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1 Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012 GREENPEACE MEMBER 2012, Nº  3 La production d’acier détruit la forêt vierge p. 40 DOSSIER: Éducation à l’environnement p. 11–37 Entretien avec Frank Rühli, spécialiste de l’évolution p. 22 L’Arctique, une région à protéger p. 38 Reportage en Italie: Axpo, Alpiq & C ie et les centrales à gaz p. 50

Greenpeace Switzerland Magazin 3/2012 FR

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La production d'acier détruit la forêt vierge

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1Magazine GreenpeaceNº 3 — 2012

g r e e n p e ac e M e M B e r 2 0 1 2 , nº   3

— La production d’acier détruit la forêt vierge p. 40

DOSSIER: Éducation à l’environnement p. 11–37Entretien avec Frank Rühli, spécialiste de l’évolution p. 22L’Arctique, une région à protéger p. 38Reportage en Italie: Axpo, Alpiq & Cie et les centrales à gaz p. 50

Éditorial — L’éducation à l’environnement: le thème de ce dossier n’est à première vue pas forcément très percutant. L’idée est bien sûr de présenter le travail de Greenpeace dans ce domaine, mais aussi de montrer comment l’environnement nous façonne et nous apprend des choses sur nous-mêmes, comment l’écologie influence notre façon d’être au monde.

Ce travail d’initiation à l’environnement est-il vraiment nécessaire? Faut-il suivre un cours pour faire le bon choix écologique? Au Brésil, la population opte à 80% pour la protec-tion de la forêt pluviale, sans avoir suivi d’atelier… La valeur inestimable des ressources naturelles est clairement ressentie par la population brésilienne. Les autochtones du Nord-Est brésilien savent qu’il faut défendre la forêt amazonienne – contre l’accaparement des terres, l’esclavage et la coupe illégale de bois, notamment pour les besoins de l’industrie de l’acier.

Malheureusement, les autorités ne prennent pas les déci-sions nécessaires. Notre reportage photographique dévoile un aspect jusqu’ici méconnu de la déforestation (lire en p. 40).

En Suisse, les politiques ont certes décidé la sortie du nu-cléaire. Mais ils en profitent pour promouvoir les projets de grandes centrales à gaz, qui continuent de bloquer les inves-tissements dans les énergies renouvelables. C’est ainsi que les trois entreprises suisses Alpiq, FMB et EGL (une filiale d’Axpo Holding) interviennent dans le business du gaz naturel en Italie. Pays où il est plus facile, et hautement profitable, d’imposer de nouvelles centrales à gaz – souvent contre la volonté de la population (voir p. 50).

Greenpeace relève le défi en lançant, cet automne, l’initiative pour l’efficacité énergétique, avec d’autres associa-tions écologistes et économiques (p. 59). Grâce à la votation, la population pourra charger le Conseil fédéral et le Parlement de garantir une production durable d’énergie, excluant le nucléaire et les centrales à gaz.

S’il y a un symbole d’une production inefficace et irres-ponsable, c’est bien l’extraction de gaz naturel et de pétrole en Arctique. Shell se prépare à extraire du pétrole dans l’océan Arctique, menaçant le dernier écosystème intact de la planète. Préserver l’espace naturel du pôle Nord, voilà une urgence que tous devraient comprendre, quel que soit leur niveau de formation à l’écologie!

Greenpeace demande à l’ONU d’édicter les bases légales de la protection de l’Arctique. Soutenez nos efforts!

La rédaction

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eessai photographique produire L’acier de noS 40 voitureS ravage La ForÊt BrÉSiLienne Dossier

Éducation 11 À L’environneMent

LeS acteurS d’une ÉvoLution ÉcoLogiQue 12 La MaiSon de paiLLe: 16 une ancienne tecHniQue redÉcouverte FranK rÜHLi: La Survie de L’eSpÈce 22 HuMaine n’eSt paS une QueStion de Force LeS aLpeS: un tHÉÂtre natureL 27 art et nature danS L’eSpace puBLic 32 greenpeace et L’Éducation À 34 L’environneMentreportage proJetS SuiSSeS de centraLeS 50 À gaz en itaLie Gaz naturel en SuisseLE GAZ, MAUVAIS CHOIX POUR REMPLACER LE NUCLÉAIRE 57

efficacité énergétiqueINITIATIVE EN PRÉPAR ATION 59 MicropolluantsDES POLLUANTS MINUSCULES QUI INFESTENT LES EAUX 61

en action 02avant-propos de la direction 10La carte 38Campagnes 64Brèves 69Mots fléchés écolos 72

MENTIONS LÉGALES greenpeace MeMBer 3/2012Éditeur / adresse de la rédaction, Greenpeace Suisse, Heinrichstrasse 147, Case postale, 8031 ZürichTéléphone 044 447 41 41, téléfax 044 447 41 99 [email protected], www.greenpeace.chChangements d’adresse: [email protected]

Équipe de rédaction: Tanja Keller (responsable), Matthias Wyssmann, Hina Struever, Roland Falk, Marc Rüegger Auteurs: Mathias Balzer, Roland Falk, Bernadette Fülscher, Markus Gerber, Simon Helbling, Ruth Jahn, Rolf Jucker, Françoise Minarro, Thomas Niederberger, Kuno Roth, Mathias Schlegel, René WorniPhotographes: Rodrigo Balèia, Stephan Bösch, Noé Cauderay, Bernadette Fülscher, Tabea Hüberli, Marizilda Cruppe, Thomas Schuppisser, René WorniTraduction en français: Nicole Viaud et Karin VogtMaquette: Hubertus DesignImpression: Stämpfli Publikationen AG, BernePapier couverture et intérieur: 100% recycléTirage: 113  500 en allemand, 21  500 en françaisParution: quatre fois par annéeLe magazine Greenpeace est adressé à tous les adhérents (cotisation annuelle à partir de CHF 72.—). Il peut refléter des opinions qui divergent des positions officielles de Greenpeace.

Pour des raisons de lisibilité, nous renonçons à mentionner systématiquement les deux sexes dans les textes du magazine. La forme masculine désigne implicitement les personnes des deux sexes.

Dons: compte postal: 80-6222-8Dons en ligne: www.greenpeace.ch/donsDons par SMS: envoyer GP et le montant en francs au 488 (par exemple, pour donner CHF 10.—: GP 10)

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France, 2 mai 2012 Signal de fumée Le risque d’attentat terroriste est réel pour la centrale nucléaire du Bugey: c’est ce que rappelle la fumée rouge lâchée par le deltaplane motorisé d’un militant Greenpeace.

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Mauritanie, 5 mars 2012 Les dérives du grand capital au large de la Mauritanie, un billet de banque sur-dimensionné sur la coque du chalutier géant Maartje Theadora: des militants Greenpeace dénoncent le subventionnement par l’Ue de la surpêche dans les eaux africaines.

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Mexique, 22 mars 2012 Une écume mortifère «Fleuves mexicains, fleuves toxiques»: à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, les banderoles brandies par les militants Greenpeace sous les chutes de Juanacatlán appellent les autorités à protéger les eaux. Le Santiago compte parmi les fleuves les plus pollués du pays.

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Japon, 16 avril 2012 Une population en colère Devant le siège de la préfecture de Fukui, des mani-festants demandent à Yukio edano, ministre du Commerce et de l’industrie, de renoncer à la remise en service de deux réacteurs de la centrale nucléaire d’ohi. réputés peu sûrs, les réacteurs étaient à l’arrêt depuis le tsunami de 2011.

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Agir par soi-même face au

défi environnemental

Saviez-vous que plus de 10 000 jeunes ont participé à la pose de panneaux solaires avec Greenpeace à travers la Suisse? Que de jeunes Africains apprennent à produire de l’énergie solaire avec l’aide de Greenpeace? Que notre programme de visites d’écoles fait œuvre de pionnier?

Pour qui souhaite s’engager en faveur de l’environnement ou lutter contre l’injustice, Greenpeace constitue un réel appui. Notre approche est d’habiliter les gens à agir par eux-mêmes.

Il y a trois ans, Linus, un ingénieur en sciences de l’environnement de 32 ans, créait sa propre entreprise. Aujourd’hui ses pan-neaux solaires trouvent facilement preneur sur le marché. Or c’est bien avec Greenpeace que Linus s’est découvert une passion pour la photovoltaïque. Son service civil au sein du Projet Solaire Jeunesse avait été l’occasion pour lui de monter des installations solaires sur plusieurs bâtiments publics.

Ou encore Annemarie, 45 ans, laborantine de formation. Désormais fortement engagée dans le mouvement anti-nucléaire, elle avait suivi le cycle de formation «accélérateur de particules» de Greenpeace. C’est dans ce cadre qu’elle s’est approprié la théorie et la pratique des mouvements sociaux, et qu’elle a ren-contré des interlocuteurs. Un engagement qui lui a permis de contribuer au lancement de la mobilisation «Sortons du nucléaire».

Autre exemple: Lars, un écolier de 14 ans, était passionné de photographie. Un jour, sa classe reçoit la visite des bénévoles de Greenpeace. La centaine de visites scolaires organisées chaque année est l’occasion pour les élèves d’exprimer leurs préoccupations. Greenpeace répond à leurs demandes en four-nissant des instruments pour l’action. L’idée est d’amener les jeunes à agir contre les dys-fonctionnements qu’ils constatent. Mais que faire concrètement? Ce sont les jeunes qui tranchent. La classe de Lars a décidé d’orga-niser une exposition sur des thématiques environnementales. La contribution de Lars?

La photographie, évidemment. Aujourd’hui, il est souvent présent pour immortaliser les événements des groupes de jeunes de Greenpeace.

Chez Greenpeace, l’éducation à l’envi-ronnement n’est ni une activité annexe ni une perspective fantaisiste. Au contraire: les efforts de Greenpeace sont en passe de se concrétiser dans les plans d’études officiels, sous la forme de l’éducation au développe-ment durable. Cette branche permettra aux élèves de réfléchir à leur situation de vie et de s’impliquer dans l’aménagement de leur environnement. Des visées qui sont au cœur de la démarche de Greenpeace depuis ses débuts.

Le monde a besoin de personnes qui s’engagent, qui osent emprunter des voies inhabituelles et prendre des risques. Une atti-tude que l’on retrouve aussi chez le collectif lausannois «Straw d’la Bale», dont nous rela-tons l’expérience dans ce numéro du maga-zine. Rien à voir avec Greenpeace à première vue, mais la démarche nous séduit. Si la maison de paille est aujourd’hui détruite, le collectif qui l’a réalisée s’est inscrit dans l’histoire de la ville en formulant de nouveaux standards écologiques.

L’esprit d’initiative, le courage et le collec-tif – voilà ce qu’il faut pour bâtir l’avenir. L’éducation à l’environnement telle qu’elle est pratiquée par Greenpeace contribue au chan-gement de société que nous espérons tous.

Verena Mühlberger et Markus Allemann, co-direction de Greenpeace

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L’HoMMe, ÉLÉMent d’une nature

Qu’iL FaÇonneLes êtres humains que nous sommes sont-ils dans ou hors de la nature? Faisons-nous partie de la nature ou lui sommes-nous étrangers, voire supérieurs? La nature est-elle «assujettie» à l’homme, comme le dit la Bible? Même dans ce cas de figure, le roi est fait de la même matière que ses sujets…

L’humanité comme partie intégrante de la nature, voilà un credo qui fait l’unanimité parmi les écologistes. Mais comment alors revendiquer que l’homme protège l’environnement, qu’il sauve la planète, comme s’il était un être supérieur?

S’intéresser à l’insertion de l’homme dans un envi-ronnement qu’il façonne, c’est aussi se demander ce que l’homme peut apprendre sur lui-même en enseignant l’environnement. L’éducation à l’environnement, voilà un domaine de prédilection pour Greenpeace. Mais nous abordons aussi le tournant écologique qui s’incarne dans de nouvelles professions et dans des formes renouve-lées de coopération. ou encore les changements environ-nementaux qui deviennent des facteurs d’évolution. et nous nous intéressons au vécu d’artistes en haute montagne, qui constatent que l’impact de la nature sur eux-mêmes est bien plus fort que celui qu’ils exercent généralement sur le public. autant d’expériences qui sont des jalons de l’évolution écologique de l’espèce humaine.

Nous façonnons la nature, mais elle nous influence à son tour. en étudiant et en enseignant l’environnement, c’est aussi nous-mêmes que nous apprenons à mieux connaître. Nous apprenons notamment si nous voulons agir avec l’environnement ou contre lui.

[ p. 16 ][ p. 22 ]

[ p. 27 ]

[ p. 12 ]

[ p. 34 ]

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Munis de vêtements de protection, les enfants découvrent les mystères de l’apiculture.

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9–15Jeunes

apiculteursLe bonheur est dans

la ruche

Par Roland Falk — aux Grisons, le projet «Flugschnaisa» initie les enfants à la biologie des abeilles et à l’importance de l’apiculture.

au bord de la forêt de rhäzüns, la commune productrice d’eau minérale, une vingtaine d’enfants vêtus de combinaisons quasi lunaires se rassemblent autour de Gion Grischott. C’est l’un des sept animateurs bénévoles du projet. La protection vestimen-taire est très efficace, souligne- t-il: «Nous n’avons jamais eu d’enfant piqué par une abeille.»

Lancé en 2010 par deux asso-ciations d’apiculture de la région de Coire, le projet «Flugschnaisa» entend familiariser les enfants avec les abeilles. L’idée rencontre un grand écho et suscite des vocations durables: la moitié des enfants ayant suivi la formation de neuf jours dans le cadre du pro-jet continue ensuite de s’occuper des abeilles. «Ce sont en majorité des filles», précise Gion Grischott.

C’est ainsi que Madleina est devenue une jeune experte. elle connaît les dangers du varroa, cet acarien parasite importé d’asie du Sud-est et qui décime les colo-nies: «Le varroa suce le sang des abeilles», explique-t-elle. Les cours ont lieu dans une cabane. Sur le mur, un panneau d’information rappelle que l’abeille à miel n’est que l’une des quelque 12 000 espèces connues à travers le monde. et qu’une seule ruche peut abriter jusqu’à 50 000 individus. «La reine peut atteindre cinq ans d’âge et ne fait que pondre des œufs», dit Madleina.

Dario, un autre enfant passion-né par les abeilles, a étudié de près leurs habitudes de vie. «avant de butiner le nectar des fleurs, les abeilles doivent construire des rayons, nourrir les larves ou en-

core surveiller l’entrée de la ru-che.» La durée de vie des abeilles d’hiver peut aller jusqu’à six mois, tandis que les abeilles d’été ne vivent que trois semaines: «elles sont usées par le travail du butinage.»

Les enfants apprennent de manière ludique. «Notre vocation n’est pas de leur inculquer le maxi-mum de connaissances», relate Urs Nutt, initiateur du projet et président de l’association d’apicul-ture de Coire et des environs. «Les enfants sont invités à réflé-chir, à s’intéresser à la nature et à choisir une belle activité de loi-sirs.» Pour lui, son engagement s’inscrit dans une perspective d’avenir: «en Suisse alémanique, il existe environ 120 000 colo - nies d’abeilles. or les apiculteurs plus âgés peinent à trouver une relève.» Les enfants réunis à rhäzüns ont compris l’importance cruciale des abeilles, qui inter-viennent dans la production d’un tiers de l’ali mentation de la popu-lation mondiale.

Le cabanon commence à sen-tir la fumée: c’est oskar Casanova, un sympathique grand-père, qui enfume une des ruches. C’est de cette manière qu’il calme une colonie récemment domestiquée. «La reine est morte lors du vol de fécondation, il n’y a donc pas d’œufs.» C’est pourquoi oskar Casanova y introduit la reine d’une autre population d’abeilles. Une opération risquée: «Si la nouvelle reine n’est pas acceptée, elle est tuée par les abeilles.» Mais tout se passe bien, les enfants sont rassurés après quelques minutes. Pour terminer la journée, ils ont l’occasion de gratter un rayon rem-pli de miel avec une cuillère. «Un vrai délice», commente Madleina, avec un immense sourire.

Pour toute information complémentaire, contactez [email protected], www.flugschnaisa.ch.(Voir pétition sur la protection des abeilles, page 65)

ans

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31Manuel Heim,

installateur solaire et ingénieur

«Ce qui compte, c’est l’expérience.»

23aline Kana,

technicienneLe Cameroun à l’heure

du solaire

Manuel Heim, 31 ans, travaille dans la planification de projets et l’as-sistance technique chez Soltop, à elgg (ZH). Ce printemps, il a suivi une formation continue à Wattwil (SG) pour devenir installateur solaire diplômé. «C’est une bonne expérience, j’ai apprécié les échanges avec les collègues», dit-il. D’abord jardinier paysagiste de formation, il fait ensuite des études d’ingénieur en environnement à la HeS de Wädenswil (ZH), avec option «énergies renouvelables». Depuis, il travaille dans la photovol-taïque.

La formation continue d’ins-tallateur solaire dure six mois et peut se faire en cours d’emploi. «Les cours étaient malheureusement un peu superficiels, il aurait fallu da-vantage de temps», estime Manuel Heim, qui dit avoir tout de même profité des enseignements. Le sec-teur est en pleine mutation. «Les exigences se multiplient», constate-t-il. or il n’existe pas de disp osi-tions uniformes en matière de police du feu ou d’assurance immo-bilière. La formation permet d’as similer les évolutions les plus récentes et de «mieux comprendre le business du solaire». Mais Manuel Heim relève qu’en Suisse le métier ne possède pas le statut dont il jouit notamment en alle-magne: «ici, nous ne sommes pas vraiment reconnus comme experts».

