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Estienne, Paul (01). Paul Estienne. Histoire complète du maréchal Mac-Mahon, président de la République française. (1874). 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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  • Estienne, Paul (01). Paul Estienne. Histoire complte du marchal Mac-Mahon, prsident de la Rpublique franaise. (1874).

    1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service.

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  • (PAULESTIENNE)

    HISTOIRE COMPLTE

    DU MARECHAL

    DE MAC-MAHON

    PRESIDENTDELAREPUBLIQUEFRANCAISE

    PARIS

    LIBRAIRIEUNIVERSELLED'ALFRED DUQUESNE16, RUEHAUTEFFEUILLE16

  • HISTOIRE COMPLTE

    OU

    MARCHAL DE MAC-MAHON

  • CEVOLUMEATDPOSau

    MINISTRE DE L'INTRIEUR(sectiondEla librairie)

    CONFORMMENTA LA LOI

    Tous droits de reproductionet de traductionrservs.

    Paris.Typ.deRougeetCie,r. duFour,43.

  • (PAULESTIENNE)

    HISTOIRE COMPLTE

    DU MARCHAL

    DE MAC-MAHON

    PRESIDENTDELAREPUBLIQUEFRANCAISE

    PARISLIBRAIRIE UNIVERSELLE D'ALFRED DUQUESNE

    16, RUEHAUTEFEUILLE16

  • AVERTISSEMENT

    DE L'EDITEUR

    L'ouvrage que nous publions n'est pasune simple biographie, mais une Histoire deMac-Mahon.

    De biographie, il n'en existe pas. On nepeut du moins donner ce nom aux noticestrs-sommaires, et la plupart fort inexactesqui ont paru dans ces derniers temps. Celivre comble donc une lacune importante.Aucune part, nous tenons l'affirmer, n'ya t laisse la fantaisie. L'auteur n'a riencrit qui ne ft appuy sur des tmoignagescertains, sur des documents officiels; il acart tous les renseignements dont l'au-thenticit ne lui a pas paru dmontre.

  • VI Toutes les erreurs commises ont t recti-fies ; un grand nombre de faits curieux,peu connus, ou compltement ignors ontt recueillis et remis en lumire. L'auteurenfin n'a eu d'autre souci que celui de lavrit, d'autre dsir que celui de donner aupublic un rcit fidle et complet d'une vieglorieuse entre toutes, certain qu'il lui suf-firait d'tre clair et exact pour intresserses lecteurs.

    ALFREDDUQUESNE.

  • TABLE DES MATIRES

    CHAPITRE PREMIER

    16911808-1855

    Les mlodies irlandaises. Les Mac-Mahon d'Ir-lande. Emigration des Mao-Mahon. Le chteaude Sully.Naissance de Maurice de Mac-Mahon.Sa famille. Son pre. Le petit sminaire d'Au-tun. L'cole militaire.Expdition de Blidah etMdah. Le lieutenant Mae-Mahon au tniah deMouzaa. La brigade Achard. Le sige d An-vers.Le capitaine Mac-Mahon aide de camp auduc do Nemours. Premire expdition de Con-stantine. Retraite dsastreuse.Deuxime ex-pdition de Constantine. Mort de Damrmont.- L'assaut.- Le gnral d'Houdelot. - Crationdes chasseurs pied; leur organisation. Retourde Mae-Mahon en Afrique. Encore le col deMouzaa. Le 10 bataillon de chasseurs. Com-bat de Bab-el-Thaya. Expdition de Ziban et deBiskara. -Le Dera d'Abd-el-Kader.Mac-Mahon,gnral. Nouvelles campagnes en Algrie. Lagrande guerre. Une scne digne du Cid... 15

  • 8

    CHAPITRE II

    1855-1856La question d'Orient. Politique franaise, poli-

    tique russe. La guerre dclare. Le projet dumarchal de Saint-Arnaud. L'expdition de Cri-me rsolue.Bataille de l'Alma. Mort de Saint-Arnaud. Le gnral Canrobert. Ouverture destranches devant Sbastopol. Bataille de Bala-clava.Bataille d'Iukermann.La Tour Malakoff'.Mort du ezar Nicolas.Le gnral Plissier prendle commandement en chef de l'arme Assautinfructueux du 18 juin. Bataille de la Tchernaa. Mac-Mahon en Crime. Situation de l'arme.Nos travaux devant Malakoff'. Il faut en flair! L'assaut est dcide. L'artillerie ouvre le feu.Positions des troupes. Le gnral Bosquet. C'estMac-Mahon qui doit prendre Malakoff. Il estraidi. Intrpidit de Mae-Mahon. J'y suis, etj'y reste!L'explosion Le Kourgane Malakoff.Une dcouverte providentielle. Prise de Sbas-topol. Ce que la victoire nous cotait. Plis-sier marchal. Mae-Mahon commandant l'armede rserve. Conclusion de la paix. Mac-Mahonsnateur. Les enfants de Mahon 42

    - CHAPITRE III.18571858

    Mac-Mahon simple divisionnaire. La grandeKabylie. Les Beni-Raten. La division Mac-Mabon prend Tacherahir, Belias, Afensou, Imase-ren et Bou-Arfaa. Une escalade. Le Bordj deSouk-el-Arba. La Kabylie va mourir. Les Bni-

  • Menguillet. Combat d'Ichriden. Mac-Mahonet Bourbaki. La 26 lgion trangre. Le com-mandant Mangin. Une dangereuse conversation. Prise d'Aguemoun-Iseu.Les tribus du rocher.Les Ithouvagh et les Illilten. L'expdition estfinie. La mdaille militaire. Mac-Mahon auSnat. Attentat d'Orsini. Loi de sret gn-rale. Une seule voix s'lve pour la repousser. Discours du gnral de Mae-Mahon. Ce qu'il,faut attendre de lui. Retour en Algrie,... 10

    CHAPITRE IV.1858-1860

    La question italienne au congrs de Paris.- Na-polon III et le baron de Hbner. Le comte deCavour. Ngociations rompues. La guerre estdclare.- L'arme des Alpes.-Combat de Mon-tebello. Marche de l'arme.Combat de Tur-bigo.Action d'clat du gnral Auger.Bataillede Magenta. Plan de l'ennemi. Mouvement dugnral de Mac-Mahon. La garde au pont deBuffalora. Le canon de Mae-Mahon. Situationcritique et anxit do l'empereur.Tout est perdu. Mac-Mahon arrive! Ce qu'il tait devenuSes deux divisions menaces d'tre coupes Untemps d'arrt. Une course fantastique. Marchesur Buffalora et Magenta. Prise de Cascina-Novaet de Marcallo.Jonction d'Espinasse et de La Moi-terouge.Attaque de Magenta. Mort du gnralEspinasse. La victoire est nous! Rsultatsde la bataille. Marchal et duc de Magenta Entre de Mac-Mahon a Milan. Combat de Ma-rignan.Bataille de Solferino.Situation du corpsde Mac-Mahon. Danger que court sa droite. Prise de Casa-Marino.Prise de San-Cassiano.Cavriana est enlev. Droute des Autrichiens.

  • 10 Paix de Villafranca. Entre Paris de l'armevictorieuse 98

    CHAPITRE V.

    18601869Mort de Frdric-Guillaume IV, roi de Prusse. Le roi Guillaume Ier Compigne. Le ma-rchal de Mac-Mahon lui est prsent. Le ma-rchal ambassadeur extraordinaire de France enPrusse. Couronnement du roi Guillaume Koe-

    nigsberg. L'ambassade franaise. Curiositqu'excite le vainqueur de Magenta. L'ordre del'Aigle-Noir. Discours du roi Guillaume. Lesftes de Berlin. Le bal de l'ambassade franaise. Un souper royal. Une revanche prendre. Le baiser de la reine. Retour en France. Mac-Mahon gouverneur gnral de l'Algrie. Insurrection des tribus. Le colonel Beauprtre. Situation de la colonie ; rformes qu'elle r-clame. Proclamation du marchal. Combats deTeniet-el-Rihh, An-Dermel et An-Malakoff. Si-Lala et Si-Mohamed-ben-Hamza. Napolon IIIen Algrie. Ses projets. Proclamation auxArabes. L'oeuvre du marchal de Mac-Mahon.La famine en 1868.La marchale do Mac-Mahon;sa bont, sa charit. Pacification de l'Al-grie 137

    CHAPITRE VI.1870

    La priode douloureuse. Dclaration deguerre a la Prusse. L'arme du Rhin.Position

  • -- 11 des divers corps. Le corps Mac-Mahon. Combatde Wissembourg; mort d'Abel Douay. Compo-sition du 1er corps. Bataille de Woerth. Lescuirassiers de Reichshoffen. La retraite. D-faite du gnral Frossard Forbach. Le camp deChlons. Situation de l'arme de Metz. Mac-Mahon marchera-t-il sur Metz ou sur Paris? Leplan Palikao. Les responsabilits. Mac-Mahonet la politique. L'arme de Reims. La marchesur Paris est dcide. M. Rouher et le marchal. Rcit du Marchal. Rcit de M. Rouher. Projet de dcret et proclamation. La dpchefatale. Marche vers l'Est. Le ministre de laguerre L'expdition de Sedan et M Thiers.M. Jrme David. La catastrophe Combat deBeaumont. Bataille de Sedan. Le marchalbless grivement. La capitulation.Le marchalprisonnier 160

    CHAPITRE VII

    18711874

    Retour du marchal en Franco. Insurrectiondu 18 mars. Les illusions. L'arme de Ver-sailles. Mao-Mahon gnral en chef. Forcesdes insurgs. Les forts. Ducatel au Point-du-Jour. Entre des troupes dans Paris; laguerre des rues. Fin de la lutte; proclamationdu marchal. L'pe d'honneur. Etat desesprits. Les partis dans l'Assemble. La" politique du message. La crise dcisive.M. Thiers donne sa dmission. Le marchal deMac-Mahon prsident de la Rpublique. Le mi-nistre du 25 mai. Premier message du prsi-dent; sa ligne do conduite. Comment la bourseaccueille son lvation. Le Shah do Perse a.

  • 12 Paris. La fusion. Les projets monarchiquesL'arme et la politique. Le devoir du sol-dat. La royaut est faite. Manifeste du comtede Chambord. Le Bayard des temps moder-nes . La proposition Changarnier. Ncessitdo crer un pouvoir stable. La prorogation poursept ans et les lois constitutionnelles. Dclara-tion du prsident do la Rpublique. Sance du18 novembre. MM. Bertault et Prax-Paris. Discours de M. do Castellane. - M. Jules Simonet les dix voix de majorit. MM. Rouher etNaquet. Discours de M. Depeyre. La sancede nuit du 19 novembre. M. de Broglie. Levote. Le marchal de Mac-Mahon prsidentpour sept ans. Message du 21 novembre. Lenouveau ministre 191

    CHAPITRE VIII.

    1874

    Le Septennat devant la nation. Le Septennatet les partis. Le marchal au Tribunal de com-merce. Son discours. Une revue Longchamp.Ordre du jour l'arme. Le marchal, c'est lapaix ! 237

    CHAPITRE IX.NOTES,RCITS,SOUVENIRSADDITIONS.

    Portraits. Equitation. Les chevaux du ma-rchal. Le 3 septembre Sedan. L'homme.

  • 13

    Lemarchal chez lui. Mac-Mahon et l'arme.

