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Module 8 - Le mandat d’arrêt européen et la procédure de remise - Version 2.0

Module 8 - Le mandat d’arrêt européen et la procédure de remise - Version 3.0

Module 8

Le mandat d’arrêt européen et la procédure de remise

Version : 3.0

Dernière modification : 31.10.2012

Le Réseau européende formation

Avec le soutien de l'Union Européenne

Description du projet

Le présent module fait partie d’un programme standard de formation à la coopération judiciaire en matière pénale au sein de l’Union européenne (EU- Copen Training Programme).

Le « programme » dans sa totalité constitue un outil pédagogique de formation qui vise à faciliter la formation des autorités judiciaires dans le secteur de la coopération judiciaire pénale au sein de l'Union européenne. L’outil est principalement mis à disposition de toute autorité nationale chargée de la formation judiciaire - aux fins de développement des cycles de formation spécifiques sur la matière - ainsi que de tout acteur de la coopération judiciaire dans le contexte de leur pratique professionnelle quotidienne. Il peut également être utilisé par toute personne intéressée par ce secteur.

L'approche méthodologique du «programme standard» vise à combiner rigueur scientifique de l'information communiquée et aspects pratiques des mécanismes de la coopération judiciaire.

Cet outil a initialement été développé à travers deux projets menés en 2005-2006 puis en 2009 par l'Institut d'Etudes Européennes (Université Libre de Bruxelles) et ECLAN (European Criminal Law Academic Network) grâce au financement de la Commission européenne (programme AGIS puis programme « Justice Pénale »), du Ministère de la Justice du Grand Duché du Luxembourg et de l’Institut Universitaire International du Luxembourg.

En 2012, le Réseau européen de formation judiciaire, impliqué depuis le début dans le projet Copen Training, en a repris la gestion et la coordination. La 3è version (3.0) de l’outil Copen Training est ainsi la propriété du Réseau européen de formation judiciaire. Les remarques sur le contenu et les demandes d’information relatives à Copen Training sont à adresser à [email protected] référence Copen Training.

Les rédacteurs principaux de la version 3.0 sont : Serge de Biolley, Gisèle Vernimmen et Anne Weyembergh. Veronica Santamaria et Laura Surano ont pris part aux versions précédentes.

Note sur l’utilisation du présent document :

L'outil de formation "programme standard de formation à la coopération judiciaire pénale" et l'ensemble de ses composantes sont la propriété du Réseau européen de formation judiciaire. Ils peuvent être utilisés uniquement aux conditions suivantes :

1. le contenu ne peut en aucun cas être altéré, ni dans la mise en page ni dans le contenu, sauf :

- pour les espaces explicitement prévus et qui sont destinés à insérer les données relatives à la formation organisée sur base de ce programme standard (logo de l'organisateur, date, lieu, ….)

- pour les espaces explicitement prévus et qui sont destinés à insérer des données relatives à la situation nationale de l'Etat membre concerné

2. si l'utilisateur estime devoir apporter des corrections ou des ajouts au contenu de l'outil ou de ses éléments, cela ne peut se faire qu'aux conditions cumulatives suivantes :

- les parties modifiées ou ajoutées doivent être accompagnées d'un avertissement indiquant l'origine de ces modifications ou ajouts

- ces ajouts et modifications doivent être notifiés à l'équipe de développement du projet [email protected] référence Copen Training.

3. aucune partie de l'outil ou de ses éléments ne peut être copiée ou séparée de son ensemble sans l'autorisation expresse de l'Institut d'études européennes et de ses auteurs.

Qu’apporte cette nouvelle version ?

Cette nouvelle version (3.0) prend notamment en compte 

· le « Manuel européen révisé concernant l’émission d’un mandat d’arrêt européen » (Conseil de l’UE, doc. 17195/1/10 REV 1 du 17 décembre 2010) ;

· le Rapport du 4ème round d’évaluation mutuelle (Conseil de l’UE, doc. 8302/2/REV 4 du 28/5/2009) et le suivi des recommandations (Conseil de l’UE, doc. 8436/2/10 REV2 du 28/5/2010, et doc. 15815/11 du 28 octobre 2011) ;

· le dernier rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la DC du 13/6/2002 ( COM(2011)175 et SEC(2011)430)

· la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne des droits de l’homme relative au mandat d’arrêt européen.

Objectifs de ce module

Ce module 8 décrit le fonctionnement de la coopération sentencielle et post-sentencielle mise en place par la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen et les procédures de remise. Il envisage successivement le contexte et les objectifs généraux du nouveau système mis en place, la notion de mandat d’arrêt européen, le traitement du mandat d’arrêt européen par l’autorité d’émission, le traitement du mandat d’arrêt européen par l’autorité d’exécution, les effets de la remise, la relation avec les autres instruments et l’application du mandat d’arrêt européen dans le temps, sa transposition et sa mise en pratique, la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes. Il se clôture par quelques conseils pratiques à l’adresse des autorités d’émission et d’exécution de même que par quelques cas pratiques.

Textes législatifs a consulter

· Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 Recueil A.2.1. son 1er protocole additionnel du 15 octobre 1975 Recueil A.2.2. ; et son 2ème protocole additionnel du 17 mars 1978 Recueil A.2.3.

· Convention européenne d’extradition du 10 mars 1995 Recueil B.4.1.

· Convention européenne d’extradition du 27 septembre 1996 Recueil B.4.2.

· Décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre les Etats membres Recueil B.4.3. 

· Décision-cadre 2009/299/JAI du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès Recueil B.5.8.

· Décision-cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’UE Recueil B.5.5.

· Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales , JO L 142 du 1/6/2012 Recueil B.6a.1

· Directive 2010/64/UE du 20/10/2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, JO L 280 du 26/10/2010 Recueil B. 6a.2.

Pour des informations supplémentaires, => voy. les sites web suivants :

· le site du Réseau Judiciaire Européen (voy. sous la rubrique « practical implementation of mutual recognition instruments »:

http://www.ejn-crimjust.europa.eu .

· le site d’Eurojust (pour les rapports annuels et leurs annexes, par exemple les orientationsen cas de MAE concurrents) :

http://eurojust.europa.eu/about/structure/college/Pages/assistants-national-members.aspx

· le site du Conseil de l’UE (e.a. pour le manuel européen concernant l’émission d’un mandat d’arrêt européen) :

http://www.consilium.europa.eu/applications/PolJu/details.asp?id=66&lang=FR&cmsid=720

· le site de la Cour de Justice (pour la jurisprudence) :

http://curia.europa.eu/jcms/jcms/j_6/

· le site du Conseil de l’Europe (pour le texte des conventions, l’état des ratifications):

http://www.conventions.coe.int/?pg=/treaty/default_en.asp&nd=&lg=fr

· le site de la Cour européenne des droits de l’homme (pour la jurisprudence) :

http://www.echr.coe.int/echr/

Table des matières

1.Introduction : contexte et objectifs généraux8

2.Définition du mandat d’arrêt européen10

3.Traitement du mandat d’arrêt européen par l’autorité d’émission11

3.1.Faits pour lesquels un mandat d’arrêt européen peut être émis11

3.2.Conditions que le mandat d’arrêt européen doit satisfaire12

3.2.1Conditions de forme12

3.2.2Conditions relatives au contenu12

3.2.3Conditions linguistiques13

3.2.4Principe de proportionnalité comme critère pour l’émission14

3.3.Transmission15

3.3.1Entre qui ?15

3.3.2Comment ?15

3.3.3Quand ?18

4.Traitement du mandat d’arrêt européen par l’autorité d’exécution20

4.1.Le "flagging": la possibilité de bloquer l'exécution du mandat d'arrêt européen dès l'insertion du signalement dans le SIS20

4.2.Obligation d’arrestation et droits de la personne concernée21

4.3.Décision quant à la remise22

4.3.1Délais dans lesquels la décision doit intervenir et situation dans l’attente de la décision22

4.3.2Cas dans lesquels l’exécution doit ou peut être refusée23

4.3.3Remises conditionnelles28

4.3.4Cas de concours de demandes30

4.3.5Recours30

4.3.6Notification de la décision à l’autorité d’émission30

4.4.La remise elle-même31

4.4.1Délais31

4.4.2Remise différée ou conditionnelle31

5.Effets de la remise32

5.1.Déduction de la période de détention subie dans l’Etat membre d’exécution (article 26 de la DC)32

5.2.Principe de la spécialité et exceptions (article 27 de la DC)32

5.3.Remise ou extradition subséquente (article 28 de la DC)33

6.Relations avec les autres instruments et application du mandat d’arrêt européen dans le temps34

6.1.Relations avec les autres instruments (article 31 de la DC)34

6.2.Application du mandat d’arrêt européen dans le temps (article 32 de la DC)35

7.Transposition et mise en pratique37

7.1.Allemagne38

7.2.Pologne38

7.3.Chypre38

8.Jurisprudence de la Cour de justice relative au mandat d’arrêt européen40

8.1.affaire Advocaten voor de wereld 40

8.1.1Antécédents juridiques40

8.1.2Arrêt de la Cour de justice40

8.2.affaire Szymon Kozlowski 41

8.2.1Antécédents juridiques41

8.2.2Arrêt de la Cour de justice42

8.3.affaire Santesteban Goicoechea 43

8.3.1Antécédents juridiques43

8.3.2Arrêt de la Cour de justice43

8.4.affaire Leymann et Pustovarov 44

8.4.1Antécédents juridiques44

8.4.2Arrêt de la Cour de justice44

8.5 affaire Wolzenburg46

8.5.1. Antécédents juridiques46

8.5.2.Arrêt de la Cour de Justice46

8.6.affaire I.B.47

8.6.1Antécédents juridiques47

8.6.2Arrêt de la Cour de Justice47

8.7.affaire Mantello48

8.7.1Antécédents juridiques48

8.7.2Arrêt de la Cour de Justice48

8.8.affaire Melvin West49

8.8.1Antécédents juridiques49

9.Quelques conseils pratiques52

9.1.En tant qu’autorité d’exécution52

9.2.En tant qu’autorité d’émission52

10.Cas pratiques54

Module 8 - Le mandat d’arrêt européen et la procédure de remise - Version 2.0

Module 8 - Le mandat d’arrêt européen et la procédure de remise - Version 3.0

Introduction : contexte et objectifs généraux

Pour rappel, la procédure d’extradition entre les Etats membres de l’Union européenne était au départ organisée par les conventions adoptées dans le cadre du Conseil de l’Europe, à savoir la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 (Recueil A.2.1.) et ses deux protocoles additionnels, l’un du 15 octobre 1975 (Recueil A.2.2.) et l’autre du 17 mars 1978 (Recueil A.2.3.). Ces règles étant fort traditionnelles et lourdes, des efforts ont été faits par les Etats membres de l’Union afin de les simplifier. Les améliorations les plus tangibles ont été introduites par certaines dispositions de la Convention d’application des accords de Schengen (CAAS) et par deux conventions de l’Union de 1995 et de 1996 (Recueil B.4.1. et B.4.2.). Pour plus d’informations à ce sujet, voy. supra module 2.