Ce qui compte, c’est l’expé-rience, qui ne s’acquiert que par la pratique. au niveau politique, il faudrait davantage promouvoir les renouvelables et définir des condi-tions claires. Mais Manuel Heim est convaincu de son choix: «Contri-buer au tournant énergétique, c’est ce qui me fait avancer.»

Lucien Willemin est un ancien entrepreneur et un militant. Depuis 2009, ce Neuchâtelois de 43 ans donne bénévolement des conféren-ces sur la désinformation en ma-tière d’écologie et sur l’importance de l’énergie grise. Plus de 5500 jeunes et adultes ont eu le privilège de le voir à l’œuvre.

il présente son engagement de la façon suivante: «L’accès très tôt à de belles responsabilités professionnelles m’a accordé une expérience de vie riche en ren-contres et en voyages. Je désire maintenant partager cet élargisse-ment de conscience avec toutes les personnes qui croisent ma route et notamment avec les jeunes. afin qu’ils développent un esprit critique et soient autonomes dans l’analyse des informations envi-ronnementales qu’ils reçoivent quotidiennement. Certaines réalités ne sont pas perçues. Comme ces deux exemples: le chauffeur d’une ancienne 4x4 pollue moins que celui qui change régulièrement ses voitures neuves, même hybrides! ou encore: aller à pied plutôt qu’en voiture ne suffira pas, il y a d’autres gestes bien plus importants. No-tamment tous ceux qui permettent de réduire l’énergie grise liée à la consommation.

Pour le comprendre, il faut se renseigner sur l’industrie mondiali-sée qui fabrique tous les objets inutiles qui encombrent nos armoi-res. Un changement de mode de vie est indispensable pour sortir de l’ornière. Car la technologie à elle seule ne suffira pas. Le public doit comprendre les conséquences de ses actes. il est donc urgent d’ouvrir les esprits du plus grand nombre à une vision plus large!»

Lucien Willemin est né en 1968 à Saignelégier (JU). en 1991, il

«Je suis fière de notre succès: le dispensaire de Kouamb est désor-mais en mesure de stocker ses médicaments, et les enfants s’éclai-rent le soir pour finir leurs devoirs grâce à l’énergie solaire», déclare aline Kana. Cette Camerounaise de 23 ans participe bénévolement à la «caravane du climat», un projet officiellement intitulé «organisa-tion et développement des commu-nautés».

Diplômée en sociologie, aline est l’une des vingt personnes qui ont bénéficié d’une formation en technique solaire ou en «com-munity training» dans le cadre de la caravane du climat. C’est aussi une perspective professionnelle qui s’ouvre ainsi à elle. Car le travail rémunéré est chose rare dans les villages du Sud-est camerounais. Dans un contexte où l’eau potable et la médecine de premier recours font défaut, aline a changé la vie des gens. en distribuant, avec son équipe, 250 lampes de poche, 350 lanternes et 160 postes de radio alimentés à l’énergie solaire. et en organisant la pose de 34 instal-lations solaires fixes.

aline est heureuse de voir que la population retrouve le sourire. elle espère faire connaître la cara-vane du climat à travers tout le Cameroun.

Pour retrouver aline et la caravane du climat sur le net: www.greenpeace.ch/ klimakarawane

43Lucien Willemin,

conférencier écologiste

«Stimuler l’esprit critique chez les jeunes»

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devient directeur des achats dans une entreprise horlogère. Quatre ans plus tard, il fonde une société de promotion immobilière avec un associé. ils réaliseront plus de 600 objets en l’espace de treize ans avec une volonté d’excellence dans le domaine environnemental. Pour ses 40 ans, il prend sa retraite et consacre son temps à l’envi-ronnement. en plus de ses confé-rences, il est membre de la Com-mission d’urbanisme de La Chaux-de-Fonds et de la Commis-sion cantonale de l’énergie de Neu-châtel. il est aussi actif sur le plan culturel au sein du comité de direc-tion et du conseil de fondation d’arc en Scènes (Centre neuchâte-lois des arts vivants).

90B. Stricker,

protectrice de l’environnement et

de la natureL’engagement n’a pas d’âge

ans

À 90 ans, Mme Stricker ne démord pas de son engagement pour la nature et les animaux. interviewée par Greenpeace, elle affirme qu’il lui est impossible de rester les bras croisés face à la destruction de l’environnement. Son entourage n’est pas très écologiste. L’existence de Greenpeace compte d’autant plus pour elle.

Ses convictions, elle les énonce clairement quand il s’agit de défendre les plus faibles ou de dé-noncer les injustices. S’il le faut, Mme Stricker n’hésite pas à critiquer les gardes forestiers, les chasseurs ou les paysans. Cette passionnée de jardinage pratique un mode de vie durable et soutient les asso-ciations qui rejoignent ses préoccu-pations. Du contact avec la nature, elle retire bonheur et sérénité.

il y a vingt ans, elle et son mari achetaient une maison à la campagne, pour être plus près de la nature. Depuis, milans et buses, hérissons, renards et blaireaux sont les visiteurs bienvenus de son grand jardin naturel. Toutes sortes d’oiseaux nichent dans les arbres et les buissons, égayant les envi-rons de leurs gazouillis. en autom-ne, Mme Stricker leur permet de picorer le cerisier et la vigne proche. «il faut que les oiseaux prennent des forces pour leur migration hiver-nale», dit-elle.

Le jardin est aussi pour Mme Stricker le moyen de rester en bonne santé physique et mentale. il y a toujours quelque chose à faire, au milieu des arbres et des prés couverts de fleurs sauvages. Pren-dre soin des animaux, mais aussi des plantes et des herbes qui foi-sonnent: lavande, sauge, pavot, thym, lys, bougainvillier… Même l’ortie a sa place et son utilité, sous forme de tisane.

C’est une véritable oasis qu’a créée Mme Stricker. Un refuge idyllique pour la faune, bestioles et insectes compris. ici, la protection de l’environnement et de la nature, c’est vraiment la porte à côté.

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«Excusez-moi, le service des parcs et des domaines, c’est par où?» Je m’adresse à une dame âgée, qui finit par se rappeler: «Ah, c’est près de la maison de paille!» Je suis à la recherche d’un bâtiment administratif lausannois très particulier: une petite maison de deux étages, faite de bottes de paille. Située à l’avenue du Chablais 46 et dénom-mée ECO46, elle est ouverte depuis juin dernier. Davantage qu’une maison, c’est tout un concept: «Moi, les bottes de paille, cela ne m’intéresse pas particulièrement. Il s’agit simplement de construire de manière écologique, avec les meilleurs matériaux disponibles localement», dit Elsa Cauderay, architecte impliquée dans le projet. On sent que l’intérêt des médias la dérange un peu. «Ce qui compte, c’est le mode de construc-tion, la vision qui sous-tend le chantier, les personnes qui s’y associent.»

Jusqu’en 2007, personne ou presque ne connaissait la paille comme matériau de construction en Suisse romande. Si la situa-tion a bien changé depuis, le mérite en revient au collectif «Straw d’la Bale».

Quand une viLLe

dÉcouvre L’aMour de La

paiLLe Par Thomas Niederberger

Lausanne s’offre un projet pas comme les

autres, en réinventant la pédagogie environ-

nementale sous le signe de la participation.

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L’expérience de la maison de paille sera très utile pour la construction prévue d’un écoquartier.

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Pour ces deux artisanes indépendantes, la maison de paille est un défi professionnel motivant.

Le maniement de l’argile et de la paille, c’est tout un savoir-faire de construction qui est redécouvert.

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Derrière le centre culturel Espace auto-géré, sur un terrain appartenant à la ville de Lausanne, le petit groupe avait construit une maison de paille qui était un modèle d’écologie. Sans demander d’autorisation. Les médias s’y intéressaient, car le projet polarisait. Les autorités de la ville exigèrent la démolition du bâtiment, mais se heurtè-rent à de vives oppositions. Quelques mois plus tard, un incendie criminel mit pourtant fin à cette «expérience sauvage», selon les termes d’un communiqué de presse de la ville. L’expérience aura cependant une suite: le Conseil communal décide d’exa-miner la possibilité de construire une maison de bottes de paille. Décision aujourd’hui aboutie.

Projet pilote à visée pédagogique«Le climat intérieur est très agréable.

Et pour se chauffer en hiver, un petit poêle à bois suffit», explique Yann Jeannin. Au sein du SPADOM (Service des parcs et domaines), cet ingénieur en génie civil est responsable d’ECO46. La maison de paille abrite son nouveau bureau. Au rez-de-chaussée, la petite salle de réunion dégage une bonne odeur de terre. «Notre visée est pédagogique: montrer qu’il est possible de construire une maison faite de maté-riaux locaux, qui ne consomme pratique-ment pas d’énergie.» L’argile, la paille et le bois de hêtre pour les poutres proviennent des exploitations agricoles et des forêts de la Municipalité, gérées par le SPADOM. Tout n’a pas été facile. Car les artisans et les entreprises ne savent plus manier ces matériaux. Les murs de bottes de paille à l’extérieur, les murs d’argile à l’intérieur et le crépi d’argile ont été réalisés sur le mode du «chantier participatif». C’était l’occa-sion pour les artisans intéressés de s’initier à ces techniques anciennes. «Ce n’est pas un simple projet de marketing», explique Yann Jeannin. «Car l’administration de la ville prévoit la construction d’un grand éco-quartier. L’expérience d’ECO46 sera très utile.» Pour l’instant, aucune autre construc-tion de paille n’est à l’étude, mais la com-munication a été soignée, et l’idée fait son chemin.

Au premier étage, deux bureaux et un espace de travail ouvert. Au rez-de-chaus-sée, une grande salle de réunion et une cafétéria pour le personnel, une cuisinette équipée d’un four à micro-ondes et d’une machine à café à capsules d’aluminium. Une exposition de photos documente la con struction. Les meubles en bois ont été fabriqués par le personnel technique de la Municipalité. Les toilettes sèches, pièce maîtresse du collectif d’architecture CArPE, ne semblent pas encore vraiment utilisées.

Planifier et construire en collectifLe collectif d’architecture participative

et écologique, ou CArPE, est à l’opposé de la figure traditionnelle de l’architecte qui visite son chantier en costume-cravate en donnant des ordres aux ouvriers. Au CArPE, pas de chef, pas d’autorité, mais un système de tournus qui permet à chaque membre de s’impliquer dans les travaux. Ce sont des architectes qui n’ont pas peur de se salir les mains et enseignent eux-mêmes aux arti-sans ces techniques inhabituelles. «Ce qui compte pour nous, c’est l’organisation du chantier», dit Julien Hosta. Avec Elsa Cau-deray et deux autres architectes, il est membre du collectif CArPE, qui a planifié et réalisé ECO46. Les artisans indépen-dants apprécient la bonne ambiance sur le chantier et le savoir-faire tout à fait nova-teur du collectif. Et la qualité des construc-tions réalisées séduit. «Nous aimerions que les gens se parlent sur le chantier, qu’ils partagent leur savoir-faire, sans rapport de concurrence», ajoute Elsa Cauderay.

Le concept de chantier participatif est justement ce qui attire l’architecte Ray Walter le Gautier: «Avec mon entreprise, je construis déjà des maisons bioénergéti-ques. Je voulais voir comment s’organise un chantier participatif.» Il trouve le résultat probant et entend bien réaliser cette forme d’organisation sur un prochain chantier. Anne-Claire Schwab-Nicollier, elle aussi architecte, relève également le bon climat de travail sur le chantier. Elle a donné de son temps libre pour aider à crépir les murs intérieurs. «L’argile est un matériau lourd,

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mais très tactile et agréable.» Pourra-t-elle tirer profit de cette expérience? Elle ne le sait pas encore, mais elle y regardera doré-navant de plus près lors du choix d’un matériau de construction. Pour une autre participante au chantier, Myriam Serex, les nouvelles connaissances sont immédia-tement applicables dans son activité de plâtrière-peintre: «Il y a une forte demande pour ce genre de travaux.» Les collabora-teurs de SPADOM qui se sont impliqués dans le chantier ont beaucoup apprécié cette expérience, dit leur chef. Mais ils n’aiment pas parler aux journalistes. Impossible donc d’obtenir confirmation du fait qu’ils seraient très fiers du résultat…

Approche écologique et socialeLe CArPE souhaite diffuser au maxi-

mum ses connaissances et transforme donc ses chantiers en ateliers pour toute personne intéressée, y compris les autres architec-tes. Mais le collectif ne risque-t-il pas de se rendre superflu? La réponse d’Elsa Cau-deray est sans équivoque: «Nous n’avons pas cette crainte, au contraire. La demande est énorme dans le domaine des maisons individuelles, surtout pour les constructions en paille et argile.» Des cabinets d’archi-tectes en manque de savoir-faire sollicitent régulièrement les conseils du CArPE. Mais après deux chantiers participatifs pour des maisons individuelles en 2009 et 2010, le collectif préfère se tourner vers d’autres objets: «C’était utile pour améliorer nos techniques, mais le résultat ne nous intéresse pas», précise Julien Hosta. «On assiste à une sorte de commerce des indulgences écologiques. Les gens pensent que con-struire une maison de paille suffit. Que leur mode de vie dans cette maison ne portera pas à conséquence», ajoute Elsa Cauderay. Le grand public ne comprend pas que le volet social est inséparable de l’exigence écologique. C’est pourquoi le CArPE veut mettre ses réflexions par écrit. «Pour que les donneurs d’ouvrage que nous refusons comprennent mieux notre démarche.»

Les deux architectes savent de leur travail en Haïti l’importance que peut revê-tir la participation. Ils ont formé dans ce pays des architectes et des ingénieurs locaux

à la construction de maisons d’argile en région rurale. Si elle est bien connue dans le pays, cette technique est dévalorisée et perçue comme un signe de pauvreté. Les gens rêvent de maisons hollywoodiennes. L’enjeu est donc de revaloriser ce mode de construction traditionnel et écologique-ment pertinent: par exemple en veillant à ce que les murs soient bien droits. La partici-pation va de soi pour tout le monde. «Une maison en construction bénéficiera de l’aide de tout le village. C’est le fonctionne-ment normal de cette société.» relate Elsa Cauderay.

Une ville qui apprendC’est bien l’expérience de la première

maison de paille, construite sans autori-sation par le collectif «Straw d’la Bale», qui a démontré cette évidence: il est possible de bâtir des maisons attrayantes et écologi-quement excellentes avec de la paille et d’autres matières premières locales. Mais le bilan est contrasté: «L’occupation du ter-rain de la première maison de paille a sou-levé des questions de fond sur la manière de bâtir et d’habiter collectivement nos logis». Elsa Cauderay a visité ce prototype hors cadre légal à plusieurs reprises. Mais elle trouve dommage que le débat public réduise cette expérience à la question de la paille: «Les valeurs défendues par le projet sont progressivement gommées par la reconnaissance et la formalisation.» Elle souligne aussi les concessions qu’il a fallu faire pour que le bâtiment en paille ECO46 obtienne le label Minergie-P. Une dé-marche coûteuse et inutile, car les calculs ne s’appliquent qu’aux maisons conven-tionnelles. «Le but d’ECO46 est-il l’éco-logie? Ou plutôt l’image de marque? Une question que je me pose de temps en temps…»

Quand la provocation devient pédagogieL’histoire lausannoise de la maison

illégale en paille reproduit en quelque sorte le destin du mouvement écologiste depuis les années 1970. Jadis considérés comme des illuminés ou des extrémistes, les écolo-gistes sont aujourd’hui reconnus comme

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Une maison d’allure moderne, faite de matières locales, symbole d’une construction énergétiquement pertinente.

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des précurseurs. En témoigne notamment l’émergence de nouveaux métiers. La pro-tection de la nature est désormais une nécessité largement reconnue. Mais ce pro-cessus de formalisation prive l’écologie de sa radicalité première, un phénomène qui se répète en permanence. Et tandis que les gratte-papiers de l’avenue du Chablais 46 en sont encore à se familiariser avec l’usage des toilettes sèches, les pionniers inconnus de «Straw d’la Bale» ont passé leur chemin, à la recherche de nouvelles provocations…Le film documentaire Le corps du métier, de Gwennaël Bolomey et alexandre Morel, présente le travail du CarPe. Les réalisateurs ont suivi le chantier participatif d’une mai-son individuelle en bottes de paille pendant une année. il en résulte un portrait original, contrasté et plein d’humour. www.lecorpsdumetier.com

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«L’HoMMe n’ÉcHappe

paS À L’ÉvoLution»

Depuis que le genre homo a fait son apparition sur la planète, il y a deux mil-lions et demi d’années, il a connu une évolution permanente. Seule descen-dante de cette lignée évolutive, l’espèce homo sapiens, à laquelle nous apparte-nons, continue elle aussi d’évoluer. «L’homme n’échappe pas à l’évolution», dit Frank Rühli. Chercheur à l’Univer-sité de Zurich, cet anatomiste est aussi spécialiste des momies comme celle de Toutânkhamon ou d’Ötzi. Ses recher-ches portent sur l’évolution humaine en lien avec les facteurs environnemen-taux.

Greenpeace: Essayons de voyager dans le temps et de nous imaginer dans la savane africaine d’il y a quelques centaines de milliers d’années. Quelles seraient les prin-cipales difficultés rencontrées par les hommes d’aujourd’hui ?

Frank Rühli: Je doute qu’un tel homme soit à même de survivre dans un environne-ment paléontologique. Il serait vraisembla-blement exposé à des maladies que notre système immunitaire ne maîtrise pas. Autre défi: trouver suffisamment de nourriture. Le mode de vie des chasseurs-cueilleurs exige de bonnes connaissances botaniques, que nous n’avons plus, et des techniques de chasse qui nous échappent. Et il nous faudrait probablement un entraînement de six mois dans une salle de musculation avant d’entreprendre ce voyage dans le temps...