    Histoire d'un drapeau. Discipline et bont; lafoliede la soif. Les humbles. L'omelette.Une commission, Des gens heureux Les mo-distes de Pont-de-C, Le chasseur. Deuxheures de rflexion. Punch. Le complot d'Au-tun Madame la marchale de Mac-Mahon.Conclusion. Pour la France!. 236

  • HISTOIRE COMPLTEDU

    MARECHAL DE MAC-MAHON

    CHAPITRE PREMIER

    1691 1808 1855

    SOMMAIRE.Les mlodiesirlandaises.- LesMac-Mahond'Ir-landeEmigrationdesMac-Mahon.-Lechteaude Sully. Naissancede MauricedeMac-Mahon.Sa familleSonpre. Le petit sminaired'Autan. L'cole mili-taire - ExpditiondeBlidahet Mdah.-Le lieutenantMao-Mahonau Tniahde Mouzaa.- La brigade AchardLe sige d'AnversLe capitaineMac-Mahonaide decampdu ducde Nemours.Premire expditionde Con-stantine.Retraite dsastreuse. Deuximeexpditionsde Constantine.Mort deDamrmont. Lassaut - Legnrald'Houdetot.Crationdes chasseursa pied; leurorganisation.Retourde Mac-MahonenAfrique.Encorele col deMouzaa Le 10ebataillonde chasseurs.Com-bat de Bab-el-Thaya. Expditionde Zibanet Biskara.La Derad'Abd-el-Kader.Mac-Mahongneral.Nou-vellescampagnesenAlgrie.La grande guerre.Unescnedignedu Cid.

    N'oubliez pas les champs o ils sont tom-bs, les derniers, les plus fidles des braves ;ils ne sont plus et notre esprance a pri sansretour avec eux.

  • - 16 - Oh! si nous pouvions reconqurir sur lamort ces coeurs qui bondissaient pour la patrie!S'ils se relevaient la face du ciel, pour re-nouveler le combat de l'indpendance! En un instant serait brise la chane quela tyrannie nous impose; ni hommes, ni dieuxn'auraient le pouvoir de la renouer. C'en est fait, l'histoire grave sur ses tablesle nom de celui qui nous a vaincus; mais mau-dite est sa renomme, maudit est son char detriomphe, qui roule sur les ttes des hommeslibres. On aimera mieux la tombe, on aimeramieux le cachot illustr par un nom patriote,que les trophes de ceux qui marchent lagloire sur les ruines de la libert (I). Qui parle ainsi? Qui donc a compos deschants qui semblent faire revivre nos malheurset nous en consoler? Est-ce crit d'hier? Est-ceun Franais qui a crit ces strophes?Non, ce chant n'est ni d'hier, ni de demain,il est de tous les sicles qui ont vu un grandpeuple souffrir. Le pote est de tous les paysqui ont, une heure marque, vu leur sol foulpar un conqurant, et leur indpendance me-nace. Ce pote s'appelle Thomas Moore, et ilest n en Irlande.C'est de l'Irlande, c'est de cette terre peuplepar les frres de nos pres, c'est de cette nationsi litre et si opinitre dans l'amour de son in-

    dpendance, c'est d'elle que nous sont venusles anctres de celui dont nous avons raconterl'histoire

    (1)ThomasMoore,Mlodiesirlandaises.

  • 17 Les Mac-Mahon descendent d'une des plusanciennes familles do l'Irlande, laquelle, a

    l'origine, ils ont fourni plusieurs toparques,rois locaux ou chefs de territoire. Leur nom at illustr dans toutes les luttes soutenuespour l'indpendance irlandaise; il tient unelargo place dans le martyrologe de ce malheu-reux peuple toujours perscut, toujours acca-bl, jamais dsespr.

    Quand, aprs la bataille de la Boyne, Jac-ques II vaincu dut se retirer en France, prsde quinze mille Mandais migrrent et trou-vrent un asile dans notre pays. Les Mac-Mahonfurent de ce nombre.Leur noblesse lut vrifie, reconnue et con-firme par le roi, et leur famille s'tablit en

    Bourgogne.A peu de distance d'Autun, au bord d'unepetite rivire qu'on appelle la Dre, s'lve lechteau de Sully. C'est le domaine patrimonialdes Mac-Mahon .C'est l qu'est n, le 13 juin 1808,Marie-Edmc-Patrice Maurice de Mac-Mahon,le seizime des dix-sept enfants du marquisCharles-Laure de Mac-Mahon. Les premiresannes de son enfance s'coulrent dans cettedemeure seigneuriale qui, entre parenthse etsoit dit en passant pour les biographes du ma-rchal, n'a de commun que le nom avec le ch-teau o le grand minisire de Henri IV crivitses Mmoires. Sully, en effet, tirait son nom dubourg de Sully-sur-Loire (Loiret), qui est, onl'avouera, une distance respectable d'Autun.Le chteau de Sully est encore habit aujour-d' hui par madame la marquise de Mac-Mahon,qui faillit tre victime d'un complot dont les

    2 2

  • 18 auteurs furent rcemment jugs Autun.

    Le marquis de Mac-Mahon, frre an dumarchal, s'est tu, nous a-t-on dit, en tombantde cheval dans une course. Un autre de ses,frres, grand chasseur comme lui, tait plusparticulirement dsign sous le nom de Mac-Mahon de Rivault. Aujourd'hui il ne reste plusau marchal que deux soeurs.

    Son pre avait t fait marchal de camp en1814. Il servit en cette qualit sous la Restau-ration et resta l'ami intime du roi Charles X,qui l'appela siger la Chambre des Pairsen 1827. Le marquis Gharles-Laure do Mac-Mahon avait pous une demoiselle de Cara-man; par cette union sa famille, qui comptaitdj d'illustres alliances, se rattacha aux mai-!sons des Caraman et des Chimay, descendantsdu fameux Riquet qui, en 1666, ouvrit le canalde Languedoc.Quand le jeune Maurice de Mac-Mahon fut en

    ge de commencer ses tudes, il fut plac aupetit sminaire d'Autun. De cet tablissementreligieux, vritable ppinire d'hommes sup-rieurs dans tous les genres, sont sortis monsei-gneur Landriot, mort rcemment archevquedo Reims, et le cardinal Pitra. Tous deux, nsdans les environs d'Autun ont pu tre, quoiqueun peu plus jeunes que le marchal, ses con-disciples au petit sminaire, alors dirig parun homme vnrable et aim, l'abb Lveill.Les anciens lves du sminaire n'ont pointoubli leurs visites au chteau des Mae-Mahonet la paternelle hospitalit qu'ils y trouvaient.En effet, c'tait une habitude depuis longtempsconsacre, lorsque les promenades du mercredi

  • - 19 taient diriges de ce ct, de s'arrter Sully;un gracieux accueil y attendait la jeune bandequ'on ne laissait point partir sans avoir prisune lgre collation. C'tait alors une habitude,disons-nous, et sans doute l'usage s'en est per-ptu jusqu'ici.Maurice de Mac-Mahon fit dans cet tablisse-

    ment des tudes brillantes, rapidement pous-ses, qu'il vint terminer ensuite dans une insti-tution de Versailles.En 1825 peine g de 17 ans, il fut admis l'cole militaire de Saint-Cyr ; il en sortit

    dans les premiers rangs et entra le 1er octobre1827 l'cole d'application d'Etat-Major.L'Algrie, dont la conqute fut bientt entre-

    prise, ouvrit cette nouvelle gnration d'of-ficiers une longue carrire de batailles, decombats, d'actions gnrales ou partielles, o.ils devaient trouver de nombreuses occasions dese distinguer. Le sous-lieutenant de Mac-Mahony fut envoy ds les premiers temps. Il taitdtach au 4e hussards pour y faire le stage au-quel sont astreints les officiers d'tat-mjor.Nous savons qu'il assista au dbarquement deSidi-Ferruch et la prise d'Alger.Il prit part ensuite l'expdition de Blidah(novembre 1830) (1). Dj le gnral Achard (2),qui commandait une brigade do l'arme exp-ditionnaire du marchal Clausel, s'tait atta-ch le jeune officier en qualit d'aide de camp.

    (1)Voir l'excellentouvragede M. LonceAndr: LESCAMPAGNESD'AFRIQUE,rcits populaireset anecdotiques.Paris,1vol.,AlfredDuquesne,diteur.(2)Et nonAllard,commel'ontcritquelquesbiographes.

  • 20 Sr de ses troupes et se confiant dans leur

    valeur, le marchal Clausel voulut signaler soncommandement par des entreprises glorieusespour lui et pour l'arme,

    A ce moment, le bey de Titery, Bou-Mezrag,aprs avoir foment en secret la rbellion parmiles tribus kabyles, venait de jeter le masque etde se.dclarer ouvertement.L'insurrection avaitgagn la Mitidja. Il importait de la rprimer, etsurtout d'en chtier l'instigateur..

    Le 17 novembre 1830, une colonne composede trois brigades commandes par les gnrauxAchard, Monck d'Uzer et Hurel, sous les ordresdu gnral Boyer, se porta vers Blidah.Uue premire rencontre eut lieu environ

    deux kilomtres de cette ville. La brigadeAchard dispersa les Arabes qui s'opposaient notre marche ; les hauteurs qui entourent Blidahforent occupes; bientt la ville mme futattaque et enleve. L'arme campa hors desmurs, et le 19 la brigade Achard fut assaillie defront par une nue d'Arabes, tandis que lesKabyles de la montagne l'attaquaient sur sonflane ganche.La cavalerie repoussa les premiers,tandis que l'infanterie, 20 et 37 de lignedispersait les Kabyles groups sur toutes lespentes du petit Atlas. Dans ces divers engage-ments , le lieutenant de Mac-Mahon, se fitremarquer par son incroyable entrain et. safougueuse bravoure.

    la suite de ce succs, le marchal Clausel,laissant un dtachement Blidah, reprit samarche et se porta sur Mdah. L'armefranchit l'Oued-el-Kebir son confluent avecla Chiffa, et campa la ferme de Mouzaa. A

  • cet endroit, la route de Mdah pntre dans lepetit Atlas par une gorge profonde et fortresserre. Le gnral Achard avec sa brigadese porta en avant-garde et s'tablit troiskilomtres environ de la ferme de Mouzaa,Un marabout normale Sidi Mohammed Ben-

    Fkir parut le lendemain au camp franais,accompagn de cinq des principaux cheiks dela contre. Ils venaient protester de leur espritde soumission et rclamer, pour les populationsplaces sous leur autorit, la clmence de notregnral en chef. On les rassura-; ils fournirentdes renseignements sur ls moyens de commu-nication les plus favorables la marche de lacolonne expditionnaireOn pouvait suivre doux routes pour parvenir Mdah: l'une, assez facile et commode pourles troupes, c'tait la plus longue;l'autre, pluscourte, tait abrupte, prilleuse, seme d'ob-stacles ; ce n'tait, vrai dire, qu'un sentier,serpentant sur les flancs de la montagne, etsur la largeur duquel deux hommes peinepouvaient marcher de front. Ce chemin venaitaboutir au fameux col ou Tniah de Mouzaa.Tous les obstacles dont cette route tait semene firent pas hsiter le marchal Clauzel.Il s'agissait de frapper avec vigueur et d-cision : ce fut le chemin le plus direct qu'ilchoisit.

    Le 21 novembre, ds l'aube, l'avant-gardecommena escalader les pentes du petit Atlas,;on arriva bientt sur un vaste plateau d'o l'ondomine, ses pieds, la Mitidja, au loin laMditerrane. Ce fut l qu'on fit halte, et ledrapeau franais, hiss pour la premire fois

  • 22

    sur ces hauteurs, fut salu de vingt-cinq coupsde canon.

    La brigade Achard, guide par les officiersd'tat-major du gnral, le lieutenant de Mac-Mahon en tte, continua avancer. Bientt lavue d'un pont rcemment bris fit prvoir larencontre prochaine de l'ennemi. En effet, peud'instants aprs, on le voyait couronner toutesles crtes environnantes ; une vive fusilladecommena, tandis que deux pices, qui dfen-daient le Tniah de Mouzaa, canonnaient nostroupes. La situation de celles-ci ne laissait pasd'tre critique; suivant un sentier escarp etglissant, domin de chaque ct par de fortsmamelons et surplombant au-dessus d'un largeravin, nos soldats avanaient lentement, exposs tous les coups des Kabyles. On dut successive-ment et travers bien des prils s'emparer descrtes et refouler les assaillants, tandis qu'unepartie de la colonne continuait suivre la route.Il fallait se hter; le jour tirait sa fin. Ondonna l'ordre au capitaine Lafare de franchirle ravin avec une compagnie du 37 et decouvrir la droite, tandis que la colonne se por-terait au pas de charge vers le col pour l'en-lever. Celte manoeuvre s'excuta rapidement;la brigade Achard s'lana au pas de course ;l'ennemi fut culbut, la victoire tait nous.Ce fut le lieutenant de Mac-Mahon, qui, aprsavoir toujours combattu la tte de nos soldatset les avoir plusieurs fois entrans, parvint lepremier au col de Mouzaa, sous une grle deballes.

