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HISTOIRE DES SCIENCESMATHÉMATIQUES
MASTER MATHEMATIQUES ET APPLICATIONS : ENSEIGNEMENT ET FORMATION
jeudi 1 décembre 2011
Éléments d’histoire de la géométrie
jeudi 1 décembre 2011
La Géométrie
D’abord géométrie =science des figures /arithmétique =science des nombres. Mais aussi : continu/discret
Importance du modèle euclidien => le fondement de la rigueur mathématique est géométrique.
De plus : la géométrie donne une représentation du monde (cf : Galilée, L’Essayeur, 1623 : « [le grand livre de l’univers ] est écrit dans le langage des mathématiques, et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques»)
MAIS....
jeudi 1 décembre 2011
Les coniques comme intersection d’un plan et d’un cône (illustrations d’après Wikipedia, art. Coniques)
jeudi 1 décembre 2011
Michel Chasles (1793-1880)
Entre à Polytechnique en 1812 (prof. en 1841)
Mémoire sur la dualité et l’homographie (1837)
Chaire de géométrie supérieure à la Sorbonne (1846)
Académie des sciences (1851)
Traité de géométrie supérieure (1852)
jeudi 1 décembre 2011
Qu’on prenne une figure quelconque dans l’espace, et l’une des propriétés connues ; qu’on applique à cette figure une transformation, et qu’on suive les diverses modifications (...) qu’éprouve le théorème qui exprime cette propriété, on aura une nouvelle figure, et une nouvelle propriété de cette figure, qui correspondra à celle de la première. Ces moyens (...) sont de véritables instruments, que ne possédait point l’ancienne géométrie, et qui font le caractère fort distinctif de la géométrie moderne.
Michel Chasles, Aperçu historique sur l’origine et le développement des méthodes en géométrie (1837)
jeudi 1 décembre 2011
Quelques conséquencesaccent mis sur les transformations entre figures, étude explicite de certaines transformations et de leurs effets
distinction entre divers types de propriétés (métriques, etc...), invariantes ou non par certaines transformations
réflexion explicite et technique sur la généralité, la rigueur, l’intuition en mathématiques (et les moyens mathématiques de les garantir)
débats sur les relations entre géométrie et analyse
jeudi 1 décembre 2011
Un exemple :l’inversion
Soit O un point du plan et k une constante. L’inversion de pôle O et de puissance k est la transformation plane P ->P’, telle OP.OP’=k et O, P, P’ alignés.
«inverse de O» ? : point à l’infini
équations : x' = kx/( x² + y² ) y' = ky/( x² + y² )
droite se transforme en cercle !
d’après http://jellevy.yellis.net/jeudi 1 décembre 2011
Postulat des parallèles
1ers postulats d’Euclide : on peut mener une ligne droite de tout point à tout point ; on peut prolonger en ligne droite un segment ; on peut décrire un cercle à partir d’un centre et d’un intervalle ; les angles droits sont tous égaux.
5e postulat : si une droite tombant sur deux droites fait les angles intérieurs et du même côté plus petits que deux droits, les deux droites, indéfiniment prolongées, se rencontrent du côté où sont les angles plus petits que les deux droits.
jeudi 1 décembre 2011
Nombreuses tentatives de l’Antiquité au 19e siècle pour le prouver à partir des autres, ou trouver des postulats équivalents plus simples etc.
Exemples : 1) pour toute droite D et tout point P n’appartenant pas à D, il existe une unique droite D’ parallèle à D passant par P dans le plan contenant D et P. («axiome de Playfair»)
2) La somme des angles d’un triangle est égale à deux droits.
3) Etant donné un point à l’intérieur d’un angle, il existe au moins une droite D passant par ce point qui coupe les deux côtés de l’angle.
jeudi 1 décembre 2011
Les essais de preuve par l’absurde n’aboutissent à aucune contradiction => existe-t-il une géométrie alternative, «étrange géométrie, tout à fait différente de la nôtre, …entièrement conséquente en elle-même» (Gauss) ?
c. 1825-1830 : indépendamment : Nikolai Ivanovich Lobatchevski et Janos Bolyai exposent une géométrie logiquement cohérente où la somme des angles d’un triangle est inférieure à π (infinité de parallèles à une droite passant par un point extérieur)
Géométrie non euclidienne
jeudi 1 décembre 2011
Il est incroyable que cette obscurité obstinée, cette éclipse éternelle, cette tare dans la géométrie, le nuage éternel sur la pure vérité puisse être supporté. [… Mais] tu ne dois pas tenter d’approcher le problème des parallèles. Je connais ce chemin jusqu’à sa fin. J’ai traversé cette nuit sans fin, qui a éteint toute lumière et toute joie de ma vie. Je t’en conjure, laisse de côté cette science des parallèles ...Je pensais me sacrifier au nom de la vérité, j’étais prêt à devenir un martyr qui enlèverait cette tare de la géométrie et la retournerait purifiée à l’humanité. J’ai accompli des travaux monstrueux, énormes... J’ai tourné le dos quand j’ai vu qu’aucun homme ne pouvait atteindre le fond de la nuit. J’ai tourné le dos inconsolé, me plaignant moi-même et toute l’humanité...