Si l’on compare les premiers hommes et l’homo sapiens sapiens, quelles sont les différences les plus marquantes?

Notre squelette est moins massif, nos an cêtres étaient bien plus robustes. Les os longs, la colonne vertébrale, le crâne étaient plus épais et plus résistants. Le poids et la taille de l’humain ont énormément évolué. Les individus des époques anciennes étaient plus petits et certainement moins gras.

Quelles sont les dimensions tem-porelles de l’évolution humaine?

Les données recueillies lors du recrutement en Suisse indiquent que l’évolution va très vite. Ces 130 dernières années, les jeunes hommes ont gagné 16 cm en taille, passant de 163 cm à 179 cm en moyenne. C’est une progression de 10%!

Est-ce déjà l’effet de l’évolution? Et ces changements se transmettent-ils aux générations suivantes?

Ce sont des adaptations à l’environnement, des modifications du phénotype, c’est-à-dire de l’aspect et des caractéristiques obser-vables des individus. Mais sur le long terme, cela peut également influencer l’hérédité, c’est-à-dire le génotype.

Pouvez-vous expliquer comment l’être humain s’adapte et se modifie au cours de l’évolution?La faune et la flore subissent en per-

manence l’influence de l’environnement. C’est aussi le cas pour l’homme. Notre stature, notre physiologie, notre système immunitaire, notre comportement, tout cela est le fruit d’un remodelage constant sur des millions d’années. Les conditions extérieures sont notamment la température, l’humidité, les éruptions volcaniques, les glaciations, les ressources végétales et ani-males disponibles et ce qu’on appelle la charge de morbidité, c’est-à-dire les mala-dies. Nous sommes les descendants d’in-dividus ayant survécu à cette sélection per-manente. Les deux processus à l’œuvre s’appellent la mutation et la sélection. De petites mutations spontanées du patrimoine génétique donnent lieu à des caractéristi-ques qui seront transmises aux générations suivantes. La sélection fait en sorte que les caractéristiques les plus propices à la survie seront plus souvent transmises que les autres.

Quelles sont les visées de votre discipline, la médecine évolution-niste?

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Il s’agit d’étudier comment l’homme a chan-gé au cours de l’histoire, et comment cette évolution se prolonge. D’identifier les forces qui interviennent dans ce processus d’adap-tation, mais aussi de comprendre l’évolu-tion des maladies. La médecine a tendance à croire qu’il suffit de prendre les mesures d’un nombre suffisant de per sonnes pour obtenir des données stables sur des décen-nies. C’est manifestement une erreur.

Pourquoi?Prenons l’exemple des os. C’est un tissu

simple, qui peut subir une croissance ou au contraire une perte osseuse. Une personne alitée pendant six mois ou un astronaute en apesanteur subira une forte dégradation de sa densité osseuse. Cette réaction de l’os s’observe également à l’échelle de l’évolu-tion. Au cours de nos recherches, nous avons constaté la multiplication, ces dernières décennies, d’une déformation innée de la colonne vertébrale (spina bifida occulta) qui est généralement asymptomatique. Les causes sont encore inconnues. Cette forme cachée de fermeture incomplète du tube neural ne semble pas réagir à la prise d’acide folique, substance qui prévient pourtant la forme grave de spina bifida. Cette mal-formation risque de se généraliser: tôt ou tard les cinq vertèbres sacrales (s1-s5) reste-ront incomplètement fermées. Quelles sont les implications de tels changements pour la société et la médecine? C’est là qu’intervient l’apport de la médecine évo-lutionniste.

Ces connaissances ont-elles des applications pratiques?

Le cas de la spina bifida occulta est proba-blement une variante normale. Mais elle est aussi associée à une fréquence plus élevée de certaines maladies. S’agit-il d’une évolu-tion stable ou la tendance va-t-elle s’in-verser? Et comment identifier les risques et prévenir les pathologies? Des questions encore ouvertes pour l’instant.

D’où vient cette augmentation de la taille moyenne que vous évo-quiez tout à l’heure?

C’est notamment la conséquence d’une alimentation plus riche en calories et des progrès médicaux. Mais il faut dire que la taille des êtres humains n’augmente pas

partout. En Australie ou en Afrique, l’augmentation de la croissance est moin-dre. Nous ne savons pas encore pourquoi. Plusieurs facteurs sont à l’œuvre. L’impact du stress psychique est prouvé. Les popu-lations vivant dans des régimes autoritaires sont plutôt petites. En cas de changement démocratique, comme en Afrique du Sud après l’apartheid, les êtres humains gagnent en taille. Ce n’est probablement pas unique-ment dû à un meilleur niveau de vie, mais aussi à des facteurs psychiques.

Théoriquement, la taille humaine pourrait donc augmenter à l’infini?L’homme du futur ne mesurera cer-

tainement pas 3 m. Car on n’observe pas d’exception statistique, donc de personnes qui atteignent déjà cette taille à l’époque actuelle. L’augmentation de la taille est d’ailleurs en train de se tasser en Suisse. Depuis une vingtaine d’années, l’évolution a atteint un plateau.

Ce tassement existe-t-il également pour le poids?

Contrairement à la taille, le poids moyen continue d’augmenter, en Suisse comme ailleurs. Un léger tassement semble tout de même se dessiner ces derniers temps. Mais la proportion des personnes souffrant d’obésité sévère continue d’augmenter. Le poids est plus sensible aux conditions environnementales que la taille. Les facteurs principaux sont bien connus: mauvaise alimentation et manque d’exercice physique.

Un bas niveau de formation est aussi un facteur de risque.

Effectivement, cela dénote d’ailleurs une évolution sociétale intéressante. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les personnes rondes appartenaient le plus souvent aux milieux aisés. À partir des an-nées 1950, la tendance s’inverse. La sur-charge pondérale est aujourd’hui associée aux classes sociales peu formées. Les personnes qualifiées sont moins souvent en surpoids. C’est qu’elles sont davantage conscientes de leur alimentation – et moins soumises au stress et aux contraintes pro-longées.

L’évolution humaine n’est donc ni linéaire ni dirigée vers un but unique, contrairement à ce que

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laissent penser les illustrations qui vont de l’animal à quatre pattes au bipède, puis à l’homme actuel.

Les conditions environnementales sont sou-mises à des variations. L’humanité a connu des périodes où l’homme avait presque la taille actuelle. Les chasseurs-cueilleurs du paléolithique étaient plus grands que les populations sédentaires apparues plus tard. C’est un mouvement en vagues.

Le volume du cerveau a également varié sur la durée?

Oui. Il semblerait que le cerveau ait perdu 10% de volume ces 30 000 dernières années.

Avec une diminution de l’intelligence à la clé?

Non, la corrélation entre le volume du cer-veau et l’intelligence n’est pas si simple. Ce qui est sûr, c’est que notre mode de pen-sée et notre capacité de mémoire s’adaptent à l’environnement. On peut imaginer que dans quelques siècles, notre cerveau sera mieux à même de traiter la masse d’informa-tion disponible sur Internet et verra dimi-nuer sa capacité à mémoriser un poème.

L’homme n’a plus d’ennemi naturel. Dans les pays industrialisés, il se protège du vent et des intempéries. Et la médecine moderne parvient à maîtriser les germes pathogènes. Quels sont donc aujourd’hui les facteurs de sélection?

Les influences environnementales ont à l’évidence moins d’effet. L’industrialisation et la mondialisation lèvent partiellement les contraintes de la sélection. Le méca-nisme qui assure la survie des individus mieux adaptés à l’environnement, et donc leur capacité à se reproduire, n’est plus aussi efficace. En médecine évolutionniste, on parle parfois de diminution de la pression de sélection.

Comment se manifeste ce relâche-ment de la pression sélective?

Un système de santé performant peut atténuer la pression de sélection en ce qui concerne la vulnérabilité à certaines mala-dies. Autre exemple: la procréation assistée offre des possibilités de reproduction à des personnes qui jadis seraient restées sans enfants, ce qui est très précieux pour elles.

Je me fais l’avocat du diable: une société qui met fin à la sélection naturelle ne risque-t-elle pas de favoriser les déficiences dans sa descendance? Par exemple la myopie?

Par le passé, une personne fortement myope n’aurait peut-être pas reconnu à temps l’arrivée du fauve… et n’aurait pas survécu. Mais elle peut posséder d’autres avantages. D’ailleurs, qu’est-ce qu’une déficience? L’homme parfait n’existe pas. Chaque adap-tation a son prix. L’être humain est toujours le fruit d’un compromis biologique entre les exigences de diverses conditions environ-nementales.

Cette diminution de la sélection naturelle favorise-t-elle la survie de l’humanité? Ou réduit-elle au contraire nos chances?

L’avantage, c’est que la variabilité génétique des êtres humains est plutôt en progression. À l’inverse, la diversité a tendance à se réduire lorsque la pression de sélection est forte. Si les personnes capables de courir vite avaient un réel avantage de survie, les individus plus lents seraient appelés à disparaître en quelques générations. C’est ce qu’on appelle un «goulot d’étranglement génétique». En revanche, l’éventail géné-tique s’élargit lorsque la pression se relâche. Ceux qui courent plus lentement peuvent eux aussi survivre. Et cette variabilité de-vient intéressante si l’espèce est confrontée à de nouvelles conditions environnemen-tales. Les plus lents auront alors un avantage de survie, car ils présenteront probable-ment d’autres caractéristiques. Des caracté-ristiques qui profiteront à leur tour à l’es-pèce dans son ensemble.

Mais avec la mondialisation, les ethnies se ressemblent de plus en plus. La planète est devenue un village global. Les conditions de vie à New York, Mexico ou Mumbai se différencient de moins en moins.

Le rapprochement ethnique se fait parallè-lement à l’occidentalisation des modes de vie. Aujourd’hui, on ne distingue plus vraiment un Tessinois d’un Glaronnais comme par le passé. Et les migrations sont globales. Il est devenu courant de quitter la

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Né en 1971, Frank Rühli est anatomiste et spécialiste des momies. Il a créé et dirige le Centre de médecine évolutionniste, rattaché à l’Institut d’anatomie de l’Université de Zurich. Ses recherches portent sur l’histoire évolutive de l’homme et sur l’évolution des maladies. Il est politiquement engagé au comité du PLR de la ville de Zurich.

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région où l’on a grandi pour vivre ailleurs, où les conditions environnementales seront différentes. Les parents quittent leur pays d’origine et les enfants s’assimilent à leur nouveau milieu. Les différences s’effacent.

Mais il y a les problèmes de santé des populations autochtones confrontées brutalement au mode de vie occidental.

La pression de sélection peut se relâcher à un niveau général, mais s’accentuer à un niveau particulier. Ce sont là les limites de la faculté d’adaptation de l’être humain. Les autochtones d’Amérique du Nord et d’Aus-tralie souffrent souvent de surpoids et de diabète de type 2. Outre la discrimination économique et l’exclusion sociale, un fac-teur d’explication est aussi leur physiologie qui n’est pas (encore) adaptée au mode de vie occidental, avec son alimentation hypercalorique.

Un corps paléolithique dans un monde moderne…

Il ne faut pas simplifier à outrance. La bio-logie n’est pas si simple. Nos douleurs dorsales ne s’expliquent pas directement parce que nos ancêtres marchaient à quatre pattes. Nous avons une hérédité, mais l’évolution ne s’arrête pas. L’homme n’y échappe pas.

La pollution de l’air et du sol, la diminution de la couche d’ozone, les catastrophes nucléaires, le réchauffement climatique ou les inégalités croissantes dans la société: s’agit-il de facteurs de sé-lection d’un type nouveau?

Difficile à dire. Il est trop tôt pour trancher. Pour identifier l’impact d’un facteur, il faut du temps et une certaine propagation.

Quelles sont les adaptations physiques requises pour l’homo sapiens à l’avenir?

Peut-être le système immunitaire sera-t-il appelé à mieux résister à des maladies comme le VIH. Il serait souhaitable de déve-lopper une constitution qui soit moins sujette à l’obésité. Et il serait pratique que notre organisme soit plus «résistant» aux ondes et aux polluants…

Et au niveau du comportement?Un danger potentiel considérable concerne

les nouvelles maladies facilement transmis-sibles que notre système immunitaire ne maîtrise pas. Dans un contexte de mobilité globale, il s’agit d’instaurer des mesures de prévention et des plans d’urgence. Il faut aussi relever qu’une partie de l’humanité dévore trop de ressources. Les richesses naturelles ne sont pas assez protégées. C’est aussi lié à une démographie en expan-sion et à la croissance des besoins. Il s’agira de trouver des solutions technologiques et organisationnelles diversifiées.Propos recueillis par Ruth Jahn, Pressebüro Index

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un tHÉÂtre natureLLe «vivre ensemble» avec la nature est un grand débat de société.

En témoignent de nombreuses productions artistiques, théâtrales ou littéraires. C’est toute une génération d’artistes qui

s’expriment sur la nature et nos liens avec elle. Cet été, un projet spectaculaire a vu le jour à Stierva, dans les Grisons:

«Mountain Glory – l’institut alpin oublié». Une performance théâtrale qui tourne autour de l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau,

réalisée à 2200 m d’altitude par des artistes venus d’Angleterre, de Hollande, d’Islande, d’Allemagne et de Suisse.

Markus Gerber, Simon Helbling et Mathias Balzer, respectivement metteur en scène, dramaturge et producteur, commentent

cette expérience hors du commun.

Essai par Mathias Balzer, Markus Gerber et Simon Helbling

Ces temps, on se croit replongé dans la magie de l’époque romanti-que. Des écrivains comme Franz Hohler explorent les interstices entre la nature et la civilisation, tandis que des artistes exposent leurs sculptures dans des parcs ou le long de sentiers. Pour mieux cerner le mythe de la nature, les démarches sont multiples: création de tableaux, imitation de processus biologiques, réflexion sur les modes d’exploitation de la nature… On assiste aussi à une renaissance du Land Art des années 1970, ce mouvement artistique qui s’exprime dans et avec le cadre naturel, donnant naissance à une floraison de productions éphémères. Et voilà que la scène libre de théâtre se tourne elle aussi vers l’environnement naturel. C’est l’occasion pour les artistes de quitter l’univers clos des salles de spectacle, d’aller à la rencontre du public et de toucher la réalité du doigt.

Les créations artistiques les plus anciennes, nées de l’art pariétal du paléolithique, témoignaient déjà de la confrontation de l’humain avec son environnement. À l’époque moderne, deux figures mythiques incarnent l’aspiration au naturel: Henry David Thoreau et Jean-Jacques Rousseau. Le théâtre actuel continue de s’intéresser à ces penseurs. Dans le livre Walden ou la Vie dans les bois, publié en 1854, Thoreau raconte son séjour de deux ans dans la maisonnette qu’il avait construite dans la forêt du Massachusetts. Près d’un siècle plus tôt, l’érudit genevois Rousseau avait déclenché l’essor européen du tourisme dans la nature avec son ouvrage Émile ou De l’éducation. Trois cents ans après la naissance de Rousseau, la troupe de Mountain Glory s’est déplacée dans les Alpes grisonnes pour se pencher sur l’œuvre du philosophe controversé. Simon Helbling, dramaturge, esquisse l’approche choisie:

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Répétition en plein air: la troupe de Mountain Glory en action.

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«Pour un projet comme le Mountain Glory de Markus Gerber, axé sur la nature, on se pose évidemment la question: mais qu’est-ce que la nature? La signification de ce terme oscille entre deux pôles: la nature comme écosystème autorégulé dont l’homme est étranger; ou alors une nature au sens large, dont l’être humain fait partie, avec toutes ses interventions.

Jean-Jacques Rousseau développe une troisième manière d’appréhender la nature: le point de vue moral. Dans Émile, il écrit: «Tout est bien sortant des mains de l’auteur des choses; tout dégénère entre les mains de l’homme. Il force une terre à nourrir les productions d’une autre, un arbre à porter les fruits d’un autre; il mêle & confond les climats, les éléments, les saisons; il mutile son chien, son cheval, son esclave; il bouleverse tout, il défigure tout, il aime la difformité, les monstres; il ne veut rien tel que l’a fait la nature, pas même l’homme; il le faut dresser pour lui, comme un cheval de manège; il le faut contourner à sa mode, comme un arbre de son jardin.»

Rousseau dépeint ainsi une nature à l’opposé de la culture. Chez lui, les acquis de la civilisation véhiculent une connotation plutôt négative. Par essence, le naturel est considéré comme bon et morale-ment juste.»

Une vache qui vêle, une voiture qui tombe en panne…

Ce bagage philosophique accompagnera la troupe de théâtre lors de son passage dans les Alpes. Début juin, après trois semaines de temps froid sur une alpe encore couverte de neige, Markus Gerber écrit dans un courriel: «Cette performance théâtrale de Mountain Glory est aussi une aspiration toute personnelle que je réalise aujourd’hui. J’ai la chance de passer le printemps et l’été avec des artistes éton-nants, venus de toute l’Europe, sur la merveilleuse alpe de Stierva, dans les Grisons – en étant même (un peu) payé pour cela… Loin des salles de théâtre sombres et surchauffées, je me retrouve au grand air. À chaque jour sa surprise: une neige nouvelle, une vache qui vêle, une voiture qui tombe en panne, un brouillard mystérieux, une blessure…

Mais bien sûr, ma satisfaction personnelle n’est pas mon but premier quand je fais du théâtre dans la nature. Mon projet veut interpeller le public. Le confronter aux débats de société. Lui donner la possibilité de porter un autre regard sur le monde. Mon intérêt est d’impliquer les spectateurs dans la représentation théâtrale. Le principe fondateur du théâtre est la communication du public avec les artistes en scène, avec les événements de l’espace théâtral, avec le cadre où tout cela se passe.