    Ce beau fait d'armes avait t accompliavec une telle rapidit qu'il ne nous cota

  • 23

    que trente morts et soixante-douze blesss.Ce fut aprs cette affaire et sur la position

    mme dont il s'tait empar, que Mac-Mahonreut la croix de chevalier de la Lgion d'hon-neur.

    L'arme, toujours prcde par la brigadeAchard, poursuivit sa route, et bientt, aprs denouveaux combats, put entrer dans Mdah. Lebey de Titery lui-mme fit sa soumission etvint se remettre entre nos mains comme pri-sonnier de guerre.Le marchal Clausel, ayant obtenu tous les

    rsultats qu'il attendait de cette expdition ,laissa dans Mdah une garnison de trois batail-lons sous le commandement du colonel Marion.Le 26, il reprenait la route d'Alger, avec lesbrigades Achard et Hurel.

    La garnison de Mdah fut bientt attaquepar les Arabes. Elle ft une dfense qui estreste clbre, dfense o elle s'puisa ; il fallutd'abord la ravitailler, puis, comme on rduisaitl'arme d'Afrique, on dut abandonner cetteplace. Le gnral Danlion, qui en avait pris lecommandement aprs le colonel Marion, ne secrut pas suffisamment en force pour traverserl'Atlas sans danger. Aussi, avant d'vacuerMdah, demanda-t-il qu'on envoyt au-devantde lui des troupes charges de l'appuyer. Cefut encore le gnral Achard, que Mac-Mahonn'avait point quitt, qui fut charg do cettemission. Il se porta avec sa brigade jusqu aucol de Mouzaa o il attendit Danlion et leramena jusqu' Alger (4-janvier 1831).

    Le 21 fvrier, le marchal Clausel quittaitl'Algrie, annonant, par un ordre du jour, que,

  • 24 -rduite comme elle l'tait, l'arme d'Afriqueprendrait, jusqu' nouvel ordre, le nom dedivision d'occupation; son effectif, d'ailleurs,n'tait plus quede trois mille neuf cents hommes,Nomm lieutenant le 20 avril, Mac-Mahon;

    fut rappel on France.Bientt il allait prendre part une campa-

    gne d'un tout autre genre que celles qu'il avaitfaites jusqu'ici, et, aprs s'tre battu en Afri-que, au milieu des montagnes, contre une ar-me irrgulire, il allait venir dans le Nord,en Belgique, assister une srie d'oprationspratiques suivant toutes les rgles de l'artmilitaire, contre des troupes intrpides, disci-plines et bien commandes.Le 5 aot 1831, les Hollandais, ayant leur

    tte Guillaume et Frdric d'Orange, fils duroi, ainsi que le prince de Saxe-Weimar, enva-hissent la Belgique : le roi Lopold ne peutleur opposer que des forces insignifiantes quisont bientt repousses. Mais la France envoieau secours des Belges 50,000 hommes, sons lesordres du marchal Grard. Les Hollandais seretirent; des ngociations sont ouvertes; maisl'entente avec la Hollande ne peut s'tablir;l'Angleterre et la France se dcident agir denouveau contre eux. Tandis qu'une flotte an-glo-franaise va bloquer l'Escaut (8 novembre1832), une arme franaise, commande en-core par le marchal Grard, se rend en Bel-gique (15 novembre) et ouvre le sige devantAnvers, que les Hollandais refusent d'vacuer.C'est dans l'arme assigeante que nous re-trouvons le gnral Achard, et auprs de luison fidle aide-de-camp, le lieutenant, de Mac-

  • 2o Malien. L encore celui-ci trouva l'occasion dese distinguer. On sait ce que fut le sige d'An-vers. Le gnral Chass, qui commandait lestroupes hollandaises, fit une belle dfense, etne rendit la place que le 23 dcembre.Mac-Mahon rapporta d'Anvers la croix de

    l'ordre de Lopold. Un an aprs, il fut nommcapitaine d'tat-major (20 dcembre 1833), etl'ut quelque temps dtach au 1errgiment decuirassiers. Mais les loisirs de la paix et la viede garnison ne pouvaient, longtemps lui suffire.Bientt il est, sur sa demande, renvoy l'ar-me d'Afrique, o de nouveaux dangers et denouveaux exploits l'attendent.Pendant les annes 1834 et 1833, il prend

    part presque toutes les entreprises qui sonttentes contre les Arabes, toujours acharnsdans leur rsistance. Aide de camp du gnralBro, il se distingue encore une fois dans uneexpdition heureuse contre les Hadjoutes et lesBeni-Kalil. Il donne en toutes circonstances detelles preuves de son courage dj si admir,de ses talents militaires et de ses qualits per-sonnelles, que, lorsque le roi Louis-Philippeenvoie son fils, le due do Nemours, combattreparmi nos soldats, c'est le capitaine de Mac-Mahon que l'on choisit, avec le colonel Boyer,pour remplir auprs du prince les fonctionsd'aide de camp. Ce choix dit assez l'estime quel'on avait de son caractre et la confiancequ'il avait su inspirer.L'anne 1830 avait dbut par l'expditiondo Tlemcen, qui avait suivi celle de Mascara,dont le duc d'Orlans avait fait, partie. Le ma-rchal Clausel avait projet une grande exp-

  • 20 dition contre Constantine; le roi Louis-Philippevoulut que le duc de Nemours y prt part. Leprince dbarqua en Algrie dans les premiersjours d'octobre.

    L'arme, sous les ordres du marchal, partitde Bone le 13 novembre. Ds les premiers joursde marche, les mauvais temps vinrent l'as-saillir. La pluie, la neige, la grle, le froid,dcuplrent ses fatigues; l'tat sanitaire destroupes fut gravement compromis.Commence sous d'aussi tristes auspices,celte campagne, devait tre malheureuse jus-qu'au bout. On n'arriva devant Constantino quele 21 novembre. Ds le 21, en dpit de la bra-voure de nos troupes, en dpit de tous lesefforts, il fallut se rsigner la retraite. Elles'accomplit dans les conditions les plus dplo-rables.

    Pendant trois jours, l'ennemi ne cessa deharceler dans sa marche cette arme dcimepar les maladies, dmoralise par son chec,puise par les combats et parles intempries dela saison.

    Enfin, le 27, aprs quelques engagementsforts vifs, on croyait que l'ennemi avait enfinlch prise, et l'on esprait franchir sans obs-tacle le col de Ras-el-Akhba, quand soudainles Kabyles vinrent se placer devant la colonnepour lui fermer la retraite. Il fallait frayer unpassage l'arme. Le capitaine de Mac-Mahons'en charge; il prend avec lui les lieutenantsRaichis et Bertrand, officiers d'ordondance dumarchal, se meta la tte des spahis, et s'-lance le premier au galop de charge. Il enfonceles rangs des Kabyles, renversant tout, sabrant

  • 27

    out; frapps d'pouvante ce choc foudroyant,ils fuient dans toutes les directions. Le col deRas-el-Akhba est libre; la colonne peut ache-ver sa route douloureuse. Le 28, elle arriva Guclma, et entra Bone le 1er dcembre.Danscette triste expdition, elle avait eu quatre centcinquante-trois morts ou disparus et trois centquatre blesss. Ceux qui avaient chapp aufeu de l'ennemi prirent ensuite en si grandnombre dans les hpitaux, qu'on peut, d'aprscertains rapports, estimer deux mille hommesle chiffre de la perte totale.

    la suite de cet chec, le marchal Clauselfut remplac par le gnral de Damrmont(12 fvrier 1837), qui vint prendre possessionde son poste le 3 avril.Le revers essuy par nos armes avait produit

    en France un dplorable effet : il fallait enobtenir rparation. Une nouvelle expditionfut rsolue; il fallait tout prix s'emparer deConstantine.

    On tait dcid cette fois runir toutes lesforces ncessaires pour assurer le succs. Leduc de Nemours, qui avait partag, dans lapremire campagne, les souffrances cl les d-ceptions de notre arme, voulut cette fois en-core combattre avec elle. Il revint en Algrie.

    On tenait, dans cette entreprise, no rienlivrer au hasard ; aussi, ds l'arrive du prince,un conseil fut-il tenu chez lui, afin de dciders'il valait mieux commencer immdiatementles oprations ou les renvoyer au printempssuivant. Le dpart fut rsolu pour le jour leplus prochain et des ordres furent donns pourhter les derniers prparatifs.

  • - 28 Le gnral de Damrmont devait prendre lecommandement en chef. Le duc d'Orlans

    Tarait vivement sollicit auprs de son pre;mais des considrations de famille dcidrentle roi garder son fils prs de lui.La petite arme expditionnaire comptaitdix mille hommes; elle tait munie de dix-sept

    pices de sige et emmenait avec elle dix-huitjours de vivres. Elle formait quatre brigades :la premire sous le commandement du duc deNemours ; les autres places sous les ordres dugnral Trzel, du gnral Rulhires et ducolonel Combes.Le 1eroctobre 1837, les brigades Nemours cl

    Trzel quittrent le camp de Merdjez-Amar sept heures et demie du malin. Le duc deNemours vint camper au col de Raz-el,-Akhba,tandis que le gnral Trzel tablissait sonbivouac prs des ruines romaines d'Anouna.Une pluie violente ayant assailli nos soldatsdans cette premire journe, on trembla quecette expdition ne s'accomplt dans les mmesconditions que la premireLes deux autres brigades s'acheminaient unpeu en arrire avec le convoi, formant ainsiune colonne parfaitement distincte de la pre-mire.Le lendemain on eut repousser quelques

    Arabes;le 5 on tait en vue de Constantine, etle 6 les deux premires brigades campaient surle plateau de Mansourah.Le duc de Nemours reut le commandementdes troupes de sige. Il visita tous les travaux

    le 7 au point du jour.Ce ne fut que le 9 que l'on put commencer

  • - 29 bombarder la ville. Bien que nos pices ti-assent sans relche, on n'obtint tout d'abordune de mdiocres rsultats. Il fallut changeroutes les dispositions prises.Enfin, le 11, une nouvelle batterie de brche

    fut tablie cent vingt mtres de la ville; l'ar-illerie ennemie fut en grande partie teinte;nais les remparts rsistaient sans qu'on rus-t les entamer, lorsque, vers deux heures,uncapitaine du gnie fit tirer quelques bouletssur une saillie de l'enceinte; un boulementle produisit.Ce coup heureux fut salu par une acclama-'

    ion gnrale.. Le gnral Vale, qui comman-lait l'artillerie de l'arme, se trouvait alorsluprs de cette batterie. Il vint au jeune offi-cier : Capitaine, lui dit-il, je vous proposerai

    aujourd'hui mme pour le grade de comman-lant. Mais, mon gnral, je suis le plus jeune

    les officiers de mon grade ; il en est de plusanciens de mieux mritants. Ont-ils ouvert la brche ? Mais, mon gnral, c'est que je no suispas encore dcor, et.... Bah ! repartit le gnral Vale, vous sau-rez bien gagner la croix sans moi, comman-dant, et, si je vous ai bien jug, vous serez unjour de ceux qui les donnent (1).Ce capitaine s'appelait Niel. Il se chargea deraliser la, prdiction du gnral. Vingt-deuxans plus tard il tait nomm marchal de

    (1) Les Campagnesd'Afrique,LonceAndr.

  • - 30

    France sur le champ de bataille do SolferinoLe lendemain 12, la brche fut ouverte sur

    une largeur assez grande pour livrer passageaux colonnes d'assaut. Le gnral de Damr-mont vint examiner les effets produits sur cepoint par notre artillerie; il s'tait plac sur unterrain dcouvert et frquemment balay parles projectiles de l'ennemi. Son tat-major luifit de pressantes observations sur le dangerauquel il s'exposait. Il n'en voulut tenir aucuncompte. Un boulet parti de la place l'atteigniten pleine poitrine. Le capitaine Mac-Mahon,qui se tenait ses cts, releva lui-mme le,corps du gnral en chef, tandis qu'auprs delui le gnral Perregaux tombait frapp d'uneballe entre les deux yeux.

