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Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER POURQUOI JE NE CROIS PAS A LA FAILLITE DU CHRISTIANISME ? TEXTE REPRODUIT INTEGRALEMENT SUIVANT DECRYPTAGE DU SUPORT ENREGISTRE De fait, le thème « faillite » je ne l’ai pas choisi par hasard. Nous sommes repartis malheureusement dans un cycle je crois économiquement plus dur mais le premier était 2008 et c’est à ce moment là que « Nouvelle Cité » m’a demandé de reprendre un propos que j’avais déjà fait et le mot « faillite » m’est très vite venu. Alors ce matin déjà au petit-déjeuner : « Ah c’est vous qui parlez de la faillite, mais à quel titre mais moi je n’y crois pas du tout à la faillite. » Evidemment. Mais il faut, de temps en temps, oser les « mots chocs » et s’il faut les oser c’est parce que le monde, les gens qui nous regardent se posent cette question. Vos enfants se posent cette question. Vos petits-enfants se posent cette question. Et vous- même, responsables d’hospitalités, les malades dont vous avez

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Intervention de Monsieur le Chanoine Eric

de BEUKELAER

POURQUOI

JE NE CROIS PAS

A LA FAILLITE DU

CHRISTIANISME ?

TEXTE REPRODUIT INTEGRALEMENT SUIVANT

DECRYPTAGE DU SUPORT ENREGISTRE

De fait, le thème « faillite » je ne l’ai pas choisi par hasard.

Nous sommes repartis malheureusement dans un cycle je crois

économiquement plus dur mais le premier était 2008 et c’est à

ce moment là que « Nouvelle Cité » m’a demandé de

reprendre un propos que j’avais déjà fait et le mot « faillite »

m’est très vite venu.

Alors ce matin déjà au petit-déjeuner : « Ah c’est vous qui

parlez de la faillite, mais à quel titre mais moi je n’y crois pas

du tout à la faillite. » Evidemment.

Mais il faut, de temps en temps, oser les « mots chocs » et s’il

faut les oser c’est parce que le monde, les gens qui nous

regardent se posent cette question. Vos enfants se posent cette

question. Vos petits-enfants se posent cette question. Et vous-

même, responsables d’hospitalités, les malades dont vous avez

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la charge, les malades que vous servez se posent également

cette question et nous devons pouvoir y répondre.

Alors une réponse courte, qui est évidemment la meilleure. La

réponse courte c’est de se dire de deux choses l’une :

- Soit le christianisme est un produit humain, comme d’autres,

et alors, comme toutes choses sur cette terre, il a eu un début

et il connaitra une fin. Les pharaons, 4 000 ans d’existence et

puis plus de pharaons. Les empereurs de Chine 4 000 ans

d’existence et puis pouf ... Rome a duré un peu plus de 1 000

ans et puis l’empire romain s’est écroulé. Toute chose sur cette

terre, un jour, la France, la Belgique (la Belgique peut-être plus tôt que la

France), connaitra sa fin. Toute chose humaine connaît sa fin.

Donc si le christianisme est simplement une construction

humaine, génial, Jésus étant un grand prophète mais pas un

prophète élu comme les autres.

- Oui, soit, le christianisme n’est pas qu’un produit humain il

est aussi un produit de l’humanité puisqu’il est venu parmi les

hommes mais il vient de Dieu, il est le projet de Dieu. Alors la

parole du Christ et les portes du mal ne pourront rien contre

elle. Alors c’est un acte de foi de se dire « le christianisme ne

passera pas » et cela nous dépasse.

C’est clair, ceci est la réponse courte et elle est utile parce que

mes collègues dans la prêtrise ici présents ou vous-même, je

crois qu’il nous arrive d’avoir des petits moments de

découragement soit dans sa paroisse, soit justement dans son

service d’hospitalité, soit simplement quand on voit le diocèse,

soit dans sa famille : mes enfants ne vont plus à la messe, les

petits-enfants, n’en parlons pas, il y en a qui ne sont même pas

baptisés et la réaction, parfois, c’est de se crisper et, à ce

moment là, il faut un acte de foi.

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L’ancien archevêque de MALINES-BRUXELLES, le cardinal

Godfried DANNEELS avait ce bon sens flamand et le soir il

racontait que quand il avait trop de soucis, qu’il était un peu

angoissé, en allant se coucher il y avait une petite croix dans

sa chambre à coucher et sa dernière pensée c‘était de dire avec

son bon accent flamand : « Seigneur, ce diocèse, c’est le tien

ou c’est le mien ? C’est le tien, hein, bon, moi je vais me

coucher. Bonsoir. » Je pense que nous devons faire cet acte de

foi, c’est à dire l’Eglise vient de Dieu. Parce qu’elle vient de

Dieu, d’une manière qui nous échappe, elle sera féconde et

donc, comme disent les jeunes « cools »

Mais une fois qu’on a dit cela, cela est la réponse courte, je

pourrais vous dire donc voilà, merci, au revoir. C’est comme

ces repas de nouvelle cuisine où il n’y a plus grand chose.

Non, je crois qu’il faut aller un peu plus loin et se dire, tiens,

d’accord mais maintenant est-ce que, avec un langage humain,

dans ce XXIème siècle qui est le nôtre, est-ce que nous pouvons

trouver les arguments pour expliquer la fécondité du

christianisme ?

C’est un petit chemin que je voudrais faire avec vous d’abord

à travers, brièvement, l’histoire du christianisme et puis,

réfléchir à ce XXIème siècle dans lequel nous sommes

aujourd’hui.

Je voudrais le faire en utilisant une parabole. Vous savez,

Jésus, pour garder l’attention de son public il utilisait le

langage des paraboles. C’étaient les paraboles de son époque :

« Le royaume de Dieu c’est comme un grand roi qui offre un

banquet, c’est comme un berger qui …, c’est comme un

semeur qui … ». Je vais faire la même chose à ma mesure et

utiliser une parabole d’aujourd’hui puisque j’ai parlé de

faillite. Je vais comparer l’Eglise de Jésus-Christ à une

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entreprise. Une parabole de nos jours. Mais je sais bien que

certain pourraient me dire que l’Eglise n’est pas une

entreprise. Non. C’est une parabole.

Comparons l’Eglise à une entreprise. Faisons l’état des lieux

de cette entreprise depuis, je dirais, la fin de la seconde guerre

mondiale et je dirais surtout la fin des années 50. Quelle est la

constatation ? C’est vrai que c’est une entreprise qui perd des

parts de marchés chaque année, qui a une image de marque

qui est déficitaire, qui a souvent des cadres vieillissants, qui a

beaucoup de clients ou de membres démotivés où le taux de

satisfaction n’est pas toujours optimal par rapport à l’Eglise

triomphante du 19ème siècle où tout n’était pas parfait mais,

c’est une constatation froide, comme peut en faire une société

d’audit.

Que fait-on quand une entreprise constate cela ? On invite

toute une série d’experts et on commence à réfléchir et dans

une entreprise qu’est-ce qu’on se dit : Est-ce qu’il faut revoir

le management, est-ce qu’il faut revoir le marketing, est-ce

qu’il faut revoir le merchandising, est-ce qu’il faut revoir le

packaging, vous savez, tous ces mots qui sont venus de

l’anglais et qui se terminent par « ing ».

Eh bien, dans l’histoire de l’Eglise catholique on n’a jamais

tant fait cela depuis le Concile Vatican II. Le Concile Vatican

II est le 1er Concile dans l’histoire de l’Eglise dont l’objet

principal, le sujet principal, n’est pas une question de foi, une

question de société. Le sujet principal de Vatican II c’est celui

qui parle, c’est-à-dire, l’Eglise elle-même. La 1ère fois qu’un

Concile avait comme sujet principal : soi-même, l’Eglise. Et

depuis le Concile, mais combien de Synodes, mises à jour, est-

ce qu’il faut aller comme ceci, est-ce qu’il faut aller comme

cela pour dire qu’on ne le fait pas. C’est faux, on n’a jamais

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tant fait et, si vous voulez mon avis, je crois qu’il faut le faire.

Parfois on fait un peu trop. Parfois à force de s’auto regarder

on oublie ce pourquoi on est là : ANNONCER JESUS-

CHRIST. Mai il faut le faire.