Notre expérience théâtrale tente de cerner ce que pourrait être un homme naturel et bon; une société bonne et saine; une société

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capable de relier la nature intérieure de l’être humain à la nature extérieure qui est son cadre de vie. Pour aborder cette grande question existentielle, la seule solution est à mon avis que les artistes s’investissent en apportant leur réponse subjective et personnelle. Qu’ils s’exposent totalement à la matière. Depuis la mi-mai 2012, tous les artistes et moi-même vivons donc à 2200 m d’altitude, dans de vieilles étables, des cabanes rustiques ou des cabanons construits pour l’occasion. Notre quotidien et notre travail astreignant, dans le paysage tant naturel que cultivé des Alpes, nous plongent au cœur de la thématique. Nous sommes partie prenante de la nature. Et les contradictions ne manquent pas. Hier, en regagnant nos cabanes après notre travail sur le site rocheux qui symbolise l’Amérique dans notre projet, nous avons été surpris par le brouillard. En quelques instants, nous avons perdu notre chemin. Une expérience propre à nous rappeler la puissance implacable de la nature... Mais nous n’avions pas su renoncer à nos téléphones portables, et étions donc en mesure d’appeler des secours, si nécessaire. Une expérience qui nous a fait réfléchir: la nature sauvage existe-t-elle encore vraiment? Ou est-elle devenue un mythe imaginaire? Une image romantique produite par le tourisme et les fabricants de vêtements de plein air? Une vision financièrement intéressante pour ces industries?»

La nature, une actrice incontrôlableCe sont surtout des contradictions qui surgissent lorsque les artistes, ces instances morales de la société cultivée, se rapprochent de la nature. Quel est donc l’apport de ce théâtre qui a choisi de fuir les temples de la bourgeoisie que sont les salles de spectacle, pour s’exiler dans les arènes alpines? La parole est encore à Simon Helbling:

«À l’heure actuelle, la question brûlante n’est plus tellement de savoir ce que la nature est pour la société, mais plutôt comment la civilisation peut protéger et préserver l’environnement. Une troupe de théâtre qui choisit un cadre naturel pour une mise en scène pourra tirer profit de la configuration des lieux pour la dramaturgie de la pièce. C’est ce que font les nombreux spectacles en plein air et autres comédies musicales. Mais ce n’est pas notre démarche. Mountain Glory veut faire de la nature une actrice à part entière. Chez nous, pas de scène montée dans un cadre idyllique, mais un paysage tout entier inclus dans une conception théâtrale. Comme toute œuvre d’art, le théâtre n’est pas là pour donner des leçons ou expliquer des vérités, mais pour poser des questions. La nature, cette actrice incontrôlable, s’invite au centre des préoccupations. Quelle sera la motivation du public à se déplacer dans les Alpes grisonnes pour assister à une expérience théâtrale? Quelles seront ses attentes face à la nature? Est-ce encore l’image de la nature façonnée par Rousseau que nous portons dans le cœur? Le paysage est-il surtout une

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surface de projection pour tout ce qui nous manque dans notre quotidien civilisé?

Le théâtre pose les questions de fondLa technique théâtrale permet d’appréhender concrètement cette confrontation à la nature. Notre aspiration à une nature intacte est-elle doublée d’un vrai respect envers elle? Ou s’agit-il plutôt de panser les blessures que la civilisation inflige à notre nature, tant extérieure qu’intérieure? Si le théâtre ne peut pas présenter de données factuelles sur la culture et la nature, ces informations sont largement accessibles dans d’autres contextes. La fonction du théâtre, c’est de creuser les liens personnels à la nature et d’amener chaque spectateur à se poser la question: pour moi, personnellement, qu’est-ce que la nature?»L’équipe de Mountain Glory sera de passage dans deux théâtres suisses en janvier 2013 pour partager ses recherches sur la nature avec le public urbain sans oublier de le divertir. Informations détaillées sur le projet et la tournée: www.mountainglory.ch, www.gessnerallee.ch et www.theaterchur.ch.

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ManiFeSteS FiguratiFS

Par Bernadette Fülscher

Les artistes réagissent à l’évolution de l’envi-

ronnement et jalonnent l’espace public de leurs

interventions.

Les arts plastiques conquièrent les espaces de vie. Les sculptures et les installations artistiques se saisissent des questions envi-ronnementales. Mais le message ainsi dif-fusé est-il abordable pour le grand public?

L’avantage de l’art, à savoir sa commu-nication plus figurative que langagière, peut aussi se transformer en obstacle. Il est en effet difficile d’expliciter les corréla-tions complexes de l’écologie dans une peinture murale, une sculpture ou une instal-lation. Car ce type d’œuvre exprime sur-tout une chose en la rendant sensible. Impos sible donc de présenter des données abstraites. En revanche, le public est con fronté à des images et des espaces stimulants. Et le spectateur qui saura «lire» l’œuvre sera peut-être même amené à se mettre en action…

Plusieurs exemples en ville de Zurich montrent comment l’art réagit aux préoccu-pations environnementales. Jusqu’au début du XXe siècle, plusieurs représentations d’animaux, de plantes et de paysages ont fait leur apparition en ville [cf. photo du haut, ci-contre]. Ces œuvres illustraient souvent l’écart croissant entre la ville et la campa-gne. La nature était vue comme un espace préservé, en rupture avec l’espace urbain prosaïque. L’animal représenté dans le parc rappelait le cadre d’une nature idyllique.

Pour comprendre le rapport de ces sculptures à l’environnement, il faut connaî-tre leur contexte historique et culturel d’origine. Une compétence culturelle que n’exigent pas forcément les nouvelles œuvres apparues ces dernières décennies.

Aujourd’hui, ce sont les œuvres abstraites et les installations dans l’espace qui pré-valent. L’environnement est abordé sous son aspect esthétique, ou carrément recréé de toutes pièces. Le public est interpellé quant à ses liens avec la nature [voir ci-con-tre, photo du bas]. Ce type d’intervention artistique met l’accent sur la perception du paysage et de notre univers de vie. La si - g nification en est souvent codée et difficile-ment accessible.

La personne qui aura du plaisir à regar-der une telle œuvre ne changera pas forcément sa manière d’agir. Il y a aussi des raisons politiques à cela. Étroitement sur-veillé, l’art dans l’espace public suscite rapi-dement la critique. En Suisse, les donneurs d’ouvrages de la collectivité ne sont souvent pas en mesure de défendre une décision controversée face à une population hostile. Les œuvres exposées dans les villes et les communes seront donc généralement inof-fensives. L’uniformité aura tendance à dominer, les messages provocateurs ou novateurs seront rares. La capacité des œu-vres d’art dans l’espace public à remettre en question notre rapport à la nature doit néanmoins être prise au sérieux.

Bernadette Fülscher a publié un livre sur l’art dans l’espace public en ville de Zurich: Die Kunst im öffentlichen Raum der Stadt Zürich. 1300 Werke — eine Bestandesauf­nahme (2012). 416 pages, 1400 illustrations en couleur, CHF 44.—, iSBN 978-3-0340-1084-9. À commander en librairie ou aux Éditions Chronos, eisengasse 9, 8008 Zurich, [email protected].

après des études en architecture et histoire de l’art, Bernadette Fülscher a rédigé une thèse sur la scénographie à l’eXPo.02. Chercheuse indépendante, ses travaux portent sur l’histoire de l’art et de la culture depuis le XiXe siècle. elle a passé cinq ans à dresser un inventaire des œuvres d’art dans l’espace public zurichois.

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«Trois flamants», œuvre de Estrid Christensen (1884–1968) datant de 1935, sise depuis 1951 au parc de Belvoir, dans le quartier Enge à Zurich.

Ces trois flamants de facture réaliste, placés dans un étang d’un parc en pleine ville, incarnent une nature préservée et idyllique.

«Polonäse», une installation réalisée en 2005 par Erik Steinbre-cher (né en 1963) pour le lotisse-ment de Heumatt, dans le quartier de Seebach (Zurich).

Entourée d’une clôture en bois, cette colline artificielle sur une aire de jeu gazonnée sym bolise le royaume des enfants. La clôture fait écho à une archi-tecture de masse composée d’élé-ments préfabriqués.

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au-deLÀ deS dÉcLarationS d’intention

Essai par Rolf Jucker

«Celui qui a compris, mais n’agit pas, n’a rien compris.»Bruno Manser

Pour un bilan critique de l’histoire de l’éducation à l’environnement et au développement durable, les classiques de la littérature écologiste des années 1970 sont des références incontournables. Le rapport du club de Rome Halte à la croissance? (1972), Small is beautiful – une société à la mesure de l’homme de E. F. Schumacher (1973) ou encore les écrits de Ivan Illich et Rudolf Bahro: toutes ces publications démontrent que les modes de vie non durables sont dus aux valeurs, aux structures économiques et sociétales qui se sont imposées suite à la révolution industrielle. L’exploitation inhérente à la société industrialisée est incompatible avec l’idée d’une vie décente pour tous les êtres vivants. Des études récentes viennent d’ailleurs confirmer ces constats, que ce soit le rapport Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (2005) ou le Living Planet Report (2012). Sans changement radical de notre rapport à l’environnement, la durabilité n’est pas possible. Une réalité à inté-grer notamment dans l’éducation, car les systèmes de formation contri-buent largement à pérenniser des fonctionnements et des valeurs problématiques pour l’avenir de la planète.

Quatre enjeux de l’éducation au développement durableIt’s the economy, stupid – C’est l’économie, idiot! – Tant que notre

système économique misera tout sur la croissance, l’éducation au déve-loppement durable est condamnée à rester lettre morte.

Quelle conception de la durabilité? – Dans le contexte de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation en vue du développement durable, l’UNESCO constate que seule une planète viable est compatible avec le développement social et économique. Ce sont les lois et les limites de la biosphère qui déterminent tous les sous-systèmes.

Une société changée modifiera son système d’éducation, et non l’inverse – Notre problème de durabilité ne peut pas être délégué à nos enfants. Dispenser l’éducation à l’environnement aux jeunes générations en leur demandant de réussir là où nous avons échoué est moralement dis-cutable. Une telle attitude dénote d’ailleurs une conception problémati-que du rôle de la formation au sein de la société. Car l’éducation est en premier lieu un instrument de transmission de valeurs et de visions du monde. Elle n’est pas le moyen permettant de provoquer un changement de paradigme. L’école ne change pas la société; elle est plutôt le reflet de ses évolutions. De plus, l’école n’est qu’un élément de notre formation. Le système, les médias, les parents et la pression du groupe sont des «enseignants» bien plus efficaces.

Agir au lieu de sensibiliser – Dans le contexte de l’éducation à l’envi-ronnement, on oublie souvent ce fait primordial: l’impact de l’éducation à l’environnement ne se mesure pas à la quantité de manuels, de cours, d’interventions de personnalités ou de moyens financiers.

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Action dans la commune de Full-Reuenthal (AG), 27 juin 2012: à proximité de la centrale nucléaire de Leibstadt, le Projet Solaire Jeunesse de Greenpeace pose une installation photovoltaïque avec de jeunes Tessinois, membres du WWF.

Le vrai critère est notre manière durable d’agir en tant que salariés, citoyens, pères et mères de famille.

Trois approches pour faire face à ces enjeuxUn processus d’apprentissage sociétal sur le long terme – Apprendre

avec un effet durable est un phénomène collectif, qui implique une responsabilisation réciproque. Il faut créer des collectifs de personnes qui agissent pour le changement, en dépassant le stade des déclara-tions d’intention.

Élargir le champ de vision – Nous avons besoin de solutions effica-ces. Elles résident souvent en dehors des systèmes de formation. Il s’agit d’en tirer profit pour tisser des liens solides entre l’éducation et l’action.

Garder en vue les objectifs d’ensemble – Les structures existantes modèlent nos modes de pensée et d’action. Il est difficile de les dépas-ser et de garder en vue l’objectif premier, qui est une société écolo-giquement durable. Il faut d’abord dégager les espaces permettant d’appréhender cet objectif: avec la tête, les mains, le cœur.Greenpeace pratique depuis longtemps l’action comme mode de change-ment. Un exemple impressionnant est le Projet Solaire Jeunesse, qui a touché plus de 10 000 jeunes à ce jour. Une contribution concrète à un avenir solaire.

Rolf Jucker est directeur de la Fondation suisse d’éducation pour l’environnement (FEE): www.educ-envir.ch.

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Chaque année, 20 000 jeunes pré-parent leur travail de maturité — la première tâche d’envergure qui leur permet de se concentrer sur une thématique durant une longue pé-riode. il est donc essentiel qu’ils trouvent un sujet qui les intéresse et les touche. Helvetas, Greenpeace et amnesty international ont mis au point un guide à cet effet. «Nous coopérons parce que nous sommes convaincus que les problèmes glo-baux ne peuvent être abordés qu’en commun et de manière interdis-ciplinaire», déclare Kuno roth, res-ponsable de la formation auprès de Greenpeace Suisse.

au moyen de questions servant de fil directeur, complétées par des conseils d’anciens lycéens, ce guide entend aider les jeunes à trou-ver un sujet pour leur travail écrit, une idée de projet ou d’action qu’ils mèneront à bout. «agir pour la planète» — tel est le mot d’ordre: ils trouveront dans la deuxième partie du guide tout un choix de thèmes qui leur permettront d’axer leur tra-vail sur la protection de l’environ-nement et son respect dans le monde. Les idées suggérées par Greenpeace tournent autour de l’énergie et du climat. Le guide Le travail de maturi­ té — Idées, conseils et inspiration a été mis au point par «sprouts», une agence spécialisée. L’idée de base du projet «agir pour la planète» a été fournie par l’atelier Pantaris. Cette brochure peut être com-mandée gratuitement par les en-seignants ou les étudiants auprès de Greenpeace.

Lors des visites d’école, nous re-prenons les questions posées par les jeunes pour développer avec eux des actions concrètes. Que pou-vons-nous changer, à quelle échéance, et comment? il s’agit de faire germer une idée qui pourra conduire à lancer un projet environ-nemental dans une école, un vil-lage ou une commune. Ces visites sont animées par des bénévoles spécialement formés à cet effet. Nous les initions peu à peu à leurs tâches et les accompagnons étroi-tement sur une longue période. La qualité de ces visites est primor-diale pour Greenpeace, car notre réputation est en jeu. Nous restons fidèles à notre philosophie: «Si tu n’es pas d’accord avec quelque chose, engage-toi de manière non violente pour un avenir meilleur.» Le programme de visites d’école

permet d’envisager l’avenir activement;

transmet des outils pour concrétiser un projet environne-mental;

permet de bénéficier d’une formation innovante sur l’environ-nement. Une visite d’école dure au moins une demi-journée (quatre leçons). Les coûts s’élèvent à 150 francs pour la demi-journée et à 250 francs pour la journée entière. Dans ce magazine, vous trouverez un bon pour une visite d’école d’une journée gratuite. Découpez ce bon et transmettez-le à un enseignant.

Depuis qu’il a été lancé par Green-peace en 1998, le Projet Solaire Jeunesse (PSJ) privilégie une éduca-tion à l’environnement basée sur la pratique. Nous construisons des installations photovoltaïques avec des jeunes. Un temps fort de notre action a été notre participation à la «Umwelt arena»: une centaine d’apprentis d’axpo ont monté la plus grande installation photovoltaï-que intégrée en toiture de Suisse. Le PSJ, qui participe à la campagne Climat & Énergie de Greenpeace Suisse, compte monter dix à quinze installations solaires par an. Que fait le PSJ?

Nous mettons en relation les maîtres d’ouvrage et les entreprises du secteur solaire avec des groupe-ments de jeunes ou des écoles et nous organisons des «semaines de construction solaire».

Nous proposons des ateliers sur le thème de l’énergie solaire adaptés à chaque tranche d’âge.

Nous mettons gratuitement à disposition des groupements de jeunes ou des écoles un guide de financement sur mesure pour les projets solaires. À quoi sert le PSJ?

À sensibiliser les jeunes et à faire mieux connaître la technique solaire et les différentes formes d’énergies renouvelables. Nous voulons transmettre la vision d’une énergie «100% renouvelable». Participer au PSJLes jeunes de 15 à 24 ans peuvent participer à des projets et à des camps solaires ou être actifs au sein de l’organisation. Nous aidons des institutions, des associations, des propriétaires et des entreprises à réaliser une installation solaire. Nous soutenons les enseignants avec des visites d’école ou de la documentation pédagogique.

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avenir solaire

Visites d’écoleUn guide pour des travaux

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Greenpeace Suisse a de l’expé-rience en matière de projets pour les jeunes et de programmes scolaires. il était donc naturel que nous en fassions profiter nos collè-gues des pays de l’hémisphère sud. Par exemple en afrique, où la moitié de la population a moins de 20 ans. Notre soutien est adapté aux besoins des bureaux parte-naires: le Youth Support Center (YSC) propose, entre autres, des conseils, des formations, des servi-ces de coaching, une aide à la conception de projet et des modè-les de «bonnes pratiques».

Vingt jeunes bénévoles du Forum social mondial de Porto ale-gre ont pu suivre des cours sur l’énergie solaire.

