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Dans notre époque qualifiée de « dream society » par Rolf Jansen, le storytelling arrive à point nommé. En effet, notre quotidien est fourni de messages variés et continus alors que notre capacité à les mémoriser est elle, limitée. Dans ces circonstances, il est de plus en plus difficile pour les organisations de captiver leurs publics. Or, le storytelling semble apporter une clé de lecture différente des vecteurs de communication. Son objectif principal consiste à susciter l’émotion en racontant une histoire. Ainsi, il parvient à séduire les différentes parties prenantes de l’entreprise en remplaçant la diffusion d’informations strictement techniques. Omniprésent dans les stratégies de communication des grandes marques, son appropriation par les entreprises du B to B semble moins évidente. Mais bien que moins familières, ces dernières n’échappent pas à cette technique.Dans une première partie, cette analyse définit les contours du storytelling, cet « art de raconter les histoires » tout en mettant en avant les particularités de ce concept. Polyvalent, ce storytelling que nous avons qualifié de « couteau-‐suisse » permet de créer du lien avec ses cibles. La deuxième se veut une cartographie du large champ d’applications du storytelling, en interne comme en externe notamment via les outils de brand content. Ces possibilités doivent toutefois être nuancées. Par ailleurs, cette étude s’intéresse également aux entreprises du B to B, comme SUEZ ENVIRONNEMENT, qui s’approprient progressivement les codes de la narration et qui capitalisent sur le « il était une fois ». Enfin, bien que le succès du storytelling soit avéré, sa mise en place reste plus délicate. Elle requiert de bien connaître l’ADN de son entreprise et son histoire. De plus, la cohérence et l’inscription sur le long terme sont capitales pour en faire un véritable vecteur de performance.Déterminant dans la stratégie et l’identité des organisations, les limites du storytelling doivent cependant être soulignées.
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École des hautes études en sciences de l'information et de la communication - Université Paris-Sorbonne 77, rue de Villiers 92200 Neuilly-sur-Seine tél. : +33 (0)1 46 43 76 76 fax : +33 (0)1 47 45 66 04 www.celsa.fr
École des hautes études en sciences de l'information et de la communication Université de Paris-‐Sorbonne (Paris IV)
MASTER PROFESSIONNEL
Mention : Information et Communication
Spécialité : Communication des Entreprises et des Institutions
Option : Communication des Entreprises et des Organisations Internationales
« Il était une fois l’entreprise : le storytelling, un enjeu stratégique de la communication des organisations »
préparé sous la direction du Professeur Véronique RICHARD
à la suite du stage effectué au sein du Service Média de SUEZ ENVIRONNEMENT
Nom et prénom BRETONNIERE Flore
Promotion : 2013-‐14
Soutenu le : 13 Novembre 2014
Note au mémoire : 16/20
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 1
REMERCIEMENTS
Avant tout, je souhaite remercier toutes les personnes qui ont, de près ou de loin, contribué
à l’élaboration de ce mémoire professionnel.
Merci à Laurent Gaudichaud d’avoir accepté, avec grand enthousiasme, d’être mon
rapporteur professionnel. Je remercie par la même occasion l’ensemble du service Médias
de SUEZ ENVIRONNEMENT au sein duquel j’ai réalisé mon stage. Je n’oublie pas non plus les
nombreux encouragements et la curiosité de mes camarades stagiaires pour ce mémoire :
Camille, Fanny, Véronique, Lara et Chloé.
Je remercie François Allard-‐Huver, mon rapporteur universitaire, pour son aide et sa
disponibilité lors de ces dernier mois.
Je remercie également Sébastien Durand, consultant en storytelling et Céline Hervé Bazin,
spécialiste de la communication sur l’eau, pour leur accessibilité et leur spontanéité lors de
mes sollicitations. Leur expertise et leurs remarques ont été précieuses dans l’avancement
de ce travail.
Enfin, ces remerciements ne seraient pas complets sans mentionner le soutien de mes
proches dans la conduite de ce projet de fin d’études. Je remercie tout spécialement
Grégoire Sélégny pour sa patience -‐ presque sans faille -‐ et ses conseils si judicieusement
prodigués.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 2
Table des matières REMERCIEMENTS ................................................................................................................... 1 INTRODUCTION ...................................................................................................................... 4 I. LE STORYTELLING, UNE NOTION ÉVOLUTIVE AU CARREFOUR DES ENJEUX CONTEMPORAINS DE LA COMMUNICATION ........................................................................................................ 9
A. Le storytelling : une notion complexe et protéiforme .......................................................... 9 1. L’art de raconter des histoires ................................................................................................................... 9 2. Un concept « couteau-‐suisse » : gestion, analyse, management. .............................................. 13
B. Des facteurs facilitant l’émergence de ce nouveau mode de communication ......... 14 1. La nécessité d’exister dans l’abondance de contenus ................................................................... 15 2. Une réponse au scepticisme ambiant ................................................................................................... 18
C. Un mode de communication paradoxalement ancien et approprié à l’homme ...... 22 1. La narratologie : le récit élevé au niveau de science ...................................................................... 22 2. De la communication à l’influence ......................................................................................................... 23 II. UNE DIVERSITE D’APPLICATIONS, UNE APPROPRIATION PROGRESSIVE DANS LE SECTEUR DU B TO B .............................................................................................................................. 26
A. Un recours désormais étendu aux entreprises du B to B ................................................. 27 1. Des freins à l’utilisation du storytelling dans le B to B ................................................................. 27 2. La reconnaissance de la dimension émotionnelle dans le B to B ............................................ 28
B. Contribuer à fédérer les collaborateurs autour d’une histoire commune ................ 30 1. L’Intranet .......................................................................................................................................................... 30 2. La presse interne ........................................................................................................................................... 32
C. Appuyer le triptyque « légitimité, notoriété et visibilité » en externe ....................... 35 1. Les publications externes : magazines, blogs ou encore native advertising assurant la légitimité de l’entreprise .................................................................................................................................... 35 2. Les récits de dirigeants et légendes patronales : des mythologies contemporaines ....... 38 3. Publications institutionnelles, du contenu froid au support du storytelling ...................... 40
D. Des supports du storytelling tous publics : hors les limites de l’interne et de l’externe .......................................................................................................................................................... 45
1. Les musées d’entreprise ............................................................................................................................ 45 2. La vague des « serious game » : vers un « interactive storytelling » ? ..................................... 48 3. Le storytelling du développement durable et des démarches RSE ........................................ 51 III. LE STORYTELLING, UNE TECHNIQUE DE COMMUNICATION IMPARABLE MAIS A LA MISE EN ŒUVRE DIFFICILE .................................................................................................................. 55
A. L’instauration d’un « baby storytelling » chez SUEZ ENVIRONNEMENT .................. 55 1. Une démarche originale construite de l’externe à l’interne ....................................................... 56 2. Un premier essai positif mais porteur de questionnements ...................................................... 58
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 3
B. La nécessité d’adopter une stratégie en cohérence avec son identité et ses cibles ... ............................................................................................................ 59
1. Connaître son histoire afin de la mettre efficacement en valeur ............................................. 60 2. Impliquer les collaborateurs dans la construction du storytelling ......................................... 63 3. Adapter son récit en fonction des cibles visées ............................................................................... 67
C. Redonner du contenu à la communication : réincarner son entreprise grâce au storytelling ..................................................................................................................................................... 71
1. Accorder plus de place aux storytellers .............................................................................................. 71 2. Permettre à la cible de s’approprier la marque ............................................................................... 72 CONCLUSION ........................................................................................................................ 74 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 78 ANNEXES .............................................................................................................................. 82 Annexe 1 : Les trois composantes nécessaires du statut de marque .............................................. 82 Annexe 2 : Image du blog « Bien au quotidien de Danone » ............................................................... 82 Annexe 3 : L’eMag, le magazine externe de SUEZ ENVIRONNEMENT ........................................... 83 Annexe 4: le blog living circular de veolia et sa rubrique galerie des héros ................................ 84 Annexe 5 : Interview croisée entre le PDG et la directrice de la communication dans le RADD 2011 ............................................................................................................................................................... 85 Annexe 6 : Illustration du Rapport annuel 2011 de SUEZ ENVIRONNEMENT ........................... 86 Annexe 7 : Illustrations Rapport annuel 2013 de SUEZ ENVIRONNEMENT ............................... 87 Annexe 8 : Le 17, musée d’entreprise de SUEZ ENVIRONNEMENT ................................................ 88 Annexe 9: Mise en place d’un dispositif en cascade pour la diffusion des dossiers de presse storytelling en interne ......................................................................................................................................... 89 Annexe 10: Prototypes d’affiches pour la diffusion des success stories storytelling en interne ............................................................................................................................................................... 90 Annexe 11 : Btwin, l’intranet de SUEZ ENVIRONNEMENT ................................................................. 90 Annexe 12 : Mr Propre dans la campagne Real Business de Xerox ................................................. 91 Annexe 13 : Campagne « Ouvrir un grand cru » d’Eau de Paris ....................................................... 92 Annexe 14: Entretien téléphonique avec Sébastien Durand .............................................................. 93 Annexe 15 : Entretien avec Céline Hervé Bazin ....................................................................................... 96 RESUME ............................................................................................................................... 99 INDEX ............................................................................................................................. 100
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 4
INTRODUCTION
« Le récit commence avec l’histoire même de l’humanité ; il n’y a pas, il n’y a jamais eu nulle
part aucun peuple sans récit »1 expliquait Roland Barthes. Ne pourrait-‐on pas dire par
analogie, qu’il n ‘y a pas d’entreprise sans récit ? Que l’entreprise commence par le récit ?
L’entreprise, personnalité morale, se dote d’une histoire sans cesse renouvelée: depuis sa
création, dans la définition de son objet social, à travers les hommes qui la composent, dans
ses choix et dans ses crises. Les plus grandes entreprises ont su faire de leur passé et de
leurs valeurs des atouts incontestables de leur communication. Qu’il s’agisse de Michelin
avec son célèbre bonhomme, ou encore de Louis Vuitton et son « invitation au voyage », ces
entreprises sont parvenues à s’ancrer dans l’imaginaire collectif. Appartenant à des univers
distincts, elles ont cependant un point commun : avoir utilisé les formes narratives au
service de leur communication. Plus précisément, le storytelling ou la communication
narrative est devenu un moteur déterminant de leur stratégie. Cet « art de raconter les
histoires » 2 semble en effet être devenu incontournable peu importe le domaine :
management, marketing et jusque dans le domaine politique. Ce mémoire ne traitera
toutefois pas de ces autres dimensions qui méritent une réflexion à part entière. C’est donc
à l’appropriation du storytelling par les entreprises et au sein de leur communication que
cette étude sera consacrée.
Avant de poursuivre ces développements, une définition s’impose. Selon la proposition de
Jeanne Bordeau3, créatrice de l'Institut de la qualité et de l’expression, le storytelling est
« l’art de raconter des histoires pour faire passer ou transmettre des idées, des valeurs, des
messages ». Nous pouvons, à notre tour, tenter de définir le storytelling comme une
méthode de communication qui permet d’influencer et de remporter l’adhésion de son
auditoire grâce aux mécanismes de la narration. L’émotion suscitée, en inspirant, en faisant
rêver ou encore rire, est un vecteur qui va contribuer à persuader les cibles visées. A cet
égard, la particularité du storytelling est qu’il ne se limite pas à rendre hommage à celui qui
le diffuse, mais à cerner et engager l’audience qui y tient une place privilégiée.
1 BARTHES Roland, Introduction à l’analyse structurale du récit, Communications, 1966. 2 BORDEAU Jeanne, Storytelling et Contenu de marque : La puissance du langage à l’ère du numérique, Edition Ellipses, 2012. 3 Ibid
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 5
Elevé au rang de concept par les universitaires anglo-‐saxons, son émergence en France est
assez récente. Il est pourtant rapidement devenu l’une des clés du succès dans la
communication des entreprises qui doivent être de plus en plus innovantes et performantes
pour séduire leurs parties-‐prenantes. Ainsi, en racontant chaque soir une histoire palpitante
au calife, Shéhérazade, menacée de mort dans les Contes des Mille et Une Nuits, a préservé
sa vie car elle a su captiver son interlocuteur. Tout comme cette dernière, les organisations
doivent, plus que jamais, tenir leurs publics en haleine pour garantir leur pérennité.
Cet intérêt pour le storytelling s’est manifesté lors de mon stage au sein de SUEZ
ENVIRONNEMENT. En effet, la notion a été abordée à travers l’évocation de dossiers de
presse « storytelling » au sein du service Média. Celui-‐ci a initié et alimenté ce projet qui
fera par ailleurs l’objet d’une sous-‐partie dans ce mémoire. Durant les six derniers mois, j’ai
évolué dans un service qui ne vivait, pour ainsi dire, que par et pour ce projet, ce qui a
indéniablement suscité ma curiosité. Le travail considérable déjà effectué et qui restait à
faire m’a rapidement confrontée à considérer les enjeux du storytelling dans une entreprise
d’envergure comme SUEZ ENVIRONNEMENT, spécialiste dans la gestion de l’eau et des
déchets, puis dans les entreprises en général. Plusieurs questionnements se sont d’emblée
présentés. Le premier était celui des contours et du champ d’application de cette notion, à
savoir ce qu’elle englobe, et à partir de quand considère t-‐on qu’il s’agit de storytelling. Un
constat récurrent était que ce concept n’était pas clairement défini que ce soit
personnellement, ou par les gens qui m’entouraient ; ce qui peut conduire à un malentendu
sur son utilisation ou sur l’appropriation de cette dénomination. Le deuxième était de
comprendre pour quelles raisons une entreprise appartenant au secteur B to B ( Business to
Business), qui n’est pas en relation directe avec les consommateurs ou usagers, avait recours
au storytelling et comment elle devait s’y prendre. De toute évidence, SUEZ
ENVIRONNEMENT poursuit des activités qui restent méconnues du grand public notamment
en raison de leur technicité. Le storytelling est donc un moyen de croître en notoriété auprès
des journalistes, des spécialistes mais également des consommateurs finaux. De plus, cette
entreprise est, malgré elle, très fréquemment associée au groupe GDF SUEZ. Or depuis la fin
du pacte d’actionnaires en Juillet 2013, SUEZ ENVIRONNEMENT n’est plus une filiale de GDF
SUEZ bien que ce dernier soit resté son actionnaire principal. Autant de raisons qui laissent
supposer que le storytelling porté par SUEZ ENVIRONNEMENT s’insère dans une stratégie de
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 6
différenciation en tant qu’entreprise environnementale à part entière plutôt que d’être
affiliée à une entreprise liée aux métiers de l’énergie.
Après plusieurs hésitations, ma recherche s’est orientée vers la démonstration du poids de
ce concept et de cette méthode dans la stratégie de communication des entreprises. Il faut
rappeler que, de nos jours, les individus n’ont jamais été autant sollicités par l’abondance
d’informations. Sous l’impulsion des nouvelles technologies de l’information et de la
communication (NTIC), la multiplicité des écrits a presque rendu illisible la portée des
messages diffusés. Ainsi comme le souligne Jeanne Bordeau, « la profusion des messages
dilue la clarté du sens »4. Ce postulat s’applique aux organisations qui, plus encore qu’hier,
doivent apprendre à se différencier et à surprendre pour gagner en visibilité. Or, bien
communiquer demande de savoir « maîtriser les écrits pour gagner en différentiation et en
compétitivité »5.
Dans cette mesure, l’usage du storytelling peut se révéler un avantage compétitif pertinent
et croissant dans les entreprises de services. En effet, en raison de leurs relations
interentreprises, elles sont par nature beaucoup moins visibles que les entreprises B to C
(Business to Consumer). Or en France, il y a plus d’un million de salariés dans le B to B et 120
000 entreprises qui représentent 50% du commerce français en valeur6. Elles ont donc tout
intérêt à intégrer une « dimension émotionnelle » 7 à leur marque qui contribuera au
rayonnement de l’entreprise. Comme mentionné dans le Livre Blanc sur la marque B2B & le
Digital, on observe « une prise de conscience progressive des leaders que la marque B2B est
un atout pour continuer à exister sur un marché mondialisé » 8 . Cela signifie qu’une
entreprise de services, pour être plus compétitive, doit développer un statut de marque B to
B. En s’aidant du storytelling, elles pourront par corrélation développer une meilleure
notoriété, implantation ainsi qu’un univers de marque et une influence renforcés.
Dans le cadre de SUEZ ENVIRONNEMENT, l’un des enjeux principaux est de fédérer son
ensemble de filiales pour constituer un groupe en tant que tel. L’intérêt initialement prévu 4 BORDEAU Jeanne, « La véritable histoire du storytelling », L’expansion Management Review, 2008/2 N°129, p 93-‐99 5 Ibid 6 Source MyBtoB -‐ http://www.mybtob.fr 7 KAPFERER Jean-‐Noël, Ré-‐inventer les marques, 2013 8 Livre Blanc Marque B2B & le Digital, Agence le Fil, 2014
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 7
de cette étude était donc de mesurer l’impact de la diffusion de procédés utilisant les
storytelling, pour véhiculer des messages à fort impact pour l’entreprise. Il fallait déterminer
quelle était la plus-‐value de l’instauration de ce storytelling naissant et de quelle manière on
pouvait évaluer ses effets. Ces questionnements m’ont amené à la problématique suivante :
Dans quelle mesure le storytelling est-‐il devenu un mode de communication déterminant
de la stratégie et de l’identité des entreprises, notamment celles du secteur B to B?
SUEZ ENVIRONNEMENT et son projet de storytelling ont bien entendu apporté des pistes de
réflexion et ont servi de base à la formulation d’hypothèses.
La première suppose qu’en facilitant l’assimilation de l’information, le storytelling permet
de fédérer une organisation et par conséquent de transformer ses collaborateurs en
ambassadeurs. Si l’on applique cette hypothèse au cadre de SUEZ ENVIRONNEMENT, il s’agit
d’un enjeu de taille. En effet, les différentes filiales du groupe racontent déjà leur propre
histoire, à leur manière et indépendamment. Notre hypothèse se concentre sur le bénéfice
d’instaurer une communauté unifiée via le storytelling, de lisser le discours en interne sur la
marque et son univers ainsi que de valoriser les collaborateurs.
La deuxième hypothèse se construit autour de l’influence du storytelling sur les relais
d’information et à terme, les différentes parties prenantes de l’entreprise en apportant
visibilité et notoriété. En engageant des actions pédagogiques auprès du grand public et des
institutions, en misant sur le langage, il met en avant l’entreprise et ses savoir-‐faire, vis à vis
de la concurrence. Il contribue à entretenir des liens positifs et durables avec ses cibles
(presse, professionnels, autres parties prenantes) grâce aux ressorts émotionnels, à les
imprégner du discours de la marque et de son univers.
Enfin, la troisième hypothèse s’attèle à démontrer que le storytelling concourt à une
meilleure gestion des crises et des atteintes à la réputation en véhiculant une image
positive de l’entreprise. En effet, il peut, notamment à travers les enjeux de Responsabilité
Sociétale et Environnementale du groupe (RSE), appuyer la construction d’un argumentaire
lors des phases de crise et d’exposition du groupe décuplées par les évolutions du web 2 .0.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 8
A la suite d’un travail de recherche et d’analyse documentaire, ces raisonnements ont été
étayés par des entretiens accordés par deux professionnels : Sébastien Durand, consultant
en storytelling et auteur du livre « Storytelling, Réenchantez votre communication ». Céline
Hervé Bazin, docteure en sciences de l’information et de la communication spécialisée dans
l’eau a également appuyé cette réflexion. L’analyse de divers supports communicationnels,
notamment ceux du groupe SUEZ ENVIRONNEMENT ont participé à ce cheminement. Outre
quelques difficultés logistiques, c’est surtout celle à définir et préciser le sujet de mémoire
qui a été la plus importante. En effet, l’ampleur de la notion de storytelling fait qu’il était
difficile d’appréhender tout son potentiel et de le limiter précisément.
Dans une première partie, on s’attachera à définir le storytelling et ses différentes facettes,
ainsi que les phénomènes qui en font un outil de communication indispensable de nos jours.
Dans un deuxième temps, nous nous efforcerons de déterminer et d’analyser les vecteurs du
storytelling au sein des entreprises B to B et B to C, leur efficacité comme leurs limites. Dans
la dernière étape, nous proposerons des recommandations pour mettre en place un
storytelling plus efficient au sein des organisations.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 9
I. LE STORYTELLING, UNE NOTION EVOLUTIVE AU CARREFOUR DES ENJEUX CONTEMPORAINS DE LA COMMUNICATION
Cette première partie a pour ambition d’éclairer le concept de storytelling ainsi que son
usage dans notre société, notamment en tant que technique de communication privilégiée
des entreprises. En effet, cette méthode semble être un moyen utile et efficace pour créer
de la cohérence et fonder une identité singulière d’entreprise au service de sa
communication. Cette partie s’attachera également à déterminer quels sont les facteurs
actuels qui favorisent le développement du storytelling.
Dans un premier temps, il convient de définir cette notion et ses utilisations (A) puis
d’identifier les facteurs qui ont contribué à l’avènement du storytelling (B). L ‘engouement
suscité par cette notion protéiforme tient principalement aux évolutions de la société. Dans
un contexte de crise et sous l’influence de la société de l’information, apparaissent des
phénomènes tels que l’ « infobésité », ou encore l’immédiateté, qui sont autant
d’ingrédients favorisant son succès. Enfin, ce qu’on a pu qualifier de concept tendance a en
réalité déjà fait ses preuves puisqu’il est paradoxalement ancien et inhérent à l’homme (C).
A. Le storytelling : une notion complexe et protéiforme
Littéralement, le storytelling traduit de l’anglais signifie « raconter des histoires ». Ce qui, au
sens figuré, pourrait être considéré comme péjoratif, est pourtant efficace. Raconter des
histoires à l’ensemble des parties-‐prenantes est peu à peu devenu l’un des outils de
communication à la mode dans les entreprises. Cependant, comme tout nouveau concept,
les sens qui lui sont prêtés ne manquent pas et le lecteur peut facilement se perdre dans
cette nébuleuse de définitions. Il convient donc, pour une meilleure appréhension du sujet,
de mettre en avant les différentes caractéristiques du storytelling.
1. L’art de raconter des histoires
a) Définitions Pour Sébastien Durand, expert en storytelling, il se définit comme une « technique de
communication qui fait appel au pouvoir émotionnel du récit. Plutôt que de parler de
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 10
produits ou de services, cette technique sert à capter l’attention en créant des connexions
émotionnelles entre une marque émetteur, et le récepteur, son client»9.
Cela signifie émettre une idée sous la forme particulière d’une histoire qui pourra susciter
plus qu’un simple message et faire rêver. En revanche, il ne doit pas s’agir d’une totale
fiction, il se base sur des faits réels solidement ancrés dans l’entreprise. Comme le précise
Jeanne Bordeau « le storytelling n’invente rien, il s’inspire d’expériences réelles, qui tissent
une trame. Le vrai storytelling, c'est-‐à-‐dire la mise en récit, part d’un zest mêlé de légende et
de vérité ; il transfigure mais ne défigure pas »10.
Ces histoires, qualifiées de « success stories » et racontées à travers les médias sont le point
de départ de l’avènement du storytelling. Tel que théorisé par l’expert en communication
des organisations, Steve Denning11, le storytelling consiste à faire émerger, au sein même
des organisations, une ou plusieurs histoires à fort pouvoir de séduction et de conviction. Et
ce phénomène s’est développé dès les années 1980 dans les entreprises commerciales qui
ont pris l’initiative de produire des marques plutôt que de simples biens de consommation.
Dix années plus tard, les théoriciens de la communication ont scandé la nécessité de
produire des histoires et non plus des marques. Dans son ouvrage, Seth Godin12 affirme que
« c’est l’histoire, et non le produit ou le service que vous vendez, qui satisfait le
consommateur ». Ce concept consiste donc à utiliser une histoire plutôt qu’à mettre
classiquement en avant des arguments de marque ou du produit. La technique du
storytelling permet de capter l’attention et de créer une connexion émotionnelle avec la
marque. Désormais, pour pouvoir vendre, il faut qu’il y ait un récit. Comme le confirme
Nicole d’Almeida, Professeur des Universités, « L’activité économique ne peut plus se faire
sans se dire, sans s’expliquer et sans se conter ».13
9 Expert en storytelling et auteur du livre « Storytelling, Réenchantez votre communication », DURAND Sébastien, entretien téléphonique à Paris, le 28 Juillet 2014. 10 BORDEAU, Jeanne, Storytelling et Contenu de marque : La puissance du langage à l’ère du numérique, Edition Ellipses, 2012. 11 DENNING, Steve, The Leader’s Guide to Storytelling, San Francisco, 2008 CA: Jossey Bass; DENNING Steve, The Secret Language of Leadership, San Francisco, 2007, CA: Jossey Bass 12 GODIN, Seth, Storytelling et marketing, Edition Maxima, 2011 13 D’ALMEIDA, Nicole, « Des comptes aux contes », Media et Information, 2008, n°29.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 11
Si l’on se penche sur les propos de cette dernière, la communication narrative permet par
ailleurs de forger des « légendes organisationnelles »14. Ces dernières se divisent en deux
catégories15: les récits de la maisonnée mettant « bien souvent en scène un passé rêvé et
toujours glorieux » et les récits de l’engagement qui « réorientent la légitimité de l’action ».