Est-ce qu’on a assez fait ? Ah, un autre débat. Evidemment, le

constat reste, on a fait le merchandising, le packaging, le

management, le machin, continué à perdre des parts de

marchés, on continue à avoir une image de marque déficitaire,

on continue à avoir un taux de satisfaction qui n’est pas

suffisant. Alors qu’est-ce qui se passe dans une entreprise

quand cela arrive ? On cherche un bouc émissaire. Les

syndicats vont dire ce sont les patrons, qu’est ce que vous

voulez, ils s’en mettent plein les poches. Et les patrons vont

dire ce sont les ouvriers qui pourraient plus travailler. On va

délocaliser dans les pays de l’Est. Vous allez voir ce que vous

allez voir.

Exactement la même chose que l’on peut vivre dans l’Eglise.

Comment voulez-vous que cela aille dans cette Eglise ? Ces

curés qui ne se respectent plus, qui n’ont plus la soutane, qui

n’ont plus le latin, qui n’ont plus … Et … pourquoi pas ?

Moi j’ai de temps en temps des gens qui me disent cela et puis

je les laisse parler. Je leur dit : vous avez surement raison mais

dites-moi si demain on se remet à faire la messe selon le rite

extraordinaire et que tous les prêtres mettent la soutane

pensez-vous que vos enfants et petits-enfants vont retourner à

l’Eglise ?

Et puis il y a les autres qu’est-ce que vous voulez on ne va pas

assez loin avec Opus Dei et le Vatican. Que l’on prenne des

hommes mariés et puis la place des femmes dans l’Eglise et il

faut que cela s’ouvre, que cela respire. Peut être. Moi je ne

suis très pragmatique. Je n’ai pas de boule de cristal. L’Esprit

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Saint, je ne sais ce qu’il dit à son Eglise pour demain ou après

demain mais je laisse parler ces gens là et je leur dit si demain

il y a des femmes prêtre, évêque, pape, tout ce que vous

coudrez, vos enfants, vos petits-enfants vont-ils retourner à

l’Eglise ?

Chercher un bouc émissaire. A gauche, à droite ou alors le

bouc émissaire préféré, surtout dans l’univers chrétien, c’est

soi-même. Ah, père, j’ai tout raté, vous savez. Voila, nos

enfants pourtant mon mari et moi les avons éduqués … et puis

les petits-enfants qui ne sont pas baptisés. Ah, je m’en veux.

Qu’est-ce que l’on a fait de mal ? Qu’est-ce qu’on … Et on se

culpabilise et du coup on a des chrétiens qui ont la tête jusque

par terre, qui donnent envie de prendre de l’aspirine et ils

s’étonnent que leurs petits-enfants n’aient pas tellement envie

d’être chrétien.

Mais non. Je dis souvent à ses parents et grands parents on a

sans doute fait des erreurs et moi aussi, bienvenue au club,

mais cela n’est pas comme cela que ça marche. La raison

principale c’est qu’on a changé et très, très vite.

Il y a encore 50, 60 ans, dans les villages d’Alsace, pour

n’importe quel adolescent, il y avait déjà la radio, le poste de

télévision dans quelques maisons, mais pour n’importe quel

adolescent, concrètement, le cœur du village, le cœur de son

monde c’était quoi ? C’était encore la tour de l’église, même

s’il y allait un peu moins souvent elle était là, le curé était là.

C’était le cœur du village.

Aujourd’hui, dans n’importe quel village d’Alsace et je vais

même vous dire même en Patagonie, dès qu’il y a l’électricité

et quelques moyens, le cœur concret mental pour tout

adolescent normalement constitué c’est quoi ? C’est l’écran de

son ordinateur, c’est Internet.

Page 7: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

Thierry et moi sommes d’une génération intermédiaire, c’était

la TV, la TV qui entrait au cœur des maisons. Aujourd’hui c’est

l’écran de l’ordinateur, c’est une structuration mentale

totalement différente. Je clique, je surfe, je passe, cela donne,

de fait, un monde différent. Des jeunes qui ne sont pas contre.

La génération des anticléricaux n’existe plus tellement.

Aujourd’hui ce sont des jeunes simplement qui ont du mal à

s’enraciner. J’en parlerai dans un instant. On vous écoute. On

dit oui, c’est bien ce que tu fais, grand père, grand mère et 10

minutes plus tard ils sont dans tout autre chose et on a

l’impression qu’ils ont du mal à faire le lien. Je clique, je

surfe. Le monde a changé.

Alors, voyez-vous, pour revenir à ma parabole, quand une

entreprise perd des parts de marchés, a un taux de satisfaction

qui n’est pas optimal, a des cadres démotivés, a une image de

marque poussiéreuse. Quand on s’est posé toutes les questions

: est-ce que c’est le management, est-ce que c’est le

marketing, est-ce que c’est le packaging, est-ce que c’est le

machin et qu’on s’est posé toutes ces questions, peut être pas

suffisamment, on peu continuer. Mais qu’on se les ait posé et

qu’une tendance continue, à ce moment là il faut qu’une

entreprise se pose la seule question qu’elle n’a pas envie de se

poser, mais qui est la seule question essentielle, mais, tout

compte fait, est-ce le produit que je vends est encore bon ?

Est-ce que le produit que je vends est encore compétitif ? Est-

ce qu’il n’y a pas de meilleur produit aujourd’hui sur le

marché ? C’est une question que l’on n’aime pas se poser

parce que c’est la question vitale. C’est une question de vie ou

de mort.

Eh bien, chers amis, pour le christianisme il en va exactement

de même.

Page 8: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

On peut se poser la question de remettre ou d’enlever les

soutanes, d’ordonner, de machin ou de chi ... La question

vitale, et je vous dirais c’est la seule qui m’intéresse vraiment,

ce qui ne veut pas dire que les autres inintéressantes mais elles

sont drôlement accessoires, c’est de se dire : Est-ce que le

christianisme est encore une bonne nouvelle pour vos enfants

et petits enfants ? Est-ce qu’aujourd’hui ils n’ont pas trouvé

mieux pour donner un sens à leur vie ? C’est cela la question

qu’il faut aborder, c’est cela la question aussi pour les malades

que vous accompagnez : QUELLE ESPERANCE LEUR

DONNONS-NOUS ?

Alors il est évident, je pense, que le christianisme est une

bonne nouvelle et que c’est un produit, pour employer ma

parabole, c’est un produit indémodable. Mais il s’agit encore

d’expliquer cela et de pouvoir l’expliquer de telle manière à ce

que, aujourd’hui encore, nous puissions nous entraîner à

annoncer le Christ avec enthousiasme, avec force.

Pour faire cela je voudrais tous d’abord faire un petit détour

par l’histoire avant d’arriver au XXIème siècle dans lequel

nous vivons.

En continuant ma parabole de l’Eglise comme une entreprise,

quelle est l’évolution que cette entreprise a connue au cours de

2 000 ans ? Eh bien, au cours des 2 000 ans de son histoire, si

je dois vraiment schématiser très, très, très fort, je dirais qu’il

y a eu 4 modèles d’entreprise.

Je m’explique : 1er modèle d’entreprise : je ne sais pas si vous

avez suivi ou si vous vous y connaissez un tout petit peu en

informatique, plus que moi ce n’est pas très difficile. Je ne sais

pas si vous avez suivi tout ce que l’on a écrit sur la mort de

Steve JOBS, le fondateur d’Apple, un des grands pionniers

dans le monde de l’informatique? Tout le monde racontait

Page 9: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

qu’au début il avait commencé dans sa cave ou son garage

avec un associé. C’est là que tout a commencé. Toute

multinationale commence par ce que l’on appelle un «

STARTUP » une toute petite entreprise.