Ce sont les conclusions du Conseil européen de Tampere qui ont d’abord envisagé la « suppression » de l’extradition mais uniquement aux fins de l’exécution d’une condamnation. Aux termes de ces conclusions, la procédure formelle d’extradition devrait être « supprimée » entre les Etats membres pour les personnes qui tentent d’échapper à la justice après avoir fait l’objet d’une condamnation définitive, et être remplacée par un simple transfèrement de celles-ci (§ 35). Pour le reste, le Conseil européen envisageait une simple accélération des procédures d’extradition.

L’idée de « supprimer » l’extradition a ensuite été développée, notamment dans le programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de la reconnaissance mutuelle, mais cette fois plus seulement au plan sentenciel mais également au plan pré-sentenciel (voy. le § 3.1.2. du programme et le § 2.2.1, qui concerne l’extradition aux fins de poursuites).

Quelques jours après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, la Commission européenne a présenté une proposition dans ce sens. L’initiative a été négociée sous Présidence belge et a très vite fait l’objet d’un consensus politique. Elle a ensuite été adoptée formellement : c’est la décision-cadre (« DC ») 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise[footnoteRef:1] (Recueil B.4.3.). [1: JO, n° L 190 du 18 juillet 2002, p.1.]

Tout en poursuivant l’objectif énoncé à l’article 29 du Traité sur l’UE, cette décision-cadre est en quelque sorte le point d’orgue des travaux de simplification de l’extradition entre Etats membres : elle remplace les procédures d’extradition existantes par un nouveau système plus rapide et plus simple, fondé sur le principe de la reconnaissance mutuelle. La décision-cadre du 13 juin 2002 a d’ailleurs constitué la première concrétisation de ce principe : elle applique le principe de la reconnaissance mutuelle au « mandat d’arrêt européen ».

Parmi les bouleversements principaux que ce nouveau système implique, il importe de relever :

· la « judiciarisation » de la procédure.

· une extension des faits pour lesquels la remise intervient.

· une réduction des motifs classiques de refus de l’extradition et un allègement des contrôles : l’idée étant que les contrôles substantiels doivent en priorité être exercés dans l’Etat d’émission.

· une accélération par la voie de la fixation de délais dans lesquels la décision d’exécution du mandat d’arrêt européen et la décision de remise de la personne visée par le mandat doivent, en principe, être prises.

Ces changements seront mis en exergue à travers l’examen des règles qui gouvernent le nouveau système.

Indiquez ici les références à la loi nationale qui assure la transposition de la décision- cadre

Définition du mandat d’arrêt européen

Le « mandat d'arrêt européen » (« MAE ») est défini comme la décision judiciaire rendue dans un Etat membre (« EM ») en vue de l'arrestation et de la remise d'une personne dans un autre Etat membre pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de libertés (article 1er de la DC).

Deux éléments essentiels ressortent de cette définition :

· D’une part le fait qu’il s’agit d’une décision judiciaire : il s’agit d’un 1er élément qui témoigne de la judiciarisation de la procédure. Les autorités centrales, et notamment l’autorité centrale de l’Etat d’émission, ne jouent en principe plus de rôle dans la procédure. Si elles en jouent un, il ne doit plus s’agir que d’un rôle d’assistance et d’information en général des autorités judiciaires. La décision-cadre prévoit en effet que les Etats membres peuvent désigner une autorité centrale ou, lorsque leur ordre juridique le prévoit, plusieurs autorités centrales, pour assister les autorités judiciaires (article 7, § 1er de la DC). Certaines lois de transposition nationales ont cependant attribué un rôle plus important aux autorités centrales qu’ils ont désignées (par exemple, en Irlande, l’autorité centrale vérifie que le mandat est correct, quant à sa forme et à son contenu, avant de le transmettre à la High Court pour examen de la reconnaissance et exécution)

Indiquez ici les autorités et leur compétence en droit national

· D’autre part le fait que la décision vise l'arrestation et la remise d'une personne pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté : il concerne donc tant la phase pré-sentencielle que sentencielle.

Traitement du mandat d’arrêt européen par l’autorité d’émission Faits pour lesquels un mandat d’arrêt européen peut être émis 

Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’Etat membre d’émission d’une peine ou mesure privative de liberté d’un maximum d’au moins 12 mois ou[footnoteRef:2], quand une condamnation est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois (article 2 de la DC). [2: La loi autrichienne cumule les conditions pour les MAE aux fins d’exécution de peine (voy.rapport d’évaluatrion : doc. Conseil 7024/08 du 28 février 2008 p. 37).]

Une telle règle entraîne une certaine extension des faits pour lesquels la remise intervient à la fois :

· en terme de taux de peine infligé dans l’Etat d’émission (aux termes de l’article 2 de la convention de 1996, donnent lieu à extradition les faits punis par la loi de l’EM requérant d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins 12 mois) ;

· et parce que cette définition du champ d'application fait seulement référence au droit de l'Etat d'émission de sorte que le taux de peine dans l'Etat d'exécution est indifférent: on ne retrouve donc plus la condition figurant dans la convention de 1996 qui exigeait que les faits soient punis par la loi de l’Etat membre requis d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins six mois (voir aussi infra sur l'abolition partielle du contrôle de double incrimination).

le champ d'application et la double incrimination sont deux choses distinctes. La double incrimination est abordée ailleurs.

la décision-cadre n’a pas fixé de minimum de la peine restant à purger, mais le manuel (voy. infra) recommande de ne pas émettre de mandat d’arrêt européen lorsque la peine restant à subir est inférieure à 4 mois, même si la peine prononcée était de 4 mois ou plus

la décision-cadre n’impose pas à l’autorité d’émission d’examiner l’opportunité du mandat d’arrêt européen au regard d’un principe de proportionnalité, et sa législation ne lui laisse pas nécessairement beaucoup de marge d’appréciation : cette question est abordée plus loin.

Afin de faire face aux problèmes pratiques que pose le processus d’émission et d’exécution du mandat d’arrêt européen, un « Manuel européen concernant l’émission d’un mandat d’arrêt européen » a été élaboré au sein du Conseil. Ce manuel vise à fournir des orientations en vue de l’adoption de bonnes pratiques, compte tenu de l’expérience acquise jusqu’ici. Il contient en annexe des « orientations indiquant comment remplir le formulaire de mandat d’arrêt européen». Le manuel a été révisé en 2010 et est consultable sur le site du Conseil de l’UE [footnoteRef:3]. Dans certains Etats membres, un tel type de manuel a été adopté aussi au niveau national. [3: Doc. Conseil 17195/1/10 REV 1, du 17 décembre 2010 (p.60)]

Si c’est le cas, indiquez ici, les références du manuel national.

Conditions que le mandat d’arrêt européen doit satisfaire 

Le mandat d’arrêt européen doit répondre à une série de conditions en termes de forme, de contenu et de langue.

Conditions de forme 

Le mandat d’arrêt européen - et les informations qu’il doit contenir - doit être présenté sous la forme du formulaire qui apparaît en annexe de la décision-cadre. Le formulaire ne peut pas être modifié et ses éléments ne peuvent être supprimés. Au cas où, il convient d’indiquer « Sans objet » au lieu de supprimer la case concernée (voyles « Orientations indiquant comment remplir le formulaire de mandat d’arrêt européen », annexées au Manuel européen concernant l’émission d’un mandat d’arrêt européen[footnoteRef:4]). [4: Doc. Conseil 17195/1/10 REV 1 précité. .]

Indiquez comment se procurer le formulaire en version électronique. Si ce formulaire n'est pas mis à disposition au niveau national, les formulaires dans toutes les langues, en vertu de l’article 8 de la DC, sont disponibles sur le site du Réseau Judiciaire Européen. Le formulaire peut être complété et imprimé grâce à l’outil « EAW Wizard » destiné à la création directement en ligne d’un mandat d’arrêt européen, disponible dans toutes les langues sur le site du REJ

Aide pratique :

: http://www.ejn-crimjust.europa.eu/eawwizard.aspx

Conditions relatives au contenu 

Le mandat d’arrêt européen doit impérativement contenir une série d’informations (article 8, § 1er de la DC):

a) l’identité et la nationalité de la personne recherchée

b) le nom, l’adresse, le n° de téléphone et de télécopieur et l’adresse électronique de l’autorité judiciaire d’émission

c) l’indication de l’existence d’un jugement exécutoire, d’un mandat d’arrêt ou de toute autre décision judiciaire exécutoire ayant la même force entrant dans le champ d’application du régime

d) la nature et la qualification légale de l’infraction

e) la description des circonstances de la commission de l’infraction, y compris le moment, le lieu et le degré de participation à l’infraction de la personne recherchée

f) la peine prononcée, s’il s’agit d’un jugement définitif, ou l’échelle de peines prévue pour l’infraction par la loi de l’Etat membre d’émission

g) dans la mesure du possible les autres conséquences de l’infraction.

