117
1 INTRODUCTION Le 5 janvier 1963, le petit théâtre de l’impasse Chaptal à Pigalle fermait ses

INTRODUCTION - Créer un blog gratuitement - Eklablogekladata.com/Iyw3whj2o7Ldv5W_vbEORIFerSA.pdf · flagellée, coupée en tranches, passée au laminoir, ébouillantée, ... Grand

Embed Size (px)

Citation preview

1

INTRODUCTION

Le 5 janvier 1963, le petit théâtre de

l’impasse Chaptal à Pigalle fermait ses

2

portes : les décors et accessoires étaient

vendus aux enchères. Ce théâtre qui

avait connu un succès considérable à la

belle époque, attirant les amateurs de

sensations fortes, ne faisait plus recette,

boudé par un public marqué par les

horreurs de la seconde guerre mondiale.

Depuis 1898, le Grand Guignol avec ses

crimes, ses déments, ses tortures, son

bric à brac érotico-sadique, attirait «

certains estomacs exigeant les épices des

rebuts du Music Hall. »

3

Paula Maxa, surnommée la Sarah

Bernhardt de l’impasse Chaptal, se

rappelle dans ses mémoires avoir été «

flagellée, coupée en tranches, passée au

laminoir, ébouillantée, saignée, vitriolée,

désossée, pendue, enterrée vivante … »

Je me souviens être allé au Grand Guignol,

avoir frémi cherchant en vain les trucages

« live » et sans les moyens électroniques

actuels.

De nombreuses « piécettes » du

répertoire mettaient en scène des

médecins, surtout des neuropsychiatres et

4

des chirurgiens, et contenaient un

message critique de la médecine au début

du siècle. Plusieurs auteurs étaient

médecins eux-mêmes ou issus du monde

médical. André de Lorde, un des auteurs

les plus cotés, bénéficiait des conseils

éclairés d’Alfred Binet, physiologiste et

psychologue célèbre (1857-1911),

professeur à la Sorbonne, fondateur d’un

laboratoire de psychologie expérimentale

et inventeur d’un test d’intelligence. Il

apporta aux drames grand-guignolesques

une rigueur physiologique et une

5

pertinence nosologique et contribua à

dénoncer certaines pratiques du monde

médical. Nous en citerons quelques

exemples un peu plus loin.

6

LE GRAND GUIGNOL

Le qualificatif de Grand Guignol (adjectif

grand-guignolesque) s'applique aux

divertissements basés sur un spectacle

7

d'horreurs macabres et sanguinolentes. Le

terme est devenu péjoratif et désigne

désormais, plus généralement, des

situations exagérées, abusant d'effets

spectaculaires démesurés.

Le nom vient du théâtre situé 7 Cité

Chaptal à Paris dans le 9e arrondissement,

qui s'était spécialisé dans ce type de

spectacles. Il ouvre le 13 octobre 1897, au

fond de l'impasse Chaptal, (dans une

chapelle qui avait servi d'atelier au peintre

Georges-Antoine Rochegrosse. C'est un

certain Oscar Méténier, ancien homme à

8

tout faire d'un commissaire de police,

auteur de pièces refusées, familier de

Maupassant et surtout d'André Antoine,

créateur du théâtre naturaliste, qui lui

souffla l'idée de créer une salle

spécialisée, alternant courts drames

horrifiques et saynètes comiques.

Dans cette salle de 280 places, tout en

largeur, donc au cœur du spectacle, avec

des fauteuils verts et des loges et

baignoires "grillées", un public très varié

du quartier et des beaux quartiers vient

s'encanailler et frémir de plaisir. Mais la

9

censure veille et interdit, dès les débuts,

plusieurs pièces, dont "Lui" de Méténier

qui met en scène, pour la première fois au

théâtre, le huis clos entre une prostituée

et son assassin.

Le changement de siècle et ses angoisses

naissantes vont faire le succès du

deuxième directeur, Max Maurey, auteur

lui aussi, qui va privilégier la mise en scène

au texte, fabriquer un répertoire

spécialisé, notamment sur les

déséquilibres mentaux (y compris chez les

soignants), commencer à utiliser des

10

effets spéciaux et surtout faire appel à

des auteurs qui écriront pour ce théâtre

comme le prolifique André de Lorde (plus

de 70 œuvres à son actif), José de Bérys,

Henri-René Lenormand, Elie de Bassant,

René Berton, Charles Foley et même le

célèbre psychologue Alfred Binet). Les

directeurs se suivent, améliorant les

effets et variant les angoisses. Des stars

se créent comme Paula Maxa et René

Chimier.

Mais à partir de 1935, avec l'apparition du

parlant et surtout des films de genre

11

américains doublés comme Frankenstein,

Docteur X, et Crimes au musée des

horreurs, la concurrence devient rude, et

le répertoire s'affaiblit. Malgré tout, le

Grand Guignol franchit tant bien que mal la

période de l'Occupation et devient plus

une scène de l'érotisme et de l'exotisme.

Le théâtre ferma ses portes le 5 janvier

1963, ne pouvant soutenir la compétition

du cinéma.

12

LES DIRECTEURS AUSSI AUTEURS

Oscar Méténier est un auteur dramatique

et romancier français né à Sancoins (Cher)

13

en 19 janvier 1859 et mort en 9 février

1913 à Saint-Mandé.

Fils d'un commissaire de police, Oscar

Méténier entra d'abord dans la police

comme secrétaire du commissariat de la

Tour Saint-Jacques, où il put observer à

loisir les mœurs des bas-fonds de Paris,

pour lesquels il avait un intérêt presque

scientifique.

« Sanglé dans un harnais, écrit Laurent

Tailhade, il gardait je ne sais quoi de

fringant et d'avantageux qui décelait en sa

personne l'irrésistible sous-officier [...]

14

Un jeune homme sans jeunesse, le poil

brun, les yeux du même, inexpressifs

etronds. Sa peau huileuse avec le teint

noir jaune des hépatiques, des dents

superbes qu'il ne soignait guère, une

moustache soldatesque et pommadée. »

Suiveur de Zola, il écrivit des nouvelles

naturalistes généralement graveleuses et

des articles en argot dans Le Chat noir. Il

se fit une réputation avec des pièces

naturalistes qui mettaient en scène des

vagabonds, des apaches, des prostituées

et les faisaient s'exprimer dans le langage

15

de la rue. En 1896, Mademoiselle Fifi, qui

fut temporairement interdite par la police,

montrait pour la première fois une

prostituée sur scène. L'année suivante, Lui

! réunissait une prostituée et un meurtrier

dans une chambre d'hôtel

En 1897, Oscar Méténier acheta un

théâtre au bout de l'impasse Chaptal (IXe

arrondissement) afin d'y jouer ses pièces.