Eh bien, le christianisme, si je le compare à une entreprise, a

commencé comme un startup. Un startup c’est quoi ? C’est un

nouveau concept d’entreprise, peu de moyens mais une idée

révolutionnaire nouvelle qui va s’imposer dans un marché et

qui va essayer de croître. C’est exactement comme cela que le

christianisme a commencé, l’événement de la mort et de la

résurrection du Christ se greffant sur toute l’histoire d’Israël a

été une nouvelle vraiment appropriée à l’époque où elle est

apparue, l’année 30, année de la mort et de la résurrection du

Christ selon les historiens. Elle est apparue comme quelque

chose de fort et de nouveau. A la fois un message universel

dans un monde très stratifié, un message qui s’adresse aux

esclaves comme aux empereurs et en même temps un message

de bienveillance mais aussi d’exigence dans un monde qui

avait un comportement moral même très relatif. Un message

qui prend l’homme dans toutes ses dimensions au sérieux tant

par rapport à l’honnêteté que la vie familiale que la vie

politique, un message qui prend l’homme vraiment au sérieux.

Cette petite entreprise, eh bien, elle a commencé à se

développer. On a vu que très vite, à travers les canaux de

circulation de l’empire romain, le christianisme a circulé et, je

dirais que, comme tout startup, comme toute petite entreprise

l’Eglise a connue les joies et les difficultés de cette époque.

Quelles sont les joies d’un startup, d’une entreprise qui se

créé, qui doit se battre ? Les joies c’est que c’est l’époque des

pionniers. Ceux d’entre vous qui ont commencé une entreprise

ou qui connaissent quelqu’un qui l’a fait, un enfant ou un petit

enfant, savent bien que lorsqu’on se bat pour sa propre

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entreprise il n’y a pas de soirée, il n’y a pas de week-end.

C’est sans cesse une question de vie ou de mort. On se donne

totalement. Si on n’est pas passionné, on ne le fait pas.

Eh bien, de même, durant ces premiers siècles d’existence de

l’histoire de l’Eglise il n’y avait pas de statut protégé pour les

chrétiens. Etre chrétien c’était risquer sa vie et donc c’est

l’époque des martyrs, c’est l’époque vraiment où on se donne

pleinement, où on n’a pas de privilège d’Etat et c’est pour cela

que c’est une époque qui, aujourd’hui encore, nous inspire

tellement.

Par contre quelles sont les peines, les difficultés d’un startup :

d’abord la concurrence va essayer de l’écraser évidemment.

Les grandes entreprises ne vont pas laisser ce petit nabot

essayer de grandir. A côté de cela, souvent, durant les

premières années, s’il y a quelques associés on risque de se

disputer parce qu’on n’est pas d’accord et certains claquent

même la porte. C’est exactement, sans rentrer dans les détails,

l’histoire des premiers siècles du christianisme : les

persécutions au fur et à mesure que le christianisme augmente,

et puis des querelles internes pour des questions de foi ou de

discipline qui sont parfois très douloureuses d’où les premiers

Conciles et d’où aussi les premiers groupes de chrétiens qui se

séparent de la grande Eglise. Ca, se sont les premiers siècles.

L’Eglise est comme un startup, une petite entreprise. Le bon

côté c’est l’époque des pionniers, l’époque des martyrs. Le

moins bon côté ce sont aussi des moments de lutte soit contre

les persécutions, soit à l’intérieur.

L’époque, l’an 30 jusque, date fétiche, 380. Pourquoi 380 ?

Parce qu’en 313, si vous connaissez un peu votre histoire,

l’empereur Constantin se dit lui-même catéchumène chrétien

et c’est la fin des persécutions. Mais en l’an 380 l’empereur

Page 11: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

Théodase fait du christianisme la religion d’Etat. Cela veut

dire que le christianisme s’installe dans les souliers des

anciennes religions officielles de l’empire romain. Il devient

lui-même la seule religion reconnue et on passe à autre chose.

380, le christianisme devient « RELIGION D’ETAT ».

Je reviens à ma parabole de la petite entreprise qui est devenue

une grande entreprise. Comment appelle-t-on une entreprise et

l’Etat dit il n’y a que cette entreprise là que je reconnais, elle

est la seule à pouvoir, pour ce produit là, occuper le marché,

en France vous avez eu les PTT, l’Eau, le Gaz, cela s’appelle

un monopole d’Etat.

Le christianisme qui a commencé comme un startup, une

petite entreprise avec un nouveau projet comme Steve JOBS

avec Apple. Il a tellement réussi que, pour se maintenir,

l’empire romain en fait un monopole d’Etat. Et le monopole

d’Etat il va durer jusque quand ? Jusqu’à la Révolution Française. 1

400 ans de monopole d’Etat ? Près de ¾ de l’histoire du

christianisme est celle d’un monopole d’Etat. Il faut le savoir,

cela permet de comprendre beaucoup de choses.

Alors, une fois de plus, un monopole d’Etat est-ce que c’est

bon, est-ce que ce n’est pas bon ? Comme tout modèle

économique il a ses avantages, il a ses inconvénients. Il est

évident nous sommes tous des enfants de la Révolution Française et

Jean-Paul II lui-même a dit que la laïcité politique était un

bienfait. Personne ne veut revenir à une confusion entre

l’Eglise et l’Etat mais, pour l’époque, il y a du bon et il y a du

moins bon.

L’avantage d’un monopole d’Etat c’est qu’un prix, défiant

toute concurrence, permet de faire parvenir un produit de 1ère

nécessité à autant de monde que possible. C’est pourquoi les

grands secteurs de l’économie souvent et surtout après les

Page 12: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

guerres, deviennent des monopoles d’Etat. L’Etat souhaite que

tous les citoyens aient accès aux Postes, à l’Eau, au Gaz et à

des prix qui leurs permettent de vivre. Ca, c’est le bon côté

d’un monopole d’état.

Et de même, si je dois revenir à l’histoire de l’Eglise, le bon

côté, du fait que l’Eglise soit devenue une religion d’Etat, a été

que, par tous les canaux de l’empire romain et puis quand sont

venus Clovis et puis Charlemagne, mais tout cela n’est qu’en

continuité. A travers les canaux politiques le christianisme est

parvenu à s’insérer partout, jusqu’au dernier petit village

d’Alsace ou de Belgique. Et, croyez-moi bien, il a fallu des

siècles pour cela. On parle de St. Martin et des évangélisateurs

des campagnes mais les villes ont été rapidement

christianisées. Les campagnes, pendant les premiers siècles,

les curés étaient un peu druides et les druides un peu curé.

C’était un peu … Il a fallu vraiment du temps pour que le

christianisme y parvienne. Et alors, on a aujourd’hui, on est

tous un peu les héritiers de Rousseau, le bon sauvage, oui,

mais enfin, fallait-il vraiment. Ces braves druides et tout cela.

D’ailleurs, cela revient un peu à la mode. Moi, je veux bien,

mais enfin je rappelle aussi que les religions druidiques et

autres étaient des religions de la peur avec des sacrifices

humains. Le christianisme a délivré de la peur, énormément, et

donc il a permis que ce message d’amour et de libération

parvienne partout dans notre continent européen et je dirais

qu’il façonne notre inconscient collectif. Aujourd’hui,

évidemment, il y a eu la révolution française, il y a eu les

lumières, il y a eu le socialisme, le marxisme et tout le reste

mais vous pouvez savoir, la plupart des historiens sont

d’accord la dessus, que si aujourd’hui, en occident, dans

d’autres pays aussi, mais en occident c’est prégnant, nous

avons une aide sociale pour les démunis et nous avons un

système pénitencier qui est humanisé, autant que faire ce peut,

Page 13: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

parce que rien n’est parfait, nous avons une aide au chômeurs

et ainsi de suite souvent tenu par des gens qui sont des

bouffeurs de curés, qui ne sont pas du tout cléricaux. Mais

c’est aussi, pas uniquement, mais c’est aussi parce que

pendant 1 400 ans le monopole d’Etat a été celui qui dit : «

tout ce que tu as fait au plus petit de tes frères, c’est à moi, dit

le Christ, que tu l’as fait ».

Notre société, même aujourd’hui encore, dans ses composants

les moins christianisés, est encore marquée par ces 1 400 ans

d’histoire où le christianisme était vraiment présent jusque

dans les derniers ports de l’Etat. Ca c’est le bon côté !

Evidemment, il y a un moins bon côté à un monopole d’Etat.

Quand vous avez dans une main le sabre et dans l’autre le

goupillon c’est toujours un peu embêtant et là cela a dérapé.