Les informations énumérées de a) à f) doivent nécessairement être fournies afin d’assurer la bonne suite de la procédure. Le formulaire contient des champs pour bien d’autres informations, tout en précisant que certaines d’entre elles sont facultatives. Ainsi, certaines informations apparaissent essentielles pour l’arrestation dans l’Etat d’exécution, d’autres le sont pour permettre à l’autorité judiciaire d’exécution de prendre sa décision sur l’exécution du mandat d’arrêt européen, d’autres encore ne sont que facultatives.

En pratique, il est préférable de fournir le plus d’informations possible car :

· le statut des informations varie d’un Etat à un autre : certaines autorités se montrent plus ou moins « sourcilleuses » que d’autres, certaines outrepassant d'ailleurs ce qui est prévu par la décision-cadre (voir infra);

· plus l’autorité d’émission fournit d’informations, plus la gestion du dossier se verra en principe facilitée. Mieux elle est informée, plus l’autorité d’exécution tendra à se montrer confiante et toute demande inutile d’informations complémentaires sera évitée.

Le « Manuel européen concernant l’émission d’un mandat d’arrêt européen[footnoteRef:5] » insiste aussi sur l’importance d’apporter un soin tout particulier à la description des circonstances de l’espèce (case e)). En particulier, les circonstances doivent toujours être décrites intégralement et de façon exhaustive, afin de pouvoir évaluer la règle de la spécialité, le principe du ne bis in idem, la possibilité ou non d’invoquer la clause territoriale et la prescription. De cette manière aussi, si l’infraction ne figure pas sur la liste, la description détaillée permettra à l’autorité judiciaire d’exécution d’évaluer s’il y a double incrimination. [5: Doc. Conseil 17195/1/10 REV 1 précité. ]

Il est important également de signaler si les empreintes digitales ou des photographies de la personne recherchée sont disponibles.

Conditions linguistiques

Le mandat d’arrêt doit être présenté ou traduit dans la langue officielle ou dans une des langues officielles de l’Etat membre d’exécution. Les Etats peuvent faire une déclaration auprès du Secrétariat général du Conseil, aux termes de laquelle ils acceptent une ou plusieurs autres langues officielles de l’UE (article 8, § 2 de la DC). Relativement peu d’EM acceptent une autre langue que leur langue officielle. Le rapport final du 4ème round d’évaluation mutuelle déplore cet état de fait et recommande une plus grande flexibilité, tant pour le formulaire que pour les éventuelles informations complémentaires[footnoteRef:6]. [6: Doc. Conseil 8302/2/09 REV 4 du 28.5.2009 (Recommandation 5 p. 11)]

Langues acceptées par les Etats membres lorsqu’ils reçoivent un mandat d’arrêt européen[footnoteRef:7] : [7: Source de l’information : Manuel précité, annexe IV ]

Allemagne

Allemand, français, néerlandais[footnoteRef:8] [8: L’Allemagne et l’Autriche acceptent les mandats d’arrêt européens émis dans toutes les langues officielles des Etats d’émissions qui acceptent les mandats d’arrêt européens en allemand.]

Autriche

Allemand, français, néerlandais, tchèque, slovaque

Belgique

Français, néerlandais, allemand

Bulgarie

Bulgare

Chypre

Grec, turc, anglais

Danemark

Danois, suédois, anglais

Espagne

Espagnol[footnoteRef:9] [9: Lorsqu'un mandat d'arrêt européen est émis par le biais d'un signalement dans le SIS, l'autorité judiciaire d'exécution assurera la traduction s'il n'est pas établi en espagnol.]

Estonie

Estonien, anglais

Finlande

Finnois, suédois, anglais

France

Français

Grèce

Grec

Hongrie

Hongrois[footnoteRef:10] [10: La Hongrie accepte le mandat d’arrêt européen en anglais, français et allemand dans ses relations avec les Etats membres qui acceptent une ou d’autres langues que la ou leurs langues officielles.]

Irlande

Irlandais, anglais

Italie

Italien

Lettonie

Letton, anglais

Lituanie

Lituanien, anglais

Luxembourg

Français, allemand, anglais

Malte

Maltais, anglais

Pays-Bas

Néerlandais, anglais

Pologne

Polonais

Portugal

Portugais

Roumanie

Roumain, anglais, français

Slovaquie

Slovaque, tchèque avec la Tchéquie, polonais ave la Pologne, allemand avec l’Autriche [footnoteRef:11] [11: Sur la base de traites bilatéraux antérieurs.]

Slovénie

Slovène, anglais

Suède

Suédois, danois, norvégien, anglais

Tchéquie

Tchèque, slovaque avec la Slovaquie, allemand avec l’Autriche

Royaume-Uni

Anglais

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Principe de proportionnalité comme critère pour l’émission

Conformément à la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, les autorités compétentes de l’Etat membre d’émission ne sont pas tenues de vérifier la question de la proportionnalité avant de décider d’émettre un mandat, aucune évaluation relative à l’utilité du mandat d’arrêt européen dans le cas concerné n’étant prévue. Il convient toutefois de s’en tenir aux suggestions contenues dans le « Manuel européen concernant l’émission d’un mandat d’arrêt européen » à ce sujet[footnoteRef:12]. Afin de freiner la tendance, accrue dans certains Etats membres, à recourir à l’émission d’un MAE pour tout type de faits respectueux des conditions formelles, il convient, dans chaque cas, de procéder à une évaluation tenant compte de l’ensemble des différents éléments, entre autres la gravité de l’infraction, la mesure, les ressources à déployer dans l’Etat d’exécution, et tout particulièrement le fait que la mesure implique de priver une personne de sa liberté. Un certain nombre d’EM ont introduit des critères de proportionnalité dans leur loi[footnoteRef:13]Ainsi, conformément au Manuel, il conviendrait de ne pas opter pour le mandat d’arrêt européen lorsque la mesure coercitive qui semble proportionnée, adéquate et applicable au cas en question n’est pas la détention préventive, ou bien lorsque, même si la détention préventive est admise, il est possible et envisageable dans le cas concret d’opter pour une autre mesure coercitive non privative de liberté. Dans le cadre de l’examen du suivi des recommandations émises à l’issue du 4ème round d’évaluation mutuelle[footnoteRef:14], le Conseil a indiqué par exemple, parmi les mesures alternatives à envisager, l’émission de citations à comparaître ou l’audition par vidéo-conférences. [12: Manuel révisé précité (pp. 14-15).] [13: L’annexe au dernier rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la DC doc. SEC (2011) 430 du 11 avril 2011 mentionne ainsi le cas de la République tchèque (p. 57), de la Lettonie (p. 110), de la Lituanie (p. 116), de la Slovaquie (p. 151).] [14: Doc. Conseil 8436/2/10 REV2 du 28.5.2010.]

Transmission Entre qui ?

La procédure se passe en principe de juge à juge, le mandat est donc en principe émis et transmis directement par l’autorité judiciaire d’émission à l’autorité judiciaire d’exécution. C’est le 2ème élément fondamental en termes de judiciarisation. Néanmoins, un Etat membre peut, si cela s’avère nécessaire en raison de l’organisation de son système judiciaire, confier à son ou ses autorités centrales la transmission et la réception administratives des mandats d’arrêt européens, ainsi que toute correspondance officielle la ou les concernant. Dans ce cas, les informations relatives à ou aux autorités centrales désignées doivent être transmises au Secrétariat général du Conseil (article 7, § 2 de la DC). Toutes les difficultés ayant trait à la transmission ou à l’authenticité de tout document nécessaire à l’exécution du mandat d’arrêt européen doivent en principe être réglées par contact direct entre autorités judiciaires concernées, ou le cas échéant par l’intervention des autorités centrales (article 10, § 5 de la DC).Ces indications lient toutes les autorités de l’EM d’émission, quel qu’il soit.

Indiquez ici, le cas échant, les autorités centrales nationales désignées

Comment ?

Les modalités de transmission du mandat d’arrêt européen varient selon que l’autorité judiciaire d’émission connaît ou ne connaît pas l’endroit où se trouve la personne recherchée

=> Deux hypothèses sont donc à distinguer :

Si l’autorité d’émission connaît l’endroit où se trouve la personne recherchée

Si l’autorité d’émission connaît l’endroit où se trouve la personne recherchée (article 9 de la DC), elle peut communiquer directement le mandat d’arrêt européen à l’autorité d’exécution, mais si la personne se trouve dans un Etat membre qui a désigné une autorité centrale pour la réception des mandats d’arrêt européen, elle l’enverra à cette autorité. Si elle ne connaît pas cette autorité, elle peut éventuellement faire appel au Réseau Judiciaire Européen pour son identification (article 10, § 1er de la DC). Compte tenu des délais courts d’exécution, il est souhaitable de traduire à l’avance le mandat d’arrêt dans l’une des langues acceptées par l’Etat membre d’exécution. Une fois que l’autorité judiciaire d’exécution a été identifiée, elle lui communiquera le mandat d’arrêt européen par tout moyen sûr permettant d’en obtenir une trace écrite, dans des conditions permettant à l’Etat membre d’exécution d’en vérifier l’authenticité (article 10, § 4 de la DC)[footnoteRef:15]. Cependant, rien ne l’empêche de procéder malgré tout à un signalement dans le SIS et d’introduire une alerte Interpol (voy. infra). C’est peut être même préférable de le faire car l'information sur l'endroit où se trouve la personne peut être erronée, ou bien la personne, tout en résidant bien dans l'Etat identifié comme l'Etat d'exécution, peut être en déplacement ou en fuite. [15: Le rapport final du 4ème round d’évaluation mutuelle souligne que beaucoup d’EM exigent toutefois l’original, et recommandt d’abandonner cette exigence (Doc.précité, recommandation 6 p. 12)]

Si l’autorité judiciaire qui reçoit un mandat d’arrêt européen n’est pas compétente, elle le retransmet d’office à l’autorité compétente de son Etat membre et en informe l’autorité d’émission (article 10 § 6).