Ce fut le Théâtre du Grand-Guignol, l'un

des plus originaux de Paris, qu'il dirigea

jusqu'en 1898.

16

Les pièces d’Oscar Méténier :

La Brême, mœurs populaires, drame, Paris,

Théâtre du Grand-Guignol, 13 avril 1897

Le Loupiot, tableau de mœurs populaires,

en 2 scènes, Paris, Théâtre du

Grand-Guignol, 13 avril 1897

Lui !, drame en 1 acte, Paris, Théâtre du

Grand-Guignol, 11 novembre 1897

La Revanche de Dupont l'Anguille, drame

en 3 tableaux, Paris, Théâtre du

Grand-Guignol, 1898

Son poteau, drame, avec Raoul Ralph,

Paris, Théâtre du Grand-Guignol, 10 avril

17

1901

18

Max Maurey est un auteur dramatique

français né à Paris en 1866 et décédé à

Neuilly-sur-Seine en 1947. Il fut le

directeur du Théâtre des Variétés de

1914 à 1940 et de 1944 à 1947. Il fut

également directeur et fondateur du

théâtre du Grand-Guignol. Max Maurey

naît à Paris, rue Vivienne, en 1866.

Il est ingénieur de formation, diplômé de

l'École des mines et de l'École centrale

des Arts et Manufactures.

En 1897, il fonde le théâtre du

Grand-Guignol, dont il sera le directeur.

19

En 1914, il devient directeur du Théâtre

des Variétés et le restera jusqu'à sa mort.

En 1935, il est témoin lors du mariage de

Sacha Guitry et Jacqueline Delubac.

Il meurt à Neuilly-sur-Seine en 1947.

20

Camille Choisy, qui a dirigé le théâtre de

1914 à 1930, a apporté avec lui une

vingtaine d'effets spéciaux aussi bien au

niveau de l’éclairage que du son. Sous sa

21

direction, la mise en scène dépasse le

texte.

Il achètera même un bloc opératoire

entièrement équipé pour une nouvelle

pièce.

En 1917 il embauche l'actrice Paula Maxa,

qui bientôt devint connu comme «la Sarah

Bernhardt de l'impasse Chaptal." Pendant

sa carrière au Grand-Guignol, Maxa, "la

22

femme la plus assassinée dans le monde», a

été soumis à une série de tortures unique

dans l'histoire du théâtre: elle a été

abattue avec un fusil et un revolver,

scalpée, étranglée, éventrée, violée,

guillotinée, pendue, écartelée, brûlée,

découpée avec des outils chirurgicaux,

coupée en morceaux, piqué par un scorpion,

empoisonnée à l'arsenic, dévorée par un

puma, étranglée par un collier de perles,

elle a également été étouffée par un

bouquet de roses, embrassée par un

lépreux, et soumise à une métamorphose

23

très inhabituel, qui a été décrite par un

critique de théâtre: "Deux cents

représentation de suite, elle a simplement

été décomposée sur scène devant un public

qui n'aurait pas échangé sa place pour tout

l'or du Monde. L'opération dure deux

bonnes minutes au cours de laquelle la

jeune femme se transforme peu à peu en

un cadavre abominable ».

Si le Grand-Guignol était un théâtre

populaire dans les deux sens du terme - il

était fréquenté par les habitants du

quartier ainsi que par le public qui allait à

24

la Comédie Française. Aller au

Grand-Guignol était un acte privé et

certains membres du public

préfèreraient ne pas être vus.

25

Avec l'arrivée de Jack Jouvin, qui dirige le

théâtre de 1930 à 1937, le répertoire

passe de gore au drame psychologique.

Voulant avoir un contrôle complet sur le

théâtre, Jouvin évince Maxa, qui, à son

avis, était en train de lui voler la vedette.

Le manque de talent de Jouvin et son

ambition personnelle précipite la chute du

Grand-Guignol. L'exagération des éléments

terrifiants dans le jeu des acteurs n’est

devenue plus du tout crédibles et même

parfaitement ridicules. Pendant la

Seconde Guerre mondiale, le théâtre

26

commence à vaciller, emporté par son

propre excès. La guerre lui porte un coup

fatal. Au printemps de 1958, Anaïs Nin a

commenté le déclin dans son journal: «Je

me suis rendu au Grand-Guignol qui sert à

provoquer des frissons d'horreur. Tous

nos cauchemars que ce soit de sadisme ou

de perversion sont joué sur scène.... Le

théâtre était vide.

27

Dans une interview menée immédiatement

après que le Grand-Guignol est fermé en

1962, Charles Nonon, son dernier

directeur, explique: «Nous n'avons jamais

pu rivaliser avec Buchenwald. Avant la

guerre, tout le monde croyait que ce qui

était arrivé sur scène était purement

imaginaire, maintenant nous le savons. ces

28

choses - et même pire - sont possibles ".

ENFIN LES VOICI… LES AUTEURS

29

André de Lorde, né à Toulouse le 11 juillet

1869 et mort à Antibes (Alpes-Maritimes)

en 1942, est un écrivain et auteur

dramatique français.

30

André de Latour, comte de Lorde, issu

d'une famille noble dont le nom était plus

impressionnant que la fortune, devint

l'auteur emblématique des pièces de

Grand Guignol du début du XXe siècle.

Employé le jour à la Bibliothèque de

l'Arsenal, il se transformait la nuit venue

en dramaturge de l'obscène et de la

terreur. Son œuvre comprend 150 pièces

de théâtre, toutes dévolues à la mise en

scène de l'horreur, et quelques romans.

Certaines de ses pièces furent écrites

avec l'aide de collaborateurs, et

31

notamment avec le physiologiste Alfred

Binet, qui le secondait lorsque le sujet de

la pièce traitait de sujets médicaux

comme l'hystérie ou l'aliénation.

C’est Max Maurey qui découvre le

romancier et dramaturge André de Lorde

- «le prince de la terreur." Sous

l'influence de de Lorde (qui a collaboré à

plusieurs pièces de théâtre avec un ami le

psychologue expérimental Alfred Binet), la

folie est devenue le thème favori du

Grand-Guignol. À une époque où la folie

commençait à peine à être étudiée

32

scientifiquement ou des cas individuels

étaient recensés le répertoire du

Grand-Guignol explore les goûts

particuliers proches de la folie comme les

manies. André de Lorde présente

L'Homme de la Nuit (The Man of the

Night) qui conte l’histoire d’un nécrophile,

qui ressemble étrangement au sergent

Bertrand, un homme condamné en 1849

pour avoir violé des tombes et mutilé des

cadavres. L'horrible passion par André de

Lorde et Henri Bauche, dépeint une jeune

nourrice qui avait étranglé l'enfant dont

33

elle s‘occupait. Comme Méténier, de Lorde

a souvent été la cible de la censure, en

particulier en Angleterre où des tournées

avaient été programées et ou deux de ses

pièces ont été annulés par les censeurs de

Lord Chamberlain. Le théâtre de l'époque,

qui se complait dans les vaudevilles ne

pouvait souffrir la vue du sang ou des

cadavres sur scène.