Pour être schématique, une fois de plus, jusque l’an 1 100 le

monopole d’Etat était un bienfait. L’Eglise est parvenue à

sauver le meilleur de l’héritage de l’empire romain et les

monastères étaient vraiment des lieux de culture et les choses

se passaient plutôt bien. A partir de 1 100 – 1 200 – 1 300

l’occident redevient plus conscient de lui-même au sort du au

moyen âge c’est les villes qui se créent, les universités qui se

créent. C’est l’époque aussi où l’on retrouve une expansion,

une fierté, c’et l’époque des croisades qui est la réponse de la

guerre sainte des musulmans, c’est quand même un peu

spartiate comme action. C’est le moment où on va voir

apparaitre les premiers dérapages sérieux.

C’est le moment où, au Sud de la France, par exemple, il y a les

Cathares et que donc on en appelle à une croisade à l’intérieur.

C’est le moment où, utilisant les moyens de l’Etat, on va créer

un tribunal, le pape lui-même va créer un tribunal de la foi qui

légalise la torture pour permettre, je dirais, à veiller à la

Page 14: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

doctrine juste et combattre les hérésies, c’est l’inquisition.

Torturer au nom du Christ, le Prince de la Paix, ce n’est quand

même pas tout à fait parfait. L’inquisition, évidemment, est un

grand dérapage.

Mais curieusement je peux vous dire par delà la légende noire,

le principe est inacceptable, c’est un dérapage, il n’y a pas

photo, mais cela reste encore un dérapage contrôlé, c'est-à-dire

que les historiens nous disent que l’inquisition pontificale a

fait 2 000 victimes, 2 000 de trop, évidemment, mais à

l’époque on faisait 2 000 victimes pour moins que cela, cela

reste encore, d’un point de vue sociopolitique un phénomène

qui reste contrôlé.

Là où cela va complètement déraper curieusement c’est à

partir du XIVème siècle, la sortie du Moyen Age.

Pourquoi ? Parce que c’est une époque où quelque chose de

nouveau est en train d’advenir, le monde moderne étant

quelque chose de nouveau arrive, c’est les Etats nations. Cela

se fait dans les douleurs des tremblements. Cela commence

par un grand traumatisme qu’on peut dater, c’est 1343, la

maladie qu’on a connu en occident mais qui avait disparue qui

revient par la Chine, par les marins Genevois et qui revient chez-

nous, la grande peste qui en 3 ans va tuer le tiers de l’Europe à

une époque où l’on ne connaît pas les microbes. Et donc il faut

expliquer et à l’époque on sort de la féodalité et donc l’idée

c’est Dieu qui a envoyé cette punition. Et donc on se dit si

Dieu nous punit au point de faire en sorte qu’un tiers de la

population, alors imaginez-vous des villes entières qui sont

rayées de la carte, des charniers humains, cela a été un

traumatisme énorme. Et donc on s’est dit si Dieu est tellement

fâché qu’il nous envoi cette punition, mentalité de l’époque,

c’est qu’on est très méchant. Et c’est à ce moment là qu’une

Page 15: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

fièvre satanique s’empare des populations, c’est à dire l’Eglise

a toujours crue au mal, au pouvoir du malin, mais là le malin

va devenir plus important que le Bon Dieu. Et pour faire bref,

quand la peur se saisi des gens, vous savez on a tous peur,

mais quand la peur se saisis de notre existence, c’est un cancer

qui tue tout. Et donc durant cette époque de fait cela va

complètement déraper. Si le diable est présent, c’est qu’il avait

ses agents secrets. Alors les agents secrets du diable c’est les

sorciers, n’est-ce pas, Mesdames, surtout les sorcières, c’est

que la femme est beaucoup plus perméable à l’œuvre du

malin.

Je vous ai dit que l’inquisition c’était 2 000 victimes, la chasse

aux sorcières cela fera plus de 200 000 victimes, tant chez les

catholiques que chez les protestants. Là c’est un bel

œcuménisme. On va tuer autant. Donc les sorciers et les

sorcières.

C’est à ce moment là aussi que les juifs vont être accusés de

tout. Il pleut, c’est les juifs, il ne pleut pas, c’est les juifs, il fait

beau, c’est les juifs. Les juifs qui au début du Moyen Age

avaient, je dirais, un certain accueil vont, une fois de plus, à ce

moment là commencer à être chassés, persécutés.

Et le 3ème bouc émissaire c’est nous-mêmes. C’est à partir de

ce moment là qu’on va parler du péché humain. On va dire

que l’homme est vraiment le dernier des derniers. L’Eglise a

toujours crue que l’homme était pécheur mais cette espèce de

pessimisme qu’on va trouver chez Lutter et Calvin, l’homme

est fait pour la damnation…, il n’y a qu’une prédestination

qui…, mais c’est chez les catholiques aussi qu’on retrouve…,

chez les jansénistes…, mais il était le propre d’une société,

vraiment un grand pessimisme.

Page 16: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

Face à cela de plus en plus d’humanistes vont commencer à se

séparer de l’Eglise. On va avoir de plus en plus d‘intellectuels

qui vont être critiques. Cela va commencer par la génération

d’Erasme et puis on va avoir évidemment les Voltaire les

Diderot en France et donc, une des raisons pour lesquelles il y

a eu tant, aujourd’hui encore, tant d’intellectuels qui ont des

comptes à régler avec l’Eglise c’est parce que, on est le fruit

d’un inconscient collectif qui s’est construit. Et donc cela va

aboutir à 1789, la révolution française. C’est de Paris que cela

est parti mais cela a éclaté dans toute l’Europe.

Unilatéralement l’Etat dit : le monopole d’Etat c’est fini. Il n’y

a plus de lien entre l’Eglise et l’Etat.

Au début on va le faire en coupant une série de têtes, on va

désacraliser les églises, vous savez c’est une réaction

terriblement violente mais, souvent, ce qui vient après tant de

siècles explose d’une manière beaucoup plus forte.

Mais après beaucoup d’instabilité il faut retrouver un

arrangement qui assure la paix à la société. C’est Napoléon qui

va le trouver, une fois de plus, en France mais cela va se

répandre partout dans l’Europe. C’est le concordat entre le

Pape et l’empereur Napoléon qui, au XIXème siècle crée un

nouveau mode de société qui va se répandre partout en

Europe.

Je vous ai dit le monopole d’Etat, je reprends la parabole de la

petite entreprise, l’Eglise et l’Etat sont liés. Quel est le

nouveau modèle d’entreprise qu’on va voir au XIXème siècle

? Il n’y a plus de monopole d’Etat. La séparation entre l’Eglise

et l’Etat est faite. Qu’est-ce qui va se créer comme modèle

économique ? Comment l’Eglise va s’organiser ? Napoléon dit

: séparation de l’Eglise et de l’Etat, concordat qui existe

toujours dans les départements du Rhin et de la Moselle et en

Page 17: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

Belgique moyennant des aménagements, mais liberté

d’association, liberté de culte, chacun croit comme il veut.

Qu’est-ce que l’Eglise va faire ? Elle va organiser ses écoles,

elle va organiser ses paroisses, elle va organiser ses

hospitalités qui prennent soin des malades, ses hôpitaux. Elle

va s’organiser.

Et dans les pays, à majorité catholique, comme la Belgique,

comme l’Alsace, comme une grande partie de la France, qu’est-

ce qui va advenir au XIXème siècle et durant la première

moitié du XXème siècle ? Ce n’est plus un monopole d’Etat

mais, au fait, en général, quand on a une population qui est

majoritairement catholique, en Belgique lors de notre

indépendance en 1830, 98 % de la population était baptisée

catholique. Je crois qu’en Alsace en 1830 c’était à peu près la

même chose. Qu’est-ce que cela donne comme modèle

économique ? On appelle cela un monopole de fait. Pour ceux

qui ne savent ce qu’est un monopole de fait : quand vous

habitez un petit village d’Alsace et qu’on est en hiver, qu’il y a

de la neige partout, les routes sont impraticables, vous n’avez

pas de voiture, il n’y a qu’une seule épicerie, vous n’aimez pas

l’épicier et vous trouvez, qu’en plus, ses prix sont

horriblement surfaits, que ses produits ne sont pas frais et qu’il

n’est pas agréable, mais vous devez aller à l’épicerie, vous

n’avez pas le choix, il n’y en a qu’une et vous ne pouvez pas

vous déplacer. A ce moment là, l’épicier a un monopole de

fait. Vous pouvez aller où vous voulez mais, dans les faits, il

n’y a qu’une seule épicerie.