Pour identifier l’autorité qui réceptionne et exécute le mandat d’arrêt européen dans l’Etat d’exécution, consultez l’ « Atlas » sur le site du Réseau Judiciaire Européen.Il fournit l’information demandée lorsqu’on saisit les données concernant le lieu où le MAE doit être transmis (pays, zone, région, sous-région, localité ou code postal). Il peut être utile aussi de contacter le point de contact du Réseau Judiciaire Européen.

Si l’autorité d’émission ne connaît pas l’endroit où se trouve la personne recherchée

Dans ce cas, l’autorité d’émission effectuera un signalement dans le SIS, sur la base de l’article 95 de la Convention d’application des Accords de Schengen (Recueil B.2.1.) et pourra, voire devra, recourir aux services d’Interpol[footnoteRef:16]. [16: Un troisième canal est mentionné par la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen, à savoir le système de télécommunication sécurisé du réseau judiciaire européen, mais ce canal n’est pas encore opérationnel (voy. module 4).]

· Signalement dans le SIS : l’autorité d’émission devra effectuer un signalement dans le SIS, sur la base de l’article 95 de la Convention d’application de l’Accord Schengen. Dans le système d’extradition antérieur, le signalement avait la simple valeur d’une demande d’arrestation provisoire (article 64 de la CAAS). Aux termes de la décision-cadre, un signalement dans le SIS vaut mandat d’arrêt européen accompagné des informations prévues à l’article 8, § 1er  (article 9, § 3 de la DC). Le nombre de signalement aux fins d’arrestation et de remise augmente constamment (28.666 en 2009, contre 24560 en 2008 et 19199 en 2007, et représente, pour 2009, 82 ,5 % des MAE émis par les Etats participant au SIS)[footnoteRef:17]. [17: Source : annexe au dernier rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la DC doc. SEC (2011) 430 p. 14.]

Mais le recours au signalement dans le SIS est, à titre transitoire, tributaire de deux types de limites techniques que connaît actuellement le SIS :

a) Limite technique liée aux informations et documents transmis : à l’heure actuelle, le SIS ne permet ni de transmettre toutes les informations énumérées par l’article 8, § 1er de la décision-cadre, ni de transmettre une version scannée du mandat d’arrêt européen lui-même. Dès lors, tant que ce type de limites existe, la procédure est la suivante :

· certaines informations exigées par l’article 8, § 1er seront transmises par la voie du signalement article 95 ;

· les informations complémentaires exigées seront transmises par les soins des bureaux Sirene via les formulaires dits A et M : ces formulaires ne sont pas introduits dans le SIS mais envoyés par le bureau Sirene de l'Etat d'émission aux autres bureaux Sirene ;

· notons que presque tous les Etats membres utilisent l'anglais comme langue de travail pour ce type d'échange d'information de sorte que, en cas de "hit" dans le SIS (càd si la personne est trouvée dans un des Etats connectés au SIS), l'Etat où la personne se trouve dispose de l'information de base compréhensible lui permettant de placer la personne en détention en attendant la réception de la traduction ;

· ensuite, dans un certain délai qui suit l’arrestation et qui est variable selon les Etats membres (voy. infra), il faut transmettre l’original et, si nécessaire, la traduction du mandat d’arrêt européen. On constate des différences selon les Etats membres quant au délai dans lequel cette transmission doit intervenir après l’arrestation de la personne recherchée. On ne peut qu’insister sur l’importance du respect du délai prévu puisque s’il est dépassé, la personne pourrait être libérée.

b) Limite technique liée au nombre d’Etats membres connectés : depuis novembre 2010, : 24 Etats membres de l’Union européenne sont connectés au SIS , c’est-à-dire les 27 moins le Royaume-Uni, l’Irlande, et Chypre. L’Islande, la Norvège, la Suisse et, depuis décembre 2011, le Lichtenstein, sont aussi connectés aux SIS ; ces quatre Etats ne sont pas soumis comme tels au régime de la Décision-cadre du 13 juin 2002 mais un régime spécifique très proche du mandat d’arrêt européen est applicable entre les Etats membres de l’UE et certains de ces partenaires Schengen (voir infra). Tant que les autres Etats membres ne sont pas tous connectés, l’autorité d’émission devra recourir à Interpol.

Un SIS II (2ème génération du SIS) est en cours d'élaboration. Initialement, l’objectif de la mise sur pied d’un SIS II était de mettre fin à ces deux types de limites : tel qu’initialement conçu, le SIS II devait non seulement permettre la connexion de tous les Etats membres mais aussi une refonte du SIS. Cette dernière visait tant l’introduction de nouvelles finalités, que l’élargissement de l’accès à d’autres autorités et l’intégration de nouvelles informations. Toutefois, les deux aspects ont été dissociés. En effet, la refonte du SIS ayant rencontré des difficultés importantes et pris beaucoup de retard, le Conseil "Justice et affaires intérieures" du 5 décembre 2006 a décidé d’élargir le SIS à 9 des nouveaux Etats membres ayant adhéré en mai 2004 (cela ne concernait pas au départla Bulgarie et la Roumaine, et Chypre ne s’est pas joint à ce projet) sans attendre la mise en place du SIS II. Une solution technique intermédiaire et provisoire, basée sur le système existant (dite SISone4all), a été ainsi réalisée et fonctionne en principe dans la plupart des Etats membres depuis septembre 2007. L’entrée en fonction du SIS II, avec de nouvelles finalités et de nouvelles informations est prévue pour le printemps 2013. Ce nouveau SIS permettra entre autres la transmission de toutes les informations nécessaires et d’une version scannée du mandat d’arrêt européen lui-même qui équivaudra donc à la transmission de l'original et sera immédiatement disponible. Il faudra alors encore simplement transmettre une traduction du mandat d’arrêt européen. En outre, le SIS II contiendra aussi des données biométriques. La base légale du SIS II se trouve dans la décision 2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007[footnoteRef:18](sur le SIS voy. module 5). [18: JO, n° L 205, 7 août 2007, p. 63.]

Recours à Interpol (article 10, § 3 de la DC) : l’autorité d’émission pourra, voire devra, recourir à Interpol, dont tous les Etats membres de l’Union sont membres  (voy. système I-24/7, le système de diffusion de même que le système des notices rouges : module 5). L’intérêt de ce système est majeur tant que tous les Etats membres de l’Union européenne ne sont pas connectés au SIS. En ce qui concerne les Etats membres qui ne sont pas encore connectés au SIS, on notera toutefois qu’un signalement international Interpol équivaut à une demande d’arrestation provisoire mais pas à un mandat d’arrêt européen. Après l’entrée en fonction du SIS II, l’intérêt du recours à Interpol demeurera quand l’Etat d’émission ignore où se trouve la personne recherchée puisqu’il permettra de joindre les Etats tiers à l’Union européenne (voy. module 5).

Quand ?

Si le signalement vaut demande d’arrestation provisoire, et MAE lorsqu’il est accompagné des informations reprises à l’article 9 § 3 de la DC, celle-ci ne contient pas elle-même de disposition sur l’arrestation provisoire, et ne fixe pas davantage de délai pour la réception du MAE après arrestation de la personne recherché. Il y a des différences significatives entre EM à cet égard. Le suivi du rapport final d’évaluation mutuelle indique qu’un délai de 6 jours serait raisonnable[footnoteRef:19]. [19: Doc. Conseil 8436/2/10 REV2 du 28.5.2010 précité, p. 3.]

Délais applicables pour la réception du mandat d’arrêt européen après l’arrestation de la personne recherchée[footnoteRef:20] : [20: Source de l’information : Manuel révisé précité (annexe V)]

Note : Les délais repris sont mentionnés en jours calendrier, sauf indication contraire

Lettonie

48 heures

Lituanie

48 heures

Luxembourg

6 jours ouvrables

Malte

48 heures[footnoteRef:21] [21: L’arrestation préalable de la personne n’interviendra que dans des cas exceptionnels. Dans les cas ou il y a un signalement dans le SIS, cela est considéré comme un MAE et la juridiction peut définir un délai pour la reception du MAE.]

Pays-Bas

23 jours lorsque l’arrestation est fondée sur un signalement dans le SIS ; dans les autres cas, le plus rapidement possible

Pologne

48 heures [footnoteRef:22] [22: Dans les 48 heures, les autorités polonaises doivent obtenir la garantie, par tous moyens permettant de laisser une trace écrite, qu’un mandat d’arrêt européen a bien été établi.]

Portugal

Le délai est laissé à l’appréciation du tribunal, habituellement 10 jours

Roumanie

48 heures

Slovaquie

18 jours pour la réception de l’original et de la traduction officielle (libération de la personne sur demande du procureur) ; 40 jours (libération de la personne obligatoire)

Slovénie

10 jours

Suède

Le plus rapidement possible (quelques jours, sur décision du procureur)

Tchéquie

40 jours

Royaume-Uni

48 heures[footnoteRef:23] [23: L’arrestation préalable de la personne n’interviendra que dans des cas exceptionnels. Si le mandat d’arrêt européen est demandé, il doit être fourni ou alors la personne est libérée.]