Les premiers s’inspirent des valeurs internes issues de l’histoire de l’organisation qui tend
vers l’exemplarité et la pédagogie. Ils s’adressent donc à un public essentiellement interne
qu’il convient de fédérer autour d’un socle commun. Les récits de l’engagement, eux, sont
tournés vers la mise en scène de valeurs universelles au service des évolutions de
l’organisation. Il s’agit de s’adapter aux attentes spécifiques et d’interagir en permanence
dans un « environnement mouvant et incertain » 16 . Ces récits sont par ailleurs
indispensables puisqu’ils permettent à l’entreprise de s’inscrire dans le monde et dans une
chronologie. Plus particulièrement dans les périodes de crises ou de changement, comme
dans une grève, ils permettent de donner du sens aux actions de l’entreprise et à lui
conférer une certaine légitimité.
Reste que ces définitions quasi « canoniques » ne nous permettent pas de visualiser
comment s’applique concrètement cette technique, il nous apparaît donc essentiel de
définir sa méthodologie.
b) La méthode Le storytelling se construit autour du schéma narratif traditionnel décrit par Aristote en trois
temps avec un début, un milieu et une fin. Cette histoire archétype a été revisitée par
l’écrivain Allemand Gustav Freytag qui a divisé l’histoire en 5 parties cette fois, comme dans
le schéma ci-‐ dessous: une situation initiale, un élément perturbateur, une péripétie au
sommet de l’action, des éléments de résolutions puis une solution finale. De cette manière,
le storytelling va porter à notre connaissance un héros mais surtout une mission, un combat
auquel il va trouver des solutions après quelques péripéties.
14 Ibid 15 D’ALMEIDA Nicole, Les promesses de la communication, Paris, PUF, 2006, partie 2. 16 Ibid
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 12
Figure 1 Pyramide de Freytag
Ce héros reste dans la majorité des cas, l’entreprise. Elle passera dans son histoire par
diverses épreuves, qu’elle traversera avec succès. Selon Jean-‐François Messier17, bloggeur en
communication, cette méthode utilise généralement le « nous », plus modeste que le « je »
et inclut le consommateur, autre personnage important qui fait aussi vivre l’entreprise. En
effet, si les entreprises ont pendant longtemps incarné ce héros presque exclusivement, elles
ne peuvent plus aujourd’hui se contenter d’un discours autocentré. Avec l’avènement des
réseaux sociaux et du marketing participatif, il leur appartient de redistribuer les rôles.
Un bon exemple, qui utilise par ailleurs l’intermédiaire d’un membre de l’entreprise comme
explicité par Jean-‐François Messier18, est la publicité Carglass. Le vendeur se présente dans un
premier temps, puis partage une expérience vécue avec un client auquel le public peut
s’identifier. Il est aimable et enjoué, l’entreprise cherche à véhiculer une image positive par
le biais d’un collaborateur. On peut également citer ce que Nicole d’Almeida qualifie de
« légende organisationnelle » avec le pôle des produits laitiers frais de Danone. L’entreprise
raconte que tout a commencé en 1919 avec le fondateur de la marque, Isaac Carasso. Ce
dernier se serait inspiré des travaux de l’Institut Pasteur et du prix Nobel Elie Metchnikoff,
pour créer les premiers yaourts Danone. L’entreprise explique : « Alors que la science a, de
tout temps, cherché à apporter une réponse à la maladie, Elie Metchnikoff a tenté, pour sa
part, de comprendre les facteurs qui pouvaient contribuer à la santé». Danone prône ainsi la
philosophie suivante : elle est une entreprise impliquée dans le domaine de la santé et
recherche en permanence des solutions pour optimiser la qualité nutritionnelle de ces
produits.
17MESSIER, Jean-‐François, « présentation de vente et storytelling : quand doit-‐on oser la confrontation ? », billet de blog, novembre 2012. 18 Ibid
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 13
2. Un concept « couteau-‐suisse » : gestion, analyse, management.
Le storytelling pourrait être qualifié de concept « couteau-‐suisse » en ce sens que la variété
de ses applications est étonnante. Appliqué à l’entreprise, Il revêt de multiples dimensions et
principalement trois applications distinctes d’après le chercheur Eddie Soulier19 :
• des données observables : les récits et histoires racontés dans les organisations ;
• une méthode d’analyse de la vie organisationnelle ;
• une démarche de gestion en lien avec la question de l’innovation, de la gestion des
connaissances et de l’apprentissage organisationnel.
Cette typologie semble recouper les analyses déjà opérées par divers spécialistes. Ainsi, les
« données observables » qualifiées par Soulier peuvent être assimilées aux « récits de la
maisonnée » définis par Nicole d’Almeida. Pour Eddie Soulier, ces données sont des preuves
que l’organisation ou l’entreprise devient elle-‐même un lieu de production de récits. C’est
précisément ce que Nicole d’Almeida rappelle lorsqu’elle nomme les entreprises « foyers de
récits »20. De plus, dans la littérature organisationnelle ou managériale, le storytelling
correspond à une méthode d’analyse de la vie organisationnelle, issue du monde
académique. Les chercheurs de ce domaine recueillent des histoires pour analyser et mieux
comprendre le fonctionnement organisationnel dans ses différentes dimensions,
notamment symboliques. C’est bien ce que Soulier qualifie lorsqu’il parle de méthode
d’analyse de la vie organisationnelle.
Enfin, le storytelling assimilé à une pratique de management21 par Johan Petitjean, renvoie à
la démarche plus volontariste de gestion dans l’organisation identifiée par Soulier.
Récemment les récits sont devenus une figure de proue du « Knowledge Management »,
autrement nommé « gestion des connaissances », à l’image d’autres phénomènes
complémentaires comme les communautés de pratique 22 . Selon le spécialiste du
19 SOULIER Eddie, « Le système de gestion des connaissances pour soutenir le storytelling dans l'entreprise », Revue française de gestion, 2005/6 no 159, p. 247-‐264. DOI : 10.3166/rfg.159.247-‐266 20 D’ALMEIDA Nicole, « Les organisations entre récits et médias », Canadian Journal of Communication, 2004, vol.29 n°1. 21 PETITJEAN Johann, « Raconte-‐moi une histoire. Enjeux et perspectives (critiques) du narrativisme », Tracés. Revue de Sciences humaines, 2007. 22 Formalisé par Wenger en 1998, la théorie des communautés de pratique prône une perspective sociale de l’apprentissage, insérée dans les pratiques collectives au sein des communautés de pratique. Cette position offre un cadre original de lecture des phénomènes d’apprentissage collectif et permet d’envisager celui-‐ci sous un angle différent.
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management Wenger23, ces communautés de pratique correspondent à des groupes de
personnes qui travaillent ensemble et trouvent des solutions adaptées aux problèmes
rencontrés dans leurs pratiques professionnelles. Après un certain temps, et au fur et à
mesure que ces personnes partagent leurs connaissances et leurs expertises, elles
apprennent ensemble.
Enfin, si l’on se concentre sur l’analyse de Jean-‐François Messier24, il y aurait quatre
manières d’utiliser le storytelling. D’une part, il peut permettre de raconter l’histoire du
client. La technique consiste à réaliser un témoignage de l’efficacité d’un produit par un tiers.
Le produit ou service a été la solution au problème de ce tiers. Le héros est souvent
charismatique, avec un physique assez typique et reconnaissable afin que le client puisse s’y
identifier. L’anecdote racontée est, de même, simple et réaliste; le héros informe de son
expérience ou qui pourrait arriver à n’importe qui. Le storytelling peut aussi raconter
l’histoire des clients de l’entreprise cliente ce qu’on qualifie de B to B ou B to R (Business to
Retailer). Cette méthode reprend le même principe que la précédente, on raconte l’avantage
produit par le biais d’un tiers. L’entreprise raconte donc histoire de son client, qui est
également une entreprise. En B to B et en B to R, c’est le client qui est la personne la plus
importante et fait générer des profits. Enfin, il peut permettre de raconter l’histoire de
l’entreprise du point de vue corporate ou du point de vue de l’un de ses membres.
Ces différentes définitions et premières illustrations du storytelling permettent d’envisager
son vaste spectre d’application au sein des organisations aux niveaux interne comme
externe. Nous verrons ainsi pour quelles raisons le storytelling reste une méthode de
communication privilégiée alors que les parties prenantes évoluent dans un contexte social
et économique peu dynamique. En effet, ces dernières semblent paradoxalement plus
réceptives aux messages lorsqu’ils sont portés par la communication narrative.
B. Des facteurs facilitant l’émergence de ce nouveau mode de communication
Comment le storytelling s’est-‐il immiscé dans la communication des entreprises et des
organisations? Ce sont principalement des facteurs liés à la société de l’information, à savoir 23 WENGER E, Communities of Practice: Learning, Meaning, and Identity, Cambridge University Press, 1998. 24 MESSIER Jean-‐François, extrait du blog de Jean-‐François Messier sur les présentations de vente multimédia « Les 4 manières d’utiliser le storytelling » ,19 novembre 2012: http://presentations-‐de-‐vente.com/tag/storytelling
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la surabondance de contenus et l’immédiateté de l’information, qui ont accompagné le
storytelling comme nouveau moteur de la communication des entreprises auprès des parties
prenantes.
1. La nécessité d’exister dans l’abondance de contenus
Sous l’impact de la crise économique et sociale, les différentes parties prenantes sont
devenues de plus en plus actives et exigeantes vis-‐à-‐vis des entreprises et de leur
responsabilité sociale. Celles-‐ci doivent montrer une plus grande transparence de leurs
processus de production, mais aussi de leur organisation interne. Par ailleurs, Internet a
donné aux individus les moyens de s’exprimer instantanément. Aucune entreprise ou
personnalité publique ne peut ignorer ce pouvoir de propagation des messages et des idées.
La problématique qui se présente aujourd’hui aux entreprises n’est autre que
de comprendre comment captiver les parties prenantes et influencer leur perception dans
un contexte de crise prolongée où règnent un scepticisme ambiant et un relativisme des
valeurs.
a) Société de l’information et infobésité Avec l’arrivée d’Internet et des nouvelles technologies, la décennie 1990 s’est confrontée à
la grande promesse de la « société de l’information ». Qu’il s’agisse d’industriels, de
politiques ou d’intellectuels, tous se sont accordés pour annoncer l’imminence d’une
véritable révolution dans nos sociétés. Le Professeur Philippe Breton25 soulignait à ce titre
que l’ « information est devenue un enjeu crucial dans nos sociétés modernes ». Toutefois,
l’enthousiasme suscité par les NTIC qui, selon l’expression consacrée de McLuhan devait
engendrer un « village planétaire » s’est progressivement amoindri. L’opinion vouait un culte
à la société de l’information or cette dernière nécessitait un temps d’adaptation : si certains
progrès ont amélioré notre quotidien, d’autres ont pu le dégrader.
C’est notamment le cas de « l’infobésité », phénomène à l’issue duquel l’excès
d’informations peut entraîner une perte de contrôle de l’information. Pour exemple, il a été
25BRETON Philippe, « La société de l’information : de l’utopie au désenchantement », Revue européenne des sciences sociales.
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estimé en 2006 que Google recensait plus de 25 milliards de pages. Face à ce tsunami
informationnel, afin d’être visible sur la toile, posséder un site internet ne suffit plus et il faut
mettre en place une stratégie de communication pour exister et se distinguer au milieu du
« bruit médiatique »26. Caractérisé par l’abondance d’informations, généralement de piètre
qualité, il a entrainé une perte de confiance du public pour l’information. En effet, les
internautes sont sollicités en permanence et prêtent de moins en moins d’attention aux
messages communicationnels27. Comme le constate Wilfrid Gerber28, il y a une : « croissance
exponentielle des offres de contenus qu’ils proviennent des médias, des marques ou des
particuliers ». Il ajoute que nous sommes dans l’ère de l’« économie de l’attention ». Les
individus sont dans l’incapacité de tout assimiler, ils doivent prioriser et sélectionner
l’information qui leur est délivrée car « les contenus se multiplient, mais l’attention humaine
n’est pas extensible à l’infini, couplée à une fragmentation de l’audience : aujourd’hui, les
individus papillonnent d’un média à l’autre». Ce constat nous invite à prendre en
considération le rôle de l’internaute dans la société de l’information et dans quelle mesure
la communication narrative est un outil adéquat pour exister dans cette abondance de
contenus.
b) La place de l’internaute, nouvel acteur de la réputation des entreprises
La communication des entreprises est une des premières victimes de la société de
l’information. L’image institutionnelle étant un des facteurs déterminants du succès
commercial d’une entreprise, elle est aussi devenue un aspect hautement stratégique pour
les entreprises. En effet, comme le souligne justement Anthony Poncier29, « le web 2.0 a
largement étendu le périmètre informationnel, mais aussi les modes de production de
l’information ». La richesse des plateformes de communication dans des formats aussi divers
que la vidéo, les podcasts, etc., a massivement contribué à l’expression de chaque individu
sur tous les sujets. L’internaute est alors devenu un « consom’acteur » selon l’expression du
même auteur. Mais cette simplification de la publication de contenus sur internet a surtout
mis en danger les grandes entreprises.
26 Ibid 27 SAUVAJOL-‐RIALLAND Caroline, Infobésité : comprendre et maîtriser la déferlante d'informations 28 Le Storytelling décrypté par Alina Voicu et Wildrid Gerber dans http://www.shakerdepixels.com/interview-‐storytelling 29 PONCIER Anthony, « La gestion de l'image de l'entreprise à l'ère du web 2.0 », Revue internationale d'intelligence économique, 2009/1 Vol 1, p. 81-‐91.
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C’est pourquoi, utiliser les « caisses de résonance »30 , connaître et surveiller son périmètre
informationnel sur le web devient indispensable dans le contexte actuel. En effet, la gestion
de l’image est de plus en plus complexe car la masse d’information ne cesse d’augmenter et
de se répandre de plus en plus rapidement grâce à la viralité du média . Bien que la plupart
des gens « googlisent » simplement une entreprise, un individu ou un produit, il faut être
attentif aux risques de non uniformisation des contenus disponibles sur Internet et à leur
référencement. Généralement, la page Wikipédia apparaît en premier, il vaut donc mieux
créer sa page et mettre en scène son histoire, avant que quelqu’un d’autre la crée pour
l’entreprise. Cette gestion de l’image est d’autant plus efficace qu’elle peut être véhiculée
par le storytelling, facilitant la mémorisation à travers l’émotion.
Ces explications ont mis en exergue deux tendances : la surabondance de contenus et
l’impossibilité qui en découle d’être attentif à tous les messages. De facto, les contenus sont
hiérarchisés et certains laissés à la marge voir ignorés. Mais cette création de contenus
mettant les internautes à contribution a toutefois ouvert des perspectives nouvelles pour les
relations publiques. Ainsi, contrairement à ce que Walter Benjamin31 semblait prévoir, la
montée en puissance de l’information n’a pas fait reculer le besoin de récit, il a peut-‐être au
contraire amplifié voir « aiguisé le besoin et le travail de récitation inlassablement opérée
par des acteurs en quête d’identité et d’affirmation de soi »32.
Des stratégies sont mises en œuvre pour engager les internautes dans la co-‐création de
contenu et dans des échanges nourris, destinés à susciter la confiance et ultimement
l’adhésion des publics à l’égard des orientations ou des stratégies d’affaires des
organisations. Elle implique toutefois un« lâcher prise », une perte de contrôle des
organisations sur leur communication. Parmi les techniques et stratégies propres aux
entreprises, le storytelling trouve donc une résonnance particulière et peut ainsi être un
moyen de gagner en visibilité. Il est aussi un moyen pour véhiculer et contrôler son image
dans une société à la recherche d’émotions.
30 Ibid 31 BENJAMIN Walter, Le narrateur, Essais. Paris, 1974 32D’ALMEIDA Nicole, « Des comptes aux contes », Media et Information, n°29, 2008.
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2. Une réponse au scepticisme ambiant
a) Relativisme des valeurs dans les sociétés occidentales De nombreux auteurs ont mis en avant le relativisme des valeurs dans nos sociétés
modernes. Parmi les principaux, on ne peut omettre le sociologue allemand Max Weber qui
a théorisé la notion de « désenchantement du monde » 33 . Dans son livre L'Éthique
protestante et l'esprit du capitalisme, Max Weber définit le désenchantement comme le
déclin de la magie et des religions en tant que technique de salut du monde. Ce phénomène
social dresse le constat d’un monde dépourvu de sens et le déclin de certaines traditions. Il
se caractérise par un relativisme des valeurs et des croyances, une perte de confiance dans
les institutions ainsi qu’une perte de repères. Comme le souligne Catherine Colliot-‐
Thélène 34 , « Le désenchantement du monde, ce n'est pas seulement la négation de
l'interférence du surnaturel dans l'ici-‐bas, mais aussi : la vacance du sens ». Cette notion va
par la suite être étayée par les travaux du philosophe et historien Français Marcel Gauchet35.
Il rappelle que l’expression de désenchantement renvoie à l’idée d’un monde enchanté,
comme dans les contes, qui a petit à petit disparu.
Par ailleurs, le monde postmoderne est « incrédule aux métarécits » que sont les fables.
Apparue à la fin du XXe siècle, la notion de postmodernité s’inscrit dans la perspective de
surmonter le désenchantement du monde auquel les sociétés occidentales font face. En
effet, la transmission du savoir ne fonctionne plus d’après le modèle traditionnel des
histoires. Ce qui engendre nécessairement une perte des héros qui avaient pour mission de
nous inculquer des valeurs. On peut qualifier ce phénomène d’effondrement des « grands
récits » 36 selon l’expression de Jean-‐François Lyotard. Dans ce contexte de scepticisme
ambiant, un revirement surgit toutefois: les publics sont réceptifs aux messages portés sous
la forme de récits qui répondent adéquatement à leur quête de sens.
33 WEBER Max, L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, Librairie Plon, 1964. 34 COLLIOT -‐ THELENE Catherine, Trivium. Revue franco-‐allemande de sciences humaines et sociales -‐Fondation Maison des sciences de l'Homme, 2009/04/15 35 GAUCHET Marcel, Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Gallimard, Paris, 1985. 36 LYOTARD Jean-‐François, La condition postmoderne, 1979, p 32
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b) Retour au qualitatif et répondre à la quête de sens des parties prenantes
L’usage du récit possède des caractéristiques communicationnelles et cognitives
intéressantes : il est universel, simple, engageant. C’est pourquoi la multiplication des récits
économiques peut être comprise comme une « réponse unifiante, réconciliatrice de la
dislocation temporelle qui marque le capitalisme désormais soumis à la pression de
l'instant »37. En effet, le récit permet de synthétiser, d’aller au cœur du sujet. La technique
du storytelling est par ailleurs constructive dans la mesure où elle permet de structurer les
échanges. Selon Jeanne Bordeau, les entreprises misent de plus en plus sur la pédagogie et
la qualité de l’expression. Les contenus soumis par les entreprises ont pour objectif d’asseoir
l’identité de la marque et de gagner en visibilité. En parallèle de cette indispensable clarté de
l’expression pour émerger dans la masse des contenus, l’entreprise doit innover et faire
preuve de créativité.
La pyramide des besoins de Maslow illustrée dans la figure ci-‐dessous est une construction
hiérarchique qui classe les besoins humains en 5 grandes catégories : besoins
physiologiques, besoins de sécurité, d’appartenance, d’estime et besoin de s’accomplir.
Dans une société où les besoins physiologiques et de sécurité sont dans la grande majorité
des cas résolus, on pourrait suggérer que ce sont essentiellement les trois dernières
catégories qui prennent à présent le plus d ‘espace. Ainsi, en terme de communication, un
discours « business oriented », qui se limite à une information purement commerciale et
d’expertise aurait peu de chance de fonctionner en ce sens qu’il n’est plus percutant à lui
seul. Si la satisfaction des besoins primaires doit être préservée elle doit en effet être
complétée par des besoins plus abstraits mais pas moins importants. Appartenance,
estime et accomplissement qu’on peut assimiler au besoin social de quête de sens,
témoignent d’une demande en matière de storytelling.
37 D’ALMEIDA Nicole, « Les organisations entre récits et médias », Canadian Journal of Communication, 2004, vol.29 n°1.
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Figure 2: La pyramide des besoins de Maslow
C’est pourquoi, varier le discours, améliorer le style et ajuster le fond ne sont pas suffisants.
Pour tempérer la « froideur » des contenus corporate et conceptuels, le storytelling apparaît
comme une solution. Ce retour au qualitatif est donc une stratégie de différenciation à part
entière auprès des consommateurs friands d’histoires et d’inspiration pour vaincre la
« sécheresse du langage technocratique » selon l’expression de Jeanne Bordeau38.
c) Des facultés de séduction et d’émerveillement Depuis toujours, certaines marques ont su captiver leurs cibles en misant sur le storytelling.
Dans ce domaine, les grandes marques de luxe apparaissent comme des précurseurs. En
effet, et Sébastien Durand le souligne dans notre entretien39 « Les secteurs du luxe ont
toujours du vendre plus qu’un produit ». On peut ainsi citer Chanel qui a toujours su valoriser
l’histoire de sa fondatrice Coco Chanel ou les méthodes de production unique de la Maison
Louis Vuitton connue pour son savoir-‐faire. Comme l’a justement analysé Anny Claude
Lemeunier40 : « Au panthéon des grands storytellers, il y a la religion et juste après, le luxe. »
Dans l’univers du luxe on peut citer Christian Dior, qui avec son parfum « J’adore » a su
capitaliser sur son passé et a été l’un des parfums le plus vendu au monde. Dans un de leurs
38 Ibid 39 Entretien précité 40 CLAUDE LEMEUNIER, Anny, Luxe et Internet : la véritable histoire du storytelling, Strategies, publié le 17/11/2009
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films publicitaires, on suit l’actrice Charlize Theron défilant dans la Galerie des Glaces du
Château de Versailles et qui croise tour à tour les mythiques actrices Grace Kelly, Marylin
Monroe et Marlene Dietrich vêtues de modèles Christian Dior. Guillaume Pannaud,
président de TBWA/Paris dont l’agence a créé le spot publicitaire déclare41 « on revient sur
les racines de la marque, sa francité avec les grilles du château de Versailles, les dorures, la
galerie des Glaces... On croise l'univers du parfum et de la haute couture, et ce faisant, on
revisite les valeurs de Dior.» Pour Bertille Toledano42, vice-‐présidente de BBDO France, « On
assiste à un véritable mouvement narratif, correspondant à la nécessité qu'éprouvent les
grandes marques de luxe de renforcer leur légitimité ».
Parmi les autres marques mythiques qui ont su se différencier par leur histoire, on peut citer
la marque Coca Cola, cas d’école en la matière. Selon Benoit Heilbrunn, Coca Cola a «
inventé le storytelling il y a bien longtemps en déposant sa recette originale dans le coffre
d’une banque »43. Coca Cola jouit en effet, à l’instar de la marque Nutella, du statut de «
marque-‐doudou »44 selon l’expression de Sébastien Durand. Ce sont des marques auxquelles
les consommateurs sont si attachés que même les blind-‐tests indiquant une préférence
gustative pour Pepsi n’ont aucune répercussion sur les ventes de coca : les consommateurs
sont attachés au coca pour tout ce qu’il véhicule, bien au delà de critères rationnels.
De la même façon, la boisson énergisante RedBull s’est très tôt saisie du concept. Le
consommateur a été séduit par cette marque dont la promesse « redbull donne des ailes »
est gravée dans les esprits. Associé aux sensations fortes, au sport extrême et à la vitesse,
RedBull a su convaincre son public du potentiel de sa boisson. La marque a même créé son
propre sport ; en parlant de tout un univers qui ne correspond en rien au produit de base
RedBull. En 2013, l’expérience de Felix Baumgartner sautant depuis l’espace a été une
expérience clé dans le storytelling de la marque. Les spectateurs ont été immergés dans
l’histoire fascinante d’un homme dans l’espace. Non seulement l’expérience a été vécue en
direct mais elle bénéficiait également des échanges des internautes sur les réseaux sociaux
et notamment avec le #JumpLive hashtag. C’était un évènement hors du commun qui ne
41RICHEBOIS Veronique, « Les spots de luxe à l'heure du « storytelling », Les Echos, 26/03/2012 42Ibid 43 Métro France, interview de Benoit Heilbrunn, « Comment Coca-‐Cola a conquis le monde ? ». 44 DURAND Sébastien, Storytelling-‐ Réenchantez votre communication, Editions Dunod, 2011.
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pouvait que susciter des émotions fortes et qui correspondait parfaitement aux valeurs et
notamment à la baseline de la marque RedBull. Cette action a légitimé leur storytelling et a
permis à leurs parties prenantes d’imprimer tout le potentiel de la marque.
