, typologie des patientsconcordante, organisation des soins…),• s’assurer de la faisabilité et de l’acceptabilité pour le patient concerné.

Ce troisième symposium, témoigne des apports de l’institutionnalisation des groupes au sein de laSFMG:• Il propose que les sciences humaines trouvent progressivement une plus juste place dans la méthodo-logie des Groupes de Pairs. Il s’agit bien de prolonger logiquement l’argumentation scientifique de l’a-nalyse réflexive des pratiques pour aboutir à une structuration plus équilibrée de celle ci entre le bio-médical et le psycho-socio-médical (pour commencer). Loin de renier l’importance du recours auxdonnées de la science, ce troisième symposium élargit le champ de la réflexion pédagogique, scienti-fique et professionnelle et ce d’autant que les ateliers ont pointé du doigt la pertinence, la faisabilité etl’acceptabilité souvent limitées des recommandations de pratique en soins primaires. Reste à recenser,formaliser et diffuser dans les années à venir les savoirs « d’action », les « savoirs faire » et les « outils »utilisés par la profession dans la pratique quotidienne.• Il s’intéresse aussi à la place du médecin traitant dans la coordination des soins en proposant que ledeuxième temps de la méthode se développe autour de l’amélioration de la trajectoire du patient dansun système de distribution des soins nouvellement redéfini. S’agissant d’une réforme récente, laréflexion est encore à ses débuts, mais nul doute que là encore il faudra recenser, formaliser et diffuserdans les années à venir les savoirs « d’action », les « savoirs faire » et les « outils » utilisés par la pro-fession dans ce but.

Ainsi les Groupes de Pairs trouvent ainsi naturellement leur place dans l’évaluation des pratiques pro-fessionnelles. La SFMG doit envisager avec la Haute Autorité en Santé comment ils peuvent s’inscriredans une évaluation institutionnelle et le risque d’engorgement administratif qu’il comporte pour notrestructure, d’autant qu’au moment de la parution de document, les questions de financement de l’EPPne sont pas réglées. Quoiqu’il en soit le programme est vaste pour les 2 années à venir et toutes lescontributions seront les bienvenues.

La SFMG

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 5 •

Éditorial

Page 6: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Disponible surcommande à la

SFMG

Étant donné la forte demande, la SFMG a décidé de rééditer le Document de Recherches en MédecineGénérale N°51 "Référentiel Métier du Médecin Généraliste - Rénover l’Enseignement de la MédecineGénérale, Collège de Basse Normandie des Généralistes Enseignants (Samuelson M, Goraiux JL,Maulme JM, Née E, Vandenbossche S).Il est disponible sur demande auprès de la SFMG au coût de 15 euros (tel : 01 41 90 98 20 ou email :[email protected])

documentsde recherchesen

médecine généralePour un Référentiel Métier du

Médecin Généraliste

Rénover l’Enseignement de laMédecine Générale

Édité en partenariat avecle Collège de Basse Normandie des Généralistes Enseignants

Société Française Médecine GénéraleSociété Savante

141, avenue de Verdun - 92130 Issy Les MoulineauxTél 01 41 90 98 20 - Fax 01 41 90 07 82

http://www.sfmg.org

O.N.G. agréée auprès de l'O.M.S.représentant la France à la WONCA

docu

me

nts

de r

eche

rche

s e

n m

éde

cine

gén

éral

e

n°5

1 j

uil

let

19

98

SFMG

DRMG N°51Juillet 1998

Le plaisir de comprendre

Page 7: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DÉMARCHE DÉCISIONELLEDU MÉDECIN EN SOINS

Description propre aux soins primaires desproblèmes pris en charge

Pour débattre du cas, le médecin doit décrire à sespairs de façon précise et discriminative le ou lesproblèmes pris en charge au cours de la consulta-tion. L’utilisation du Résultat de Consultation2

permet de mieux décrire le tableau sémiologiqueobservé et de préciser le degré de certitude qui lecaractérise : symptôme, syndrome, tableau demaladie, diagnostic certifié.

L’identification et la prise en compte des positionsdiagnostiques dites « ouvertes », qui ont un poten-tiel évolutif risque évolutif, que sont les symptô-mes et syndromes conduisent le médecin à main-tenir une vigilance plus grande pour la gestion durisque. Elles lui évitent de recourir « par excès »,du fait de sa formation initiale hospitalière, à uneposition de « tableau de maladie » (nosologique-ment bien définie) ou de « diagnostic certifié »(agent causal bien identifié ou avec résultat anato-mo-pathologique).

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 7 •

La démarche décisionnelle du médecin en soins primaires

François Raineri, Michel Arnould, Pascale Arnould

Les Groupes de Pairs reposent sur l’analyse réflexive de la pratique à partir de cas cliniques issus de l’exercicequotidien des participants Ces cas sont choisis de façon aléatoire par tirage au sort. L’objet de la réflexion indivi-duelle et collective est donc issu de la pratique réelle. Cette analyse se fait à distance de l’action, alors que le pro-fessionnel ne pourra plus revenir sur sa décision. Une fois son travail d’analyse et d’évaluation individuelle réali-sé, le médecin sera prêt à justifier, expliciter et argumenter sa démarche décisionnelle en la confrontant aux pra-tiques de ses Pairs et aux données de la science.A partir des plaintes de son patient, des données de l’anamnèse, des données biomédicales, des élémentscontextuels, mais aussi de sa formation initiale, de son expérience et de ses propres craintes ou attentes, le méde-cin élabore une représentation du ou des problèmes présentés de façon explicite ou implicite par le patientIl active consciemment et inconsciemment des connaissances et des expériences1 organisées et élaborées pourne finalement retenir « en premier » que le ou les tableaux sémiologiques les plus probables, gardant toujours àl’esprit les risques pouvant être évoqués.

Page 8: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Référence aux données probantes de la science

La première étape de la médecine factuelle est l’u-tilisation consciencieuse, explicite et judicieusedes meilleures preuves (littératures scientifiques,recommandations…) actuelles dans la prise encharge personnalisée du patient. Cette recom-mandation figure également dans le code de déon-tologie : « Le médecin s'engage à assurer aupatient des soins fondés sur les dernières donnéesacquises de la science. »La démarche décisionnelle impose, une fois letableau sémiologique précisé, la recherche desréférences scientifiques. Celles-ci sont plus oumoins nombreuses, plus ou moins issues de lamédecine générale, plus ou moins en rapport avecl’organisation du système de soin national, plusou moins en rapport avec la typologie des patientsconcernés. Le médecin tiendra compte de ces élé-ments pour évaluer son écart à « une pratiquerecommandée » et expliciter, justifier et argumen-ter la hiérarchisation, la personnalisation et lacontextualisation des éléments de sa décision.

Déterminants liés au patient

La décision médicale est indissociable du patientavec lequel, « à l’évidence en soins primaires »,elle se construit, que celui-ci s’implique de façonactive ou pas dans l’alliance thérapeutique.L’histoire familiale, les éléments biographiques, laculture, les conditions de vie et de travail, lesreprésentations, craintes et attentes de chaqueindividu construisent une relation particulière aumédecin et différente pour chaque intervenant.Les éléments de l’anamnèse et donc de la décisionmédicale sont influencés par ces déterminants quiméritent donc d’être objectivés par le médecin(grille de recueil des cas) et discutés par le grou-pe.

Déterminants liés au système de soins

La décision médicale est également indissociablede la diversité des offres de soins loco- régionaleset de leur qualité : disponibilité des ressources desoins primaires (infirmiers, aide soignants, kinési-thérapeutes, structure d’aide à domicile), disponi-bilité des médecins consultants, accessibilité auxcentres d’imagerie plus ou moins équipés, proxi-mité de centres hospitaliers.

Déterminants liés au soutien social

Dans la décision médicale intervient également etnotamment pour les personnes âgées ou lespatients en soins palliatifs, la notion de soutiensocial : y a-t-il une famille présente? est-elleaidante? y a-t-il un voisinage? est-il disponible etcoopératif ?

Déterminants liés au médecin

Le médecin est lui même porteur de représenta-tions de craintes et d’attentes. Ses valeurs, son his-toire, ses réticences et ses préférences, gagnent àêtre identifiées de façon explicite, tant pour lui-même que pour le groupe, si chacun veut en com-prendre le poids dans sa démarche décisionnelle.

Déterminants liés à la gestion de la consultation

Les conditions du travail du généraliste en Francese traduisent par des contraintes fortes en termed’organisation du cabinet et de gestion de l’activi-té professionnelle. « Burn out » ou pas, le généra-liste doit optimiser son temps de travail et cettequestion de la gestion du temps disponible, dustress ressenti, de la fatigue encourue, doit êtrereconnue par les professionnels eux mêmescomme un élément non négligeable de leur déci-sion.Cette liste des déterminants de la décision figurantdans la grille d’exposition des cas n’est pasexhaustive. Des travaux de recherche ultérieursdevraient permettre d’objectiver d’autres élémentsdécisionnels qui seraient susceptibles de figurerdans la grille.

Espace de liberté

Une fois les Résultats de Consultation posés et lesRisques envisagés graves, et après avoir consultéles données de la science issues des soins primai-res (lorsqu’elles existent), pris en compte les élé-ments se rapportant au patient et à son contexte,pris en considération l’offre de soin locale, lemédecin dispose d’un espace de liberté décision-nelle. Cet espace est plus ou moins réduit ou plusou moins large en fonction des Résultats deConsultation posés et des autres déterminants.

Discussion sur la nécessité d’une grille

L’utilisation de la grille de présentation des casproposée par la SFMG est ressentie par certainspairs comme une contrainte soit du fait de sa com-plexité soit du fait de la formalisation de la pré-sentation.Si cette grille est évolutive et n’a pas connu sa der-nière version, la formalisation du travail des pairsest cependant inévitable si ceux-ci souhaitents’engager dans une démarche « observable » derecherche, d’évaluation et d’amélioration de leurpratique. La question de « l’objectivation » sepose à tous les groupes professionnels ayant pourobjet l’analyse des pratiques. La SFMG proposepour sa part, dans la première partie de la métho-dologie des groupes de pairs, un outil d’analyse etde réflexion qui vise à mettre en évidence au sein

DRMG 63 - page • 8 • Société Française de Médecine Générale

Page 9: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 9 • Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 9 •

d’un groupe de professionnels de même exerciceles déterminants majeurs repérables des décisionsque ceux ci sont amenés à prendre. En remplissantsa grille de recueil, tranquillement, chez lui, à dis-tance de l’action, le médecin analyse rétrospecti-vement sa pratique en « prenant en conscience »nombre d’éléments du cheminement de la déci-sion et dont il fera in fine le récit aux autres. Il estalors capable de mieux justifier et argumenter seschoix, en particulier s’ils ne correspondent pasaux pratiques recommandées.La structuration de la consultation, résultat de l’u-tilisation de la grille, évite par ailleurs le dérapagede la discussion sur les seules préférences des uns

ou des autres par exemple et facilite la rédactiondu compte rendu de séance, autre élément essen-tiel de l’EPP institutionnelle.En définitive, l’utilisation de cet outil permet unemeilleure efficience du premier temps des groupesde Pairs.

1 Décision médicale ou la quête de l’explicite Alain F. JunodM. & H p. 202 DRMG dictionnaire des résultats de consultationN° 55/56/57

Le chemin décisionnel

Page 10: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Sanofi-aventis france confirme son engagement à accompagner les Professionnels de Santé dans leurFormation Médicale Continue à travers des programmes de formation médicale ou professionnelle cons-truits en réponse aux besoins des praticiens ou conformément à des objectifs de Santé Publique.

Avantages

Simplicité, souplesse, gain de temps, inter-activité, convivialité…

✔ Une réponse adaptée aux besoins deformation et d’information des professionnelsde santé.

Principe et avantagesde la netFMC

Les thèmes disponibles actuellement

L’essentiel pour mieux comprendre les essais cliniques... (en 4 modules)

Douleur et cancer

Diabète de type II chez la femme

Corticothérapie (animé par des membres de la SFMG)

Ces NET FMC sont proposées tout au long de l’année avec un calendrier réactualiséL’inscription se fait de manière instantanée selon votre choix pour un ou plusieurs thèmesen téléphonant au :

0800 052 053 netfmc

Principe

La netFMC permet à tous les professionnels desanté, partout en France (DOM TOM inclus), departiciper, grâce à une connexion Internetassociée à une conférence téléphonique, à dessessions de formation médicale continue, sansse déplacer.

Ce mode de formation innovant, dispensé par unexpert régional ou national, donne la possibilité àtous les participants d’intervenir et de partageren direct leurs expériences et leurs points de vueavec l’expert e-animateur, mais également avecleurs confrères (8 à 10 participants au maximumsimultanément).

Page 11: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 11 •

ANALYSE DU PARCOURSET DE LA COORDOINATION

Pourquoi analyser le parcours du patient et lacoordination des soins en Groupes de Pairs?

Le 2e temps de la méthodologie des Groupes dePairs de la SFMG est destiné à l’analyse du par-cours du patient dans le système de santé, et à l’a-mélioration de la coordination des soins. Cettefonction implicite du médecin généraliste a étéclairement énoncée au congrès de la Wonca 2002« Le médecin généraliste utilise de façon efficien-te les ressources du système de santé par la coor-dination des soins, le travail avec les autres pro-fessionnels de soins primaires et la gestion durecours aux autres spécialités, se plaçant si néces-saire en défenseur du patient. ». Elle est désor-mais clairement reconnue par la loi d’août 2004,dans son article 8, qui assigne la mission de coor-dination des soins au médecin traitant.Cependant, aux yeux de nombres de médecinsgénéralistes, la coordination des soins semble êtreune tâche difficile et peu attractive. Parmi les rai-sons évoquées, on retrouve un questionnement surla définition exacte de la mission, un manque desavoir-faire probable, un déficit certain en moyensorganisationnels, surtout pour coordonner le tra-vail d’une équipe pluridisciplinaire. Dans cesconditions, les généralistes concèdent volontiersqu’ils trouvent cette tâche peu intéressante, etdéplorent la grande quantité de temps requisequand ils en manquent déjà pour le soin et la pré-vention.

Quel contenu attribuer au 2e temps de la réuni-on du Groupes de Pairs?

L’atelier propose quatre objectifs assignés à cetteseconde partie de la réunion :

• Appréhender la place du médecin traitant dansun système de santé organisé- savoir adresser le patient au professionnel (ou à

la structure) le plus approprié au problème desanté présenté quand le recours à un tiers estnécessaire,

- transmettre les informations nécessaires et suffi-santes à une prise en charge de qualité dupatient,

- synthétiser les informations transmises par lescorrespondants, dans une vision systémique dupatient, appréhendant ce dernier dans toutes sesdimensions bio-médicales, socio-professionnel-les, familiales, etc. Certains disent pour fairecourt mais exhaustif « bio-psycho-sociales ».

• Étudier les ressources locales disponibles- recenser les créations, les disparitions, les chan-

gements des structures de soins primaires,secondaires ou tertiaires : spécialistes nouvelle-ment installés, fermetures de cabinets secondai-res, ouverture de consultations spécialisées descentres hospitaliers proches. Chaque pair, dispo-sant d’informations rarement exhaustives pourraenrichir et mettre à jour son carnet d’adressesgrâce à ces échanges d’informations,

- évaluer le fonctionnement de ces structures :qualité de l’accueil, qualité des soins, qualité del’information au patient, qualité de l’informationdonnée au médecin traitant et capacité du pro-fessionnel à s’intégrer à une équipe.

• Améliorer les relations avec les autres acteursdu système de santé- qualité et fluidité de la circulation de l’informa-

tion : quelles informations transmettre au cor-respondant pour que la prise en charge du patientsoit optimale? Le médecin traitant a-t-il formuléclairement ce qu’il attendait de son consultant ?L’information en retour répondait-elle à lademande? Ce travail devrait prendre pour baseles courriers adressés et reçus,

- respect des compétences et de la place de chacundans le système. Chaque professionnel a unereprésentation de ses fonctions et de la placequ’il occupe dans le système de santé. Cettereprésentation, différente de celle des autres,peut être source de conflits mais toujours préju-diciables au patient. Ces représentations et leursimplications dans la coordination des soinsdevraient être critiquées au sein du groupe.

• Améliorer les procédures de soin- le 2e temps du Groupes de Pairs peut être mis à

profit pour élaborer, en commun des protocoles

Analyse du parcours et de la coordination des soins

François Raineri, Michel Arnould, Pascale Arnould

Page 12: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 12 • Société Française de Médecine Générale

de soins inspirés des données actualisées de lascience quand elles existent.

- il permet d’intégrer dans ces protocoles lesretours d’informations des correspondants et despatients.

Outils proposés

Pour faciliter leur travail d’analyse au cours du 1er

temps, les médecins disposent d’une grille derecueil permettant de structurer leur observationet mettant en exergue les éléments sur lesquels ilsont appuyé leurs décisions. Les pairs ont expriméle désir assez fort de disposer d’outils similairespour structurer le 2e temps, ou, à défaut de lignesde conduite permettant d’assurer un déroulementfluide et efficient de la séance.

Carnet d’adressesConstruction, au fil des séances, d’un carnet d’a-dresses recensant les généralistes, les médecinsspécialistes, les structures de soins, les travailleurssociaux, les paramédicaux et listant, pour chacund’entre eux, les services qu’ils sont susceptiblesde rendre en pratique. Ce carnet d’adresses pour-rait se présenter sous la forme d’un fichier infor-matique mis à la disposition du groupe soit sur uncédérom, soit téléchargeable sur un site, ou enco-re sous la forme d’un agenda partagé sur internet.

Analyse des cas complexesL’analyse d’un cas complexe, présenté au cours du1er temps ou à l’initiative d’un des médecins dugroupe, pourrait servir de base à la discussion decette partie de la réunion. Une grille spécifique derecueil pourrait être construite.

On procèderait alors :- à l’analyse des procédures de soins,- éventuellement à l’analyse des procédures socia-

les dont plusieurs études de bon niveau de preu-ve montrent que les médecins ne sont pas, loins’en faut, les plus compétents dans cette tâche,

- à l’écriture de procédures adaptées à la gestionde cas complexes, qui pourraient être mutuali-sées entre les différents Groupes de Pairs.

Mutualisation des expériences favorablesL’exposition au groupe des solutions pertinentesmises en œuvre dans la gestion de cas complexesantérieurs, permettrait, en complément du carnetd’adresse, d’établir une « banque d’astuces » pou-vant être mises en œuvre dans des cas similaires.

Il s’agirait, en quelque sorte, d’une mutualisationd’expériences bénéfiques dans la gestion de cascomplexes.

Analyse des courriersLa présentation au groupe de courriers adressésaux correspondants, ou reçus des correspondantspourrait également constituer une base de discus-sion fructueuse permettant de répondre aux objec-tifs précédemment assignés d’améliorer les rela-tions entre les divers professionnels et d’améliorerla coordination des soins.

7:00

7:30

8:00

8:30

9:00

930

10:00

10:30

11:00

1130

12:00

12:30

1:00

1:30

2:00

2:30

3:00

3:30

4:00

4:30

5:00

Journées

de

communications

de

la SFMG

inscriptions

:

[email protected]

ou

tel : 01 41

90 98 20

30 septembre 2006

Page 13: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 13 •

ÉVALUATION DES PRATIQUESPROFESSIONNELLES

Le travail en Groupes de Pairs labellisé peut-ilconstituer un moyen simple et peu coûteux derépondre à l’obligation d’évaluation des pra-tiques professionnelles?

C’est ce qu’à dit le représentant de l’HAS au3e Symposium des Groupes de Pairs (juin 2005), leProfesseur Jean-Michel Chabot. Celui-ci a en effetannoncé que les Groupes de Pairs pourraient êtreune des modalités de validation de l’EPP sous réser-ve que les organismes promoteurs de la méthodolo-gie respectent au moins les trois points suivants:• articuler la discussion des cas autour de recom-mandations,• produire des résultats objectivables en terme d'é-volution des pratiques,• accepter le principe du regard externe.

Les Groupes de Pairs sont-ils déjà une métho-de d’évaluation des pratiques professionnelles?