    Le gnral Vale, le plus ancien en grade,prit alors le commandement de l'arme et an-nona pour le lendemain l'assaut que nos sol-dats rclamaient grands cris.Le 13, trois heures et demie, on envoya

    les capitaines Boutault, du gnie, et Gardarens,des zouaves, reconnatre la brche. Ils s'ac-quittrent de leur mission avec un grand sang-froid, malgr la vive fusillade qu'on dirigeaitsur eux. Ils dclarrent que cette brche taitpraticable.Les colonnes d'assaut, que le duc de. Ne-mours devait diriger, furent donc disposes. Lapremire tait commande par le lieutenant-colonel Lamoricire, la seconde par le colonelCombes, la troisime par le colonel Corbin.

    A sept heures, le prince donna le signal.Lamoricire s'lance avec ses zouaves. Le ca-pitaine de Mac-Mahon s'est dj prcipit en

  • - 31

    avant; quoique dj bless la veille la poi-trine par un clat d'obus, il escalade la brchesous un feu pouvantable et parvient un despremiers au sommet du rempart. Et l'on saitce que fut cet assaut; il est devenu presquelgendaire. Le colonel Lamoricire, le com-mandant du gnie Vieux, le chef d'escadronDumas, le capitaine Richepanse, le capitaineLagrave, des zouaves, le capitaine Polluer, dugnie, et tant d'autres y furent, blesss. Le co-lonel Combes, le chef do bataillon Srigny, lecapitaine du gnie Hacket moururent sur labrche.

    Enfin, la journe du 13 cota l'arme qua-rante officiers tus ou blesss, deux cents sol-dats tus et six cents blesss.La victoire fut duc en grande partie, en ce

    jour glorieux, l'hroque exemple que don-nrent les officiers, au courage et a la con-fiance qu'inspirait la prsence du duc de Ne-mours, de ce prince qui, partout, en de tellescirconstances, donna des prouves de la plusgrande bravoure et d'une remarquable intelli-gence des choses de la guerre.

    Les noms de Nemours, de Lamoricire, deMac-Mahon, de Niel ont depuis cette fameusejourne brill d'un clat toujours plus vif, etils ont justifi toutes les esprances que leurconduite en cette occasion avait pu faire con-cevoir.

    Quant au capitaine de Mac-Mahon, sa for-tune militaire date vraiment de cette poque.Peu de temps aprs l'expdition de Constan-

    tine, qui excita en France un si vif enthousiasme,le capitaine de Mac-Mahon quitta l'Algrie. Il

  • 82 fit successivement partie de plusieurs tats-majors jusqu'au moment o le gnral d'Hou-detot, aide de camp du roi Louis-Philippe, l'at-tacha sa personne.A cette poque, le gnral d'Houdelot fut

    charg de diriger les tudes qui devaient avoirpour rsultat la cration d'un nouveau corpsde troupes, destin une juste clbrit. Nousvoulons parler de l'organisation des chasseurs pied.

    Ce projet remontait l'anne 1833, alors quele marchal Soult prparait, sur fous les dtailsdu service des armes, en quelque situationqu'elles se trouvassent, ces excellents rgle-ments qui sont encore eu vigueur aujourd'huiet dont la stricte observation a tant contribu maintenir dans l'arme la discipline et l'unitd'action.

    A cette poque donc, le marchal Soult avaitremarqu que l'organisation de notre infanterieprsentait une importante lacune. Les opra-tions effectues jusqu'alors en Algrie en avaientfait ressortir tous les inconvnients.

    En maintes occasions, on avait d, dans nosexpditions d'Afrique, pour organiser descolonnes mobiles, peu nombreuses, mais devantcomprendre des dtachements de toutes lesarmes, morceler les rgiments et en disperserles bataillons. Or, ces bataillons, troitementunis entre eux, se trouvaient en quelque sortedpayss, dvoys, ds qu'il leur fallait vivreisolment, s'administrer eux-mmes,, vivre deleur vie propre.,Le marchal Soult voulait organiser desbataillons indpendants, s'administrant isol-

  • 33 -

    ment, pouvant subsister par eux-mmes, facile-ment mobilisables, trs-aptes la formationde colonnes restreintes, et qui, adjoints auxdivisions de l'arme, pussent tre employs certains services spciaux et dans des circon-stances dtermines.Ces bataillons devaient recevoir un arme-

    ment particulier, une instruction exception-nelle et tout approprie l'usage auquel ilstaient destins.Le projet du marchal Soult fut examin,

    discut, puis accept en principe. Enfin, onrsolut de le mettre excution.Ce ne fut tout d'abord qu'un essai, et l'on ne

    forma au dbut qu'une seule compagnie ditede tirailleurs. Cette dsignation indique suffi-samment quel emploi on les rservait.Le gnral d'Houdetot fut charg de diriger

    l'organisation de cette compagnie qui avait tplace sous les ordres du capitaine Delamarre.On procda par ttonnements ; mais peu peul'ide se dveloppa, s'agrandit, mesure quel'exprience se poursuivait. On voulut que lestirailleurs eussent des armes spciales; unecarabine d'un nouveau modle leur fut donne;on songea alors faire de cette troupe un corpsde tireurs mrites qui devait tre prcieuxdans les cas, frquents en campagne, o laprcision du tir doit tre recherche. C'est Vincennes que ces tudes se poursuivaient.Bientt les rsultats obtenus parurent si satis-faisants qu'au lieu d'une compagnie ce fut unbataillon qu'on forma.Le duc d'Orlans, le roi mme, s'intressaientextrmement cette cration. Le gnral d'Hou-

    3 3

  • _ 31 detot y donnait tous ses soins ; il tait, il fautle dire, trs-heureusement second par sonaide de camp, le capitaine de Mac-Mahon, quieut certainement une grande part dans cetteoeuvre.Une fois l'instruction de ce bataillon acheve,

    on en prouva l'excellence dans des manoeuvresrptes. Mais cette exprience pouvait n'trepas concluante ; il s'agissait de savoir ce qu'unetroupe ainsi constitue pouvait excuter devantl'ennemi. Ce premier bataillon de chasseurs,plac sous les ordres du commandant Grosbon,Sut donc envoy en Algrie.

    Le duc d'Orlans, le gnral d'Houdefot, etle, capitaine de Mac-Mahon partirent aussi pourl'Afrique , et purent assister aux premiersexploits de cette nouvelle troupe. Ce fut au coldo Mouzaa que les chasseurs de Vincennesfirent leurs preuves. Le duc d'Orlans, que leduc d'Aumale avait accompagn, avait pris lecommandement d'une division ; et il avaitrclam pour lui et pour les siens l'honneurd'enlever la position qu'Abd-el-Kader avaitrendue formidable.

    Le prince divisa ses forces en trois colonnes:l'une sous les ordres du gnral Duvivier, laseconde sous ceux de Lamoricire, la troisimecommande par le gnral d'Houdelot.Le 12 mai, la pointe du jour, le duc d'Or-lans donna le signal de l'attaque et, montrant ses soldats le sommet de Mouzaa : Allons,enfants, s'cria-t-il, les Arabes nous attendentet la France nous regarde! Les hommes,lectriss, s'lancrent ; ils arrivrent d'abordjusqu'au premier plateau. Il y eut l un court

  • - 35 -

    repos. Puis l'escalade recommena, pour enle-ver la position capitale. Elle fut dfendue avecacharnement par les Arabes et les Kabyles.Il n'y avait encore qu'une seule colonne

    engage; mais le prince ayant donn 1 ordred'appuyer le mouvement, tout le reste de l armeentra en action. A ce moment, il tait environdeux heures, le soleil illumina les crtes quejusque-l d'pais nuages environnaient. Cescrtes taient toutes hrisses de retranche-ments d'o partait un feu formidable. Nossoldats s'aidant, pour gravir ces escarpements,des asprits du roc, bravrent tous les prils.Pendant que la premire colonne avanaittoujours, enleve par l'intrpide Changarmerqui, froid et calme, son sabre sous le bras,faisait attaquer la baonnette, le duc d'Orlanss'tait mis la tte des deux autres colonnes etles entranait vers ces hauteurs presque inex-pugnables. Vers trois heures, comme il venaitde gagner une pente boise, il fiTmettre sacs aterre, et lana ses troupes en avant. Un ravinse prsenta derrire lequel les Arabes taientfortement tablis. On les attaque la baonnette;la rsistance est opinitre, sanglante. Aux ctesdu prince tombent le gnral Schramm et lecommandant Grosbon, dont le bataillon desnouveaux tirailleurs fait des prodiges de va-leur.

    Ceux-ci, exasprs, tentent un effort suprmeet culbutent tout ce qu'ils rencontrent sur cepassage. Bientt la victoire est complte, etles trois colonnes atteignent presque en mmetemps le sommet du col. Le capitaine de Mac-Mahon sut encore faire admirer sa bravoure

  • 30 sur ces mmes sommets o nagure il avait sivaillamment gagn sa croix de chevalier.

    Cette fois, ily gagna l'paulette de comman-dant, et fut quelque temps attach l'tat-majordu gnral Changarnier. Quelques jours aprscette prise du col de Mouzaa, il se distinguaitencore au combat des Oliviers. Mais le bruitd'une guerre europrenne, crainte pour les uns,esprance pour les autres, avait commenc circuler. Certaines complications s'taient le-ves; la situation devenait menaante; enfin,en vue des ventualits qui pouvaient surgir,la France s'arma. Le duc d'Orlans fut rappelen France ; Mac-Mahon y revint lui-mme.Ces tirailleurs, l'instruction et l'organisa-tion desquels il avait pris une si large part,venaient de faire leurs preuves, cl, avaient mon-tr dans une premire victoire tout ce que l'onpouvait attendre d'eux. On rsolut d'en crerdix bataillons, au lieu d'un.Un vaste camp avait t tabli Saint-Qmer;c'est l que les nouveaux bataillons, compossd'hommes d'lite choisis dans les rgiments,devaient tre forms. Le premier bataillon,dont on avait lieu d'tre si satisfait, fut rappeld'Afrique et dirig sur Saint-Omer, afin d'yservir de type pour la constitution des corpssemblables qu'on allait y instruire. Le ducd'Orlans fut charg de prsider cette cra-tion. Il la poussa avec une activit remar-quable.

    La succession du commandant Grosbon avaitt donne au capitaine de Ladmirault qui sor-tait des zouaves. Le commandement de huitautres bataillons fut confi des officiers prou-

  • 37 vs entre tous: MM.Faivre, Camou, de Bousin-gen, Mellinet, Forey, Clre et Uhrich.Quant au 10, il chut Mac-Mahon. Il en

    est, on le sait, de l'tat-major comme de tousles corps spciaux, l'avancement y est lent etdifficile, et l'on avait voulu ouvrir au jeunecommandant une carrire moins pnible et oil pt dployer, dans toute leur tendue, lesqualits exceptionnelles qu'on avait remar-ques en lui.

    Faisons observer en passant que, des chefsqui commandrent ces premiers bataillons dechasseurs (ils prirent ce nom ds cette poque),deux seulement n'arrivrent pas au grade degnral : Uhrich qui prit sa retraite, et Clrequi fut tu en Algrie.Le commandant Mac-Mahon retourne bientten Afrique. Jusqu'en 1835 il n'en doit plussortir, si ce n'est pour faire des intervallesfort loigns de rares apparitions en France.