C. Un mode de communication paradoxalement ancien et approprié à l’homme
Discipline consacrée il y a peu de temps, le storytelling s’est aujourd’hui installé dans le
paysage des sciences sociales et de la communication. Comme expliqué précédemment,
notre quotidien est fourni de narrations portées par les médias les plus divers ; les livres, la
télé, le cinéma, les jeux vidéo et la publicité sont autant de vecteurs portant les histoires. En
effet, selon Bruner45, la narration est le « mode privilégié de création de sens des gens
ordinaires. » et c’est pourquoi ses formes d’expression se retrouvent très fréquemment.
Mais il s’agit surtout d’un mode de communication qui est inhérent à l’homme.
1. La narratologie : le récit élevé au niveau de science
Le storytelling appliqué à l’entreprise prend racine dans une discipline née dans les années
1910 en Russie, et développée à partir des années 1960 en Occident : la narratologie. Celle-‐
ci étudie les techniques et les structures narratives présentes dans les récits. Ainsi, le
storytelling appliqué à l’univers de l’entreprise repose sur le récit, mais nécessite d’avoir des
objectifs de communication, une analyse du contexte et des publics auxquels on s’adresse,
une stratégie, des outils d’évaluation. La fin des années 1970 voit s’opérer un changement
de perspective : la narratologie contemporaine s’intéresse au récepteur, à son rôle dans
l’interprétation du sens du récit. Le philosophe Paul Ricœur compte parmi les grandes
figures de la narratologie contemporaine. Il met en avant le fait que la narration apparaît
comme le moyen le plus simple de transmettre l’information. Ce constat s’applique de la
même façon dans les organisations.
Vers la fin des années 1980, une série d’articles scientifiques dans les revues de gestion et de
sociologie anglaise mettent à jour la portée communicationnelle du modèle narratif. C’est
ainsi que, redéfini il y a peu de temps par les entreprises américaines, le storytelling est
ensuite apparu en France.
45 BRUNER Jérome, L’éducation entrée dans la culture, Paris, 1996.
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D’après le scénariste Robert McKee « Les histoires sont la monnaie qui régit les relations
humaines»46. Ainsi, le storytelling « à la mode » est paradoxalement l’un des plus anciens
procédés de transmission de l’information. On peut en effet parler des légendes et des
contes d’enfance nous transmettant des valeurs, un état d’esprit, et notamment une
mémoire collective puissante. En effet, l’histoire est un moyen extrêmement facile de
mémoriser et de captiver une audience.
A partir de 1980, Fisher propose la narration comme paradigme de la communication
humaine. Ainsi il suggère que l’Homme n’est pas seulement un « homo sapiens » mais un
« homo narrans », la narration est inhérente à l’Homme. De plus, il s’agit d’un puissant
instrument de connaissance puisqu’elle permet de partager, de traiter et d’organiser les
données entre les hommes selon Brown et Duguid47. Turner va encore plus loin et proposant
que la narration soit le principe de base de l’esprit humain, considéré comme étant
« littéraire ». Tous ces auteurs placent donc la narration comme un élément central de la
pensée humaine. C’est ce que Randall 48 souligne avec l’expression d’« intelligence
narrative » qui signifie que la capacité à comprendre et produire des histoires serait inscrite
dans le cerveau humain. Par ailleurs, cette structure inhérente à l’homme semble favoriser
une communication bénéficiant d’une influence plus importante.
2. De la communication à l’influence
D’après le spécialiste américain Steve Denning, le monde de l’entreprise est un espace
favorable pour l’approche liée au storytelling. En effet, «Le Storytelling, c’est ce qui fait la
différence entre un leader et un manager. Le leader a une vision enthousiasmante qu’il est
capable de raconter et de communiquer. Alors que le manager, lui, ne fait que gérer le
quotidien»49. Mais le storytelling ne s’applique pas qu’au seul management, il concerne aussi
la conduite du changement, la relation client et la vente. Car autant les marques célèbres
46DANGEL Stéphane, « Enquête sur le storytelling », Paperblog, publié le 26/04/2009 47 BROWN John Seely, DUGUID Paul, The Social life of Information, Harvard Business School Press, 2000, p199 48 RANDALL, W. L. « Narrative intelligence and the novelty of our lives ». Journal of Aging Studies, v. 13, 1999
49 DENNING, Steve, The Leader's Guide to Storytelling, Jossey-‐Bass, 2005
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rivalisent de virtuosité pour raconter leur histoire aux consommateurs, autant les
collaborateurs et cadres de ces mêmes entreprises sont parfois démunis pour raconter à
leur tour une histoire. Ainsi le storytelling permet aussi dans une entreprise d’assurer un lien
de communication entre l’institutionnel et l’opérationnel et à ce titre opérer une influence.
En s’inspirant du récit de la marque ou de l’entreprise, il va s’agir de développer une histoire
plus spécifique et personnelle. En conclusion, le storytelling s’affirme comme un puissant
outil de communication applicable au monde de l’entreprise, et qui permet à l’émetteur de
se différencier et d’obtenir des résultats concrets. Il permet de convaincre en élaborant un
récit en lien direct avec son histoire et permet d’influencer la multiplicité des parties
prenantes.
En effet, selon le spécialiste des marques Georges Lewi, le « sentiment d’insécurité
mondialisée stimule notre recherche de vérité, de sens à la vie ainsi que notre soif de magie
et de mystère»50 . Or cette quête de sens à travers les récits a offert de nouvelles
perspectives de développement à la communication. La maîtrise des outils écrits comme
oraux constitue un enjeu majeur dans la relation des entreprises et des marques à leurs
parties prenantes. De plus, cette mise en récit permet aux parties prenantes de comprendre
le sens général du ou des messages, de mieux les retenir et de s’en faire les porte-‐parole vis-‐
à-‐vis de leur entourage. En effet, d’après Johan Petitjean51, le « récit serait au cœur même
de la pédagogie ». C’est une communication incarnée qui s’oppose à une communication
purement descriptive et rationnelle. C’est pourquoi on peut concevoir le storytelling comme
une méthode de communication réunissant une multitude de facettes et de possibilités qui,
conjuguées, participent à une démarche d’influence. « Certaines entreprises ont compris la
nécessité de parler avec émotion et justesse à leurs publics. Et s’appliquent à mettre en
pratique cette nouvelle relation au client »52.
Ainsi, ces définitions nous permettent d’affirmer que le storytelling reste d’actualité, qu’il
50 LEWI Georges cité par Nolwenn P. dans « Le storytelling ou l’art de la guerre par les mots » publié le 28 novembre 2008 sur le site Internet Verbe : www.verbe.fr. 51 PETIT JEAN Johann, « Raconte-‐moi une histoire. Enjeux et perspectives (critiques) du narrativisme », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 13 | 2007, mis en ligne le 22 janvier 2009, consulté le 10 octobre 2012. URL : http:// traces.revues.org/321 ; DOI : 10.4000/traces.321
52 BORDEAU Jeanne, Storytelling et Contenu de marque : La puissance du langage à l’ère du numérique, Edition Ellipses, 2012.
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s’agit d’une notion « bien dans son époque »53. Sa capacité à évoluer fait qu’il est utilisé par
une multitude d’entreprises dans les secteurs les plus différents. Il faut toutefois prendre en
considération que cette technique n’a jamais cessé d’exister puisqu’elle est de facto
inhérente à l’Homme. Par ailleurs, cette première partie a permis de rappeler que les
organisations sont des lieux de production de biens et de services, mais également des lieux
de production de récits à part entière. Ces récits, outre l’ambition de forger une « culture
d’entreprise », permettent de communiquer des messages clés, l’identité et la stratégie de
l’entreprise par le biais du storytelling. Cette mise en scène des vérités propres à l’entreprise
est ainsi un moyen de persuasion dans la « dream society »54 de Rolf Jansen : un modèle
sociétal gravitant autour des émotions plutôt que de l’information strictement technique.
Mais qu’en est-‐il concrètement de sa pratique dans les entreprises ? Les vecteurs
communicationnels et le brand content qui peuvent réciproquement diffuser le storytelling
et être enrichis par cette technique seront étudiés dans la deuxième partie.
53 CLODONG Olivier, CHETOCHINE Georges, Le Storytelling en action, 2009, Editions Eyrolles. 54 JANSEN Rolf, « The Dream Society: How the Coming Shift from Information to Imagination Will Transform Your Business », 2001
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II. UNE DIVERSITE D’APPLICATIONS, UNE APPROPRIATION PROGRESSIVE DANS LE
SECTEUR DU B TO B
Raconter une histoire se révèle un argument vital pour les organisations. En effet, le simple
discours marketing et informatif ne suffit plus à convaincre les cibles. Par conséquent, les
contenus directement produits par une marque à des fins publicitaires s’imprègnent de plus
en plus de cette technique. Nommés « brand content », il s’agit généralement des contenus
éditoriaux (conseils, articles pratiques, forums, reportages) proposés sur Internet, supports
papier ou en TV, mais qui peuvent aussi prendre la forme de nombreux autres contenus
(vidéos, jeux, expositions, livres, etc.). Selon la définition récurrente en marketing, cette
production a pour « ambition d’affirmer une image ou un positionnement, de démontrer
une expertise ou de créer un trafic ou une audience et donc une exposition publicitaire plus
ou moins directe pour la marque »55 .
S’il ne faut pas confondre cette notion avec celle de storytelling, il est indéniable que ces
deux piliers prépondérants de la communication interagissent, et viennent au soutien l’un
de l’autre. En effet, c’est l’opportunité pour le storytelling d’avoir de nouveaux vecteurs
d’applications et réciproquement d’enrichir ces supports par le storytelling. Par ailleurs, une
production régulière de brand content va permettre d’entretenir une relation long terme
avec ses cibles. L’usage de la communication narrative va permettre d’enrichir un brand
content dépourvu d’histoire pour se transformer en « brand storytelling ». Cette deuxième
partie met donc en exergue la multiplicité des supports de communication disponibles aux
entreprises, qui sont autant de possibilités d’appliquer et de diffuser le storytelling. Afin
d’exploiter au mieux ces derniers, nous cherchons à dresser un panorama -‐ non exhaustif -‐
des applications possibles du storytelling à travers des exemples recueillis chez SUEZ
ENVIRONNEMENT mais également auprès d’autres entreprises.
Par ailleurs, il s’agit ici de mettre en lumière l’usage progressif du storytelling dans les
entreprises B to B, désormais conscientes de cet atout pour continuer à exister dans un
marché mondialisé (A). En effet, le storytelling va être propice à l’instauration de
« collaborateurs ambassadeurs » et permettre d’unifier le discours de l’entreprise via la
communication interne (B). En externe, cette diversité d’applications a pour ambition de
55 Site internet : http://www.definitions-‐marketing.com/Definition-‐Brand-‐content
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 27
faire croître l’entreprise en termes de « visibilité, notoriété et légitimité » (C). Enfin d’autres
supports dépassent cette scission interne/externe et peuvent s’adresser à tous les publics
(D).
A. Un recours désormais étendu aux entreprises du B to B Les marques B to C possèdent un marketing très développé et ont su saisir les opportunités
créatives et relationnelles afin de donner du sens à leur consommation. En effet, ces
dernières sont habituées à une relation frontale avec le consommateur à l’inverse des
marques B to B. C’est pourquoi, le storytelling peut se révéler un véritable atout pour aider
ces entreprises à forger une identité, à soutenir leur stratégie et structurer leur organisation.
Pour les entreprises de services, l’opportunité du storytelling représente désormais un enjeu
de taille qu’il s’agit pour elles d’exploiter.
1. Des freins à l’utilisation du storytelling dans le B to B
Plusieurs freins à ce développement ou du moins ce retard dans les entreprises de services
ont pu être observés. Premièrement, le marketing et la communication B to B ont été
assimilé à « l’ensemble des relations commerciales entre les entreprises et
professionnels »56 ce qui a délibérément mis en avant les budgets commerciaux par rapport
aux budgets marketing. Comme explicité dans le Livre Blanc sur la marque B2B et le digital
« Avec des moyens bien plus limités qu’en B2C, la marque B2B n’a donc pas pu prendre le
même envol ». Elle a même été qualifiée de « parent pauvre du marketing », au sens où les
entreprises B to B ont déployé moins de financements pour leur communication.
La directrice Marketing et Communication de Siemens building Technologies, Catherine
Thomas Etienne explique très bien ce phénomène : «Alors que la fonction marketing-‐
communication est depuis longtemps un levier indispensable et très normé dans la grande
consommation, ce n’est pas le cas, loin de là, en B2B. La communication est parfois
considérée comme un centre de coût, le marketing (hors produits) est quasi inexistant et la
fonction encore trop peu professionnelle. A l’heure où les schémas économiques classiques
sont remis en causes, les marques B2B doivent impérativement développer des outils
56 Définition Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Marketing_B2B
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 28
performants et créatifs, adaptés et mesurables».57
Par ailleurs, on pourrait également souligner que le secteur des services et des marques B to
B est souvent étroitement lié à l’industrie. Or, on peut suggérer que la culture d’ingénieurs,
présente dans ce type de structures, a pu privilégier la production ou la R&D au détriment
de la communication. Outre cette perspective, la communication B to B a surtout pris
l’habitude de s’accommoder d’un point de vue purement technique ou expert. Le discours
s’inscrit dans un dialogue entre professionnels qui pouvait se réduire à des argumentaires
froids. Même si ce point de vue tend à s’atténuer, cette image reste vérifiable chez une
grande partie de ces entreprises, tout comme SUEZ ENVIRONNEMENT dont l’angle de
communication semble parfois encore trop exclusivement axé sur les techniques et
l’expertise des métiers.
Ce retard dans l’appropriation du storytelling peut aussi s’expliquer par la nature de ces
entreprises qui n’ont pas directement affaire au client ou usager final de ces services. Ce
dernier n’était pas auparavant envisagé comme un ayant un rôle impactant dans les
processus de décisions et de sélections de ces entreprises. Ce regard a progressivement
changé, et a enclenché une prise de conscience de leur part relative à la nécessité
d’introduire de l’émotion dans leur communication.
2. La reconnaissance de la dimension émotionnelle dans le B to B
C’est Jean-‐Noël Kapferer qui met en avant la «dimension émotionnelle» de la marque.
Presque innée pour les marques B to C, elle semble avoir été mise de côté pendant
longtemps dans le cadre des marques B to B. Il introduit l’aspect tangible et l’aspect
intangible qui constituent une marque. «Aujourd’hui, chacun reconnaît que la marque doit
être une proposition de valeur remarquable appuyée sur du tangible et de l’intangible. [...]
Quand l’intangible fait défaut, ce n’est plus une marque au sens strict, mais le nom d’un
produit. La dimension émotionnelle et symbolique permet de distinguer le produit de la
marque»58. Ainsi, l’univers de marque et l’identité qui contribuent au rayonnement de
l’entreprise seront avantageusement rehaussés avec le storytellling. En effet, comme
57 THOMAS ETIENNE Catherine, Directrice Marketing et Communication de Siemens building Technologies, responsable des Rencontres B2B du Club des Annonceurs (dans la tribune « Injecter de la créativité dans les marques B2B ») 58 KAPFERER Jean-‐Noel, Réinventer les marques, 2013
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 29
explicité dans le Livre Blanc sur la marque B2B & le digital, une entreprise dont la marque
fonctionne doit posséder une offre, une dimension relationnelle ainsi qu’une dimension
symbolique (voir Annexe 1 : Les trois composantes nécessaires du statut de marque). Cette
dimension symbolique peut facilement être mise en valeur par le storytelling.
Ces éléments nous permettent ainsi d’affirmer que pour gagner en efficacité, l’entreprise B
to B doit elle aussi appréhender les démarches propres au storytelling. Il peut, dans une
certaine mesure, être le point de départ de meilleures relations avec ces cibles. En effet,
derrière chaque professionnel se cache une facette de consommateur à la recherche
d’histoire et de sens. De plus, dans un contexte de concurrence internationale, les
entreprises doivent soigner leur communication et l’emprise émotionnelle sur les cibles,
professionnelles ou non, n’est pas à nier. Sébastien Durand59, explique à propos des
entreprises de service la nécessité de « prendre en compte toutes les parties prenantes : on
ne s’adresse pas juste à notre cible directe mais à des gens qui peuvent exercer une influence
sur ceux qui vont acheter les produits : c’est le storytelling des parties prenantes ». Il cite à ce
propose l’entreprise de Bâtiments et Travaux Publics, Bouygues : « Si on prend une
entreprise de BTP comme Bouygues, à la base, il n’ y a pas besoin de passer à la télévision.
Mais pour que le maire s’engage auprès de Bouygues, il faut que les administrés l’acceptent
sans problème ». C’est pourquoi les entreprises de services doivent également entretenir
une visibilité auprès de ces cibles indirectes. A ce titre, le storytelling devient un élément
stratégique de leur communication.
Jean Noel Kapferer expose qu’«En Russie, où la qualité a fait défaut pendant cinquante ans,
l’attrait de Michelin chez les grands transporteurs camionneurs tient à la qualité industrielle
exceptionnelle que la marque promet enfin à tous, mais aussi au sentiment de se hisser
enfin dans le club très exclusifs des grands transporteurs qui roulent en Michelin.
Cette marque va au-‐delà de la garantie : elle est un badge»60. Si l’on reprend l’exemple de la
pyramide des besoins de Maslow précité dans la première partie, le besoin physiologique ou
primaire de sécurité est assouvi mais d’autres besoins, assimilés à la fierté et à
l’appartenance ont participé à cet attrait des grands transporteurs. Cet élément non
rationnel a pu être apporté en partie par le storytelling. 59 Entretien précité 60 Ibid
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 30
Par ailleurs, dans la longue chaîne d’intervenants du processus d’achat, procédé courant
dans les entreprises de service, l’entreprise doit séduire des publics différents, réagissant à
des besoins variés et non stéréotypés. «Le fait que la personnalité des membres du centre
d’achat intervienne également dans la décision finale permet d’imaginer l’utilité des
arguments non rationnels en complément des argumentations fondées sur des critères
cartésiens comme le prix, les délais de livraison et les coûts de mise en œuvre»61. Encore
une fois, le storytelling va permettre d’apporter un supplément d’âme à cette
communication jugée trop rigide, aux niveaux interne ou externe.
B. Contribuer à fédérer les collaborateurs autour d’une histoire commune
Traditionnellement, la mise en œuvre d’une action de communication telle que le
storytelling s’attache d’abord à convaincre les publics internes. C’est pourquoi nous
débutons cette analyse par les supports interne pouvant véhiculer le storytelling. Il s’agit de
démontrer comment ces supports peuvent indéniablement contribuer à propager « la bonne
parole », à informer, intégrer et encore fédérer l’ensemble des collaborateurs dans une
stratégie de communication. Bien qu’il existe une multitude d’autres supports spécifiques à
l’interne, comme les vidéos d’entreprise par exemple, ne seront uniquement étudiés que
l’intranet, premier outil connu des collaborateurs, puis la presse interne, dans un souci de
priorisation.
1. L’Intranet
Techniquement, l’intranet est une cible privilégiée pour diffuser son storytelling. En effet, il
s’adresse précisément à l’ensemble des collaborateurs. Une étude relative au type
d’informations publiées sur l’intranet menée en 201162 dans le diagramme ci-‐dessous révèle
qu’il s’agit presque systématiquement d’actualités de l’entreprise (85%), d’informations sur
ses procédures (plus de 80 %) et ses pratiques (80%), ses informations institutionnelles
(70%), projets (65%) ou encore métiers. Il s’agit donc d’informations basiques mais
primordiales pour le quotidien des collaborateurs, qu’ils sont amenés à consulter
fréquemment.
61 MALAVAL Philippe, BERANOYA Christophe, Marques B to B 62 Observatoire international de l’intranet : étude menée au cours du premier trimestre 2011 auprès de 373 organisations (dont 25 du CAC 40). Les organisations ciblées sont majoritairement dans le secteur tertiaire, mais des industriels et des administrations ont également participé.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 31
Figure 3 Diagramme des informations présentes sur un intranet
Toutefois, bien que consulté jusqu’à plusieurs fois par jours par les salariés, l’intranet
manque souvent d’ergonomie et d’interactivité. C’est pourtant un outil qui revêt des
opportunités supplémentaires de mémorisation des messages clés et des valeurs d’un
groupe du fait de sa consultation fréquente.
L’exemple d’IBM qui fêtait ses 90 ans en 2004 semble répondre parfaitement à notre
première hypothèse relative à l’implication des salariés. En effet, l’intranet a été le support
efficace de la diffusion du storytelling du groupe. Chaque mois, quatre à cinq témoignages
de salariés, actuels ou anciens étaient diffusés sur l’intranet d’IBM France. Evelyne Gibert,
responsable de la communication interne déclarait à ce sujet que « Chacun revenait sur sa
vie chez IBM. Une retraitée nantaise nous a même raconté comment elle a dû cacher en
vitesse des documents stratégiques pendant la seconde guerre mondiale. Un excellent
moyen de plonger les nouveaux embauchés dans la culture d’entreprise»63. Deux rubriques
intranet sont par ailleurs exclusivement consacrées au storytelling d’IBM : l’une relate les
succès du groupe, l’autre mise sur le parcours exemplaire d’un salarié au sein du groupe.
Cette illustration montre à quel point les salariés peuvent s’investir lorsque leur entreprise
leur permet de se raconter en héro et de développer un affect. Les rubriques de l’intranet
permettent ainsi de personnaliser ce vecteur de communication interne tout en
contextualisant les histoires du groupe. Des équipes locales du groupe sont par ailleurs
consacrées à la collecte des histoires et des succès rencontrés sur le terrain.
63 SALMON Christian, « Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits », 2001
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 32
Btwin, l’intranet du groupe SUEZ ENVIRONNEMENT, s’est lui aussi attelé à la diffusion du
storytelling du groupe. Une rubrique met en avant, au rythme d’une histoire par semaine,
les différents dossiers de presse storytelling dont nous parlerons dans la dernière partie. Le
constat est cependant catégorique : sur un groupe de 80 000 collaborateurs, il y a environ
150 vues par semaine. La mise en avant de ces histoires, ou du moins dans ce format n’a pas
suscité l’intérêt espéré. Il faut donc trouver des moyens pour stimuler l’activité et la
navigation sur l’intranet car c’est un outil qui comme nous l’avons vu, touche une audience
large et de façon récurrente.
2. La presse interne
Interface entre l'extérieur et l'intérieur de l'entreprise, entre la direction et les salariés d'une
entreprise, la presse interne a une visée essentiellement pédagogique. Elle encourage
l'apprentissage de métiers, de contextes, de marchés, de stratégies, d'objectifs et de
résultats. Le but du magazine interne reste toujours le même : informer les salariés sur les
actualités du groupe ou encore du secteur pour les inclure dans un projet commun. Pour
Lardellier64, il s’agit d’un « Outil de motivation du personnel l'incitant à participer à la vie de
l'entreprise, il encourage les contacts, les liens entre les sites délocalisés. Porte-‐parole de la
culture propre à l'entreprise, le journal interne se montre divertissant tout en sensibilisant le
personnel aux grands problèmes de l'entreprise par l'explication des orientations à venir »65.
Présent dans la grande majorité des entreprises, il peut sensiblement différer en raison de
l’angle sous lequel l’information est traitée ou en raison du format choisi, contenu digital et
interactif ou version papier. Il s’agit donc d’un support hautement stratégique qui peut par
bien des manières diffuser efficacement le storytelling du groupe et structurer son identité.
Mais il tend surtout à regrouper les informations susceptibles de susciter l'intérêt des
acteurs de l'entreprise. A ce titre, à lignée éditoriale et la structure narrative du journal, par
exemple, auront un impact décisif sur « l’esprit d’entreprise »66 qui est véhiculé. On pourra
vérifier ces hypothèses sur les apports réalisés par Louis Vuitton sur son journal interne ainsi
que sur la base du magazine interne de SUEZ ENVIRONNEMENT. 64 LARDELLIER Pascal, Le journal d'entreprise. Les ficelles du métier, Editions d’organisations, 1998 65 GHERARDI Lorrys et PARRINI-‐ALEMANO Sylvie, « Communication enchantée de l'idéologie managériale : storytelling et journal d'entreprise », http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00854335 66 MARTI Marc et PELISSIER Nicolas, Le storytelling: Succès des histoires, histoire d'un succès, p.156
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 33
Jusqu’à récemment, Louis Vuitton diffusait de manière classique une newsletter, ou
magazine interne à l’ensemble des salariés sous un format papier, qui reste non disponible à
l’externe. L’objectif était le suivant : promouvoir la marque à l’intérieur même de la société
en mettant en avant les savoir-‐faire et succès de la marque Louis Vuitton. Relai des valeurs
clés de Louis Vuitton, à savoir l’excellence, l’innovation ou encore le voyage, La Lettre
version papier au format traditionnel semblait toutefois être en décalage avec l’accent
créatif revendiqué à l’externe. Ainsi, il a été décidé une déclinaison numérique de La Lettre,
enrichie en contenus multimédia. L’arrivée de la tablette numérique a en effet impacté la
façon dont les salariés consomment l’information. Jérôme Guillement, chef de projet en
charge de l’Innovation Mobile et Publishing au sein de la DSI de Louis Vuitton déclare que «
Louis Vuitton a vu, avec l’arrivée de l’iPad sur le marché, une opportunité stratégique pour
poursuivre sa politique d’innovation en matière de publication numérique ». Il ajoute que «
L’idée de transformer cette lettre papier en une édition numérique a toujours été à l’ordre
du jour, à la fois pour des raisons économiques et également d’accroissement de la diffusion
».67 En choisissant un format digital et plus interactif, le magazine interne de Louis Vuitton a
contribué à diffuser auprès des salariés l’image d’une entreprise qui se soucie de vivre avec
son temps et d’être à la pointe en matière d’innovation.