Wolfgang Bolyai à son fils Johann
jeudi 1 décembre 2011
Géométrie différentielle1827 :Disquisitiones generales circa superficies curvas (Recherches générales sur les les surfaces courbes), C. F. Gauss : étude intrinsèque des surfaces, autrement dit indépendamment de leur plongement dans l’espace à 3 dimensions ; introduction de :
ds2=dx2+dy2+dz2=Edp2+2Fdpdq+Gdq2, p et q coordonnées locales, intrinsèques
notion de courbure (intrinsèque)
Courbure > 0
Courbure < 0
Courbure = 0 (géométrie
euclidienne)
jeudi 1 décembre 2011
Géométrie différentielle1854 : Über die Hypothesen, welche der Geometrie zu Grunde ligen [Sur les hypothèses qui servent de fondement à la géométrie], Bernhard Riemann
Riemann étudie les «multiplicités» (=aujourd’hui, variétés) : espaces à n dimensions, n quelconque, avec un élément de longueur ds, tel que ds2=ΣΣ aijdpidpj qui permet de mesurer la distance entre deux points proches.
Riemann réalise un modèle de géométrie non euclidienne (avec somme des angles d’un triangle >180°) sur la sphère : les «droites» sont les cercles passant par les pôles. La consistance de cette géométrie est assurée par la géométrie euclidienne.
jeudi 1 décembre 2011
1868: Saggio d’una interpretazione della geometria non euclidea (Essai d’une interprétation de la géométrie non euclidienne) Eugenio Beltrami interprète localement la géométrie de Bolyai («astrale») et Lobatchevski («imaginaire») comme celle d’une pseudo-sphère, les «droites» étant les géodésiques.
jeudi 1 décembre 2011
Dessin montrant plusieurs géodésiques «parallèles» à une géodésique (r) donnée,
passant toutes par un point P (d’après Cours Insa Lyon)
jeudi 1 décembre 2011
Felix Klein
1849-1925
• 1865-66: Université de Bonn pour étudier physique et mathématiques• 1868: Thèse de géométrie dirigée par Plücker en 1868• 1870-71 : voyage à Paris avec Lie• 1872 : Poste à Erlangen (programme d'Erlangen)• 1875 : Professeur à Munich, nombreux étudiants• 1880-86: Professeur à Leipzig, concurrence avec Poincaré sur les fonctions automorphes•1886: Professeur à Göttingen, travail administratif intense (Mathematische Annalen, Encyclopädie der mathematischen Wissenschaften)
jeudi 12 novembre 2009jeudi 1 décembre 2011
Dans le domaine géométrique également, le développement mathématique moderne prit en Allemagne son point de départ de l’influence française....L’intérêt se dirigea vers la géométrie algébrique. ... Je voudrais indiquer deux oppositions qui ont été d’une importance décisive dans ce développement. La première est la séparation entre les traitements analytique et synthétique de la géométrie. Les défenseurs de chaque direction mettaient leur honneur à ne travailler qu’avec leurs outils spécifiques....La géométrie analytique a pour elle les algorithmes confortables qui permettent les plus vastes généralisations, mais qui conduit aussi facilement à perdre des yeux l’objet propre de la géométrie : la figure et sa construction. Avec la géométrie synthétique menace en revanche le danger que l’esprit reste prisonnier du cas spécial considéré ou d’un nombre restreint de possibilités. Ce qui est à louer dans le traitement synthétique est la conscience claire de la racine vivante de toute géométrie, la joie de la forme ([Freude an der Gestalt]). Un développement sain se servira des deux méthodes ...L’autre opposition dont je voudrais parler est moins dans la nature des choses...Je parle de l’opposition des écoles, des cliques, tout le vaste domaine de la polémique scientifique...dans notre cas il s’agit du combat entre le tenant de la géométrie synthétique Steiner, appuyé par Jacobi et son cercle, et Plücker.Felix Klein, Vorlesungen über die Entwicklung der Mathematik im 19. Jahrhundert, 1926
jeudi 1 décembre 2011
Agenda de Felix Klein
Préserver l’unité des mathématiques (contre la distinction arithmétique générale vs géométrie et physique)
Préserver le lien avec les sciences physiques et la technique
jeudi 12 novembre 2009jeudi 1 décembre 2011
Des géométries aux groupes
S’appuyant sur des idées de Cayley, Klein montre comment englober la géométrie euclidienne et les géométries de Riemann et de Bolyai-Lobatchevski dans la géométrie projective : celle-ci est la «géométrie absolue»
1872 : Considérations comparatives sur les recherches géométriques modernes (= «programme d’Erlangen»)
jeudi 1 décembre 2011
Programme d’Erlangen«La plus essentielle [des notions] est celle de groupe de transformations de l’espace»
«Il y a des transformations de l’espace qui n’altèrent en rien les propriétés géométriques des figures...Si l’on remplace [ce] groupe principal par un groupe plus étendu, une partie seulement des propriétés est conservée»
Programme : Etant donnée une multiplicité et un groupe de transformations, en étudier les êtres au point de vue des propriétés qui ne sont pas altérées par les transformations
jeudi 1 décembre 2011
David Aubin - LM300
2008-2009 10
21/05/2009 Révolutions du 19e siècle 37
Trois géométriesGéométrie Terminologie
de KleinQuadrilatèrede Saccheri
Nombre deparallèles
par un pointà une droite
donnée
Modèle
Euclide Parabolique Angle droit Une seule Plan
Gauss, Bolyai,Lobatchevski
Hyperbolique Angle aigu Une infinité Pseudo-sphère
Riemann Elliptique Angle obtus Aucune Sphère
21/05/2009 Révolutions du 19e siècle 38
Le « programme d’Erlangen »
• Félix Klein (1849-1925).• Études à Göttingen (Rudolph
Clebsch [1833-1872]): physique et géométrie.