Œuvres d’André de Lorde

34

Théâtre

Monsieur, Madame et... les autres, pièce

en 1 acte, en prose, Paris, Cercle d'art, 22

mars 1891

Une bonne farce, pièce en 1 acte, d'après

la nouvelle de Jean Reibrach, Paris,

Théâtre de la Roulotte, 9 novembre 1897

Dans la nuit, pièce en 5 actes, avec Eugène

Morel, Paris, Cercle des Escholiers, 18

novembre 1897

Madame Blanchard, comédie en 1 acte, en

prose, Paris, Théâtre du Vaudeville, 9

novembre 1898

35

Loreau est acquitté, pièce en 1 acte, avec

Eugène Morel, Paris, Comédie-Parisienne,

22 décembre 1898

Rêves d'un soir ! comédie en 1 acte, avec

Jean Marsèle, Paris, Nouveau-Théâtre, 11

mars 1899

Old Nubian's Black ! bouffonnerie en 1

acte, Paris, Théâtre de la Roulotte, 18

novembre 1899

La Lettre, pièce en 1 acte, d'après une

nouvelle de Gustave Guiches, Paris, Grand

Guignol, 7 avril 1900

La Dormeuse, pièce en 2 actes, Paris,

36

Théâtre de l'Odéon, 9 février 1901

Doux espoirs ! comédie en 1 acte, avec

Jean Marsèle, Paris, Théâtre de la Gaîté,

16 avril 1901

Hermance a de la vertu ! comédie en 2

actes, avec Claude Roland, Paris, Théâtre

du Gymnase, 27 septembre 1901

Ma négresse ! vaudeville en 1 acte, avec

Claude Roland, Paris, Théâtre Déjazet, 27

octobre 1901

Au téléphone... pièce en 2 actes, avec

Charles Foley, Paris, Théâtre Antoine, 27

novembre 1901

37

La Vieille, pièce en 2 actes et en prose,

tirée d'une nouvelle de Guy de

Maupassant, Paris, Grand Guignol, 10

novembre 1902

Le Système du docteur Goudron et du

professeur Plume, drame en 1 acte,

d'après Edgar Poe, Paris, Grand Guignol, 3

avril 1903

Attaque nocturne, pièce en 2 actes et 3

tableaux, avec Alfred Masson-Forestier,

Paris, Théâtre Antoine, 6 mai 1903

L'Idiot, drame en 2 actes, Paris, Théâtre

de l'Odéon, 29 octobre 1903

38

La Dernière torture, drame en 1 acte, avec

Eugène Morel, Paris, Grand Guignol, 2

décembre 1904

L'Obsession, drame en deux tableaux,

avec Alfred Binet, Paris, Grand Guignol, 17

mai 1905

Madame Hercule, comédie en 1 acte, avec

Georges Montignac, Paris, Scala, 7 octobre

1905

La Nuit rouge, drame en 1 acte, avec

Charles Foley, Paris, Nouvelle-Comédie, 21

octobre 1905

La Victime, ou l'Affaire de l'impasse des

39

Trois-Poulets, comédie en 1 acte, avec

Michel Carré et Jean Marsèle, Paris,

Nouvelle-Comédie, 23 février 1906

Baraterie, drame en 2 actes, avec Alfred

Masson-Forestier, Paris, Grand Guignol, 27

février 1906

À qui le tour ? comédie en 1 acte, avec

Jean Marsèle, Paris, Théâtre Fémina, 10

mai 1907

Terre d'épouvante, pièce en 3 actes, avec

Eugène Morel, Paris, Théâtre Antoine, 17

octobre 1907

Cordon sanitaire, vaudeville en 1 acte, avec

40

Georges Montignac, Paris, Eldorado, 29

février 1908

Une leçon à la Salpétrière, tableau

dramatique en 2 actes, Paris, Grand

Guignol, 2 mai 1908

Un concert chez les fous, pièce en 2 actes,

avec Charles Foley, Paris, Grand Guignol,

29 janvier 1909

L'Horrible expérience, drame en 2 actes,

avec Alfred Binet, Paris, Grand Guignol, 29

novembre 1909

L'Innocent, comédie en 1 acte, avec

Eugène Morel, Paris, Théâtre Antoine,

41

1909

Sur la dalle, drame en 1 acte, avec Georges

Montignac, Paris, Théâtre Moderne, 1909

Bagnes d'enfants, drame en 4 actes, avec

Pierre Chaine, d'après le roman En

correction de Édouard Quet, Paris,

Théâtre de l'Ambigu, 1er juin 1910

L'Homme mystérieux, pièce en 3 actes,

avec Alfred Binet, Paris, Théâtre

Sarah-Bernhardt, 3 novembre 1910

Figures de cire, drame en 2 actes, avec

Georges Montignac, Paris, Grand Guignol,

25 novembre 1910

42

Le Cœur de Floria, ballet, Paris, Théâtre

de la Gaîté, 7 mai 1911

La Petite Roque, drame en 3 actes,

d'après la nouvelle de Guy de Maupassant,

avec Pierre Chaine, Paris, Théâtre de

l'Ambigu, 2 octobre 1911

Sous les marronniers... farce en 1 acte,

avec Jean Marsèle, Paris, Théâtre des

Mathurins, 15 octobre 1911

L'Amour en cage, comédie en 3 actes, avec

Jean Marsèle et Frantz Funck-Brentano,

Paris, Théâtre de l'Athénée, 23 novembre

1911

43

Les Invisibles, tableau dramatique en 1

acte, avec Alfred Binet, Arènes de Nîmes,

23 juin 1912

Ernestine est enragée ! vaudeville en 1

acte, avec Georges Montignac, Paris,

Théâtre Impérial, 7 février 1913

Le Truc d'Adolphe, vaudeville en 1 acte,

avec Léon Michel, Paris, Concert Mayol, 6

décembre 1913

La Maffia, drame lyrique en 2 actes, avec

Jean Marsèle, musique de Georges de

Seynes, Nice, Opéra, avril 1914

Un crime dans une maison de fous, drame

44

en 2 actes, avec Alfred Binet, Paris, Grand

Guignol, 17 juin 1915

La Visiteuse, pièce en 1 acte, avec Henri

Bauche, Paris, Théâtre Impérial, 27 avril

1916

Le Château de la mort lente, pièce en trois

actes, avec Henri Bauche, Paris, Grand

Guignol, 27 mai 1916

La Bonne amie, comédie en 1 acte, avec

Henri Bauche, Paris, Théâtre Impérial,

Grand Guignol, 15 juin 1916

Le Laboratoire des hallucinations, drame

en trois actes, avec Henri Bauche, Paris,

45

Grand Guignol, 29 novembre 1916

L'Enfant mort, rame en deux actes et