Allemagne

40 jours

Autriche

40 jours

Belgique

10 jours

Bulgarie

24 heures

Chypre

3 jours (à condition que le mandat d’arrêt européen ait été émis avant l’arrestation de la personne recherchée)

Danemark

Le plus rapidement possible ou, dans la mesure du possible, dans un délai de 10 jours[footnoteRef:24] [24: L’original ou la copie du mandat d’arrêt européen n’est pas exigé si les informations résultant du signalement Schengen sont suffisantes.]

Espagne

Le plus rapidement possible et, en tout état de cause, dans un délai de 10 jours

Estonie

3 jours ouvrables

Finlande

Le plus rapidement possible ou, sur demande, dans un délai fixé par l’autorité d’exécution finlandaise compétente

France

6 jours ouvrables

Grèce

15 jours, avec une possibilité d’étendre le délai à 30 jours

Hongrie

40 jours

Irlande

7 jours[footnoteRef:25] [25: En principe, l’arrestation n’intervient qu’après que le MAE soit avalisé par la High Court – Lorsque l’Irlande sera reliée au SIS (actuellement ce processus semble toutefois suspendu), l’arrestation pourra exceptionnellement intervenir avant cet aval. Dans ce cas, le MAE traduit en anglais ou en irlandais devra être transmis dans les 7 jours. ]

Italie

10 jours

Traitement du mandat d’arrêt européen par l’autorité d’exécutionLe "flagging": la possibilité de bloquer l'exécution du mandat d'arrêt européen dès l'insertion du signalement dans le SIS

Lorsque le signalement est inséré dans le SIS par l'Etat d'émission, ce signalement doit encore être traité par l'autorité centrale SIS dans chacun des autres Etats. Un examen a donc lieu avant de rendre le signalement opérationnel sur le territoire national. Cet examen est actuellement réglé par la convention Schengen, rédigée pour le régime de l'extradition, ce qui crée certains conflits avec la décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen.

La convention Schengen permet d'apposer au signalement en question un indicateur de validité (ou un "flag" dans le jargon européen) qui empêche durant 24h l'arrestation de la personne. Au terme de ces 24h, l'interdiction d'arrestation est soit confirmée "pour des raisons juridiques ou des raisons d'opportunité", soit supprimée. Il est en outre possible exceptionnellement de prolonger ce délai de 24h -jusqu’à une semaine.

Le flagging peut être parfaitement légitime: il est des cas dans lesquels il est certain que la personne ne pourra pas être remise (par ex. parce que la personne est âgée de 14 ans lorsque la majorité pénale dans l'Etat d'exécution n'est jamais inférieure à 16 ans) et il faut dès lors éviter une arrestation même de durée limitée.

Le système de la convention Schengen est toutefois en partie en contradiction avec la décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen car il peut impliquer que l'arrestation est empêchée (ce qui peut équivaloir de facto à la non exécution du mandat d'arrêt européen) :

· par une décision prise par une autorité administrative (l'autorité centrale SIS) alors que la décision-cadre prévoit que la décision sur l'exécution est prise par une autorité judiciaire

· pour des raisons "juridiques ou d'opportunité" alors que la décision-cadre prévoit des causes de refus limitatives et strictement définies.

Il serait par exemple problématique qu'une autorité administrative en charge du SIS décide de sa propre initiative d'insérer un flag sur base d'une condition de double incrimination ou de ne bis in idem, qui sont des questions juridiques souvent complexes qui doivent être examinées par une autorité judiciaire.

La possibilité de recourir au flagging est maintenue dans les nouvelles règles qui s'appliqueront prochainement au SIS II mais elles sont mieux définies [footnoteRef:26]. Un flag peut ainsi être apposé dans deux cas : [26: Art. 25 de la décision 2007/533/JAI du Conseil sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II), JO, n° L 205, 7 août 2007, p. 63).]

· lorsque le mandat d'arrêt européen en question a déjà fait l'objet d'une procédure normale qui a abouti à une décision de non-exécution et que l'autorité judiciaire qui a pris cette décision a demandé qu'un flag soit apposé (= flagging- "a posteriori")

· lorsque une autorité judiciaire "compétente" (par exemple un juge exerçant certaines compétences centralisées) a demandé à l'autorité centrale SIS d'apposer un flag, soit dans le cas d'espèce (sans doute saisie par l'autorité centrale SIS) soit par le biais d'une instruction générale (par exemple sur la question des mineurs d'âge) (=flagging " a priori") mais seulement s'il est évident que l'exécution du mandat d'arrêt européen devra être refusée.

Vu la contradiction possible entre le texte actuel de la convention Schengen et la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen, il est clairement préférable que les autorités nationales optent déjà d’initiative pour les solutions trouvées dans la décision sur le SIS II, même si celles-ci ne sont pas encore obligatoires.

Notons l’exemple intéressant de la France où un magistrat fait en permanence partie de l’autorité centrale SIS ce qui assure un contrôle judiciaire à la source du flagging.

Le « flagging » est à distinguer de la radiation ou de la correction d’un signalement au titre de l’article 111 de la convention d’application des accords de Schengen (« CAAS »). Dans ce dernier cas, la demande peut être introduite dans tout Etat participant, et la décision prise exécutée ensuite dans les autres Etats. La relation entre les deux situations est cependant incertaine et le rapport final d’évaluation mutuelle annonce que ce point devra être examiné plus avant[footnoteRef:27]. [27: Rapport final précité, recommandation 14 p. 19)]

Obligation d’arrestation et droits de la personne concernée

Sur la base du mandat d’arrêt européen ou du signalement dans le SIS, les mesures nécessaires devront être prises dans l’Etat membre d’exécution afin de localiser et de faire arrêter la personne recherchée.

La décision-cadre du 13 juin 2002 consacre expressément deux droits au profit de la personne recherchée qui est arrêtée :

a) lorsque la personne recherchée est arrêtée, l’autorité judiciaire d’exécution doit l’informer, conformément à son droit national, de l’existence et du contenu du mandat d’arrêt européen, ainsi que de la possibilité de consentir à sa remise à l’autorité judiciaire d’émission (article 11, § 1er de la DC). Cette information doit prendre la forme d’une déclaration de droits, dont un modèle indicatif est publié en annexe de la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 (Recueil B.6a.1.)[footnoteRef:28]. [28: Article 5 et annexe II de la Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales , JO L 142 du 1/6/2012. Cet instrument doit être transposé en droit national au plus tard le 2 juin 2014.]

la personne recherchée qui est arrêtée a par ailleurs le droit de bénéficier des services d’un conseil et d’un interprète (article 11, § 2 de la DC). L’accès à l’interprétation est réglé par les dispositions de la directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 de la même façon que pour tout suspect ou accusé dans une procédure nationale (Recueil B.6a.2.). [footnoteRef:29]. Pour le reste, l’arrestation et la détention seront gouvernées par les obligations internationales qui lient l’Etat d’exécution - entre autres l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme – et par le droit interne de l’Etat d’exécution : l’autorité judiciaire d’exécution décidera donc notamment s’il convient de maintenir la personne arrêtée en détention conformément à son droit national. En vertu de celui-ci, elle pourra éventuellement la mettre en liberté provisoire mais à condition de prendre toute mesure nécessaire pour éviter sa fuite (article 12 de la DC). [29: Article 2 § 7 de la Directive 2010/64/UE du 20/10/2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, JO L 280 du 26/10/2010. Cet instrument doit etre transposé en droit national au plus tard le 27 octobre 2013.]

Au plan des droits de la personne concernée, la décision-cadre consacre encore d’autres exigences :

a) en ce qui concerne le consentement à la remise donné par la personne concernée et sa renonciation éventuelle au bénéfice de la règle de la spécialité : voy. l’article 13 de la DC ;

b) en ce qui concerne l’audition de la personne concernée : si celle-ci ne consent pas à sa remise, elle a le droit d’être entendue par l’autorité judiciaire d’exécution conformément au droit de l’Etat d’exécution (article 14 de la DC).

Décision quant à la remiseDélais dans lesquels la décision doit intervenir et situation dans l’attente de la décision

Un des principaux objectifs du nouveau régime étant l’accélération des procédures, tout mandat d’arrêt européen est à traiter et à exécuter d’urgence (article 17, § 1er de la DC) et les délais dans lesquels la décision sur la remise doit intervenir sont prévus.

Deux cas doivent être distingués :

a) soit la personne consent à sa remise : dans ce cas, la décision définitive sur la remise doit intervenir dans les 10 jours du consentement (article 17, § 2 de la DC). A noter que si le consentement est en principe irrévocable, certains Etats membres (DK, FIN, SE, BE) ont fait usage de la possibilité de déclarer qu’il pouvait être révoqué (article 13, § 4 de la DC). Si tel est le cas, la période entre le consentement et sa révocation n’est évidemment pas prise en compte pour le calcul des délais dans lesquels la décision d’exécution du MAE doit être prise;

b) soit la personne ne consent pas à sa remise : la décision définitive sur l’exécution du mandat d’arrêt européen doit alors en principe être prise dans les 60 jours de l’arrestation (article 17, § 3 de la DC)

Si ces délais ne peuvent être respectés, une prolongation de 30 jours est possible, mais l’autorité judiciaire d’exécution en informe immédiatement l’autorité judiciaire d’émission et motive le retard (article 17, § 4 de la DC).

Lorsque, dans des circonstances exceptionnelles, un Etat membre ne peut pas respecter les délais impartis, il doit informer Eurojust des raisons du retard (article 17, § 7 de la DC).

Au cas où la personne bénéficie d’un privilège ou d’une immunité, ces délais ne commencent à courir que si, et à compter du jour où l’autorité d’exécution est informée de leur levée. La levée est demandée par l’autorité d’exécution si le privilège ou l’immunité relève de l’EM d’exécution, mais c’est à l’autorité d’émission de la demander dans tout autre cas (article 20).