Lors du sommet rio+20, des bénévoles brésiliens de Green-peace ont appris comment familia-riser le public à l’énergie solaire.

au Cameroun, des techniciens de Greenpeace ont installé des systèmes solaires domestiques dans quinze villages de Pygmées, créé une entreprise sociale spécialisée dans le solaire et fourni des soins médicaux.

enfin au Congo, 20 jeunes, sous la direction de deux instruc-teurs spécialisés, ont installé les panneaux d’un générateur solaire pour la radio locale et appris à construire des fours fonctionnant avec peu de bois. autrement dit, le YSC a mis à disposition des instructeurs, a aidé à mettre au point les programmes et les a financés; bref, il a formé ces jeunes. Certains sont même devenus à leur tour instructeurs. en outre, le YSC a élaboré le manuel destiné aux responsables scouts lorsque l’organisation mondiale du mouvement scout (oMMS) a lancé le «badge solaire», qui a été testé dans trois pays.

Le succès de Greenpeace repose sur l’engagement de bénévoles qualifiés. Nous proposons des ate-liers axés sur la pratique et la trans-mission de connaissances spéciali-sées. Ces formations, qui traitent d’une grande diversité de thèmes, sont l’occasion de réfléchir à son comportement à l’égard de l’envi-ronnement. Le programme est en grande partie consacré à l’appren-tissage de méthodes permettant une action efficace et autonome. Les séances de formation et les ateliers sont gratuits et ouverts à tous les membres actifs de Greenpeace: bénévoles, militants, personnes parrainant une «green-team» ou actives dans l’éducation à l’environnement, membres des bureaux de Greenpeace. Les autres personnes peuvent suivre les for-mations moyennant une participa-tion aux frais. Quelques exemples du programme des cours:

atelier «action» Mini-atelier sur le matériel utilisé lors des actions

Transformer le monde 1aller de l’avant ensemble — direc-tion et animation

Transformer le monde 2Gestion de projet — planification et mise en œuvre de projets efficaces

Transformer le monde 3Campaigning — planification et mise en œuvre de campagnes

energy academy — 100% renouvelable La crise énergétique: causes et solutions

Greenpeace action Training –Mener des actions non violentes

Les militants de Greenpeace et le droit

Camp Climat – Construire un monde durable

Philosophies environnemen-tales – Écologie sociale, écologie profonde, écoféminisme

Formation continue pour les bénévoles

Youth Support Center:

transmettre son expérience

Bon pour une visite d’école par

Greenpeace.Greenpeace visite

votre classe d’école.www.visites-ecole.ch

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Learning for the Planet [email protected] ou à l’adresse postale de la rédaction (voir mentions légales) www.greenpeace.ch/ecole

Projet Solaire Jeunesse Téléphone +41 44 447 41 01 Fax +41 44 447 41 99 [email protected] www.jugendsolar.ch (en allemand)

Youth Support Center [email protected] http://wave.greenpeace.org

Formation continue pour les bénévoles Téléphone +41 44 447 41 05 [email protected]

Visites d’école Sarah Banderet, coordinatrice des visites d’école Téléphone +41 22 907 72 70 [email protected] www.greenpeace.ch/ecole

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Greenpeace demande à l’oNU de déclarer l’arctique zone protégée et d’y interdire la pêche industrielle ainsi que l’exploitation pétro-lière.

Jusqu’à une date récente, la glace tenait l’industrie pétrolière à l’écart de ce fragile écosystème qu’est l’arctique. aujourd’hui, cette région du globe se réchauffe plus vite que les autres. La glace fond, dé-clenchant une véritable ruée sur les matières premières que recèlent ses fonds marins. Mais que se pas-serait-il en cas d’accident pétrolier au pôle Nord? Les conséquences seraient catastrophiques.

Voici donc notre plan: faisons de l’arctique une zone protégée, où l’exploitation pétrolière et la pêche industrielle seront interdites. Greenpeace exige de l’oNU que cette interdiction soit inscrite dans la loi à l’échelle mondiale.

L’arctique constitue la dernière barrière que les grands groupes pétroliers internationaux sont en passe de faire tomber. La carte montre les lieux actuels d’extraction de pétrole et de gaz et fait appa-

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raître les potentiels d’exploitation supplémentaires. Dès cet été, Shell effectuera des forages pour trouver du pétrole au large des côtes de l’alaska.

Selon les estimations les plus récentes de l’US Geological Survey (USGS), l’organisme gouver-nemental américain gérant le secteur des matières premières, cette contrée renfermerait 22% des gisements pétroliers pas encore prospectés dans le monde.

Soutenez-nous dans notre projet et devenez, vous aussi, un défen-seur de l’arctique!

Signez dès maintenant notre pétition sur le site www.savethearctic.org. Les noms du premier million de signataires seront inscrits sur un parchemin que nous plongerons sous la glace du pôle Nord.

Sites d’exploitation de pétrole Sites d’exploitation de gaz Zones de prospection pétro-

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41Magazine GreenpeaceNº 3 — 2012

La ForÊt SacriFiÉe

Un nouveau reportage de Greenpeace montre que la forêt tropicale amazonienne n’est pas seulement

menacée par l’agriculture et l’élevage. Des pans entiers de forêt sont abattus en toute illégalité afin d’obtenir

du charbon de bois destiné à la production de fonte brute. L’acier ainsi fabriqué est utilisé par l’industrie

automobile.

Un photo-reportage de Marizilda Cruppe et rodrigo Balèia

Une grande partie du charbon de bois est fabriquée dans des petits camps situés dans des régions reculées des États de Pará et de Maranhão, au Nord-est du Brésil. Le bois est abattu illégalement et utilisé pour la fusion du minerai de fer. Des fabricants de voitures tels que BMW, Ford ou Mercedes comptent parmi les acheteurs de ces matériaux.

Photo de droite

Pour gagner leur vie, les charbonniers sont contraints de travailler dans des conditions inhumaines. Les populations indigènes souffrent de cette production et leur existence s’en trouve menacée.

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Dans le port de São Luís, au Brésil, des militants de Green-peace bloquent le chargement du Clipper Hope, un navire qui doit transporter de la fonte brute aux États-Unis. Leur protes-tation s’adresse à la présidente Dilma rousseff, qui n’a opposé qu’un véto partiel très timide au nouveau code forestier le 25 mai dernier. Bloquer certaines modifications de lois ne suffira pas à sauver une forêt tropicale unique au monde.

Photo de gauche

Pour produire du minerai de fer, 70 à 80% des forêts de la région ont déjà été détruites. Les grandes surfaces boisées sont de plus en plus rares dans la région. Les bûcherons pénètrent dans les zones indigènes et déboisent en toute illéga-lité – y compris dans les réserves naturelles. Certaines tribus indigènes ont déjà perdu plus de 30% de leur territoire.

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Dix jours durant, des militants de Greenpeace se sont relayés sur la chaîne de l’ancre du cargo Clipper Hope. Le navire amiral de Greenpeace, le rainbow Warrior iii, a fait une escale pour s’engager en faveur de la protection de la forêt tropicale amazonienne lors du voyage qui le conduisait à la Conférence de l’oNU sur l’environnement, rio+20.

après clôture de la rédaction, cette nouvelle importante nous est parvenue : tous les producteurs de fonte brute de l’État fédéral de Maranhao au Brésil ont signé un accord dans lequel ils s’engagent à ne plus utiliser de charbon de bois provenant de la destruction de la forêt amazonienne ou de terres indigènes. ils ont en outre déclaré qu’ils ne toléreraient plus de conditions de travail esclava-gistes dans les usines de production de charbon de bois. L’ensemble du processus de production sera désormais contrôlé au moyen d’un système de monitoring.

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49Magazine GreenpeaceNº 3 — 2012

Bearing Witness — «Témoigner» —c’est l’un des principes directeurs de Green-peace. actions de terrain, manifestations silencieuses, investigations scientifiques ou communication médiatique: la photographie joue presque toujours un rôle essentiel quand il s’agit de montrer les menaces qui pèsent sur les fondements mêmes de la vie et de faire passer des messages clairs. aujourd’hui, nous cherchons de nouveaux angles de vue. Les photographes témoignent à leur manière lorsqu’ils parcourent le monde, l’œil aux aguets. Pour ce premier Greenpeace Photo award, organisé en partenariat avec le magazine culturel Du, nous avons invité trente photographes parmi les meilleurs à présenter leur vision, leurs interrogations et leurs impressions sur le thème «L’environ nement et sa destruction». Choisissez vos projets préférés parmi ceux qui ont été retenus par le jury sur le site www.photo-award.ch.La réalisation du projet lauréat sera soutenue à hauteur de 15 000 francs.Le projet lauréat sera publié au printemps 2013 dans le magazine Du. Des photos primées et d’autres prix seront tirés au sort parmi tous ceux qui auront participé au vote. Qu’on se le dise!

EN PARTENARIAT AVEC – LE MAGAZINE CULTUREL ZURICHOIS GREENPEACE PHOTO-AWARD

50Magazine GreenpeaceNº 3 — 2012

«Si ce projet est autorisé, ce sera la guerre», déclare d’emblée Pina Negro. Pina est avocate, militante de l’environnement et l’une des figures de proue de la résistance à la centrale combinée à gaz dans la plaine de Venafro. Elle se tient au bord d’un champ fertile, à l’en-droit où la centrale doit être construite. La petite ville du même nom est à sept kilomètres à peine. Nous sommes dans le Valle del Volturno, dans l’ouest du Molise, la plus petite des vingt régions que compte l’Italie. C’est là que com-mence notre voyage de reconnaissance, sur les traces de ces centrales financées par les entre-prises électriques suisses.

Le champ est bordé d’oliveraies. Les troncs des arbres sont massifs. Il règne un calme ab-solu. Jusqu’à l’année dernière, le grand groupe énergétique suisse EGL* (une filiale d’Axpo Holding) voulait y construire une centrale com-binée à gaz de dernière génération. D’une puissance de 780 mégawatts (MW) et pour un prix d’environ 300 millions d’euros. Des arbres devaient être plantés sur une petite colline voisine pour compenser les émissions de CO2. Mais les énormes déperditions de chaleur de

la centrale auraient réchauffé la région. La plaine de Venafro a une superficie de dix kilomètres carrés seulement. Les montagnes qui la cernent forment un cirque imposant dans lequel l’air stagne, et avec lui les substances toxiques reje-tées par les usines avoisinantes. La centrale aggraverait encore ce smog. Il y a tout juste un an, un comité de mères préoccupées, les «Mamme per la Salute», a sonné l’alarme: les produits carnés contenaient des traces de dioxine. «Chez les habitants, on ne parle que de tumeurs et de maladies des voies respiratoires», ajoute Pina Negro. Il n’y a aucun contrôle permanent des émissions toxiques.

Effets pervers du marché de l’électricitéEGL s’est finalement retirée. «Avec les trois

centrales existantes, nous avons atteint l’ob-jectif de 2000 MW en Italie. Tous les projets de centrales combinées à gaz sont donc classés et aucun autre n’est prévu à l’heure actuelle», affirme Richard Rogers, porte-parole d’Axpo. EGL exploite déjà deux centrales combinées à gaz dans le Sud de l’Italie, à Sparanise (Cam-

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en Suisse, des centrales combinées à gaz doivent remplacer le parc nucléaire. or personne n’en veut. en italie, il en existe depuis longtemps et des entreprises énergétiques suisses y sont associées. Petite visite dans le Mezzogiorno.

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panie) et à Rizziconi (Calabre), et une autre dans le Nord, à Ferrare (Émilie-Romagne).

Malgré le retrait suisse, tout n’est pas terminé pour les 20 000 habitants de Venafro et des communes environnantes. Une petite officine du nom de Molisenergy, qui opère à par-tir d’une sorte d’arrière-boutique à Naples, poursuit l’étude du projet. Elle n’a aucune expé-rience dans la construction de centrales, mais on suppose qu’elle a des relations au plus haut niveau. Venafro, les communes avoisinantes et toute la région du Molise ont rejeté le projet, mais la décision finale doit être prise à Rome. Pour l’instant, nul ne sait qui sera le prochain investisseur que Molisenergy réussira à appâter.

En Italie du Sud, région structurellement faible, il semble régner un climat de «ruée vers l’or» malgré la crise économique. Le marché de l’électricité, libéralisé à la fin des années 1990, poursuit sa croissance débridée. Centrales, parcs d’éoliennes et installations photovoltaïques poussent comme des champignons, apparem-ment sans planification. À quelques kilomètres de Venafro, dans le village de Presenzano, en Campanie, la société Edison projette une centrale combinée à gaz d’une puissance de 800 MW. Dans le Molise, on sait depuis long-temps que les besoins énergétiques sont lar-gement couverts. Plus de 2000 éoliennes – dont une bonne partie appartient à des grands grou-pes électriques étrangers – sont déjà en activité, selon les organisations environnementales régionales. Mais les communes manquent d’ar-gent et louent ou vendent leurs terrains. Ce sont les villes côtières industrielles qui utilisent le courant.

Naples, une ville tentaculaire friande d’électricitéBenevento est une jolie ville des collines

de la Campanie, située à 90 kilomètres de Naples. La tour clocher de l’église Santa Sofia, datant du VIIIe siècle, est tombée sur la nef lors du terrible séisme de 1668. Pour que cela ne se reproduise pas, on l’a reconstruite 50 mètres plus loin. Dans cette zone sismique, les Forces motrices bern oises (FMB) travaillent avec la so-ciété napolitaine Luminosa. À six kilomètres à peine du centre-ville, dans la zone industrielle de Ponte Valentino, les FMB veulent en effet construire une centrale combinée à gaz de 385 MW. Le terrain se trouve au confluent de

La militante Pina Negro devant le site prévu à Venafro: «Si l’on autorise une centrale combinée à gaz ici, ce sera la guerre.»

Dans la vallée du Volturno, eGL (groupe axpo) voulait construire une centrale combinée à gaz dans un vallon encaissé mal aéré.

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deux rivières, le Tamaro et le Calore, une zone protégée. Un quart des 60 entreprises de la zone industrielle voisine produisent des denrées ali-mentaires: huile d’olive, aliments pour bébés, lait, vin et légumes. Des études attestent que les vents transportent régulièrement les émissions toxiques des usines de Ponte Valentino vers le centre-ville.

Malgré leur opposition, les autorités de la ville et de la province n’ont pu empêcher le pro-jet. «Pour le gouvernement de la Campanie, l’approvisionnement énergétique est, hélas, plus important que l’environnement», commente Enrico Castiello qui était, jusqu’en 2011, conseiller municipal de Benevento, chargé de l’environ-nement. Et d’ajouter: «J’ai vite compris que nous devions produire de l’électricité pour Naples et la côte». L’agglomération napolitaine et les villes côtières sont friandes d’électricité. Le gouver-nement de Campanie met donc tout en œuvre pour que des projets lucratifs puissent voir le jour.

Comme à Venafro, c’est la petite entreprise d’un homme d’affaires napolitain du nom de Marcello Fasolino qui a tout orchestré depuis 2002 pour lancer le projet – avec succès. Les FMB l’ont rejoint en 2008, lorsqu’il était pratique-ment sur les rails. Fasolino détient 6% des parts de Luminosa, les FMB le reste. En mars dernier, des manifestations contre le projet ont eu lieu – un phénomène exceptionnel dans la vie tranquille des Bénéventins. En juin, le recours du WWF local a remporté une petite victoire. La plus hau-te juridiction administrative à Rome a demandé au Ministère de l’Environnement chargé de l’autorisation du projet de revoir sa copie. D’autres recours de la ville et de la province de Benevento sont prévus.

On parle assez ouvertement d’un réseau d’affairistes, de politiciens corrompus et de fonctionnaires douteux à propos de ce projet. Le tout serait orchestré par les responsables de la société Luminosa. Des liens existent aussi avec Nicola Cosentino, un ancien député au Par-lement, membre de Popolo della Libertà, le parti de Berlusconi, tombé depuis en disgrâce et contraint à la démission en 2010 à cause de ses relations avec la Camorra. Des intrigues concer-nant un terrain sur lequel se dresse aujourd’hui la centrale combinée à gaz d’EGL à Sparanise figurent parmi les nombreux chefs d’accusation. Les investissements élevés dans le secteur de l’électricité attirent manifestement les milieux

À Benevento, zone sismique, les Forces motrices bernoises veulent construire près d’une rivière dont les rives sont protégées.

enrico Castiello: «Pour le gouvernement de la Campanie, l’approvisionnement énergétique est plus important que l’environnement.»

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mafieux dans ce pays où les projets des pouvoirs publics sont en moyenne 40% plus chers que dans le reste de l’Europe.

25 emplois créés: un bilan ridiculeGabriele Corona est l’un des critiques les

plus virulents de ces affaires louches. Cet urbaniste et syndicaliste est le fondateur de la plate-forme Internet Altrabenevento, qui lutte contre la corruption dans la province. Il détaille: «Le projet de la société Luminosa a des tas d’effets négatifs sur l’environnement, la santé, la production de denrées alimentaires, et même pour le tourisme à Pietrelcina, lieu de pèlerinage tout proche. Et en définitive, il ne crée que 25 emplois. C’est un bilan ridicule.»

Les opposants au projet de Luminosa ont bénéficié d’une trêve provisoire inespérée. En raison de la mauvaise conjoncture, les FMB n’ont pas encore pris de décision d’investisse-ment définitive. «Nous faisons tout pour obtenir l’autorisation de construire et d’exploiter», déclare Antonio Sommavilla, porte-parole de l’entreprise. Dès que l’autorisation définitive sera octroyée, la direction tranchera en fonction de la situation du marché.