L’analyse réflexive de la pratiqueAu cours de chacun des trois temps de la réunion,les participants sont invités à réfléchir en perma-nence aux déterminants appuyant ou justifiantleurs décisions.L’analyse réflexive de la pratique à la lumière de lagrille de présentation de cas permet une prise deconscience des déterminants de la démarche déci-sionnelle, et un regard distancié et critique sur lapratique. Ce processus est en lui-même facilitateurde changements.

La confrontation aux pairsAu cours du 1er temps, chaque médecin à son tourexpose sa pratique au regard critique de ses pairs,non pour être jugé, mais bien dans un souci d’en-richissement mutuel. L’expertise est alors au grou-

pe. Les discussions s’appuient sur le « savoir pro-cédural » cumulé en termes de données de lascience et l’expérience cumulée des « savoirsd’actions ». Dans la moitié des cas, un consensusest trouvé. Quand ce n’est pas le cas, des solutionsdoivent être recherchées ailleurs et rapportées à larencontre suivante.Au cours des 2e et 3e temps, les discussions per-mettront également d’échanger, d’enrichir et d’ap-préhender ce qui dans la pratique relève de « lascience », des « représentations » ou de « l’exper-tise collective ».

La confrontation aux données de la scienceEn Groupe de Pairs, lorsqu’un consensus docu-menté n’a pu être trouvé lors de la discussion d’uncas clinique ou lors de l’élaboration d’un protocolede soins, une recherche documentaire est réalisée.Le groupe peut en faire une « lecture critique » etsurtout discuter de sa faisabilité (implémentation)et de son acceptabilité par le patient concerné.Par ailleurs, en cas d’écart constaté avec un réfé-rentiel existant, le médecin expose les raisons decet écart lors de la présentation du cas.Ces confrontations répétées aux référentiels appli-cables en médecine générale pour des populationsanalogues permettent aux médecins de prendreconscience de ce que les données scientifiquesrecommandent de faire (pratique idéale) de cequ’ils font effectivement (pratique observée) et desraisons expliquant ces « écarts ».

Modalités de mise en œuvre de l’évaluation despratiques en Groupe de Pairs et critères per-mettant d’en montrer la pertinence.

Les médecins ayant participé à l’atelier, ont pro-posé trois outils jugés acceptables et permettant

Évaluation des pratiques professionnelles

François Raineri, Michel Arnould, Pascale Arnould

L’Évaluation des pratiques professionnelles, inscrite dans le code de déontologie est devenue une obligation léga-le depuis la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance-maladie. Il ne s’agit donc plus seulement, pour le médecin,d’attester qu’il se forme assidûment, il doit aussi s’engager dans une démarche d’évaluation de sa pratique profes-sionnelle. À cela près que c’est la Haute Autorité en Santé (HAS) qui définit l’Evaluation en santé et agrée les orga-nismes effecteurs auprès des médecins.Selon l’HAS « Évaluer, c'est apprécier objectivement l'efficacité de telle ou telle stratégie pour permettre unmeilleur choix pour le malade. C'est mettre en place les procédures permettant d'en vérifier la bonne réalisation,détecter et quantifier les écarts, imaginer et fournir les éléments pour mettre en place les éléments de correction.L'évaluation médicale est l'intermédiaire entre la production scientifique et la pratique médicale. Les méthodes del'évaluation doivent permettre de transformer et diffuser la production scientifique pour la rendre acceptable parles praticiens ».

Page 14: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 14 • Société Française de Médecine Générale

de mieux répondre à l’obligation d’EPP et aucahier des charges de l’HAS:• La grille de présentation des cas et le compterendu de séance.De nombreux critères présents sur la grille de pré-sentation des cas et les comptes rendus de séancesont faciles à étudier par un regard externe comme« indicateurs » d’une démarche d’évaluation despratiques professionnelles.

On peut citer :- Le nombre de Résultats de Consultations (dia-

gnostics) étudiés sur un an: plus ils seront nomb-reux, plus grand sera le champ de la disciplinesoumis au regard critique. Par ailleurs leur présen-ce sur la grille reflète leur mention dans le dossiermédical (critère HAS de bonne tenue du dossier).

- La démarche décisionnelle : le référencement auxdonnées de la science y est en bonne place, maisà sa juste place, tout comme la démarche EBM,qui rend au patient son rôle central.

- La tenue du dossier médical (un grand nombre decritères de bonne tenue du dossier médical figu-rent sur la grille).

- L’évaluation du recours à la documentation scien-tifique, avec les références bibliographiques,leurs dates, leur niveau de preuve s’ils existent, lapopulation étudiée, la notification d’écarts signi-ficatifs de la pratique par rapport aux données dela science dans les mêmes populations et lesmoyens à mettre en œuvre s’ils sont réalisables.Plus ces recherches seront nombreuses et leursrésultats notés voire publiés, plus elles feront lapreuve que les médecins prennent connaissanceet effectuent une lecture critique des référentiels.

- Le nombre de problèmes résolus, avec des solutionspertinentes, appuyées par des documents de bonniveau de preuve attestera des progrès du groupe.

- La réflexion du groupe sur l’amélioration du par-cours et de la coordination des soins.

• La réalisation d’audits de pratique et de leurscomptes rendusLes audits, reprenant la méthodologie proposée parles URML à partir du travail commun avec l’HAS,pourraient être mis en œuvre au cours du troisièmetemps. Un premier tour d’audit permet aux méde-cins de mesurer l’écart entre leur pratique et la pra-tique recommandée par l’HAS. Les moyens à met-tre en œuvre pour réduire les écarts sont proposéspar le groupe. Un second tour d’audit quelquesmois plus tard sera nécessaire pour évaluer les pro-grès accomplis. Un compte rendu de ces audits et

de leurs suivis sera produit par le groupe et adres-sé à la SFMG.

Conclusion

Le Groupe de Pairs témoigne d’un engagementréel, méthodique et documenté dans une démarched’évaluation des pratiques professionnelles. Pourdevenir un processus institutionnellement reconnude l’EPP, il doit s’adapter aux trois demandes de laHAS. Ceci suppose que la SFMG « porte » la char-ge administrative en rapport avec cette obligation etque les médecins acceptent la « procédurisation »inévitable d’une démarche jusque-là volontaire.Jusqu’à présent, les participants actuels semblents’accorder sur le principe d’une évaluation exté-rieure qui porterait sur le travail et la production dugroupe à partir des documents produits (comptesrendus de séances, grille de présentation des cas,feuille d’émargement, compte rendu et suivi desaudits) et s’assurant :• du respect de la méthodologie (modérateur, comp-te rendu, émargement),• de la réelle articulation des discussions sur lesrecommandations,• du nombre de recherches documentaires effec-tuées,• du nombre de problèmes cliniques résolus,• du nombre de référentiels étudiés.

De même l’introduction d’audits thématiques aucours du 3e temps pour les groupes le souhaitantpourrait permettre de répondre « sur site » à l’éva-luation ponctuelle des pratiques professionnelles.Mais les pairs souhaiteraient également participer àl’élaboration d’un projet d’amélioration des réfé-rentiels en portant un regard critique sur les réfé-rentiels « au moment de l’action » et en adressantun « feed-back » collectif de cette mise en pratiqueà leurs promoteurs, avec l’idée intéressante d’adap-ter au mieux ces recommandations à la pratique ensoins primaires quand cela s’avère nécessaire. Lesdifficultés d’accès à l’information, le coût desabonnements, la nécessité de formations à larecherche documentaire, à la lecture critique, la fré-quente inadaptation de ces données à la pratiquequotidienne en médecine générale en terme depopulations concernées par exemple figurent parmiles nombreuses raisons avancées par les pairs pourexpliquer cet état de fait. Une nécessaire réflexionde la part des institutionnels serait souhaitableconcernant la diffusion des référentiels et leuraccessibilité.

Page 15: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 15 •

GESTION D'UN GROUPE DE PAIRS

Difficultés recenséesLes difficultés recensées se divisent en 6 cha-pitres : respect de la méthodologie, rôle dumodérateur, convivialité, respect mutuel desparticipants, présence de « leader », le finan-cement.

Le respect de la méthodologieLe premier temps des Groupes de Pairs,consacré à l’analyse des cas, est source denombreuses difficultés, consistant principale-ment en des exposés de cas cliniques troplongs avec une tendance à diverger sur les his-toires vécues par chacun.Le deuxième temps, consacré à l’améliorationdu parcours et de la coordination des soins aupatient se résume trop souvent à un échanged’adresses.Le troisième temps, temps libre de discussiond’un cas difficile, de recherche documentairevoire d’audit thématique, mériterait d’êtremieux défini et met en évidence les améliora-tions possibles des capacités à mener à bienles recherches documentaires. Ces difficultéssont susceptibles de provoquer un certaindécouragement ou désintérêt s’installant pro-gressivement au fil des séances.

Le rôle de modérateurLa plupart des participants expriment la diffi-culté et la frustration de ne pas participer auxdébats lorsqu’ils assument cette fonction enréalité assez mal connue.

L’engagement des participantsIl s’agit là d’une notion nouvelle, développéeau cours de l’atelier et peut être en rapportavec l’expansion rapide de la méthode : lespairs se doivent un respect mutuel, indispen-

sable à la relation entre les pairs et le bonfonctionnement du groupe. En cas d’absence,le participant devrait prévenir ses pairs.

L’émergence d’un « leader »L’émergence d’un « leader » est perçu très dif-féremment d’un groupe à l’autre : pour cer-tains le groupe ne peut fonctionner sans un« leader » si sa principale fonction est de sti-muler les autres. A l’opposé, d’autres le per-çoivent comme un danger pour le groupe,limitant la libre expression de chacun et laproductivité du groupe.

La convivialitéLes Groupes de Pairs se réunissant sur la basedu volontariat, une faible convivialité nuit aubon fonctionnement d’un Groupe de Pairs etmet en péril sa pérennité. Les groupes sem-blent mieux fonctionner s’il existe des affini-tés entre les membres. La production du grou-pe est limitée en l’absence de plaisir.

L’absence de financementL’absence de financement est citée de façonrécurrente comme une difficulté non néglige-able quand les Groupe de Pairs formalisentleur travail pour répondre aux normes del’EPP et de la Formation Médicale Continue.L’évaluation des pratiques professionnelles,devenue obligatoire depuis la loi d’août 2004,ne fait ce jour l’objet d’aucune indemnisationdes médecins pour le temps consacré à ce tra-vail. Même si le fonctionnement d’un Groupede Pairs est de faible coût pour les partici-pants, il génère des frais de structure nonnégligeables que « quelqu’un » devra bienassumer. A chacun de voir le type d’évalua-tion qu’il lui convient de pratiquer.

Gestion d’un Groupe de Pairs

François Raineri, Michel Arnould, Pascale Arnould

Le Groupe de Pairs se déroule suivant une méthode proposée par la SFMG et dont le respect permet la labelli-sation du groupe. La gestion tant immédiate que dans le temps du Groupe de Pairs a été l’objet d’un atelier aucours duquel ont été évoquées les difficultés rencontrées ou redoutées par les participants et proposées desréponses issues de l’expérience accumulée.

Page 16: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 16 • Société Française de Médecine Générale

Discussion et propositions

Quelle dynamique dans un Groupe de Pairs?Un Groupe de Pairs répond aux principes defonctionnement et à la dynamique des grou-pes restreints (D. Anzieu, J-Y Martin) : quandde nombreux échanges interindividuels peu-vent avoir lieu au sein du groupe, chaque par-ticipant développe une perception individuali-sée de chacun des autres et peut être perçuréciproquement par les autres. Les membresde ce groupe poursuivent en commun et defaçon active les mêmes buts. Rapidement desrelations affectives (sympathies, antipa-thies…) se créent, cependant il existe uneforte indépendance des membres. Un senti-ment de solidarité lie le groupe. Peu à peu desnormes propres au groupe se constituent.Un groupe restreint groupe vit dans un systè-me de tensions contraires :• tension positive en relation avec la progres-sion du groupe vers ses objectifs,• tension négative en relation avec le mécanis-me de fonctionnement du groupe et avec sesefforts pour améliorer les relations interper-sonnelles entre ses membres, indispensables àl’entretien et à la survie du groupe.Il possède par ailleurs une énergie latente etune énergie utilisable.Pour une efficacité optimale du fonctionne-ment du groupe, on s’attachera à réduire leplus possible les énergies latentes en favori-sant l’expression de chacun et en libérant lestalents particuliers.L’énergie utilisable est attribuée d’une part àla fonction de production du groupe (énergiede production), d’autre part au maintien decohésion du groupe (énergie d’entretien).Pour être efficace un groupe doit avoir uneénergie de production plus importante quel’énergie d’entretien : plus un groupe dépenseson énergie à maintenir sa cohésion, moins ilproduit.

Créer un groupe en fonction des affinités desmembres, de leurs objectifs communs permetd’assurer au départ une cohésion réduisantl’énergie nécessaire à l’entretien du groupe.

La qualité du travail progresse avec la qualitéde la communication : créer son groupe à par-tir des affinités, des amitiés, des objectifs pro-fessionnels des futurs membres réduit les obs-tacles à la communication (cadre de référen-ce, statut socioprofessionnel…).

La production d’un groupe est d’autant plusefficiente que l’ambiance au sein de ce grou-pe est conviviale et que chacun trouve du plai-sir à participer.

L’intégration d’un nouveau membre à ungroupe préexistant déstabilise la cohésion dugroupe limitant sa productivité, et nécessiteun nouvel effort de communication. Ces 2 dif-ficultés peuvent expliquer les craintes à modi-fier la composition d’un groupe préexistantfonctionnant correctement.

La fonction de modérateurLe modérateur a une fonction indispensableau bon déroulement de la réunion. Il veilleaux horaires et à l’expression de chacun, gèreles conflits, assure la cohésion du groupe. Ilreformule, à la fin de chaque exposé, les pro-blèmes soulevés et les recherches documen-taires à effectuer si nécessaire. Pour assurercette fonction, il ne doit pas prendre part audébat.

Quelle méthode?Les difficultés ressenties par les pairs sontessentiellement dues à l’absence de respect dela méthodologie.La séance se déroule en 3 temps qui sont tousd’importance, à défaut de durée égale. Le pre-mier temps est un temps d’analyse, de compa-raison et de confrontation des pratiques ; il aégalement une fonction cathartique qu’il fautcependant savoir modérer. L’analyse des pra-tiques est plus efficiente quand les partici-pants utilisent la grille de recueil du cas pro-posée par la SFMG. Le pair qui l’a remplieavant la réunion a pris un temps pour réfléchiraux déterminants de ses décisions. Il a struc-turé sa présentation et l’a en règle centrée surl’essentiel : quel est le problème posé? Le

Page 17: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 17 •

temps consacré à chaque cas ne devrait« idéalement » pas dépasser 10 à 15 minutes.Ce respect de la méthode permet :• de rester dans la cadre de l’analyse et de l’é-valuation des pratiques,• d’éviter les discussions sans fin sur les pré-férences et histoires personnelles,• d’aboutir, avec l’aide du modérateur, à laformulation des problèmes à résoudre avantde lancer une recherche documentaire.

Les 2e et 3e temps ne sont en général pasrespectés en raison, d’une part, du manque detemps, et d’autre part de la méconnaissancedu contenu et de la forme de ces autres partiesde la réunion. Deux ateliers du 3e symposiumdes Groupes de Pairs ont été consacrés à cetteréflexion.

L’application d’une méthode rigoureuse et laprésence d’un modérateur sont indispensablesau bon déroulement des réunions. L’absencede méthode aboutit rapidement à l’absence derésultats et à la lassitude des pairs, mettant legroupe en péril.

Peut-on et doit-on éviter les meneurs de grou-pe, les « leaders »?Un des critères fondamentaux de la méthodo-logie des Groupes de Pairs est l’absence derelations professionnelles hiérarchiques ausein du groupe, raison du choix de la parité.Le modérateur, fonction tournante à chaqueréunion, n’est en aucun cas un leader : il nefait que veiller au bon déroulement de la séan-ce, maintenir le cap. Dans le cadre de laméthode, la position de « leader » ne pourraitque renvoyer à un savoir que les autres n’au-raient pas. Or la loi de répartition des casamène le groupe à appréhender toutes lesfacettes du métier, et chaque pair, dans lesdomaines dans lesquels il est à l’aise pourradonc, à son tour jouer un éphémère rôle deleader.

Quelle pérennité pour un groupe?Deux écueils ont été relevés : l’absence desuivi de la méthode peut mettre en difficulté

un Groupe de Pairs en limitant la qualité deson travail, en diminuant la satisfaction de sesmembres et en générant des relations conflic-tuelles durables - elles peuvent néanmoinsexister en elles-mêmes - qui vont menacerl’existence du groupe, l’énergie mobilisée àmaintenir la cohésion de ce dernier grevantl’énergie consacrée à sa production.Le vécu des groupes existant depuis plus de10 ans révèle que l’entente, la convivialité, laproductivité du groupe peuvent être égale-ment altérées par une trop grande complicitéentre pairs, les solutions aux problèmes lesplus courants et les réactions de chacun étantparfaitement connues. Peut-être ces groupes« vétérans » devront-ils se scinder en de nou-veaux groupes ou songer à se renouveler enintroduisant de nouveaux membres?

7:00

7:30

8:00

8:30

9:00

930

10:00

10:30

11:00

1130

12:00

12:30

1:00

1:30

2:00

2:30

3:00

3:30

4:00

4:30

5:00

11 novembre 2006

Journée

de

l'observatoire

de la

médecine

générale

inscriptions

:

[email protected]

ou

tel : 01 41

90 98 20

Page 18: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 18 • Société Française de Médecine Générale

➭ 5 à 10 médecins de même discipline et de même exercice par réunion

➭ Absence de hiérarchie

➭ Le groupe se réunit au moins 8 fois par an

➭ Chaque médecin participe à 6 réunions minimum par an

➭ Un secrétaire et un modérateur désignés à chaque séance

➭ Un compte rendu à chaque séance rendant compte du contenu du travail

➭ Une feuille d’émargement à chaque séance

➭ Le respect des 3 temps des Groupes de Pairs

➭ Accepter le regard extérieur une fois par an

➭ Nécessité d’appuyer les discussions sur les recommandations

➭ Nécessité de produire des résultats en terme d’évaluation des pratiques.

➭ Analyse des cas

➭ Analyse du parcours et de la coordination des soins

➭ 3ème temps, introduction d’audit

➭ Analyser sa pratique

➭ Confronter sa pratique aux pairs

➭ Confronter sa pratique aux données de la science

➭ Convivialité

➭ Absence de hiérarchie

➭ Qualité

➭ Méthode de formation

➭ Méthode d’évaluation des pratiques professionnelles

Groupes de Pairs : Mots clefs

Analyse des cas

Les 3 temps des Groupes de Pairs

Répondre à l’évaluation des pratiques professionnelles

Critères de qualité :

Éléments clefs de la méthodologie des Groupes de Pairs(mise à jour janvier 2006)

Page 19: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 19 •

MISES EN SCÈNE DE SOIREPRÉSENTATIONS…

Les groupes de Pairs en médecine générale se sontconstruits et se sont développés autour du princi-pe de mise en commun d’expériences profession-nelles à partir d’histoires vécues : des récits suc-cessifs et en alternance pour chaque médecin par-ticipant volontaire.Les déterminants de cette méthode sont nomb-reux, allant par exemple de la volonté explicite dene pas rester isolé, à celle plus ou moins implicitede développer son identité professionnelle. A lacrise identitaire des années 1970 ayant abouti à laconstruction d’une identité spécifique en médeci-ne générale succède depuis les années 1990 unecrise au sein du système de santé. Cette dernièreconduit à la différenciation identitaire en cours surla place et rôle de la médecine générale, commespécialité des soins primaires.En tant que groupes centrés sur l’analyse des pra-tiques, le dispositif des Groupes de Pairs apparaîtcomme un levier transversal possible et souhaitableau carrefour de nombreuses thématiques en vogue,notamment la formation initiale et permanente, l’é-valuation des pratiques professionnelles, l’assuran-ce qualité voire l’accréditation. Ils répondent aussià la nécessité d’un lieu cathartique, où s’exprimel’acceptation de la transgression de nombre d’in-jonctions issues des référentiels professionnels.La médecine n’est pas le seul secteur concerné parces préoccupations. Elles sont partagées par lesmétiers qui « traitent de l’humain » et « de la rela-tion » comme dans l’enseignement ou le secteursocial. C’est donc bien de sa pratique que l’onparle. C’est à dire des interactions de soi confrontéen tant que professionnel à l’autre et aux autresdans des situations propres à son métier.