trois tableaux, avec Eugène Morel, Paris,

Grand Guignol, 17 mars 1917

Napoléonette, pièce en 5 actes et 1

prologue, d'après le roman de Gyp, avec

Jean Marsèle, Paris, Théâtre

Sarah-Bernhardt, 29 mai 1919

Forfaiture, comédie musicale en 5

épisodes, d'après le film de Hector

Turnbill, avec Paul Milliet, musique de

Camille Erlanger, Paris, Théâtre de

l'Opéra-Comique, 9 février 1921

46

L'Homme de la nuit, drame en 2 actes,

avec Léo Marchès, Paris, Grand Guignol,

1er octobre 1921

Un beau tableau, comédie en 1 acte, avec

Oscar Bouwens Van der Boijen, Paris,

Grand Guignol, 10 mars 1922

Mon p'tit Tom ! comédie en 1 acte, avec

Léon Michel, Paris, Moulin de la Chanson,

10 avril 1922

Le Cercueil de chair, drame en 2 actes,

avec Henri Bauche, Paris, Grand Guignol,

18 mars 1924

L'Homme aux chèques, pièce en 1 acte,

47

avec José de Bérys, Grand Guignol, 1924

Le Feu de joie, comédie en 3 actes, avec

Claude Roland, Gand, Théâtre royal, 22

octobre 1924

Mon curé chez les riches, pièce en cinq

actes, d'après le roman de Clément Vautel,

avec Pierre Chaine, Paris, Théâtre

Sarah-Bernardt, 4 mai 1925

Le Cabinet du Docteur Caliguri, drame en 7

tableaux, avec Henri Bauche, d'après le

film de Karl Meyer et Janowitz, Paris,

Grand Guignol, 2 décembre 1925

L'Étrangleuse, drame en un acte, Paris,

48

Grand Guignol, 1er juillet 1926

Les Nuits rouges de la Tchéka, drame en 2

actes, avec Henri Bauche, Paris, Grand

Guignol, 14 décembre 1926

La Chambre ardente, drame en deux actes,

avec Henri Bauche, Paris, Grand Guignol, 7

janvier 1928

Une nuit d'Edgar Poe, cauchemar en 1

acte, Paris, Théâtre Saint-Georges,

février 1929

Mon curé chez les pauvres, pièce en 5

actes, tirée du roman de Clément Vautel,

avec Pierre Chaine, Paris, Théâtre

49

Sarah-Bernhardt, 28 avril 1930

L'Horrible passion, pièce en trois actes,

avec Henri Bauche, Paris, Grand Guignol,

22 juin 1934

Jack l'éventreur, pièce en trois actes,

avec Pierre Chaine, Paris, Grand Guignol,

30 septembre 1934

Magie noire, drame en trois tableaux, avec

Henri Bauche, Paris, Grand Guignol, 14

février 1935

Pour jouer la comédie de salon, guide

pratique du comédien mondain, 1908

50

Cauchemars, 1912

Rosette, ou l'Amoureuse conspiration,

avec Frantz Funck-Brentano, roman, 1912

Les Maîtres de la peur, avec Albert

Dubeux, 1927

L'Étrange amant du mal, avec Maurice

Landay, 1928

La Galerie des monstres, 1928

Le Second crime de la dame en noir, avec

Maurice Landay, 1929

Dernière conquête, 1942 ; 2002

Contes du Grand-Guignol, édition établie

par Jean-Claude Bernardo, Paris : Fleuve

51

noir, 1993

José de Bérys voit le jour à

Aix-en-Provence mais il grandit à Lyon où il

52

commence à publier des poèmes sous les

noms de José Colb ou José Bloch.

À vingt ans, il choisit de monter à Paris

pour y faire carrière. Il collabore à

Comœdia, Fantasio, L’Humour, Le Journal,

Les Lectures, Le Lyon mondain, Madame

est servie, La Nouvelle revue, Paris-Soir,

Le Radical, Séduction, La Vie parisienne et

d'autres revues. Il fonde, avec Pierre

Chaine et Robert de Beauplan, La Revue du

temps présent. Il est en 1914, avec Louis

Payen, le directeur scientifique du Journal

d’un parlementaire d'Édouard Millaud et,

53

en 1918, l’adaptateur du Poème à la France

de Rudyard Kipling.

Avant et après la Seconde Guerre

mondiale, il occupe divers postes de

secrétaire général dans plusieurs théâtre

où il monte des revues : Théâtre du

Grand-Guignol, Bataclan, théâtre des deux

ânes, Gaieté Rochechouart à Paris ; Casino

des Fleurs à Vichy. Il écrit des romans,

des pièces de théâtre et des pièces

radiophoniques.

De son mariage avec Méda Palm, il a une

fille, Francine Bloch, qui est la quatrième

54

épouse d'Émile Danoën. Il est enterré à

Meudon, au cimetière des Longs Réages.

La Bibliothèque historique de la Ville de

Paris conserve un fonds José de Bérys

composé de lettres autographes, de

manuscrits de ses œuvres, d'articles de

presse, de partitions musicales, de livres

et de programmes de spectacle, et de

papiers de famille concernant notamment

le parlementaire Edouard Millaud

(1834-1912). Ce fonds, provenant de

Francine Bloch, sont entrés par don en

2006.

55

Œuvres représentées au Théâtre du

Grand-Guignol :

1914 : Master Tom ou l'Étalon,

vaudeville, en collaboration avec Pierre

Chaine

1916 : Quart-ville de Paris, comédie,

en collaboration avec Johannès Gravier

1923 : J'veux voir Virginie, comédie

1935 : Un cri dans la nuit, drame

1935 : Les Ondes tragiques, drame

1937 : L'Étrangleur invisible, drame

1937 : On a volé une voiture, comédie,

en collaboration avec François de Rèze

56

1938 : Lizette en ménage, comédie, en

collaboration avec Daniel Jourda

1939 : L'Égorgement de Mme Praslin,

drame

1952 : Un saint homme, comédie

1952 : J'ai une touche, comédie

57

Henri-René Lenormand, né et mort à Paris

(1882-1951), est un dramaturge français

58

fils du musicien René Lenormand. Il a

épousé Marie Kalff qui a créé la plupart de

ses pièces à Paris.