    A dater de l'anne 1841, nous le retrouvons chaque pas de cette guerre de conqutes,toujours le mme, d'une intrpidit dj pro-verbiale dans l'arme, d'un sang-froid et d'unedcision admirables, d'un coup d'oeil sr, d'unesprit fcond en ressources, et ne se dconcer-tant jamais dans les circonstances les plus cri-tiques et les plus graves.Nous ne retracerons pas ici les innombrablesexpditions entreprises dans un pays difficile,sous un climat dvorant, contre un ennemitoujours renaissant. Toutes, ces luttes se res-semblent, et pour les raconter il faut sans cosserecourir aux mmes mots, retracer des priptics presque identiques, donner les mme

  • 38 -

    dtails; il semble que cette guerre d'Afrique,qui s'est prolonge jusqu' nos jours, se rsumedans une seule campagne recommence sanscesse et toujours refaire. Elle offre peu deressources la plume du narrateur qui cher-cherait la varit. Mais les luttes qui se pr-tent le plus au rcit ne sont pas toujours lesplus hroques, et celles qui se droulrent de1840 1848 sur la terre africaine furent toutesremplies des belles actions de nos soldats.Nous leur devons plusieurs gnrations d'offi-ciers illustres et habiles qui s'y prparrentaux grandes guerres de notre temps.

    Mac-Mahon poursuivit avec clat sa carriresi magnifiquement commence. Il se distingueen 1841 au combat do Bah-el-Thaya. L'annesuivante il est nomm lieutenant-colonel de la2e lgion trangre, qu'il organise fortement,et qu'il dirige dans plusieurs campagnes. En1844 sa belle conduite dans l'expdition deZiban et de Biskara le fait citer l'ordre dujour de l'arme. Le 24 avril 184f, il est nommcolonel et prend le commandement du 41e doligne. Cette anne lui fournit encore de bellesoccasions d'illustrer son courage et il se mon-tre plus brillant que jamais aux combats deDjebel-Alhra, d'Adoussa et d'Ain-Kebira.

    Deux ans aprs, il est la tte du 9 rgi-ment de ligne; il n'a pris le commandementde ce rgiment que pour rester en Algrie etcontinuer celle existence glorieuse de fatiguesincessantes et de luttes perptuelles qui est savie, et qui seule peut offrir un aliment suffi-sant son tonnante activit. Pendant cesdeux annes il dirige plusieurs colonnes mo-

  • 39

    biles. C'est lui qui, Djemma-Ghazouat, ac-cueille les onze captifs survivants des troiscents prisonniers faits par Abd-el-Kader Sidi-Brahimet Ain-Temouchen. Ces onze infortuns,chapps la mort et rachets par la France,reoivent leur arrive Djemma-Ghazouatles honneurs militaires dus leur malheur.C'est encore le colonel Mac-Mahon qui, la finde dcembre 1847, avec le gnral Lamori-cire, ferme, sur les frontires du Maroc, touteissue l'mir et sa Deira. Abd-el-Kader dutse rendre et vint se remettre entre les mainsde Lamoricire. Peu de temps aprs Mac-Mahontait nomm gnral de brigade.

    Il prend part la rpression de nombreusesinsurrections qui, dans les quatre annes sui-vantes, se succdent en Algrie. Il dirige di-verses expditions, ou y coopre tantt contreles Zouaouas, tantt contre les tribus de Collo.Presque tous les champs de bataille de la petiteKabylie sont illustrs par son courage et lesfaits d'armes de ses soldats. Il se distingue par-ticulirement au combat de Kala, et rduitles tribus de Collo, qui ne se soumettent qu'a-prs lui avoir oppos la rsistance la plusopinitre, la plus acharne. Nul, du reste, neconnaissait comme lui tous les secrets de cetteguerre de montagnes, pleine de ruses et d'em-bches; dj, en 1849, il avait dompt les tribusde la frontire marocaine et. port, en 1850,les couleurs nationales jusque chez les Msida.

    Enfin,le 16 juillet 1852, il est lev au gradede gnral de division et se signale peu detemps aprs dans l'expdition entreprise dansla rgion situe au sud de Biskara,

  • - 40 C'est par ces clatants services, sur une terre

    ingrate, dans ces luttes sanglantes, mais o lesactions les plus hroques restaient parfoisobscures, que le gnral de Mac-Mahon se pr-parait la gloire plus clatante et plus dura-ble que devait lui donner la grande guerre.Rsumons cette premire priode de la viede Mac-Mahon.

    Il est gnral de division; il a quarante-quatre ans peine; il a dj prs de vingt-sept ans de services, dont vingt-trois ans pas-ss presque tout entiers sous le climat ardentet dans les guerres incessantes de l'Afrique.Les campagnes, les actions d'clat et les cita-tions l'ordre du jour de l'arme sont nom-breuses sur ses tats de services.

    Son prestige militaire est grand devant l'ar-me; les soldats le connaissent, l'aiment etl'admirent. Il n'est pas moins connu des tri-bus arabes et kabyles; la plupart ont prouvce que peut sa valeur. Parmi ces populationssuperstitieuses, une sorte de lgende s'est for-me sur lui : il est si impunment tmraire,qu'on le croit invulnrable; il compte tant devictoires, qu'on le croit invincible. Son nom apntr jusque par del les crtes des montskabyles; ce nom redout, on se le rpte, etl'on tremble ds qu'on apprend l'approche duvaillant chef qui le porte. Il suffit parfois qu'ilsoit prononc pour que les plus ardents desrebelles inclinent vers la soumission.On nous rapporte, ce propos, une anecdote la fois touchante et sublime, nave, sauvage,pleine de grandeur. On croirait, l'entendre,une scne du Ciel, oublie par Corneille et que

  • _ 41

    lui seul sans doute et pu conter dignement :En 1845, le colonel de Mac-Mahou, la tte

    d'une forte colonne, s'avanait dans la Kabylieorientale. Aprs une marche pnible et pleined'obstacles, il arrive devant un mamelon es-carp, d'o l'ennemi, fortement retranch, fai-sait pleuvoir sur ses troupes une grle deballes. Il fallait enlever cette position. Le co-lonel s'y prpare; il donne l'ordre d'attaquer;mais la colline est si escarpe, l'accs en est sidifficile, la situation de l'ennemi est si avan-tageuse et notre succs si douteux, que Mac-Mahon hsite poursuivre une entreprise otant de braves gens vont trouver la mort, peut-tre inutilement.

    Doit-il continuer l'attaque? Doit-il battreen retraite? Battre en retraite, lui!...Tout coup, trois Kabyles, des vieillards,

    des chefs, se montrent sur la hauteur, agitanten l'air des haillons blancs. Mac-Mahon or-donne de cesser le feu. Les Kabyles s'appro-chent. Alors le plus vieux, le plus vnrable,prend la parole et, s'adressant au colonel :

    Jamais, dit-il, jamais notre pays n'a t soumis qui que ce ft. Nous tions dcids ne pas nousrendre et nous faire tuer, tous, ici, jusqu'au der-nier. Mais ce n'est pas un ennemi que nous avonsdevant nous : c'est un frre ! Comme nous, tu des-cends de Mahon. Notre montagne s'appelle Bou-Mt-Mahon, ce qui veut dire le pre des Mahon,et nous, nous sommes comme toi, Mae-Mahon, lesenfants de Mahon. C'est pourquoi nous te livronsnos personnes, nos familles et nos biens (1). (1)Voirla gravure la fin du volume.

  • CHAPITRE II

    1855. 1856

    SOMMAIRE.Laquestiond'Orient. Politique franaise,politiquerusse. La guerre dclare. Leprojet dumarchalde Saint-Arnaud.L'expditionde Grimer-solue.Bataillede l'Aima. Mortde Saint-Arnaud.Le gnralCanrobert. Ouverturedes tranchesdevantSobastopol.Bataille de Balaclava. Batailled'Inker- 'mann. La TourMalakoff,Mort du czar Nicolas,Le gnral Plissierprend le commandementen chefdel'arme. Assautinfructueuxdu 18juin. Batailledela Tchernaa. Mac-Mahonen Grime.Situationdel'arme.NostravauxdevantMalakoff.Il fautenfinirL'assautest dcid,L'artillerieouvrele feu.Posi-tions des troupes. Le gnralBosquet. C'est Mac-Mahonqui doit prendreMalakoff.Il estmidi.Intr-piditdeMac-Mahon.J'y suis,etj'y reste! L'explo-sion. LeKourganeMalakoff.Unedcouverteprovi-dentielle. Prise de Sbastopol. Ce que la victoirenous cotait. Plissiermarchal. Mac-Mahoncom-mandant l'arme de rserve.Conclusionde la paix,Mac-Mahonsnateur.LesenfantsdeMahon,

    Depuis des sicles la France a veill avec unsoin jaloux maintenir intacte son influenceen Orient; depuis des sicles la protection denos nationaux, celle des intrts catholiques at un des objets les plus importants et lesplus levs de notre politique nationale.

  • _ 43

    Les droits des Latins l'occupation des lieuxaints en Palestine, avaient t formellementeconnus, et un article spcial du trait de 1740art. 33) les affirmait en ces termes :Les religieux latins qui rsident prsente-

    nent, comme de tout temps, en dehors et auledans de Jrusalem et dans l'glise du Saint-Spulcre, dite Caman, resteront en possessionles lieux de plerinage qu'ils ont, de la mmemanire qu'ils les ont possds par le pass. Cependant les privilges des Latins contests

    par l'Eglise grecque avaient subi plus d'uneatteinte, grce la complaisance et la fai-blesse de la Turquie, grce aux intrigues de laRussie qui couvrait ouvertement les Grecs desaprotection.Cette question, reste longtemps sans solu-tion malgr les ngociations entre la France etla Porte, prit tout coup un caractre de gra-vit exceptionnelle. Les exigences de la Russierelativement aux Lieux Saints firent natre unconflit qui devait avoir les consquences lesplus considrables.La question des Lieux Saints ne devait tre

    pour le czar Nicolas qu'un prtexte pour soule-ver la question politique beaucoup plus impor-tante, et s'assurer, la faveur de complica-tions ventuelles, cette absolue souverainet dela mer Noire et du Bosphore depuis si long-etmps ambitionne. Enfin il poursuivait samarche, lente mais ininterrompue, vers Constan-tinople, vers cette Turquie, qu'il tenait en-serre entre ses frontires russes et les provincesdanubiennes d'une part, et la Grce, luitoute dvoue, d'autre part.

  • - 44 La France ne pouvait ni renoncer son in-;

    fluence en Orient, ni laisser se poursuivre les (progrs de la Russie. Les intrts de l'Angle-terre, au point de vue politique, se confondaientavec les ntres. Et, quand la conduite hautainedu prince Menschikoff Constantinople, lesdclarations imprieuses du czar qui lovait lemasque, l'occupation des provinces danubien ,nes par les troupes russes, eurent ferm touteissue aux ngociations diplomatiques, on sersolut la guerre.

    Dj les flottes anglo-franaises ont pntredans la mer Noire et dans la mer Baltique. Unevaste expdition se prpare, et, le 29 avril 1854,le marchal de Saint-Arnaud, gnral en chefde l'arme d'Orient, s'embarque bord du Ber-thollet pour aller prendre possession de soncommandement Gallipoli. C'est l que sontconcentres toutes les forces franaises. Ouprpare d'abord une campagne sur le Danube;mais elle ne parat pas devoir produire tousles rsultats qu'on en attend. A ce momentle marchal songe porter la guerre sur le solmme de la Russie.