Mises en scène de soi

Cette mise en commun au sein de son groupe dis-ciplinaire est d’abord une mise en scène de soi.Une double mise en scène, à la fois dans le grou-

pe d’analyse des pratiques et dans sa pratique pro-fessionnelle au travers du vécu rétrospectif de sapratique vécue. Le terme de groupe d’analyse despratiques renvoie aux discours sur les situationsprofessionnelles, il ne s’agit pas de pratiques obs-ervées par des tiers. C’est surtout un discours sub-jectif sur sa pratique par le praticien lui-même.C’est le témoignage de ce généraliste là, ici etmaintenant faisant face à ce patient identifié surune situation sélectionnée selon des méthodesdiverses. Que les modalités de sélection soientaléatoires (Nième consultant du jour J1) ou théma-tiques (premier diabétique à partir du jour J2) ouqu’il s’agisse d’une situation exposée pour lesquestionnements qu’elle induit, c’est toujours parun récit que tout commence. « Il était une fois… ».Chaque praticien expose une histoire ou plutôt unmoment d’une histoire. Une histoire dans laquelleil est acteur et dont il « re-construit » le déroule-ment. Une histoire à épisodes dont le devenir duscénario et des rôles de chacun peuvent évoluerdans des directions totalement différentes.La médecine est et reste une pratique profession-nelle sous incertitudes. Incertitude variable sur lademande du patient, sur la pertinence du problèmemédicalement retenu par le médecin, sur l’obser-vance ultérieure, sur l’effet du traitement ou dudevenir du patient lui-même mais aussi du rôlejoué par le médecin lui-même.Nous sommes dans une pièce, avec ses acteurs,son décor, avec un récit en cours d’élaboration, unscénario soulignant la temporalité. Que les anté-cédents soit vécus en commun par le MG et lepatient ou simplement rapportés par le patient,c’est à partir d’hier qu’aujourd’hui, au sein duGroupe de Pairs, l’acte est relaté et l’histoirereconstruite. Il s’agit bien d’une reconstructionavec ses biais multiples. Biais de sélection et demémorisation cognitifs, émotionnels et d’intérêts.Scotomes, résistances et défenses des uns et desautres sont logiquement au rendez-vous.

Groupes de Pairs : mises en scène de soi, représentations,répétitions et entractes.

Jean Luc Gallais

Au delà de ses fonctions de confrontations et d’analyses structurées des pratiques des professionnels, le Groupede Pairs est l’occasion d’une mise en scène de soi. La construction et re-construction de chaque récit permet dedécouvrir dans l’interaction avec ses pairs, la façon de chacun d’être et de jouer son rôle d’acteur médecin. Enplus de la conscientisation accrue des pratiques, le projecteur du Groupe de Pairs vient éclairer des éléments dela personnalité indispensables à la compréhension des stratégies et comportements des professionnels.

Page 20: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 20 • Société Française de Médecine Générale

Les analogies entre la consultation médicale et lethéâtre sont souvent évoquées. Acte médical ouséquence d’une pièce? Présentation ou re-présen-tation par le patient de signes et symptômes récur-rents pour lesquels le médecin est témoin et pris àtémoin. Vision côté scène et vision côté jardinquand l’intimité et la connaissance des protago-nistes permettent un face à face dans lequel l’es-sentiel est le registre allusif ou non verbal, peulisible pour des tiers extérieurs.Mais c’est une pièce dans laquelle le texte n’estpas écrit, donc non appris par cœur au préalable.C’est une forme de match, d’improvisation danslequel le spectacle se construit au gré desrépliques des intervenants. Le médecin, le consul-tant mais aussi les tiers présents physiquement ousymboliquement. C’est ce jeu des interactions quiconduit ce jour à la fin de cette histoire ou à sasimple suspension jusqu’à un acte ultérieur.

Représentations et répétitions

Le fonctionnement d’un Groupe de Pairs impliqueun investissement dans la durée. Les quelques 6 à10 réunions annuelles sont l’occasion de nou-veaux récits, de nouvelles situations cliniques etde patients différents co-auteurs et co-acteurs misen scène dans l’absence. Mais dans ces succes-sions de récits distincts, le médecin narrateur estle même.La répétition chez le patient a du sens. Qu’en est-il chez le médecin? Le peu de variation des trou-bles chez de nombreux patients renvoie au sens età la fonction de ces plaintes qui sont aussi desdemandes. L’homéostasie est fréquente expliquantpour partie la chronicité ou la chronicisation.Balint a parfaitement illustré ces demandes derelations dans lesquelles le médecin est le premiermédicament.Le fonctionnement du Groupe de Pairs offre aussil’opportunité d’observer ces mêmes répétitions etrégularités (voire rites) en direct chez le médecinlui-même. Chaque participant est, au gré de l’ex-position des cas cliniques comme des débats, obs-ervateur et observé par les autres médecins.La mise en scène n’est donc pas uniquement celledu « cas », mais aussi celle de son acteur principaldans son décor. Non seulement il expose les situa-tions le concernant, mais répond également auxinterrogations et aux demandes d’informations,d’explications, voire de justifications complémen-taires de ses Pairs. Au travers de ces questionne-ments, réponses, réparties et improvisations,

chaque participant est ainsi en mesure de repérermais aussi de pointer les éléments constants, lesinvariants des récits et comportements chez tel outel confrère narrateur. Ces mécanismes participentà la conscientisation indissociable de l’analyse despratiques et la répétition est le facteur clé de laprise de distance dans le temps sur les pratiques dechacun et de tous.

Entre actes

En matière de formation, les savoirs de toute natu-re ne valent que par leur mise en œuvre effectiveultérieure. Côté soignant, les médecins connais-sent bien ce temps, cet entre deux ou plus desactes médicaux, au cours duquel le consultantprend conscience, mûrit, renforce, décide dans unprocessus de changement à court, moyen ou trèslong terme.Pour le médecin lui-même, le regard différé via leGroupe de Pairs, la conscientisation accompagnéeet soutenue par les autres participants, va leconforter ou le dissuader dans ses choix, l’aider àpercevoir, par exemple, les effets de la fonctionapostolique…C’est ce temps qui permet le travail individuel etcollectif, conscient ou infra-conscient, qui autori-se un cheminement et un ajustement opérationneldes pratiques. Il y alors passage du « savoir dansl’action » au « savoir sur l’action », puis « savoirpour l’action ».Pour chaque médecin participant à un Groupe dePairs, c’est l’opportunité d’optimiser son savoiropérationnel.

Le jeu préférentiel de l’acteur médecin

Le temps et la durée sont indissociables des effetsdes groupes de Pairs sur le groupe lui-même et surles pratiques individuelles ou collectives. Lemédecin tant que personne et professionnel estl’acteur au premier plan. En « direct », sans écranautre que les mécanismes de respect et de protec-tion réciproque liées à l’identité groupale.Contrairement au groupe Balint dans lequel celuiqui expose a choisi une situation posant un pro-blème relationnel, le Groupe de Pairs n’est pasfocalisé spécifiquement sur cette composante. Iln’est pas moins vrai que cet aspect relationnelsous-tend et éclaire tout acte médical.Le Groupe de Pairs favorise la mise en jeu et laprésentation du style du professionnel. Les répéti-tions, scotomes de perceptions, interprétations,

Page 21: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 21 •

processus d’attributions préférentiels ou les ritua-lisations dessinent les modes respectifs des rela-tions de chacun : ici le Jeu est perçu comme dis-tant ou adapté, là trop proche, voire fusionnel. Laquestion de la « bonne distance » est clairementposée.Les interventions médicales sont aussi variablesselon les sujets traités. Approche très interven-tionniste, approche minimaliste, ou approcheadaptée, voilà le style de chaque acteur qui vaapparaître en fonction des thèmes et des patientseux-mêmes. Ici un mode d’interactions induisantune dépendance réciproque, là une logique defacilitation et d’autonomie.Dans certaines situations modélisantes, les parti-cipants du Groupe de Pairs peuvent même antici-per le comportement du collègue qui expose ets’expose. Il est parfois possible de « jouer à lamanière de… » ou d’anticiper ses tics d’acteur dela santé.Le choix est large entre celui qui envahit la scèneet l’acteur qui sert le texte. Le même texte,« Knock » de Jules romain, prend des couleurs dif-férentes selon Louis Jouvet ou Fabrice Luchini !

Au delà des mots, c’est également le comporte-ment non verbal qui vient confirmer ou infirmercette façon d’être médecin. A coté de la variabili-té inter-médecins, c’est la variabilité intra-méde-cin en fonction des personnes et des contextes quidevient plus lisible et compréhensible. La suppo-sée relation médicale neutre et asexuée a disparu !

Cette prise de conscience est une étape indissocia-ble de tout changement dans les pratiques profes-sionnelles de chacun.

En tant qu’acteur de santé, chacun joue plus justeet surtout s’ajuste. L’acteur médecin est en situa-tion d’utiliser, d’optimiser le registre, le Jeu préfé-rentiel qui est le sien. Les situations successivesd’affrontement, de rapprochement, de comparai-sons, de projections et de liens du Groupe de Pairsont fait leur œuvre.Cette façon « d’être » ou « de faire le médecin »est d’ailleurs connue de tous, surtout des patientseux-mêmes. La répartition selon les types de per-sonnalités des soignés et des soignants en est uneillustration habituelle. L’exercice médical en grou-pe atteste tous les jours de l’importance de cemécanisme. C’est un des paramètres qui favoriseou fait obstacle à la construction d’une alliancethérapeutique durable.

Patient en différé et Praticien en directLe choix de ce texte est de ne traiter que de « l’ac-teur médecin » et des effets attendus de sa partici-pation à un Groupe de Pairs pour souligner dans lerécit ce qui relève du professionnel conteur. LeGroupe de Pairs est un espace de parole libre pos-sible, contenant, rassurant. Sans le dire, et parcequ’il ne le dit pas, ce dispositif répond de façonimplicite à un cadre d’aide aux aidants. Mais cetteaide dépasse les savoirs analysés, les référentiels,les circuits de soins ou la recherche documentairepour une intervention discrète mais significativedans le domaine de l’intimité et de la personnalitédu médecin.

Les récits proposés sont aussi des contes : « il étaitune fois… ». Ils mettent en présence dans le tempsdes faits, des décors, des acteurs et héros pour deshistoires inachevées et incertaines.Les médecins jouent un rôle, ou plutôt des rôlessuccessifs, et ils le savent. Mais comme pour lesacteurs c’est le regard des tiers qui confirme ce sta-tut. Ils jouent un rôle social prescrit, c’est-à-direprédéterminé. Tous les jours, tout médecin entre enscène avec des scénarios d’intérêts variables (pourles médecins comme pour les patients) pour don-ner la réplique à des acteurs-patients non seule-ment différents mais toujours changeants. Une desfonctions essentielles des Groupes de Pairs est depermettre aux professionnels d’en avoir unemeilleure conscience pour en faire le meilleurusage professionnel mais aussi personnel.C’est par ces allers et retours d’informations etd’implications systématiques entre participantsque le mécanisme fonctionne et avance. Le théât-re, les jeux de rôles, la vidéo ou la supervisionavec glace sans tain font partie des outils utilisésdans le domaine de la formation. Le Groupe dePairs dans sa fonction de miroir participe de cetype d’approche avec la construction d’une imagede soi et d’une image du groupe professionnel.Ce rapprochement entre la pratique médicale etthéâtre a été souligné par un clin d’œil du calen-drier ! La proximité du déroulement du 3e

Symposium des Groupes des Pairs avec l’anniver-saire d’un fameux cours de théâtre, le CoursSimon. Acteurs novices ou praticiens se retro-uvaient alors réunis autour de principes communs.Le fort mouvement d’adhésion au développementde la dynamique des groupes des Pairs laisse àpenser que les professionnels y trouvent leurcompte. Les bons contes feraient-ils les bonsamis?

Page 22: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 22 • Société Française de Médecine Générale

Bibliographie- Anzieu D. Le groupe et l’inconscient. L’imaginaire groupal.Dunod 1991, 234 pages- Courtes J. Introduction à la sémiotique narrative et discur-sive. Hachette Université. 1980, 143 pages- Debris S. Enjeux de savoir et savoirs en jeu en analyse despratiques. DEA. CNAM-UCLouvain-Université Paris 13.2004, 123 pages- Delahaye et Col. L’art d’animer une réunion. Nathan. 1996,124 pages

- Gallais J.-L. Règles du jeu : effets et enjeux des groupes dePairs comme procédure dans le soins, la formation et larecherche. Doc Rech Med Gen SFMG, juin 2002 : 59-6-11- Maisonneuve J. La dynamique des groupes. PUF Que sais-je. 1987, 124 pages- Moscovivi S. Psychologie sociale. PUF 1992, 593 pages- Wittorski R. Enjeux, fonctions et effets de l’analyse des pra-tiques professionnelles. Doc Rech Med Gen SFMG, juin202 : 59-23-29

Page 23: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 23 •

D'Où VIENNENT LESSAVOIRS MOBILISÉS

C’est une pratique instituée, historiquement etsociologiquement située, caractéristique d’unétat de la profession, qui manifeste par exempleune rupture avec le scientisme, l’évidence que lapratique n’est pas la simple application déducti-ve de connaissances théoriques ou procéduraleshomologuées. Schön (1994) écrivait que 80 %des cas qu’un ophtalmologue rencontre dans soncabinet ne figurent pas dans les livres de méde-cine, qu’il faut non pas oublier les « cas d’éco-le », mais s’aventurer au-delà, penser chaque casclinique dans sa singularité, prendre le risqued’agir sans pouvoir constamment appliquer unerègle ou un principe, devoir souvent arbitrerentre des règles ou des principes contradictoires.Là commence la vraie compétence profession-nelle, le raisonnement clinique qui fait qu’à par-tir des mêmes données des professionnels demême niveau et de formation proche ne font pasles mêmes choix. De cette variété naît l’intérêtd’analyser et de confronter les pratiques. Il n’yaurait rien à analyser si les actions étaient entiè-rement logiques, au sens de déductibles sanscoup férir de prémisses établies. La pratique meten œuvre le jugement d’un sujet singulierconfronté à une situation singulière, jamaisentièrement analysée ni analysable, qui doit pen-ser et faire quelque chose, sachant que ne rienfaire, c’est faire et qu’aucun cours de l’action nemène à une issue certaine.« Agir dans l’urgence, décider dansl’incertitude » : cette formule, que j’ai utilisée àpropos du métier d’enseignant (Perrenoud,1996), vaut pour d’autres métiers complexes. Defortes bases scientifiques réduisent l’incertitude,elles ne la suppriment pas. Il reste à le reconnaî-tre et ce que font les Groupes de Pairs. On peutsoutenir que les métiers à forte composantescientifique n’arrivent à maturité qu’au momentoù les praticiens admettent que, de la théorie à ladécision, il y a un abîme, que seul un sujetréflexif peut franchir. C’est ce qui distingue laméthode scientifique du scientisme !Les sciences de la formation et du travail ne peu-vent qu’êtres intéressés par des pratiques et des

dispositifs qui, comme les Groupes de Pairs, met-tent en œuvre des convictions relatives au déve-loppement de compétences, de connaissances,voire d’une identité à travers l’analyse, et donc enamont la mise en mots, l’explicitation. On saitaujourd’hui que le développement professionnelpasse par ce travail d’élucidation des moteurs etdes schèmes qui sous-tendent l’activité humaine.

Les Groupes de Pairs témoignent, à travers leursrègles du jeu, d’une excellente compréhension desconditions psychosociologiques de la prise de paro-le au sein d’un collectif professionnel. Le dispositiffait par exemple preuve d’une grande lucidité eninsistant sur l’absence de rapports hiérarchiques ausein des groupes et sur les contrats. Par d’autresvoies, les Groupes de Pairs aboutissent aux mêmesconclusions que d’autres dispositifs d’analyse desituations ou de pratiques (cf. par exemple Fumat,Vincens et Étienne, 2003), ce qui indique l’accu-mulation (encore dispersée) de savoirs d’expérien-ce d’une grande finesse et dont le fonctionnementdes dispositifs prouve la validité quand bien mêmeelle n’a pas été « testée en laboratoire ».

C’est un dispositif qui pourrait mobiliser plusméthodiquement les sciences humaines et socialescomme outils d’analyse, grilles de lecture de l’ac-tion. Et qui plaide pour une formation plus éten-due des médecins dans ce domaine.Je m’en tiendrai ici à ce dernier aspect, qui donneson titre à mon propos : d’où viennent les savoirsmobilisés dans une analyse de pratiques? La ques-tion peut paraître étrange : a priori, une pratiqueprofessionnelle appartient au champ étudié par lessciences humaines et sociales. On pourrait doncnaïvement imaginer que des scientifiques qui ana-lysent des pratiques s’adossent aux savoirs issusdes sciences humaines et sociales. La réalité, on

D’où viennent les savoirs mobilisés dans une analyse depratiques ?

Philippe Perrenoud*

Les Groupes de Pairs qui se sont développés en médecine générale peuvent intéresser les sciences humaines etsociales à plus d’un titre.

* Faculté de psychologie et des sciences de l’éducationUniversité de Genè[email protected]://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/Laboratoire Innovation, Formation, Education (LIFE) :http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/life/

Page 24: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 24 • Société Française de Médecine Générale

s’en doute, est plus complexe, notamment parceque les médecins, comme les biologistes, les chi-mistes, les physiciens, ont souvent une visionassez dévalorisante des sciences sociales ethumaines et accordent autant de poids à leur bonsens qu’à une recherche jugée peu rigoureuse.Avant d’en venir à ce problème, je me demanderaisi ce sont véritablement les pratiques qu’on analy-se dans les Groupes de Pairs et j’indiqueraiquelques mécanismes qui détournent régulière-ment l’analyse de pratique de son objet. Je ques-tionnerai ensuite la nature particulière des savoirsque des professionnels de l’action développent àpropos de leur action, de ses conditions et de sescontextes. Je proposerai enfin quelques argumentsen faveur d’un usage plus intensif des scienceshumaines et sociales comme outils d’analyse del’action professionnelle, notamment dans lesmétiers de l’humain. Je conclurai par une ques-tion : d’où viendraient ces savoirs s’ils sontabsents de la formation initiale des médecins?

Analyse de situations, de problèmes ou depratiques?

Les Groupes de Pairs analysent-ils véritablementl’action des praticiens? Cette question se posequelle que soit la dénomination du dispositif, carde nombreux mécanismes induisent à analyserautre chose que l’action proprement dite. J’enmentionnerai quelques-uns.

Dérive normative et justificationLa dérive normative est la plus facile à repérer. Latentation de juger, de normaliser, de donner desconseils renaît constamment chez chacun dans ungroupe d’analyse. Il faut une forme d’ascèse pours’interdire de dire « Tu n’aurais pas dû… » ou « Àta place… ». Lorsque le modérateur censure lesjugements normatifs trop explicites, les acteurspassent dans le registre du non verbal ou du sous-entendu. Si les énoncés appartenaient clairementsoit au registre normatif, soit au registre analy-tique, il serait plus facile de privilégier le second.Hélas, l’ambiguïté est constante et se niche sou-vent dans des questions en apparence neutres :« Est-ce que tu pensais vraiment que ta stratégieavait une chance de succès? » veut dire en clair :« À mon avis, tu as agi à la légère ».Il importe que le dispositif, le contrat et l’actiondu modérateur se conjuguent pour limiter ces phé-nomènes, car dès qu’un praticien se sent « expo-sé » au jugement de ses pairs, il choisit de passer

certains épisodes sous silence ou propose unemise en scène qui justifie d’avance ce qu’il a fait.En exposant sa pratique, au sens d’un exposé, ons’expose, au sens d’une mise en danger. Ce quipeut avoir un effet pervers : n’exposent leurs pra-tiques que ceux qui savent qu’ils ne présentent pastrop de « failles » et ne courent donc pas de grandsrisques. Autrement dit, ceux qui en ont le moinsbesoin ! Le dispositif doit limiter ce risque.