Il a écrit les pièces de théâtre suivantes :

1909 : Les Possédés, Théâtre des Arts

1913 : Terres chaudes

1914 : Poussière mise en scène Firmin

Gémier, Théâtre Antoine

1919 : Les Ratés, mise en scène Georges

Pitoëff, Salle communale de Plainpalais

1919 : Le temps est un songe, mise en

scène Georges Pitoëff, Salle communale de

Plainpalais

59

1920 : Les Ratés, mise en scène Georges

Pitoëff, Théâtre des Arts

1920 : Le temps est un songe, mise en

scène Georges Pitoëff, Théâtre des Arts

1920 : Le Simoun, mise en scène Gaston

Baty, Comédie Montaigne

1922 : Le Mangeur de rêves, mise en scène

Georges Pitoëff

1924 : L'Homme et ses fantômes, mise en

scène Firmin Gémier, Théâtre de l'Odéon

1924 : À l'ombre du mal, mise en scène

Gaston Baty, Studio des Champs-Elysées

1925 : Le Lâche, mise en scène Georges

60

Pitoëff, Théâtre des Arts

1926 : L'Amour magicien, mise en scène

Gaston Baty, Studio des Champs-Elysées

1927 : Mixture, mise en scène Georges

Pitoëff, Théâtre des Mathurins

1928 : L'Innocente, mise en scène Camille

Corney, Théâtre Antoine

1930 : Le Simoun, mise en scène Camille

Corney, Théâtre Pigalle

1931 : Les Trois Chambres, Théâtre

Edouard VII

1932 : Sortilèges, mise en scène Camille

Corney, Studio des Champs-Elysées

61

1936 : La Folle du ciel

1937 : Le Simoun, mise en scène Camille

Corney, Théâtre des Célestins

1952 : Arden de Feversham, mise en scène

Gaston Baty, Comédie de Provence Casino

municipal d'Aix-en-Provence

La Dent rouge

L'Homme et ses fantômes

Crépuscule du théâtre

Asie

La Maison des remparts

Terre de Satan

Il est aussi l'auteur de :

62

Confession d'un auteur dramatique, édité

en 1949

Les Pitoëff, souvenirs, édité en 1943

Marguerite Jamois.

Les Diables du Brabant (récits)

L'Armée secrète (récits)

A l'Ecart, le Penseur et la crétine (récits)

Ciels de Hollande

Adaptation

1936 : Le Merveilleux Alliage de Vladimir

Kirchon, mise en scène Georges Pitoëff,

Théâtre des Mathurins

Aujourd'hui presque oublié, Lenormand fut

63

un des auteurs les plus célèbres de

l'Entre-deux-guerres. Ses pièces furent

montées par les plus grands metteurs en

scène dont Georges Pitoëff. Depuis sa

mort, la plupart d'entre elles n'ont jamais

été rééditées. Le journal d'Arthur

Schnitzler nous permet de penser qu'il a

influencé ce dernier pour écrire sa

Nouvelle rêvée, dont Stanley Kubrick a

fait une célèbre adaptation : Eyes Wide

Shut.

64

65

66

Charles Foley est né à Paris le 9 janvier

1861. Il fit ses études au lycée Condorcet.

Ce fut sans doute un fort mauvais élève,

67

car, depuis l'âge de 8 ou 10 ans, il était

décidé à faire de la littérature.

Contrairement, d'ailleurs, à l'usage, son

père, qui était médecin, l'encouragea

vivement dans cette voie et facilita les

débuts de son fils. C'est à « la Revue

Bleue » que parut la première nouvelle de

Charles Foley.

Peu après, à 19 ans, il publie chez l'éditeur

Monier, sous le titre « Les Saynètes » son

premier volume : des vers.

Comme les peuples heureux, Charles Foley

n'a pas d'histoire.

68

Nous retrouvons le jeune poète sous

l'uniforme de volontaire. Etre soldat, cela

vous allège de ce « duvet autour de l'âme

» dont parle Rostand dans l'à-propos qu'il

prononça au collège Stanislas, avant une

représentation de Cyrano.

Et, à son retour du régiment, Charles

Foley n'écrira plus de vers.

Mais cela ne l'empêche point de demeurer

poète.

Ses deux premiers romans sont «Guerre

de Femmes» et « La Course au Mariage »

qui parût à la Justice de Clémenceau.

69

Le jeune écrivain faisait alors partie du

cercle Volney où Dieudonné, Dumény,

Madame Amel, Matrat, Maria Legault

jouent quelques-unes de ses pièces,

Depuis, Charles Foley n'a cessé de

produire roman s et pièces de théâtre.

Parmi les romans, nous citerons d'abord

ses beaux récits vendéens : Les Colonnes

Infernales, l'Otage, Vendée ! Cœur de Roi,

Guilleri Guilloré, les Mauvais Gars, Jean

des Brumes, plusieurs romans historiques,

Le Roi des Neiges, Fleurs d'Ombre,

l'Histoire de la Reine de Bohème et de ses

70

sept châteaux, puis, parmi les études de

vie contemporaine et de mœurs modernes :

les Cornalines, Monsieur Belle-Humeur,

Mulot et Gendres, Drames de coulisses,

Joles Ames, etc., etc...

Femina a publié Tuteur et l'auteur a connu

de non moindres succès avec son roman de

haute portée sociale et de thèse toute

actuelle sur l'argent intitulée

L'Ecrasement.

M. Charles Foley est aussi l'auteur du

Vieux de la Rouquine, de la Nuit Rouge, et

d'Un concert chez des Fous, en

71

collaboration avec André de Lorde, drames

qui furent accueillis avec une grande

faveur au Théâtre du Grand Guignol.

Dans le même ordre d'idées tragiques,

rappelons les titres des grands Romans

mystérieux de cet écrivain, romans

traduits, dans toutes les langues : Kowa la

Mystérieuse, La Chambre du Judas. Des

Pas dans la Nuit, etc., etc.

Cette oeuvre, déjà considérable, a mis

Charles Foley au premier rang, des

romanciers contemporains. Et il occupe,

parmi eux, une place vraiment bien à lui.

72

Conteur fertile, il a, d'une part, été pour

la Vendée, le Maine, pour les soulèvements

chouans et les complots royalistes, un

autre Dumas, aussi ardent, aussi

mouvementé, aussi pittoresque, plus

soucieux toutefois de la vérité historique.

Psychologue délicat, nuancé et profond, il

a, d'autre part, étudié, les âmes et peint

la société moderne avec une exquise

sensibilité.

