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1 Analyse de textes en français : LEA, semestre 2 Cours de MR. Abdelaziz SADIK Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate Les typologies textuelles Introduction Il existe de nombreuses typologies qui ont pour ambition de « classer » les textes. Nous en citerons trois. Celle qui est issue des travaux de Roman JAKOBSON repose sur les fonctions du langage isolées par cet auteur à partir du « schéma de la communication » dont il est l'un des concepteurs à partir des travaux des cybernéticiens N. WIENER et C. SHANNON. Les textes, dans cette typologie, peuvent s'analyser à partir de leur fonction : Référentielle, Expressive, Conative, Phatique, Métalinguistique, poétique-autotélique. Une autre typologie est celle proposée par Egon WERLICH. Les textes y sont classés en cinq catégories : description, narration, exposition, argumentation, instruction ou prescription. Jean-Michel ADAM, dans sa propre typologie, reprend les quatre premiers types de textes proposés par WERLICH, ne retient pas le cinquième, qu'il remplace par le type : dialogal Ainsi, en faisant « mixage » de ces trois typologies, on obtient les types de textes suivants : narratif, descriptif, explicatif (ou informatif), argumentatif, injonctif, dialogal (à travers l'exemple, limitatif, du texte de théâtre), poétique (qui cependant renvoie plutôt au genre « poésie » qu'à la fonction poétique signalée par JAKOBSON). Fonder une classification des textes sur les typologies proposées présente quelque difficulté dans la mesure où toutes entretiennent la confusion entre type de texte, forme et genre.

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

Cours de MR. Abdelaziz SADIK Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate

Les typologies textuelles

Introduction

Il existe de nombreuses typologies qui ont pour ambition de « classer » les textes. Nous en

citerons trois.

Celle qui est issue des travaux de Roman JAKOBSON repose sur les fonctions du langage

isolées par cet auteur à partir du « schéma de la communication » dont il est l'un des

concepteurs à partir des travaux des cybernéticiens N. WIENER et C. SHANNON. Les textes,

dans cette typologie, peuvent s'analyser à partir de leur fonction :

Référentielle,

Expressive,

Conative,

Phatique,

Métalinguistique,

poétique-autotélique.

Une autre typologie est celle proposée par Egon WERLICH. Les textes y sont

classés en cinq catégories :

description,

narration,

exposition,

argumentation,

instruction ou prescription.

Jean-Michel ADAM, dans sa propre typologie, reprend les quatre premiers types de

textes proposés par WERLICH, ne retient pas le cinquième, qu'il remplace par le type :

dialogal

Ainsi, en faisant « mixage » de ces trois typologies, on obtient les types de textes suivants :

narratif,

descriptif,

explicatif (ou informatif),

argumentatif,

injonctif,

dialogal (à travers l'exemple, limitatif, du texte de théâtre),

poétique (qui cependant renvoie plutôt au genre « poésie » qu'à la fonction

poétique signalée par JAKOBSON).

Fonder une classification des textes sur les typologies proposées présente quelque

difficulté dans la mesure où toutes entretiennent la confusion entre type de texte, forme

et genre.

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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Ainsi, il est très difficile de considérer le poétique comme un type de texte stricto sensu.

Il apparaît bien plus comme une forme. En effet, tout le monde connaît tel poème

descriptif, tel autre narratif.

La longue tirade de Théramène, Acte V, scène VI, dans PHÈDRE voit alterner des

séquences descriptives, narratives et expressives. Il serait pour le moins incongru de la

présenter comme un texte « dialogal » sous prétexte qu'elle apparaît dans un texte de

théâtre - ce serait alors confondre type de texte et genre - ou poétique au motif qu'elle

est composée en alexandrins - c'est alors type et forme de texte que l'on confondrait. On

peut étudier cette tirade du point de vue de son impact dramatique, on peut mettre en

évidence les conjonctions forme poétique / fond, mais il semble que « typologiquement

» elle doive s'analyser en mettant en évidence les différentes séquences textuelles qui la

composent.