Catharsis, solidarité et mur des lamentationsCréant un espace de parole atypique, un groupe,d’analyse de pratique favorise une forme decatharsis bienvenue, en particulier dans lesmoments de déprime. Mais dans certains climats,cela peut induire un glissement de la conversationvers une forme de solidarité inconditionnelle avecle praticien qui raconte, et contre les institutionshospitalières, les laboratoires, les patients ou lesassurances qui lui rendent la vie difficile. Larecherche d’un soutien fait partie des raisons d’ad-hérer à un Groupe de Pairs et passer de l’action àla dénonciation du système qui empêche d’agirsimplement et rationnellement est une composantede toute culture professionnelle. Dans un grouped’analyse, en particulier dans les moments diffici-les, solidarité et dénonciation peuvent cependantdevenir envahissantes et détourner de l’analyse.

Tentation de généraliser à partir d’anecdotesNotre culture intellectuelle valorise la généralisa-tion, nous sommes habitués à prendre prétexte dusingulier pour avancer des thèses globales, si pos-sible originales, profondes ou provocantes. Ce quialimente la conversation ordinaire et lui conserveune certaine légèreté - de l’anecdote aux ensei-gnements à en tirer - doit faire place à une rigueur,sans doute moins ludique, dans un groupe d’ana-lyse de pratiques.Les scientifiques sont censés avoir le respect desfaits et la patience requise pour les établir et lesvérifier avant de sauter aux conclusions. Il n’estpas sûr que cette discipline se transpose sans aut-res aux conduites humaines, plus insaisissables,chargées d’émotions et de valeurs.

Confusion entre l’action et ses satellitesPierre Vermersch (1994), lorsqu’il veut faire expli-citer le comment de l’action, ce qu’il appelle le« procédural », se heurte à diverses lignes de fuite :parler du sens, des intentions, des valeurs, deseffets, du contexte, des émotions liées à l’action. Ilpropose de distinguer l’action de ses satellites :

Page 25: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 25 •

Dans une perspective de recherche sur le procédu-ral, les satellites de l’action sont des distracteurs etl’interviewer s’applique à ramener l’interviewé àce qu’il a fait, en entrant dans le détail. Dans ungroupe d’analyse de pratiques, il est parfaitementlégitime de parler des intentions, du sens, desconséquences, des savoirs en jeu, etc. Il importecependant que ces réalités ne masquent pas l’ac-tion sous prétexte de la commenter, de la contex-tualiser, de l’expliquer, de l’excuser.

Envie d’améliorer les prescriptions ou l’organisa-tion du travailParmi les satellites de l’action, l’un mérite unemention particulière : la prescription, les règlesque le professionnel est censé suivre, l’état del’art. Une pratique professionnelle est d’abord untravail, et le travail fait l’objet de prescriptions,établies selon les cas par la corporation, la hiérar-chie, des experts, des conférences de consensusou toute instance habilitée à dire comment faire leschoses.Évidemment, la prescription parle de l’action,mais d’une action idéale, rationnelle. Toute analy-se du travail met en évidence les limites de la pres-cription, l’écart toujours recréé entre travail pres-crit et travail réel. Un groupe d’analyse, partantd’un cas, est régulièrement tenté de passer de l’a-nalyse de l’action à la critique puis à la réforme dela prescription, dont l’analyse met en évidence la

naïveté ou l’incohérence. Ou, plus largement, decontester puis de proposer d’améliorer l’organisa-tion ou la division du travail. Enjeux bien réels,contraintes effectives de l’action, mais qui détour-nent de son analyse en mettant l’accent sur sonenvironnement matériel ou symbolique.

Questionnement des savoirs savants ou expertsDans un métier à forte composante scientifique,toute analyse de pratique met également en évi-dence les limites ou les contradictions des théoriesen vigueur. Ce qui induit un débat sur la validité etles fondements des savoirs en jeu.Ce n’est nullement inutile et c’est certainementformateur, dans le sens d’un partage de connais-sances ou d’une prise de conscience de la diversi-té des rapports au savoir et des convictions inti-mes, même dans les métiers les plus rationnels.Ici encore, l’important est de savoir ce que l’onveut analyser. On peut assumer tout à fait lucide-ment le fait que chaque cas soit l’occasion derevenir sur l’état des savoirs, mais alors il ne fautpas s’étonner que l’action elle-même resteopaque. Cela ne signifie pas que les savoirs sontabsents d’une analyse de pratiques, mais que cesont ceux qu’un praticien ou une équipe, à unmoment donné, considèrent comme fondés, à tortou à raison. Chacun n’agit qu’en fonction de savérité et de ses ignorances du moment, et c’estcela qu’il faut analyser. Pour comprendre par

ContextesCirconstancesEnvironnement

JugementsÉvaluations subjectives

Opinions et commentairesCroyances

ProcéduralSavoirs pratiques

Déroulement des actions élémentaires

Actions mentales, matérielles, matérialisées

DéclaratifSavoirs théoriques

Savoirs procédurauxformalisés : consignes, savoirs

réglementaires

IntentionnelButs et sous-buts

FinalitésIntentions

Motifs

Satellites de l’action vécue

in Vermersch, P. (1994) L’entretien d’explicitation. Paris : ESF, p. 45.

Page 26: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 26 • Société Française de Médecine Générale

exemple pourquoi certaines connaissances déte-nues ne sont pas mobilisées dans une situation cli-nique.

Analyse conjointe de la situationDans le même ordre d’idée, un groupe d’analyseest tenter de s’absorber dans l’analyse des situa-tions plutôt que des pratiques. Pour une raisonsimple et une autre plus subtile.Toute action est située, on ne peut la décrire etencore moins la comprendre sans s’arrêter, parfoislonguement, à la situation à laquelle elle prétend« répondre ». Or, une situation est inépuisable, laquestionner est un jeu stimulant et un groupe peuts’enferrer dans sa description et son commentairesans revenir à l’action.Plus fondamentalement, aucune action n’est ana-lysable sans s’arrêter à l’analyse de la situationpar le praticien au moment de l’action. On ne peutrapporter ni analyser un acte professionnel sansmettre en évidence les hypothèses, les raisonne-ments, les aveuglements, les obsessions ou lesangoisses du praticien. L’action professionnelleest d’abord mentale, même lorsqu’elle aboutit àposer un geste. Elle est d’autant plus liée à desopérations intellectuelles complexes qu’elles’exerce dans le cadre d’un métier faisant appel àdes savoirs formalisés, dont la mobilisation ensituation exige un travail de contextualisation.Lorsqu’un praticien rapporte une action, on l’in-terroge donc à juste titre sur son raisonnement cli-nique.Cela fait partie de l’analyse du travail. La dérivese produit lorsque s’installe un forum, une contro-verse portant sur la qualité du raisonnement cli-nique ; on la conteste ou on en discute comme si ladécision était encore à prendre, on « refait l’his-toire », ce qui est tout à fait intéressant et souventformateur, mais on éloigne de l’analyse de pra-tiques.

Exercice de résolution de problèmesIl est rare qu’un praticien raconte une situation quine soit pas à certains égards problématique, ausens où l’action à mener ne saute pas aux yeux.On présente volontiers une situation assez corséepour retenir l’attention des pairs, un « joli problè-me », une situation qui a résisté un moment aupraticien sans qu’on puisse pour autant mettre endoute sa compétence. Il est alors bien normalqu’une co-construction d’une solution idéale s’en-gage. Rien n’est plus stimulant et formateur, saufqu’on n’analyse plus une pratique, mais le problè-

me lui-même. Sans doute parce qu’il est plus faci-le de résoudre un problème que d’objectiver lafaçon dont tel praticien l’a posé et éventuellementrésolu.Il faut une formation et un regard particuliers poursaisir la richesse de situations en apparence insi-gnifiantes, banales. Et une forte discipline pour nepas mettre en débat la façon dont le problème a étéposé et résolu sur le mode « Moi, à ta place… ».Ici, le Groupe de Pairs est un handicap : il neréunit que des gens « du bâtiment », qui se pren-nent au jeu et ne peuvent s’empêcher de s’impli-quer dans le processus de résolution.

Questions éthiques et identitairesToute action un peu complexe pose des questionséthiques : infliger une douleur, entrer dans l’intimi-té, dire une vérité qui fait peur, questionner unmode de vie, heurter des croyances, des pudeurs,réveiller des angoisses, autant de dilemmes du soi-gnant, sans même évoquer des questions lourdescomme l’acharnement thérapeutique, l’euthanasieou le choix des patients prioritaires. En miroir, desquestions identitaires : qui suis-je pour décider?suis-je capable? objectif? désintéressé?L’analyse de l’action avive ces questions. Il estbien qu’existent des lieux où les formuler ou endébattre. L’action est alors un point de départ pourpasser dans un autre registre. La distinction est ànouveau subtile : toute action a des composanteséthiques. L’analyser consiste notamment à prendreen compte les dilemmes et raisonnements éthiquesdu praticien, ce jour-là, dans cette situation-là. Ladérive consiste à s’éloigner du cas singulier pourdébattre de principes éthiques généraux.De l’inventaire de ces chemins de traverse, neconcluons pas qu’analyser l’action est plus impor-tant ou fécond qu’analyser une théorie, une situa-tion, un problème, un dilemme éthique ou le fonc-tionnement d’une institution. On peut décider quel’objet de l’analyse est sans importance, dumoment qu’il est pertinent pour les professionnelset leur permet de progresser d’une manière oud’une autre vers plus de lucidité, de compétence,de connaissances, de confiance.Cependant, l’analyse pointue et rigoureuse d’unepratique elle-même, y compris de ses composan-tes mentales, est un passage obligé pour la trans-former. Dans ce cas, on combattra les multiplesoccasions de se détourner de cet objet prioritaireau fil des échanges. On le fera d’autant mieuxqu’on a identifié et conceptualisé les dérives pos-sibles et qu’on a imaginé des parades. Souvent,

Page 27: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 27 •

l’animateur qui veut revenir à l’action proprementdite est perçu comme un rabat-joie. Il faut que ledispositif de travail et le contrat fondateur de ladémarche lui donnent ce droit.Ce risque de dérive peut mettre en question l’idéequ’un groupe d’analyse de pratiques (au sensstrict) peut se suffire d’un simple « modérateur »,censé distribuer la parole et veiller au respect dutemps et des règles. Cela ne conduit pas nécessai-rement à introduire un expert ou un formateurdans le Groupe de Pairs, un praticien peut jouer lerôle d’animateur s’il y a été préparé et si le grou-pe accepte qu’il soit davantage qu’un simple gar-dien du temps et des conditions de l’échange. Unanimateur formé à l’analyse de pratiques est àmême d’introduire des régulations portant surl’objet même de l’analyse et de prévenir des déri-ves, ce que l’on ne peut attendre d’un « simple »modérateur, en particulier si cette fonction tourneau sein du Groupe de Pairs.

Les savoirs des professionnels sur leurspratiques

Les médecins, comme d’autres professionnels deniveau comparable, sont formés à l’analyse, mais àl’analyse de réalités dont, a priori, leur propre pra-tique ne fait pas partie. Savoir analyser un tableauclinique fait appel à des savoirs médicaux spéci-fiques, analyser une pratique médicale fait appel àd’autres savoirs, qui portent non sur des phénomè-nes anatomiques, physiologiques, chimiques, bio-logiques, pharmacologiques, non sur les patholo-gies, les douleurs, les symptômes, les besoins depatients, mais sur l’action du médecin lui-mêmeconfronté à cette réalité.On pourrait croire que, sachant analyser des don-nées médicales, un médecin peut transférer cettecompétence à d’autres objets. Il y a certes, danstoute analyse, des dimensions méthodologiques,des prudences qui conduisent à vérifier et recouperles faits, des techniques de formulation et de véri-fication d’hypothèses, ce qu’on peut appeler uneculture ou un habitus scientifiques. Ne sous-esti-mons pas cependant la part essentielle de laconnaissance de l’objet dans toute analyse.Connaissance au sens d’une conceptualisation,d’une modélisation des lois qui ont cours dans unepartie de la réalité ; et plus fondamentalementencore, concepts et langage qui permettent d’allerau-delà du sens commun, de percevoir et de for-muler ce qui échappe au profane ou au novice.Le sens commun permet à n’importe qui d’ébau-

cher l’analyse de n’importe quoi. Il n’est pasindispensable d’être critique d’art pour formulerquelques observations sur un tableau, chroniqueursportif ou entraîneur pour commenter un match,géologue pour analyser une roche, urbaniste pouranalyser un paysage. Entre l’analyse de sens com-mun et l’analyse d’un expert, il y a une gradationcontinue allant des béotiens aux professionnels enpassant par les amateurs « éclairés », comme on dit.La différence n’est pas d’abord dans la logique, larigueur, le sérieux de l’observation et de l’analy-se. Sans doute tient-elle en partie aux outils misen œuvre, mais ces derniers, bien avant d’être destechnologies, sont des outils intellectuels, desconcepts et des théories permettant de penser leréel et littéralement de le voir. L’expertise struc-ture le regard et permet notamment de discernerce qu’un profane et même un novice ne peuventpas voir, même si, aux yeux de l’expert, cela« crève les yeux ». Il lui est très difficile de faireabstraction de ce qu’il sait et de retrouver leregard « naïf » du profane ou du novice. Raisonpour laquelle l’expert n’est pas nécessairementun bon formateur : oubliant le chemin qu’il a par-couru, il ne comprend pas que ce qui « lui sauteaux yeux » ne soit pas visible par un stagiaire etmet parfois cette cécité sur le compte d’unmanque de sérieux ou d’intelligence, alors qu’el-le reflète simplement le manque de connaissancespointues de l’objet observé et analysé. Dans uneradiographie, les uns voient des formes avec desniveaux de gris, d’autres, parce qu’ils connaissentl’anatomie, la pathologie et la technologie voientdes organes, des tissus et des traces ou des indi-ces de processus physiologiques ou de patholo-gies : c’est l’effet de leur formation, de leurexpertise spécifique. Les médecins généralistesrespectent celle des radiologues dans l’interpréta-tion des clichés, et inversement les radiologues neprétendent pas aller au delà d’un certain niveaud’interprétation, limite de ce qu’on peut voir àpartir des seules radiographies.Je ne devrais donc pas avoir à insister sur l’idéequ’on n’analyse de manière approfondie et perti-nente que les objets sur lesquels on détient desconnaissances pointues, qu’elles viennent de l’en-seignement, du partage de savoirs ou de l’expé-rience personnelle de l’analyste. J’y insiste parceque cette évidence, qui force le respect de l’exper-tise des autres praticiens dans les métiers tech-niques, se dilue lorsqu’on prétend analyser l’êtrehumain et ses conduites. Tout se passe comme si,sur cet objet, chacun était expert du seul fait d’être

Page 28: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 28 • Société Française de Médecine Générale

lui-même un être humain.Dans une certaine mesure, c’est vrai. On ne peutsurvivre en société sans devenir un peu psycholo-gue, psychanalyste, sociologue, anthropologue,linguiste, économiste. Dans une espèce où l’indi-vidu est très dépendant des autres et de leuraction, des besoins élémentaires du nourrisson àl’action collective, nous devons apprendre trèsvite à exercer une influence sur l’action d’autrui età nous défendre contre les tentatives d’autrui d’in-fluencer nos propres conduites. Exercice du pou-voir et défense de l’autonomie sont au cœur de laconstruction d’un sujet humain. La littérature amis en exergue « l’enfance des chefs », mais lesdominés apprennent eux aussi à se défendre et àpréserver des espaces d’autonomie. Ces savoirsvont bien au-delà de la stratégie, ils touchent à laviolence symbolique, à l’emprise sur les esprits,donc aussi à l’éducation. Chacun comprend assezvite que le comble de l’influence est de faire ensorte que l’autre fasse spontanément ce que j’at-tends de lui. Une partie de notre action quotidien-ne consiste à tenter de programmer l’action d’au-trui, non pas hic et nunc, mais pour qu’à l’avenir,et en dehors de notre présence, il se comportedans le sens de nos attentes.Chacun devient en quelque sorte, à son échelle, un« expert » de l’action humaine, de ses mobiles, deses failles, des apprentissages requis et de la façonde les favoriser. Ces savoirs se renforcent lorsquele sujet tente de prendre le contrôle de lui-même,de se discipliner, de se former, de modifier seshabitudes, de maîtriser ses impulsions, ses obses-sions ou ses angoisses. Un être humain développeaussi, pour survivre, des connaissances physiques,chimiques, biologiques élémentaires. Mais ellessont soit incorporées (savoir marcher, nager, allerà bicyclette), soit inscrites dans des procéduresqui garantissent la réussite sans qu’il soit néces-saire de comprendre pourquoi cela réussit, àl’exemple d’une mayonnaise. Maîtriser l’actionhumaine, la sienne ou celle d’autrui, exige ungenre de « raisonnement clinique » dès lors que lasituation présente une certaine complexité. Il n’ya pas de recettes, la théorie des jeux et la condui-te du joueur d’échecs rendent mieux compte dufonctionnement des êtres humains : faire deshypothèses sur les mobiles, les enjeux, les réac-tions possibles de l’autre à tel ou tel cours possi-ble de mon action, peser les risques et les profitsprobables de divers scénarios, agir puis réguler,ajuster en permanence son action.Pour cela, il faut disposer de ce que les sociolo-

gues ont appelé longtemps une sociologie ou unepsychologie « spontanée » ou « naïve ». Ces deuxqualificatifs me semblent inadéquats. Ces savoirsne sont pas spontanés, ils sont partiellement trans-mis et partiellement construits au gré l’expérien-ce. Ils ne sont pas toujours naïfs, certains acteurs- dominés ou dominants - font preuve d’une éton-nante compréhension des processus psychoso-ciaux en jeu dans leur milieu.C’est vrai des gens les plus ordinaires, y comprisceux dont la formation scolaire et professionnelleest de faible niveau ou ne contient aucun élémentde sciences sociales et humaines. Ce qu’ils ontappris, ils l’ont appris en tant que sujets humainset acteurs sociaux.Cette culture psychologique et sociologique est enprincipe plus étendue et plus formalisée chez lesprofessionnels des métiers de l’humain : soi-gnants, enseignants, éducateurs, travailleurssociaux, médiateurs, avocats, négociateurs, juges,policiers. Par-delà leurs différences, ces métiersont en commun de ne pouvoir agir efficacementqu’en mobilisant des personnes ou des groupes.C’est évident pour la médecine lorsqu’il s’agit depsychiatrie, de troubles psychosomatiques, detraitement de la douleur, de soins palliatifs ou deprévention. J’ai l’impression que le traitement desautres pathologies, plus somatiques, fait aujourd’-hui une part grandissante au rôle du patient, à savolonté, à son investissement subjectif dans lalutte contre sa maladie, aux moyens qu’on luidonne et qu’il se donne de comprendre ce qui luiarrive et de participer à sa guérison. Il y a donc desraisons de penser que la médecine et les soinsinfirmiers sont des métiers de l’humain à partentière, sans pour autant perdre leurs référencesaux sciences « dures ».On peut donc avancer l’hypothèse que les méde-cins ont, dans le domaine de réalité relevant dessciences humaines et sociales, une culture « prag-matique » un peu plus étendue que les ingénieurs,même si ces derniers sont de plus en plus confron-tés à des problématiques urbaines, ethniques, cul-turelles ou relationnelles. Et donc que les méde-cins, comme les autres professionnels des métiersde l’humain, ont des savoirs d’ordre psycholo-gique, sociologique et anthropologique dont ils seservent ordinairement pour faire leur travail, maisqu’ils peuvent également mobiliser pour analyserleur travail.On pourrait objecter que les savoirs qui relèventdes sciences sociales et humaines portent essen-tiellement sur la relation, le contexte familial ou