Charles Foley a publié successivement ses

contes ou ses romans à l'Illustration, à

Femina, au Temps, au Gaulois, aux Annales

73

Politiques et Littéraires à la Revue Bleue,

au Conteur Populaire, à la Revue

Hebdomadaire, etc., etc.

Enfin, depuis plusieurs années déjà, M.

Charles, Foley qui est un érudit profond et

un bibliophile qui sait extraire des livres

tous les enseignements qu'ils dégagent,

donne à l'Écho de Paris, des Causeries

d'Histoire extrêmement goûtées.

Plusieurs de ces études ont été traduites

et ont paru dans des Revues de Vienne et

de Berlin.

Charles Foley est enfin l'auteur d'Au

74

Téléphone, ce drame poignant dont le

tragique moderne, nouveau, imprévu,

assura le triomphe.

Au Téléphone fut joué plus de douze cents

fois dans toute l'Europe, en Amérique, etc,

etc. Ce drame est resté au répertoire du

théâtre Antoine.

75

Alfred Binet (Alfredo Binetti), né le 8

juillet 1857 à Nice et mort le 18 octobre

1911 à Paris, est un pédagogue et

76

psychologue français. Il est connu pour sa

contribution essentielle à la psychométrie.

Alfred Binet est le fils d'un médecin et

d'une artiste-peintre. À la fin de ses

études secondaires au Lycée

Louis-le-Grand à Paris, il débute des

études de droit. Admis au barreau de Paris

en décembre 1878, après l'obtention de sa

licence de droit, Binet démissionne six ans

plus tard en évoquant des « circonstances

indépendantes de sa volonté ». Il engage

ensuite des études de médecine qu'il ne

terminera pas. Il complète sa formation

77

éclectique par des cours de

psychophysiologie et de clinique

psychiatrique.

En 1883, Joseph Babinski présente Binet à

Charles Féré avec qui il publie Le

Magnétisme animal et Les Altérations de

la personnalité.

En 1884, Alfred Binet épouse la fille de

l'embryologiste Édouard-Gérard Balbiani

et commence des études de sciences

naturelles à la Sorbonne sous la direction

de son beau-père. Encouragé par Théodule

Ribot à poursuivre ces études dans le

78

domaine de la psychologie, il travaille avec

Jean-Martin Charcot à l'Hôpital de la

Salpêtrière où l’hypnose et la suggestion

sont des thèmes d'expérimentation

nouveaux et fertiles. La naissance de ses

deux filles, Madeleine (1885) et Alice

(1888), lui fournit un sujet d'études.

En 1890 il rencontre Henri Beaunis qui a

créé l'année précédente le Laboratoire de

psychologie physiologique de la Sorbonne,

rattaché à l'École pratique des hautes

études. Binet l'y rejoint et se voit nommé

directeur adjoint en 1892. En 1892,

79

Théodore Simon, interne de psychiatrie à

la colonie de Perray-Vaucluse, le contacte

au sujet des enfants anormaux dont il a la

charge. Ils débutent une collaboration.

En 1894, Alfred Binet fonde avec Henri

Beaunis la revue L'Année psychologique.

L'année suivante, il devient directeur du

laboratoire de psychophysiologie à la place

d'Henri Beaunis. En 1895, il donne une

série de cours à l'Université de Bucarest,

en Roumanie.

En 1905, à la demande du gouvernement

français, Alfred Binet publie une échelle

80

métrique de l'intelligence qu'il a élaboré

conjointement avec Théodore Simon.

Cette échelle a pour but de mesurer le

développement de l'intelligence des

enfants en fonction de l'âge (âge mental).

Il opte d’emblée pour une stratégie

ouverte, c’est-à-dire qu’il n’écarte a priori

aucun indicateur. Il s’intéresse ainsi

notamment à la graphologie ainsi qu’à la

céphalométrie ou encore la chiromancie. Il

ne retient que les indicateurs

suffisamment pertinents pour évaluer

l'intelligence. Dans les années suivantes, il

81

proposera des améliorations. Ce travail

sera le point de départ de nombreux

autres tests, en particulier le quotient

intellectuel (QI).

Alfred Binet meurt d'une congestion

cérébrale le 18 octobre 1911.

Il est l'inventeur des premiers tests

psychométriques. Le peuple qui a les

meilleures écoles est le premier peuple.

S'il ne l'est pas aujourd'hui, il le sera

demain. (Jules Simon).

Suite à la loi de l'enseignement obligatoire

de 1882, Binet fut chargé de mission en

82

1904 par le ministre de l'Éducation. Le

ministère de l'instruction publique fait

appel à ses compétences pour imaginer un

outil qui permettrait de repérer les

enfants susceptibles de rencontrer les

plus grandes difficultés scolaires. Alfred

Binet s'adjoint les services du médecin

Théodore Simon. L'échelle psychométrique

Binet-Simon vise à un diagnostic rapide

d'arriération en comparant les

performances de l'enfant à celles de sa

classe d'âge. Binet refusait l'exclusion des

débiles légers. Loin de chercher à éliminer

83

certains écoliers du circuit scolaire au nom

d'une idéologie ségrégationniste, Binet

entend en réalité organiser pour eux une

structure d'accueil pour leur permettre

de réintegrer au plus vite les classes

normales. L'espoir de cette réinsertion se

fortifie avec l'ouverture, en octobre 1905,

de son laboratoire de pédagogie normale, à

l'école de la rue de la Grange-aux-Belles à

Paris. Qui plus est, Binet est le premier à

souligner la différence sociale des

variations cognitives dans les résultats

des performances intellectuelles, mais

84

aussi physiques. Son échelle

psychométrique conduira pourtant à des

interprétations naturalistes et raciales,

plus simplistes, notamment aux États-Unis.

Sa modification par Lewis Madison Terman

en fera un instrument de sélection et

d'élitisme.

Pièces de théâtre

Alfred Binet écrivit des pièces de théâtre

en collaboration avec André de Lorde.

L'Obsession

Une leçon à la Salpêtrière

L'Horrible Expérience

85

86

PAULA MAXA

87

Maxa, nom de scène de Marie-Thérèse

Beau, (7 décembre 1898 - 23 septembre

1970) était une actrice de théâtre

française, spécialisée dans les rôles de

victimes dans les pièces du Grand Guignol,

de 1917 à 1933.

Surnommée la "Sarah Bernhardt de

l'impasse Chaptal" et "la femme la plus

assassinée au monde" pour avoir été mise à

mort 30 000 fois sur scène, son jeu

scénique se caractérisait par l'outrance

des gestes, les cris d'épouvante, les yeux

exorbités, les larmes ou la simulation de

88

crise de nerfs.