L’organisation des rubriques d’un magazine interne, de la même façon, peut largement
contribuer à « l’édification du récit »68. Ainsi dans SUEZ ENVIRONNEMENT Magazine69, on
peut retrouver dans la rubrique « initiatives solidaires » un article faisant état du partenariat
avec les banques alimentaires ou encore sur « la Maison pour Rebondir »70. Ce découpage
des rubriques avec notamment une rubrique spécifiquement attribuée aux initiatives
solidaires est un moyen de véhiculer la facette développement durable du groupe. La
fréquence de certaines thématiques est également révélatrice de l’identité que cherche à se
donner l’entreprise. Ainsi la rubrique TALENTS est mentionnée à 3 reprises, celle
INNOVATION 4 fois. Ce support transmet clairement les messages suivants : l’innovation est
au cœur des préoccupations du groupe, les collaborateurs sont indispensables au succès du
groupe et les potentiels ou « talents » se distinguent dans toutes les activités. Cette prise en
67 http://www.quark.com/pdfs/03621cs_louisvuitton_fr_web.p 68 Nicole d’Almeida dans LARDELLIER Pascal, Le journal d'entreprise. Les ficelles du métier, Editions d’organisations, 1998 69 SUEZ ENVIRONNEMENT Magazine, N°10, Juin 2014 70 Structure d’accompagnement crée par SUEZ ENVIRONNEMENT pour favoriser l’insertion professionnelle, l’accès à l’emploi et la création d’activité des personnes en difficulté.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 34
compte est indispensable car les collaborateurs, en étant valorisés, peuvent devenir de
véritables ambassadeurs de l’entreprise. Si on prend en considération que ces derniers ne
constituent pas un public homogène, le storytelling ne sera efficace que dans la mesure où il
permet de valoriser l’ensemble des collaborateurs peu importe leur hiérarchie. En effet, il ne
faut pas omettre que tous les salariés de la structure sont des lecteurs potentiels et que le
storytelling doit s’adapter à la cible.
Par ailleurs, il est intéressant de relever que ce magazine interne est disponible sur le site
institutionnel du groupe. On peut analyser cette stratégie de diffusion à l’externe comme
intégrant une logique de transparence afin de rendre visible les problématiques internes du
groupe. Il pourrait s’agir tout simplement d’une logique d’accessibilité aux collaborateurs ou
autres publics. Mais comme le souligne Céline Hervé Bazin71, il peut s’agir d’une « solution à
double tranchant en ce qu’elle ne permet pas de cultiver les dialogues internes ».En effet, on
peut supposer qu’il s’agirait d’un magazine conçu dès l’origine comme quelque chose de non
confidentiel et qui reste par conséquent très institutionnel et moins proche des
collaborateurs. Par conséquent, la portée du storytelling en interne peut sensiblement être
amoindrie.
Si l’on s’en remet à notre première hypothèse, à savoir fédérer les collaborateurs d’une
entreprise grâce au storytelling, on peut toutefois clairement affirmer que le magazine
interne et l’intranet donnent aux salariés la possibilité de développer un affect, de la fierté,
et intérêt vis-‐à-‐vis de l’entreprise. En faisant de chaque filiale, et de chaque collaborateur, à
tour de rôle des héros de l’entreprise, aux yeux de tous, le storytelling s’affiche comme un
outil indispensable de la stratégie des organisations, autant dans le B to C que le B to B. Ses
apports via les outils cités méritent toutefois d’être nuancés : le magazine interne reste un
support qui n’est pas lu systématiquement. On peut se poser la question de savoir si ce sont
les collaborateurs qui ne souhaitent pas être informés ou si c’est l’information qui leur est
adressée en interne qui manque de pertinence. De plus, l’intranet est un support
généralement mal utilisé.
71 Docteure en Sciences de l’Information et de la Communication spécialisée sur l’eau, HERVE BAZIN, Céline, Paris, entretien du 23 Septembre 2014.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 35
En externe, l’application du storytelling doit être à son tour décryptée.
C. Appuyer le triptyque « légitimité, notoriété et visibilité » en externe Conformément à notre deuxième hypothèse, l’étude des supports qui suit, appuyée par le
storytelling a pour objectif de valoriser l’entreprise et d’appuyer sa légitimité. Les
publications externes et autres brand content viennent contribuer à la stratégie de
communication externe, appuyer la notoriété du groupe et asseoir certaines compétences.
1. Les publications externes : magazines, blogs ou encore native advertising assurant
la légitimité de l’entreprise
a) Magazines et blogs
Logiquement, les récits économiques sont plus habilement véhiculés dans des médias
spécifiques créés par et pour les entreprises. Et ces dernières produisent un nombre
croissant de supports ayant pour ambition de les présenter, selon leur point de vue grâce au
brand content. Maitrisant les propos, les magazines externes permettent aussi d'initier des
récits d’entreprise auprès des publics extérieurs comme les actionnaires, les leaders
politiques ou encore le grand public qui vont gagner en attractivité grâce au storytelling.
Selon Nicole d’Almeida, l'objectif du magazine externe est de « façonner le contenu des
récits et leur contenant, d'enchâsser les récits dans des supports adaptés, maîtrisés et
sûrs »72.
Danone a, par exemple, lancé son magazine Danoé en 1993, intitulé« magazine des marques
du groupe Danone ». Ce semestriel de 28 pages s’apparentait aux magazines féminins.
L'enjeu était de déclencher une relation avec le consommateur dans un partage de valeurs
communes. En 2012, Danone s’est tourné vers une publication digitale « Bien au quotidien »
qui propose des articles et des vidéos dans le but d'approfondir davantage la relation entre
la marque et les consommateurs (Annexe 2 : Image du blog « Bien au quotidien de Danone).
«Ce nouveau titre électronique nous aidera à améliorer notre relation déjà excellente avec
nos consommateurs » 73 , explique Éric Milette, gestionnaire de communauté de
Danone. « Avec près de 100 000 fans sur notre page Facebook, nous voulions offrir une
72 D’ALMEIDA Nicole, « Les organisations entre récits et médias », Canadian Journal of Communication, 2004, vol.29 n°1. 73 MILETTE Eric, Danone dévoile son nouveau magazine en ligne, Infopresse, publié le 18/06/2012: http://www.infopresse.com/archive/article/40149
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 36
plateforme encore plus dynamique et conviviale afin de dialoguer davantage avec eux»74. En
offrant aux consommateurs, des conseils pour vivre mieux et des astuces, ce magazine peut
contribuer à diffuser le storytelling de Danone comme une entreprise proche des
consommateurs, qui veillent à leur santé et leur équilibre tout en apprenant à se faire plaisir.
On peut y trouver des recettes de cuisine, « à la découverte de la noix de coco »,
« comment mieux digérer ?» : indirectement, tous ces aspects participent à forger l’image
et l’identité de Danone dans les esprits. En effet, tous ces conseils s’intègrent à une vie de
famille et au quotidien. Ils peuvent par ailleurs implicitement servir à l’achat des produits de
Danone. Toutefois, la dimension purement storytelling semble être absente, on ne présente
ni héro ni quête dans ce support qui n’est autre que du brand content.
On peut également parler de l’eMag de SUEZ ENVIRONNEMENT, véritable mine d’or en
termes d’informations sur les problématiques de l’eau, des déchets et de l’environnement.
Cette publication regroupe des vidéos, des infographies et nombreuses informations
expliquant les métiers et activités de SUEZ ENVIRONNEMENT. Il se présente explicitement
comme référence et surtout comme « le magazine pédagogique qui éclaire sur les enjeux et
les métiers de l’environnement ». On peut retrouver à la une, en haut à gauche, des intitulés
qui reprennent les enjeux capitaux pour le groupe, à savoir : l’économie circulaire et la
protection des zones littorales par exemple (Annexe 3 : L’eMag, le magazine externe de
SUEZ ENVIRONNEMENT). Contrairement à ceux de Danone, les articles mettent en avant la
mission du groupe à savoir protéger les ressources pour en tirer le meilleur au service des
hommes. L’exercice de storytelling est donc ici bien respecté et rend compte de son rôle
indispensable dans une entreprise de services qui se doit de mettre en avant ses métiers.
De même, à travers le blog « Living circular » (Annexe 4 : Living Circular et la galerie des
Héros, le blog de Veolia) qui publie de nombreux contenus sur les enjeux de l’économie
circulaire et de l’environnement, Veolia fait explicitement appel au storytelling. Il inclue le
lecteur en proposant « échangeons autour de ». Par ailleurs il se présente comme un « lieu
d’inspiration et d’échanges autour de l’économie circulaire et des nouveaux modèles de
croissance ». La rubrique intitulée HEROS est assez emblématique et représentative du
storytelling. Veolia met en avant, à travers son blog, des figures qui défendent les mêmes
74Ibid
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 37
enjeux et les mêmes causes que l’entreprise. Cela lui permet de rayonner efficacement et de
diffuser ses messages via la parade de ces héros investis dans une quête commune et qui
sont des sources d’inspiration pour le lecteur.
On peut donc déduire que la presse externe est un lieu de prédilection pour l’entreprise qui
souhaite exposer une vision améliorée d’elle-‐même tout en parlant des thématiques qui
structurent son activité. En effet, dans ces supports, les entreprises ont toute liberté dans
leur prise de parole et on peut aisément dire qu’il s’agit d’un vecteur indispensable à la
diffusion des récits. Il ne s’agit pas pour autant d’une « presse déguisée »75. Les marques ne
dissimulent en aucun cas leur contribution ; qu’il s’agisse du Blog de Danone, de l’eMag de
SUEZ ENVIRONNEMENT ou encore du blog LivingCircular « Powered by Veolia », les marques
sont explicitement signalées. Dans la même lignée, le native advertising semble remplir des
objectifs similaires.
b) Le Native advertising Le native advertising est un nouveau type de brand content qui permet aux annonceurs de
faire leur publicité sous la forme d’un contenu rédactionnel au sein même d’autres articles
sur un site internet tiers. Pour la marque, il s’agit de mettre en avant son expertise tout en
étant une alternative à la publicité jugée trop intrusive. On peut également y voir un type de
communication différent pour les annonceurs, permettant d’engager le dialogue avec
l’internaute et de lui faire profiter d’une expertise sur leur sujet de prédilection sans appel
direct à la consommation. La marque n’adopte plus un discours purement commercial mais
informatif.
L’exposition continue des internautes à la publicité contribue au succès du native
advertising. Ainsi SUEZ ENVIRONNEMENT, au travers des partenariats avec Le Monde, Le
Huffington Post ou encore 20 minutes, est un adepte du native adversiting. Des articles de
l’eMag sont ainsi mis en avant dans ces publications renommées, ce qui est une façon de
mettre en avant le storytelling du groupe. Toutefois, il faut souligner que le flou
entretenu sur la nature publicitaire du contenu -‐ la publicité étant intégrée au sein de
contenus rédactionnels-‐ peut parfois s’avérer difficile à déceler pour les non connaisseurs à
75 D’ALMEIDA Nicole, « Les organisations entre récits et médias », Canadian Journal of Communication, 2004, vol.29 n°1.
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l’inverse de la presse externe. De fait, ce modèle pourrait potentiellement remettre en
question la légitimité du Native Advertising et le classer comme un vulgaire outil de
propagande de l’entreprise. De plus, si le storytelling peut être habilement véhiculé, il reste
que les partenariats choisis par SUEZ ENVIRONNEMENT se contentent de cibler des publics à
priori déjà sensibilisés aux problématiques du groupe. En effet, les lecteurs du Monde sont
pour l’essentiel des cadres décideurs, des hommes politiques. On reste sur un public
« acquis à la cause » selon Céline Hervé Bazin76. S’il s’agit bien évidemment de cibles à
préserver, ces dernières ont déjà connaissance des métiers du groupe. La question se pose
de savoir ce qui est fait pour véhiculer le storytelling auprès des autres cibles ? A savoir les
cibles « rebelles » , les cibles locales qui sont moins acquises à la cause et au storytelling
diffusé via ce native advertising.
A travers ces contenus, notre deuxième hypothèse est validée : par le biais du storytelling,
l’entreprise voit sa notoriété et sa visibilité développées de manière incontestable. Il faut
toutefois garder à l’esprit que certaines cibles – moins touchées par ces types de contenus-‐
devraient être appréhendées autrement. En effet, cette visibilité semble s’accroître auprès
de cibles déjà acquises et le storytelling porté à l’externe via ces supports a une portée qui
reste limitée. Un autre risque est celui de tomber dans l’écueil du brand content pur et de ne
pas savoir ni laisser la place aux internautes, ni y insuffler de l’émotion. Une incarnation du
storytelling de l’entreprise peut encore revêtir d’autres formes à travers son dirigeant.
2. Les récits de dirigeants et légendes patronales77 : des mythologies contemporaines
La réputation des entreprises est directement liée à celle de ses dirigeants. Il n’est donc pas
surprenant d’observer, et ce depuis plusieurs années, la production de biographies et
autobiographies ou simplement de récits rédigés par les dirigeants. Selon Nicole d’Almeida,
« Les récits de l’entreprendre sont devenus un véritable genre éditorial, lieu de publications
nombreuses, diffusées à grande échelle »78. En effet, soumis à une intense médiatisation,
les dirigeants sont continuellement décryptés et leur parole traditionnellement réservée aux
76 Entretien précité 77D’ALMEIDA Nicole, « Des comptes aux contes », Media et Information, n°29, 2008. 78 Ibid
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conseils d’administration est devenue publique. Ces supports sont donc l’opportunité pour
les dirigeants d’utiliser le storytelling pour valoriser leur personnage et leur entreprise à la
fois. Dans les entreprises de services, ce procédé est d’autant plus important puisqu’il
permet au grand public de découvrir les facettes d’entreprises qui communiquaient peu
jusqu’à récemment.
En effet, la rédaction de biographies ou de récits directement liés aux carrières
professionnelles suppose l’idée selon laquelle l’entrepreneur a aussi trouvé un sens à sa vie
dans l’activité professionnelle. On peut les qualifier de nouvelles mythologies
contemporaines dans une société en manque de mythes. « Anne Lauvergeon, patronne
d’Areva, ne revisite-‐ t’elle pas le mythe Jeanne d’Arc, seule dans un monde d’hommes ?79 »
interroge Sébastien Durand. Le héro va revêtir l’apparence du fondateur à travers le constat
d’une vie professionnelle accomplie. Ainsi, le livre de Jean-‐Louis Chaussade intitulé « le
XXIème siècle, le siècle de l’eau ? » offre la vision du dirigeant sur les enjeux de l’eau,
calquée sur celle de l’entreprise.
On peut observer la parole du dirigeant dans tous les supports de la communication
corporate comme le rapport annuel que nous étudierons par la suite, ou des brochures
destinées à présenter l’entreprise. On peut encore citer les interviews télévisées mais il nous
semble que c’est dans ce « livre imprimé où l’acteur-‐auteur façonne sa légende » que le
storytelling peut être le mieux scénarisé. En effet, l’autobiographie tend à compiler les
jugements, à initier un point de vue et une mise en scène de soi mieux maîtrisée que dans
les interviews. Elle permet ainsi de contrer et rectifier les récits existants et produits par
d’autres en d’autres lieux. Elle construit une légende inséparable du lieu de l’action,
l’entreprise dont l’auteur est l’acteur dominant. En croisant le discours institutionnel de
l’organisation, le discours patronal se nourrir et s’enrichit réciproquement.
L’adéquation entre l’homme et l’organisation est poussée à son extrême quand l’entreprise
porte le nom de son dirigeant ce qui suppose une responsabilité supplémentaire, un devoir
d’engagement que M.-‐É.Leclerc évoque longuement dans sa biographie. Ces récits de vie et
d’apprentissage sont autant d’exemple de l’exemplarité du dirigeant : ils permettent de 79 DURAND Sébastien, Storytelling, Réenchantez votre communication.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 40
conforter son expérience. A travers le récit de sa vie, les valeurs de l’organisation sont
incarnées. Le dirigeant expose ainsi sa vision du monde qui permet d’accéder à la réussite.
Plus précisément, selon Nicole d’Almeida, il propose un exemplum, forme moderne et
contemporaine de ces exempla romains ou médiévaux qui présentaient l’action des
«grands» (généralement des guerriers ou des saints) et en proposaient l’imitation. « Les
autobiographies patronales sont donc un espace littéraire intéressant où se jouent la
création et le façonnage de valeurs ». On peut donc affirmer que le récit autobiographique
est un espace privilégié de diffusion du storytelling. Il est par nature un contributeur du
storytelling dans lequel les valeurs personnelles du dirigeant et les valeurs professionnelles
s’entremêlent pour créer les valeurs de l’organisation.
Les publications institutionnelles et légales doivent de la même manière dépasser une image
purement corporate afin de gagner en attrait pour les différents publics.
3. Publications institutionnelles, du contenu froid au support du storytelling
Impliquées dans un processus de médiatisation, les entreprises visent à « assurer leur
présence et leur réputation dans un certain nombre de médias créés par elles ou existant en
dehors d'elles »80. Selon Nicole d’Almeida, ce « principe de publicité » les a entrainées à se
présenter en construisant des récits en réponse à un vaste nombre de préoccupations. Si
cette production d'informations répond au souci de respecter un cadre légal, elle excède
largement ce cadre et propose un véritable récit du monde dans lequel « les acteurs
économiques orchestrent et transforment le système médiatique en y instillant leurs valeurs
et en érigeant leur activité au rang de mission dans le monde »81.
Relevant d’obligations légales appliquées aux entreprises, le RADD et le RA sont jugés trop
technique, trop institutionnel ou encore trop formel par les parties prenantes. Ce paradoxe
démontre que la communication corporate n’est peut-‐être pas à la hauteur. Peu
d’entreprises savent raconter des histoires emportant l’adhésion et suscitant l’émotion. En
effet, seulement 37% des Français croient au discours institutionnel des entreprises82. Même
80 D’ALMEIDA Nicole, « Les organisations entre récits et médias », Canadian Journal of Communication, 2004, vol.29 n°1. 81 Ibid 82 Etude « Mensonges et vérités : les entreprises face aux Français » Makheia Group, octobre 2011
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 41
constat en interne avec la confiance qu’ont les salariés en leur propre société : moins d’une
personne sur deux croit en son discours institutionnel. Néanmoins certaines entreprises
utilisent habilement ces contenus via le storytelling. Ils peuvent donner l’illusion de
« divertir » la cible en informant des progrès et de la conformité d’une activité tout en
suscitant l’émotion.
a) Analyse du rapport de développement durable imprégné de storytelling: l’entreprise racontée en héros
Le RADD permet de construire un monde dont l’entreprise est le héros. En effet, pour
Jacques Igalens83, l’entreprise se réfère à des normes qu’elle choisit, ou qu’elle crée, lui
permettant de mettre en lumière le sens de sa mission. Plus précisément « elle justifie son
existence en la faisant apparaître comme naturelle en fonction non d’impératifs marchands,
mais par rapport à de grandes causes, de grands défis écologiques, humanitaires voire
humanistes ».
Le RADD constitue donc un genre à part dans la catégorie des écrits d’entreprise. Ni «récits
de la maisonnée», ni «récits de l’engagement»84 mais plutôt récits de la légitimation. C’est
pourquoi il est par nature un projet ambitieux car il doit captiver les différentes couches de
la société : les actionnaires, les clients, les salariés, ou encore des militants comme des
défenseurs de l’écologie, des intellectuels des journalistes. Les actionnaires manifestent de
plus en plus un grand intérêt pour ce rapport : utiliser le storytelling est donc un moyen
habile de communiquer à un public grandissant tout en le persuadant par un juste dosage
d’émotions, d’éthique et d’esthétique. Comme le proclame Shell85, le RADD se réfère tout
autant à des valeurs qu’à des faits ; la force du storytelling réside dans son pouvoir de
transmission sans en avoir l’air.
Prenant à leur charge des défis mondiaux, les entreprises s’investissent de missions : «
Lafarge pense que toutes les mesures doivent être prises pour maintenir l’augmentation de
la température moyenne globale à moins de deux degrés Celsius ; dans ce cadre, nous
cherchons actuellement de nouveaux leviers de réduction au travers de programmes de
83IGALENS Jacques, L’analyse du discours de la responsabilité sociale de l’entreprise, IAE de Toulouse, Novembre 2006 84 Ibid 85 Ibid
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 42
recherche »86. En 2001, constatant que les efforts de développement de réseaux d’eau
potable ne suivaient pas la croissance démographique, SUEZ ENVIRONNEMENT lance « un
appel à la communauté internationale pour relever l’immense défi sanitaire et social »87. Les
entreprises semblent donc avoir dépassé le stade de la simple prise de conscience. Pour
impliquer leurs parties prenantes à leur stratégie RSE, elles ne se contentent pas de lister
des engagements et s’orientent vers le partage de contenus sur des supports variés et
multimédia.
Sur la forme, les entreprises optent fréquemment pour l’interview. L’effet désiré est celui
d’une plus grande spontanéité à travers un jeu de questions-‐réponses ce qui permet de se
raconter de façon plus vivante. On peut citer Danone, Pernod Ricard ou encore TOTAL. Chez
SUEZ ENVIRONNEMENT, le PDG, Jean-‐Louis Chaussade ainsi que la Directrice de la
Communication et du Développement Durable, Frédérique Raoult échangent, donnant
l’illusion de ne pas être entièrement libre de leurs propos (Annexe 5 : Interview croisée entre
le PDG et la directrice de la communication dans le RADD 2011).
Pour renforcer la crédibilité du rapport, le RADD s’appuie sur des témoignages qui font
appel aux sentiments du lecteur. L’entreprise va revendiquer « sa part des grandes misères
du monde et, ainsi, de donner d’elle-‐même une image compatissante et responsable, c’est le
« pathos » des anciens orateurs. »88. Cette mise en forme participe d’une « mise en scène
» car il ne faut pas oublier que le RADD doit répondre à des normes et des référentiels. Les
sujets abordés représentent la part de critique que l’entreprise concernée peut tolérer sans
être questionnée. Mais cet artifice soulève la question de la pertinence du RADD et de
l’efficience du storytelling ainsi développée. Qualifié de « monstre »89 par Mathieu Jahnich,
fondateur de Sircome90, le RADD reste principalement destiné aux analystes extra-‐financiers
afin d’obtenir des indices boursiers de RSE. Par conséquent, il semble parfois omettre le
dialogue avec l’ensemble des parties prenantes.
Pour être le support d’un storytelling efficace, et pour faire du RADD un allié de la
86 Rapport de DD de Lafarge, 2004 87 Rapport d’activité et de DD de Suez, 2004 88 ibid 89 L’Express, http://www.lexpress.fr/emploi/business-‐et-‐sens/rse-‐quatre-‐tendances-‐pour-‐la-‐communication-‐des-‐entreprises_1323498.html 90 SIRCOME : site de réflexion et bureau de conseil en stratégie de communication sur les enjeux de société
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 43
communication, ce dernier doit « devenir la matrice d’une véritable plateforme de
communication RSE qui permet de porter les résultats, engagements et objectifs sociétaux
de l’entreprise à la connaissance des parties-‐prenantes sous des formes et par des canaux
appropriés à chaque type de parties-‐prenantes »91.
b) Le rapport d’activité ou rapport annuel : un support réservé aux actionnaires.
D’après le lexique boursier, 92 le rapport d’activité ou rapport annuel est un document publié
chaque année par l’entreprise. Son objectif est précis : informer les actionnaires pour qu’ils
achètent ou conservent les actions de la société. Depuis les années 1960, ce rapport annuel
est devenu un outil plus largement diffusé et contribuant à la notoriété de l’entreprise. Sous
la pression des autorités de régulation, la partie financière s’est par ailleurs enrichie d’une
présentation des comptes consolidés, en plus de ceux de la société mère, avec des annexes
détaillées. Le rapport d’activité s’est étoffé en donnant en effet des indications primordiales
sur les métiers, la stratégie et les orientations de l’entreprise. Une lecture en profondeur
fournit de nombreuses indications en termes de management, relatives aux détenteurs du
capital, mais également sur les moyens de production, les filiales et les participations.