Page 29: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 29 •

professionnel dans lequel vivent les patients, leurshabitudes alimentaires, les conséquences de lapauvreté, de la précarité, de la promiscuité, brefque ces savoirs ne portent pas sur l’action, maissur des habitudes culturelles, des climats, desconditions de vie. Il est sans doute vrai que l’ac-tion des patients ou de leurs proches n’est pas aucentre du travail des médecins, ou alors sous laforme de risques : abus de médicaments, d’alcoolou de fumée, mauvaise hygiène, consommationalimentaire peu équilibrée, faible importance desactivités physiques, engagement dans des situa-tions créatrices de stress, etc. Le travail du méde-cin serait alors de prescrire ou de proscrire desconduites plus que de les analyser. On peut cepen-dant se dire qu’une partie des médecins ont com-pris que les conduites à risques ne peuvent évoluerque si l’on comprend l’enchaînement de gestes etde microdécisions qui conduisent par exemple àprendre un dernier verre ou une cigarette. Si l’on« creuse sa tombe avec ses dents », le fondementde la diététique est évidemment de comprendrecomment et pourquoi un sujet fait régulièrementce qui va à l’encontre de ses intentions et de sesintérêts.Si l’on se réfère à la place des sciences humaineset sociales dans la formation initiale des méde-cins, on pourrait conclure trop vite qu’ils nesavent, de l’être, de l’esprit et de l’action des êtreshumains, que ce que tout le monde sait. Je faisl’hypothèse qu’une pratique clinique confronte àdes milieux sociaux et à des conduites qu’il fautcomprendre pour soigner et que les médecins, enparticulier les médecins généralistes, notammentceux qui se rendent chez les gens, ou les médecinsdu travail, construisent au fil des années dessavoirs relevant des sciences humaines et socialeset se forgent notamment une théorie de l’action.Que ces savoirs ne soient pas formalisés, ne fas-sent pas l’objet d’examens ni de références insti-tutionnelles leur donne un statut mineur, privé,celui du savoir d’expérience personnel, éventuel-lement partagé avec des collègues proches. Peut-être les Groupes de Pairs contribueront-ils, entreautres apports, à donner aux savoirs relevant dessciences sociales et humaines un statut d’outil detravail aussi respectable que celui qui est accordéaux sciences dures.Peut-être suis-je trop optimiste. Sans doute y a-t-il, au sein du corps médical, de formidables inéga-lités, selon les pratiques, mais aussi selon laconception du métier et de la science? Cet opti-misme, même si on peut le tempérer, protège

d’une thèse simpliste, qui consisterait à dire queles médecins analysent leurs pratiques sur la basedu seul sens commun, sans aucune connaissancepointue des phénomènes sociaux et humains. Il ya fort à parier, par exemple, que les médecins quis’engagent dans un Groupe de Pairs ont fait unbout de chemin en direction des sciences humai-nes et sociales, qu’ils savent, par exemple(Perrenoud, 2004) :• qu’une action a un but, qui lui donne son sens etmobilise l’énergie du praticien ;• qu’elle implique une évaluation de la situation etune représentation de la réalité souvent partielle,parfois erronée, parfois orientée par des préjugés ;• qu’elle procède parfois d’une décision réfléchie,d’un calcul, d’un choix délibéré parmi d’autrescours possibles de l’action ;• qu’elle est dans d’autres cas de l’ordre de la rou-tine, du préréfléchi, de l’inconscient pratique ;• que l’on envisage rarement toutes les possibili-tés, tous les scénarios ;• qu’il est difficile d’estimer les chances et lesrisques, qu’on agit souvent dans l’incertitude ;• que l’action s’accompagne d’émotions, qu’ellepeut provoquer du stress ou de l’angoisse ;• qu’elle demande un pilotage en temps réel, desmicrorégulations qui tiennent compte des résis-tances du réel ou des autres acteurs ;• qu’elle a souvent besoin de la coopération d’au-tres acteurs, qu’il faut marchander ;• qu’elle s’exerce, directement ou indirectement,sous le regard et le jugement d’autrui.

Un praticien un tant soit peu réflexif ne peut que(re-) découvrir ces éléments d’une théorie de l’ac-tion, parfois seul, parfois au gré d’échanges avecd’autres professionnels, parfois en trouvant de telssavoirs dans la littérature professionnelle, parexemple dans des conseils méthodologiques desétudes de cas, des évaluations. Toute pratiqueracontée contient une part d’interprétation quicontient au moins « en creux » une théorie de ladécision, de l’hésitation, du calcul, de la raison, del’émotion, de l’anticipation. Lorsqu’on dit : « Évi-demment, je me suis demandé si la demande de cepatient ne cachait pas autre chose et s’il fallaitque je cherche à savoir quoi », on affirme impli-citement « Tout praticien sait qu’une demandepeut en cacher une autre et se trouve doncconfronté à un dilemme: entendre la demandetelle qu’elle est exprimée, au risque de ne pasrépondre à la demande cachée, ou faire expliciterla demande cachée, au risque de faire fuir le

Page 30: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 30 • Société Française de Médecine Générale

patient ou de perdre sa confiance ». C’est une desfigures de l’incertitude. Beaucoup d’autres sontprogressivement identifiées et constituent une par-tie du savoir d’expérience. Si elles ne sont pas for-malisées en termes abstraits, ces connaissancesfonctionnent par analogie, une situation en évo-quant une autre.Mais cela ne dispense pas de se poser une ques-tion : une culture plus étendue et pointue en scien-ces humaines et sociales, plus liées à la rechercheuniversitaire, et une plus forte centration sur lesthéories de l’action, de la cognition et du travailpermettraient-elles d’aller plus loin dans l’analysedes pratiques? Je pense que oui.

Ce qu’apportent les sciences de l’action et dutravailOn l’aura compris, je récuse l’idée que seuls lespsychologues connaissent le fonctionnement del’esprit, que seuls les sociologues connaissent lefonctionnement de la société. Les savoirs scienti-fiques entretiennent des savoirs complexes etdivers aux savoirs communs :• parfois, ils les invalident ; certes, c’est moinsspectaculaire que Galilée démontrant que la Terretourne autour du Soleil alors que tous ses contem-porains sont sûrs du contraire, mais certainssavoirs issus de la recherche sont clairement enrupture avec les représentations communes ;• parfois, les sciences humaines et sociales affi-nent, différencient, complexifient des connaissan-ces communes ou mettent en évidence leursconditions de validité ;• parfois, les sciences humaines et sociales se bor-nent à valider et à formaliser des savoirs com-muns, sans découvrir grand chose de neuf ; celan’a rien de choquant ; les êtres humains n’ont pasattendu l’émergence des sciences humaines etsociales pour comprendre la « nature humaine » :les mythes, le sens commun, la sagesse, la philo-sophie, la littérature et les cultures professionnel-les ont mis en évidence des régularités.

S’agissant de l’action humaine, on se trouve plu-tôt dans le deuxième et le troisième cas de figu-re. Encore que certaines conceptualisations dephénomènes familiers puissent produire des rup-tures. Lorsque Vygotski affirme que l’activitéhumaine est essentiellement collective, et quechaque individu n’est que porteur d’un fragment,il heurte la vision individualiste de l’être humainqui prévaut dans notre culture. Bourdieu cassenotre vision de la liberté du sujet et de la création

lorsqu’il montre qu’un individu croit improviserlibrement son action, mais agit en fait selon sonhabitus, selon des schèmes produits de son his-toire. Lorsque les sociologues affirment quel’action est toujours dépendante de la construc-tion de la situation par un sujet, ils mettent enévidence ce que la pensée commune tend à reje-ter : il n’y a pas une réalité. Certes, de Platon àPirandello, des penseurs et des artistes l’ontcompris, mais la pensée commune revient sanscesse à l’idée qu’il existe une réalité et que cha-cun devrait « se rendre à l’évidence », alors quel’évidence est une construction qui varie selon laposition occupée par un acteur, ses préjugés, sesprojets, ses intérêts, ses valeurs, ses connaissan-ces, sa culture, ses dispositions mentales.Il serait, au-delà de ces ruptures fondamentales,intéressant de délimiter le corpus des connaissan-ces issues de la recherche en sciences humaines etsociales qui pourraient enrichir l’analyse du tra-vail, voire la porter à un degré de lucidité et dedécentration bien supérieur à ce que permettent lesens commun et les savoirs d’expérience.

Je distinguerai très schématiquement quatre sour-ces pertinentes, sans prétendre être exhaustif :• Les travaux sur l’inconscient pratique.• Les apports des sciences du travail.• La psychosociologie des organisations et de l’ac-tion collective.• Les travaux sur la pratique réflexive et l’appren-tissage expérientiel.

Les travaux sur l’inconscient pratique

Seul le fou ou l’idiot, croit-on volontiers, « ne saitpas ce qu’il fait ». Un être de raison aime à croirequ’il a une conscience aigue de ses actes et deleurs mobiles. La psychanalyse nous interdit decroire que nous savons exactement ce qui nousanime à chaque instant, ce que nous voulons. Aumoins voudrions-nous croire que nous sommeslucides sur ce que nous faisons.Pour une part, l’inconscient est l’expression d’unecensure : pour préserver son image de soi et sonnarcissisme, chacun a besoin d’embellir un peuses actes. Nous fonctionnons tous sur le principedu « four à micro-hontes », vite bues, viteoubliées.Toutefois, l’essentiel tient à ce que Piaget (1974)appelait un inconscient pratique, pour le distin-guer de l’inconscient Freudien. L’inconscient pra-tique n’est pas le produit d’un refoulement, mais

Page 31: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 31 •

de la méconnaissance de nos manières de faire,par oubli ou absence de prise de conscience. Uneformatrice en soins infirmiers prescrit, lorsqu’el-le enseigne la pose du cathéter veineux périphé-rique, des gestes qu’elle ne fait pas lorsqu’elle lepose elle-même dans un service de soin. Mais ellene s’en rend compte que lorsque les étudiantsl’interpellent.Piaget conceptualisait l’action humaine comme lamise en œuvre de schèmes d’action, de structuresrelativement stables qui permettent d’assimiler leréel au prix de quelques accommodations. Cesschèmes sous-tendent les gestes aussi bien queles opérations mentales. Cette psychologie,comme la sociologie de l’habitus, que Bourdieudéfinit comme un système de schèmes, proposede rompre avec l’idée que l’action suit toujoursdes règles. Parfois, il n’y a pas de règles, juste desrégularités, dont nous pouvons prendre conscien-ce au prix d’un certain travail. Parfois les règlesvivent leur propre vie, dans l’univers du discours,de la justification, de la prescription, sans guidervéritablement l’action, qui obéit à des schèmesinconscients tout en se réclamant de règles qu’el-le ne suit pas.Les travaux de Vermersch (1994) sur l’explicita-tion suggèrent que l’inconscient pratique et le« préréfléchi » ne sont pas inaccessibles, qu’onpeut aider le sujet à prendre conscience de cequ’il fait « vraiment », dans le détail. Dans ungroupe d’analyse de pratiques, on ne peut menerun entretien d’explicitation comme dans unerecherche, mais on peut s’en inspirer pour quecelui qui narre sa pratique fasse un effort pourreconstituer dans le détail le film des événements.C’est souvent à ce niveau qu’un geste en appa-rence incompréhensible devient intelligible : letravail d’explicitation met en évidence un indice,une alerte, une anticipation dont le sujet n’avaitpas gardé le souvenir, mais que peu à peu il« retrouve » enfouie dans sa mémoire. C’est par-ticulièrement important dans les moments oùl’action est soit en pilotage automatique, soitappelée par une urgence qui ne laisse pas le tempsde réfléchir.

Les apports des sciences du travail

Il s’agit de l’ergonomie, discipline d’interventionqui, en France, est devenue une discipline derecherche, alliée à la psychologie et à la sociolo-gie du travail, Dans un article intitulé « Adosser lapratique réflexive aux sciences sociales, condition

de la professionnalisation » (Perrenoud, 2004),j’ai esquissé une liste des apports mobilisablespour affiner l’analyse de pratiques :• la conceptualisation et l’explication de l’écartentre travail réel et travail prescrit ;• la distinction entre la tâche, la représentation dela tâche et l’activité ;• la réflexion sur les enjeux de l’autonomie autravail ;• la notion d’intelligence au travail ;• la notion d’arène de jugement, de reconnaissan-ce, de travail adressé à autrui même lorsqu’il porteen apparence sur des choses ;• les concepts de genre et de style transposés àl’activité à partir des théories de Bakhtine ;• l’insistance sur l’investissement subjectif dans letravail et son rôle dans le développement de lapersonne ;• la reconnaissance de la souffrance et de la peurau travail, l’élucidation des mécanismes de défen-se qu’elles suscitent ;• le développement d’une ergonomie de la pensée,de la décision, de la coopération ;• l’idée d’une formation par le travail et son ana-lyse clinique ;• le concept de compétence ;• l’articulation dans le travail de compétencesindividuelles et collectives ;• le poids de l’organisation du travail sur l’activité.

On pourrait ajouter : l’analyse de l’erreur ou de lafaute professionnelles, l’élucidation du rapport autemps et à l’espace dans le travail, l’ergonomie dela coopération et du dialogue entre professionnels,les interactions homme-machine, etc. Les travauxde Clot (1995, 1999, 2000), d’Hubault (2001), deJobert (1999, 2001) permettent d’accéder à unepartie du débat contemporain.

La psychosociologie des organisations et del’action collective

Sans aller jusqu’à faire de l’activité une réalité col-lective dont l’action individuelle ne serait qu’unfragment, la psychosociologie nous enseigne quel’intelligibilité d’une action est compromise si l’onfait abstraction des rapports sociaux dans lesquelselle s’inscrit. Parfois, le groupe ou l’organisationsont des contextes, une sorte d’écosystème de l’ac-tion individuelle, qui en module les contraintes etles ressources. Souvent, l’action s’inscrit dans uneaction collective, dans un concert, elle suit uneorchestration, l’action de chacun ne prenant sens

Page 32: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 32 • Société Française de Médecine Générale

que si on la situe comme pièce d’un dispositif detravail qui dépasse chaque individu.Cela ne signifie pas qu’il est le jouet d’un collectif.Son action est au contraire constamment sur le fildu rasoir, entre poursuite de ses propres fins etinscription dans une action collective, de gré etparfois de force ou par pur calcul. Les rapports del’acteur et du système (Crozier et Friedrich, 1977 ;Friederich, 1993 ; Bernoux, 1985 ; Livian, 2000)sont au cœur de toute pratique et aucune analyse depratique ne peut faire l’économie de cadresconceptuels d’ordre psychosociologiques. C’estainsi que la conceptualisation du pouvoir commemaîtrise des zones d’incertitude est une clé denombre de pratiques en apparence irrationnelles,par exemple une rétention d’information ou unretard à donner l’alerte ou à demander de l’aide.

Les travaux sur la pratique réflexive et l’ap-prentissage expérientiel

Dewey (1933, 1993) puis Argyris (1995) et Schön(1994, 1996) ont rendu célèbre l’idée de pratiqueréflexive (Perrenoud, 2001). Au-delà de laréflexion dans l’action, qui a des fonctions derégulation d’une action encore en cours ou qui vase poursuivre, comme un match à la mi-temps, laréflexion dans l’après-coup à un autre sens, à lafois catharsis, liquidation émotionnelle de l’actionpassée, et construction de « savoirs d’expérien-ce ». L’expertise peut être conçue comme uneexpérience analysée, le produit d’une réflexionsouvent amorcée dans le cours de l’action, inter-rompue puis reprise « à tête reposée ».

Ces travaux sont pertinents en analyse de pra-tiques, non seulement parce que la réflexion dansl’action fait partie de l’action, mais parce que laréflexion dans l’après-coup est stimulée et enca-drée par les échanges. On pourrait définir l’analy-se de pratique comme une pratique réflexive col-lectivisée, par moments plus efficace, à d’autresmoments, au contraire, stérilisée par sa dimensioncollective.

Quelle formation aux sciences humaines etsociales?

Les études de médecine sont longues, il n’est pasimaginable de leur ajouter une année de sciencessociales et humaines, même en la répartissant aulong du cursus. Or, une année de formation uni-versitaire, ce n’est pas grand chose, 60 crédits

européens, entre 500 et 600 heures de travail. Sansvouloir former des psychologues ou des sociolo-gues, c’est bien la dotation en sciences humainesdes formations d’enseignants ou de travailleurssociaux. En soins infirmiers, c’est moins substan-tiel, mais c’est largement présent.Une plus forte incorporation des sciences humai-nes et sociales au curriculum de formation desmédecins serait bienvenue, non seulement pouranalyser leur action, mais pour étayer aussi bienleur démarche clinique que leur fonctionnementdans les organisations.Il n’est ni nécessaire ni adéquat de proposer descours d’introduction à la sociologie ou à lapsychologie. Dans les formations scientifiques,ces cours ne sont pas pris au sérieux, ils passentpour une perte de temps, du « bla-bla ». La seulevoie prometteuse est d’aborder les scienceshumaines et sociales à travers des problématiquesmédicales, au sens large, à travers des situationscliniques, des études de cas, des projets.En ce sens, installer durant les études un fonction-nement analogue à celui d’un Groupe de Pairspourrait présenter un double intérêt :• initier à cette démarche dès la formation initiale ;• mettre en évidence le besoin d’outils d’analysede l’action dépassant le sens commun.

Le développement de l’apprentissage par problè-mes va dans le même sens : nombre de problèmescliniques complexes ont des composantes anthro-pologiques, psychologiques, sociologiques. Lesmettre en évidence pourrait induire une recherchede ressources théoriques pour mieux poser etrésoudre le problème clinique proposé, à l’instarde ce qui est préconisé et de plus en plus large-ment pratiqué pour les connaissances anato-miques, physiologiques, pharmacologiques.Deux questions se poseraient alors : est-il oppor-tun d’intégrer aux équipes des formateurs issusdes sciences sociales et humaines? Et commentconstituer un corpus de connaissances pertinentes,sans obliger les étudiants à se noyer dans une lit-térature trop abondante? Il ne s’agit pas nécessai-rement de manuels, mais d’ouvrages de référencefaisant œuvre de synthèse.À leur manière, les Groupes de Pairs enrichissentla formation continue des médecins, mais ils inter-rogent aussi leur formation initiale.