Un détour vers l’Est, en direction de l’Adria-tique, nous conduit à travers les collines douces de la province de Benevento, puis au Nord des Pouilles. À l’horizon, les collines sont truffées de centaines d’éoliennes. Dans la plaine de Foggia, entre Lucera et San Severo, des conduites de gaz d’un mètre de diamètre jaillissent du sol à intervalles réguliers. Les paysans doivent faire très attention avec leurs tracteurs. Au milieu des champs se dresse la nouvelle centrale combi-née à gaz de San Severo, qui appartient à 60% au groupe suisse Alpiq. Elle est entrée en service l’an dernier. Un colosse couleur moutarde, dont l’énorme cheminée scintille au soleil. Il règne un silence de mort. La centrale est arrêtée. Des chiens aboient, un employé arrive et explique qu’il est interdit de photographier. Quand nous lui demandons si la centrale fonctionne, il répond «Ma certo, elle fonctionne parfaitement».

La crise a mis un frein à la demande en élec-tricité. Avec le prix élevé du gaz, la production d’électricité n’est pas rentable. «Cela nous cause effectivement du souci», explique Andreas Meier, porte-parole d’Alpiq. La centrale travaille actuellement au ralenti. En raison des condi-tions difficiles sur ce marché, Alpiq a récem-

Manifestation contre la centrale à gaz en mars: les habitants de Benevento craignent pour leur santé et pour l’environnement.

au milieu des champs de maïs: la centrale combinée à gaz de San Severo, dans la plaine de Foggia.

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ment vendu ses parts (20%) à la société italien-ne Edipower. Voilà donc six centrales au gaz, au fuel et à charbon en moins dans le parc du groupe. Après avoir subi de grosses pertes l’an dernier, Alpiq se restructure en profondeur.

Le long de la mer Adriatique et de ses plages encore désertes, notre voyage se poursuit vers le Sud des Pouilles et la ville portuaire de Brindisi. Nous sommes le 19 mai, jour de l’atten-tat à la bombe contre une école professionnelle qui a coûté la vie à une jeune fille de 16 ans, Melissa Bossi. Toute la ville est dans la rue. Le maire, en fonction depuis à peine trois se-maines, pleure pendant son allocution. Brindisi compte 90 000 habitants, dont près d’un tiers au chômage. Nous parcourons la zone industriel-le au Sud de la ville, avec ses usines pétrochimi-ques et ses six centrales à charbon. Un spectacle désolant... Même par temps clair, on peut voir la traînée jaunâtre des rejets industriels à l’hori-zon. Ces vingt dernières années, de nombreu-ses multinationales ont délocalisé dans des pays à bas salaires, laissant derrière elles une terre brûlée: 4000 emplois sur 5000 ont disparu. Début mai, Greenpeace Italia a manifesté devant

la centrale à charbon Federico II, l’une des plus polluantes d’Europe, organisant une action en faveur de l’abandon du charbon au profit des énergies renouvelables. Ici, Alpiq détenait encore récemment deux participations dans une centrale combinée à gaz et une centrale à charbon.

«Le sol est partout pollué par des métaux lourds», explique Cosimo Quaranta. Depuis une vingtaine d’années, ce militant du WWF suit de près les événements dans la zone industrielle, plus vaste que la ville de Brindisi elle-même. «Les politiciens ne sont guère sensibles aux ravages causés par ces multinationales qui ont décampé sans verser un centime pour décon-taminer les sols», ajoute-t-il. Pourtant, l’espoir renaît, timidement.

Le profit au lieu des nouvelles technologiesDébut mai, plusieurs candidats sans éti-

quette qui s’engagent pour l’environnement, la santé et les nouvelles formes de développement économique ont été élus au Conseil municipal de Brindisi. Ils ne représentent que 6% des élus,

au Nord des Pouilles, les sommets des collines sont truffés de centaines d’éoliennes.

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mais c’est quand même un début. Ricardo Rossi, chercheur à l’ENEA, l’Agence nationale des nouvelles technologies, en fait partie. Pour lui, la nécessité de mettre hors service les centrales à charbon ne fait aucun doute. Mais la situation en Italie est paradoxale. Depuis la catastrophe de Fukushima, le pays est en ébullition, car c’en est bien fini du projet de nouvelles centrales nucléaires pour lequel l’ancien gouvernement Berlusconi voulait débloquer 30 milliards d’euros. Certains milieux en Italie exigent donc d’autres types de centrales. Le lobby du char-bon, Assocarbone, veut même doubler sa part dans la production nationale jusqu’à 30%. «Il n’y a pas de nouvelle technologie là-dessous, c’est seulement une affaire de profit.» Le char-bon n’est pas cher, car personne ne paie les dégâts qu’il cause à l’environnement. Les certificats de CO2 sont insignifiants et n’apparaissent nulle part dans les bilans des grands groupes indus-triels. Les indemnisations pour les dégâts occa-sionnés ne sont pas à l’ordre du jour.

Ricardo Rossi estime que l’Italie n’a pas besoin de nouvelles centrales. Le pic de demande se monte à 55 000 MW; or les installations existantes fournissent 90 000 MW. Pour lui, la solution passe par la démocratisation et l’éta-tisation de la production électrique. Elle devrait tenir compte des besoins effectifs des consom-mateurs sur place et ne pas être déléguée aux multinationales. Cela signifie aussi un passage progressif aux énergies renouvelables, dont la technique se développe rapidement. Nul ne sait combien de temps cette transition devra être soutenue avec de l’électricité des centrales à gaz.

Du gaz en provenance d’Azerbaïdjan Pendant que nous discutons, un homme

essaie de mettre son berger allemand, complète-ment paniqué, dans le coffre de son Alfa Romeo parquée en plein soleil. Cosimo Quaranta lui demande des explications. Le ton monte et ils en viennent presque aux mains, jusqu’à ce que l’homme finisse par admettre que la façon dont il traite son chien n’est pas admissible.

Malgré la crise en Italie, le gaz a le vent en poupe. Les entreprises suisses détiennent des participations dans seize centrales combinées à gaz dans la plaine du Pô et en Italie du Sud. Cinq projets de nouvelles centrales sont actuel-lement gelés. Pour Andreas Meier, collaborateur d’Alpiq, l’idée que la Suisse pourrait produire de

riccardo rossi et Cosimo Quaranta devant une centrale à charbon à Brindisi: «Le sol est partout pollué par des métaux lourds.»

56Magazine GreenpeaceNº 3 — 2012

l’électricité à l’étranger pour ses propres besoins n’est guère réaliste. «En raison des difficultés d’approvisionnement aux frontières, les capa-cités du réseau ont depuis longtemps été ven-dues aux plus offrants. L’utilisation exclusive et à long terme des capacités est terminée depuis longtemps.»

Plus au sud, près de Lecce, sur la côte où se trouve la petite station balnéaire de San Foca, lauréate de plusieurs prix, s’ébauche déjà la pro-chaine étape. Un pipeline doit fournir du gaz provenant d’Azerbaïdjan. Un consortium dont le siège se trouve à Baar, dans le canton de Zoug, et composé d’Axpo (42,5%), de la société norvé-gienne Statoil (42,5%) et de la société allemande E.ON Ruhrgas (15%), a de grandes chances de se voir attribuer le mandat de construction. Cela n’ira pas sans frictions pour San Foca et la commune voisine de Melendugno. Un immense centre de décompression est prévu. Il faudra donc construire une conduite de raccordement de 80 kilomètres de long de San Foca à la petite ville de Mesagne, près de Brindisi. Mais il n’y a pas encore de projet pour cela. Mesagne est le fief de la mafia des Pouilles, la Sacra Corona

Unita. C’est là que Melissa a vécu sa brève existence. Pourtant, pour une fois, la mafia n’est pour rien dans la bombe qui l’a tuée.

Mai 2012, Brindisi, centrale à charbon Federico ii: Greenpeace manifeste pour la fin du charbon et pour les énergies renouvelables.

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* EGL a été entièrement repris par Axpo en février 2012.

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centraLeS À gaz en SuiSSe:

une SoLution SaLe et non

rentaBLepar Mathias Schlegel

Dans différents cantons de Suisse romande, les projets de grandes cen-trales à gaz ont ressurgi des tiroirs dès la confirmation de la sortie du nu-cléaire par les Chambres fédérales. Si, à Genève, le Conseil d’État a enterré le projet de la centrale du Lignon en février dernier, deux grandes centrales à gaz pourraient bien voir le jour en Valais et à Neuchâtel, respectivement celles de Chavalon et de Cornaux ii.

Si le principal problème environnemental posé par les centrales à gaz reste les émissions de gaz à effet de serre, il vaut aussi la peine de s’inter-roger sur leur rentabilité. Celle-ci dépend de deux facteurs essentiels: le rendement énergétique et les émissions de gaz à effet de serre. Le rende-ment énergétique, c’est la quantité d’énergie sous forme de gaz naturel qui est effectivement convertie en courant électrique ou en chaleur. Les promoteurs du projet de Cornaux II tablent sur un rendement de 70%. Pour Chavalon, les chiffres sont encore plus bas, la centrale n’attei-gnant même pas le seuil des 60%. À titre de comparaison, de plus petites centrales au gaz, intégrées à des réseaux de chauffage à distance et en mesure d’absorber la plus grande partie de la chaleur produite, atteignent des rende-ments de plus de 80%. À la différence du soleil, de l’eau ou du vent, le gaz n’est pas une matière première gratuite. Pour que le prix du courant produit soit concurrentiel, il faut des rendements énergétiques plus élevés que ceux atteints par les grandes centrales.

De plus, chacune de ces centrales émettra entre 700 000 et 750 000 tonnes de CO2 par

année. La loi suisse exige que ces émissions soient entièrement compensées, dont la moitié sur le sol helvétique. Or cela a un coût. En Europe, les prix se situent entre 7 et 35 francs la tonne. En Suisse, le coût grimpe entre 70 et 150 francs la tonne.

La compensation des émissions de CO2 n’est pas la panacée en matière de préservation du climat. Après plusieurs années d’existence, ce système n’a pas permis de réduire significati-vement les émissions de CO2 sur la planète. De plus, elle ne couvre pas les émissions de mé-thane, un gaz dont l’impact sur le climat est 20 fois plus élevé que celui du CO2. Si la Suisse souhaite atteindre ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle ne peut pas se permettre d’émettre 1,5 million de tonnes de CO2 supplémentaires par année.

La compensation du CO2 et le prix de l’importation du gaz ont donc un impact sur le prix au kWh du courant produit par ces cen-trales. Celui-ci sera supérieur au prix du marché. Trois facteurs permettraient de changer la donne: une chute des prix du gaz, une augmentation du prix du courant ou la possibilité de compen-ser la plus grosse partie du CO2 émis à l’étranger. Or une baisse du prix du gaz induite par une réduction de la demande est impossible, celle-ci étant appelée à augmenter de 17% au niveau mondial dans les cinq prochaines années, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Les cours du gaz pourraient également baisser avec l’augmentation de l’offre par le recours à des ressources non conventionnelles, tels les gaz de schiste ou les réserves de gaz de l’Arctique, mais l’exploitation de ces ressources pose des pro-blèmes environnementaux insolubles et doit absolument être proscrite.

Pour ce qui est du prix du courant, rappe-lons que le principal frein à l’essor des nouvelles énergies renouvelables est le prix trop élevé de l’électricité qu’elles produisent. Une augmenta-tion du prix du courant doit en premier lieu profiter aux énergies renouvelables. Enfin, les compensations des émissions de CO2 doivent se faire en Suisse. L’argent dépensé en la ma-tière profite ainsi à l’économie locale et n’est pas perdu à l’étranger. Au regard de ces différents éléments, il semble impossible de construire en Suisse de grandes centrales à gaz qui soient à la fois rentables et respectueuses de l’environ-nement.

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Ajoutons que l’impact sur le climat n’est de loin pas le seul problème environnemental posé par l’activité de ces centrales. Différents pol-luants seront émis dans l’environnement, notam-ment de l’oxyde d’azote, de l’acide chlorhydri-que, de l’acide sulfurique et de l’ammoniac. On doit également prendre en compte la construc-tion de gazoducs et de lignes à haute tension qui doit être acceptée par la population locale. En-fin, ces installations seront très gourmandes en eau. La centrale de Chavalon pourrait en-gloutir l’équivalent de la consommation en eau d’une ville de 45 000 habitants.

Pour toutes ces raisons, Greenpeace estime que les centrales à gaz, à l’image des centrales nucléaires, constituent des solutions énergétiques dépassées. Il faut aujourd’hui favoriser l’essor des nouvelles énergies renouvelables et se fixer des objectifs plus ambitieux en matière de maîtrise de la demande en électricité.

Si, sur le papier, les deux projets de centrales à gaz permettraient de compenser une grosse partie de la production de Mühleberg et de Bez-nau 1, les deux plus anciens réacteurs nucléaires du pays, l’enthousiasme des principaux groupes du secteur électrique n’est pas au rendez-vous.

Axpo a décidé d’attendre 2017 avant de se prononcer sur le recours au gaz pour remplacer la production de sa centrale de Beznau. Pour l’heure, sa direction estime que les conditions économiques ne sont pas remplies.

Alpiq laisse son actionnaire minoritaire EOS porter seul le projet de Chavalon.

Quant aux Forces motrices bernoises (FMB), si elles prennent 20% de participation dans le projet de Cornaux II, aux côtés de Groupe E et de Romande Énergie, elles ont gelé le projet de centrale prévu à Utzenstorf, dans le canton de Berne.

une initiative pour L’eFFicacitÉ

ÉnergÉtiQue par Greenpeace

«L’efficacité énergétique» est un concept souvent rabâché qui ne dit pas grand-chose à beaucoup de gens. Il faut que cela change. Car le tournant énergétique ne deviendra réalité en Suisse que si l’on économise de l’électricité à grande échelle. La mise en œuvre de l’efficacité énergétique reçoit aujourd’hui le petit coup de pouce politique qui lui était urgemment nécessaire: Greenpeace et d’autres associations environnementales lancent en effet une initiative populaire en faveur d’un approvisionnement électrique sûr et éco nomiquement viable – l’initiative Efficacité éner getique. Son but est de renforcer la valeur de l’efficacité dans la stratégie énergétique et de fixer des objectifs contraignants.

Un énorme potentiel d’économie inexploitéAujourd’hui en Suisse, un kilowattheure

d’électricité sur trois est produit inutilement. En prenant des mesures concrètes en matière d’efficacité énergétique, on pourrait économiser d’ici 2025 la production annuelle d’environ quatre centrales nucléaires de la taille de celle de Mühleberg, à savoir 13 térawattheures (TWh) par an, et même 19 TWh d’ici 2035, ce qui repré-sente environ six fois la production de Mühleberg.

Une volonté politique (encore)insuffisanteUne politique cohérente est nécessaire pour

tirer parti du potentiel d’économies d’énergie existant en Suisse. Elle implique notamment un train de mesures incluant une taxe d’incitation sur l’électricité, des prescriptions de consomma-tion rigoureuses pour les appareils ainsi que des obligations en matière d’efficacité pour les gros consommateurs et les entreprises d’approvision-nement en électricité. Mais surtout, la stratégie énergétique de la Confédération doit formuler un objectif d’économies ambitieux et contrai-gnant. La volonté politique fait pour l’instant défaut. C’est ici qu’intervient l’initiative Efficacité énergétique.

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Une initiative qui met la pressionCette initiative est la réponse aux proposi-

tions encore beaucoup trop timides du Conseil fédéral. Elle exige que la nécessité de stabiliser d’ici 2035 la consommation électrique au niveau de l’année 2011 soit inscrite dans la Constitu-tion. Grâce à cet objectif concret, le monde poli-tique se verra doté d’une directive claire en matière de promotion de l’efficacité énergétique – ce qui empêchera que les centrales nucléaires ou à gaz ne reviennent par la petite porte.

Chaque signature compteLe Conseil fédéral et le Parlement doivent

recevoir au plus vite un signal fort de la part des électeurs suisses: nous voulons un approvision-nement électrique intelligent, économique, qui préserve les ressources et sans nouvelle centrale nucléaire. La collecte des signatures commen-cera dans les prochains jours.

Vous pouvez d’ores et déjà commander des feuilles de signatures et autre matériel d’infor-mation sur www.greenpeace.ch/efficacite. Contact: anne Koch, energy efficiency Cam-paigner, Greenpeace Suisse

oui, j’aimerais soutenir l’initiative efficacité énergétique. Veuillez m’envoyer des informations complémentaires.

envoyez à: anne Koch, Greenpeace SuisseHeinrichstrasse 147, case postale, 8031 Zurich

CoMMeNT arrêTer SiX CeNTraLeS NUCLÉaireS

Éclairage domestique, industriel, commercial ou public: on économise beaucoup de courant en utilisant des ampoules économiques ou LeD. Potentiel d’économies:

4,1 TWh: au moins 1 fois la centrale de Mühleberg

La domotique comprend les systèmes de chauffa-ge, de refroidissement et d’aération. Les chauffages et chauffe-eau électriques sont les plus gros élec-trivores dans les ménages suisses. ils peuvent être remplacés par des collecteurs solaires, des chauf-fages à pellets ou des pompes à chaleur efficaces. Potentiel d’économies:

2,5 TWh: presque 1 fois la centrale de Mühleberg

appareils ménagers et électronique de loisirs: grâce aux techniques actuelles, p. ex. des frigidai-res mieux isolés ou l’utilisation de blocs multi-prises à interrupteur, on peut fortement réduire la consommation d’électricité. Potentiel d’économies:

3,2 TWh: 1 fois la centrale de Mühleberg

La bureautique, les technologies de l’information et de la communication et les applications électriques dans le transport ferroviaire, les remontées mécani-ques ou les tramways doivent être optimisées. Potentiel d’économies:

2,8 TWh: presque 1 fois la centrale de Mühleberg

Les applications électriques dans l’industrie et le commerce, les moteurs industriels principalement, consomment plus de 30% de l’électricité en Suisse. environ un tiers peut être économisé à l’aide de moteurs modernes et de commandes optimisées. Potentiel d’économies:

6,4 TWh: 2 fois la centrale de Mühleberg

(1 térawattheure (1 TWh) = 1 milliard de kilowattheure (kWh)1 kWh suffit pour env. 8 heures de télévision ou 100 demandes d’information sur le Net.