    Je suis entre deux projets, crivait-il, tousdeux contraris par l'inaction de l'Autriche quilaisse libres les mouvements de la Russie. L'un,c'est Sbastopol et la Crime qu'il faudra tou-jours finir par prendre, et dont la possessionsourit plus encore l'Angleterre qu' la France;mais dbarquer en Crime et faire le sige deSbastopol, c'est une campagne tout entire, cen'est pas un coup de main; il faut d'normesmoyens et tre sr du succs.Il nous faudra, ajoutait-il, plus d'un mois

  • e sige pour prendre Sbastopol parfaitementtendu. Pendant ce temps-l les secours am-ont et j'ai deux, (rois batailles livrer. L'vnement prouva combien les craintes duarchal de Saint-Arnaud taient fondes.Cependant, aprs bien des hsitations, etalgr les craintes qu'inspiraient les effroya-bles ravages du cholra qui dcimait l'armeet la flotte, ce fut ce parti auquel s'arrta lemarchal. Il motivait ainsi sa rsolution :A peine les armes allies taient-elles d-

    barques Gallipoli, que la dfense hroquede Silistrie prolongeait la lutte sur le Danube,au lieu de la transporter au centre de l'empireottoman. Les gnraux en chef crurent qu'ilsauraient le temps d'arriver sur le thtre de laguerre, de sauver peut-tre la ville assige,ou du moins de venir en aide l'arme turque,que les forces russes menaaient d'craser.L'imminence du pril commandait cette dci-sion, comme aussi le devoir des deux nations,qui avaient runi leurs drapeaux pour protgerl'intgrit de l'empire ottoman. Le couragede la dfense et l'arrive des armes alliesfirent lever aux Russes le sige de Silistrie. Poursuivre l'ennemi dans un pays ravaget infect de maladies pestilentielles et tun dsastre certain

    Pour la possibilit d'une campagne au deldu Danube et sur le Pruth, il et fallu la coo-pration active, relle de l'Autriche, dont lesindcisions perptuelles avaient cr aux gn-raux en chef des difficults sans nombre. L'inaction tait-elle possible aux armescampes Varna? Cette inaction ne pouvait-

  • 46 elle pas amener le dcouragement au milieudes preuves qui leur taient peut-tre rser-ves si loin de la patrie? Ni l'honneur militaire,ni l'intrt politique ne la permettaient. Il fal-lait forcer l'ennemi nous craindre. La Crimetait devant nous comme un gage. Frapper laRussie dans la Crime, l'atteindre jusque dansSbastopol, c'tait la blesser au coeur.

    Les troupes furent embarques dans les pre-miers jours de septembre, et le 14, elles fou-laient enfin ce sol ennemi qu'elles allaienttromper du sang franais et que leurs exploitsdevaient immortaliser.

    Tel est le prologue de cette sanglante tra-gdie, dont les actes divers se sont personni-fis et se rsument en quatre hommes, quatregrands noms : Saint-Arnaud, Canrobert, Plis-sier, Mac-Mahon.

    Nous avons rappel brivement les origineset les dbuts de cette guerre, si longue et simeurtrire ; plus brivement encore, il nousfaut retracer les pripties de la lutte et noushter vers le dnoment qui appartient toutentier au gnral illustre dont nous avons en-trepris de raconter la vie.

    La campagne fut inaugure par un succsclatant. La bataille de l'Aima, qui consacra larenomme militaire du gnral en chef etfonda celle du gnral Bosquet, fut un des faitsles plus glorieux pour les armes franaises dansles temps modernes. Le marchal de Saint-Arnaud, presque mourant sur le champ debataille, ne put ni jouir de son triomphe, nien recueillir les fruits. Il succomba neuf joursaprs (20 septembre 1854).

  • Le gnral Canrobert lui succda dans lecommandement en chef.Le 9 octobre, les troupes de sige ouvraient

    les premires tranches du ct sud de Sbas-topol, entre cette ville et Balaclava.Le 17 octobre, un feu formidable fut ouvert

    contre la place; mais on avait t trop vite. Lagrande hte qu'on avait mise attaquer tait,il faut le dire, suffisamment motive. On esp-rait que les assigs n'auraient pu runir desmoyens de dfense suffisants, et il importait dene pas leur laisser le temps de les complter.L'attaque du 17 octobre dmontra que les d-fenses de la place taient beaucoup plus s-rieuses qu'on no l'avait pens, et qu'on nepourrait l'enlever qu'au prix d'un assautmeurtrier et aprs un sige en rgle patiem-ment poursuivi.

    Sbastopol avait eu bien peu de temps, eneffet, pour se prparer un sige; mais lestalents militaires et l'activit d'un jeune capi-taine du gnie, Todtleben, avaient supple atout. Prenant seul la direction dos travaux, illes poussa avec une rapidit inoue, et lesdifficults que nos gnraux rencontrrentdans cette entreprise gigantesque valurent aTodtleben une rputation justement mriteet l'admiration de tous les hommes spciaux.Le marchal Saint-Arnaud avait prdit ce

    qui devait arriver, si le sige se prolongeait : ilfaudrait livrer deux, trois batailles. La ralisa-tion de cette prophtie ne se fit pas attendre.Les batailles vinrent, et des plus sanglantes,tandis que de part et d'autre les oprations desige et de dfense se poursuivaient a travers

  • - 48 mille souffrances et au prix des pertes les pluscruelles.

    Le 25 octobre, bataille Balaclava.Le 8 novembre, bataille Inkermann, etbataille qui entrana, pour les armes allies,

    pour l'arme anglaise surtout, dos pertes sicruelles, qu'on dut ajourner l'assaut projetpour le lendemain.

    Et pendant ce temps, les travaux de l'ennemis'accroissent toujours, les batteries s'ajoutentaux batteries, les fortifications se rparent etse munissent. Le feu des Russes devient deplus en plus formidable. Le 28 novembre 1854,le gnral en chef crivait : Jamais on n'a vaune semblable consommation de poudre et doboulets : nos officiers d'artillerie calculent queles Russes ont tir, depuis notre arrive sousles murs de Sbaslopol, 400,000 coups de canonet brl 1,200,000 kilogrammes de poudre. Ily avait peine quarante jours que le sige taitcommenc.Les sorties de la place sont frquentes et

    terribles; les engagements partiels dans la cam-pagne se multiplient. L'hiver svit dans tontesa rigueur et accrot toutes les difficults, toutesles souffrances des assigeants. L'arme vou-drait en finir par une attaque suprme; elledemande grands cris l'assaut. Mais le tempsn'est pas encore venu, et le gnral en chef neveut pas risquer inutilement la vie de tant debraves soldats.

    Mais l'on savait dj sur quel point l'effortdu jour dcisif devait se porter, le gnralCanrobert le premier l'avait dsign; le g-nral Niel, envoy en mission par l'empereur

  • - 49 -

    pour s'assurer de la situation exacte, l'avaitreconnu.

    La clef d'or do Sbastopol, c'tait Mala-koff, ce que nous avons appel la tour Mala-koff, ce que les Russes appelaient le bastionKorniloff.Celui qui devait s'emparer de cette clef d'or,

    ouvrir la ville, et la livrer notre arme triom-phante, n'avait pas encore touch les ctes deCrime. Il tait encore l-bas, bien loin, enAlgrie, guerroyer contre les tribus kabyles,dplorant sans doute cette fatalit qui le con-damnait d'ingrates et obscures escarmouches,tandis que ses frres d'armes cueillaient denouveaux lauriers sur une scne plus grande.Il ne se doutait certes pas alors que la plusbelle palme lui tait rserve, et que c'taitlui seul que la victoire attendait pour se donnertout entire la France.

    Quel que soit le parti que l'on prendra ausujet de l'investissement, crivait le gnralNiel, et malgr le danger d'tendre encore surla droite des cheminements dj si dvelopps,il faut attaquer la place du ct de Malakoff. Le 1er fvrier 1835, un conseil fut tenu entre

    les commandants en chef des armes anglaiseet franaise, et il fut dcid que les oprationsd'un sige direct seraient substitues cellesqui avaient t suivies jusqu'alors, un peu aujour le jour, mais que les circonstances n'a-vaient pas permis de conduire autrement. L'ob-jectif principal devait tre cette fameuse etterrible tour Malakoff.

    Dsormais tout l'effort de l'attaque se con-centra sur cette position ; l'ennemi devina

    4 4

  • 50

    promptement nos projets , et bientt y con-centra tout l'effort de la dfense.Les Russes se dfendaient avec autant d'a-

    charnement que nous en mettions les atta-quer, et, dans cette lutte gigantesque les douxadversaires se montrrent dignes l'un de l'autrepar leur courage, par leur courtoisie, par leurhumanit.

    Il se produisit ce fait extraordinaire, presqueincroyable, que la guerre, implacable, funeste,mais loyale, tablit entre les Franais et lesRusses des liens de sympathie tels qu'aucunealliance n'en et pu nouer de semblables. Sym-pathie qui ne s'est point dmentie, que le tempsa confirme et raffermie, estime mutuelle d'au-tant plus sincre et profonde qu'elle s'est for-me sur ces champs de bataille o chacun desdeux peuples a pu prouver l'honneur et laloyaut de celui qu'il combattait.Heureux et consols sont les vainqueurs quisavent ainsi conqurir l'amiti des vaincus!Le 2 mars 1855 l'empereur Nicolas tait

    mort. Maisce grand vnementne pouvait mo-difier les circonstances. D'une part le succes-seur du feu Czar no pouvait songer la paix

    d'aprs une victoire ou une dfaite dcisive.D'autre part la France cl l'Angleterre ne pou-vaient abandonner une entreprise aussi gigan-tesque que le sige de Sbastopol qu'une foisle succs obtenu.La dfense et l'attaque taient toujours aussi

    vives, aussi opinitres de part et d'autre.Cependant nos travaux taient prts ; mais il

    s'en fallait que ceux de nos allis le fussent ;leur lenteur causa des retards dont l'ennemi

  • sut profiter. Les obstacles et les difficultss'accumulrent devant nous ; nos soldats plusenthousiastes que jamais demandaient l'assaut,et, pour les prserver, il fallait toujours leurrpondre par un refus. Le gnral:Canrobertno se dissimulait pas les dsastreuses cons-quences qu'un insuccs pouvait entraner.Sur ces entrefaites, un grave dissentiments'leva, au sujet du rappel de l'expdition deKertch, entre notre gnral en chef et celui desforces anglaises. Bientt le gnral Canrobrtcroyant qu'il pouvait tre un obstacle l'unitd'action des forces allies, donna sa dmissionet transmit au gnral Plissier le commande ,ment de l'arme franaise. Ce dernier n'avaitqu' achever l'oeuvre poursuivie sans relchepar. son prdcesseur. Quant au gnral Can-robrt, en qui les vnements plus proches denous ont montr l'un des plus nobles et desplus purs caractres de notre temps, il tint honneur de continuer servir, dans cettearme qui l'aimait, la tte d'une simple divi-sion (19 mai 1855). ...Diverses attaques sont tour tour tentescontre les points des fortifications qui parais-sent les plus vulnrables. Elles chouent. Enfinle 15 juin l'attaque de Malakoff fut dcide.La direction de cette entreprise fut confie augnral Regnault de Saint-Jean d'Angely. Cette ;triste et sanglante affaire commena dans lnuit du 16 au 17 vers trois heures du malin.Nous perdmes dans la journe qui suivit plu-sieurs de nos plus bravos, de nos meilleurs offi-ciers. La violence de la dfense rpondit la

  • violence de l'attaque, et malgr les prodiges devaleur de nos soldats il fallut se retirer.

    L'insuccs l'chec, tait aussi complet quepossible

    La victoire remporte quelques jours aprssur les bords de la Tchernaa (16 juillet) rpa-rait ce revers passager;

    Mais dj une nouvelle attaque contre Mala-koff tait dcide; La.division Canrobrt, la1re du2 corps, devait y prendre la plus largepart. Mais.l'ancien gnral en chef de l'armed'Orient ne la commandait plus-; il venait d'trerappel en France par un ordre formel de Na-polon III qui ne voulait pas que cet illustreofficier conservt un poste aussi modeste.

    Cette division, la plus belle, la plus solide del'arme, allait recevoir un nouveau chef digneentre tous de succder celui qu'elle perdait :le gnral de Mac-Mahon.

    Rappel d'Algrie en avril 1855, il avait d'-,bord reu le commandement du 1er corps del'arme, du Nord au commencement du mois-d'aot il fut envoy en Crime, et vint prendresous les ordres du gnral Bosquet, le com-mandement de la division Canrobert.

    Il semble vraiment qu'il ait t dsign parle sort pour assurer le gain dfinitif de cettecolossale partie que quatre nations alliesjouaient depuis prs de dix-huit mois contrela puissance des czars

    Voici, au moment de son arrive, quelle taitla situation de l'arme, assigeante telle quel'a dfinie M. de Bazancourt l'historiographeofficiel de l'expdition de Crime.