Eh bien dans les pays à majorité catholique comme la grande

partie de la France et comme la Belgique on a la liberté de culte mais

dans les faits la grande majorité de la population est baptisée

catholique, aura une scolarisation dans une école de bonnes

sœurs soit, en tous cas, avec des cours de catéchisme

Page 18: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

aménagés, ira dans des mouvements de jeunesse catholiques,

ira dans des associations catholiques, dans les associations

professionnelles catholiques et puis, s’il tombe malade, ce sont

des bonnes sœurs également qui seront à l’hôpital pour s’en

occuper et puis, quand on meurt, on est enterré à l’église. Du

berceau jusqu’à la tombe, l’Eglise catholique a un monopole

de fait, grand en tous cas, sur toute la société.

Alors, une fois de plus, ça c’est un modèle qui a tenu, bon an,

mal an, dans de larges parties de l’Europe soit chez les

catholiques soit chez les protestants, mais alors souvent

protestants durant le XIXème siècle et durant la première

moitié du XXème siècle. Quel est le bon côté de ce modèle ?

Le bon côté de ce modèle c’est que cela a permis à la bonne

nouvelle de Jésus-Christ d’être vraiment présent au cœur de la

société.

Je m’adresse ici à ceux qui ont un peu plus de cheveux blancs

que moi ou un peu moins de cheveux que moi, qui ont encore

vraiment connu ce système. Qui d’entre vous ne peut pas dire

oui il y avait tel père ou telle sœur quand j’étais à l’école qui

m’a aidé. Dans les mouvements de jeunesse, tel aumônier était

vraiment un pilier qui nous a aidés ou quand ma grand-mère

était malade il y avait une religieuse qui la veillait et elle est

morte accompagnée par les prières. C’était vraiment un

moment où l’Eglise était présente au cœur de la société. Nous

n’avons pas à en rougir de cette époque.

Le moins bon côté, parce qu’il y en a de cette époque eh bien,

quand on a un monopole de fait on a toujours tendance à être

frileux, défensif et, de fait, l’Eglise a souvent été frileuse et

défensive. « Si vous ne mettez pas vos enfants à l’école de

Monsieur le Curé, si vous ne lisiez pas le bon journal

approuvés par nos Seigneurs les évêques, si vous n’étiez pas

Page 19: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

au syndicat qu’il fallait, … » Il y avait un peu ce côté « Eglise

forteresse » et d’ailleurs regardez les monastères qui ont été

construits au XIXème siècle. Ils sont souvent construits

comme des forteresses, des remparts, contre la révolution

française, contre la laïcité. Il y a un peu ce côté défensif qui

nous a écarté des personnes. Un petit exemple : comme jeune

séminariste, il y a 25/27 ans, je commençais à faire mon stage

à Liège, Liège est un pays qui a eu pendant 1 000 ans comme

prince un évêque, donc par réaction Liège est un pays de

longue tradition anticléricale, c’est dans les gênes et donc un

socialisme de tradition anticléricale, pas virulent mais présent.

J’ai encore connu quand j’étais jeune séminariste comme ça,

j’allais au bal du bourgmestre, bourgmestre socialiste

évidemment et je voyais arriver le bon militant avec ses

grosses moustaches me dire : Curé (parce que là bas dès qu’on

était ecclésiastique on était curé) je ne suis pas catholique mais

je vais tous les dimanches à Notre-Dame de BANNEUX

(pèlerinage marial du diocèse de Liège). Qu’est-ce que cet

homme a voulu me dire ? Il m’a dit écoute, je ne vote pas pour

ton parti comme si le parti démocrate chrétien, puisqu’à

l’époque il s’appelait encore comme cela, était le parti de

l’Eglise, je vote pour les socialistes donc tu ne me verras

jamais dans ton église parce que si mes camarades me voient à

la paroisse cela veut dire que je suis un traitre. Mais je suis

chrétien donc je vais à BANNEUX et là on ne me connaît pas.

C’était la fin de cette époque mais c’était quelque chose qui

existait encore.

Ce système du monopole de fait il a explosé également et nous

sommes arrivés dans une quatrième époque et ça c’est MAI 68

– tout ce qui est autour de MAI 68. MAI 68 c’est cette grande

révolution sociale qui a fait, qu’aujourd’hui, l’homme

moderne, tout ce qui est de l’ordre du monopole quel qu’il

soit, il n’en veut plus. MAI 68 c’est quoi ? Ce n’est pas parce

Page 20: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

que mes parents sont de bons cathos, directeurs d’hospitalités

de Lourdes que je ferais baptiser mes enfants. Et vis-versa.

J’étais directeur de séminaire, j’avais des séminaristes dont les

parents étaient des athées.

C’est un monde où chacun fait son chemin, trace sa route et

s’il y a bien une chose, quand j’étais porte-paroles des évêques

je l’ai dit aux évêques ne parlez jamais à la population, dans

les média en position d’autorité. Ils ne le supportent plus

même si vous dites des choses très intelligentes, vous allez

être « balancés ». Ils ne voudront pas vous entendre. La

population, notre mentalité, refuse tout ce qui donne

l’impression : « vous qui devez penser comme nous car je suis

quand même un évêque, je vais vous dire … » On ne veut plus

de cela à tort ou à raison mais c’est la société dans laquelle on

vit. Par contre j’ai dit aux évêque si vous entrez dans une

position de débat en disant : « écoutez, je donne mon avis dans

le débat démocratique, écoutez-moi au moins parce que je

serais le seul à ne pas donner mon avis ». Là on vous écoute.

Nous sommes dans une société où toutes les opinions sont

mises en concurrence où chacun doit trouver sa place et ça

c’est vraiment le monde qui est né de MAI 68.

Alors, pour reprendre ma parabole, comment appelle-t-on en

terme économique ce monde là ? Ce n’est plus un monopole

de fait, ce n’est plus un monopole d’Etat, ce n’est plus un

startup aujourd’hui l’Eglise. L’Eglise est mise dans ce que

l’on appelle LA CONCURRENCE PARFAITE. Un modèle économique

de concurrence parfaite. Alors pour celles ou ceux qui se

disent qu’est-ce que cela veut dire la concurrence parfaite, je

vais vous expliquer. Vous savez tous très bien ce que cela veut

dire la concurrence parfaite. Quand vous faites vos grands

achats du week-end, dans le temps, quand vous étiez dans un

petit village d’Alsace ou de Lorraine ou de Normandie, vous

Page 21: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

alliez à l’épicerie du village et la boucherie du village et la

boulangerie du village. Aujourd’hui pour 95 % de la

population quelle est la première question qu’on se pose quand

on va faire ses grands achats du week-end ? Auchan, Leclerc

ou Carrefour. Concurrence ! Une fois qu’on a fait son choix,

va pour Auchan, vous êtes là avec votre « caddy » dans les

rayons du magasin. Qu’est-ce que vous faites ? Est-ce que

c’est parce que vous prenez le produit Bref ou Dach, enfin je

n’y connais pas grand-chose, pour la poudre à récurer que

vous allez aussi le prendre pour la poudre à lessiver. Ah, moi,

je suis fidèle à une seule marque. Mais non, vous allez peut

être prendre du Bref pour ceci, du Dach pour cela. C’est ce

que les anglo-saxons appellent le « pick en choice » « je

panache mon choix ». Je vais dans les rayons, je choisis. C’est

le client qui fait son panachage. Ca s’est la concurrence

parfaite. Les produits sont tous là dans le rayon.