Références

Argyris, C. (1995). Savoir pour agir. Surmonter les obstacles

Page 33: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 33 •

à l’apprentissage organisationnel. Paris : InterÉditions.Argyris, C. and Schön, D.A. (1978). Theory in Practice :Increasing Professional Effectiveness. San Francisco :Jossey-Bass.Barbier, J.-M. (dir.) (1996). Savoirs théoriques et savoirsd’action. Paris : PUF.Barbier, J.-M. et al. (dir.) (1996). Situations de travail et for-mation. Paris : L’Harmattan.Bernoux, Ph. (1985). La sociologie des organisations.Initiation. Paris : Seuil.Blanchard-Laville, C. et Fablet, D. (dir.) (1996). L’analysedes pratiques professionnelles. Paris : L’Harmattan.Bourdieu, P. (1980). Le sens pratique. Paris : Ed. de Minuit.Bourdieu, P. (1994). Raisons pratiques. Sur la théorie del’action. Paris : Seuil.Chatzis, K., Mounier, C., Veltz, P. et Zarifian, Ph. (dir.)(1999). L’autonomie dans les organisations. Quoi de neuf?Paris : L’Harmattan.Clot, Y (1995). Le travail sans l’homme. Pour une psycholo-gie des milieux de travail et de vie. Paris : La Découverte.Clot, Y (1999). La fonction psychologique du travail. Paris :PUF.Clot, Y (2000). La formation par l’analyse du travail : pourune troisième voie. In Maggi, B. (dir.) Manières de penser,manières d’agir en éducation et en formation. Paris : PUF, pp.133-156.Clot, Y. (dir.) (2001). « Clinique de l’activité et pouvoir d’a-gir », Éducation Permanente, N° 146.Crozier, M. et Friedberg, E. (1977). L’acteur et le système.Les contraintes de l’action collective. Paris : Seuil.Dejours, Ch. (1993). Travail : usure mentale. De la psycho-pathologie à la psychodynamique du travail. Paris : BayardÉditions.Dewey, J. (1933). How we think? A Restatement of theRelation of Reflective Thinking in the Educational Process.Chicago : Henry Regnery.Dewey, J. (1993). Logique. Une théorie de l’enquête. Paris :PUF.Friedberg, E. (1993). Le pouvoir et la règle. Paris : Seuil.Fumat, Y, Vincens, C. et Étienne, R. (2003). Analyser lessituations éducatives. Paris : ESF.Hubault, F. (dir.) (2001). Comprendre que travailler c’estpenser, un enjeu industriel de l’intervention ergonomique,Toulouse, Octarès Éditions.Jobert, G. (1999). L’intelligence au travail. In Carré, P. etCaspar, P. (dir.) Traité des sciences et des méthodes de l’ana-lyse du travail. Paris : Dunod, pp. 205-221.Jobert, G. (2001). Travailler, est-ce penser ? De l’action intel-ligente à l’intelligence de l’action. In Hubault, F. (dir.)Comprendre que travailler c’est penser, un enjeu industrielde l’intervention ergonomique, Toulouse, Octarès Éditions.Lahire, B. (1998). L’homme pluriel. Les ressorts de l’action.Paris : Nathan.Livian, Y. F. (2000). Introduction à l’Analyse desOrganisations. Paris : Economica, 2e éd.Montmollin., M. de (1996). Savoir travailler. Le point de vuede l’ergonome. In Barbier, J.-M. (dir.) Savoirs théoriques etsavoirs d’action. Paris : PUF, pp. 189-199.Oddone, I. et al. (1981). Redécouvrir l’expérience ouvrière,vers une autre psychologie. Paris : Éditions sociales.Perrenoud, Ph. (1996). Enseigner : agir dans l’urgence, déci-

der dans l’incertitude. Savoirs et compétences dans un métiercomplexe. Paris : ESF (2e éd. 1999).Perrenoud, Ph. (1999). Gestion de l’imprévu, analyse de l’ac-tion et construction de compétences. Éducation Permanente,n° 140, 3, pp. 123-144.Perrenoud, Ph. (2001 b). De la pratique réflexive au travail surl’habitus. Recherche et Formation, n° 36, pp. 131-162.Perrenoud, Ph. (2001). Développer la pratique réflexive dansle métier d’enseignant. Professionnalisation et raison péda-gogique. Paris : ESF (2e éd. 2003).Perrenoud, Ph. (2004). Adosser la pratique réflexive auxsciences sociales, condition de la professionnalisation. Édu-cation Permanente, n° 160, septembre, pp. 35-60.Piaget, J. (1974). Réussir et comprendre. Paris : PUF.Piaget, J. et al. (1974). La prise de conscience. Paris : PUF.Samurçay, R. et Pastré, P. (1995). La conceptualisation dessituations de travail dans la formation des compétences. Édu-cation Permanente, n° 123-2, pp. 13-31.Samurçay, R. et Pastré, P. (dir.). (1995). Le développementdes compétences. Analyse du travail et didactique profession-nelle. Éducation Permanente, n° 123-2.Schön, D. (1994). Le praticien réflexif. À la recherche dusavoir caché dans l’agir professionnel, Montréal : ÉditionsLogiques.Schön, D. (1996). À la recherche d’une nouvelle épistémolo-gie de la pratique et de ce qu’elle implique pour l’éducationdes adultes. In Barbier, J.-M. (dir.) Savoirs théoriques etsavoirs d’action. Paris : PUF, pp. 201-222.Schön, D. (dir.) (1996). Le tournant réflexif. Pratiques édu-catives et études de cas. Montréal : Éditions Logiques.Séminaire du Centre de Recherche sur la formation duCNAM (2000). L’analyse de la singularité de l’action. Paris :PUF.Vergnaud, G. (1995). Quelle théorie pour comprendre lesrelations entre savoir-faire et savoir ? In Bentolila A. (dir.)Savoirs et savoir-faire Paris, Nathan, pp. 5-20.Vergnaud, G. (1996). Au fond de l’action, la conceptualisa-tion. In Barbier J.-M. (dir.) Savoirs théoriques et savoirsd’action. Paris : PUF, pp. 275-292.Vergnaud, G. (1999). Le développement cognitif de l’adulte.In Carré, P. et Caspar, P. (dir.) Traité des sciences et desméthodes de l’analyse du travail. Paris : Dunod, pp. 189-203.Vermersch, P. (1994). L’entretien d’explicitation. Paris : ESF.Vermersch, P. et Maurel, M. (dir.) (1997). Pratiques de l’en-tretien d’explicitation. Paris : ESF.Werthe, Ch. (1997). Élaboration et formalisation de l’expé-rience professionnelle : l’instruction au sosie. Dialogue,n° 86, pp. 41-42.

Page 34: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 34 • Société Française de Médecine Générale

➭ Le Résultat de consultation, c’est la conclusion du médecin sur le cas ici et maintenant, qu’il s’agisse

ou non d’un diagnostic.

➭ Les quatre positions diagnostiques n’ont pas de valeur hiérarchique. Elles sont équivalentes en tant

que certitude clinique en fin de séance, parce qu’ils relèvent toutes d’un même processus médicale-

ment raisonné, identifiant l’état non diagnostiqué comme tel.

➭ Tout praticien exerçant la médecine générale sous la même latitude, doit s’attendre à retrouver de

façon régulière dans toute sa carrière, moins de 300 résultats de consultation.

➭ Evoquer le risque c’est s'assurer que les troubles de santé présentés ne sont pas les symptômes d'une

maladie grave à évolution péjorative requérant des soins spécialisés urgents.

➭ La correspondance de chaque définition du DRC avec la CIM-10 est la garantie d’un langage transver-

sal et international utilisable par toutes les spécialités médicales.

Correspondance CIM-10

Le « Risque »

La loi de répartition régulière des cas

Les positions diagnostiques

Le Résultat de Consultation

Eléments clefs du DRC

Page 35: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 35 •

UN OUTIL DÉVELOPPANTLA PROFESSIONALITÉ

De nombreuses recherches récentes dans le champde la formation des adultes s’intéressent aux nou-velles formes de formations articulées avec lessituations de travail. L’analyse des pratiques cons-titue une de ces formes. Objet d’une valorisationsociale récente dans des champs d’activité variés,elle est souvent mise en lien avec l’intérêt portéaux savoirs détenus par les praticiens.Certaines méthodologies utilisées en analyse depratiques visent explicitement l’identification« des savoirs cachés dans l’agir professionnel » 1.Quels sont les types de savoirs cachés dans l’agirprofessionnel ? Peuvent-ils être énoncés? Sousquelles formes? Dans quels espaces ont-ils étéconstruits ? Dans le cadre de la formation ou dansle cadre de l’action? Peuvent-ils faire l’objet d’undébat au sein des Groupes de Pairs ? Certains deces savoirs font-ils l’objet d’une validation par lesprofessionnels ? Leur formalisation a-t-elle uneffet formateur et une incidence sur l’expertise deleurs auteurs-énonciateurs? Ces quelques ques-tions ont orienté une démarche de recherche effec-tuée dans le champ de la pratique médicale2. Cetarticle en restitue les résultats.

Référents théoriques et méthodologie derecherche

Les référents théoriques mobilisés pour l’étuderelèvent de la sociologie des professions, de lapsychologie du travail et de la psychologie cogni-tive, de la didactique professionnelle et du courantanglo-saxon de la science action. La démarches’appuie sur le paradigme socio-constructivistedes opérations cognitives pour interroger lesnotions de professionnalisation, de savoirs d’ac-tion, de connaissances. La recherche repose surune méthodologie utilisant différents outils derecueil de données : observation et enregistrementintégral de 12 réunions pour les deux groupes de

pairs, entretiens individuels et collectifs auprès desparticipants, traces de l’activité d’analyse de pra-tiques3, discours réflexifs des participants sur lematériau produit par la recherche.Les objectifs étaient multiples :• étudier les discours produits dans le cadre del’activité d’analyse de pratiques afin de mettre àjour le processus d’analyse dans sa globalité, d’i-dentifier les énoncés de connaissances jugées opé-ratoires pour la pratique et les énoncés de savoirsd’action puis saisir la démarche de validation col-lective ;• repérer dans les entretiens les attentes des parti-cipants concernant la méthode, les fonctions desréunions et les effets en terme d’évolution de laprofessionnalité : renforcement de l’identité pro-fessionnelle et incidence sur la construction dusystème d’expertise des participants.

Un dispositif d’analyse de pratique fondé sur levolontariat et l’auto régulation entre pairs

Créé par des médecins généralistes et s’adressant àdes généralistes en exercice, le dispositif « Groupede Pairs » étudié relève d’une forme construite pardes praticiens eux-mêmes hors du champ de la for-mation continue. Cette activité d’analyse de pra-tiques est appréhendée par les praticiens qui l’ontconçue et promue comme une des voies possiblesde professionnalisation ; elle se veut particulière-ment adaptée à leurs préoccupations profession-nelles et s’appuie sur leur pratique effective.

L’analyse de pratiques en « Groupes de Pairs »Un outil développant la professionnalité

Sylvie Debris*

L’analyse de pratiques a-t-elle une incidence sur la construction de l’expertise professionnel-le? L’étude des discours produits au cours de l’activité d’analyse de pratiques dans unGroupe de Pairs de médecins généralistes permet d’identifier des énoncés de connaissanceset de savoirs préexistants à leur énonciation ou construits dans cet espace. Cet article meten évidence le processus de validation de formes de connaissances construites dans desespaces distincts (scientifique ou pratique) jugées par les praticiens comme étant opération-nelles dans leur activité. « Artéfacts cognitifs », ils deviennent potentiellement des outils pourguider des actions futures et influencent la construction du système d’expertise de leursauteurs-énonciateurs.

* Sylvie Debris doctorante, membre du Centre deRecherche sur la Formation CNAM, assistante sociale etformatrice ([email protected]).

Page 36: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 36 • Société Française de Médecine Générale

Forme singulière d’auto formation collective, ellerelèverait, selon la définition de Carré, Moisan etPoisson (1997) de l’auto-formation sociale et inté-grale dans la mesure où elle s’effectue dans lecadre d’une participation à un groupe social pro-fessionnel en dehors de tout lien avec les institu-tions et agents éducatifs formels. Il s’agit néan-moins d’un dispositif structuré fondé sur l’appli-cation d’une méthode et répondant à des règles defonctionnement. Comme toute activité d’analysede pratiques elle est soumise à des déterminantsmultiples : contexte d’émergence, prégnance de laculture professionnelle, enjeux sociaux qui ontinfluencé sa conception.En ce sens elle s’inscrit dans la multitude desdispositifs se réclamant de l’expression « analysede pratiques ».

Éléments caractérisant l’activité d’« analyse depratiques »

Cette terminologie unique très fréquemment utili-sée depuis une quinzaine d’année dans deschamps d’activité variés, mutualise une multipli-cité d’appellations correspondant à une diversitéde méthodes et de dispositifs. Il est néanmoinspossible de dégager certaines constantes de cette« réalité plurielle ».La littérature sur le sujet s’accorde sur le fait quel’activité d’analyse des pratiques repose sur untravail de mise en représentation des actions pro-fessionnelles dans un espace-temps différent decelui de l’action, et s’appuie sur une mobilisationmentale rétrospective de l’expérience. Les maté-riaux utilisés ou les techniques mobilisées (obser-vation directe, vidéo, expression verbale et/ouécrite, langage graphique, traces d’activité…)initient un mode particulier de communication surl’action qui intègre toujours le témoignage del’acteur sur sa propre activité. Ce témoignage estadressé à un tiers individuel ou collectif (pairet/ou expert, chercheur). Ainsi l’auto-réflexionexclusive d’un sujet sur sa propre activité ou l’ob-servation seule et en extériorité d’un sujet en acti-vité sont exclus de la terminologie « analyse despratiques ». La verbalisation écrite et/ou oraleadressée semble donc une constante majeure deces « dispositifs de reconfiguration de l’action ».Cependant ainsi que le précise Yves Clot (2000),elle « n’est pas la mise en mot de l’action passée.C’est une activité langagière à part entière aucours de laquelle le ou les sujets redécouvrentl’activité analysée et la transforment : l’action

mise en mot est une autre action. » 4.L’analyse des pratiques est à considérer commeune activité autonome et singulière, une praxisayant pour objet l’analyse d’une autre praxis fon-dée sur l’acception qu’en donne C. Castoriadis(1975) : « ce faire dans lequel l’autre ou les autressont visés comme êtres autonomes et considéréscomme agent essentiel du développement de leurpropre autonomie » 5.Elle est considérée comme étant éloignée de larelation prescriptive dominante dans l’hétéro-for-mation basée sur les relations hiérarchiques entreexperts et novices et questionne les rapports clas-siques entre la théorie et la pratique.Afin de saisir l’intentionnalité de cette démarchesingulière d’analyse de pratique et les enjeux desavoirs qui la caractérisent, il semble opportundans un premier temps de spécifier la pratique quifait l’objet de l’analyse dans le cadre du dispositif.

La spécificité de la pratique du médecin géné-raliste

L’exercice en médecine générale ou médecine deville comporte une configuration d’isolement vis àvis des confrères, de dépendance vis à vis de laclientèle dite non captive, c’est à dire libre duchoix du thérapeute et de l’observance du traite-ment ; mais il comporte en contrepartie un degréd’autonomie au niveau de la gestion du temps etde l’organisation du travail. Néanmoins, la priseen charge des soins nécessite de plus en plus untravail de collaboration entre praticiens.Cette collaboration obligée, souvent empreinted’enjeux de pouvoir et de savoirs entre les généra-listes et les spécialistes, contraint le généraliste àposséder une bonne connaissance des circuits desoin et à s’inscrire dans un « réseau de confrères ».Néanmoins, dans le cadre d’un protocole de soinassuré en collaboration, la responsabilité n’estjamais partagée entre confrères, chaque praticienrestant responsable de ses actes professionnels. Al’abri du regard d’autrui, dans la « clôture » ducabinet de consultation, l’activité est essentielle-ment fondée sur la relation médecin-client. Laprise de décision s’effectue dans le cadre de laconsultation en interaction avec le patient. Il estrarement envisageable pour les praticiens de diffé-rer leur jugement professionnel et de surseoir auxdécisions et ce, sans l’appui d’un plateau tech-nique ou la possibilité d’échanger ou de prendrel’avis d’autres professionnels de santé commepeuvent le faire les praticiens hospitaliers.

Page 37: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 37 •

L’activité à partir et sur du « matériel humain » estvécue comme un exercice complexe et solitaire,elle s’exerce dans l’imprévisibilité de l’interac-tion. Une partie importante de l’activité soignanteréside dans des actions de négociation (convaincreles patients du bien fondé d’un traitement, del’importance d’un examen complémentaire, de lanécessité d’un changement de comportement pouraméliorer l’hygiène de vie), de traduction (trans-poser en langage commun le langage scientifiqueet technique employé par les confrères spécialis-tes), de conseil, d’écoute et de recherche d’infor-mations tant sur un plan somatique que sur lecontexte social, économique, culturel et familialdu patient.Cet isolement comporte plusieurs conséquences.Les pratiques sont particulièrement influencéespar l’expérience personnelle du médecin(Freidson, 1970).Une perte des repères, voire des déviances, sontpossibles dans la mesure où aucun contrôle nes’exerce sur leur pratique. Pour certains, ce phé-nomène produit une déstabilisation et un ques-tionnement sur la validité de leurs actes, en parti-culier lorsqu’ils ne peuvent s’appuyer sur lesrecommandations de la profession.Un autre élément semble déterminant dans l’exer-cice du métier : le rapport au temps6. Il est vécuparfois comme une contrainte majeure dans lecadre de la prise de décision en situation d’incer-titude, dans la mesure où, spécialisée en soins pri-maires, la médecine générale constitue générale-ment le premier recours du patient juste après lepharmacien. Dans ce contexte, l’établissement dudiagnostic, sans possibilité de confirmer des hypo-thèses en s’appuyant sur un plateau technique,pose problème. Ainsi, la prise de décision esteffectuée le plus souvent sur la base de signes cli-niques ou de symptômes décrits par le patient ouconstatés par le médecin, parfois sur la base d’unsyndrome lorsqu’il est possible d’associer plu-sieurs signes cliniques, voire d’un tableau de mal-adie dans le cas où cette association a été classi-fiée, mais rarement sur la base d’un diagnosticcertifié. De ce fait le médecin généraliste prendsouvent des décisions en situation d’incertitudedans un contexte où il se trouve confronté la plu-part du temps à un trouble de la santé et pas à unemaladie.Le temps peut être également ressenti comme unallié dans la prise en charge médicale sur la duréeet constituer une aide aux décisions du fait de laconnaissance approfondie du patient et de son

mode de vie (antécédents médicaux, contexte devie, réactions aux traitements…). Il favorise l’éta-blissement de la relation de confiance réciproque.Moins centré sur les types de pathologie, le géné-raliste semble s’intéresser davantage au maladequ’à sa pathologie et se vit comme « un profes-sionnel-ressource » avec une fonction d’interface.Il doit être en capacité d’informer les patients, deles orienter correctement vers d’autres profession-nels et d’autres structures de soin.Cet aspect relationnel irréductible lié à la singula-rité des personnes et des situations comporte deséléments « routiniers » qui sont souvent évoquéspar les praticiens. Ces éléments portent essentiel-lement sur les pathologies rencontrées et les pro-cédures utilisées. Les statistiques effectuées mon-trent que les généralistes voient 300 types diffé-rents de syndromes/symptômes et de tableaux demaladie par an. Néanmoins, le champ des patho-logies rencontrées demeure potentiellement trèsvaste et provoque un ressenti d’appréhension : êtredans l’incapacité de connaître ou de reconnaître letableau clinique d’une maladie rare ou celle pré-sentant un risque imminent de morbidité.

Le dilemme entre « rigueur et pertinence »

Comme toute pratique, elle comporte une doubledimension : d’une part la gestuelle, l’applicationde procédure, l’utilisation du langage, et d’autrepart les règles, les objectifs, les stratégies quidéterminent les actions mises en œuvre.Les pratiques professionnelles en général, sontcomplexes, difficiles à identifier et à formaliser,dans la mesure où elles intègrent :• « de l’action consciente, intentionnelle et ration-nelle,• de la mise en œuvre de recettes réglées par desnormes,• de l’improvisation,• du bricolage en cas de ressources inadéquates,• de la routine pour une économie de fonctionne-ment,• de la stratégie pour répondre aux enjeux identi-taires,• de la tactique utilisant le braconnage et la rusepour créer » 7,

Les praticiens sont souvent seuls, en situation,face aux actes professionnels dans lesquels ilss’engagent. L’évaluation de la situation et leshypothèses diagnostiques, fondement de la prisede décision qui permettra de s’« aventurer dans

Page 38: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 38 • Société Française de Médecine Générale

l’acte » s’effectuent le plus souvent solitairement.Ce sentiment est renforcé par la conscience durisque pris dans l’acte professionnel. Cette cons-cience s’appuie plus particulièrement sur deuxressentis :• le premier repose sur le fait que l’acte échappepour partie à son auteur, ce qui représente poten-tiellement un risque d’échec face à la prévision,au projet d’action ;• le deuxième confère à cette prévision une natureincomplète et imparfaite du fait de l’impossibilitéd’envisager, à priori, l’ensemble des conséquen-ces d’un acte (G. Mendel 1998).