Il en va de même pour telle fable de La Fontaine, dans laquelle alternent des

séquences descriptives, narratives, dialogales, alors qu'en elle-même la fable présente

une indéniable visée argumentative et une forme poétique avérée.

Substituer la notion de séquence textuelle à celle de type de textes - il est en effet très

rare de trouver un texte typologiquement « pur » - permettrait certainement de résoudre

ces contradictions.

Pour des raisons d'ordre didactique, il conviendrait de distinguer très précisément

genre, type et forme.

Genre Roman

Nouvelle

Fable

Pamphlet

Éditorial...

Type Narratif

Descriptif

Explicatif (ou didactique)

Argumentatif

Injonctif

Forme Poétique

Prosaïque

Dialoguée

Expressive

On peut conclure en précisant qu'un texte s'incarne avant tout dans un genre ; il

alterne des séquences textuelles (types) qui, elles-mêmes, se présentent sous une forme

particulière. Ainsi une séquence narrative peut se trouver aussi bien dans un roman,

dans une fable ou dans un fait-divers. Une fable peut se présenter sous forme poétique

ou prosaïque. Le texte de théâtre se présente essentiellement sous la forme d'un

dialogue, en vers ou en prose, plus ou moins fortement expressif, qui présente des

séquences narratives, descriptives, argumentative ...

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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La forme littéraire et ce qu'on a appelé la « Littérature » s'inscrivent dans une « Histoire

» qu'il convient peut-être également d'interroger (cf. la transparence des Classiques,

l'écriture « artiste » de la fin du XIXème siècle ou encore la neutralité de certaines

écritures contemporaines).

Finalement, la typologie en usage dans le quotidien pédagogique est très souvent réduit

au nombre de cinq ou six : narratif, explicatif, descriptif, argumentatif, injonctif et

informatif.

Le type informatif, type inhérent à tout texte, est très souvent occulté de toute analyse

même si ce type possède ses propres caractéristiques : on parlera des séquences

informatiques dans les différents types de texte et non d’un texte entièrement informatif

Types de textes : leur définition et leurs caractéristiques

Les types de textes renvoient à différents actes de communication: raconter, renseigner,

convaincre, expliquer, ordonner, faire agir, etc.

1. Le texte narratif

Le texte narratif est une narration (orale ou écrite) d’une histoire (réelle ou fictive).

Il raconte un fait, un événement en situant son déroulement dans le temps et dans l'espace. Il

en retrace les étapes et en fixe la durée. Le texte narratif est souvent entrecoupé de passages

descriptifs, explicatifs ou argumentatifs.

Ses caractéristiques:

Les temps du récit: le passé simple de narration, l'imparfait et le présent de

narration.

Les indicateurs (repères) temporels: (puis, soudain, la veille, plus tard...) et

spatiaux: (là, à cet endroit...)

Emploi de verbes d'action: (courir, venir, passer...

Quelques aspects énonciatifs:

étude du point de vue ou la focalisation.

présence du narrateur: pronoms, modalisateurs.

le discours rapporté: discours direct, discours indirect, discours indirect libre.

Exemples de textes de type narratif

Derrière l’appellation texte narratif on trouve des textes différents.

le roman

la nouvelle

le conte

le conte de fées

la fable

la légende

la chronique

le mythe, etc.

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Schéma narratif :

2. Le texte descriptif

Il s'efforce par les mots d'évoquer une réalité que le lecteur ne voit pas mais qu'il peut

imaginer. Il renseigne, sur un espace, sur un physique (portrait) et peut traduire les

impressions ressenties par le descripteur (description subjective).

Ses caractéristiques:

Le temps de la description: imparfait ou le présent de l'indicatif.

Des repères spatiaux pour localiser et donner des informations sur les lieux.

Des caractérisations: des adjectifs, des comparaisons, des métaphores...

Le texte descriptif montre un lieu, un objet, un personnage que le lecteur ne voit pas.

Dans un écrit documentaire (par exemple un guide touristique) ce type de texte évoque une

image fidèle d’un objet réel. Dans un récit de fiction (par exemple un récit de voyage) il peut

créer une atmosphère, donner des indices sur la suite du récit, donner au texte une valeur

esthétique ou développer le symbolisme.