Comme l’a formulé Sébastien Durand lors de notre entretien93, au sujet du rapport annuel
d’Eurodisney, « Le rapport annuel n’est pas du storytelling, mais le choix de la couleur pour
transmettre une émotion, si. Sur la couverture du Rapport Annuel d’ Eurodisney, Mickey
embrasse une petite fille. Ce n’est pas nécessaire pour un rapport envoyé aux actionnaires et
qui donne le chiffre d’affaires. Ce choix, c’est communiquer bien plus que des résultats
financiers en l’occurrence, donc ce Rapport Annuel fait du storytelling.» Le rapport annuel
peut donc transmettre beaucoup plus que des résultats financiers. En combinant différents
ressorts émotionnels, à savoir des témoignages, porter l’accent sur les visuels, l’esthétisme,
le rapport annuel d’Eurodisney semble concentrer les ingrédients d’un storytelling réussi.
De la même façon, SUEZ ENVIRONNEMENT a choisi, et ce depuis plusieurs années, de
solliciter des artistes pour illustrer le rapport d’activités : comme en 2011 (Annexe 6 :
Illustration du Rapport annuel 2011 de SUEZ ENVIRONNEMENT) ou encore en 2013 (Annexe
91 http://com-‐rse.fr/wp-‐content/uploads/2014/02/ComRSE-‐2014.pdf 92 http://www.tradingsat.com/lexique-‐boursier/definition-‐rapport-‐annuel-‐190.html 93 Entretien précité
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 44
7 : Illustrations Rapport annuel 2013 de SUEZ ENVIRONNEMENT) en faisant appel pour cette
dernière version à une plasticienne de renom : Sarah Illenberg94.Une version interactive du
rapport annuel est également disponible sur le site corporate. Dans le rapport annuel 2011,
9 illustrateurs ont « participé à la co-‐création de ce rapport d’activité et dessiné avec nous
notre vision de la co-‐construction sont à l’image de notre entreprise : internationale,
créative et plurielle »95. Les dessins enfantins donnent un autre aspect au RA, qui implique
beaucoup plus de proximité et de sympathie. Le choix de la plasticienne pour le rapport
annuel 2013 contribue à la démarche de SUEZ ENVIRONNEMENT de véhiculer l’image d’une
entreprise créative et sensible à l’environnement. Le design et l’enveloppe d’un contenu, sa
structure ou encore ses couleurs sont des parties intégrantes de l’histoire. Ainsi les objets et
matériaux utilisés dans le RA 2013 semblent être des outils de récupération à l’image de
l’économie circulaire, au cœur des enjeux du groupe.
Si l’on trouve de plus en plus fréquemment des versions digitales des rapports annuels,
certaines entreprises vont encore plus loin. Ainsi le rapport annuel 2009 de BNP Paribas
Cardif mise exclusivement sur l’interactivité et la banque déclare que cela témoigne de sa
politique en matière d’adaptation : « Pour mettre en scène les changements survenus dans
l'environnement économique et financier, l'évolution du comportement des consommateurs
et la capacité de BNP Paribas Assurance à s'adapter à ce nouveau contexte, BNP Paribas
Assurance publie son Changebook » 96 . Chaque information peut être commentée et
partagée sur les réseaux sociaux. Une réussite formelle dont le contenu intéressera toutefois
moins les professionnels de la finance que les publics plus larges également visés par les
rapports annuels.
On peut en déduire le constat suivant : les actionnaires ne réagissent pas qu'aux chiffres
comptables. Désormais compris comme des parties prenantes à séduire, le choix des
illustrations et des artistes n’a rien d’anodin. Mais le rapport annuel, du fait de son statut est
un exercice de communication financière, ce qu’il ne faut pas oublier. C’est pourquoi les
94 En 2013, SUEZ ENVIRONNEMENT a donné carte blanche à Sarah Illenberger pour illustrer son Rapport Annuel.À travers ses installations vivantes et poétiques, l’artiste-‐plasticienne livre son regard sur les grands enjeux environnementauxet sociétaux de demain.
95 Rapport d’activité 2011 SUEZ ENVIRONNEMENT 96 Site BNP PARIBAS CARDIF : http://www.bnpparibascardif.com/fr/fr/cid3190575/rapport-‐annuel-‐2009-‐hyper-‐document-‐relie-‐aux-‐reseaux-‐sociaux.html
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rapports d’activités, restent à peu d’exception des contenus peu digestes et un peu éloignés
des réalités du terrain.
D’autres médias, dépassant le clivage interne/externe peuvent élargir ce champ des
possibles.
D. Des supports du storytelling tous publics : hors les limites de l’interne et de l’externe
Vecteurs de communication en interne comme en externe, ils sont donc doublement
l’opportunité de diffuser son storytelling. On peut y inclure les musées d’entreprise, les
serious game ou encore plus globalement les actions de RSE.
1. Les musées d’entreprise
Le musée d’entreprise est un média à part entière qui valorise le patrimoine et s’insère dans
une stratégie de mise en récit des activités du groupe. En prenant des allures de musée,
l’entreprise déplace donc sa simple fonction économique et commerciale. Selon Isabelle
Cousserand97, «quand une entreprise se présente comme emblématique d’un territoire,
d’un métier, d’un savoir-‐faire, d’un type de produit, elle cherche à atteindre finalement une
forme d’excellence et c’est donc, d’une certaine manière, par déplacement de sa nature que
la fonction économique se réalise en partie. Elle dépasse ainsi sa fonction de service, pour
devenir un élément d’animation d’un territoire, un passage plus ou moins incontournable et
cela vient d’autant plus légitimer les ventes ». La seule recherche de bénéfices disparaît ainsi
pour faire place à un lieu d’échanges mais aussi de pédagogie.
Les musées d’entreprises sont créés pour être des lieux de mémoire où se retrouvent
l’ensemble des collaborateurs et des salariés pour assurer la transmission des savoirs. Mais
ils sont aussi des vitrines où l'ensemble des forces commerciales, clients et communicants
reliés à l’entreprise, viennent à la découverte des compétences, de l’expérience et de la
culture de leur entreprise. Cette valorisation a un effet direct sur la notoriété et la
reconnaissance des spécificités pour l’entreprise. Le discours qu’il contient et le parcours
97 COUSSERAND Isabelle, « Musées d’entreprise : un genre composite », Communication et organisation, n°35, 2009
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 46
qu’il propose sont autant de moyens de communiquer différemment avec le public de
l’entreprise, sur ses services, ses marques, ses filiales mais aussi d’affirmer ses valeurs et
axes stratégiques. En les rendant pédagogiques, ludiques et culturels, Il ne s’agit plus d’une
simple visite, mais d’un support de communication qui répond aux enjeux stratégiques de
l’entreprise.
Près de 1 50098 entreprises se sont lancées dans l’aventure des espaces muséaux mais
toutes ne bénéficient pas du même retour sur investissement. Thierry Wellhoff, à la tête de
l’agence de communication Wellcom indique que « cela permet de créer, de renforcer une
culture d’entreprise, ou de la mettre en scène. Mais il faut que le musée soit en cohérence
avec les valeurs de l’entreprise. Par exemple si elle met en avant l’audace, il faudra que cette
caractéristique se retrouve dans le musée”. L’exposition temporaire organisée par Louis
Vuitton au musée Carnavalet est à ce titre “complètement en adéquation avec les valeurs
de la marque”. » C’est l’occasion de fédérer les salariés et de générer une fierté
d’appartenance pour les motiver. En apportant une dimension culturelle, et donc
prestigieuse, à l’entreprise, on attire aussi de nouveaux talents et on assoit son image ».
Certaines entreprises ont opté pour les musées virtuels. Air France par exemple propose aux
internautes de découvrir des vidéos sur l’histoire du groupe sur son site airfrancelasaga.com.
Denis Parenteau, à la tête du musée Air France explique que celui-‐ci « a l’avantage de
pouvoir être consulté depuis n’importe quel endroit dans le monde». Mais un musée
d’entreprise, virtuel ou physique, n’a de sens que s’il est visité et que les publics connaissent
son existence.
Si l’on prend le cas particulier de SUEZ ENVIRONNEMENT, le showroom du 17 présenté
comme «l’espace de valorisation des savoir-‐faire et des innovations de SUEZ
ENVIRONNEMENT»99 est réservé aux différentes parties prenantes du groupe comme sa
fonction l’indique « lieu d'échange pour l'ensemble des parties prenantes du Groupe ». Il ne
se limite pas à présenter les enjeux du groupe sur le territoire national mais dans sa globalité
et en prenant soin d’intégrer les success stories du groupe à l’international. En témoignant 98 WARLIN Ariane, « Musée d’entreprise – Un retour sur investissement plus immatériel que matériel », Le Nouvel Economiste, 24/11/2010 99 http://www.suez-‐environnement.fr/groupe/profil/showroom-‐17/le-‐concept/
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de l’action du groupe à délivrer le meilleur service pour l’homme et la planète, le 17
participe au storytelling de SUEZ ENVIRONNEMENT. A travers ses partenariats, ses
engagements, ses innovations, le musée d’entreprise permet ainsi d’atteindre sa cible et
susciter l’émotion.
Par aillleurs, tout ce travail de scénographie contribue activement à la mémorisation des
messages, à véhiculer le storytelling du groupe (Annexe 7 : Le 17, musée d’entreprise de
SUEZ ENVIRONNEMENT). Si la longévité n’est plus aujourd’hui un gage de solidité, l’accent
porté aux grandes ruptures avec les « 50 ans d’histoire, un Groupe au cœur des ruptures »
est un aspect significatif du storytelling développé par SUEZ ENVIRONNEMENT. Comme le
souligne Sébastien Durand100, « La partie historique d’une marque n’est pas du storytelling.
Le storytelling, c’est l’histoire au service de l’entreprise. Rappeler qu’on existe depuis que 50
ans, ce n‘est pas du Storytelling. Mais dire qu’on existe depuis 50 ans, qu’on a su résister aux
crises, c’est du storytelling».
Ainsi, au 17 un véritable olivier se trouve au sein d’une serre en verre opacifiant, sur laquelle
est mise en scène l’Histoire du Groupe. La symbolique de l’olivier est révélatrice de la
résistance et de la lutte du Groupe qui a fait face à de grandes ruptures, les a accompagnées
autant que surmontées, par sa capacité à être toujours de son temps et donc d’innover
(Annexe 8 : Le 17, musée d’entreprise de SUEZ ENVIRONNEMENT).
On peut mettre en exergue les limites de la communication et du storytelling dans un tel
espace. Certes, il est un moyen indéniable pour attirer les publics afin de gagner en
notoriété et visibilité et ainsi mettre en scène par le récit l’histoire, la culture et les valeurs
d’une entreprise. En 2012, 18 millions de visiteurs101 par an découvrent les entreprises
françaises dont 50 000 pour Cointreau, 80 000 pour Perrier, 150 000 pour Mercier. Ces
chiffres sont révélateurs de l’opportunité d’avoir un musée d’entreprise pour se faire
remarquer. Ce sont autant de consommateurs qui reviennent à la marque ou à ses produits,
et ce, dans un environnement exclusif, protégé et convivial. Ce contact direct transforme
100 Entretien précité 101Extrait d’article du nouvel économiste : http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/musee-‐dentreprise-‐un-‐retour-‐sur-‐investissement-‐plus-‐immateriel-‐que-‐materiel-‐6386
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 48
chaque visiteur en ambassadeur qualifié de l’entreprise102 et vient valider notre première
hypothèse.
Pour revenir au cas de SUEZ ENVIRONNEMENT, le showroom, considéré comme un lieu
d’exception, un petit écrin au cœur de la Défense, mériterait d’être mieux exploité. Limité à
un rite de passage pour les nouveaux collaborateurs, il gagnerait à être un lieu plus vivant et
facile d’accès. On ne peut pas y circuler librement. Malgré tous ces supports interactifs,
l’accent émotionnel fait défaut et l’échange manque ; on ne peut que rapporter qu’il ne
suffit pas de traduire des supports en plusieurs langues pour communiquer efficacement.
D’autres supports, à l’instar du serious game peuvent propager le storytelling en interne ou
en externe.
2. La vague des « serious game » : vers un « interactive storytelling » ?
Aujourd’hui, plus de la moitié des sociétés du CAC 40103 ont recours aux «serious games»,
des jeux à valeur éducative conçus spécialement pour leurs salariés. Orange, Michelin,
Renault, en passant par Total, peu importe le secteur, de nombreuses entreprises se sont
aventurées dans l’univers du « business game». Les serious game se sont multipliés et s’ils
revêtent des caractéristiques communes, à savoir diffuser les messages du groupe, ils ont
des ambitions différentes et ne représentent pas les mêmes enjeux en terme de
storytelling : le recrutement, l’accueil des collaborateurs, des formations professionnelles ou
pédagogiques… Ainsi, Thalès avec son jeu intitulé « Moonshield », invite le joueur dans un
univers de science-‐fiction afin d’introduire l’entreprise et ses métiers à la jeune génération.
C’est une façon de « travailler son image auprès du grand public et séduire de nouveaux
talents, issus de la génération Y»104 .
De même, Cisco a choisi ce format ludique pour inviter les responsables de PME à pénétrer
dans l’univers de la marque. Dans son serious game «c’est vous le boss», le joueur prend en
main une entreprise dans laquelle il est confronté, lors de situations comiques à des défis.
Au fur et à mesure de son expérience dans le jeu, la marque conseille le joueur. Alors que
102 Ibid 103 PIEDALU Christine, « Les entreprises deviennent accros aux serious games », Le Figaro, e 27/04/2012 104 Equipe Dynamique Entrepreneuriale, 10 grandes entreprises qui ont adopté les serious games, dynamique-‐mag.com, publié le 27/01/2014 http://www.dynamique-‐mag.com/article/grandes-‐entreprises-‐adopte-‐serious-‐games.4778
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Cisco est reconnue comme une référence pour les entreprises grands comptes, ce serious
game lui offre de véhiculer son image de marque et d’améliorer son relationnel auprès des
dirigeants des petites entreprises via le storytelling.
Plus précisément, le « serious game » repose sur les ressorts du jeu vidéo afin de présenter,
former et tester les collaborateurs de l’entreprise. En effet, il dépasse la simple dimension
du divertissement pour intégrer des enjeux chers à l’entreprise, qu’ils soient de type
pédagogique, informatif ou de formation. Ce nouvel outil permet donc à l’entreprise de
s’adresser aux collaborateurs d’une façon ludique et donc beaucoup plus stimulante. Par
ailleurs qui dit jeu vidéo dit nouvelle technologie et cela permet de rassurer l’entreprise sur
son potentiel innovant. La démarche d’apprentissage apparaît par ailleurs beaucoup moins
contraignante puisqu’elle s’inscrit dans le cadre d’un jeu.
A plusieurs titres, le « serious game » est donc un moyen innovant de faire du storytelling.
Innovant dans le sens où il permet au joueur d’être intégré virtuellement à l’univers de
l’entreprise et d’appréhender une variété d’enjeux. Plus précisément, le joueur s’identifie
car selon Marsh105, les serious game sont des “jeux digitaux, simulations, environnements
virtuels qui offrent l’opportunité d’agir à travers un schéma narratif responsif, de jouer, d’
influencer pour son bien être et/ou apporter du sens”.
Opposé à un format classique de l’information et de la communication, où le public ciblé est
passif, le serious game donne l’opportunité au collaborateur d’être actif. En allant plus loin,
le storytelling peut même devenir interactif. Selon Lethbridge & Mildorf106, l’exemple le plus
basique ou significatif du storytelling interactif est celui de présenter au joueur un choix, une
décision à un certain niveau de progression dans l’histoire. Ce choix va influencer le tournant
de l’histoire. Ce qui signifie qu’il n’y aurait pas qu’un seul scenario possible dans le jeu, mais
que plusieurs expériences peuvent avoir une issue différente. Le jouer devient contributeur
de la stratégie ou de l’histoire du groupe. Paradoxalement, il ne faut pas oublier que le
serious game créé par l’entreprise a un objectif précis. Comme l’indique justement Jeroen
105 Marsh, T., “Serious games continuum: Between games for purpose and experiential environments for purpose”, Entertainment Computing, 2 (2), 61–68. 106 LETHBRIDGE, S., & MILDORF, J., Basics of English studies: An introductory course for students of literary studies in English. Freiburg im Breisgau: Freiburg University, 2003
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Linssen107 « Chaque serious game a un objectif pédagogique précis, il doit avoir une issue au
bout duquel le joueur y répond. Ainsi, il doit y avoir un certain contrôle sur l’histoire, en
Guidant le joueur au fil du jeu ». C’est pourquoi le joueur est guidé pour atteindre un certain
résultat et on peut alors douter d’un storytelling interactif.
C’est le cas du jeu de SUEZ ENVIRONNEMENT, intitulé SUEZ AMBASSADOR, où le personnage
ne peut pas évoluer à l’étape supérieure s’il n’a pas effectué un certain nombre de
démarches dans un ordre précis et obligé. Cela permet de conditionner les joueurs à
accomplir les actions qui sont en adéquation avec la politique du groupe afin de pouvoir
évoluer dans le jeu. Il centre l’attention sur l’accueil des nouveaux collaborateurs, en
prenant soin de montrer l’étendue des différentes activités du groupe : dans le secteur de
l’eau et des déchets tout en montrant l’engagement fort de l’entreprise relatif à la
préservation des ressources et de la biodiversité, la nécessité de prendre en compte des
formations professionnelles, des exigences climatiques selon les territoires, la dimension
internationale du groupe. Outre la notoriété qui accompagne la sortie de ces serious game,
ces derniers permettent de découvrir le récit de l’entreprise d’une façon originale et
beaucoup plus ludique que de lire les publications institutionnelles.
Dans le cas de SUEZ ENVIRONNEMENT, SUEZ AMBASSADOR offre un panorama global des
activités et missions du groupe en France comme à l’international, à travers 10 missions. Il
n’est pas nécessaire de chercher l’information puisque le collaborateur est guidé pas à pas
durant toute la durée du jeu. Les aspects pratiques sont par ailleurs mieux mémorisés. Selon
les propos d’un collaborateur, le serious game permet d’être « acteur de l’histoire ».En
terme de recrutement, le serious game permet de faire du storytelling d’une façon
beaucoup plus séduisante auprès de la jeune génération, notamment avec des graphiques
visuellement esthétiques et intéressants.
Toutefois, force est de constater que ces serious game et l’efficacité du storytelling restent à
relativiser. Notamment en terme de mémorisation de l’information, il semblerait que les
contenus soient beaucoup trop exhaustifs. Les missions sont très longues et si ce n’est
107 LINSENN Jeroen, “ A discussion about interactive storytelling techniques for use in a serious game” Human Media Interaction group, University of Twente, 2012
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quelques détails il est difficile de retenir l’ensemble du cheminement effectué. Par ailleurs,
l’aspect interactif est très limité puisqu’il n’y a qu’une voie possible, ce qui reste finalement
un processus assez linéaire et où l’initiative est bridée. Le serious game gagnerait à être
échelonné dans le temps, par exemple recevoir un mail avec une fiche récapitulant la
mission effectuée et quelques chiffres clés. Il faudrait faire l’effort d’orienter le serious game
vers plus de collaboratif, apprendre à travailler en équipe par exemple. Une dernière
remarque est celle de son utilisation. Les joueurs sont-‐ils réellement habilités à jouer durant
leur temps de travail ? Vont-‐ils spontanément le faire en dehors du cadre professionnel ?
Cette dernière suggestion semble peu probable. Pour garantir sa pleine efficacité, il nous
semble que le serious game devrait être principalement utilisé lors de la phase de
recrutement pour faire découvrir l’entreprise. De plus, un temps spécifiquement réservé à
son utilisation devrait être aménagé.
3. Le storytelling du développement durable et des démarches RSE
La majorité des démarches de développement durable ne propose pas de storytelling. Céline
Hervé Bazin108 souligne qu’ « on peut tout à fait communiquer sur le développement durable
de manière très pragmatique (les normes, tableaux d’indicateurs, etc.) et ne pas proposer de
récit ». Toutefois, ces démarches de développement durable sont une opportunité de choix
pour la technique du storytelling. En effet, si l’argumentation purement rationnelle et
chiffrée reste limitée : la mémorisation d’une responsabilité sociétale d’entreprise sera
beaucoup plus significative à travers des récits suggérant l’émotion.
Néanmoins pour Sébastien Durand109, « Le storytelling s’imbrique nécessairement dans la
Responsabilité Sociale et Environnementale car doit servir la stratégie de l’entreprise sur tous
ces supports». Selon les différents piliers de développement durable d’une entreprise,
l’explication des processus et des activités concrètes va permettre de faire du storytelling. Le
storytelling au service des démarches RSE est particulièrement bien adapté pour faire
rayonner l’entreprise en interne comme en externe. Ainsi, on peut mettre en avant le fait
que la stratégie RSE d’une entreprise peut contribuer à valoriser son image en
externe. « Quand on veut recruter des personnes à l’externe, il faut qu’elles aient envie de 108 Docteure en sciences de l’information et de la communication spécialisée dans l’eau, HERVE BAZIN Céline, entretien du 19 Août 2014 109 Entretien précité
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 52
venir chez vous : derrière cette image et le salaire qu’on va leur proposer, il y a aussi
pourquoi eux ont choisi cette entreprise »110. Pour obtenir un retour sur investissement de sa
stratégie de RSE, il faut impliquer et nouer des relations fortes avec les parties prenantes.
a) Ajouter de l’émotion à la communication RSE
C’est ce que Procter & Gamble a mis en œuvre. Plutôt que de se focaliser sur les sommes
exorbitantes – des millions de dollars-‐ que l’entreprise distribue annuellement à des
organisations du monde, l’entreprise a préféré mettre en valeur sur sa page web des vidéos
décrivant comment cette aide impacte les bénéficiaires. On peut donc écouter l’histoire d’un
jeune chinois dont la vie a été métamorphosée par la construction de l’école de l’espoir P&G
dans sa région très rurale.
“Je m’appelle Xie Hu, j’ai 19 ans. En 1997, P&G a créé l’école de l’espoir P&G. En 1998, j’ai
fini l’année avec d’excellentes notes et j’ai obtenu une place dans la meilleure école
secondaire du pays. Après six autres années d’études, mon rêve d’entrer à l’université est
devenu réalité. Les enfants issus des villages viennent principalement de familles démunies.
En plus du travail à l’école, nous devons aussi faire des travaux des champs et des tâches
ménagères. Si nous n’allons pas à l’école, nous ne pouvons que devenir fermiers, en ne
voyant que la couleur des champs tout au long de la journée, le dos tourné vers le ciel.
L’éducation est le seul échappatoire au village.” La contribution de P&G a donc eu un impact
déterminant dans la vie d’un individu. Ce témoignage emmène l’auditoire au fin fond de la
Chine rurale et se focalise sur le combat d’un jeune étudiant pour réaliser ses rêves. En
rentrant dans l’intimité d’une vie, l’entreprise est parvenue à montrer en quoi ses actions
faisaient sens.
b) Les fondations d’entreprise, support du storytelling
La fondation d’entreprise incarne à elle seule les défis de développement durable auxquels
l’entreprise accepte d’être confrontée. A travers les projets qui vont y être défendus et
soutenus, l’entreprise se raconte indirectement. La fondation d’entreprise est donc un enjeu
110 Ibid
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 53
du storytelling à part entière et doit également veiller à afficher une certaine cohérence. Elle
est une facette qui réunit à elle seule tous les enjeux liés à la responsabilité sociale et
environnementale de l’entreprise et peut convaincre les collaborateurs, les possibles futurs
collaborateurs au même titre que le grand public.
La communication opérée par les fondations d’entreprise et les démarches RSE sont par
ailleurs indispensables et doivent s’établir dans la durée. Les entreprises qui ne prennent pas
en compte les enjeux communicationnels sont inexistantes de nos jours mais on peut citer
quelques marques appartenant à des secteurs stratégiques et qui jusqu’à peu ne prenaient
pas au sérieux la communication. Ainsi dans une anecdote racontée par Sébastien
Durand111, ce dernier avait été invité à une table ronde animée par Challenges où des chefs
d’entreprises rencontraient de jeunes diplômés qui venaient d’intégrer leur entreprise. En
l’espèce, on peut citer le cas de TOTAL. Le fait de travailler avec une entreprise qui n’a pas su
créer de connexion émotionnelle avec ses diverses parties prenantes a été sévèrement
sanctionné. En effet, Total fait partie des entreprises les plus » détestées de France ». Il ne
suffit pas d’être bien payé pour attirer de bons éléments en interne, l’image que l’entreprise
véhicule est capitale pour développer une fierté d’appartenance.
A ce titre, le storytelling développé via les fondations peut contribuer à améliorer cette
image mais il doit s’agir d’un processus long terme. Depuis quelques années « TOTAL a fait
beaucoup de démarches en RSE, mais il ne suffit pas de dire qu’on a de super fondations »112.
En effet, à chaque épisode de marée noire, TOTAL a reporté la faute sur l’armateur du
bateau. « Ce n’est pas audible de dire que c’est la faute de l’armateur qui n’a pas bien
inspecté le bateau quand du pétrole est éparpillé dans l’océan ». Revendiquer ses démarches
RSE n’est pas un rempart suffisant contre la critique. Pour parvenir à diffuser un storytelling
efficace, les démarches doivent s’inscrire dans le long terme et respecter une cohérence
avec l’image souhaitée.
Cette deuxième partie a pu rendre compte de la variété des supports disponibles au sein de
l’entreprise et de quelles manières ces derniers peuvent véhiculer le storytelling d’une part.