Eh bien, c’est exactement le comportement du religieux de la

plupart de nos contemporains, je ne parle pas des catholiques

convaincus que la plupart d’entre vous êtes, je parle du

commun des personnes que nous rencontrons. Faire baptiser

les enfants, oui, oui encore, oui j’y réfléchis. Cela ne peut pas

faire de tort et puis cela fait plaisir à la grand-mère. Noël,

Noël, vous savez, s’il y a de beaux chants j’irai peut être à

l’église sinon la télé s’il y a un beau programme. Et juste avant

Pâques je demande à ma voisine qui est une bigote d’aller

chercher la petite branche que l’on met au crucifix, je ne sais

pas comment on l’appelle, oui, ça, oui, je … mais à côté de

cela je ne suis pas fanatique, non. Moi ce qui m’intéresse c’est

le Ryki c’est quand même, oui. Et puis le bouddhisme eh bien,

écoutez, j’ai suivi des … et puis j’ai eu des lectures. Et puis

bon, vous savez, il y a aussi dans le soufisme des choses qui

… Alors le bon catholique que je suis, la première réaction est

mais enfin que les gens sont superficiels d’un si … Non, ils ne

Page 22: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

sont pas superficiels. Ils réagissent comme vous faites quand

vous faites vos grands achats du week-end. Je prends un peu

de tout. Mon choix religieux, je le panache, je choisi « pick en

choice”. C’est l’époque dans laquelle on vit. Est-ce que c’est

bien ? Est-ce que ce n’est pas bien ? C’est un fait.

Quelqu’un que j’aime beaucoup qui c’est Winston

SCHURCHILL disait un fait est plus important qu’un lord

maire, qu’un bourgmestre, qu’un maire de ville. Un fait il faut

le prendre c’est le monde dans lequel on vit, on n’a pas le

choix.

Quelle est la chance et la malchance de ce modèle ?

La chance de ce modèle c’est que, plus que jamais, la parole

du Christ « vous êtes le sel de la terre » elle a son prix. Soit,

puisque tous les produits religieux sont mis en rayonnage, soit

cette bonne nouvelle de Jésus-Christ, et bien, nous la traitons

n’importe comment et … Vous savez, on est plus cher que les

autres. On est beaucoup plus cher que les autres. Vous avez

plein d’autres religions qui vous disent vous êtes gentils, vous

êtes … laissez-vous vivre, amusez vous. Ce n’est pas du tout

ce que dit le Christ. Le Christ c’est « tu veux être parfait, va,

vends ce que tu as, donne le aux pauvres et suis moi. » Je

voudrais bien savoir qui d’entre vous applique cela. Moi pas et

je sais que je dois l’entendre parce que sans cesse cela recadre

la façon de faire. Le message du Christ est hyper exigeant.

Tout exiger mais tout comprendre et tout pardonner.

Alors si, ce produit qui est plus cher, il est poussiéreux et si

par contre il est porté avec cœur, avec entrailles, je pense que

clairement ce sel de la terre continuera à attirer les gens parce

qu’en économie on le dit aussi : les produits originaux, les

produits de qualité ne se démodent pas.

Page 23: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

La difficulté d’aujourd’hui c’est qu’évidemment ce qui « faire

choix » fait beaucoup d’angoisse. Il y a beaucoup d’angoisse.

Peut être que le monde des villages d’il y a 50 ans, tout le

monde était sur des rails, ce n’était pas très ouvert mais les

rails étaient une sécurité. Aujourd’hui nos jeunes ils doivent se

poser mille et un questions. Est-ce que j’épouse celle-là ou

celui-là ? On change tout le temps. Quel métier ? Et que croire

et ne pas croire. Il y a beaucoup d’angoisse. Ce n’est pas un

monde facile pour nos jeunes. Il faut le savoir. Il faut les

porter. Ce n’est pas facile pour les petits et les malades dont

vous vous occupez.

Deux, le risque du panachage d’est la superficialité. A force de

prendre un peu de tout, se construire une vie spirituelle prend

du temps, prend de la patience, cela ne passe pas, le désert.

C’est plus difficile aujourd’hui. Dès que cela devient difficile,

la tentation, je prends autre chose. Le monde n’est pas parfait

mais c’est le monde dans lequel on est, il faut le prendre tel

qu’il est.

Alors, je voudrais maintenant, pour conclure, arriver peut être

à la partie la plus importante de mon discours. Je vous ai fait

ce panachage pour vous montrer où nous sommes arrivés

aujourd’hui.

Je continue avec ma parabole de la petite entreprise qui est

devenu un monopole d’Etat puis un monopole de fait et qui,

aujourd’hui est en concurrence parfaite. Elle n’a pas l’habitude

puisqu’elle était encore un monopole de fait. Donc c’est vrai

que nous pédalons un peu dans la choucroute par rapport à ce

mouvement religieux tout petit, très dynamique, un peu fou

parfois ou parfois même sectaire mais débitions cette agilité

nous qui avons toutes nos structures.

Page 24: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

Je voudrais faire une petite étude de marché et dire en quoi ce

produit, plus cher qu’un autre, a encore un avenir pour nos

contemporains. Et je vais le faire d’une manière très concrète

et profane. Vous savez, chaque société a ses dogmes. Je ne

parle pas de dogme religieux mais de dogme social, c'est-à-

dire une évidence que tout le monde partage. Ce n’est pas

nécessairement la bonne mais tout le monde la partage. Quels

sont les dogmes sociaux d’aujourd’hui ?

Vous savez à l’époque de nos grand’mères, l’excellence dans

le milieu catholique c’est la sainteté. Les saints étaient

vraiment les modèles d’excellence chrétienne. Aujourd’hui,

même dans un enseignement catholique, allez voir des

adolescents de 14, 15, 16 ans et demandez leur s’ils pensent à

leur sainteté. Mais cela a été remplacé par la société.

Aujourd’hui la nouvelle excellence c’est la compétitivité. Il

faut être compétitif. Pour trouver un emploi il faut avoir 15

diplômes, parler 60 langues, avoir 30 ans d’expérience et

moins de 25 ans. Alors là vous trouverez un emploi ! Alors,

une fois de plus, je ne dis pas qu’il ne faut pas être compétitif.

Evidemment il faut être compétitif. Evidemment nos enfants

doivent être exigeants. Evidemment que la société française ou

Belge doive se battre. Avec tout cela je suis d’accord mais

cela ne peut pas devenir une nouvelle religion. Si cela devient

plus important que le sens de la vie, là il y a un souci. Et vous

savez, ce côté compétitif, même dans le milieu religieux, ça

rentre partout cet exemple. Si je fais mon discours en disant

chers amis j’espère que régulièrement vous jeunez encore

certains d’entre vous me regarderaient et demanderez à

Thierry où il a pêché celui-là. Mais si je vous dis j’espère que

vous avez un bon diététicien parce que, vous savez, garder son

corps et le cholestérol et les machins, ah, il et moderne le curé,

c’est bien. Le même comportement mais ce n’est plus pour la

sainteté mais c’est pour être compétitif. Si je vous dis j’espère

Page 25: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

que vous pensez avoir un comportement ascétique, à vous

mortifier. Et si je vous dis est-ce que vous faites du jogging,

fitness et tout ! Compétitivité. Si je vous dis j’espère que vous

avez tous un confesseur régulier. Est-ce que vous avez un

coach ? Ah, il est moderne, le conférencier. Nous sommes

dans la compétitivité. Il faut tous qu’on soit éternellement

beau, jeune, riche et de préférence bronzé. Parfait. Il faut être

« Inn ». Grand père, grand’mère, tu n’es plus « Inn ».on nous a

jamais tant dit qu’il fallait être « Inn ». Résultat des courses, il

n’y a jamais eu autant de personnes qui sont … « Out ». Ce

dogme de la compétitivité – faire en sorte que l’élastique on le

tend, on le tend, on le tend et qu’à un moment il casse. Nous

ne sommes pas des robots. Et donc vouloir être sans cesse plus

ceci, plus machin, plus … Un moment donné cela ne

fonctionne pas. Etre compétitif, oui mais il ne faut pas que

cela devienne un dogme. Et ici, vous avez au cœur du

christianisme un message central qui peut être vraiment l’aire

pour les hommes d’aujourd’hui.