Exemples

le guide touristique

le récit de voyage

le roman

texte documentaire, etc.

3. Le texte argumentatif

Le texte argumentatif a pour objectif de persuader, convaincre le destinataire (celui à qui le

texte s’adresse). Le texte argumentatif défend une position en développant, un raisonnement

structuré et logique. Il vise à convaincre de la justesse d'une idée, d'une pensée, d'un avis en

s'appuyant sur des arguments et des exemples qui ont une valeur de preuves. On appelle

«argumentateur» celui qui argumente et «argumenté» le destinataire de l'argumentation.

L'idée défendue ou combattue s'appelle la thèse. Le texte exprime l’opinion et le jugement.

Ses caractéristiques:

Le présent de l'indicatif ayant l'une des valeurs suivantes: vérité générale,

d'actualité, présent atemporel (ou intemporel).

Des termes d'articulation (mots de liaisons / connecteurs logiques) pour marquer

les liens logiques entre les thèses, les arguments et les exemples: mais, car, donc,

parce que, puisque....

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L'utilisation d'un vocabulaire abstrait.

L'utilisation des procédés de persuasion (conviction): le lexique appréciatif, les

marques de l'énonciation, les figures rhétoriques et stylistiques...

Exemples de textes argumentatifs

l’essai

le pamphlet

l’article, etc.

Remarque : le texte argumentatif peut être un texte à une seule thèse ou à plusieurs thèses.

4. Le texte explicatif

Il cherche à donner une explication, à apporter une information. Il modifie les connaissances

du destinataire. Dans un récit de fiction, le texte explicatif peut instruire le lecteur, retarder

l’action, donner des détails qui aident à comprendre l’intrigue, montrer la cohérence du

personnage et de son comportement, etc.

Exemples :

l’article de dictionnaire

le manuel scolaire

l’article de presse, etc.

Il est considéré comme le niveau supérieur du texte informatif, il prépare l'argumentation et

cherche à informer, à expliquer et à rendre plus clair un sujet que le lecteur ou l'interlocuteur

est censé ignorer. Il a une fonction pédagogique.

Ses caractéristiques:

Le présent de l'indicatif.

Des termes d'articulation du discours pour marquer les étapes de l'explication

(d'abord, ensuite...)

5. Le texte informatif:

Il a pour objectif de renseigner, de communiquer des connaissances sur un sujet donné. On

trouve ce type dans les ouvrages scientifiques, une encyclopédie, un manuel scolaire, un guide

touristique.

Ses caractéristiques:

Absence d'indices de la personne.

Emploi du présent de vérité générale ou d'actualité.

Une typographie mettant en valeur des définitions, des lexiques spécialisés.

Des articulations / connecteurs logiques de type chronologique: d'abord, ensuite...

Un vocabulaire concret.

Remarque :

- Le texte informatif est rarement littéraire ;

- L’information est inhérente à tous les types de textes.

6. Le texte injonctif

Il veut conseiller ou ordonner un comportement à un destinataire.

Exemples :

le mode d’emploi

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la recette de cuisine

la publicité, etc.

Il pousse à l'action, à faire appliquer des consignes. Il implique parfois l'ordre ou

l'interdiction. On le trouve surtout dans les modes d'emploi, dans les recettes de cuisine....

Ses caractéristiques:

L'impératif, L'infinitif, le futur et le subjonctif ayant une valeur injonctive ;

Les références à la deuxième personne sont nombreuses.

Visées des textes

Le texte La visée

Le texte narratif

Vise à raconter des histoires et des événements. C'est la fonction poétique

et référentielle qui domine.

Le texte descriptif

Vise à décrire un lieu, une chose ou un personnage. C'est la fonction

poétique et référentielle qui domine.

Le texte informatif

Vise à donner des informations sans chercher de les expliquer. C'est la

fonction référentielle qui domine.

Le texte explicatif

Il est plus profond qu'un texte informatif. Il vise à expliquer un

phénomène. C'est la fonction référentielle qui domine.

Le texte injonctif

Il vise à donner des conseils, des consignes, des ordres. C'est la fonction

conative qui domine.