111 Entretien précité 112 Entretien précité
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 54
D’autre part, le storytelling habilement mené peut améliorer la portée de ces supports. Par
ailleurs, nous avons pu mettre en relief la présence du brand content ainsi que la prise de
conscience progressive des marques que celui-‐ di doit dépasser une portée purement
mercantile et s’enrichir du storytelling. De fait, le storytelling peut parvenir à rendre ces
contenus informatifs plus impliquants ce qui contribue à répondre à notre problématique. Le
storytelling est en effet devenu un ingrédient indispensable pour fédérer d’une part, gagner
en visibilité et notoriété de l’autre.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 55
III. LE STORYTELLING, UNE TECHNIQUE DE COMMUNICATION IMPARABLE MAIS A LA MISE EN ŒUVRE DIFFICILE
Le storytelling s’envisage désormais comme un mode de communication imparable dans une
société de plus en plus tournée vers l’émotion. Les entreprises ayant l’ambition de créer des
relations plus durables avec leurs publics et qui souhaitent enrichir leur audience doivent
nécessairement s’appliquer à sa mise en œuvre. La partie précédente a pu donner un
échantillon des vastes possibilités qui s’offrent aux communicants. En effet, les vecteurs de
cette technique sont très nombreux. Le constat est donc celui d’un moyen de
communication au potentiel avéré et au succès prouvé dans une société avide d’histoires.
Toutefois, l’appropriation de cette technique n’est pas chose aisée, car elle peut sembler
abstraite. En effet, le storytelling peut à tort être assimilé aux récits d’entreprise qui ne sont
que l’histoire de l’entreprise. Sans incarnation, le récit d’entreprise n’est que du contenu de
marque loin de la communication narrative.
Ainsi cette dernière partie va dans un premier temps s’atteler à décrypter l’instauration d’un
projet de storytelling dans l’entreprise de services SUEZ ENVIRONNEMENT, à travers
l’originalité de sa démarche et les questionnements qu’elle suscite (A). En regroupant les
enseignements de cette initiative, nous pouvons mettre en avant des critères participant à la
mise en place effective d’une démarche de storytelling à savoir la nécessité d’adopter une
stratégie en cohérence avec son identité et ses cibles (B). Enfin, nous pourrons mettre en
valeur la nécessité d’incarner le storytelling à travers quelques exemples (C).
A. L’instauration d’un « baby storytelling » chez SUEZ ENVIRONNEMENT
Ce projet long terme est un cas d’application extrêmement intéressant de l’instauration d’un
storytelling en entreprise et c’est pourquoi il fait l’objet d’une sous-‐section à part entière.
Les premiers pas de ce projet, depuis sa préparation, sa mise en application et sa diffusion
ont pu être observés. C’est pourquoi le choix de « baby storytelling », selon les propos de
Céline Hervé Bazin, peut habilement qualifier cette démarche nouvelle au sein du groupe.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 56
1. Une démarche originale construite de l’externe à l’interne
A rebours du schéma classique interne-‐externe, ce projet a d’abord été élaboré pour
l’externe. En effet, la diffusion d’un storytelling de groupe a été matérialisée à travers des
dossiers de presse. Sur la forme, les dossiers de presse sont des contenus spécifiquement
dédiés aux journalistes qui permettent d’informer d’un évènement, d’une thématique, d’un
produit ou encore d’une innovation particulières. Afin de capter l’attention de journalistes
noyés sous d’innombrables communiqués de presse, l’idée de travailler des histoires via le
storytelling est cohérente. Sans aucun doute, le choix de la communication narrative
pouvait permettre de renforcer l’efficacité des relations presse.
Cette opportunité a précisément été saisie par le groupe SUEZ ENVIRONNEMENT et a vu le
jour en 2014. La Direction de la Communication a démarré ce projet au printemps 2013,
avec pour objectif de « renforcer la visibilité [du Groupe] auprès des médias traditionnels et
sociaux, aussi bien en France qu’à l’international et pouvoir promouvoir l’ensemble des
réalisations du Groupe »113. L’objectif original était de construire un discours relatif aux trois
thématiques phares du groupe : l’eau, les déchets et l’eau industrielle. Le projet des dossiers
de presse storytelling s’est saisi des histoires clés et emblématiques du groupe pour s’insérer
par la suite dans un projet de plus grande envergure. Il s’inscrit au niveau de la stratégie en
relation avec les nécessités d’harmonisation, de simplification des contenus et de plus de
cohérence au sein du groupe. Constitué de nombreuses filiales, SUEZ ENVIRONNEMENT s’est
confronté à une forme de cannibalisme de leur part, à savoir une certaine concurrence en
interne. En effet, les filiales tendent à vouloir gagner en visibilité aux dépens du groupe.
C’est pourquoi l’initiative de regrouper des success stories de différentes filiales sous une
même thématique était l’occasion de d’apaiser cette concurrence et de valoriser le groupe
en tant qu’unité.
Par ailleurs en externe, cette entreprise du secteur B to B est peu connue voir méconnue du
grand public. Ceci peut s’expliquer d’une part, par la confusion au niveau de la marque
assimilée à son actionnaire principal GDF SUEZ, et d’autre part en raison de la complexité de
ses activités. De plus, le groupe en lui même ne bénéficie pas d’une proximité avec son
client/consommateur final, apanage récurrent des entreprises de service. En effet, ce sont 113 Note de cadrage de la Direction de la Communication de Suez Environnement sur le storytelling, 2013
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 57
les filiales qui peuvent directement être au contact des consommateurs, par exemple avec
Lyonnaise des Eaux à travers une facture d’eau, ou Sita par la collecte des déchets dont les
logos sont affichés sur les bennes.
SUEZ ENVIRONNEMENT est pourtant un acteur majeur du secteur de l’environnement, le
groupe ayant effectué de nombreuses actions en France comme à l’international. Or ces
différentes actions représentent un énorme potentiel de base pour forger le storytelling du
groupe. Le choix privilégié a donc été celui d’une page recto-‐verso au maximum par histoire
ou success story, avec un ton journalistique. En ciblant des thématiques phares du groupe
sur l’eau, les déchets et l’eau pour l’industrie peu compréhensibles pour un public non
expert, ces dossiers de presse représentés ci-‐dessous ont permis de véhiculer les aspects
cruciaux de son activité à savoir l’eau pour l’industrie, la politique de développement
durable, la valorisation des déchets ou encore la gestion de l’eau et les nouveaux services dans
l’eau et les déchets.
Si la mise en place a constitué un véritable challenge pour la direction de la communication :
à savoir un travail considérable de collecte de l’information, de sélection et des processus de
validation, elle a aussi permis, en collaboration avec les filiales de fédérer et de créer une
histoire de groupe via des dossiers thématiques pour chaque axe stratégique. D’abord initié
via les relations presse, le projet s’est enrichi en prenant en compte la nécessité d’une
Figure 4 : Couvertures de 3 dossiers de presse Storytelling sur les axes Eau, Déchets, Eau pour l’industrie
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 58
diffusion en interne. Un dispositif en « cascade » a été élaboré pour la diffusion en interne.
L’objectif était de partir du cœur de cible opérationnel : réseau des communicants, en
passant par les forces commerciales et la cible dirigeante dans un premier temps, pour
atteindre l’ensemble des collaborateurs (Annexe 9: Mise en place d’un dispositif en cascade
pour la diffusion des dossiers de presse storytelling en interne). Le but étant que chaque
salarié soit capable de citer plusieurs histoires emblématiques des savoir-‐faire du groupe
hors des limites de son champ d’activité. Ainsi les contenus préalablement conçus pour les
journalistes, ont été petit à petit valorisés en interne, notamment via des push mail ou
l’intranet.
2. Un premier essai positif mais porteur de questionnements
Les collaborateurs sont aujourd’hui fréquemment abreuvés par ces « success stories »
porteuses du storytelling du groupe. Mais dans un format qui ne leur était pas initialement
adressé, on est à même de douter de l’efficacité de tels supports. Pour stimuler l’attrait des
collaborateurs vis-‐à-‐vis de ces histoires, des affichettes sur un ton humoristique et décalé
ont été imaginées. « Saviez-‐vous qu’on produit de l’énergie avec du jus de choucroute ? »
(Annexe 10 : Prototype d’affiches pour la diffusion des success stories storytelling en
interne). Ce processus a finalement abouti à la rentrée 2014 dans un format plus classique.
De même, la présence d’ « ambassadeur-‐collaborateur » ayant réellement participé à ces
projets a été imaginée pour conter et échanger sur ces histoires dans l’optique d’insuffler
plus d’émotion à ce storytelling.
Pensés comme des documents évolutifs qui intégreront au fur et à mesure de nouvelles
histoires, afin de refléter l’évolution des métiers du Groupe ainsi que ses innovations
récente, d’autres thématiques verront le jour par la suite. Aujourd’hui en cours, le dossier de
presse Storytelling sur le développement durable, qui est un enjeu permanent du groupe.
Mais cette compilation d’histoires sans autre lien qu’une thématique générale, semble
difficilement contribuer à une histoire de groupe globale, lisible et valorisante. Il faut
également souligner que ces histoires ont parfois perdu de vue l’ambition d’être abordables
et dans l’air du temps. En effet, Les histoires aujourd’hui portées à la connaissance des
collaborateurs sont dèjà relativement anciennes voir obsolètes. Cela pourrait justifier le peu
d’intérêt des collaborateurs vis-‐à-‐vis de ces contenus. Ou encore car ils n’ont pas
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 59
activement été mis à contribution, ni assez sollicités dans ce projet. La chronologie de cette
communication partie de l’externe pour séduire l’interne peut ici être remise en cause.
Enfin, la question se pose de savoir si ces dossiers de presse, surfant sur des récits de
l’entreprise, sont réellement des vecteurs du storytelling du groupe. Cette interrogation
suppose que ces contenus de marque ne seront valorisés que s’ils parviennent à véhiculer le
storytelling auprès de cibles diverses.
Malgré ces critiques, il faut remettre en perspective ce projet comme une première
tentative pour instaurer un storytelling de groupe. La question de l’avenir des dossiers de
presse storytelling est donc à considérer, comme une première étape dont la valeur ajoutée
n’est pas à diminuer. SUEZ ENVIRONNEMENT tente progressivement de mettre en avant les
différentes filiales qui la constituent tout en mettant en avant son objectif commun
d’optimisation des ressources et de valorisation des déchets. Ce projet d’envergure est
difficile à maîtriser pour une entreprise qui débute dans ce type d’initiative ou qui s’y
aventure. On peut parallèlement citer l’exemple de Monoprix, qui, 10 ans plus tôt a été
accusée de faire du green washing lorsqu’elle a été précurseur en communiquant autour du
développement durable et de sa RSE. Cette mise en œuvre des dossiers de presse souligne la
difficulté de mettre en œuvre une stratégie de storytelling et nous permet de mettre en
avant des axes déterminants afin d’avoir toutes les chances de capitaliser sur son
storytelling.
B. La nécessité d’adopter une stratégie en cohérence avec son identité et ses cibles Dans une optique de performance, plusieurs règles de bon sens doivent être respectées. En
amont de la construction de son storytelling, il est nécessaire de construire son histoire, son
ADN de marque afin de pouvoir les mettre en valeur. S’inspirer de la réalité de son histoire
ou de son secteur d’activités sera par ailleurs un moyen efficace de s’ancrer réellement. A la
suite de cette première étape, il apparaît primordial d’inclure les collaborateurs dans cette
construction afin qu’ils soient les premiers témoins et relais de leur marque. Par ailleurs,
prendre en compte le vaste panel de ses cibles devient désormais inévitable, mais c’est
surtout la capacité à créer du lien et de l’expérience qui transformera les cibles en véritables
convertis à l’entreprise.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 60
1. Connaître son histoire afin de la mettre efficacement en valeur
Selon le philosophe Paul Ricoeur114, le temps devient humain lorsqu’il est articulé de
manière narrative. Nicole D’Almeida démontre d’autre part, dans son ouvrage Les
promesses de la communication 115 , que l’entrée par le récit est particulièrement
intéressante pour comprendre les stratégies temporelles utilisées par les organisations dans
leur communication. Le récit, s’il n’est pas à lui seul constitutif du storytelling, est toutefois
un bon point de départ pour éduquer, et donner du sens en faisant circuler des valeurs et
des savoir-‐ faire. En ancrant l’entreprise dans l’histoire de façon pertinente, le storytelling va
pouvoir légitimer l’entreprise dans la durée et séduire les individus.
a) Créer une solide culture d’entreprise au service du storytelling Si cette tâche semble aller de soi, reconnaître les éléments de son histoire susceptibles
d’appuyer son storytelling est pourtant un exercice difficile. Pour les jeunes entreprises,
comme les start-‐up, il ne sert à rien de s’improviser une longévité superficielle. L’intérêt est
de se construire autour d’un avenir et d’un désir commun. Dans le cas particulier des
entreprises dont la longévité est importante, il faut être synthétique et dessiner les axes
directeurs du récit qui serviront de base au storytelling. Ainsi, il faut faire émerger des
valeurs reflétant l’entreprise depuis sa création. Certes, la stabilité et l’enracinement dans
l’Histoire rassurent les parties prenantes, mais elles ne suffisent pas à conduire une stratégie
de storytelling. Comme a pu l’expliquer Sébastien Durand116, « Raconter son histoire sur un
site web ce n’est pas du storytelling ! La partie historique d’une marque n’est pas du
storytelling. Le storytelling, c’est l’histoire au service de l’entreprise. Rappeler qu’on existe
depuis que 50 ans, ce n‘est pas du Storytelling. Mais dire qu’on existe depuis 50 ans, qu’on a
su résister aux crises, c’est du storytelling ». Il faut savoir tirer profit de son histoire pour
créer son storytelling.
Par ailleurs, lorsque l’histoire est connue, il faut veiller à diffuser des messages qui ne la
contredisent pas. A ce titre, on peut remarquer que la diffusion du magazine interne de GDF
114 RICOEUR Paul, Temps et Récit, Edition Seuil, 1991. 115 D’ALMEIDA Nicole, Les promesses de la communication. 116 Entretien précité
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 61
SUEZ dans le cadre de SUEZ ENVIRONNEMENT peut sembler illogique pour une entreprise
qui revendique son émancipation. En effet, si la scission avec GDF SUEZ est revendiquée en
externe, elle ne semble pas clairement affichée en interne. Ainsi, cette double distribution
du magazine interne pourrait s ‘expliquer comme étant le reflet de conflits en interne relatifs
aux liens du groupe avec GDF SUEZ, certains souhaitant préserver cette association. Mais
peu importe le motif, le résultat est négatif en terme de communication. En effet, il conduit
à entretenir un certain flou quand à l’indépendance de SUEZ ENVIRONNEMENT à l’égard de
GDF SUEZ.
Pour certaines entreprises, la recherche d’anecdotes pouvant servir la construction du
storytelling relève du travail de l’historien. Dès lors elles n’hésitent pas à créer des
départements exclusivement dédiés à cette activité. C’est notamment le cas de BNP Paribas
qui a mis en place un service archives et histoire117. Par ailleurs, l’entreprise met également
ses temps forts à travers une frise chronologique qui va de 1822 avec la création de la
Société Générale de Belgique à 2011 avec la possibilité d’ouvrir un compte chez BNP Paribas
via Twitter. Ainsi, subtilement le Groupe met en en avant sa capacité à évoluer et à se
maintenir à travers les différentes phases de l’Histoire.
Figure 5 : Frise chronologique du Groupe BNP Paribas
117 Site Institutionnelle de BNP Paribas, http://www.bnpparibas.com/nous-‐connaitre/culture-‐dentreprise/groupe-‐d-‐envergure-‐mondiale/archives-‐et-‐histoire, consulté le 23/08/2014
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 62
BNP Paribas s’investit donc pour que son histoire soit connue de ses collaborateurs, mais le
Groupe manifeste également sa volonté de rendre l’histoire accessible à l’externe: c’est
notamment le sens de son partenariat avec Historia, le magazine d’histoire le plus lu en
France, pour l’organisation des Prix Historia. Dans une interview accordée à Historia,
Baudouin Prot, Président de BNP Paribas, a par ailleurs rappelé l’héritage identitaire du
Groupe et souligné son rôle dans l’image de solidité de la banque. « L’histoire du Groupe, à
travers toutes ses entités, montre comment il a assuré sa vocation de financeur de
l’économie et de gestionnaire de l’épargne».
Cette mise en scène de l’histoire de la banque va même au-‐delà, en diffusant le storytelling
du Groupe à travers des supports de Brand Content adressés au grand public. On comprend
dès lors, que la construction du storytelling passe nécessairement par une très bonne
connaissance de son Histoire. Il apparaît primordial de connaître quelles sont les ressources
que nous avons à notre disposition pour construire le storytelling de notre entreprise,
mettre en lumière ses temps forts, assumer ses phases d’ombre et maximiser l’impact
émotionnels des éléments de notre récit.
b) Maîtriser les dangers informationnels liés à son histoire
Face à la vitesse de la diffusion de l’information, il apparaît important de considérer que
chaque élément peut être diffusé à différentes cibles, et son contenu déformé voir détourné
de son sens d’origine. Pour cela il est nécessaire de peser le pour et le contre de chaque
éléments du récit et d’évaluer son potentiel de nuisance et dans certains cas d’assumer des
zones d’ombres de l’histoire de l’entreprise. Par exemple, on peut citer le cas de la SNCF.
L’un des éléments fondateurs du storytelling de la SNCF est sa longévité. L’entreprise
assimile sa date de création à la naissance de la première ligne de chemin de fer en France
en 1827. Sur le site institutionnel, une frise chronologique permet de remonter le rôle joué
par la SNCF de 1827 à nos jours. Cependant certaines années sont défavorables à l’image du
groupe, notamment de 1939 à 1945 avec son rôle dans la Shoah.
Ces actions, la SNCF les passait volontiers sous silence. Cependant l’entreprise a appris à ces
dépend qu’il est nécessaire dans certains cas de jouer la carte de la transparence et
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 63
d’assumer son passé. Suite à différentes manœuvres de déstabilisation sur des appels
d’offres aux Etats-‐Unis visant cette période de l’histoire118, la SNCF a décidé de faire preuve
de transparence tout en inscrivant dans son storytelling sa participation au devoir de
mémoire en ouvrant ses archives. Ainsi, Le service Archives Documentation de SNCF a
achevé la mise à disposition des archives SNCF 1939-‐1945 au Mémorial de la Shoah à Paris,
au Centre Yad Vashem à Jérusalem et à l'Holocaust Museum à Washington.
Figure 6: Engagement de transparence de la SNCF
Si l’histoire est un capital indéniable, cet exemple illustre bien la nécessité de passer en
revue les éléments de son storytelling afin de baliser en amont tout éléments susceptibles
de déboucher sur une crise et une atteinte à l’image de l’entreprise. Ainsi, cette dimension
du storytelling peut valider notre troisième hypothèse relative à l’anticipation des crises.
2. Impliquer les collaborateurs dans la construction du storytelling
D’après le consultant en communication narrative Sébastien Durand119, « Pour que la
démarche storytelling fonctionne, elle doit être portée par la communication mais pas
seulement, elle doit impliquer les autres parties de l’entreprise ». Le storytelling pour être
efficace, se doit d’impliquer une majorité d’acteurs qui concourent à l’activité de
l’entreprise. Ainsi, la direction de la communication qui initie généralement ce projet doit
mettre en avant les différentes strates de l’entreprise dès les prémisses du projet. Malgré les
contraintes de temps, c’est une étape qui est indispensable pour réaliser un storytelling 118 Le Monde, Aux Etats-‐Unis, la SNCF risque de perdre un appel d'offres pour son rôle dans la Shoah, le 05/02/2014 119 Entretien précité
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 64
structurellement cohérent. On ne peut pas imposer des valeurs à des salariés sans que ces
derniers n’aient le sentiment de s’y refléter.
a) Séduire l’interne avant l’externe Pour poursuivre sur les propos recueillis auprès de Sébastien Durand, « La mise en place
d’une démarche de storytelling doit être pilotée au niveau direction marketing
communication en général, mais elle doit impliquer différents acteurs de l’entreprise, issus
des différents parties de l’entreprise, pour tenir compte de leurs avis, de leur histoire à eux
mais aussi pour qu’ils puissent s’en saisir et en être les ambassadeurs ».En effet, pour que les
salariés témoignent concrètement des valeurs de l’entreprise, ils doivent pouvoir les vérifier
au quotidien et se les approprier. La communication interne doit donc s’appliquer à diffuser
une image aussi brillante et valorisante en interne que celle diffusée à l’externe.
Il poursuit en soulignant la nécessité de l’adéquation entre la communication interne et
externe ainsi que les moyens qui sont mis en œuvre. « Une entreprise dont les collaborateurs
ne croient pas à ce qui est dit à l’extérieur, ne sera jamais experte en matière de storytelling.
On ne va pas évangéliser une fois que le storytelling a été déterminé en leur expliquant ce
qu’on a décidé, c’est seulement en les impliquant en amont sur la façon et sur le choix du
storytelling, sur la façon dont on va le raconter ». Or cette étape est bien fréquemment mise
de côté, au détriment de l’entreprise. Un simple sondage interne pourrait servir à définir les
valeurs de l’entreprise et permettre de s’approprier la véritable vision qu’en ont les salariés.
Henri Ford a été un véritable précurseur en la matière. Ce dernier a réalisé que ses salariés
étaient, bien avant de futurs clients externes, les premiers contributeurs de la réputation de
son entreprise. En offrant à ces derniers les moyens de s’offrir la célèbre voiture Ford T, il a
habilement fait de ces derniers les ambassadeurs de son automobile auprès de leur
entourage. Ses collaborateurs sont devenus les storytellers de sa marque.
b) Une formule qui repose sur la cohérence et « l’humain » Impliquer les salariés dans la communication de l’entreprise est une formule pérenne de nos
jours. Mais pour qu’une démarche de storytelling fonctionne, elle ne doit pas se limiter au
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 65
service de communication mais inclure toute la diversité des parties présentes dans
l’entreprise. Cela peut être le cas avec les commerciaux, qui, s’ils ne sont pas familiers de ce
storytelling seront dans l’incapacité de le véhiculer auprès de leur clientèle. Sébastien
Durand explique à ce propos « c’est très bien d’avoir une bonne technique de
communication, mais si les commerciaux ne la portent pas auprès de leurs cibles, cela ne
marche pas. Exemple des produits en boutiques : si l’aménagement, le costume du personnel,
et la formation des vendeurs ne correspond pas au storytelling, ça ne va pas marcher »120.
Dans le blog sur le storytelling de Sébastien Durand121, on peut reprendre l’illustration d’un
storytelling qui a su toucher l’émotion du public en impliquant ses collaborateurs. C’est le
cas de Bouygues dans une publicité datant de 2009. Le spot publicitaire réunit une
cinquantaine de salariés dans la bonne humeur : on constate qu’ils appartiennent tous à des
secteurs variés. Depuis le technicien, secrétaire ou employés de bureaux, tous contribuent à
la réussite de l’entreprise. Comme indiqué à la fin de la publicité « les participants de ce film
sont des hommes et des femmes du groupe ». Un chef d’orchestre guident leurs mains pour
former des lettres qui transmettent le message « construire notre avenir c’est notre plus
belle aventure ».
Par ailleurs, certains groupes sont composés d’une atomicité de filiales. Ces organisations
présentent différentes structures qui possèdent chacune une histoire qui leur est
intrinsèque. Il est nécessaire dans ce cas pour la communication du Groupe de se référer à
ces multitudes d’anecdotes et d’histoires afin de former une Histoire commune du Groupe.
Sébastien Durand a souligné que « lorsqu’on est sur un groupe qui représente plusieurs
marques, avec des histoires particulières, il faut prendre en compte ces différentes histoires
pour en créer une nouvelle qui implique chacun, c’est une technique de storytelling que l’on
appelle le « storytelling projectif » qui s’applique à créer une nouvelle histoire, tous
ensemble, en faisant travailler les différents secteurs»122.
Ce storytelling projectif a pour atout de poser les bases du ciment d’une culture
d’entreprise qui soit propre à l ‘ensemble du Groupe. Mais cette notion s’applique
également aux entreprises qui n’ont pas d’histoire à proprement parler, comme les start-‐up. 120 Entretien précité 121 Le blog du Storytelling de Sébastien Durand 122 Entretien précité
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 66
Plutôt que de faire croire à sa longévité, l’objectif est de raconter l’histoire à laquelle on veut
s’identifier à terme et s’atteler à y ressembler au quotidien. Il permet d’augmenter le
sentiment d’appartenance des collaborateurs qui constituent une véritable équipe et ainsi
facilite leur transformation en ambassadeurs du Groupe. Elle clarifie les activités du Groupe
en interne et en externe et dès lors apporte du sens et de la simplicité à travers les
différentes étapes de développement du Groupe.