    On est au 2 septembre. Nos cheminements

  • 53

    ont travers les abatis de la tour Malakoff (oubastion Korniloff); ces abatis ont t en partieincendis. La contrescarpe de la tour est peine 25 ou 30 mtres de nous. De l on peut s'as-surer de l'tat de la courtine et du redan dontle parapet est fortement entam et le fosspresque combl. Il n'y a pas sur ce point d'ob-stacles invincibles. Mais 40 mtres plus loinon trouve le roc vif. On se touche, pour ainsidire. Assigs et assigeants sont si prs l'un del'autre que, pendant la nuit, quand les canonsse taisent, ils s'entendent parler.Le moment dcisif, suprme, est venu. L'ar-

    tillerie n'a plus que pour quatre ou cinq joursde munitions. Les mines creuses par les tra-vailleurs russes gagnent nos approches; bienttelles vont sauter. Les assigs forment unenouvelle enceinte, dressent de nouvelles batte-ries qui vont tre prtes, qui vont foudroyeravec une nouvelle furie nos troupes de sige..Il faut en finir.On ne se dissimule pas les prils de l'entre-

    prise, les normes sacrifices qu'elle doit coter,les hroques efforts qu'il faudra tenter pour euassurer le succs; mais il faut en finir.D'ailleurs les assigeants eux-mmes ne peu-

    vent plus tenir l o ils sont. Un feu perptuelfait chaque jour dans leurs rangs des ravagesconsidrables. Les divisions s'amoindrissent;les colonnes d'assaut sont dcimes. Il fau.en finir.L'arme est lasse, fatigue ; la laisser plus

    longtemps dans l'attente, c'est la dcourager,la dmoraliser; on ne peut plus ajourner cetassaut si souvent rclam par les troupes, si

  • souvent refus par les gnraux. Il faut en finir.Tous ces arguments sont prsents au gn-ral Plissier par les chefs de service dans unconseil de guerre tenu le 3 septembre. Le g-nral Niel, qui commande le gnie, prcise ences termes la situation relle: Nous sommes 25 mtres de la place; et, poury arriver, nous avons fait des sacrifices immenses;de plus, le commandant suprieur de l'artillerieaffirme que nous sommes presque bout de muni-tions. Aujourd'hui, Malakoff est la seule issue du

    sige; sa prise donnera le faubourg (Karabelnaa) etle faubourg donnera la ville. L'assaut se prsentedans dos conditions plus favorables qu'il n'tait per-mis de l'esprer.

    Les autres gnraux consults sont unanimespour que l'assaut soit donn; enfin, le gnralPlissier se range l'opinion de tous et dcidequ'il aura lieu le 8 septembre midi.Ce projet devait tre tenu secret jusqu'aumoment de l'excution; le succs, en effet,n'tait pas tellement assur qu'on put compteruniquement, pour l'obtenir, sur la bravoure etl'entrain de nos soldats; il fallait encore agiravec une telle rapidit, que l'ennemi ft au-tant branl par l'imprvu de l'attaque que parson imptuosit et sa puissance. On attendit laveille de l'assaut pour informer les chefs decorps de la rsolution qui avait t prise et desdispositions qui avaient t arrtes en con-seil.

    Mais, auparavant, l'artillerie avait un rleconsidrable jouer. Elle devait, par un feuformidable, loigner autant que possible l'en-

  • - 55

    nemi des ouvrages que nos colonnes taientcharges d'enlever, entamer les dfenses, em-pcher la rparation des brches, mettre sespices de gros calibres hors de service et enrendre le remplacement impossible.

    Le 5 septembre, 807 bouches feu vomissentla destruction et la mort sur les travaux desRusses. Le tir est tantt intermittent et sac-cad, tantt gnral et incessant. 267 picescanonnent Malakoff. Les pertes sont terriblesde part et d'autre, et cet effroyable bombarde-ment dure sans interruption pendant trois jourset trois nuits. Dans la matine du 8 le feu re-double encore do violence.

    Les emplacements des troupes d'attaque ontt fixs comme suit :

    A la partie droite des tranches, pour l'at-taque du petit Redan, la division Dulac avecune rserve forme des chasseurs de la gardeet d'une brigade de la division d'Aurelle ;Au centre, pour l'attaque de la grande cour-

    tine qui relie le Redan Malakoff et aux Batte-ries noires, la division La Motterouge ;

    A gauche enfin, la premire division dudeuxime corps, ancienne division Canrobert,dont le gnral de Mac-Mahon vient de prendrele commandement. Elle a pour rserve leszouaves de la garde et la division de Wimpffen.C'est cette colonne qui doit enlever Malakoff,assurer la victoire et supporter le principaleffort de la lutte.

    Enfin, le reste de la garde impriale est gardcomme rserve suprme et doit, au momentdcisif, assurer le succs de l'entreprise.

    Le 7, dans l'aprs-midi, le gnral Bosquet

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    appelle auprs de lui ses divisionnaires, ses g-nraux de brigades, ceux de l'artillerie et dugnie appartenant au deuxime corps; il leurrvle alors dans tous ses dtails le plan arrtpar le gnral commandant en chef, leur an-nonce que l'assaut aura lieu le lendemain midi; leur dsigne les points qu'ils doivent oc-cuper, ceux qu'ils doivent enlever, toutes lesdispositions qu'ils ont prendre; il leur recom-mande d'agir avec les plus grandes prcautionsafin de ne point donner l'veil, il leur fait pro-mettre le secret; enfin il termine par ces pa-roles : Je vous connais tous de longue date pour devaillants hommes de guerre, aussi j'ai pleine et en-tire confiance en vous. Demain Malakoffet Sbas-

    topol seront nous ! Le gnral de Mac-Mahon, qui l'on a faitl'honneur de lui confier le poste le plus pril-

    leux, et de qui dpendra le sort de la journe,confre avec le gnral Niel. Celui-ci lui dclareque la chute de Sbastopol, la fin de ce sigeterrible qui dure depuis une longue anne, se-ront assurs si Malakoff est pris : J'y entrerai,lui rpond le vaillant soldat, et soyez certainque je n'en sortirai pas vivant ! Les gnraux se rendent dans les tranchespour se rendre compte des positions. Leurstats-majors, les officiers suprieurs de l'artil-lerie et du gnie vont reconnatre et marquerles emplacements dsigns pour les trois co-lonnes d'assaut.La nuit vient et s'coule dans une impatienceanxieuse, dans une attente fbrile pour le com-

  • 57 -

    mandant en chef, pour tous ces gnraux surlesquels va peser une si redoutable responsa-bilit.

    Enfin le jour parat. huit heures, lorsqueles troupes, sous les armes, vont aller occuperleurs postes fie combat, lecture est donne,dans chaque bataillon, au milieu d'un silenceimposant, de l'ordre du jour du gnral Bos-quet. Il les exhortait en ces termes :

    Soldats du deuxime corps et de la rserve, Le 7 juin, vous avez eu l'honneur de porter fi-rement les premiers coups droit au coeur de l'armerusse. Le 10 aot, vous infligiez, sur la Tchernaala plus honteuse humiliation ses troupes de se-cours. Aujourd'hui, c'est le coup de grce, le coupmortel que vous allez frapper do cette main fermesi connue de l'ennemi, en lui enlevant sa ligne dodfense do Malakoff, pendant que nos camaradesde l'arme anglaise et du premier corps commen-ceront l'assaut au grand Redan et au bastion Cen-tral.

    C'est un assaut gnral, arme contre arme ;c'est une immense et mmorable victoire dont ils'agit de couronner les jeunes aigles de la France.En avant donc, enfants ! A nous Malakoff et Sebas-topol !!

    Le gnral de Mac-Mahon harangue sa divi-sion avec une concision toute militaire; il ex-pose ses soldats ce qu'on attend de leur in-trpidit tant de fois prouve. Ils s'empare-ront de Malakoff, et dans le combat ils aurontpour mot d'ordre : Honneur et patrie! Les trou-pes lui rpondent par des acclamations frn-tiques. Puis, prudemment, en silence, l'arme

  • 38 basse, elles s'branlent pour gagner les empla-cements qui leur sont destins.Les lments qui, dans cette campagne, nousavaient t si souvent contraires, semblaient

    nous secourir. Un vent violent s'tait lev,faisant tourbilloner dans l'air d'immensesnuages de poussire, pais rideau qui drobait l'ennemi notre marche et nos prparatifs.On no put faire si bien cependant qu'il n'enapprt quelque chose; car, si les assigs nepouvaient dcouvrir nos mouvements, le princeGortschakoff, qui occupait, avec l'arme de se-cours, les positions leves d'Inkermann, pou-vait nous observer. Ds qu'il avait vu cettegrande agitation se produire dans nos tran-ches, il avait en toute hte envoy des offi-ciers pour prvenir la place que quelque at-taque se prparait.Les Russes ne purent donc tre pris absolu-ment l'improviste, comme on l'avait espr.Cependant on n'a nglig aucune prcaution,ft-ce la plus minutieuse. Nul signal n'annon-cera aux trois colonnes d'assaut que le momentest venu de s'lancer. Le gnral en chef a faitrgler sur sa montre celles des gnraux quidoivent diriger l'attaque. A midi prcis, en-semble, d'un seul geste, ils entraneront leurshommes!L'heure approche.Le gnral en chef a choisi comme posted'observation la redoute Brandon ; auprs delui sont groups les gnraux Niel, Thiry,

    Martimprey; un nombreux tat-major les en-toure.Le gnral Bosquet s'est tabli dans la sixime

  • 59 -parallle, endroit fort dangereux et trs-dcou-vert, mais d'o son regard peut embrasser toutle front d'attaque.Le gnral de Mac-Mahon est la tte de sa

    premire brigade, tout prs des ouvrages deMalakoff. Pench sur sa montre, il compte lesminutes et attend avec impatience que la der-nire soit coule.L'instant est solennel. Tout le monde se tait;

    il semble que le souffle soit suspendu danstoutes les poitrines; c'est un immense recueil-lement, un spectacle admirable et poignant.

    Je n'oublierai jamais, crivait le lende-main un des officiers attach l'tat-major deMac-Mahon, je n'oublierai jamais le quartd'heure qui prcda le moment dcisif.

    Nous tions tapis dans une tranche, peine huit mtres de Malakoff. Les zouaves,accroupis, avaient les yeux fixs sur le gnral,attendant son ordre muet. Lui semblait, aumilieu d'eux, plus calme et plus tranquilleque je ne le suis en ce moment.

    Jamais Mac-Mahon ne m'avait paru si beau,si grand. J'aurais voulu que l'arme entirept le contempler, lorsque, tirant son pe etjetant des regards de flamme sur ses soldats,il donna enfin le signal de l'assaut.

    Midi venait de sonner. Un cri pouvantable s'lve, ml au bruit

    strident des clairons qui sonnent la charge. Tous s'lancent la fois, et ple-mle, sur

    le retranchement. Les zouaves, Mae-Mahon en tte, arrivent

    sur le bord du foss; ils s'y prcipitent, remon-tent de l'autre ct, s'aidant de leurs pieds, de

  • _ 60 leurs genoux, de leurs ongles, se crampon-nant aux moindres asprits. Comment toutcela s'est-il fait, je ne puis encore l'imaginer.Je ne me rappelle qu'une chose, c'est que,deux minutes aprs, les Russes taient chasssdu parapet et que nous entrions dans la tour.

    Mac-Mahon, le plus expos, le plus audacieuxde tous ses soldais, ne les laisse point respirer.Il les pousse toujours plus loin, toujours plusavant. Les Russes, un instant surpris par cetteattaque, surviennent nombreux, entrans,eux aussi, par leurs officiers, qui dploientune rare intrpidit. Alors c'est la mle fu-rieuse, homme contre homme, poitrine contrepoitrine. Les fusils se brisent; on frappe avecles tronons, avec des pierres, des outils, desdbris de toutes sortes; tout devient une arme,tout blesse et tue. C'est une lutte sanglante,implacable, homrique.