Dans l’attente de sa décision, et lorsque le mandat d’arrêt européen a été émis pour l’exercice de poursuites, l’autorité d’exécution doit, soit accepter qu’il soit procédé à l’audition de la personne recherchée dans les conditions prévues à l’article 19 de la DC, soit accepter que la personne recherchée soit temporairement transférée (article 18 de la DC). Les conditions et la durée du transfèrement temporaire sont fixées de commun accord entre l’autorité judiciaire d’émission et celle d’exécution.

Cas dans lesquels l’exécution doit ou peut être refusée 

En principe, le mandat d’arrêt européen doit être exécuté, mais toute possibilité de refus n’est pas écartée. Elle est cependant étroitement encadrée. Toute décision de refus doit être motivée (article 17, § 6 de la DC). Toute non-exécution doit se fonder sur un des motifs de non-exécution admis. Et comparé aux instruments précédemment applicables, les motifs de refus d’exécution sont nettement restreints :

a) deux motifs de refus sont purement et simplement abolis :

· celui fondé sur le caractère politique de l'infraction

· celui basé sur la nationalité de la personne concernée : ce faisant, la décision-cadre du 13 juin 2002 sur le mandat d'arrêt européen tient compte de la citoyenneté européenne.

On notera donc que le fait que la personne recherchée est un national de l’Etat d’exécution n’est pas mentionné parmi les causes de refus et ne peut pas fonder une décision de non-exécution. Deux règles particulières sont toutefois applicables (voir infra) :

· en cas de mandat d’arrêt européen aux fins de poursuite : l’Etat d’exécution peut exiger que la personne visée purge sa peine sur son territoire si la procédure aboutit à une condamnation.

· en cas de mandat d’arrêt européen aux fins d’exécution de la peine : l’Etat d’exécution peut décider que la peine en question soit exécutée sur son territoire. Dans ce cas, le mandat d’arrêt européen est bien exécuté même si la personne n’est pas effectivement remise à l’Etat d’émission.

Le fait que la personne recherchée est un(e) ressortissant(e) de l’Etat membre d’exécution a aussi parfois pour effet de moduler certains motifs de refus facultatifs comme la clause territoriale (voy. infra).

b) d’autres sont « allégés » : c’est notamment le cas de l’exigence de la double incrimination, qui permet traditionnellement aux Etats de refuser d'apporter leur concours à la répression de faits qui ne constituent pas des infractions dans leur propre droit. Le contrôle de cette exigence a en effet été partiellement supprimé (voy. infra).

Parmi les motifs de non-exécution du mandat d’arrêt européen expressément énumérés en tant que tels par la décision-cadre, trois sont obligatoires, d’autres sont facultatifs.

Trois motifs de non-exécution obligatoire (article 3 de la DC)

a) Amnistie (article 3, §1 de la DC): lorsque l’infraction qui est à la base du mandat est couverte par l’amnistie dans l’Etat membre d’exécution mais uniquement quand, en vertu de son droit pénal national, celui-ci avait compétence pour la poursuivre parallèlement à l’Etat d’émission.

b) Ne bis in idem (article 3, §2 de la DC): s’il résulte des informations à disposition de l’autorité judiciaire d’exécution que la personne recherchée a fait l’objet d’un jugement définitif pour les mêmes faits par un Etat membre, à condition que, en cas de condamnation, celle-ci ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l’Etat membre de condamnation. A la différence de ce qui est prévu dans les instruments applicables en matière d’extradition, cette condition présente un caractère relatif, dans le sens où elle n’impose pas de recherche d’office par l’autorité judiciaire d’exécution. Ce changement s’explique par la dynamique du nouveau système, en vertu de laquelle le contrôle du fond se déroule à titre principal dans l’Etat d’émission. Cela dit, si l’autorité judiciaire d’exécution est informée de l’existence d’un tel jugement définitif, (voy. Infra l’arrêt « Mantello » de la CJ), elle devra en tirer les conséquences, à savoir refuser l’exécution (voy aussi le module 9 pour plus d’information sur le ne bis in idem dans les relations transnationales).

c) Minorité pénale (article 3, §3 de la DC): lorsque la personne concernée ne peut en raison de son âge être tenue pénalement responsable des faits à l’origine du mandat d’arrêt européen selon le droit de l’Etat d’exécution. Les règles en matière de minorité/majorité pénale varient fortement d’un Etat membre à l’autre.

Motifs de non-exécution facultative (article 4 de la DC)

La décision-cadre du 13 juin 2002 énumère 7 cas dans lesquels l’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen. Ces 7 motifs de non exécution facultative selon la DC sont les suivants :

a) Absence de double incrimination (article 4, §1 combiné avec l’article 2 de la DC): lorsque le mandat d’arrêt européen est basé sur les faits qui ne correspondent pas à des infractions pour lesquelles le test de la double incrimination a été supprimé et que le test de la double incrimination n’est en l’occurrence pas satisfait. La possibilité de contrôler la double incrimination reste donc la règle mais, dans la pratique, ce contrôle est largement supprimé. La décision-cadre prévoit en effet qu’il ne peut avoir lieu si deux conditions sont remplies :

· l’infraction concernée est punie d’une peine privative de liberté de 3 ans au moins dans l’Etat d’émission ;

· cette infraction, telle que définie par le droit de l’Etat d’émission, est reprise dans une liste de 32 catégories d’infractions (voir la liste reprise à l’article 2 § 2 de la DC).

La référence au droit de l’Etat d’émission, et non celui de l’Etat d’exécution, est cruciale pour donner sens à cette limitation du contrôle de la double incrimination. L’autorité judiciaire d’exécution ne peut donc pas contrôler la correspondance entre la qualification de l’infraction et son droit interne (ni bien entendu le taux de peine). L’autorité d’exécution doit se borner à constater que l’autorité d’émission a coché, dans le certificat ou le mandat (voy. ci-dessous), une des 32 cases formant la liste en question[footnoteRef:30]. [30: Tout au plus peut-on imaginer un refus d’exécution basé sur le fait qu’il y a une rupture manifeste entre la description des faits et la case cochée dans la liste. Il faut par ailleurs noter que toutes les législations nationales qui mettent en œuvre les décisions-cadre de reconnaissance mutuelle ne sont pas forcément conformes à celles-ci, de sorte que l’autorité d’exécution peut se retrouver confrontée à des injonctions contradictoires.]

Par ailleurs, les termes repris dans cette liste ne correspondent pas à des qualifications pénales. Il s’agit plutôt d’une formulation générique. Ces 32 catégories d’infractions. doivent être interprétées de manière souple par l’autorité d’émission lorsqu’elle remplit le certificat ou le mandat. Il n’est en effet évidemment pas requis que les mêmes termes (par exemple « sabotage ») soient exactement repris dans le droit interne.

Le contrôle de la double incrimination n’est pas non plus exercé lorsqu’il s’agit de tentative ou de complicité d’infraction relevant de l’une des 32 catégories, sauf en Bulgarie, au Danemark et en Pologne[footnoteRef:31] [31: Source : annexe au dernier rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la DC doc. SEC (2011) 430 p. 11.]

Sur la compatibilité de l’article 2 § 2 de la DC avec l’article 6 § 2 du Traité UE, voy. infra l’arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Advocaten voor de wereld (voy.infra).

b) Poursuite en cours dans l’Etat d’exécution pour le même fait (article 4, § 2 de la DC). Il s’agit normalement du cas où la personne fait déjà l’objet de poursuites pour ces mêmes faits lorsque l’autorité d’exécution reçoit le MAE, mais certaines législations de transposition ont fait une application différente de cette disposition : par exemple, en Autriche, le MAE émis à l’égard d’un citoyen pour des faits commis à l’étranger sera transmis aux autorités de poursuite nationales si les faits sont également punissables en AT en vue d’initier une nouvelle procédure en AT[footnoteRef:32]. [32: Source : dernier rapport de la Commission (SEC( 2011) 430 précité, p. 3).]

c) Extension du ne bis in idem aux décisions prises dans l’Etat membre d’exécution de ne pas poursuivre ou de mettre fin aux poursuites et aux autres décisions définitives adoptées dans un Etat membre pour les même faits qui font obstacle à l’exercice ultérieur de poursuites (article 4, §3 de la DC). Ce motif de refus correspond dans une large mesure à l’interprétation extensive donnée par la CJCE de l’article 54 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen dans l’affaire Gözütok et Brügge (voir module 9). A la suite de cette interprétation, on peut donc logiquement considérer que ce motif de non-exécution est devenu obligatoire.

d) Extension du ne bis in idem aux Etats tiers (article 4, §5 de la DC): s’il résulte des informations à disposition de l’autorité judiciaire d’exécution que la personne a été définitivement jugée pour les mêmes faits par un pays tiers, à condition que, en cas de condamnation, celle-ci ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois du pays de condamnation.

e) Prescription (article 4, §4 de la DC): lorsqu’il y a prescription de l’action pénale ou de la peine dans le droit de l’Etat membre d’exécution mais uniquement lorsque les faits relèvent de sa compétence selon son droit.

f) Nationalité de, ou résidence dans, l’Etat d’exécution (article 4, § 6 de la DC): lorsque le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté, quand la personne demeure dans l’Etat membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet Etat s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne. Ainsi, par exemple, si un mandat d’arrêt européen est délivré à l’égard d’une personne X, ressortissant de l’Etat A ou y résidant, par un magistrat de l’Etat B aux fins d’exécution d’une peine, l’autorité judiciaire de A pourra refuser d’exécuter le mandat et de remettre X mais s’engagera à exécuter la peine conformément à son droit national[footnoteRef:33]. [33: Le rapport final du 4ème round d’évaluation mutuelle signale toutefois que pour certains EM qui utilisent ce motif de refus, la base légale pour l’exécution de la peine dans l’EM d’exécution fait défaut (doc. Conseil 8302/4/09 REV 4 COR 1).]