• Rencontre Sophus Lie (1842-1899).
• Brochure distribuée lors de sa leçon inaugurale àl’université d’Erlangen.
21/05/2009 Révolutions du 19e siècle 39
Algèbre et géométrie• Changer le point de vue:
– s’intéresser aux groupes de transformation de l’espace plutôt qu’aux figures.
• Toute géométrie peut être conçue comme:– Un espace et un groupe de transformation qui agit sur cet espace
[Euclide: plan et groupe des isométries].
Groupes Posi-tion
Direc-tion
Orien-tation
Distance Angle Paral-lélisme
Colli-néarité
IdentitéTranslationsDéplacementsIsométriesSimilitudesGr. affineGr. projectif
21/05/2009 Révolutions du 19e siècle 40
Qu’est-ce que la géométrie?• Réunification des géométrie
– Hiérarchie et classification– Identification de certains espaces. – Grande importance donnée à l’espace projectif.
• « l’étude des groupes d’opérations auxquelles on peut soumettre un corps sans le déformer ».– Henri Poincaré.
• « Dépassée en tant que science autonome et vivante, la géométrie classique s'est ainsi transfigurée en un langage universel de la mathématique contemporaine, d'une souplesse et d'une commodité incomparables. »– N. Bourbaki, Éléments de mathématique, Algèbre (1959).
Propriétés invariantes par quelques sous-groupes du groupe projectif (d’après J. Peiffer et A. Dahan, Routes et dédales)
jeudi 1 décembre 2011
Géométries non euclidiennesAussi hors du champ des spécialistes !
Ex : «Si Dieu existe vraiment et si vraiment il a créé le monde, alors, comme nous savons tous, il l’a créé en accord avec la géométrie euclidienne et il a créé l’esprit humain avec la conception de seulement trois dimensions spatiales. Et pourtant il y a eu et il y a encore des mathématiciens et des philosophes...qui doutent que l’univers entier ..était créé seulement selon la géométrie euclidienne et ils osent même rêver que deux lignes parallèles qui selon Euclide ne se rencontre jamais sur terre, puissent se rencontrer quelque part à l’infini.» (F. Dostoievsky, Les Frères Karamazov)
Problème de la liberté, du réalisme, de la vérité, etc...
Approche générale de Riemann en dimension n encore hors du programme de Klein
jeudi 1 décembre 2011
Vers de nouveaux fondements
Plusieurs problèmes : géométries non euclidiennes, mais aussi nouveaux types d’objets en analyse (fonctions nulle part dérivables, ...). Sur quoi fonder ? Nombres entiers ? Nouveaux principes géométriques ? Rapport entre mathématiques et monde naturel ? Nature des objets mathématiques par rapport à l’expérience ?
Nombreuses propositions
1899 : Grundlagen der Geometrie (Fondements de la géométrie), David Hilbert. Pour lui, l’axiomatisation est la solution : axiomatiser un domaine permet de voir clairement les problèmes et les voies de développement. La vérité mathématique est dans la cohérence des relations entre objets, dans la déduction logique à partir des axiomes.
jeudi 1 décembre 2011
Grundlagen der Geometrie
Notions de base non «définies» : point, droite, plan
Plusieurs groupes d’axiomes
Des changements d’axiomes produisent d’autres géométries (y compris dans le rapport entre droite et nombres réels => géométries non archimédiennes, géométries finies, etc.).
Discussion sur le rapport des axiomes entre eux (indépendance, consistance, etc.) => logique mathématique
jeudi 1 décembre 2011
Euclide HilbertUn point est ce dont il n’y aucune partie
Une ligne est une longueur sans largeur
notions communes : les choses égales à une même chose sont aussi égales entre elles
Convention: Concevons trois systèmes d’êtres : ... points, …droites, …plans...Qu’ils aient entre eux certaines relations mutuelles : «sont situés», «entre »....[décrits]au moyen des axiomes
ex : si A, B, C désignent trois points sur une droite, et si B est situé entre A et C, il l’est aussi entre C et A.
jeudi 1 décembre 2011