    (1) Mac-Mahon, toujours debout, impassible,sous une grle de balles, dirige lui-mme l'ac-tion, donne l'exemple et lectrise tous lessiens. Son hroque attitude arrache au gn-ral en chef mme des tmoignages rptsd'admiration : On n'est pas plus beau au feu !s'crie-t-il.

    Nos troupes ont enfin pntr dans l'int-rieur du rduit; le gnral de Mac-Mahon s'yest tabli; mais on craint tout pour cette vail-lante colonne, pour son glorieux chef: il peuttre enseveli] dans sa conqute; la tour peutsauter; des attaques incessantes et dsespressont diriges de la place sur les assaillants.Plissier tremble pour Mac-Mahon; il lui en-(1)Voir la gravure la findu volume.

  • 61 voie un aide de camp pour l'inviter se m-nager, ne pas s'exposer autant, se mettredu moins l'abri d'une explosion probable. J'y suis, et j'y reste ! fut la seule rponsedu gnral.L'ennemi qui, mieux que nous encore, com-

    prend toute l'importance de la possession deMalakoff, y concentre ses efforts, y jette sesmeilleures troupes et dchane contre la tourun ouragan do boulets, d'obus et de mitraille.Vingt fois repouss, il revient vingt fois lacharge ; ce n'est plus du courage, ce n'est plusde la vaillance; c'est de la fureur et de l'exas-pration : ses gnraux les plus braves, lesplus prouvs y prissent. Tout est inutile. Legnral de Mac-Mahon a reu des renforts suc-cessifs : les zouaves do la garde, les voltigeursdu colonel Douai, la brigade Wimpffen, lesgrenadiers de la garde, conduits par le colonelBretteville. Ces secours lui permettent de brisertoutes les rsistances, de vaincre la derniretentative.A plusieurs reprises encore, les officiers du

    gnral en chef vinrent supplier Mac-Mahonde quitter le poste dcouvert d'o il affrontaittous les feux de l'ennemi. Fatigu enfin de sesinstances ritres, il ne put retenir une excla-mation d'impatience : Eh ! que diable, s'cria-t-il, je suis bien matre de ma peau ! Vraierponse de soldai, et sublime dans sa brus-querie. J'y suis, cl j'y reste," avait-il dit lorsqu'iltait entr dans Malakoff; il pensait sans doute

    maintenant : Je l'ai, et je le garde. Et, eneffet, il le garda.

  • 62 Ce point qu'il occupait, point capital, il est

    vrai, lut le seul sur lequel nos attaques eussentrussi.

    Malgr des prodiges de valeur, des dvoue-ments admirables, des pertes cruelles, nousn'avions pu conserver ni le petit Redan, ni lebastion Central. Les Anglais, de leur ct,avaient chou l'attaque du grand Redan.

    C'tait donc vraiment au gnral do Mac-Mahon que le commandant en chef et l'armeallaient devoir la victoire. Cependant on put,un instant, encore en douter, alors mme qu'onla croyait assure.

    Tout coup une effroyable explosion se fait,entendre. La tour Malakoff et les ouvrages quis'y rattachent disparaissent dans les nuagesd'une paisse fume : une atroce anxit s'em-pare de l'arme tout entire; il tait videntpour tous que ce qu'on redoutait tait, arriv,que Malakoff venait de sauter, avec Mac-Mahon,avec l'lite de nos soldats. Ce fut un momentde stupeur et de vrai dsespoir, une minuted'angoisse inexprimable.Mais la fume se dissipant, l'on vit debout etintacte la tour, que nos soldats et leur gnraloccupaient toujours. Une joie indicible suc-cda l'angoisse. Un long cri salua le drapeauqui flottait sur le bastion.

    C'tait la gauche de la grande courtine, con-tigu au bastion, qui seule venait de sauter,jonchant de victimes tous les ouvrages envi-ronnants. Quelques instants aprs, de nouvellesexplosions se produisaient sur diffrents points,multipliant, hlas! le nombre des morts cl desblesss.

  • - 63 Si la tour Malakoff n'avait point saut, si Mac-

    Mahon et ses soldats taient encore vivants, onle devait une circonstance toute providen-tielle, car les Russes, hors d'tat de prolongerleur rsistance, s'taient mis en retraite, etfaisaient jouer les mines prpares dans les ou-vrages qu'ils taient contraints d'abandon-ner.Comment, eux qui ne voulaient ne laisser

    que des ruines en notre pouvoir, auraient-ilsnglig de dtruire ce bastion, qu'ils regar-daient, juste raison, comme la position laplus importante de leurs lignes? Nous l'avonsdit, ce fut un vritable miracle, et voici com-ment il s'accomplit :Au moment o le gnral de Mac-Mahon

    venait do pntrer dans l'intrieur du bastion,chassant devant lui tout ce qui l'arrtait, unofficier russe, un brave, se retrancha avecsoixante hommes environ, dans le kourganeMalakoff, qui formait une sorte de rduit for-tifi, assez lev nagure, mais dont on n'avaitvoulu garder que le rez-de-chausse, crnelet protg par de solides abris. De ce petit ou-vrage, par les meurtrires et les embrasures,la faible troupe qui s'y tait retire faisait unfeu bien nourri et fort dangereux pour nossoldats. Ceux-ci taient entasss dans l'intrieurdu bastion, et chaque coup portait dans cettemasse presse.Dloger cet ennemi, qui tirait couvert, dans

    une position avantageuse et forte, n'tait paschose facile. Le gnral de Mac-Mahon donnal'ordre d'allumer autour du rduit un grandnombre de fascines, dont la fume, pousse par

  • _ 64le vent, devait envelopper l'ennemi, l'aveugler,le forcer la reirai le.On venait d'excuter ce qu'il avait prescrit,

    quand la rflexion lui vint que la flamme desfascines tait pour lui un danger bien suprieuraux inconvnients que la fume pourrait causeraux Russes. Ce feu pouvait se communiqueraux magasins poudre de la tour et causer undsastre irrparable. Aussitt il ordonna d'-teindre en toute bte les fascines; les soldaisdu gnie se prcipitent, les uns fouillant laterre coups de pioche, tandis que. d'autres lajettent en grande quantit sur ces broussaillesenflammes.Tout coup, l'un des travailleurs, on creu-sant le sol, rencontre un fil mtallique; ledoute n'est plus permis, la tour est mine. Sur-

    le-champ, on quelques minutes, nos soldaiscomprennent l'imminence du pril, et s'aidantde tout, ce qu'ils ont, sous la. main, ouvrent au-tour du rduit une profonde tranche; ils met-tent ainsi dcouvert deux autres fils qui,videmment, communiquaient avec les maga-sins tablis dans le bastion.Pendant ce temps, l'officier russe retranch

    dans le kourganc, ayant t inform par legnral que la position tait dfinitivement ennoire pouvoir, se rendit.Le lendemain et les jours suivants, on d-couvrait dans les diverses parties de la tourplus de 40,000 kilogrammes de poudre.Nous l'avons dit, l'enlvement de Malakoffdevait tre dcisif; voici on quels termes s'ex-primait cet gard l'aide de camp du prince

  • 65 Gortschakoff dans son Journal des oprationsmilitaires :

    Le commandant en chef se porta ladeuxime ligne des retranchements devant lamamelon Malakoff, et, voyant la hauteur occu-pe par de grandes masses de Franais, en ar-rire desquels se tenaient de puissantes r-serves, se convainquit que la roccupation dubastion Malakoff exigeait encore d'immensessacrifices; comme il tait dj dcid vacuerla ville, il prit la rsolution de profiter de ceque l'assaut avait t repouss sur tous lesautres points, et l'assaillant accabl de fatigue,pour excuter sans obstacle cette opration dela plus grande difficult.Le 11 septembre, l'empereur Alexandre an-nonait ainsi, dans un ordre du jour, la prisede Sbastopol : Il y a une impossibilit, mmo pour les hros.Le 8 de ce mois, aprs que six assauts dsesprseurent t repousss, l'ennemi parvint se rendramatre de l'important bastion Korniloff (Malakoff),et le gnral en chef de l'arms de Crime, Voulant

    mnager le sang prcieux de ses compagnons, qui,dans cas circonstances, n'aurait t rpandu qu'inu-tilement, se dcida passer sur le ct nord de laforteresse, ne laissant l'ennemi assigeant que desruines ensanglantes.

    D'un autre ct, le gnral Plissier procla-mait hautement que le succs de la journetait d au gnral de Mac-Mahon et que luiseul avait dcid la possession de la ville. Iladressa, le 9 septembre, l'arme l'ordre dujour suivant :

  • 66 Soldats,

    " Sbastopol est tomb, la prise de Malakoff en adtermin la chute. De sa propre main l'ennemi afait sauter ses formidables dfenses, a incendi saville, ses magasins, ses tablissements militaires, etcoul le reste de ses vaisseaux dans le port. Leboulevard de la puissance russe dans la mer Noire,n'existe plus. Ces rsultats, vous les devez, non-seulement votre bouillant courage, maisencore votre indomp-table nergie et votre persvrance, pendant unlong sige de onze mois. Jamais l'artillerie de terreet de mer, jamais le gnie, jamais l'infanterien'avaient ou triompher de pareils obstacles; jamaisaussi ces trois armes n'ont dploy plus de valeur,plus de science, plus de rsolution. La prise deSbastopol sera votre ternel honneur. Ce succs immense grandit et dgage notre po-sition en Crime. Il va permettre de rendre leursfoyers, leurs familles, les librables qui sont res-ts dans nos rangs. Je les remercie, au nom de l'em-pereur, du dvouement dont ils n'ont cess de don-ner des preuves, et je ferai en sorte que leur retourdans la patrie puisse bientt s'effectuer. Soldats ! la journe du 8 septembre, dans la-quelle ont flott ensemble les drapeaux des armesanglaise, pimontaise et franaise, restera une jour-ne jamais mmorable! Vous y avez illustr vosaigles d'une gloire nouvelle et imprissable. Sol-dats ! vous avez bien mrit de la France et del'empereur. Le Gnral en chef,

    A. PLISSIER.Il n'est pas de plus bel loge du magnifiquefait d'armes du gnral Mac-Mahon que cet or-dre du jour o cependant il n'est point nomm.Htons-nous d'ajouter que, dans son rapport l'empereur, Plissier rendit pleinement jus-

  • 67 tice aux gnraux Mac-Mahon et Bosquet, etqu'il sut exprimer, en termes satisfaisants, l'ad-miration que leur conduite avait inspire l'arme tout entire.Un tel, rsultat n'avait pas t obtenu sans

    qu'il nous en coult des perles bien cruelles.Nous avions eu dans cette journe 7,531 hom-mes hors de combat. Ce chiffre total se dcom-pose ainsi :5 gnraux tus, 4 blesss, 6 contusionns.2i officiers suprieurs tus, 20 blesss et 2 dis-

    parus.116 officiers subalternes tus, 224 blesss,8 disparus.1,489 sous-officiers et soldats tus, 4,259blesss et 1,400 disparus.

    D'aprs ces chiffres on peut juger des pertesque fit l'ennemi. Elles furent normes et debeaucoup suprieures aux ntres. On le conce-vra d'autant mieux lorsqu'on saura que dansles trois jours qui prcdrent l'assaut, et o iln'y eut cependant que des combats d'artillerie(du 5 au 7 septembre inclusivement), il perdit:4 officiers suprieurs, 47 officiers subalterneset 3,917 hommes hors de combat (I).On ne connut rellement la valeur, l'impor-tance et le nombre des ouvrages de dfensequ'aprs la victoire. On trouva dans Sbastopolplus de 4,000 bouches feu, plus de 100,000projectiles et au del de 200,000 kilogrammesde poudre.Ce fut le gnral Plissier qui, le premier,recueillit les fruits de cette victoire : le 12sep-(1) Rapportdu princeGortschakoff.

  • 68 -tembre 1855, il fut nomm marchal de France.Quant au comte de Mac-Mahon, ce ne fut quele 22 septembre qu'il reut la grand'croix dela Lgion d'honneur. Il avait t nomm com-

    mandeur au mois de juillet 1849 et grand offi-cier le 10 aot 1853.Aprs la prise de Sbastopol, et p