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«LeS StationS d’Épuration

doivent S’ÉQuiper»

Les micropolluants semblent inoffen-sifs en raison de leur petite taille. Mais ils sont dangereux et persistants: on les trouve dans l’eau, les aliments, les cosmétiques, les vêtements et tout autour de nous.

Lancée en juillet 2011, la campagne «Detox!» avait mis l’accent sur la pollution des eaux en Chine, principal producteur de textiles. Mais cette campagne a aussi montré l’impact sur la Suisse, quand on sait que plus de 85% des micropolluants des textiles importés sont libérés lors des lessives et finissent dans les cours d’eau. Le dernier rapport de la Commission pour la protection des eaux du Léman (CIPEL) dénonce également la pollution du lac Léman. Enfin, Greenpeace a lancé en février 2012 une pétition contre les herbicides qui affaiblissent les abeilles. Entretien avec Nathalie Chèvre, écotoxicologue et auteur du livre Alerte aux micropolluants.

Greenpeace: Ces substances chimiques d’origine humaine retrouvées en faibles concentrations dans l’environnement – les micropolluants – représentent-ils un réel danger?Nathalie Chèvre: C’est un problème majeur et tout sauf anodin. Certains effets sont encore méconnus. Mais ce qui nous inquiète le plus, ce sont les perturbateurs endocriniens, dangereux même à faible dose. Ils peuvent affecter plu-sieurs générations. Des études font un parallèle entre l’augmentation des substances chimiques dans notre environnement et la baisse de la fertilité masculine, la puberté précoce, le cancer du sein ou encore l’obésité. Plusieurs molécules chimiques peuvent interagir et leurs effets à long terme sont encore mal maîtrisés aujourd’hui.Vous êtes membre du groupe micropolluants de la CIPEL. Qu’observez-vous?

Le problème de la pollution industrielle sub-siste. Il y a toujours une quantité importante de

micropolluants dans le Léman. Ce sont des pics de pollution, parfois de très hautes concentra-tions. Une fois par an, voire plus. Souve nez-vous de la baie de Vidy à Lausanne, qui était nauséa-bonde il y a plusieurs décennies. La qualité de l’eau s’est améliorée depuis les années 1960 avec les stations d’épuration (STEP). Et depuis les années 1990, il y a plus de chercheurs et plus de surveillance. Mais c’est encore loin d’être idéal.Qu’en est-il des pesticides? En février 2012, Greenpeace a lancé une pétition qui demande un moratoire pour protéger les abeilles.

Le problème de la mortalité des abeilles est multifactoriel. Les pesticides jouent certaine-ment un rôle dans leur disparition et il est donc important de se préoccuper du risque qu’ils représentent. La situation s’est améliorée dans l’ensemble. À partir des années 1980, on a commencé à réglementer les produits. Il fallait prouver qu’ils étaient sans risque avant de les lancer sur le marché. Les agriculteurs commen-cent à changer d’attitude et font attention où ils reversent leurs produits; les agronomes, de leur côté, ont commencé à baisser les doses.Quelles sont les principales sources de pollution en Suisse?

La plus importante est liée à nos activités quotidiennes: détergents, cosmétiques, etc. On trouve ensuite les pollutions agricoles. Contrairement aux idées reçues, la pollution industrielle n’arrive qu’en troisième position.Que peut-on faire contre les abus?

Il y a plusieurs façons d’agir, surtout en amont. On peut éviter les surdosages ou les pro-duits de confort comme les blocs désinfectants pour toilettes. On peut également collaborer avec les acteurs de différents domaines. Il fau-drait par exemple sensibiliser davantage le personnel soignant et l’empêcher de tout jeter à l’évier. Les hôpitaux sont une source importante de pollution. Nous avons organisé un atelier avec des médecins pour réfléchir aux façons de réduire les quantités de médicaments rejetés dans les eaux.

On pourrait aussi tenter de trouver d’autres teintures moins polluantes pour les textiles. Mais cela demande des moyens financiers qui ne sont pas toujours faciles à trouver. Il y a également le principe du pollueur-payeur, mais il est difficile de trouver le pollueur principal de certaines substances déversées dans le lac.

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Quels polluants sont les pires selon vous?Les hormones de synthèse et tout ce qui agit

sur les hormones: la pilule, le bisphénol A, les phtalates, le PCB, les nonylphénols (NP) issus des textiles. Ces derniers sont persistants et dange-reux, car ils perturbent le système endocrinien. Ils ont donc été interdits dans les années 1980.La campagne «Detox!» de Greenpeace a dénoncé la pollution des eaux suisses lors du lavage de textiles produits en Chine…

Oui, car les stations d’épuration ne sont pas équipées pour traiter les micropolluants. Il y a une nouvelle ordonnance en consultation, qui vise à protéger la flore et la faune aquatiques ainsi que les ressources en eau potable. Les STEP vont devoir s’équiper prochainement, car un traitement complémentaire, même s’il est coûteux, est absolument indispensable. Vous qui avez étudié de près les micro-polluants, buvez-vous toujours l’eau du lac Léman?

Oui, mais pour enlever le chlore qui est volatil, il faudrait conserver l’eau au frigo avant de la boire. Attention à l’eau chaude qui n’est pas garantie potable! De plus, elle contient des substances qui pourraient déclencher des allergies.Que représente l’eau pour vous?

C’est un milieu de vie pour des milliers d’espèces et un élément indispensable à notre survie. Il est donc important d’en préserver durablement la qualité. Actuellement, les res-sources en eau sont encore trop facilement polluées par nos déchets solides et liquides. Cela menace notre survie à long terme.Entretien réalisé par Françoise Minarro

Docteure de l’ePFL et spécialiste en écotoxi-cologie, Nathalie Chèvre travaille à l’Université de Lausanne sur la problématique des micro-polluants dans le cycle urbain de l’eau. elle a écrit, avec Suren erkman, Alerte aux micropol­luants, Lausanne: PPUr (Collection Le savoir suisse), 2011.

1 Des produits contenant des éthoxylates de nonylphénol (NPe) et d’autres substances chimiques sont livrés aux usines textiles et utili-sés comme agents tensioactifs.2 À cause de réglementations laxistes, des NPe sont rejetées avec les eaux usées dans les fleuves, où s’accumule du nonylphénol (NP), un perturbateur endocrinien bioaccumulable et persistant.3 Le NP s’accumule dans les sédiments et la chaîne alimentaire, p. ex. les poissons.4 Des textiles contaminés avec de petites quantités de NPe sont exportés dans le monde entier, même dans les pays où l’utilisation de ces produits chimiques est interdite.5 Les lessives libèrent les NPe dans les canalisations.6 Les stations d’épurations ne parviennent pas à filtrer complètement les NPe et accé lèrent parfois leur transformation en NP toxiques.7 C’est ainsi que le NP, un perturbateur endocrinien, contamine les cours d’eau de pays qui ont interdit l’utilisation des NPe.

Les textiles: un cycle toxique mondial

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La grande barrière de corail menacée par le

charbonLa grande barrière de corail doit être mieux pro-tégée. L’UNeSCo tire la sonnette d’alarme et de-mande au gouvernement australien de protéger cet écosystème fragile des dégâts causés par le tourisme de masse et par l’extraction de char-bon et de gaz. Si rien n’est fait, la grande barrière, composée de plus de 2900 récifs coralliens qui s’étendent sur environ 2600 kilomètres au large de la côte est de l’australie, pourrait bientôt figurer sur la liste du patrimoine mondial en péril, selon un rapport du Comité du patrimoine mondial de l’UNeSCo.

Chaque année, deux millions de touristes vi-sitent ce fleuron du patrimoine naturel mondial. il faudrait avant tout empêcher que de nouveaux ports ne soient construits sur la portion de côte proche de ce site, précise le rapport de l’UNeSCo. L’australie doit remettre un rapport sur la mise en œuvre des mesures de protection d’ici le 1er février 2013. L’UNeSCo jugera alors si elle doit inscrire la grande barrière de corail sur la liste des sites menacés.

L’australie a réfuté vivement la critique de l’UNeSCo. Le gouvernement prendra des mesu-res pour protéger l’environnement, mais ne comp-te pas mettre en danger l’avenir économique du pays, a déclaré Campbell Newman, premier minis-tre de l’État du Queensland.

L’australie est le plus gros exportateur mon-dial de charbon. Une grande partie du minerai est transporté par bateau à partir de ports situés non loin de la grande barrière de corail.

Greenpeace, qui a demandé au gouverne-ment australien de faire marche arrière et de re-noncer à ses projets d’exploitation du charbon, a également lancé une action de protestation par courriel: www.greenpeace.org/australia.

rio+20: échec du Sommet de la Terre

La déclaration «L’avenir que nous voulons» devait jeter les bases d’une «économie verte» et renfor-cer un processus visant à fixer des objectifs de développement durable. or le texte de près de 50 pages reste vague et ne fournit aucune amorce de solution aux problèmes environnementaux qui ont empiré depuis le premier Sommet de la Terre en 1992.

il manque toujours des bases concrètes pour lutter contre le changement climatique, la défo-restation et le pillage des océans. Les États-Unis, la Chine ou l’inde ne souhaitent pas d’objectifs contraignants pour la protection des écosys-tèmes. À l’instigation des États-Unis, plusieurs délégations s’opposent à une meilleure protec-tion des océans.

Le succès des énergies renouvelables, qui offrent une solution économique judicieuse pour produire de l’énergie, a été ignoré. en 2011, 257 mil-liards de dollars ont été investis dans ce domaine, soit 40 milliards de plus que dans les énergies fossiles. Les décisions du Sommet de rio ne citent aucun chiffre ni aucune donnée concernant le dé-veloppement de l’énergie du futur.

réforme du code forestier au Brésil: une présidente sous

haute pression La présidente du Brésil, Dilma rousseff, a mis un véto partiel au nouveau code forestier le 25 mai dernier. elle veut donner l’impression qu’elle s’en-gage activement pour la protection de l’amazonie. La réalité est bien différente.

Greenpeace craint que ce code forestier as-soupli n’accélère la déforestation. Le Brésil a lais-sé passer une occasion unique de montrer que développement économique et protection de la nature ne sont pas incompatibles.

Plus de 300 000 Brésiliens ont déjà signé une pétition réclamant une loi de lutte contre la dé-forestation, qui assurerait la protection totale de l’amazonie. Greenpeace demande à la présidente du Brésil d’écouter son peuple et de guider son pays sur la voie du développement durable. elle pourra alors vraiment revendiquer un leadership mondial sur cette question et être considérée comme une présidente qui tient compte des pré-occupations de son peuple.

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Pétition pour la protection des abeilles

Les abeilles jouent un rôle essentiel pour les éco-systèmes et l’agriculture. Sans la pollinisation par les abeilles, la chaîne alimentaire humaine et ani-male serait menacée. or la production mondiale de denrées alimentaires dépend à 35% des in-sectes pollinisateurs. Partout dans le monde, on assiste à un effondrement des colonies d’abeilles. Nous devons agir de toute urgence si nous vou-lons éviter leur disparition. La Suisse continue d’autoriser dans l’agriculture conventionnelle l’utilisation de pesticides dont la toxicité pour les abeilles est pourtant avérée.

Dans l’intérêt d’une agriculture durable, res-pectueuse des abeilles et proche de la nature, Greenpeace demande:

que, selon le principe de précaution, la Confé-dération décrète un moratoire de dix ans sur les pesticides dont la toxicité et les risques

pour les abeilles sont prouvés, en particulier le fipronil et les néonicotinoïdes (clothiani-dine, thiaméthoxame, imidaclopride et thia-clopride) — comme l’actualité internationale le montre, il est tout à fait possible d’imposer ces interdictions: dans plusieurs pays euro-péens, dont la France, l’allemagne, l’italie et la Slovénie, les autorisations de certains néonicotinoïdes ont été suspendues provi-soirement ou définitivement sur certaines plantations;

que les procédures d’homologation soient plus transparentes et que la Confédération charge des instances indépendantes de véri-fier les effets à long terme des pesticides sur la biodiversité dans l’agriculture.

Signez la pétition en ligne sur www.greenpeace.ch/abeilles ou téléchargez le document que vous ren-verrez, dûment rempli, avant le 31 décembre 2012 à: Greenpeace Vaud, 36 av. de Sévelin, 1004 Lau-sanne. renseignements: [email protected]

Film conseillé: More than Honey. Dans ce documentaire, Martin imhof part à la recherche des causes de la mortalité des abeilles. Dans les cinémas romands à partir du 14 novembre.

La nouvelle brochure d’information de Greenpeace vous explique les conditions nécessaires pour un approvisionnement en électricité renouvelable à 100% et efficace, quels coûts en résulteraient, quelles en seraient les conséquences pour le paysage et les hommes et aussi ce que vous personnellement pouvez contribuer.

Vous trouverez la brochure encartée au milieu du magazine.Nous vous souhaitons une agréable lecture!

Un approvisionnement en électricité à 100% renouvelable d’ici 2025 – est-ce faisable en Suisse?

Nous avons examiné ces questions et d’autres avec des professionnels et sommes arrivés à la conclusion… … que la Suisse est tout à fait en mesure d’assurer son approvisionnement en électri­cité d’ici 2025 avec des énergies renouvelables, favo­rables au climat et efficaces.

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eSLe rapport annuel

de Greenpeace est en ligne

Jetez un coup d’œil à notre rapport annuel 2011! Vous pourrez constater que Greenpeace utilise à bon escient l’argent qui lui est confié.

en 2011, 159 000 donateurs ont soutenu notre organisation en Suisse.

Nous avons reçu 25,3 millions de francs de dons.

18% provenaient de grands donateurs, de fondations et de successions (dont certains anonymes).

Grâce à la confiance de nos donateurs, nous avons pu atteindre des objectifs importants pour la protection de l’environnement en 2011.

Dans le rapport annuel interactif, outre le bilan et les comptes annuels, vous trouverez des arti-cles intéressants, des photos et des vidéos sur toutes nos activités et nos succès de l’an dernier, ainsi que des informations sur notre écobilan: www.greenpeace.ch/rapportannuel.

Si vous le souhaitez, nous vous enverrons une version imprimée de ce rapport annuel. Veuillez contacter notre service d’information (tél. 044 447 41 71 ou [email protected]).

G-Star doit cesser de pratiquer

l’écoblanchimentil y a un an, Greenpeace publiait le rapport «Linge sale»: Septante-huit produits textiles de quinze grandes marques, achetés dans dix-huit pays, avaient été analysés pour détecter des substan-ces chimiques dangereuses. Deux tiers des pro-duits contenaient des éthoxylates de nonylphénol (NPe). Parmi eux, trois sur cinq de la marque G-Star. Les NPe sont utilisés dans les procédés de traite-ment par voie humide et de teinture. L’utilisation de ces produits chimiques est interdite dans l’Union européenne et leur importation est sévèrement limitée. L’utilisation des NPe n’est en revanche pas réglementée dans les pays producteurs.

en raison de la campagne «Detox!» de Green-peace, adidas, C&a, H&M, Puma et Nike ont déjà présenté des plans concrets de décontamina-tion. Ces marques comptent éliminer les subs-

tances toxiques de leur chaîne de production d’ici 2020 — usine après usine, pays après pays. La cé-lèbre marque de jeans et de prêt-à-porter G-Star a certes publié une prise de position, mais, contrai-rement aux autres entreprises, elle n’a fait que de vagues promesses, notamment celle de réduire «autant que possible» les émissions toxiques. Sur son site internet, G-Star se vante pourtant d’être une entreprise écologique modèle.

De l’herbe plutôt que du soja!

La Suisse importe 300 000 tonnes de soja (surtout du Brésil) pour l’alimentation du bétail. Le volume des importations a augmenté de 21% au cours des deux dernières années. 41% de ce soja finit dans les mangeoires de nos vaches qui mangent en principe de l’herbe. Les conséquences de ce mode d’élevage sont des excédents de lait, des paysans qui souffrent de prix à la baisse, ainsi que des dégâts causés à l’environnement en Suisse et dans les pays cultivant du soja.

or ce sont les contribuables qui financent l’agriculture dans notre pays. ils attendent en contrepartie une production de qualité et respec-tueuse du développement durable.

Greenpeace a donc lancé une pétition pour demander aux parlementaires de s’engager en faveur d’une production de lait et de viande bovine écologique dans le cadre de la Politique agricole 2014-2017. Les résultats d’un sondage confortent les revendications de la pétition. Une nette majo-rité des personnes interrogées

juge problématique l’utilisation d’aliments concentrés pour les vaches,

serait prête à payer plus pour du lait produit à base d’herbages, et

pourrait s’imaginer que les 3,5 milliards de francs de subventions agricoles aillent prin-cipalement aux entreprises pratiquant une agriculture écologique (production laitière sans aliments concentrés, sans utilisation d’engrais chimiques ou de pesticides).

Signez, vous aussi, cette pétition sur: www.greenpeace.ch.

«mobil-e», la toute nouvelle boîte d’infos de Greenpeace, aborde sur un ton ludique le thème de l’approvisionnement électrique et vous fournit des informations presque jusqu’à votre porte,

à savoir sur la place du village. «mobil-e» propose des faits et des chiffres sur la réalisation d’un avenir électrique 100% renouvelable d’ici 2025, mais aussi des suggestions et des connaissances sur

l’économie, ainsi que sur la protection du climat et des paysages.