Toutefois, si impliquer les collaborateurs est une nécessité, il faut convenir que cette
association ne doit pas être laissée au hasard. Comme expliqué précédemment, si l’image
véhiculée à l’externe n’est pas crédible auprès des collaborateurs, l’échec est assuré. A ce
titre, on peut prendre comme exemple une publicité d’Orange (ex France Télécom) diffusée
en 2010 sur TF1. Les salariés d’Orange « tous volontaires » y soutenaient leur attachement
et leur passion pour l’entreprise. Mais ce spot publicitaire scandant que « Travailler chez
Orange c’est comme une grande famille» était plutôt malvenu.
Figure 7: Film publicitaire Innovation d'Orange diffusé en 2010
En effet, cette forme de propagande était peu crédible pour le grand public tout comme
pour les collaborateurs d’Orange. Il faut rappeler qu’une vague de suicides encore récente
dans l’entreprise avait scandalisé la France et signifiait un véritable mal être et malaise dans
le management de cette entreprise. Le « timing », l’honnêteté et la cohérence dans la
diffusion du storytelling sont donc des éléments déterminants à respecter.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 67
3. Adapter son récit en fonction des cibles visées
a) Des cibles de plus en plus exigeantes En amont de la diffusion d’un storytelling, il faut veiller à déterminer clairement l’ADN de sa
marque. Ce n’est qu’après la validation de cette étape que l’on pourra déterminer les cibles
à convaincre et quels seront les modèles appropriés pour les séduire. En effet, l’exigence des
cibles a été décuplée avec le temps. Comme relaté dans les parties précédentes, l’enjeu de
la société de l’information impacte fortement les cibles. Sollicitées en permanence, elles
doivent être séduites par le storytelling de la marque et ce dernier se doit d’être disponible
ATAWAD.123. En raison de la porosité de l’information, il n’ y a plus d’étanchéité entre les
différentes cibles et l’entreprise ne peut pas se raconter sous un angle sans veiller à la
cohérence de ses propos. Par ailleurs, un format de storytelling non linéaire est de plus en
plus apprécié puisqu’il divertit d’autant mieux sa cible. A cet effet, le « transmedia
storytelling » qui permet de raconter une histoire cohérente sur plusieurs médias, peut se
révéler un atout intéressant en ce qu’il offre un certain dynamisme.
Adapter son récit auprès de la cible est finalement une question de bon sens. Les cibles ont
des attentes différentes et il est donc prévisible d’envisager une communication sur mesure
pour mieux convaincre sa cible. En effet, pour être crédible il faut rester en phase avec les
codes et attentes de son destinataire. Auprès du grand public, le storytelling envisagé dans le secteur du B to C a depuis longtemps compris cette démarche. Lorsque l’entreprise se
raconte auprès des enfants, elle ne peut nécessairement pas être mise en scène de la même
manière auprès des adolescents. Pourtant, le fond du message doit être le même.
Par exemple, l’usage des réseaux sociaux comme Twitter peut être particulièrement efficace
pour diffuser son storytelling auprès des journalistes. Facebook aura vraisemblablement plus
de succès auprès des adolescents. Enfin, il apparaît que c’est la publicité télévisuelle qui aura
le plus d’impact chez les personnes âgées.
Auprès des professionnels, le storytelling est aussi un mode de communication
déterminant. Comme indiqué précédemment, les marques B to B ont longtemps nié le
123 ATAWAD : acronyme utilisé pour Anytime, AnyWhere, AnyDevice marque déposée par Xavier DALLOZ depuis 2002.Le terme d’ATAWAD est généralement utilisé pour désigner la tendance selon laquelle les individus souhaitent de plus en plus pouvoir accéder à un contenu, une information ou une offre marchande quelque soit le moment, le lieu ou le mode d’accès (TV, ordinateur, mobile, tablette, console, etc.)
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 68
potentiel émotionnel des professionnels. Pourtant, comme le souligne Catherine Thomas
Etienne, directrice Marketing et Communication de Siemens building Technologies,124« Nous
sommes tous à la fois des consommateurs lambdas et des professionnels ». Les marques B
to B ont donc tout intérêt à développer un écosystème de storytelling auprès de ses publics
professionnels et s’approprier les codes déjà efficaces dans le B to C.
b) L’exemple de XEROX, un storytelling adapté à la cible professionnelle
Un cas d’école de storytelling dans le B to B est l’entreprise XEROX, connue pour ses
imprimantes. Cette dernière a mis en récit sa nouvelle offre en contant les péripéties de sa
clientèle dans une saga intitulée « real business »125. Ainsi, Xerox a mis en scène dans la
presse les icônes de ses clients dans une situation plutôt inattendue et dans un ton
humoristique. Par exemple, Mr Propre pour le client Procter & Gamble ne sait plus où
donner de la tête entre sa mission de nettoyage et la gestion de ses impressions (Annexe 12
: Mr Propre dans la campagne Real Business de Xerox). Sur le site lié à cette campagne
(www.realbusiness.com), Xerox explique de façon imagée et très valorisante pour ses clients
comment la marque leur permet de se concentrer sur leur cœur de métier, ici Monsieur
Propre doit nettoyer, pendant qu’elle prend en charge les missions sur lesquelles les clients
n’ont pas de valeur ajoutée (gestion documentaire, mais aussi comptabilité, finance).
« L’objectif de cette campagne est d’attirer l’attention des professionnels sur des domaines
de compétence relativement inattendus de la part de Xerox. Au lieu de proposer les
traditionnelles études de cas, nous avons invité nos clients et leurs représentants les plus
emblématiques à montrer de quelle façon Xerox les aide à se concentrer sur leur cœur de
métier » explique-‐t-‐on chez Xerox.
Xerox a su se faire connaître du grand public d’une part, et en adaptant son discours à la
cible professionnelle tout en prenant en considération sa dimension émotionnelle, il a réussi
à captiver ses cibles.
124 Responsable des Rencontres B2B du Club des Annonceurs (dans la tribune «Injecter de la créativité dans les marques B2B»)
125 Livre Blanc sur le B2B & le Digital
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 69
c) Le défi : aller au delà de ses cibles traditionnelles et d’une communication standardisée
Si les entreprises intègrent de plus en plus l’intérêt de séduire une multiplicité de parties
prenantes, le constat peut dans certains cas être relativisé. En effet, il semblerait que les
entreprises ne prennent pas beaucoup de risques. Elles tendent à se cantonner à leurs cibles
dites traditionnelles et donc à une communication qui reste sensiblement classique. Si l’on
s’appuie sur l’exemple d’une entreprise comme SUEZ ENVIRONNEMENT, il apparaît que
cette dernière aurait tout intérêt à étoffer et capitaliser son storytelling autour de l’eau,
communiquer autrement que par la technique pour élargir le champ de ses cibles et étoffer
sa marque.
En effet, l’eau est un élément qui s’inscrit dans un cycle à part entière mais est trop souvent
perçue comme un objet alors qu’elle s’inscrit dans une transversalité : elle peut être liée à
des problématiques telles que l’agriculture, le climat, la technologie, la vie… L’opportunité
du storytelling de l’eau est donc de contribuer à la « grande histoire », de s’insérer dans un
récit quasiment mythique qui dépasse le produit et le service. Mais pour se faire, les
entreprises du secteur environnemental doivent sortir du schéma classique, trop technique
et axé métier pour se tourner vers une communication plus locale et plus humaine qui fait
souvent défaut. Si l’on regarde de plus près les différentes actions de communication, ces
dernières sont généralement tournées vers la presse spécialisée ou le monde politique
comme avec les dossiers de presse storytelling. Il s’agit toujours essentiellement d’une cible
experte au détriment du grand public. Or Céline Hervé Bazin souligne que l’opportunité du
storytelling de l’eau est de « Se mettre au niveau du citoyen, de l’individu et non pas se
mettre en position d’expert, émetteur, d’énonciateur… L’emmener en balade plutôt que lui
donner des leçons ou lui proposer des contenus qui ne l’intéressent pas, n’éveillent pas sa
curiosité »126.
Cette difficulté à instaurer un storytelling auprès du grand public peut tenir à la nature du
service. Pourtant ces entreprises sont parfois moins innovantes que des distributeurs et les
services publics. Si l’on prend l’exemple « Eau de Paris », sa campagne « Ouvrez un grand
126 Entretien précité
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 70
cru » a été récompensée en 2013 par Cap Com. Le service des eaux de Paris a poursuivi cette
promotion à travers notamment un ancrage territorial fort comme autour des fontaines à
eau dans tout Paris mettant en avant la qualité de l’eau du service public ( Annexe 13 :
« Ouvrir un grand cru » campagne Eau de Paris).
Le manque de proximité peur aussi s’expliquer par le choix des porte-‐paroles qui se limite
aux dirigeants, des figures parfois trop lissées et peu attachantes. Ces derniers ont une
image de donneurs de leçon, et se positionnent en experts ce qui peut avoir tendance à
déshumaniser l’activité en question.
Si ces porte-‐paroles dirigeants sont certes indispensables, il faudrait peut-‐être veiller à
mettre en avant les différents collaborateurs de l’entreprise, c’est à dire des anonymes
auxquels nous pouvons tous nous identifier. On peut illustrer le succès de cet exemple par
la campagne de la Croix Rouge tournée vers ses bénévoles et collaborateurs. Pour un appel
au don, ce n’est pas seulement Adriana Karembeu, effigie de la Croix Rouge qui a porté la
campagne. C’est au contraire, l’ensemble des bénévoles pour mettre en avant leur
importance au sein de l’organisation, qui ont été valorisés sur un ton humoristique encore
une fois comme on peut le voir dans la figure ci-‐après.
Par ailleurs, l’idée de communication standardisée peut se manifester par son aspect
éphémère d’où la nécessité de s’engager sur la durée. L’idée principale étant de fidéliser son
audience, on pourrait imaginer des intrigues évolutives et espacées dans le temps qui
fonctionneraient comme des teasers. Ce qu’on retient toutefois est la nécessité de donner
du sens en insufflant de l’humanité et de l’émotion dans sa communication.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 71
Figure 4: Campagne de la Croix Rouge Française
C. Redonner du contenu à la communication : réincarner son entreprise grâce au storytelling
Les entreprises qui savent tirer profit de leur histoire ont indéniablement des points
d’avance. Mais c’est surtout celles qui arrivent à raconter une histoire avec leurs publics,
c’est à dire qui arrivent à investir les émotions et l’individu derrière la fonction qui auront
compris l’intérêt du storytelling. En effet, l’intérêt est de surprendre son public et de le faire
entrer dans l’intimité de sa structure. Pour ce faire, les storytellers peuvent être des relais
efficaces.
1. Accorder plus de place aux storytellers
Un des meilleurs exemples actuels du succès du storytelling et des storytellers est le concept
TED. « TED » est l’acronyme pour « Technology-‐Entertainment-‐Design » mais ce concept ne
se limite pas à ces 3 domaines en particulier. Depuis 25 ans, cette conférence américaine
réunit des esprits brillants dans leur domaine pour partager leurs idées avec le monde.
Evènement annuel où les plus grands talents internationaux sont invités à partager leurs
passions, le succès de ces conférences a été tel que le concept s’est développé à
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 72
l’international, sous le même format. Et l’attrait est toujours aussi saisissant alors que son
organisation et sa participation sont basées sur le bénévolat.
Le concept est pourtant très simple puisqu’il s’agit de conférences et jusque là rien de
particulier. Qu’est-‐ce qui fait la différence ? Les orateurs ou storytellers sont sélectionnés
pour leurs idées et la façon dont ils peuvent en parler. En effet, ils sont limités dans le temps
et pour captiver leur auditoire vont tirer profit d’une anecdote, guider le spectateur dans
l’histoire de leur vie. Cet engouement phénoménal traduit l’envie des gens d’écouter des
histoires mais aussi d’être inspirés ce que nous avons pu voir dans la première partie de ce
mémoire.
Par ailleurs, ces conférences constituent une bibliothèque en ligne sur une variété de sujets.
Peu à peu, elles sont désormais conçues comme un nouveau mode d’apprentissage voir un
média à part entière. En effet, ces speechs sont relayés dans le monde entier grâce à la
puissance d’internet mais surtout grâce à l’attrait qu’ont suscité ses storytellers. TED est
devenue une marque mondiale de conférences gratuites à la renommée spectaculaire.
C’est pourquoi, il semblerait que le format des conférences TED soit une nouvelle
opportunité pour les organisations de faire du storytelling. Trouver chez leurs collaborateurs
ou chez d’autres personnes une passion pour les mêmes enjeux que les leurs, serait le
meilleur vecteur pour relayer l’esprit de l’entreprise. En effet, le storyteller est le moyen le
plus efficace de décupler la portée d’un message puisqu’il l’incarne lui même, à travers son
vécu.
2. Permettre à la cible de s’approprier la marque
Dans la communication des organisations, les émotions et les sensations prennent le pas sur
les contenus et outils dépourvus d’histoires. Aujourd’hui, l’entreprise doit aller encore plus
loin que l’histoire pour séduire son audience. En véhiculant des valeurs collectives mais qui
touchent chaque individu personnellement, l’histoire aura toutes les chances de percer.
Mais l’entreprise doit aussi tout mettre en œuvre pour créer l’expérience. C’est exactement
ce qui c’est réalisé avec la campagne « Share a coke »127 de Coca cola. En voyant notre
propre prénom, celui de nos amis ou de tous les gens qui comptent sur les bouteilles de 127 Partage un coca
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 73
Coca, la marque permet de se sentir spécial et permet de déclencher des souvenirs. L’affect
que l’on a vis à vis de ses proches se développe d’une certaine façon pour la marque : on
peut être susceptible de conserver en souvenir une des bouteilles avec le nom de sa
meilleure amie par exemple. Mais le plus important c’est que Coca Cola se retrouve en
arrière plan de l’histoire qui se tisse. L’appel à partager un coca avec ses amis n’est qu’un
élément déclencheur pour les consommateurs qui vont se mettre à créer un tas d’histoires
sur cette base. Coca Cola reste en filigrane de cette aventure mais surtout va incarner cette
notion de partage et d’amitié.
De la même façon, Starbucks a crée une nouvelle campagne « Sometimes the best way to
connect is to get together »128. Le principe n’est rien d’autre que de mettre en avant l’idée
de partager un café. On peut encore citer Nescafé qui avait lancé une campagne dans
laquelle un jeune homme relevait le défi d’aller partager un café à l’improviste en
débarquant chez ses contacts facebook. Bien que l’exercice soit amusant, on comprend que
le message de Nescafé est bien moins superficiel et cherche à mettre en avant les bienfaits
de relations plus authentiques.
Ce type de storytelling prend de l’ampleur car il prépare juste le terrain et laisse les
consommateurs, finalement les vrais héros, décider de ce qu’ils en feront. Il ne s’agit donc
pas nécessairement de mettre en place une campagne de communication coûteuse, films
publicitaires à la clé, car l’idée du storytelling repose sur les valeurs et les émotions
diffusées. Ce sont les vraies histoires qui vont permettre de créer du lien avec l’entreprise,
autour de ses produits ou services.
128 Parfois la meilleure façon de se connecter reste d’être ensemble
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 74
CONCLUSION Tout au long de ce mémoire, l’enjeu était de comprendre comment le storytelling est
devenu un facteur déterminant de la stratégie et de l’identité des entreprises. La question se
posait avec plus d’ampleur dans le secteur du B to B qui a découvert plus tardivement ce
puissant outil de communication.
Apporter du sens à une communication affaiblie par la prolifération d’informations en tout
genre. Se différencier et créer l’adhésion des différentes cibles. En communication, voici les
objectifs du storytelling. Cette solution construite autour de l’art de raconter des histoires
permet une mise en avant de la « dimension émotionnelle »129 de la marque. Or cet aspect
est devenu fondamental dans une société de plus en plus portée par l’émotion. En effet, se
cantonner aux messages strictement « business oriented », comme la performance, est une
stratégie encore trop récurrente dans le B to B, et n’est plus suffisante. Désormais, la
dynamique privilégiée, consiste à intégrer son interlocuteur dans un univers qui lui
correspond et auquel il est sensible pour une meilleure assimilation des messages.
Dans un premier temps, partant du postulat que les organisations sont des lieux de
production de récits, il apparaît nécessaire de valoriser ce patrimoine. Par ailleurs les
hommes sont naturellement enclins à mémoriser les histoires. Ainsi, les messages véhiculés
de cette manière sont beaucoup plus attractifs pour les parties prenantes. En effet, ils
favorisent la création de liens et d’échanges et peuvent répondre à une quête de sens des
individus.
La deuxième partie a permis de comprendre l’instauration plus tardive et progressive au sein
des entreprises de services. Elle peut par exemple s’expliquer par la nature des relations
interprofessionnelles, ainsi qu’à une philosophie d’entreprise moins portée sur la
communication. Si on a pu mettre en avant la diversité des applications du storytelling, on
constate pourtant des limites à son utilisation. En effet, les entreprises ont tendance à
formuler un discours encore trop autocentré, notamment dans les publications
institutionnelles. De plus, l’utilisation des supports interne comme externe manque encore
129 KAPFERER Jean-‐Noël, Ré-‐inventer les marques, 2013
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 75
trop d’interactivité. En ce sens les entreprises de services doivent s’inspirer de leurs
consœurs du B to C, beaucoup plus innovantes.
Au sein de la communication interne, on a pu citer IBM qui avait diffusé, par le biais de son
intranet, les vies de ses collaborateurs. C’était l’opportunité idéale pour valoriser la
dimension humaine de la structure. L’engouement suscité pour cette action a été tel que
tout le monde souhaitait partager son histoire. On peut donc affirmer que l’utilisation du
storytelling via les supports de communication interne participe à fédérer les collaborateurs
autour de l’entreprise. Par ailleurs, la presse interne, « outil de motivation du personnel », a
tout intérêt à utiliser le storytelling pour susciter l’intérêt des salariés et faciliter leur
assimilation des informations cruciales de l’entreprise. Notre hypothèse de principe – à
savoir que le storytelling en interne, conduit à construire un réseau de collaborateurs-‐
ambassadeurs – est donc validée.
Notre deuxième hypothèse consistait à affirmer, qu’utilisé pour l’externe, le storytelling
permet de gagner en visibilité auprès des parties prenantes. En effet, la presse externe ou
encore le native advertising offrent non seulement l’opportunité de se positionner en expert
de son secteur d’activité, mais également de raconter son histoire pour renforcer sa
notoriété. On peut également citer les musées d’entreprise : le show room de SUEZ
ENVIRONNEMENT, le 17, est un véritable atout pout mettre en scène son histoire et rendre
plus attractif son discours. Le storytelling va venir « pimenter » des publications
institutionnelles jugées trop lisses ou sans intérêt par certaines cibles. Par conséquent, le
storytelling est une plus-‐value incontestable pour la communication externe de l’entreprise.
Dans la dernière partie, nous avons abordé la difficulté à mettre en œuvre une stratégie de
storytelling, que nous avons en outre illustrée par les dossiers de presse storytelling chez
SUEZ ENVIRONNEMENT. Cela a permis de mettre en lumière des éléments fondamentaux :
la cohérence, connaître son entreprise et son histoire, faire participer les collaborateurs…
pour mettre en place une stratégie de storytelling. On a par ailleurs cherché à valider une
troisième hypothèse relative à l’utilité du storytelling en période de crise.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 76
Or, il est difficile de dire dans quelle mesure le storytelling est un moyen d’anticiper ou
d’atténuer la crise.
Comme explicité dans le cas de la SNCF, sa construction peut être l’occasion de mettre en
lumière des évènements susceptibles de déclencher une crise. Il s’agirait donc de le
considérer comme un outil de prévention. Par ailleurs, bien que non abordé dans ce
mémoire, il serait intéressant d’envisager le storytelling lors des fusions, rachats ou encore
des changements de marque. S’ils peuvent être porteurs d’améliorations, ils n’en sont pas
moins des évènements traumatisants pour les collaborateurs. Ils peuvent aussi avoir des
répercussions sur les cibles externes. Par conséquent, utiliser adéquatement le storytelling
pour expliquer ces situations sera un moyen d’apaiser et d’accompagner la « crise ».
Notre hypothèse de départ ne peut être validée en ce sens que le storytelling n’est pas à lui
seul en mesure d’anticiper la crise ou de contrôler les atteintes à la réputation. Il faut
atténuer ces bénéfices mais il reste évidemment un facteur clé de communication dans de
telles circonstances. En effet, il va permettre d’appuyer un discours et un argumentaire, qui
peut éventuellement s’appliquer à une stratégie RSE. La multiplicité des supports véhiculant
la stratégie RSE pourra toujours servir de preuve en cas de conflit.
D’autres questionnements restent en suspens. Nous avons démontré que le storytelling est
une technique efficace de communication, déterminante dans la stratégie et l’identité des
entreprises. On pourrait toutefois nuancer cette affirmation. En lieu et place de ses
détracteurs, on pourrait interroger si toutes doivent nécessairement se mettre au
storytelling. Certaines d’entre elles, comme les grandes marques de luxe, ont de par leur
nature, toujours su et du faire usage du storytelling. Mais pour d’autres secteurs, est-‐il
toujours pertinent de se transformer en storyteller ? Il existe une multitude de modes de
communication qui pourrait potentiellement être plus adaptés. Par ailleurs, si toutes les
entreprises se mettent à faire du storytelling, peut-‐on toujours considérer qu’il est un
élément de différenciation ?
Notre réponse est affirmative. Le storytelling permet de créer du lien, besoin ultime des
différentes parties prenantes. Il est le meilleur moyen de se connecter à son audience et de
faire de ses cibles des ambassadeurs de marque.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 77
Son cheminement permet également d’entamer une réflexion sur les outils de
communication disponibles, comment les maîtriser et gagner en transversalité. Peu importe
son omniprésence, il est un élément de différenciation car toutes les organisations ne
cultivent pas leur visibilité de la même façon. Adéquatement, toutes les entreprises
devraient s’approprier le storytelling. Dans les faits, cette technique est presque
unanimement adoptée mais le succès n’est pas toujours celui espéré.
De plus, l’efficacité du storytelling reste difficile à évaluer concrètement. S’il est un élément
devenu indispensable dans la communication des entreprises, les moyens de mesurer son
Retour sur Investissement restent à mettre en place. C’est d’autant plus vrai en interne.
Cependant des pistes de développement ne manquent pas. Pour exemple, il serait
intéressant de mesurer cette efficacité par l’augmentation du nombre de vues sur les
contenus diffusés en interne et en externe. Mais c’est surtout en mettant en avant la
collaboration avec les ressources humaines que cet aspect pourrait être mieux appréhendé.
Lors des entretiens annuels, on pourrait ainsi questionner les collaborateurs sur l’image
qu’ils ont du groupe. De même, en externe, lors de la phase de recrutement, il serait
pertinent de connaître la perception de l’entreprise qu’ont les candidats et quelles sont les
histoires qui ont été mémorisées. En outre, on pourrait comparer et voir si cette perception
s’aligne avec celle des collaborateurs en interne.
En revanche, les réseaux sociaux sont un bon indice de la performance du storytelling. En
effet, ils se chargent de montrer la popularité d’une entreprise et mettent explicitement en
avant les atouts ou failles de sa communication par le biais des commentaires.
Ainsi, le défi du communicant est de cerner le véritable rôle de sa marque et des valeurs de
son entreprise. Il appartient donc aux structures de définir avant tout leur positionnement et
outils adéquats avec leur culture d’entreprise. Quelle expérience souhaitent-‐elles proposer
et pour quelle portée symbolique ? Ce sont ceux qui auront l’ambition de répondre à ces
questions qui pourront obtenir le maximum de leur storytelling. Le « Il était une fois » n’a
pas fini de faire rêver, même les publics les plus sérieux.