Au cœur du message chrétien nous apprenons que quand Dieu

veut dire qui il est il ne nous dit pas : Ha, tu veux savoir qui je

suis eh bien tu vas monter là et tu vas faire cela et puis tu …

Non. Quand Dieu veut nous dire qui il est il dit écoutez, je

viens parmi vous, je deviens l’un d’entre vous, je vais vivre

une vie d’homme, je vous rejoints dans votre quotidien le plus

ordinaire. Et quand on pense à Jésus-Christ on oublie que la

toute grande partie de sa vie on n’en sait rien. C’était une vie

ordinaire comme nous en vivons tous, une vie cachée. Dieu a

voulu partager notre vie ordinaire. Et donc, un des cœurs de

notre message dans ce monde qui a le dogme de la

compétitivité c’est de dire mais bon sang faites la paix avec

celui que vous êtes. Vous auriez voulu faire l’Université et n’y

êtes pas parvenu, c’est votre vie. Vous auriez voulu réussir

votre couple, cela n’a pas réussi, ou que vos enfants ceci ou

Page 26: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

cela, ils ne l’ont pas fait. Je ne dis pas que c’est une bonne

nouvelle mais c’est votre incarnation. Et soit vous passez votre

vie à vous lamenter : Ah, j’ai raté ma vie, ah, j’aurais du et

vous ne vivez pas. Soit vous dites : Seigneur, voila ma vie

telle qu’elle est. Toi qui es venu nous rejoindre dans notre vie

concrète, viens me rejoindre dans ma vie telle qu’elle est. Ah,

je voudrais encore avoir 20 ans ; pas de chance, tu en as 80.

Qu’est-ce que tu veux que je te dise.

Et donc, c’est dans notre concret que Dieu nous rejoint, nulle

part ailleurs et c’est cela la sainteté. La sainteté c’est faire la

paix avec soi-même. D’ailleurs l’évangile de ce dimanche : «

Tu aimeras ton Dieu de tout ton coeur et ton prochain comme

toi-même ». S’aimer comme on aime son prochain,

s’accueillir, s’accepter et, à partir de là dire : Seigneur, voila

ma vie avec ses qualités, ses défauts, ses échecs. Que veux-tu

faire de moi ? C’est ce que nous disons, c’est ce que vous dites

aussi à vos malades. Dans ce monde qui est pourri par la

religion de la compétitivité, l’incarnation qui permet de faire

la paix avec soi-même, de se retrouver là où nous sommes est

un message de vie totalement nouveau et révolutionnaire et

qui a toute sa place.

Second élément de mon étude de marché, nouveau dogme

social. A l’époque de nos grand’mères, dans les institutions

catholiques, je vous ai parlé de l’excellence qui était la

sainteté. Mais quel était le minimum en dessous duquel on

avait des problèmes ? L’état de grâce. Il fallait être en état de

grâce. Si on mourrait en état de péché mortel, c’était plutôt

embêtant.

Allez un peu dans vos écoles même catholiques demander à

vos adolescents s’ils se sentent en état de grâce. Ca a été

remplacé. Aujourd’hui, c’est quoi ? C’est le bien-être. Tu fais

Page 27: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

ce que tu veux de ta vie, mon vieux, ma vieille, tant que tu es

cool, zen, que tu es bien dans ta peau, sens-toi en accord avec

toi-même, sens-toi bien. On n’a jamais tant dit qu’il faut se

sentir bien. On n’a jamais eu tant de suicides, de dépressions,

d’anorexies, pas parce que le monde ne va pas bien mais parce

que, enfin je ne sais pas, vous, en tout cas moi, confession

publique, spontanément, tous les matins je ne me sens pas

bien. Nous avons tous nos cycles de bonnes ou de moins

bonnes humeurs, nous avons tous nos bonnes et moins bonnes

passes et c’est très culpabilisant. Ah, tu n’es pas bien mais

change, alors, change. Il y a là quelque chose de très

anxiogène.

Une fois de plus, le christianisme a quelque chose à offrir dans

cette espèce de religion du bien-être qui est terriblement

anxiogène. Est-ce que le christianisme offre, alors je vais tous

vous faire sursauter mais je vais m’expliquer, le chemin de la

croix. C’est au cœur du message chrétien quelque chose qui

peut, énormément aider notre monde. Je m’explique avec des

mots très profanes. Vous savez, qu’on soit croyant, athée ou

agnostique, nous sommes tous appelés à avoir un regard sur la

réalité. Et il n’y a que deux regards fondamentaux à avoir suer

cette réalité : un regard matériel et un regard spirituel, même

pour les incroyants. Alors le regard matériel c’est quoi ? C’est

partir des deux certitudes absolues que nous avons tous, c’est

les deux seules d’ailleurs. Nous savons tous que nous sommes

nés et que nous allons mourir, que chaque jour qui passe est un

jour qui nous rapproche de la tombe, ça c’est le regard

matériel, biologique. C’est une réalité biologique. S’il n’y a

que cela, la vie c’est profite, profite, profite. C’est parfois ce

que l’on dit : Ah, il faut profiter, on ne vit qu’une fois. On voit

bien que le taux de bonheur n’a vraiment pas augmenté

aujourd’hui. Et c’est pourquoi et ce n’est pas propre aux

croyants. Je connais beaucoup d’athées qui ont cela aussi.

Page 28: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

Le cœur de trouver un sens à sa vie c’est de superposer à ce

regard matériel : je ne suis né pour mourir, il faut superposer

un regard spirituel. Et le regard spirituel dans toutes les

convictions, sauf les sectes, mais je parle de qui on a un peu de

prix. Le regard spirituel est celui qui inverse cela. Qui ne dit

pas je suis né pour mourir mais c’est celui qui dit je meurs

pour naître. Ca c’est le regard spirituel.

Et vous savez nous en faisons tous l’expérience. Nous en

avons tous fait l’expérience. Très concrètement, notre

première mort c’est le jour de notre naissance. Pendant 9 mois

nous étions bien au chaud dans le ventre de notre mère. Pas

d’impôt à payer, pas de voisin casse-pied, température idéale.

La matrice de notre mère est vraiment le rêve d’une vie sans

souci. La preuve, quand vous trainez dans votre lit, je fais la

grasse matinée, je n’ai pas envie de sortir, quand vous trainez

dans votre bain bien chaud, oh je n’ai pas envie de sortir du

bain, qu’est-ce que vous faites, position fœtale, vous voulez

retrouver ce monde de l’insouciance de 9 mois dans le venter

de la mère. Mais évidemment, le fœtus qui reste, qui ne veut

pas naître, il meurt. Pour vivre il a fallu passer par un petit

conduit étroit et entrer dans ce grand monde froid. Il a fallu

mourir à ce rêve d’une vie sans souci pour vivre. Mourir pour

vivre dans ce monde humain que nous partageons tous. En

plus, comme je n’avais pas respiré, j’étais bleu, j’ai eu une

grande baffe du gynéco c’était ma première expérience. Cela

m’a traumatisé c’est pour cela que je suis devenu prêtre

d’ailleurs, comme cela vous le savez. Mais mourir pour vivre

et toute notre vie c’est cela. Le petit enfant qui pense qu’il va

vivre toute sa vie dans les jupes de maman parce que c’est ma

maman, et bien non, parce qu’il y a des frères et des sœurs qui

naissent après lui. Heu .., je ne suis pas seul. Mourir pour vivre

à la famille, mourir pour vivre parce qu’on va le mettre à

l’école maternelle, il quitte maman pour vivre la vie sociale.

Page 29: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

Le jeune homme qui pense avoir toutes les jeunes filles, mais

non, il meurt à l’éternel célibataire qu’il est pour en choisir

une pour vivre comme époux. Je pensais, quand on est jeune,

j’allais faire pompier, agent de police, machin, non, je meurs à

toutes les possibilités pour vivre à celle que j’ai choisie.