Plusieurs Etats membres appliquent différemment ces dispositions selon que la personne recherchée est ou non un(e) ressortissant(e) : le motif de refus est obligatoire dans le premier cas, optionnel dans l’autre (par exemple en AT[footnoteRef:34] ou en DE[footnoteRef:35]), ou simplement pas applicable aux non-nationaux (SE[footnoteRef:36]). C’est également réservé aux nationaux en FR. [34: Source : dernier rapport de la Commission, SEC (2011) 430, cité p. 36.] [35: Article 83b, para 2 du Gesetz über die Internationale Rechtshilfe in Strafsachen.] [36: Section 6, chaoitre 2 de la loi 2003 :1156 du 30 décembre 2003.]

La Cour de Justice a déjà été saisie à trois reprises de questions d’interprétation liées à cette disposition, dans l’affaire Szymon Kozlowski, dans l’affaire Wolzenburg et dans l’affaire Lopes da Silva Jorge (voy infra § 8).

La remise des nationaux sur base d’un MAE a aussi fait l’objet d’un certain nombre d’arrêts des cours nationales voy. infra (§ 7).

L’exécution devrait être possible même si les faits à l’origine de la condamnation ne sont pas punissables dans l’EM d’exécution[footnoteRef:37]. Lorsque l’Etat membre d’exécution s’engage à exécuter la condamnation au lieu de remettre la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen (ou lorsque l’exécution du mandat est subordonnée à la condition de renvoi de la personne dans l’Etat membre d’exécution pour y purger sa peine : voy.infra), la décision-cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 « concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’UE » (Recueil B.5.5. voy. module 10) s’applique « mutatis mutandis dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles de la DC sur le MAE » (article 25 de la DC 2008/909). Or cet instrument permet (article 7 § 4) aux Etats membres de déclarer qu’ils refuseront d’exécuter la sentence à défaut de double incrimination (PL, IE, AT, ont fait une déclaration dans ce sens[footnoteRef:38]). Le rapport final prend acte de différences qui pourraient être source de difficultés[footnoteRef:39]. Il est recommandé de signaler toute difficulté rencontrée à cet égard au Gouvernement qui pourra reporter la situation problématique à la Commission, chargée du rapport sur la transposition de la DC 2008/909/JAI. [37: L‘annexe au dernier rapport de la Commission sur la mise en œuvre indique que c’est bien le cas en AT, LU, SI, SE, mais pas en HU, LV, NL, PL, PT, ni RO (doc. SEC (2011) 430 précité p. 10).] [38: Voy.pour l’Irlande JO n° L 91 du 29 mars 2010, p. 28. Pour l’Autriche, doc. Conseil, 5698/12 du 26 janvier 2012. Pour la Pologne, 5650/12 du 26 janvier 2012.] [39: Rapport final sur le 4ème round d’évaluation mutuelle précité, p. 14)]

g) Clause de territorialité (article 4, § 7 de la DC): lorsque le mandat d’arrêt européen porte sur des infractions

· Soit (lettre a) qui selon le droit de l’Etat membre d’exécution ont été commises en tout ou en partie sur le territoire de l’Etat membre d’exécution ou en un lieu considéré comme tel. Ainsi, par exemple, si un meurtre a été commis par X sur le territoire de l’Etat A à l’encontre d’un ressortissant Y de l’Etat B et qu’une autorité judiciaire de B émet un mandat d’arrêt européen contre X, l’autorité d’exécution de A peut refuser l’exécution du mandat puisque le meurtre a été commis sur son propre territoire.

· Soit (lettre b) qui ont été commises hors du territoire de l’Etat membre d’émission et que le droit de l’Etat membre d’exécution n’autorise pas la poursuite pour les mêmes infractions commises hors de son territoire. Ainsi, par exemple, si un meurtre a été commis par X sur le territoire de l’Etat C à l’encontre d’un ressortissant Y de l’Etat B et qu’une autorité judiciaire de B émet un mandat d’arrêt européen contre X qui se trouve dans l’Etat A, l’autorité d’exécution de A peut refuser l’exécution du mandat si son droit national n’admet pas la poursuite de meurtres commis hors de son territoire.

Dans un certain nombre d’Etats membres, ces dispositions, surtout celle de l’alinea (a), sont appliquées différemment selon que la personne recherchée est ou non un national de l’Etat membre d’exécution (par exemple, en DE[footnoteRef:40] ou en PL[footnoteRef:41]). [40: Voy article 80 du Gesetz über die Internationale Rechtshilfe in Strafsachen] [41: Article 55 de la Constitution polonaise.]

Beaucoup de lois nationales de transposition ont fait de ces motifs de non-exécution ou de certains d’entre eux des motifs de non-exécution obligatoires. Pour connaître en pratique le statut exact de ces motifs de non-exécution, il convient donc de vérifier le contenu des lois nationales de transposition.

Lorsque l’autorité d’exécution éprouve des doutes sur l’existence d’un motif de refus, il est conseillé de demander directement à l’autorité d’émission les informations supplémentaires (article 15 § 2 de la DC) qui lui permettront de clarifier la situation et d’adopter une décision en connaissance de cause.

Au-delà de ces questions de statut facultatif ou obligatoire des motifs de non-exécution, il faut avoir conscience de ce que bon nombre de lois nationales de transposition ont introduit d’autres motifs de non-exécution, non prévus par la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen[footnoteRef:42]. A cet égard, le cas particulier du non-respect des droits de l’homme doit être mentionné. [42: Le rapport d’évaluation mutuelle relatif à l’Italie recommande la suppression de pas moins de 9 motifs de refus contenus dans la loi italienne (doc. 5832/2/09 REV 2, point 7.3.2.1.a). Certains sont sensiblement amenuisés par la Cour de Cassation.]

Indiquez ici les spécificités de la loi nationale de transposition et la jurisprudence pertinente le cas échéant

Le cas particulier des droits de l’homme 

Parmi les motifs de non-exécution obligatoire ou facultative du mandat d’arrêt européen, la décision-cadre ne mentionne expressément ni la clause dite « humanitaire » ou de « non-discrimination » ni de clause générale aux termes de laquelle il n’y aurait pas de remise s’il y a des raisons sérieuses de croire que celle-ci aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne. Cependant, son préambule rappelle la clause humanitaire ou de non discrimination (voy. son considérant 12) et son article 1er, § 3 dispose qu’elle « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne ». Les législateurs nationaux ont diversement transposé la décision-cadre à cet égard :

· certains n’ont pas du tout prévu de motif de non-exécution fondé sur les droits fondamentaux (c’est par exemple le cas du législateur luxembourgeois ou espagnol),

· d’autres ont prévu la clause humanitaire ou de non discrimination uniquement (c’est entre autres le cas du législateur français) ou une clause générale droits de l’homme uniquement (c’est le cas du législateur belge notamment),

· d’autres encore ont inséré les deux (loi grecque par exemple) ou ont même multiplié les motifs de refus fondés sur les droits fondamentaux (voy. notamment le cas du Royaume-Uni ou de l’Italie, qui a entre autres inséré un motif de refus fondé sur l’absence de durée maximale de la détention préventive).

Les autorités judiciaires réagissent aussi différemment. Certaines se montrent tempérées, d’autres très confiantes et d’autres encore fort suspicieuses.

Comment réagir ? Il convient de réagir de manière équilibrée, en tenant compte de deux préoccupations essentielles simultanément :

· d’une part il ne peut être question de rompre avec la philosophie qui fonde le mécanisme et tout le principe de la reconnaissance mutuelle, à savoir la confiance mutuelle et l’idée que les contrôles au fond doivent en priorité être exercés dans l’Etat d’émission ;

· mais d’autre part les autorités d’exécution ne peuvent éluder le respect dû aux droits fondamentaux.

Dans cet exercice délicat, l’autorité d’exécution devra se poser deux questions fondamentales pour donner sens au processus de reconnaissance mutuelle :

· les atteintes alléguées aux droits fondamentaux pourront-elles être invoquées devant les juridictions de l’Etat d’émission et être dûment prises en compte par celles-ci ?

· l’autorité d’exécution est-elle suffisamment bien placée, notamment au regard de la complexité inhérente à tous les systèmes juridiques nationaux, pour apprécier la violation possible d’un droit fondamental dans l’Etat d’émission[footnoteRef:43] ? [43: La Cour européenne des droits de l’homme a admis que l’appréciation d’un délai éventuellement trop long entre les faits et les poursuites au regard du principe d’équité serait plus opportunément faite dans l’EM d’émission du MAE que dans celui d’exécution (2011 (Cour eur.D.H., 4 mai 2010, Stapleton c. Irlande, 56588/07).]

· la position à prendre pourra s’inspirer de la jurisprudence de la CJUE relative aux demandes d’asile[footnoteRef:44] selon laquelle, s’il faut présumer que le traitement des demandeurs d’asile respecte les droits fondamentaux dans tous les EM, cette présomption est écartée s’il y a des motifs sérieux de croire qu’il existe, dans l’EM normalement compétent pour examiner ces demandes, des violations systémiques de ces droits pouvant résulter en un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte. [44: CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes N.S. et M.E., C-411/10 et C-493/10. Cette jurisprudence fait écho à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 21 janvier 2011 (Cour eur.D.H., 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grêce, 30696/09). ]

· la Cour de Justice devra se prononcer sous peu dans le cadre d’un recours préjudiciel[footnoteRef:45]. [45: Affaire C-396/11. Les conclusions de l’Avocat Général, en date du 18 octobre 2011, vont dans le sens d’une reconnaissance de la possibilité de refus d’exécution « lorsqu’il est démontré que les droits de l’homme de la personne dont la remise est demandée ont été violés ou le seront », mais ce refus ne pourrait se faire que  « dans des circonstances exceptionnelles », lorsque la violation est de nature « à réduire à néant l’équité du procès », et « les violations passées auxquelles il est possible de remédier ne pourraient pas donner lieu à un refus ».]