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 78
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2013 http://communicationorganisation.revues.org/829
• Ariane Warlin, Le Nouvel Economiste, Musée d’entreprise – Un retour sur investissement
plus immatériel que matériel, publié le 24/11/2010
• Christine Piédalu, Les entreprises deviennent accros aux «serious games», Le Figaro, publié le
27/04/2012 http://www.lefigaro.fr/emploi/2012/04/27/09005-‐20120427ARTFIG00719-‐les-‐
entreprises-‐deviennent-‐accros-‐aux-‐serious-‐games.php
• 1 Equipe Dynamique Entrepreneuriale, 10 grandes entreprises qui ont adopté les serious
games, dynamique-‐mag.com, publié le 27/01/2014 http://www.dynamique-‐
mag.com/article/grandes-‐entreprises-‐adopte-‐serious-‐games.4778
• Le Monde, Aux Etats-‐Unis, la SNCF risque de perdre un appel d'offres pour son rôle dans la
Shoah, le 05/02/2014
Flore Bretonnière – CELSA-‐ Master II CEOI – Année 2013/2014 81
DOCUMENTS CORPORATE
• Note de cadrage de la Direction de la Communication de Suez Environnement sur le
storytelling, 2013
• Rapport de Développement Durable du groupe Lafarge, 2004
• Rapport d’activité et de Développement Durable de Suez, 2004
• Rapport d’activité 2011 SUEZ ENVIRONNEMENT
• Rapport Annuel de BNP Paribas Cardif 2009
http://www.bnpparibascardif.com/fr/fr/cid3190575/rapport-‐annuel-‐2009-‐hyper-‐document-‐
relie-‐aux-‐reseaux-‐sociaux.html
• Suez environnement magazine, N°10, Juin 2014
• Site Institutionnel de Suez Environnement http://www.suez-‐
environnement.fr/groupe/profil/showroom-‐17/le-‐concept/
• Site Institutionnel de BNP Paribas, http://www.bnpparibas.com/nous-‐connaitre/culture-‐
dentreprise/groupe-‐d-‐envergure-‐mondiale/archives-‐et-‐histoire, consulté le 23/08/2014
• Site Institutionnel de BNP Paribas, Généalogie du Groupe,
http://www.bnpparibas.com/nous-‐connaitre/culture-‐dentreprise/groupe-‐d-‐envergure-‐
mondiale/genealogie-‐du-‐groupe, consulté le 22/08/2014
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ANNEXES
Annexe 1 : Les trois composantes nécessaires du statut de marque
Annexe 2 : Image du blog « Bien au quotidien de Danone »
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Annexe 3 : L’eMag, le magazine externe de SUEZ ENVIRONNEMENT
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Annexe 4: le blog living circular de veolia et sa rubrique galerie des héros
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Annexe 5 : Interview croisée entre le PDG et la directrice de la communication dans le RADD 2011
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Annexe 6 : Illustration du Rapport annuel 2011 de SUEZ ENVIRONNEMENT
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Annexe 7 : Illustrations Rapport annuel 2013 de SUEZ ENVIRONNEMENT
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Annexe 8 : Le 17, musée d’entreprise de SUEZ ENVIRONNEMENT
Schéma du parcours immersif au showroom du 17-‐Image du site corporate de SUEZ ENVIRONNEMENT.
Vue du showroom avec l’olivier, le tunnel et des espaces d’apprentissage interactif-‐photo du site corporate de SUEZ ENVIRONNEMENT.
L’arbre de SUEZ ENVIRONNEMENT-‐Image du site corporate de SUEZ ENVIRONNEMENT
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Annexe 9: Mise en place d’un dispositif en cascade pour la diffusion des dossiers de presse
storytelling en interne
Résumé : Les dossiers de presse Storytelling ont été diffusés dans une première étape et simultanément auprès de la cible dirigeante (Comité de Direction, Comité Exécutif et Conseil d’Administration) ainsi qu’au cœur de cible opérationnel. Celui-‐ci est constitué d’experts, l’ensemble des communicants regroupé dans le réseau des communicants ainsi que les commerciaux puis les Top executives. Enfin la cible générale est constituée par l’ensemble des collaborateurs du groupe en France et à l’international.
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Annexe 10: Prototypes d’affiches pour la diffusion des success stories storytelling en interne
Annexe 11 : Btwin, l’intranet de SUEZ ENVIRONNEMENT
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Annexe 12 : Mr Propre dans la campagne Real Business de Xerox
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Annexe 13 : Campagne « Ouvrir un grand cru » d’Eau de Paris
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Annexe 14: Entretien téléphonique avec Sébastien Durand
1. Quelle est votre définition du storytelling ?
C’est une technique de communication qui fait appel au pouvoir émotionnel du récit. Plutôt que de parler de produits ou de services, cette technique sert à capter l’attention en créant des connexions émotionnelles entre une marque émetteur, et le récepteur, son client.
2. A partir de quand peut-‐on considérer qu’un support de communication est un support du storytelling ? Exemple : site internet corporate qui présente l’entreprise.
Raconter son histoire sur un site web ce n’est pas du storytelling ! La partie historique d’une marque n’est pas du storytelling. Le storytelling, c’est l’histoire au service de l’entreprise. Rappeler qu’on existe depuis que 50 ans, ce n‘est pas du Storytelling. Mais dire qu’on existe depuis 50 ans, qu’on a su résister aux crises, c’est du storytelling. Par exemple, le rapport annuel ce n’est pas du storytelling, mais le choix de la couleur pour transmettre une émotion, si. Sur la couverture du RA Eurodisney, Mickey embrasse une petite fille : pas besoin de faire ça pour un rapport envoyé aux actionnaires et qui donne le CA. C’est communiquer bien plus que des résultats financiers en l’occurrence donc ce RA fait du storytelling. Par exemple, dire Disney fête ses 20 ans ce n’est pas du storytelling. Mais Dire que ça fait 20 ans que les gens grandissent avec eux, que ça appartient au paysage quotidien, que des gens ont toujours connu disneyland, c’est du storytelling. Le storytelling se distingue donc du simple fait de raconter son histoire.
3. Pouvez-‐vous nous expliquer pourquoi le storytelling est devenu incontournable dans le secteur B to B ?
C’est une technique qui se développe de plus en plus dans le secteur B to B. A la base, c’est comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir. Les secteurs du luxe et du tourisme ont toujours du vendre plus qu’un produit. D’autres secteurs, à priori moins glamour, émotionnellement moins attachants pour leurs cibles : comme le secteur des services, les banques, les assurances s’en sont emparés. Aujourd’hui, personne n’est à l’abri de faire du storytelling, tout le monde se pose la question de savoir comment faire du storytelling. Il y a un contexte de crise et depuis quelques années, tous les fondamentaux de la communication et du marketing ont du être revus à l’aune de la crise financière, qui est aussi une crise de civilisation, de sens. Tous ont besoin de se poser des questions, même des entreprises, comme les banques, qui se contentaient de dire qu’elles existaient depuis tant d’années: l’âge était preuve de solidité. Aujourd’hui, il faut recréer une connexion émotionnelle ; lien de confiance avec les clients, car celui ci a été perdu avec la crise. Aujourd’hui, tous les secteurs sont obligés de faire du storytelling.
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4. Comment communiquer dans les secteurs dits d’importance vitale comme le secteur de l’eau ou de l’énergie?
Aujourd’hui, les secteurs de l’énergie, de la santé ou de l’eau : communiquent sur des données incontestables… Le fait d’être sur des thématiques très émotionnelles permet de communiquer car touchent à nos besoins fondamentaux. Mais il y a également des thématiques compliquées à comprendre, et à avoir un discours positif dessus est délicat. Ex :Traitement des déchets : avant qui communiquait pas Il faut prendre en compte les parties prenantes : on ne s’adresse pas juste à notre cible directe mais à des gens qui peuvent exercer une influence sur ceux qui vont acheter les produits : c’est le storytelling des parties prentantes. Si on prend une entreprise de BTP comme Bouygues, à la base, pas besoin de passer à la tv. Mais pour que le maire s’engage auprès de Bouygues, il faut que les administrés l’acceptent sans problème. Faut que Bouygues recrute, or ce secteur a du mal à recruter. Ils ont besoin de voir des choses politiques sur Bouygues pour se décider. Il sont allés vers la publicité il y a 3, 4 ans surtout vis à vis de l’interne, pour réapproprier une fierté d’appartenance à l’entreprise car pas forcément une entreprise qui a une bonne réputation de l’extérieur .Quand on veut recruter des gens à l’externe, il faut qu’ils aient envie de venir chez vous : derrière cette image et le salaire qu’on va leur proposer, il y a aussi pourquoi eux ont choisi cette entreprise. Exemple : Table ronde animée par Challenges : chefs d’entreprise rencontraient des jeunes diplômés qui venaient d’intégrer leur entreprise et discutaient avec eux sous le regard des journalistes de challenges, et d’animateurs de table (comme Sébastien Durand). 4 jeunes cadres venant d’intégrer TOTAL et étaient très fiers de rencontrer le PDG Christophe de Margerie. Mais dès qu’on a commencé à creuser, on s’est aperçus qu’ils disaient être « génant quand je dis à ma famille que j’ai rejoint TOTAL, on me dit que je travaille pour le plus grand voleur de France, on m’attaque… » PDG était mal à l’aise alors que c’était le premier à dire que ce n’est pas nécessaire de faire de la communication , que TOTAL n’a pas besoin d’être aimé car on ne peut pas se passer de cette entreprise et que la seule responsabilité est à l’égard des actionnaires ; à un moment, avec cette attitude , il risque d’être embêté pour recruter des gens car il ne suffit pas d’être bien payé , vis à vis de leur entourage, il faut assumer de travailler pour l’ entreprise « la plus détestée de France ». Il y a environ deux ans, TOTAL a été ponctionné au nom de super bénéfices et que l’Etat avait le droit de faire une imposition spécifique: incroyable de ponctionner en plus alors que cette entreprise est normalement imposée déjà juridiquement incohérent et pourtant personne n’a volé au secours de TOTAL, parce que cette entreprise ne génère aucun affect. Une entreprise comme TOTAL doit aussi réfléchir au besoin qu’elle raconte, car même si tout roule pour elle et qu’elle est indispensable, si TOTAL n’a personne politiquement qui vole à son secours quand un gouvernement veut la taxer, c’est là qu’on voit le problème de ne pas avoir su créer une connexion émotionnelle avec les parties prenantes, pas seulement ces clients, mais les parlementaires, les villes,… TOTAL essaie depuis quelques années : travail de longue haleine, par ex à travers la publicité. TOTAL a fait beaucoup de démarches en RSE : il faut du temps ; il s’agit pas dire
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qu’on a des supers fondations. Chaque fois qu’il y a une marée noire, la réaction de TOTAL a été de dire que ce n’est pas de notre faute car nous ne sommes pas l’armateur de ce bateau. Ce n’est pas audible de dire que c’est la faute de l’armateur qui n’a pas bien inspecté le bateau quand du pétrole est éparpillé dans l’océan. Campagnes de pub il y a déjà plusieurs années « vous ne viendrez plus chez nous par hasard »:de façon tout à fait décalée puisque c’est faux, personne ne choisit d’aller chez TOTAL, il n’y a pas le choix de choisir TOTAL au détriment d’un de ses concurrents, aucun affect, c’est juste que la station est plus proche ou moins chère.
5. Comment le storytelling s’imbrique dans les démarches RSE ? Le storytelling s’imbrique nécessairement dans la RSE car doit servir la stratégie de l’entreprise sur tous ces supports. On ne peut pas considérer qu’on peut faire du storytelling vis à vis du public client, extérieur, et ne pas pratiquer le même storytelling en interne. Pendant très longtemps, les entreprises ont eu des discours qui variaient selon les cibles car finalement, ce qu’on disait aux syndicats, ce n’est pas la même chose que ce qui était dit aux actionnaires. A l’époque, les personness qui dirigeaient un syndicat ne savaient pas lire un rapport annuel et en même temps les actionnaires ne pensaient pas à ce que pouvaient penser les salariés, mais ça c’était il y a 20 ans ! Or aujourd’hui, les gens s’intéressent à tout, avec internet, on a accès à des informations. Nécessité de cohérence dans leur stratégie de marketing : on doit pratiquer ce qu’on dit, et dire/faire ce qu’on pratique, ça fait partie des choses de base. Ça doit être visible dans la façon dont on traite les gens en interne, la politique RSE aujourd’hui est impactée au même titre que tous les autres aspects de la communication des entreprises.
6. Quelles seraient vos recommandations pour implanter un storytelling dans le cadre d’un changement de marque dans une entreprise avec plusieurs filiales ?
Quand on est sur un groupe qui représente plusieurs marques, avec des histoires particulières, il faut prendre en compte ces différentes histoires pour en créer une nouvelle qui implique chacun, c’est une technique de storytelling que l’on appelle le « storytelling projectif » qui s’applique à créer une nouvelle histoire, tous ensemble, en faisant travailler les différents secteurs. Pour que la démarche storytelling fonctionne, elle doit être portée par la communication mais pas seulement, elle doit impliquer les autres parties de l’entreprise : c’est très bien d’avoir une bonne technique de communication, mais si les commerciaux ne la portent pas auprès de leurs cibles, cela ne marche pas. Exemple des produits en boutiques : si l’aménagement, le costume du personnel, et la formation des vendeurs ne correspond pas au storytelling, ça ne va pas marcher. La mise en place d’une démarche doit être pilotée au niveau direction marketing communication en général, mais elle doit impliquer différents acteurs de l’entreprise, issus des différents parties de la boite, pour tenir compte de leurs avis, de leur histoire à eux mais aussi pour qu’ils puissent s’en saisir et en être les ambassadeurs. Une entreprise dont les collaborateurs ne croient pas à ce qui est dit à l’extérieur, ne sera jamais experte en matière de storytelling. On ne va pas évangéliser une fois que le storytelling a été déterminé en leur expliquant ce qu’on a décidé, c’est seulemenen les impliquant en amont sur la façon et sur le choix du storytelling, sur la façon dont on va le raconter.
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Annexe 15 : Entretien avec Céline Hervé Bazin
1. A l’heure du développement durable, comment une entreprise peut-‐elle communiquer
efficacement sur sa stratégie de développement durable sans tomber dans l’écueil du « green washing » ?
Déjà en faisant ce qu’elle annonce et non pas en habillant son discours. Ensuite, en consultant les règles / caractéristiques qui définissent le green washing et en soumettant sa campagne au test des critères proposés. Enfin et surtout, en privilégiant une démarche intégrée au sein de son entreprise qui parte de l’interne vers l’externe pour être cohérent dans son discours. Bref, en déployant une vraie vision, des valeurs et des actes dans lesquels ses employés et ses clients se reconnaissent et la reconnaissent.
2. Lorsqu’une entreprise communique sur ses démarches de développement durable, fait-‐elle nécessairement du storytelling ?
On peut tout à fait communiquer sur le développement durable de manière très pragmatique (les normes, tableaux d’indicateurs, etc.) et ne pas proposer de récit. Il me semble que la majorité des démarches DD ne propose pas de storytelling. Le développement durable a des applications concrètes qui s’incarnent sans avoir besoin de raconter et de se raconter.
3. Comment storytelling et développement durable s’imbriquent-‐ils ? Selon moi, c’est essentiellement dans la mise en lien de faits complexes, l’explication de processus, d’une démarche, d’une décision suivie par des objectifs, des plans d’actions, des activités concrètes en fonction des différents piliers du DD, de la philosophie et de la vie de l’entreprise concernée.
4. Des contenus qualifiés de « froid » comme le rapport annuel, le document de référence peuvent-‐ils être des supports du storytelling ? Quel est l’intérêt pour l’entreprise de solliciter le storytelling sur ce type de contenus? Pouvez-‐vous nous citer des exemples ?
Oui tout à fait mais il faut accepter qu’ils ne soient pas un document uniquement contractuel obligatoire (tels que demandés aux grosses entreprises aujourd’hui). Avoir des critères obligatoires ne veut pas dire, ne pas proposer une manière narrative de les proposer. L’intérêt réside dans la nouveauté, dans le fait de susciter l’intérêt sur une tâche qui souvent fastidieuse et répétitive. L’enjeu est d’arriver à équilibrer avec les éléments obligatoires et le caractère classique du Rapport Annuel et un peu de créativité, mise en scène et narration qui puissent permettre d’incarner une vision de DD, générer de l’adhésion, de la compréhension… Il peut y avoir du storytelling visuel (mise en scène de la chronologie), par l’utilisation de données (dataviz, Havas 2010) ou de plusieurs médias notamment en développant un rapport annuel sur Internet (Eurodisney 2011, MOMA 2012).
5. Quelles sont les particularités de la communication des OIV130 ? Peut-‐on considérer qu’il y a
130 Opérateurs d’Importance Vitale sont une catégorie d’organisation identifiée par un État comme ayant des activités d'importances vitales. Douze secteurs d’activités d’importance vitale (SAIV) ont été définis dans un arrêté du 2 juin 2006, modifié par un arrêté du 3 juillet 2008 à savoir :
. Secteurs étatiques : activités civiles de l’Etat; activités militaires de l’Etat; activités judiciaires; espace et recherche.
. Secteurs de la protection des citoyens : santé; gestion de l’eau; alimentation.
. Secteurs de la vie économique et sociale de la nation : énergie; communication, électronique, audiovisuel et information; transports; finances; industrie.
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un manque de communication de leur part? Pouvez nous donnez des exemples ? Le concept d’OIV est très large et regroupe des secteurs très différents. En regardant la liste des secteurs concernés, je dirais spontanément que ce qui les distingue est la notion de service public, service aux citoyens, service à la cité et par extension à l’espace public. De fait, ils ont la double caractéristique d’être obligatoire / essentiel / inévitable ce qui facilite la démarche marketing et peut les rendre moins innovants (sauf cas de concurrence forte : énergie : électricité domiciliaire, eau : eau minérale, alimentation : industrie agroalimentaire, santé : médicaments, transports : voiture), moins enclins à changer et qu’ils ont une mission, des responsabilités et un devoir très prégnants qui les obligent à délivrer des services et produits conformes à des normes. Je ne pense qu’il y ait une communication insuffisante mais peut-‐être une communication trop classique, pas forcément ciblée, moins orientée par une démarche de marketing (qui pousse souvent à être plus inventif ou intrusif).
6. Comment le storytelling peut-‐il faire la différence dans ces secteurs qualifiés de stratégiques? Quel est leur intérêt ? Est ce qu’il est déjà utilisé au sein des OIV ? (Exemples)
L’intérêt est de rendre compréhensible des activités que beaucoup de personnes ne connaissent pas et de rendre accessible des activités qui n’intéressent face à la concurrence des produits des industries culturelles.
7. Quels sont les bénéfices de la communication, et notamment du storytelling, pour des activités qui sont considérées indispensables ?
Arriver à sensibiliser, faire prendre conscience, et éventuellement, faire évoluer des pratiques qui viseraient à mieux gérer et mieux protéger les ressources environnementales et ces services essentiels.
8. Quels sont les enjeux du secteur de l’eau et de sa communication ? Ouh là, c’est le sujet de mon livre ! En quelques mots, c’est la gestion des échelles : échelles d’acteurs, échelles de messages, échelles de gestion de la ressource qui est locale à internationale. Regardez cet article. C’est aussi une question de rapport à une ressource transversale qui n’est pas qu’un liquide, une molécule mais aussi bien un usage, une denrée, un service, un enjeu géopolitique. Je vous passerai mon bouquin à l’occasion.
9. Quel est l’intérêt pour une entreprise dans la gestion de l’eau de faire du storytelling ? La gestion de l’eau appartient aux OIV.
Idem précédent. Se mettre au niveau du citoyen, de l’individu et non pas se mettre en position d’expert, émetteur, d’énonciateur… L’emmener en balade plutôt que lui donner des leçons ou lui proposer des contenus qui ne l’intéressent pas, n’éveillent pas sa curiosité. (Mais n’oublions pas qu’il y a toujours un part de convaincus qui eux savent beaucoup et sont plus exigeants°
10. Avez vous des illustrations de storytelling dans la gestion de l’eau ? The story of bottled water. D’une manière générale, les communications sur l’eau minérale versus eau du robinet sont des exemples de storytelling… Les marques d’eau minérale sont très fortes en la matière. Les ONG humanitaires aussi se défendent bien (charity water en tête, mais water.org et
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toutes les ONG « américaines » de l’eau se débrouillent bien, l’UNICEF aussi).
11. Quels sont les défis pour une entreprise aux nombreuses filiales qui cherche à harmoniser sa communication ? et dans l’hypothèse d’un changement de marque ?
Comme SE vous voulez dire ? …C’est de respecter les identités locales, les identités des filiales qui existent aux yeux de leur client, de leur territoire et en parallèle, de changer trop souvent en peu de temps qui perd un peu le client aussi (et qui ouvre la critique facile, encore un truc de communiquant)
12. Comment le storytelling peut-‐il accompagner le changement de marque ? Expliquer le pourquoi du comment et donner une cohérence forcément nécessaire, accompagner le changement et susciter l’adhésion.
13. Quelles sont les limites d’une communication axée sur le storytelling ? Quels seraient les symptômes de son inefficacité ? Et dans le cas d’un opérateur dans la gestion de l’eau en particulier ?
Limites : Green washing bien évidemment. Manque de concret, être de l’affichage… Pour l’eau, le risque à courir est celui de la confrontation aux discours politique et médiatique, la gestion de l’eau étant un sujet surinvesti par les médias et les idéologies, faire du storytelling, c’est entrer dans un récit de l’eau, des guerres médiatiques de l’eau. C’est tout l’enjeu, l’intérêt, le défi… Arriver à proposer une communication pertinente sur ses sujets, qui soit légitime tout en contrôlant ce que les parties prenantes vont forcément vouloir objecter à un récit venant d’une entreprise privée… C’est prendre le risque de la visibilité, bien anticipé, il peut créer des discours un peu plus intelligent et fédérateur que ce qu’on voit dans les médias et les lignes politico-‐politiques de la gestion de l’eau.
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RESUME
Dans notre époque qualifiée de « dream society » par Rolf Jansen131, le storytelling arrive à
point nommé. En effet, notre quotidien est fourni de messages variés et continus alors que
notre capacité à les mémoriser est elle, limitée. Dans ces circonstances, il est de plus en plus
difficile pour les organisations de captiver leurs publics. Or, le storytelling semble apporter
une clé de lecture différente des vecteurs de communication. Son objectif principal consiste
à susciter l’émotion en racontant une histoire. Ainsi, il parvient à séduire les différentes
parties prenantes de l’entreprise en remplaçant la diffusion d’informations strictement
techniques. Omniprésent dans les stratégies de communication des grandes marques, son
appropriation par les entreprises du B to B semble moins évidente. Mais bien que moins
familières, ces dernières n’échappent pas à cette technique. C’est pourquoi ce mémoire
cherche à déterminer dans quelle mesure le storytelling est devenu un enjeu stratégique de
la communication de ces organisations.
Dans une première partie, cette analyse définit les contours du storytelling, cet « art de
raconter les histoires » tout en mettant en avant les particularités de ce concept. Polyvalent,
ce storytelling que nous avons qualifié de « couteau-‐suisse » permet de créer du lien avec
ses cibles. La deuxième se veut une cartographie du large champ d’applications du
storytelling, en interne comme en externe notamment via les outils de brand content. Ces
possibilités doivent toutefois être nuancées. Par ailleurs, cette étude s’intéresse également
aux entreprises du B to B, comme SUEZ ENVIRONNEMENT, qui s’approprient
progressivement les codes de la narration et qui capitalisent sur le « il était une fois ». Enfin,
bien que le succès du storytelling soit avéré, sa mise en place reste plus délicate. Elle
requiert de bien connaître l’ADN de son entreprise et son histoire. De plus, la cohérence et
l’inscription sur le long terme sont capitales pour en faire un véritable vecteur de
performance.
Déterminant dans la stratégie et l’identité des organisations, les limites du storytelling
doivent cependant être soulignées.
131 JANSEN Rolf, « The Dream Society: How the Coming Shift from Information to Imagination Will Transform Your Business », 2001
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INDEX ADN, 61
Air France, 48
ambassadeur, 33, 51
B2B, 11, 62
B2C, 62
B2R, 11
blogs, 1, 24
BNP Paribas, 42, 56, 58
Bouygues, 60, 69
Brand Content, 56
collaborateurs, 1, 2, 3, 5, 6, 21, 23, 31, 32, 34,
42, 43, 44, 46, 47, 51, 53, 56, 58, 59, 60, 61,
66, 71
contenu, 14, 24, 42, 44, 61, 63
EDF, 60
GDF SUEZ, 4, 30, 46
green washing, 34, 72
héros, 1, 11, 15, 28, 35, 66
homo narrans, 20
IBM, 43
infobésité, 8, 12, 13, 66
innovation, 10, 29, 45, 46, 49, 60
intranet, 23, 31, 33, 42, 43, 44, 66
Knowledge Management, 10
légendes patronales, 1, 28
Louis Vuitton, 3, 17, 45, 48
magazines, 1, 24
marque, 4, 5, 6, 7, 9, 11, 13, 17, 18, 19, 21, 22,
24, 30, 34, 45, 48, 50, 51, 60, 61, 63, 67, 68,
70, 74
Michelin, 3, 51
musée d’entreprise, 47
narratologie, 1, 20
NTIC, 13
Orange, 51, 60, 61
parties prenantes, 1, 6, 8, 12, 14, 15, 19, 21,
34, 35, 37, 42, 48, 55, 67, 70, 74
parties-‐prenantes, 3, 8, 37
publication, 13, 24, 26, 45
RADD, 34, 35, 36, 37
rapport annuel, 28, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 68,
70, 72
récit, 1, 2, 3, 8, 9, 15, 16, 17, 20, 21, 23, 29, 36,
37, 43, 45, 47, 50, 52, 53, 55, 57, 58, 61, 62,
63, 65, 68, 72, 74
Renault, 51
RSE, 37, 70
serious game, 1, 23, 46, 51, 52, 53, 54
SNCF, 53, 63, 64
société de l’information, 7, 8, 12, 13, 61
storyteller, 67
success stories, 16, 29, 32
SUEZ ENVIRONNEMENT, 4, 5, 6, 24, 26, 28, 30,
33, 34, 35, 36, 39, 40, 41, 44, 45, 46, 48, 49,
50, 51, 53
TF1, 60
Thalès, 51
valeurs, 3, 9, 12, 15, 16, 18, 19, 20, 23, 24, 29,
35, 42, 43, 45, 46, 47, 50, 55, 58, 59, 60, 66,
72
web 2.0, 6, 13, 14
Xerox, 62, 63