Cependant, les professionnels intègrent égale-ment, dans la conception de leur pratique, uneorientation qui nuance ces ressentis : pour qu’unacte professionnel soit « digne de ce nom », sonaboutissement doit être conforme au projet initialconstruit à priori. Il convient d’en maîtriser l’en-semble des paramètres et des conséquences pourréduire les défaillances et les défauts générateursd’accidents ou d’incidents. L’idée est de viser le« risque zéro » ou le « zéro défaut », orientationconcrétisée par la « démarche qualité ». Lesobjectifs sont donc de réduire les risques liés aufacteur humain et de pallier l’incomplétude de laprévision. La mobilisation par le praticien derègles et de procédures issues de théories cons-truites scientifiquement peut constituer une paradeaux risques pressentis.D.A. Schön introduit à ce sujet, l’idée d’un dilem-me pour le praticien entre « rigueur et pertinen-ce » : «…rester sur les hautes terres et faire unusage efficace des théories et des techniquesissues de la recherche, mais en traitant des pro-blèmes sans grande portée sociale ; ou bien des-cendre jusqu’au marécage où les situations sontdes « chaos » techniquement insolubles où il trai-tera de problèmes épineux de grande importance,mais où il devra accepter de sacrifier la rigueurtechnique. » 8 Il estime que ce dilemme est sourcede souffrance et d’angoisse pour des praticiens.Les pratiques en médecine générale intègrent-elles l’instabilité et la singularité des situations?Soumises à de nombreuses variations demandent-elles à l’acteur un travail d’élaboration dans lecours de l’action? Cette élaboration « in situ »permet-elle de transformer une situation problé-matique en un problème à résoudre puis le fairecoïncider avec des catégories préétablies construi-tes scientifiquement, techniquement, profession-nellement ou expérimentalement?

Plusieurs orientations s’offrent aux praticiens :celle de faire entrer parfois de force la situationdans l’une de ces catégories, celle d’adapter par-tiellement la règle, celle de mobiliser des connais-sances construites dans des espaces hors duchamp technique professionnel, celle de s’ap-puyer sur ses propres connaissances construitesempiriquement, celle encore de prendre le risqued’innover in situ… Ce type de fonctionnementcognitif a été spécifié par le terme de métis :« c’est cette connivence avec le réel qui assureson efficacité… La bigarrure, le chatoiement de lamétis marquent sa parenté avec le monde multi-ple, divisé, ondoyant, où elle est plongée pour yexercer son action… Sa souplesse, sa malléabilitélui donne la victoire dans des domaines où il n’estpas, pour le succès, de règles toutes faites, derecettes figées, mais où chaque épreuve exige l’in-vention d’une parade neuve, la découverte d’uneissue cachée » 9.

L’orientation prise par le professionnel est soumi-se à de multiples facteurs : l’évaluation du risque,les contraintes de l’organisation du travail, l’ap-préciation que le praticien a de lui-même en tantque professionnel, son degré d’expérience, le rap-port qu’il entretient avec le savoir dans ses dimen-sions épistémologique et identitaire (B. Charlot1997).Ce rapport pour un sujet peut-être envisagécomme des cognitions mettant en concurrence desformes spécifiques du savoir qui vont selon lessituations s’harmoniser avec cohérence, mais par-fois se confronter voire s’affronter. La force de lacohérence interne d’un savoir scientifique renfor-cé par son statut peut entrer en concurrence avecla pertinence d’une connaissance jugée opératoiredans la pratique. La valeur que le sujet leur attri-bue influe sur leur mobilisation et dépend de lastratégie qu’il développe : celle de légitimer sapratique sur un savoir systématisé ou celle de lavalider par un système de connaissances pertinentet efficace. Comme l’explique B. Charlot, lareconnaissance sociale du savoir systématisé légi-timant un champ d’activité n’est pas sans consé-quence sur les pratiques10.

La tension générée par ces deux orientationsappelle un questionnement : que font les profes-sionnels lorsqu’ils sont confrontés à des problèmesqu’ils ne savent pas résoudre du fait de l’impossi-bilité à mobiliser dans la situation contextualiséeune procédure ou une règle professionnelle ?

Page 39: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 39 •

Peuvent-ils se permettre de procéder par essais eterreurs? S’autorisent-ils à transgresser les règles eten inventer d’autres dans une logique pragma-tique? Disposent-ils d’un cadre pour échangerleurs connaissances, leurs « trucs de métier », leursdécouvertes astucieuses? Ces questions peuventêtre résumées ainsi : la face cachée de la pratiqueprofessionnelle a-t-elle un lieu pour s’exprimer?Dans quel cadre cette face cachée - expression desactes et actions réels qui sont parfois très éloignésdes règles prescrites par la profession et des procé-dures issues de la démarche scientifique - est-elleavouable? C’est en partie pour répondre à cesinterrogations, pour réduire la tension créée par cetécart entre rigueur et pertinence que les « Groupesde pairs » ont été conceptualisés.

Contexte d’émergence et enjeux de profession-nalisation

Le champ des connaissances à mobiliser dans l’ac-tivité est vaste, il est censé être renouvelé cons-tamment dans divers domaines. Compte tenu desdécouvertes rapides au plan technique et scienti-fique, de l’évolution des procédures et des proto-coles de soin ; les recommandations de la profes-sion et des organismes de financement changentconstamment. De plus, un certain nombre deconnaissances sont classées hors du champ médi-cal, en particulier celles utilisées en médecinegénérale dans le domaine relationnel et sociolo-gique.Partant du constat de l’inadéquation de la forma-tion initiale et des formations continues avec lapratique du médecin généraliste, et pris dans uncontexte de perte de légitimité et d’autonomie, desmédecins généralistes regroupés au sein d’unesociété savante, la Société Française de MédecineGénérale11, ont réfléchi aux moyens à mettre enœuvre pour revaloriser leur pratique et leur statut.Leur objectif premier était de construire une disci-pline et un langage spécifiques sur des bases scien-tifiques en partant de l’observation et de l’analyseméthodique de l’activité du généraliste.

Conception du dispositif « Groupe de Pairs »S’appuyant sur l’analyse de cas cliniques, lesconcepteurs avaient pour objectifs de construire unlangage et des critères communs, de tester lemodèle biomédical officiel, de construire dessavoirs spécifiques, de les faire valider par lesinstances professionnelles et enfin d’introduiredans l’enseignement des disciplines en sciences

humaines non enseignées en médecine : sociolo-gie, psychanalyse, linguistique…Le développement de la formation médicale conti-nue en Europe pour les généralistes, la référenceaux groupes « Balint », la pratique des audits degroupes néerlandais et les travaux de Brown12 ontpermis au docteur Jacot en 1987 de conceptualiserla méthode.Ainsi, cette méthode faite d’emprunts divers,s’inscrit dans le cadre large de la démarche qualitéavec pour objectif l'amélioration des soins entenant compte de la relation triangulaireclient/prescripteur/payeur.Pour ce segment professionnel, il s’agissait bien dereconquérir un statut et une autonomie, tant au seinde la profession médicale qu’au plan sociétal endéveloppant une rhétorique sur l’amélioration duservice rendu, de spécifier et de rendre visible lenoyau de compétences et de savoirs propres à lamédecine générale afin de faire reconnaître l’acti-vité en tant que discipline autonome au sein de l’u-niversité ; le groupe professionnel pouvant ainsicontrôler le processus de formation.Le dispositif a donc été conçu dans une logique deprofessionnalisation de l’activité et des acteurs(Wittorski, 2003).

Les résultats de la recherche

L’observation de deux groupes de pairs en régionparisienne met en évidence un fonctionnementproche de la méthode conçue par la SFMG. Lesgroupes sont exclusivement composés de généra-listes dont le nombre de participants se situe dansune fourchette de 7 à 10 ; la participation auxréunions est très régulière, voire systématique. Ladurée moyenne du fonctionnement est de deux ans.Les séances durent trois heures environ, elles ontlieu dans une salle de réunion en soirée, il a étédénombré une dizaine de réunions par an pourchaque groupe soit 30 heures d’analyse de pratiqueannuelle.Ces groupes rassemblent des médecins prochesgéographiquement, tous volontaires. Il n’y a pas dehiérarchie à l’intérieur des groupes. En grandemajorité, les médecins participent à d’autres typesde formation continue et sont pour un tiers d’entreeux engagés dans des actions de formation (maîtrede stage et enseignement en faculté). Sur l’ensem-ble des participants un seul d’entre eux est adhé-rant à la SFMG, nous pouvons en conclure que laméthode répond favorablement aux attentesformatives de la part de praticiens qui ne sont

Page 40: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 40 • Société Française de Médecine Générale

pas nécessairement empreints de l’orientationconceptuelle promue par la SMFG.L’observation de ces deux groupes durant un anmontre un écart entre le déroulement effectif desréunions et la méthode initialement conçue en troistemps. Nous avons remarqué que l’étude des cascliniques ou « casuistique » en constitue la part laplus importante 4/5 environ avec respect de larègle du tirage au sort de « cas aléatoires » 13.L’évaluation des circuits de soins s’effectue la plu-part du temps lors de la discussion qui suit la pré-sentation du cas. La revue critique de la presse spé-cialisée et la recherche documentaire est toujoursen lien avec les débats menés à propos du cas cli-nique. Pour confirmer, infirmer ou compléter leurshypothèses, les médecins utilisent la documenta-tion qu’ils ont à disposition dans le lieu de réunionoù décident d’approfondir la recherche documen-taire hors réunion pour en faire état lors de la ren-contre suivante.

La recherche met également en évidence un écartentre les préoccupations et les intérêts des partici-pants et ceux des promoteurs. Ces derniers ontconstruit la méthode dans une logique de profes-sionnalisation de l’activité : construction d’un sys-tème d’expertise validé par le segment profession-nel dans une logique de transmission des savoirsformalisés. Du point de vue des participants,l’aspect formatif individuel prédomine, leursattentes se centrent sur la construction de la pro-fessionnalité : affirmer leur identité de profession-nel, échanger des connaissances et des savoirsjugés opérationnels pour leur pratique. Plusieurséléments contextuels expliquent cet écart. Auniveau du corps de métier, elle est aujourd’huireconnue en tant que discipline spécifique et auto-nome et fait l’objet d’un enseignement universitai-re dispensé par des généralistes. Le segment pro-fessionnel ayant eu l’opportunité de mener à bience processus de professionnalisation par le jeu denégociations sociales dans un contexte favorable, ilsemble cohérent que les participants ne soient pluspris dans cette logique. Ceci n’est pas sans consé-quence sur la forme et la dynamique des énoncésproduits au sein des groupes, en particulier sur leprocessus de validation des savoirs professionnelset sur la modélisation des pratiques.

Caractéristiques et fonctions des énoncés deconnaissances et de savoirs

L’étude des énoncés produits par les participants

au cours de l’activité d’analyse de pratiques mon-tre que la casuistique constitue l’aspect prédomi-nant de la méthode. En ce sens, son concepteurs’est appuyé sur un élément prédominant de laformation des médecins : l’étude de cas cliniques.Les staffs hospitaliers et les discussions entre pro-fessionnels confirmés, les novices et les étudiants« au lit du patient » reposent sur ce principe. Dece point de vue, la méthode est familière aux par-ticipants. Cependant, les discussions sur l’étudede cas ne se limitent pas aux hypothèses diagnos-tiques, au traitement approprié et au pronostic d’é-volution de la morbidité, comme c’est le cas dansles instances évoquées ci-dessus.La pratique effective du médecin est questionnéedans sa globalité : son implication dans la relationau patient, son attitude de soignant, son orienta-tion au niveau des choix effectués, sa sélection desdéterminants de son action, ses affects, ses gestesprofessionnels…Les échanges prennent les formes de récits d’ex-périence, de questionnements, de débats, de juge-ments et de conseils.Le contenu des échanges porte préférentiellementsur l’évaluation des gestes du métier : l’acte deprescription et d’orientation, l’attitude relation-nelle face aux patients et aux confrères. Certainsgestes sont rarement discutés, notamment l’exa-men clinique et le diagnostic établi. Par contre, ladémarche présidant à l’établissement du diagnos-tic et l’attitude adoptée dans le suivi médical sontdeux axes particulièrement travaillés. A cetteoccasion, les déterminants de l’action sont systé-matiquement évoqués avec une prédominance desénoncés donnant accès aux satellites de l’action(Vermersch, 1994) : contexte de l’exercice, aspectrelationnel, règles du métier, savoirs validés par laprofession, savoirs de sens commun, les inten-tions, les buts, les jugements… Néanmoins, unnombre significatif de questionnement portant surle « comment » donne accès au « procédural »(Vermersch, 1994) : connaissances d’expérience,savoirs d’action, éléments de l’activité cognitive,protocoles de soin…

Enoncés de connaissances et processus de vali-dation

Les connaissances, dans leur dimension fortementsubjective, sont issues de constructions opéréesdans des espaces divers et sont au service de l’ar-gumentation lors des débats :• dans le cadre même de l’activité : il s’agit de

Page 41: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 41 •

connaissances liées à l’expérience professionnelle,elles portent sur le fonctionnement des patients,sur l’appréhension que le professionnel a de sonpropre fonctionnement, sur les ressources ducontexte, sur le fonctionnement du système desanté, sur l’efficacité et les effets indésirables destraitements et des examens, sur l’évolution de lamorbidité,• dans le cadre de la formation professionnelleinitiale ou continue : il s’agit plus particulièrementde connaissances qui s’appuient sur des savoirsconstruits scientifiquement, techniquement ou pro-fessionnellement. Elles portent plus particulière-ment sur les traitements (posologie et examenrecommandés pour un type de pathologie), la clas-sification des maladies, le fonctionnement biolo-gique. Ces connaissances constituent une preuveclinique extérieure disponible (Abbott 1988),• dans la vie en général : elles font référence à desinformations recueillies dans l’espace privé oupublic (presse non spécialisée, média, échangesavec des personnes appartenant à la sphère pri-vée…) et à des expériences personnelles. Elless’apparentent aux connaissances de « sens com-mun ».

Ces énoncés ont diverses fonctions : justificationde l’action, construction de sens, mise en éviden-ce d’un rapport aux savoirs, d’un rapport au soiprofessionnel et d’un rapport à la situation.Dans le débat, les connaissances construites empi-riquement sont mises en concurrence avec lesrecommandations et les règles professionnellesissues de savoirs construits scientifiquement.Nous retrouvons à cette étape le dilemme décritpar Schön, (1996) entre rigueur et pertinence.Deux formes de connaissances sont prioritaire-ment débattues, celles correspondant « auxsavoirs du métier » construites empiriquement etcelles liées « aux savoirs professionnels » à fortedominante intellectuelle. Certains participantss’appuient sur les règles et recommandationsissues de la recherche scientifique, qui leur ser-vent de régulateur dans la gestion du risque.D’autres s’y conforment dans la mesure où ellesleur semblent pertinentes pour le traitement duproblème, d’autres les confrontent systématique-ment aux connaissances construites au cours deleur expérience.Ces éléments permettent de saisir des logiquesdifférentes dans la construction de l’expertise desparticipants.Au terme du débat, certaines recommandations

ou règles professionnelles sont validées si lespraticiens jugent qu’elles sont adaptées auxsituations rencontrées : « testées » au cours del’exercice professionnel, ils valident leur fonc-tion opérationnelle pour la résolution du problè-me identifié. D’autres sont écartées, jugées nonpertinentes ou inadaptées à la pratique, la valida-tion porte alors sur les connaissances empi-riques. Les praticiens interrogent dans ce cas l’é-cart entre les recommandations nommées« savoirs procéduraux » dans la littérature (regis-tre du normatif) et l’action effective qui diffèredu prescrit.

L’énonciation de savoirs d’action

A partir des énoncés il a été également possibled’identifier des « savoirs d’action » en référence àla définition proposée dans l’ouvrage « les savoirsd’action » (2004) 14. Ils portent sur la composanterelationnelle de la pratique, sur la prise en comptedu mode de vie du patient dans la prescription, surl’implication du médecin dans la prise en charge,sur la nécessité d’une alliance thérapeutique pourgérer des suivis à haut risque de morbidité, sur lesgestes professionnels techniques, sur le position-nement professionnel dans le suivi de certainescatégories de patients.

Exemple d’un savoir d’action15

Méd. A (énoncé du cas) : J’ai vu une petite filled’un an et demi qui a été amenée par sa maman, lapetite tousse, elle a le nez qui coule, pas de fièvre.La mère me demande une ordonnance d’antibio-tique. Je n’ai pas prescrit l’antibiotique mais destrucs habituels pour une rhino.Méd. B : Il y a une étude qui montre que l’avis dupatient n’est jamais pris en compte dans la pres-cription d’antibiotiqueMéd. C : Moi je les testeMéd. A : Quoi !Méd. C : Oui, je leur demande leur avis sur laquestion, alors il y en a toujours qui répondent« c’est vous le docteur, c’est vous qui savez ».Mais de plus en plus, il y en a qui donnent leuravis. Ils argumentent, ils disent comment ilsréagissent. Je me rends compte qu’ils se connais-sent bien. Alors ça fait une base pour discuter.Parfois on négocie. Parfois je leur fais une ordon-nance en disant « prenez d’abord ça et s’il n’y apas d’amélioration au bout de cinq six jours alorsrappelez-moi ». J’ai observé que de toute façon le

Page 42: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 42 • Société Française de Médecine Générale

fait de prendre leur avis sur le traitement, ça lesimplique, il est mieux accepté et mieux suivi.J’ai aussi remarqué que les attitudes divergentselon les communautés. Par exemple dans la com-munauté malienne les parents ne sont pas deman-deurs de traitement pour leurs enfants alors quedans la communauté maghrébine ils le sont davan-tage.Méd. D : Oui j’ai remarqué la même chose, c’estculturel le rapport aux médicaments

Analyse de l’énonciation du savoir d’action

• Le contexte de l’énonciation :L’énonciation de la séquence d’action fait suite àun énoncé de portée très générale qui s’appuie surune étude scientifique. Le médecin prend la paro-le pour s’inscrire en faux par rapport aux résultatsde la recherche.• L’efficacité du savoir d’action est reconnu parson auteur-énonciateur, l’emploi du « je » et du« moi je » l’atteste, il manifeste sa conviction per-sonnelle et son engagement dans cette prise deposition. La justification de son efficacité s’appuiesur l’observation des incidences au niveau del’observance du traitement.Il y a volonté de la part du médecin de construireun échange : « discuter, négocier ». L’emploi del’impératif « prenez d’abord ça, achetez les anti-biotiques, prenez-les » montre que le médecingarde, malgré l’implication du patient, la maîtrisesur l’acte de prescription.• La portée du savoir d’actionIl généralise ce savoir d’action à l’ensemble desprescriptions médicales « de toute façon, le faitde » en le reliant à d’autres observations généralessur le rapport entre demande de traitement etappartenance culturelle.Cet énoncé de savoir d’action montre que le pra-ticien s’est construit une représentation fonction-nelle16 de ce type de situation fréquemment ren-contrée dans sa pratique :Certains patients demandent des prescriptionsd’antibiotiques non justifiées au regard de leurpathologie. Pour faire accepter la prescription, lepraticien juge nécessaire de recueillir des élé-ments sur la représentation que se font les patientsde la nécessité d’un traitement.L’action est jugée pertinente au regard de la situa-tion :Les patients ont une représentation personnelle del’efficacité du traitement qui est liée à leur cultu-re. Ils ont également des connaissances sur leur

façon de réagir face à la maladie et au traitement.Le médecin estime qu’il est nécessaire de s’ap-puyer sur ces éléments pour adapter ses actes deprescription.La prise en compte du point de vue du patient per-met de l’impliquer dans la démarche de soin, l’ac-te de prescription gagnant ainsi en efficacité : l’ob-servance du traitement est accrue (rappelons quela question de l’observance d’un traitement estrécurrente dans le champ de la médecine de ville,le patient étant non captif).L’énoncé permet de saisir le positionnement pro-fessionnel au regard de la situation (valeurs, atti-tudes, implication) :Le médecin ne se présente pas comme un expertimposant son savoir. S’il est détenteur d’un typede savoir qui lui permet de poser le diagnostic etde prescrire, il reconnaît aussi aux patients descompétences sur leur propre fonctionnement.

Ce savoir d’action est centré sur l’aspect relation-nel de la pratique : il s’appuie sur l’exploration dela conception du patient face à la prescription demédicament et sur une action de négociation pourl’adaptation du traitement. Il est représentatif de lapratique en soin primaire de la médecine de villequi doit tenir compte d’un accord a minima dupatient « non captif » pour l’observance de sontraitement.L’énonciation de ce type de séquences actionnel-les dans un Groupe de Pairs qui « joue le rôle d’untiers formalisant », permet la transformation des« représentations fonctionnelles de l’action » en« représentations discursives formalisantes del’action, ce qui correspond à un processus detransformation des pratiques […] en savoirs d’ac-tion » (Wittorski, 2004).