Apprendre à vivre c’est mourir au reste. Et, toutes les grandes

voix spirituelles nous disent si je ne veux passer ma vie à

papillonner, apprendre à vivre authentiquement, c’est mourir

le plus souvent possible au superficiel pour vivre de

l’essentiel. Et voyez, ici, le chemin de la croix, l’idée que ce

Dieu qui a voulu partager notre vie d’homme, à un moment

donné ayant donné de l’amour, et ce chemin exigeant de

l’amour qui est chemin de vie qu’il accepte pour aller jusqu’au

bout de sa mission, d’aller jusqu’à mourir à cette vie humaine

: « ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne » il va

jusqu’à tout donner et que, pourtant, il est vraiment mort et

que cette mort ne le retient pas, qu’il est le vivant. Que ce

chemin spirituel, nous mourrons pour naître à quelque chose,

ne se termine pas avec la mort biologique. L’expérience de la

résurrection mystérieuse mais qui nous fait bouger depuis 2

000 ans, c’est de dire : la dernière étape de la mort biologique

est une naissance à une vie autre dans l’esprit. Ca, c’est un

message qui, je pense, pour notre monde de bien-être qui

n’apporte que du mal-être souvent, est un message d’une

actualité très, très forte. Ce que le Christ nous apprend c’est

que dans ce monde où l’on dit : sois bien, sois cool, sois zen,

le Christ dit : apprend à mourir à ce qui est partiel, superficiel,

égoïste. Ce n’est pas toujours facile, on ne le fait pas tout

toujours, mais, dans la mesure où tu le fais pour vivre de

l’essentiel et vous le savez tous, dans vos engagements à

Lourdes quand des jeunes viennent avec vous à Lourdes ils y

vont pour des copains, pour un peu d’idéalisme, et quand ils

reviennent ils disent : Ouah, quelle expérience. Parce qu’ils se

Page 30: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

rendent compte de se mettre au service des plus petits, de ceux

qui ont besoin, est une vie tellement plus forte que tout ce

qu’ils auraient pu vivre par ailleurs. Ca, le chemin du

christianisme nous l’apprend et dans ce monde où il y a cette

religion du bien-être, c’est une actualité révolutionnaire.

Dernier dogme social. A l’époque de nos grand’mères on

apprenait la dévotion, on apprenait ses prières. C’était la

communication avec Dieu. Une fois de plus, allez dans la

plupart de nos écoles demandez à vos adolescents s’ils

connaissent leurs prières, ils vont vous regarder bizarrement.

Cela ne veut pas dire qu’ils ne prient pas. Mais, ça s’est mon

affaire. Ca ne fait plus partie de l’éducation mais ça a été

remplacé. Communiquer là-haut ça c’est une affaire privée

mais par contre cela a été remplacé par ces petits appareils là

(téléphone portable). Il faut communiquer. Je vous envoie un

Mail pour confirmer ce que j’ai mis sur votre répondeur

automatique que le fax de ma page Facebook et de mon

machin … Nous sommes dans un monde de l’hyper

communication. On n’a jamais tant communiqué. Et dans ce

monde où on communique, la preuve la plus forte c’est le

drame du 11 septembre. Le 11 septembre 2001 vous aviez

encore des personnes qui étaient bloquées dans des ascenseurs

dans les tours qui se demandaient ce qui leur arrivait. Le

monde entier savait déjà ce qui arrivait parce que c’était sur

tous les écrans. Avec ce petit appareil là je peux vous envoyer

un twis qui fait le tour de la terre en quelques secondes. C’est

fou comme nous pouvons communiquer. Et dans ce monde,

sur communication, pourquoi pas, quel est le premier cancer :

la solitude. On n’a jamais eu tant de solitude. Curieusement,

on vous parle de communiquer et, la première chose dont les

personnes se plaignent c’est : nous sommes seules. Sur

Facebook je crois que j’ai pour l’instant 1 870 amis. J’utilise

cela parce que c’est très utile pour communiquer. Mais

Page 31: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

évidemment. Parfois je rencontre des gens que je n’ai jamais

vus eu que je ne reverrais probablement plus jamais qui me

disent : je suis votre ami sur Facebook. Enchanté, bonjour.

Chatter avec le monde entier pour un adolescent, c’est bien,

mais apprendre à parler à sa sœur qui est dans la chambre à

côté ou ses parents … ça c’est un autre défi. Alors vous voyez,

une fois de plus, au cœur du message chrétien nous avons

quelque chose de très fort à propose à notre monde c’est, ce

que l’on appelle, avec des mots un peu compliqués : la Trinité. Le

peu que les chrétiens voient de Dieu parce que Dieu est un

mystère infini, mais le peu que le message chrétien perçoit de

Dieu c’est que dans son mystère le plus infini dont nous ne

savons que très, très peu de choses, il est infini, Dieu est une

relation d’amour. De toute éternité Dieu est relationnel parce

que l’amour est relationnel. L’Amour que le Père donne, que

le Fils reçoit et rend et ce lien d’amour entre le Père et le Fils

dans lequel nous partageons et nous baignons, c’est l’Esprit.

L’Esprit que nous avons reçu d’une manière spéciale au

moment de notre baptême et de notre confirmation. Entrer

dans la relation divine. Notre Dieu au plus profond de lui-

même est relationnel. Ce que le message chrétien nous

apprend dans ce monde qui n’a jamais tant parlé de

communiquer et dont le grand cancer c’et la solitude, c’est …

Tant mieux si tu as 4 000 amis sur Facebook ou si tu es seul.

Mais dans la mesure où tu construis des relations en esprit et

vérité, des relations concrètes et réelles, c’est, dans cette

mesure là, que tu vas te réaliser comme être humain parce que

tu es créé à l’image de Dieu et notre Dieu est relationnel. Nous

le savons tous que nos relations nous constituent. Un bête

exemple : dites à un gosse pendant les 8 premières années de

sa vie mais, mon pauvre petit, tu n’y arriveras pas, tu es trop

bête. Vous allez en faire quelqu’un qui va doute toute sa vie.

Mais dites-lui, pendant les premières 8 années de sa vie :

Page 32: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

écoute, cela ne va pas être facile mais je crois en toi, vous

allez lui donner de la confiance en lui. Nos relations, elles

nous constituent. Faites le test ici. Choisissez une victime

parmi vous. Vous ne lui dites pas. Et pendant tout le Congrès,

ici à Strasbourg, vous lui tournez le dos. Dès qu’il arrive vous

arrêtez la conversation, vous riez derrière lui. Vous allez voir

comme il va être content à la fin du séjour, Nos relations nous

constituent. Nous sommes des êtres profondément relationnels

parce que notre Dieu est relation dans son mystère le plus

profond et donc c’est dans la mesure où nous développons,

non pas des relations virtuelles, électroniques, mais des

relations en esprit et vérité dans notre milieu professionnel,

dans notre famille, dans notre paroisse, dans notre Eglise, dans

notre hospitalité avec les malades : Allez, ma petit dame, je

vais vous pousser, hein. Vous savez très bien que ce n’est pas

cela que vous enseignez. Vous avez là un frère une sœur

humains et c’est dans la mesure, même, s’il est dans une

chaise roulante ou sur un lit, vous le prenez et vous entrez en

relation avec lui ou avec elle comme un être debout, c’est dans

cette mesure là que vraiment vous êtes hospitaliers dans le

sens où Lourdes l’entend. Eh bien, c’est nos relations qui nous

constituent une fois de plus. Le fait d’avoir un Dieu Trinité, un

Dieu Relation est un message qui peur énormément aider notre

monde.

Chers amis, nous vivons dans un monde qui n’est ni plus

facile ni moins qu’un autre, il est différent. Nous vivons dans

un monde où par la force des choses et de l’histoire, la

religion, toute religion, est mis en concurrence parfaite comme

un produit sur un rayonnage. On aime ou on n’aime pas, c’est

un fait et un fait est plus important qu’un lord maire. Mais

dans ce monde là le christianisme, qui est un produit cher, est

indémodable. Il a des choses très importantes à apporter à ce

que notre société vit concrètement. Alors, n’ayons pas peur !

Page 33: Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAER

Mais, la 1ère personne à convertir à cela c’est nous-mêmes si

l’Evangile nous donne le gout de vivre. En nous voyant vivre

les gens se diront mais d’où vient ce gout ? Et là, ils auront

envie de savoir. C’est comme cela dans le monde de

l’entreprise. Ce sont les clients contents qui sont le meilleur

support de la publicité. Et bien, c’et dans la mesure où cela

donne du gout à notre vie que nous serons d’avantage encore

témoins rayonnants de l’Evangile. « Vous êtes le sel de la terre

» a dit le Christ. Il ne faut pas beaucoup de sel. Mais si le sel

perd son gout à quoi sert-il ? Alors soyons SEL DE LA TERRE. Je

vous remercie.