«mobil-e» se déplacera dans toute la Suisse ces prochaines années.Venez y faire un tour!

infos: http://mobile.greenpeace.ch.

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Clean our Cloud — même apple mise sur le

courant vertChaque jour, nous produisons, sauvegardons et envoyons de nombreux térabits de photos, vidéos ou fichiers MP3. Ces données sont sauvegardées sur internet et nécessitent de gigantesques cen-tres de traitement qui représentent une part tou-jours plus importante des besoins énergétiques dans le monde. Le revers de la médaille, c’est que pour assurer l’alimentation électrique d’internet, des tonnes de Co2 provenant de centrales à char-bon sont rejetées chaque jour dans l’atmosphère. Greenpeace a donc invité les trois plus grandes entreprises du secteur – apple, amazon et Micro-soft – à exploiter ces centres de manière propre, c’est-à-dire sans électricité produite à partir de charbon. Le but est qu’elles s’approvisionnent en courant issu d’énergies renouvelables.

Près de 250 000 personnes ont déjà signé la pétition lancée par Greenpeace, exigeant des

responsables qu’ils abandonnent l’électricité des centrales nucléaires ou à charbon.

apple a annoncé son intention de construire ses propres fermes solaires pour alimenter son nouveau centre de traitement de Maiden, en Caro-line du Nord, et de passer complètement aux éner-gies renouvelables à long terme. Microsoft veut exploiter ses centres de traitement sans produire de Co2 dès le milieu de l’année, mais surtout en acquérant des certificats de courant vert. Quant à amazon, elle a jusqu’à présent ignoré nos revendi-cations et arrive loin derrière apple et Microsoft en matière d’approvisionnement électrique.

Greenpeace continuera sa campagne jusqu’à ce qu’apple et les autres géants de l’informatique garantissent que leurs centres de traitement sont propres et le resteront.

Vous pouvez, vous aussi, nous aider en en-voyant un message de protestation par courriel aux dirigeants de ces grandes entreprises!

www.greenpeace.org/cleanourcloud (en anglais)

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Nouveau manuel de Greenpeace

La politique et l’économie ont découvert depuis belle lurette le thème de l’écologie. Mais elles re-chignent à prendre les mesures nécessaires pour un monde meilleur, plus vert. Que faire? Prendre les choses en main, agir soi-même. en tant que citoyen ou consommateur. Car la protection de l’environnement commence et s’achève là où l’homme entre en scène.

Greenpeace publie un manuel pratique à cet égard. À l’aide de conseils et d’explications, il montre comment on peut facilement et rapide-ment agir. Dans une série d’essais distrayants, des spécialistes et des précurseurs s’expriment sur des questions auxquelles on ne peut donner de réponses simplistes. Pour les écologistes ambi-tieux, ce livre fournit des informations très instruc-tives – intelligemment structurées, mises en page et illustrées avec le plus grand soin.

Cet ouvrage paraîtra en automne en allemand; une version française est en préparation. Les mem-bres de Greenpeace peuvent le commander par e-mail à l’adresse [email protected] au prix de 20 francs au lieu de 34 (frais de port inclus).

Solar Queen elizabeth se présente

Face à un réseau électrique peu fiable, auquel la plupart des villages ne sont pas raccordés, le cou-rant solaire peut signifier pour le Kenya la santé, la sécurité et l’indépendance. Kogelo est l’un de ces villages. C’est ici qu’habite Mama Sarah, la grand-mère du président des États-Unis, Barack obama. Pour son 90e anniversaire, une installation photo-

voltaïque a été montée sur le toit de sa maison. Cela grâce à l’équipe de Solafrica dirigée par elizabeth otieno. La formation proposée par Greenpeace et Solafrica.ch a permis à cette jeune femme de 23 ans de devenir la responsable de ce projet de développement solaire. Mama Sarah se réjouit depuis longtemps de ce cadeau. et cette nouvelle source d’énergie profitera à tous les habitants du village – ils pourront recharger leurs téléphones mobiles chez elle. Ces téléphones sont un lien vers l’extérieur, mais aussi un instrument pour les transferts d’argent qui, en raison de la migration, font partie du quotidien de chaque famille.

Les installations solaires offrent des possi-bilités de formation et des perspectives pour les jeunes. elizabeth otieno en est la garante. alors que le gouvernement du Kenya planifie son entrée dans l’énergie nucléaire, elle et son équipe prou-vent que le solaire est une option plus judicieuse dans les pays du Sud.

La journaliste de Greenpeace Laura Weid-mann a rédigé un reportage sur Sarah et «Solar Queen» elizabeth. Vous pouvez le lire sur www.greenpeace.ch/magazine.

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Déchets plastiques

Sensibilisation dans les musées

Au milieu des océans, cinq gigan-tesques amas de déchets plas-tiques flottent au gré des courants giratoires – un phénomène encore méconnu. Seuls 15% des déchets s’échouent sur les plages, tandis que 70% coulent au fond de la mer et le reste continue de flotter. Le Museum für Gestaltung de Zurich a dédié une exposition à ces décharges flottantes: «Une exposition sur la fin du design et l’héritage que nous lèguerons à nos enfants», comme l’écrit le directeur du musée, Christian Brändle, sur le site Internet du projet. La pièce maîtresse est une installation constituée de débris marins en plastique ramassés lors d’opérations de nettoyage des plages à Kahoolawe, une île déserte d’Hawaï, à Sylt en mer du Nord et à Fehmarn dans la Baltique. Ces déchets invitent à la réflexion sur l’origine, le cycle de vie et l’utilisa-tion des produits en plastique. Des commentaires, des photos et des films mettent en évidence l’ampleur de cette catastrophe écologique. Ils montrent comment des oiseaux périssent après avoir ingéré ces débris plastiques qu’ils prennent pour de la nourriture ou comment des microparticules finissent dans nos assiettes.

Quant à l’exposition «Oh, Plas-tiksack!», présentée au Gewer-bemuseum de Winterthour, elle est exclusivement consacrée au sac en plastique. Plus de trente artistes

et designers du monde entier interprètent le thème et racontent, en même temps, des histoires culturelles, esthétiques ou politi-ques triées sur le volet, se rappor-tant à la Suisse ou à l’Allemagne.

Bien qu’à l’échelle mondiale, la montagne de plastique augmente de jour en jour, nous avons reçu, il y a quelques semaines, une bonne nouvelle de Los Angeles, sym-bole même d’une consommation débridée: le Conseil municipal a décidé à une majorité écrasante d’interdire les sacs en plastique dans les supermarchés.«endstation Meer? Das Plastik-müll-Projekt», Museum für Gestaltung, Zurich, du 4 juillet au 23 septembre 2012, www.plasticgarbageproject.org «oh, Plastiksack!», Gewerbe-museum, Winterthour, du 3 juin au 7 octobre 2012, www.gewerbemuseum.ch

Électricité

Des compteurs intelligents pour faire

des économiesDans dix ans, les premières centrales nucléaires suisses seront arrêtées sans être remplacées. Ainsi en ont décidé le Conseil fédéral et le Parlement. Une partie du courant manquant pourra être économisée grâce aux «smart meters». Ces compteurs intelli-gents – de petits ordinateurs raccor-dés au réseau électrique domes-tique – saisissent la valeur de consommation et le montant exact de la tension, puis transmettent ces données à un serveur central. Il en résulte des possibilités inté-ressantes: ces valeurs peuvent être fournies rapidement au client et le sensibiliser à son propre compor-tement. Quant aux informations supplémentaires sur la consomma-

tion d’électricité, elles faciliteront les campagnes d’économies d’énergie ou la mise au point de nouveaux tarifs incitant à un comportement plus économe.

Une étude mandatée par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) atteste que l’introduction de ces nouveaux compteurs est rentable. Elle en conclut que leur installation sur tout le territoire (80% de la population) échelonnée sur vingt ans (de 2015 à 2035) serait écono-miquement viable. Les frais induits par les appareils et l’inst allation, estimés à environ un milliard de francs, seraient compensés par un profit de 1,5 à 2,5 milliards, surtout sous forme d’économies d’électri-cité chez le client.Étude: http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/27519.pdf

Qualité de l’air

Un pavé qui absorbe les gaz polluants

Dans le monde entier, les villes prolifèrent et la circulation automobile s’accroît. Les valeurs limites d’oxydes d’azote seront difficiles à respecter. Ne serait-il pas plus pertinent de capter tout de suite les oxydes d’azote là où ils se forment, c’est-à-dire près du pot d’échappement, grâce au revê-tement de la chaussée? Cette idée a conduit le géologue Werner Tischer à développer un pavé pho-tocatalytique. L’Institut Fraun-hofer a attesté que ce bloc en béton d’un nouveau genre pouvait absorber de 20 à 30% des oxydes d’azote, et même jusqu’à 70% en l’absence de vent. Si ces pavés, de l’avis des experts, ne permet-tront pas à eux seuls d’éliminer les oxydes d’azote qui polluent l’air de nos villes, ils constituent une mesure parmi d’autres. www.nuedling.de

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rapport sur l’environnement

Sans mesures décisives, le chaos

menaceLe Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a publié la 5e édition de son Global Environment Outlook (GEO) pour servir de base aux négociations lors de la Conférence Rio+20 en juin dernier. Durant trois ans, 600 experts du monde entier ont analysé les progrès accomplis dans la réalisation des 90 princi-paux objectifs mondiaux en matière d’environnement. Ils sont arrivés à la conclusion que seuls quatre de ces objectifs avaient notablement progressé. Selon ce rapport, la pression humaine sur les écosystèmes a atteint un seuil critique et, dans certains domaines, les limites biophy-siques ont déjà été dépassées. Les scientifiques s’inquiètent en particulier du changement clima-tique qui se poursuit: quatre analyses indépendantes révèlent que la période de 2000 à 2009 a été la plus chaude jamais enregis-trée. Les émissions provenant de la combustion de carburants et des cimenteries n’avaient encore jamais été aussi élevées qu’en 2010.

Les modèles climatiques actuels montrent que les émissions de gaz à effet de serre pourraient doubler au cours des 50 prochaines années, ce qui devrait conduire à une augmentation de la tempéra-ture mondiale de 3°C. La perte de la biodiversité est également une réalité tragique, spécialement pour les écosystèmes marins, constate l’équipe du GEO. Les récifs coralliens sont les plus me-nacés. Ils ont diminué de 38% depuis 1980. Si les aires protégées représentent 13% de la surface terrestre, les zones marines ne

sont protégées que sur 1,6% des océans. Les ambitions affichées dans les résolutions internationa-les étaient d’arriver respective-ment à 17 et à 10% d’ici 2020.

En revanche, l’interdiction de substances nocives pour l’ozone et l’introduction de carburants sans plomb ont eu des effets positifs sur l’environnement. L’accès à l’eau potable s’est aussi amélioré pour de nombreuses personnes, même si cela a eu des conséquences indésirables sur les nappes phréa-tiques: en 50 ans, les prélèvements d’eau ont triplé. Cette hausse est surtout due à l’agriculture, qui utilise 92% de l’eau douce consom-mée dans le monde.

La consommation des res-sources ne cessant d’augmenter, les gouvernements devraient être bientôt confrontés à des dégâts environnementaux sans précé-dent, a averti le directeur du PNUE, Achim Steiner. Les auteurs de l’étude exigent l’instauration d’une économie verte et une redéfini-tion du bien-être qui aille au-delà du produit intérieur brut.rapport et résumés: www.unep.org/geo/geo5.asp

energy academy

Energy Academy – 100%

renouvelableLa catastrophe au Japon et l’inquié-tante déstabilisation du climat nous montrent à quels problèmes considérables conduisent les énergies fossiles et nucléaires. Le cours «Energy Academy – 100% renouvelable» vous familiarise avec les options fondamentales de l’avenir énergétique. En deux journées, nous vous présenterons les possibilités et les solutions qui s’offrent à la politique énergétique suisse: Comment couvrir les be-

soins en électricité sans dommage pour l’homme et l’environne-ment? De l’énergie propre pour les transports, l’habitat et le travail: quelles sont les options et les meilleu res façons de les réaliser? Que puis-je faire, à titre privé ou en tant que citoyen au niveau communal, cantonal ou fédéral?

Des cours auront lieu les same-dis 20 octobre et 3 novembre 2012 à Lausanne. Une participation aux frais de 300 francs est demandée (repas végétarien compris). Les cours sont gratuits pour les béné-voles actifs. Contact: [email protected]

À lire

100% renouvelablede rudolf rechsteiner

Comment sortir de l’impasse après Fukushima

Le fait que, depuis Fukushima, la Suisse ait décidé de renoncer à de nouvelles centrales nucléaires est un tournant historique qui semblait impensable il y a encore peu de temps. Mais comment remplacer proprement les vieilles centrales? Comment garantir la sécurité de l’approvisionnement? Comment réduire les émissions de CO2 sans trop de frais?

Cet ouvrage montre par quels moyens le passage aux énergies renouvelables sera possible. La Suisse et son économie peuvent en profiter. Plus de cent illustrations fournissent des réponses aux questions les plus brûlantes. Un livre qui intéressera toutes celles et tous ceux qui souhaitent un avenir sans crise énergétique.Les membres de Greenpeace peuvent commander ce livre au prix spécial de 25 francs à l’adresse: [email protected] dès octobre.

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Le point sur les i — la chronique de Kuno

deS SouriS et deS HoMMeS

Lorsque nous étions enfants, nous racontions les blagues de l’éléphant et de la souris. L’une disait: une souris fait pipi dans la mer, puis se tourne vers l’éléphant et lui demande: «Au fait, je peux?» C’est comme avec les changements de comportement indi-viduels: moins utiliser sa voiture ou économiser de l’électricité, ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mer.

Les changements de comportement ne sont importants pour l’environnement que s’ils se produisent à l’échelle collective. Mais cela suppose une décision commune, un ordre ou une campagne. Dans presque tous les autres cas, une stratégie misant sur des changements volontaires échoue à cause de l’inertie du plus grand nombre. De nombreuses organisations environnementales es-timent toutefois pouvoir rassembler autour d’elles une foule de souris. L’idée est simple: informer d’un problème permet d’en prendre conscience et suscite un changement de comportement. La psycho-sociologie montre pourtant que les normes et l’effet rebond font couler à pic toutes ces gouttes d’eau dans la mer.

Et ce qui ne marche pas chez des adultes échouera à coup sûr chez des jeunes. Pourtant, les offres en matière d’«éducation à l’environnement» ne manquent pas – sans que l’environnement soit mieux protégé et que les jeunes aient appris quoi que ce soit. Une telle éducation, c’est du pipeau: la baignoire déborde, les enfants épongent le sol, mais oublient de fermer le robinet. On s’attaque aux symptômes et non aux causes. C’est pour cela qu’il y a des sub-ventions...

Cette pédagogie de la mauvaise conscience est bien éloignée d’une véritable «éducation au développement durable»* qui pour-rait se résumer ainsi:

encourager l’expérience vécue, surtout chez les enfants: «Du balai! – mais vraiment» (au lieu d’appeler une équipe de net-toyage);

organiser des travaux pratiques, p. ex. des stages pour les jeunes (au lieu de ces ennuyeuses séances de «sensibilisation»);

apprendre en mettant la main à la pâte et en réfléchissant à ce que l’on fait – et non se contenter de transmettre des savoirs.

Précisons, pour éviter tout malentendu: respecter soi-même l’environnement, c’est bien. Ce qui ne va pas, c’est d’appliquer uniquement une stratégie, avec une foule de petits tuyaux qui ne font pas avancer les choses. Si tu lances dix balles à la fois à quelqu’un, il n’en attrapera aucune.* voir p. ex. http://www.educ-envir.chidées et thèses plus détaillées à ce propos sur le blog (en allemand): www.greenpeace.ch/kuno

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Sables bitumineux

Un lobby canadien s’oppose à une

directive de l’UEDans le cadre de la directive de l’UE concernant la qualité des carburants, une valeur d’émission de gaz à effet de serre plus élevée a été attribuée aux carburants pro-duits à partir de sables bitumi-neux. L’importation de ces produits dans l’UE serait ainsi quasiment impossible. Ces sables, que l’on exploite surtout au Canada, sont une ressource non convention-nelle permettant de produire du pétrole. Leur extraction, difficile, nécessite une grande quantité d’énergie et entraîne la destruction de vastes surfaces de forêts. Les entreprises canadiennes font depuis longtemps pression pour défendre les sables bitumineux. L’ambassadeur du Canada en Alle-magne a critiqué cette directive en arguant qu’elle ne repose pas sur des faits scientifiques, alors que la commission se réfère à une étu-de de l’Université Stanford. La directive devait être soumise à un vote en juin. Mais la commission ayant décidé de mandater d’autres études sur les conséquences pos-sibles de cette législation pour les entreprises et les marchés, le vote n’aura lieu qu’au début 2013.

72Magazine GreenpeaceNº 3 — 2012

Gagnez l’une des trois lampes solaires Kibera.Ou achetez-la sur www.greenpeace-schenken.ch et financez l’achat d’une lampe pour un enfant des bidonvilles de Nairobi. Envoyez la solution jusqu’au 30 septembre 2012 par courriel à [email protected] ou par voie postale à Greenpeace Suisse, rédaction magazine, mots fléchés écolos, case postale, 8031 Zurich. La date du timbre postal ou de réception du courriel fait foi. La voie juridique est exclue. Il ne sera échangé aucune correspondance.

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AZB8031 Zürich

L’OURS POLAIRE N’A

PAS D’ENNEMI NATUREL.

MAIS IL Y A sHeLl.