Le texte argumentatif

Il vise à défendre un point de vue à l'aide des arguments. C'est la fonction

référentielle, expressive et conative qui domine.

Remarque

Il faut noter que le type appelé informatif n'est pas retenu parce que tous les textes

présentent en principe des informations.

En Résumé

Il est fondamental de distinguer la notion du genre de celle du type et de définir le statut

textuel de chacun des types définis ci-dessus.

Le genre (ou genre du discours) est culturel tandis que le type est fonctionnel/structural.

Le genre est reconnu par « la compétence textuelle » d’un lecteur grâce à des normes

préétablies partagées par le producteur du texte (auteur) et son récepteur (lecteur). Il est

généralement défini par des critères extralinguistiques et extratextuels (idéologiques, sociaux,

historiques…). Sans lire un poème par exemple, on peut le qualifier uniquement d’après sa

forme, comme tel, on peut aussi qualifier un roman uniquement par le nom de son auteur, …

Le type, quant à lui, n’est défini qu’après une analyse, une classification de ses éléments

linguistiques, lexicaux, etc. il s’agit de décortiquer l’architecture interne et d’en dégager les

invariants textuels (phrases, mots, progression, champs lexicaux, ….) pour décider s’il s’agit

de tel type ou de tel autre.

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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Les genres, qui sont reconnus par la communauté scientifique et linguistique bien qu’il n’y ait

pas de consensus parfait au niveau de la classification proposée, sont globalement porteurs

d’un ou de plusieurs types, ils sont hiérarchiquement supérieurs aux types. Certains citent : le

roman, le théâtre, la poésie, d’autres le genre épique, lyrique et tragique, …

Il faut noter que seuls cinq types de textes sont reconnus et font l’unanimité des chercheurs.

Ils correspondent à des processus cognitifs et pragmatiques spécifiques :

1. le type narratif présente des arrangements dans le temps.

2. le descriptif présente des agencements dans l’espace.

3. le type explicatif/expositif est associé à l’analyse et à l’information et part du postulat que

le lecteur ne dispose pas d’une information ou d’un savoir et qu’il faut les lui fournir.

4. le type argumentatif est centré sur une prise de position qui cherche à faire changer

l’opinion du récepteur.

5. le type injonctif incite le lecteur à faire quelque chose, à accomplir un acte, …

Tableau récapitulatif :

Types des

textes

Narratif Descriptif Argumenta

tif

Explicatif/

Informatif/

expositif

injonctif

Critères de

reconnaissa

nce

Structure Situation

initiale+

Elément

perturbateur+

péripéties+

situation finale

Super thème+

sous thèmes+

expansions

prédicatives

Thèse+

antithèse+

synthèse

Présentation+

causes+

conséquences

+

conclusion

Situation 1 +

transformations

+

situation 2

Pronoms

personnels

Généralement :

je, il

Généralement :

je, il

Je (prise de

position)

Le nom des

choses

Pronoms

implicites (voir

temps)

Verbes Verbes d’action Verbes d’état Verbes

d’opinion,

de prise de

position

Verbes

neutres

Verbes d’action

Temps

utilisés

Temps du récit Temps du récit+

temps du

discours

Présent présent Infinitif+

impératif

Connecteur

s

Spatiotemporels

/

chronologiques

spatiaux Logiques/

rhétoriques

logiques chronologiques

Intention Emerveiller +

véhiculer une

morale

Informer

+émerveiller

Faire

changer

d’avis

Combler une

lacune/inform

er

Faire agir

Lexique

utilisé

Abondance de

verbes+

Présence du

dialogue

Abondance

d’adjectifs+

Prédominan

ce de

tournures

impersonnel

les

Abondance de

mots

techniques

neutres

Prédominance

de verbes et de

mots spécialisés

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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Analyse de texte ou traitement de texte

Deux méthodes peuvent servir pour analyser un texte : l’analyse textuelle et celle de l’analyse

par les fonctions de langage.

Qu’est-ce qu’un texte ?

Un texte est un objet particulier qui de par sa nature relative à la langue, fonctionne

simultanément à trois niveaux : linguistique, narratif et poétique.