La construction d’un système d’expertise fondésur la pratique en médecine générale

Les résultats montrent que l’analyse de pratiqueseffectuée dans ce cadre permet la validation col-lective de connaissances opératoires pour la pra-tique quel que soit le domaine auquel elles se réfè-rent (expérientiel ou scientifique) et favorise l’é-nonciation de savoirs d’action. Ils mettent égale-ment en évidence l’absence d’énoncés de« savoirs professionnels » au regard de la défini-tion construite pour la recherche17.Ce constat s’explique en partie par les élémentsdécrits précédemment : pour les participants, lesenjeux de ces réunions sont différents de ceux des

Page 43: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 43 •

promoteurs sur la production de savoirs spéci-fiques et la modélisation des pratiques. En ce sens,les résultats de cette recherche sont en adéquationavec ceux produits par le « Groupe savoirs d’ac-tion » du CNAM sur les contextes d’énonciationet de production des savoirs : « Dans tous les cas,les énoncés de savoirs d’action supposent uncadre défini par d’autres acteurs que les sujetssupposés pouvoir les formuler. S’il en va ainsi,c’est probablement […] que l’énonciation est uneexigence non de la dynamique pragmatique […]mais de la dynamique sociale structurant le dispo-sitif » (Astier P., 2004).La démarche de conceptualisation des pratiquesn’engage pas nécessairement une activité de for-malisation des savoirs, les logiques sont distinctes.

La question de valoriser la pratique professionnel-le ou l’activité d’analyse de pratique en formali-sant des savoirs ne se pose pas dans les groupes depairs. Ce type de formalisation demande un travailspécifique qui nécessite des étapes de constructionconceptuelle outillée. La méthode utilisée ne per-met pas ce travail d’élaboration. Ce qui intéresseles praticiens dans ce cadre n’est pas le savoir ensoi mais son horizon (Beillerot J., 2002), c’est àdire sa finalité et son efficacité : les enjeux sesituent au niveau de l’utilité et de l’opérationnali-té des savoirs et des connaissances énoncés. Quelsque soient les espaces dans lesquels ils ont étéconstruits, ils ne prennent leur valeur qu’en tantqu’artéfact au service de l’activité et deviennentde nouveaux outils potentiels pour agir. Pris dans

Processus de construction d’un système d’expertise validé en analyse de pratiques18

Page 44: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 44 • Société Française de Médecine Générale

la logique de l’action, les participants travaillent àoptimiser leur efficacité en construisant un systè-me de référencement pertinent au regard de leuractivité autrement dit, un système d’expertiseconstruit sur la base de leur pratique en médecinegénérale.

Autres fonctions et effets de l’analyse de pra-tiques

L’analyse des discours produits par les partici-pants sur les traces de l’activité d’analyse de pra-tiques restituées par la recherche permet de mett-re en évidence certaines fonctions et effets identi-fiés par les participants.

Prise de conscience et mise en objet de l’activité

Le cadre du dispositif permet une confrontationdes points de vue sur les situations analysées etsur l’orientation donnée à l’activité. En ce sens,l’analyse devient un instrument d’action inter-psychologique et social productrice de dissonan-ces (Y. Clot, 2000), d’accords et de désaccords.Ces dissonances, utilisées comme ressources etnon comme jugement évaluatif sur la pratique despairs, permettent de saisir la dimension génériquede l’activité (référence aux codifications partagéesdans une communauté de pratique) et d’appréhen-der des manifestations de style (signature person-nelle du médecin garantissant l’efficacité de l’ac-tivité, elle s’inscrit selon Y. Clot (1999) dans leregistre de « la face cachée du travail »). En cela,l’activité de confrontation des pratiques permetaux participants d’accéder à leur propre fonction-nement et à ceux de leurs pairs. Ce qui intéresseles praticiens, c’est moins le résultat de l’actionque le raisonnement mis en œuvre pour y aboutir.(P. Falzon 1989). L’adressage du discours est undéterminant majeur pour la production de sens etl’émergence de conflits cognitifs conçus commeoccasion de développement (Y. Clot, 2000). Il per-met l’analyse de la situation avec mise à jour deséléments qui la caractérisent et donne ainsi accèsà la compréhension de l’activité. Il favorise égale-ment l’analyse de l’activité qui permet de saisirles éléments qui font sens pour le sujet (Pastré P.,1999). Cet adressage a pour incidence une mise àdistance du sujet par rapport à lui-même et à sonobjet, et engage une prise de conscience par leretour réflexif sur l’action « conscience avant/cons-cience après » (Vygotski, 1925).La prise de conscience peut être également attri-

buée à la mise à jour d’éléments routiniers dansles pratiques jugées efficaces par l’acteur (Y. Clot,2000). Cette mise à distance et prise de conscien-ce n’est pas sans effet sur l’évolution des pra-tiques. Ce processus est rendu possible par un tra-vail collectif d’analyse du traitement des cas pré-sentés qui permet :• l’identification des pratiques effectives,• la mise à jour des déterminants de l’action(contexte, positionnement professionnel, connais-sances mobilisées, démarche diagnostique,affects…),• le repérage de déviances possibles dues à l’exer-cice solitaire de l’activité,• l’autoévaluation des méthodes et des méthodolo-gies utilisées,• la construction collective et individuelle du sensde l’action,• le questionnement de certitudes construites surla base de l’expérimentation et des mécanismesroutiniers,• la résolution de problèmes,• l’échange d’informations, d’« astuces » ou deconnaissances utilisables sans transposition,• l’évaluation et la validation, sur des critères d’ef-ficacité et de pertinence au regard de l’action, desénoncés de connaissances et de savoirs d’actionconstruits au cours de l’expérience professionnel-le et des énoncés de savoirs validés par la profes-sion.

Evolution des pratiques

Sachant que d’une part il est très difficile de faireévoluer les pratiques par des injonctions et desrecommandations même si elles sont basées surdes critères légitimés par la science ou par deslogiques économiques et que d’autre part, il estcompliqué de saisir les fondements qui président àcette évolution tant du point de vue des profes-sionnels que des chercheurs, il a été possible aucours de cette recherche d’identifier l’intégrationde connaissances ou de savoirs d’action dans lesystème de référencement des participants. Cetteintégration atteste de la mise en œuvre d’une nou-velle façon d’agir, elle repose sur la validationcollective ou individuelle de ces savoirs fondéesur des critères d’efficacité et de pertinence auregard de l’action comme l’atteste le discours dece médecin : « Par exemple pour les angines, il ya les directives du ministère et de la CNAM, ellesreposent sur des critères économiques et scienti-fiques, elles visent à faire évoluer le comporte-

Page 45: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine Générale DRMG 63 - page • 45 •

ment des médecins. On en a parlé entre nous, onn’avait pas la même attitude. Moi, j’étais réticent.Mais le fait d’en discuter dans le groupe, que lescollègues m’expliquent comment ils s’y prennentet les résultats qu’ils ont, moi je sais que j’ai évo-lué, ils m’ont convaincu, j’ai considérablementréduit mes prescriptions d’antibiotiques ». Ilmontre que les praticiens valorisent l’expériencedes pairs et créditent leur argumentaire dans lamesure où il est fondé sur l’explicitation de la pra-tique et sur le jugement d’efficacité.

Effets en terme de construction de la profes-sionnalité

La participation à ces groupes permet :• le développement d’une attitude réflexive (déve-loppement de la capacité à communiquer sur lesactes professionnels et de la capacité d’analyse encours d’action et en rétrospection),• le renforcement de la personnalité professionnel-le (amélioration de la confiance en soi permettantun engagement dans des actions inédites pour l’ac-teur, d’où un élargissement du champ d’activité),• l’accroissement du niveau d’expertise (intégra-tion individuelle des connaissances et des savoirsvalidés par le groupe pour leur potentialité opéra-toire).

Aux dires des participants, ces effets sur la cons-truction du « soi professionnel » sont liés à diverséléments. Ils estiment que les discussions leur per-mettent d’accéder à une meilleure connaissancede leurs comportements en mettant en évidenceleur positionnement dans la démarche de soin,qu’ils peuvent parfois réviser à cette occasion. Lefait d’expliciter sa pratique, de mettre à jour lesdéterminants de l’action, de justifier leurs choix etleurs orientations est source de cohérence interne.Ce processus s’inscrit dans le registre de l’autoé-valuation nécessaire pour se situer dans une com-munauté de pratique. La référence aux pairs dansla construction du soi professionnel est indispen-sable. Le renforcement de ce sentiment d’apparte-nance n’est pas sans conséquence sur les attitudesprofessionnelles des médecins. La références auxpairs influence l’activité, elle fonctionne commeun tiers symbolique et à un effet de régulationdans l’espace de la pratique : « suis-je capable dedéfendre mon attitude face au groupe ? ».L’autoévaluation porte également sur le niveau deconnaissances à mobiliser face au traitementd’une situation. Lors des débats et des échanges

de connaissances les praticiens prennent cons-cience de leur degré de compétence et de leurniveau de connaissance sur le sujet abordé.

Pour conclure

La démarche d’analyse collective de l’activité dumédecin généraliste produit une intelligibilité surla pratique qui dépasse l’analyse du résultat desactions. Elle va au-delà de l’aspect descriptif dudiscours sur l’action, et surtout des modes pres-criptifs et évaluatifs qui fondent généralement cel-les de l’analyse du travail ou des formations« classiques » proposées par les organismes deformation continue. Ce processus formatif estproducteur d’incidences sur la pratique. Il s’agitdonc d’une activité permettant une transformationconjointe des sujets et des pratiques profession-nelles.Ce dispositif d’auto formation collective dans lechamp de la pratique médicale illustre « la facecachée de l’iceberg » de l’activité d’analyse depratique. Nombreux sont les praticiens qui dansdes domaines d’activité divers19 élaborent desméthodologies et des dispositifs en extériorité duchamp éducatif au sens strict. Fortement intégrésaux milieux du travail, ils sont empreints du carac-tère central des rapports sociaux, de la culture pro-fessionnelle et des logiques de professionnalisa-tion dans lesquels sont engagés certains secteursd’activité.

BibliographieABBOTT 1988 The System of Professions, University ofChicago PressASTIER P. Dans J.-M. Barbier, O Galatanu.2004. Les savoirsd’action : une mise en mot des compétences ? Paris,L’HarmattanBARBIER J.-M. et GALATANU O. (dir. publ.). 2004. Lessavoirs d’action : une mise en mot des compétences? Paris,L’HarmattanBEILLEROT J. 2002. « Le savoir, une notion nécessaire »,dans N. Mosconi, J. Beillerot, C. Blanchard-Laville (Dir.publ.) Formes et formation du rapport au savoir, Paris, PUFBERNADOU, A.1996. « Savoirs théoriques et savoirs pra-tiques. L’exemple médical », dans J.-M. Barbier. (dir. publ.),Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris, PUFBLIN J.-F. 1997. Représentation, pratiques et identité profes-sionnelle, Paris : l’HarmattanCARRE P. MOISAN A. POISSON D. 1997. L’autoformation.Psychopédagogie, ingénierie, sociologie. Paris, PUFCASTORIADIS C. 1975 L’institution imaginaire de la socié-té, Paris, SeuilCHARLOT B. 1997. Du rapport au savoir, éléments pourune théorie, Poche éducation, Paris, AntroposCLOT Y. 2000. « Analyse psychologique du travail et singu-

Page 46: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

DRMG 63 - page • 46 • Société Française de Médecine Générale

larité de l’action », dans J.-M. Barbier (dir. publ.). L’analysede la singularité de l’action, séminaire du CRF CNAM.Paris. PUFDEBRIS S. 2001. « Professionnalisation et analyse des pra-tiques en service social » dans Forum, recherche en travailsocial. N° 97 pp. 5-48DEBRIS S. 2002. « Identification et construction des savoirsprofessionnels par l’analyse des pratiques » dans Forum,recherche en travail social. N° 100 pp. 13-20DEBRIS S. 2004 « L’analyse de pratiques en médecine géné-rale. Enjeux de savoirs et savoirs en jeu » Education perma-nente N° 161Analyser la « face cachée des pratiques professionnelles » :auto-formation collective chez les travailleurs sociaux et lesmédecins généralistes, De l’analyse des pratiques profession-nelles en formation, Education-santé- travail social, Paris,Seli ArslanFALZON P. 1998. Ergonomie cognitive du dialogueGrenoble, PUGFREIDSON E. 1970. Trad. Fr. 1984. La profession médicale.Paris, Payot, coll. Médecine et sociétéMENDEL G. 1998, L’acte est une aventure, Paris LaDécouvertePASTRE P. 1999. « La conceptualisation dans l’action, bilanet nouvelles perspectives ». Education permanente, N° 139SCHON D.A. 1994. le praticien réflexif. A la recherche dusavoir caché dans l’agir professionnel. Montréal. EditionsLogiquesSCHON D.A. 1996 « A la recherche d’une nouvelle épisté-mologie de la pratique et de ce qu’elle implique pour l’édu-cation des adultes ». Dans J.-M. Barbier (dir. publ.). Savoirsthéoriques et savoirs d’action. Paris, PUF, p. 201-222VERMERSCH, P. 1994. L’entretien d’explicitation. Paris,ESFVYGOTSKI L.S. 1925-1985. Pensée et langage. Paris,Editions socialesWITTORSKI R. 2003. « Analyse de pratiques et profession-nalisation ». Dans C. Blanchard-Laville, D. Fablet (Dir.publ.). Paris, L’Harmattan, pp.69-89WITTORSKI R. 2004 « les rapports théorie-pratique dans laconduite des dispositifs d’analyse de pratiques ». Educationpermanente. N° 160, pp.61-70

Notes1 Titre de l’avant propos de l’ouvrage Le Praticien réflexifD.A. Schön, p11.2 Recherche effectuée dans le cadre d’un DEA « Formationdes adultes » au CNAM (2002-2004)3 Grilles d’exposition du cas clinique Groupe de Pairs SFMGcomplétées au cours des réunions par les participants4 Y. Clot, « analyse psychologique du travail et singularité del’action », in l’analyse de la singularité de l’action, séminai-re du CRF CNAM, Puf, 20005 C. Castoriasis, l’institution imaginaire de la société, Paris,Seuil, 1975, p. 1036 « Il faut ajouter à cela que le médecin clinicien travailleavec et contre le temps » A. Bernadou, 1996, p. 337 J.-F. Blin, (1997), Représentations, pratiques et identitésprofessionnelle, Paris, l’Harmattan8 D.A. Schön, (1996), « A la recherche d’une nouvelle épisté-mologie de la pratique et de ce qu’elle implique pour l’édu-

cation des adultes » in J.-M. Barbier, Savoirs théoriques etsavoirs d’action, PUF, pp. 201-2229 M. Detienne, J.-P. Vernant, (1989), les ruses de l’intelligen-ce. La métis chez les grecs, Paris, Poche Champ Flammarion,p 4410 B. Charlot, Education permanente, N° 47, p. 1311 La Société Française de Médecine Générale, société savan-te à statut associatif dont les membres sont des médecinsgénéralistes exerçant dans le cadre libéral ou salarié.Reconnue par le conseil de l’ordre, elle recense actuellementprès de 500 adhérents. Elle entretient un travail de partenariatavec différentes instances officielles : INSERM (InstitutNational de Santé Publique), RNSP (Réseau National deSanté Publique), la MIRE (Mission Inter-ministérielle pour laRecherche et l’Expérimentation), la CNAMTS (CaisseNationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés)12 R.N. Braun, épistémologue autrichien exerçant la médecinegénérale dans les années 50, qui à partir de sa propre pratiquea construit une théorie professionnelle : la reproductibilité desfréquences de répartition des cas cliniques en quatre classesd’états morbides identifiés, le symptôme, le syndrome, lestableaux de maladie et le diagnostic certifié13 Il ne s’agit pas de situations choisies et porteuses à priori desens pour les sujets comme c’est le cas dans certaines métho-dologies proposées en analyse de pratiques, le traitement dessituations analysées est donc moins marqué de charges affec-tives et de résonances identitaires14 « énoncés relatifs à la génération de séquences actionnel-les construites et considérées comme efficaces par leursauteurs-énonciateurs eux-mêmes. » p. 15 Ce « savoir d’action » a été analysé en référence à la grilleconstruite dans l’ouvrage cité16 La représentation fonctionnelle est constituée des liens quele praticien effectue entre l’arena (la situation en soi) et lesetting (la signification que le praticien accorde à la situation)qui fondent son engagement dans l’action. (R. Wittorski,2004)17 Définition du savoir professionnel : Enoncé propositionnel,exprimé sous forme de jugement porté en terme d’efficacité,de pertinence, de cohérence sur des connaissances construi-tes au cours de l’activité professionnelle, ces dernières ayantfait l’objet d’une configuration et d’une validation par leursauteurs-énonciateurs à partir de la mise en relation des repré-sentations de règles professionnelles stabilisées avec desreprésentations de la singularité des situations et des actesprofessionnelsCet énoncé revêt un caractère de généralisation et prend laconfiguration de règles, de normes, de recommandations etde conduites à tenir pour une et/ou des classes de situationIl est validé par un groupe professionnel dans un contexte età une époque donnés, il dépend de ce fait de la rhétorique etde la stratégie de professionnalisation du groupe18 Schéma construit sur la base des résultats de la recherchenovembre 2004 (S. Debris)19 A l’occasion de recherches précédentes (voir publicationsrevue Forum) dans le champ du travail social portant sur undispositif similaire nous avons eu connaissance d’autres typesde dispositif conçus par des enseignants, des psychologues dutravail, des orthophonistes, des psychomotriciens, des psychia-tres, des directeurs d’établissement, des bibliothécaires…

Page 47: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

BULLETIN D'ADHÉSION À LA SFMG

Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Code Postal : . . . . . . . . . . . . . . . . Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Tél : . . . . . . . . . . . . . . . . . Fax : . . . . . . . . . . . . . eMail : . . . . . . . . . . . . . . .

Adhère à la SFMG en qualité de :

� Membre Titulaire* soit 150 €� Membre Associé soit 60 €� Étudiant** soit 30 €� Retraité soit 60 €� Membre correspondant*** soit 60 €

Le montant comprend l’adhésion et l’abonnement aux publications de la SFMG et del’OMG

Joindre une photocopie de la carte professionnelle pour la première adhésion(sauf membre correspondant)

� Je joins un seul chèque de : . . . €, pour l’année en cours.

� J’autorise la SFMG à prélever le montant de ma cotisation annuelle etje remplis une autorisation de prélèvement****.

Date : / / Signature (et cachet)

SFMG141, avenue de Verdun - 92130 Issy Les Moulineaux

Tél. : 01 41 90 98 20 - Fax : 01 41 90 07 82

* En 1993, l’Ordre National des Médecins a reconnu la mention « Membre Titulaire de la Société Française deMédecine Générale » comme une mention autorisée sur les ordonnances médicales, au titre de l’appartenan-ce à une société savante. Si vous voulez devenir membre titulaire de la SFMG, contactez la SFMG ou rendez-vous sur son site.

** Joindre une photocopie de la carte d’étudiant de l’année en cours.

*** Les membres correspondant sont des personnes non médecin généraliste, dont l’adhésion est soumise àaccord de la SFMG selon les statuts.

****Un exemplaire d’autorisation de prélèvement peut être téléchargé sur le site internet de la SFMG, à l’adressesuivante : http://www.sfmg.org/liens_contacts/bulletin_adhesion2004.doc

Page 48: Française Société de Médecine Générale - sfmg.org · ment par la Haute Autorité de Santé le 18 ... • Le médecin aura acquitté les frais de dossier et de ... Générale

Société Française de Médecine GénéraleSociété Savante

141, avenue de Verdun - 92130 Issy Les MoulineauxTél. : 01 41 90 98 20 - Fax : 01 41 90 07 82e-mail : [email protected] • http://www.sfmg.org

O.N.G. agréée auprès de l’O.M.S.

Représentant la France à la WONCAWorld Organisation of National Colleges,

Academies and Academic associations of General Practiners 1675

07