Selon ses souvenirs, elle aura en effet été

"flagellée, martyrisée, coupée en tranches,

recollée à la vapeur, passée au laminoir,

écrasée, ébouillantée, saignée, vitriolée,

empalée, désossée, pendue, enterrée

vivante, bouillie au pot-au-feu, éventrée,

écartelée, fusillée, hachée, lapidée,

déchiquetée, asphyxiée, empoisonnée,

brûlée vive, dévorée par un lion, crucifiée,

scalpée, étranglée, égorgée, noyée,

pulvérisée, poignardée, revolvérisée et

violée".

89

Son principal partenaire de scène au Grand

Guignol était Georges Paulais.

Il lui est arrivé de quitter ses rôles

fétiches pour des productions moins

sanglantes, des comédies de boulevard et

quelques rôles au cinéma. En 1933, elle fut

directrice d'un théâtre voisin de Pigalle, le

Théâtre du Vice et de la Vertu, rue

Fontaine.

90

91

Georges Paulais est un acteur français né

le 16 septembre 1884 à Guimps et mort le

12 décembre 1967 à Chabanais.Après une

belle carrière au théâtre où il était

92

l'interprète fétiche des drames d'André

de Lorde, le cinéma fait appel à lui et à sa

voix de basse profonde dès le début du

parlant. Son impressionnante filmographie

est composée en grande partie de

modestes apparitions marquantes, elle

s'étend de 1910 à 1968.

93

QUELQUES PIECES DU GRAND

GUIGNOL

94

« Le système du docteur Goudron et du

professeur Plume » (1905) critique les

libérations précoces des aliénés, qui par

ailleurs sont souvent traités comme des

bêtes curieuses et parfois comme des

bêtes sauvages. De même, «L’obsession

ou les deux forces » (1905) embraie sur le

même thème et met en lumière les conflits

de l’époque entre les tendances libertaire

et répressive. Un célèbre aliéniste ne

diagnostique pas la folie d’un patient qui

décrit ses pulsions meurtrières en les

attribuant à son beau-frère avec lequel il

95

serait très intime : insomnie,

amaigrissement, colères subites, peurs

injustifiées.

« La leçon à la Salpetrière » (de Lorde,

1908) est une critique acerbe des

expérimentations de Charcot sur

l’hystérie. Alfred Binet a certainement

inspiré cette pièce. Les internes, pour

plaire au patron, apprennent aux patientes

à jouer la comédie et à simuler les

symptômes de la folie (léthargie,

catalepsie par exemple). Ces mêmes

internes imaginent, à l’insu du patron, des

96

expériences proches de la torture.

Toutefois l’un d’eux a des conceptions très

neuves pour l’époque : « nous exagérons

nos droits vis-à-vis des malades : les

malades de l’assistance publique ne sont

pas soignés comme ceux qui paient. Nous

faisons de la science : il vaudrait mieux

faire de l’humanité. »

« Le concert chez les fous » (1910) montre

que les psychiatres ne se préoccupent

guère de la réinsertion des malades

mentaux après la sortie du milieu

hospitalier. Une folle est renvoyée chez

97

elle, soi-disant guérie, sans prévenir son

frère et sans l’avertir de la mort de son

père. Lors du concert organisé à l’asile

par le directeur, les fous ne participent

pas à la fête et sont l’objet de la risée des

invités : l’un se prend pour une locomotive,

un autre se croit en porcelaine et le

troisième croit être Lamartine.

Dans « Le labo des hallucinations » (1916)

l’auteur critique les expériences sur le

cerveau pour étudier les mécanismes de la

douleur ; un chirurgien, pour se venger de

l’amant de sa femme, efface son

98

intelligence et sa mémoire, sans le tuer.

Un cas de « folie circulaire » et périodique

est remarquablement analysé dans « Les

détraquées », pièce signée par Olaf et

Palau : une institutrice morphinomane est

atteinte de folie meurtrière et de

perversion sexuelle. La mise en scène et

le texte scientifique suggéraient qu’un

médecin se cachait sous le pseudonyme de

Olaf. Ce n’est qu’en 1956 qu’André

Breton, neuropsychiatre lui-même, révèle

dans le premier numéro de la revue « Le

Surréalisme » qu’Olaf n’était autre que

99

Joseph Babinsky (1857-1932), neurologue,

qui avait décrit le syndrome pyramidal et

notamment le fameux signe qui porte son

nom.

Dans le même ordre d’idées, le couple de

Lorde – Binet a commis une autre pièce

intitulée « Crime dans une maison de fous

» (1925) ; le corps médical d’un asile se

révèle négligent, tandis que les religieuses

apparaissent uniquement préoccupées par

leur rituel et par les devoirs à rendre aux

morts, laissant les aliénés sans

surveillance la nuit pour se consacrer au

100

service de la chapelle. Les folles non

pratiquantes sont négligées : « Les gens

sans religion, c’est comme les animaux. »

proclame la sœur supérieure. Cette même

paire d’auteurs avait écrit « L’horrible

expérience » en 1909, qui stigmatisait la

vivisection psychologique . Un demi siècle

avant le choc électrique externe et les

pacemakers, le héros de la pièce, le

docteur Charrier, avait inventé une

machine avec roue dentée, crémaillère et

bobine, munie d’une électrode qui poussée

jusqu’au cœur, pouvait y être « plantée »

101

et permettait de « stimuler » le cœur

pendant plusieurs heures, la fréquence et

l’intensité étant réglables.

Si la neuropsychiatrie est le sujet le plus

souvent traité parce que les « conseillers

» Binet et Babinsky appartenaient à cette

spécialité, le théâtre « médical » du Grand

Guignol dénonçait d’autres abus dans le

domaine de la médecine.

« Le chirurgien de service » (1905) est une

satire violente du carcan administratif de

l’Assistance Publique de Paris. Sous peine

de sanctions, un interne ne pouvait opérer

102

hors la présence d’un chirurgien. Une

jeune femme est admise à l’hôpital pour

une grossesse extra-utérine rompue.

L’interne refuse de l’opérer en l’absence

du chirurgien et elle meurt exsangue.

Cette scène illustre en outre la saleté de

la salle de garde, l’insensibilité peut-être

apparente des médecins et le langage

cynique et grossier des internes.

« Le professeur Verdier » (1907) ne

retrouve plus une pince en or qu’il

considère comme son fétiche : « Dans quel

ventre l’ai-je laissé ? » Il projette de

103

réopérer plusieurs patients sous les

prétextes les plus divers, mais

heureusement il finit par retrouver la

pince dans un sucrier !