Remises conditionnelles 

Dans trois cas, l’autorité judiciaire d’exécution peut subordonner la remise à l’obtention de certaines garanties de la part de l’autorité d’émission (article 5 de la DC):

Jugements par défaut 

Si un mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté prononcées par défaut et si la personne concernée n’a pas été citée personnellement ni autrement informée de la date et du lieu de l’audience qui y a mené, la remise peut être subordonnée à la condition que l’autorité judiciaire d’émission donne des assurances suffisantes pour garantir à la personne qu’elle pourra demander une nouvelle procédure de jugement dans l’Etat membre d’émission et être rejugée en sa présence. Dans le chef de l’autorité judiciaire d’exécution, l’exigence de telles assurances n’est en principe que facultative et non obligatoire : aux termes de la décision-cadre, elle peut mais ne doit pas nécessairement les exiger.

Par la nouvelle décision-cadre 2009/299/JAI du 26 février 2009 ((Recueil B.5.8.). [footnoteRef:46] – qui devait être transposée au 28 mars 2011 au plus tard[footnoteRef:47] ) – un nouvel article 4 bis a été inséré dans la DC MAE. Les nouvelles dispositions remplacent ce régime de remise conditionnelle : elles permettent, dans le respect de certaines conditions, de refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision. Pour plus de détails, voy. l’article 2 de la DC 2009/299/JAI. Le régime antérieur reste cependant en vigueur à l’égard des décisions par défaut rendues en IT qui a déclaré, comme l’y autorise l’article 8, § 3 de la DC 2009/299, qu’elle ne l’appliquera qu’au 1er janvier 2014 au plus tard. [46: JO, n° L 81 du 27 mars 2009, p. 24. ] [47: Au 10 octobre 2012, seuls la Bulgarie, le Danemark, la Lettonie et les Pays-Bas avaient niotifié leur législation de transposition. ]

Peines perpétuelles ou à vie

Si l’infraction à la base du mandat d’arrêt européen est punie d’une peine ou une mesure de sûreté privative de liberté à caractère perpétuel, l’autorité d’exécution peut subordonner la remise à la condition que le système juridique de l’Etat d’émission prévoie des dispositions permettant une révision de la peine infligée – sur demande ou au plus tard après 20 ans – ou l’application de mesures de clémence auxquelles la personne peut prétendre selon le droit ou la pratique de l’Etat d’émission en vue de la non-exécution de cette peine ou mesure. Comme pour le cas précédent, il ne s’agit ici que d’une possibilité dans le chef de l’autorité judiciaire d’exécution.

Nationalité et résidence 

Si un mandat d’arrêt européen est délivré aux fins de poursuite et si la personne est ressortissante ou résidente de l’Etat d’exécution, l’autorité d’exécution peut subordonner la remise à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l’Etat membre d’exécution pour y purger la peine ou mesure de sûreté prononcée dans l’Etat d’émission. C’est le deuxième tempérament apporté à l’abolition du motif de refus fondé sur la nationalité. Ainsi, par exemple, si un mandat d’arrêt européen est délivré par un magistrat de l’Etat B aux fins de poursuite à l’égard d’une personne X ressortissant de l’Etat A ou y résidant, l’autorité judiciaire de A pourra subordonner la remise de X à la condition que X, après avoir été entendu, lui soit renvoyé pour y purger la peine ou mesure de sûreté prononcée dans l’Etat B.

Voy. supra les observations sur l’article 4 § 6 de la DC, et en particulier l’impact de la décision-cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 « concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’UE » (module 10).

Voy. aussi infra l’arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire I.B. sur la combinaison des conditions visées à l’article 5 § 1 et 3.

Cas de concours de demandes

Concours de mandats d’arrêt européens entre Etats membres (article 16, § 1 et 2 de la DC)

Si plusieurs Etats membres ont émis un mandat d’arrêt à l’encontre de la même personne, un choix doit être fait par l’autorité d’exécution en tenant compte :

· de toutes les circonstances et en particulier de la gravité et du lieu de commission des infractions

· des dates des mandats d’arrêt européen

· du fait que le mandat a été délivré aux fins de poursuites ou d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté

L’avis d’Eurojust peut être demandé mais celui-ci n’est pas contraignant. En annexe au rapport annuel 2004 d’Eurojust, on trouvera des orientations pour décider en cas de mandats d’arrêt concurrent, portant sur la même personne et le même délit ou sur desdélits différents ; aux fins de poursuite ou pour l’exécution d’une peine[footnoteRef:48] [48: Les rapports annuels sont disponibles sur le site d’Eurojust.]

Concours entre un mandat d’arrêt européen et une demande d’extradition présentée par un pays tiers (article 16, § 3 de la DC) 

La décision-cadre ne prévoit pas expressément de priorité au mandat d’arrêt européen sur la demande d’extradition émanant d’un pays tiers. Elle prévoit simplement que l’Etat d’exécution doit choisir entre les deux demandes concurrentes en tenant compte de toutes les circonstances. Toutefois, vu qu’il s’agit de mettre sur pied un espace pénal européen entre les Etats membres de l’Union européenne et qu’il s’agit de se faire confiance mutuelle, et sauf cas particuliers, il paraît a priori logique de donner la priorité à une demande émanant d’un autre Etat membre.

Recours

La décision-cadre elle-même ne prévoit rien en ce qui concerne d’éventuels recours contre la décision prise par l’autorité judiciaire d’exécution en ce qui concerne la remise. Les règles en la matière sont gouvernées par le droit interne de l’Etat d’exécution. Il est à noter cependant que les délais fixés à l’article 17 (voy. supra) s’entendent recours compris.

Indiquez ici les spécificités de la loi nationale de transposition

Notification de la décision à l’autorité d’émission

La décision concernant la suite à donner au mandat d’arrêt européen doit être notifiée immédiatement à l’autorité d’émission par l’autorité d’exécution (article 22 de la DC).

Il est important aussi d’informer l’autorité d’émission du déroulement de la procédure d’exécution. Dans le cadre du suivi du rapport d’évaluation, un formulaire a été proposé à cet effet et introduit dans la version révisée du manuel[footnoteRef:49]. [49: Annexe VIII au manuel révisé précité]

La remise elle-mêmeDélais

Principe 

La personne est remise dans les plus brefs délais à une date convenue entre les autorités concernées (article 23, § 1er de la DC). Elle est remise au plus tard 10 jours après la décision finale sur l’exécution du mandat d’arrêt européen. Si le respect de ce délai est impossible en vertu d’un cas de force majeure, l’autorité judiciaire d’exécution et celle d’émission prennent immédiatement contact l’une avec l’autre pour convenir d’une nouvelle date de remise. Dans ce cas, la remise a lieu dans les 10 jours suivant la nouvelle date convenue (article 23, § 2 et 3 de la DC).

Report temporaire de la remise pour raisons humanitaires sérieuses 

Pour des raisons humanitaires sérieuses, il peut être exceptionnellement sursis temporairement à la remise (par exemple, quand il y a des raisons valables de penser que la remise mettrait manifestement en danger la vie ou la santé de la personne recherchée). Mais dès que ces raisons ont cessé d’exister, l’autorité d’exécution en informe l’autorité d’émission et la remise à lieu à un moment convenu entre elles (article 23, § 4 de la DC).

Non respect des délais précités

En cas de non respect des délais précités, la personne est remise en liberté (article 23, § 5 de la DC).

Remise différée ou conditionnelle

Après avoir décidé en faveur de l’exécution du mandat d’arrêt européen, l’autorité judiciaire d’exécution peut différer la remise de la personne pour qu’elle puisse être poursuivie dans l’Etat membre d’exécution ou, si elle a déjà été condamnée, pour qu’elle puisse purger, sur son territoire, une peine encourue en raison d’un autre fait que celui visé par le mandat d’arrêt européen (article 24, § 1er de la DC).

Il existe une alternative : au lieu de différer la remise, l’autorité judiciaire d’exécution peut aussi remettre la personne temporairement à l’Etat d’émission, dans des conditions à déterminer dans un accord écrit (article 24, § 2 de la DC).

Effets de la remiseDéduction de la période de détention subie dans l’Etat membre d’exécution (article 26 de la DC)

La période de détention résultant de l’exécution du mandat d’arrêt européen doit être déduite par l’Etat membre d’émission de la durée totale de privation de liberté. A cette fin, toutes les informations relatives à la durée de la détention de la personne au titre du mandat d’arrêt européen doivent donc être transmises par l’autorité judiciaire d’exécution à celle d’émission.

Principe de la spécialité et exceptions (article 27 de la DC)

Conformément au principe de la spécialité, une personne qui a été remise ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé sa remise. Mais ce principe est vidé d’une bonne partie de sa substance car la décision-cadre le soumet à deux types d’exceptions :

· il ne s’applique pas dans les sept cas énumérés par l’article 27, § 3 ;

· il ne s’applique pas non plus entre les Etats membres qui ont notifié au Secrétariat général du Conseil qu’ils consentent que les personnes remises puissent être poursuivies, condamnées ou détenues pour une infraction commise avant la remise et autre que celle qui l’a motivée (seules AT et EE ont fait une telle déclaration). Même lorsqu’une telle notification a été faite, les autorités d’exécution conservent toutefois la possibilité, dans des cas particuliers, de prévoir le contraire dans la décision de remise.

Sur l’interprétation de l’article 27 de la DC, voy. infra l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire Leymann et Pustovarov.

On notera que la DC ne contient pas de disposition relative à la remise « accessoire » (càd la possibilité de remettre la per