« Après coup » (1908) de René Berton,

médecin en Périgord, est une pantalonnade

ridiculisant l’idée de Charcot selon laquelle

les tics sont des signes avant coureurs de

maladie nerveuse.

Enfin, en 1911 une pièce « La dichotomie »,

scandalise le corps médical et entraîne la

démission du médecin de service qui

soignait les malaises des spectateurs

104

impressionnables. C’est l’histoire d’une

femme riche qui a un nodule au sein. Le

chirurgien et le généraliste, poussé par

une épouse dépensière, y décident

d’opérer avant d’avoir reçu le résultat de

la biopsie et s’accordent sur les honoraires

et leur répartition. Lorsqu’ils apprennent

qu’il s’agit d’une tumeur bénigne, ils

persistent dans l’intention d’opérer et

transfèrent la patiente dans une clinique

d’Auteuil. Comme nous sommes au Grand

Guignol et qu’il faut de l’émotion et de

l’horreur, la patiente mourra d’une syncope

105

« blanche » lors de l’induction de

l’anesthésie par le chloroforme.

Malgré les outrances, les

invraisemblances, le mérite du Grand

Guignol est d’avoir mis en évidence

certains abus et erreurs de la médecine au

début du siècle.

106

La peur de «l'autre» est apparu au

Grand-Guignol en d'innombrables

variations: la peur du prolétariat, la peur

de l'inconnu, peur de l'étranger, peur de la

contagion certains avaient la rage. La lèpre

107

a décimé les passagers de la pièce de Max

Maurey Le Navire et les serviteurs dans

L'Auberge ont été la proie d'une maladie

mystérieuse. Dans plusieurs pièces un

visiteur d’une maison close a été exposé à

la syphilis.

Mais ce qui portait le Grand-Guignol à son

plus haut niveau ont été les états de

conscience altérée par les drogues ou

l'hypnose. Perte de conscience, perte de

contrôle, panique, des thèmes avec

lesquels les spectateurs du théâtre

pouvaient facilement s’identifier.

108

Quand un théâtre affiche régulièrement

des amputations, brûlures à l'acide,

éviscérations, coups de poignards et

toutes sortes d'autres actions violentes,

une personne peut demander mais

comment étaient fait ces nombreux effets

aussi réalistes ?

L'un des secrets les mieux gardés du

Grand Guignol était leur faux sang.

Plusieurs sources disaient qu'il se figeait

après quelques minutes comme le sang

réel. Mel Gordon, un professeur de

109

théâtre à l'université de Berkeley et

expert dans les trucages du Grand Guignol

affirme que la base est faite d'un mélange

chauffé à parts égales de carmin et de

glycérine. Le carmin est un pigment rouge

vif en faisant bouillir des insectes séchés,

on peut d’ailleurs trouver des peintures qui

utilisent ce pigment mais le trouver dans

sa forme pure est plus difficile et

nécessite la recherche de magasins

spécialisés.

Afin de livrer les marchandises, une

variété d'appareils et d'accessoires, des

110

astuces ont été nécessaires. Il s'agit

notamment des couteaux en caoutchouc,

vessies cachées, des tubes grands et

petits, des conduites de vapeur, un

poignard qui fait gicler "du sang" à partir

d'un flacon caché dans la main d'un acteur,

poudres rapidement enflammé, une table

avec des accessoires cachés dans tiroirs.

Bien sûr il existe des couteaux qui sont

comme les classiques "flèche-dans-la

tête » où les deux moitiés sont séparées

par un fermoir en métal qui s'adapte

autour du membre de l'acteur.

111

Couper la main d'un homme est plus facile

que ça en a l'air. Il faut d’abord raidir un

gant avec de l'eau et de la colle de sorte

qu'il obtienne la même forme et le peindre

comme une vraie main. L'acteur qui porte

le gant doit être encore capable de bouger

ses doigts . Lorsque la main est coupée

l’acteur enlève le gant et déplace sa main

dans sa manchette dans laquelle est

dissimulée un tube en carton munie d'une

poche de sang. Le gant raidi lui, garde sa

forme identique.

112

Une grande partie du développement des

effets du théâtre sont dus aux pièces du

Grand Guignol mentionnées ci-dessus et

plus particulièrement à Paul Ratineau le

régisseur. Beaucoup de trucs ont été

gardés secrets, certains ont même été

brevetés. La plupart étaient finalement

très simple. La puissance et l'intelligence

de Paul Ratineau ne faisait pas tout. Il a

surmonté un certain nombre de défis.

Premièrement, la scène elle-même était

petite avec le public suffisamment près

113

pour serrer la main des acteurs . Et donc il

fallait dissimuler suffisamment les

trucages pour qu’il ne soit pas vu du public.

Il ne faut pas s'étonner alors, que

Ratineau ait également travaillé beaucoup

sur les éclairages du Grand Guignol. Ainsi

l'éclairage pouvait cacher les

imperfections mais aussi amener le regard

des spectateurs ailleurs afin qu’il ne voit

pas le trucage. De même, l'agencement des

décors et des objets sur scène était

combiné de façon à détourner l'attention

du public. Les effets sonores (également

114

mis au point par Ratineau) avaient bien sûr

leur importance. En d'autres termes, les

accessoires et les astuces que l’on

trouvaient extraordinaires pouvaient

paraître fort simple dès qu’on les

étudiaient un tout petit peu en tenant

compte de la mise en scène.

Lorsque l'argent s‘est fait rare, le théâtre

a préféré les femmes poignardées plutôt

que les hommes, parce que leurs costumes

étaient moins chers car plus petits à

nettoyer. Pour les blessures à la tête, les

hommes étaient les victimes parce que

115

leurs cheveux courts étaient plus facile à

laver.

Naturellement, tout ceci est illusion mais

le simulacre n'est pas toujours dénuée de

risque. Une fois, une actrice qui devait se

pendre fit que le dispositif de protection a

éclaté et elle a failli vraiment se pendre.

Un acteur avait été brûlée par les

flammes d'un revolver. Dans "Orgie dans

le phare," l'héroïne a souffert encore plus

que prévu ayant presque pris feu; dans une

autre pièce , son partenaire masculin a

commencé à croire à son rôle un peu trop

116

et l’a vraiment battu de sorte qu'elle a été

forcée d’aller à la campagne pour soigner

une dépression nerveuse.

117

Voilà le Grand Guignol qui m’a toujours fait

rêvé et que bien sûr je n’ai jamais connu.

Aucun hommage à part dans le film de

François Truffaut « Le dernier métro » ou

Depardieu dit y avoir travaillé, ne lui avait

été rendu du moins en France.

C’est chose faite maintenant.

FIN