Le texte en tant que structure linguistique Un texte est une simple suite de mots sur un support (papier ou autre matériau que l’on

appelle canal). Cependant depuis Saussure, on n’a plus le droit d’ignorer que les signes

linguistiques qui constituent le maillage du texte se décomposent en un signifiant et un

signifié qui renvoient à un référent (objet dont on parle). Remarquons que le signifiant texte

vient1 du latin textus dérivé du verbe texere qui signifie tisser. Ainsi l’objet de l’analyse

textuelle devient l’entrecroisement des fils de l’axe syntagmatique et ceux de la trame qui est

l’axe paradigmatique. Le premier axe est celui du développement de la phrase dans l’espace

textuel, le second fonctionne selon le principe du choix et de la substitution et est créateur de

polysémie.

Le texte en tant que structure narrative

Le texte n’est pas uniquement une suite de signifiants obéissant à un encodage linguistique.

C’est aussi une construction narrative. Dans cette perspective, il faut se référer aux schémas

classiques « schéma actanciel » et « schéma narratif ».

Le texte en tant que structure sémiotique (poétique)

Le texte est le produit de tous les moyens mis en œuvre, de toutes les stratégies langagières

mises en jeu pour produire un sens multiple, étoilé, une polysémie généralisée. Réseaux

isotopiques, figures de style (ou tropes), intertextualité, peuvent constituer un mode de lecture

qui ménage un espace de liberté, de rêve et pourquoi pas d’ouverture interprétative.

Ainsi, pour analyser un texte, on doit tenir compte des trois niveaux du texte (linguistique

narratif ou discursif et sémiotique ou poétique).

I. Analyse textuelle

1. Découverte du texte

On aborde toujours un texte par ses références : le nom de l’auteur, le titre de l’œuvre et sa

date de publication, le titre de l’extrait (s’il y en a un). Ces informations permettent de situer

l’extrait dans une époque, dans un courant littéraire, voire à l’intérieur de l’œuvre de l’auteur.

La terminologie du texte donne le domaine du texte ; sa disposition typographique sur la page

donne des indications sur sa nature : vers ou prose, théâtre ou récit, fragment indépendant ou

morceau détaché d’un tout, etc.

2. Premières lectures

2.1. Effectuer une ou plusieurs lectures afin de

Trouver le titre au texte, lorsque ce dernier ne le possède pas.

1 Dictionnaire Encyclopédique Larousse 1995

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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Dégager les idées secondaires et l’idée générale du texte

Dégager le champ lexical et /ou notionnel dominant du texte

Et en déduire le domaine dont le texte relève et le thème du texte

3. Le titre, l’idée générale et les idées secondaires.

Le titre et l’idée générale

Le titre peut être considéré comme une idée générale très concise. Ainsi, il suffit de

développer le titre d’un texte pour obtenir son idée générale. Inversement, il suffit de réduire

l’idée générale d’un texte pour avoir son titre.

Déterminer, si cela est important, le domaine du texte et son genre de discours

Les idées secondaires

Un texte est composé de paragraphes. Chaque paragraphe commence par un alinéa et

développe une seule idée. Typographiquement, le nombre de paragraphes est exactement le

nombre d’alinéas figurant dans le texte. Les idées secondaires d’un texte sont les idées

développées dans chaque paragraphe. Théoriquement, l’idée commune aux idées secondaires

constitue l’idée générale du texte.

4. Type de texte

4.1.Déterminer l’intention de l’auteur, la visée du texte et la fonction ou les fonctions

dominantes.

4.2.Déterminer la structure du texte

4.3.Analyse des éléments linguistiques

- Examiner les temps grammaticaux employés,

- Préciser les pronoms personnels les plus utilisés,

- Chercher le type de verbes les plus utilisés dans le texte (verbes neutres, verbes

d’action, d’état, d’opinion,…).

- Déterminer la nature des connecteurs (spatiotemporels, chronologiques, spatiaux,

temporels, …)

Déterminer la nature du lexique employé (verbes, tournures impersonnelles, lexique

technique, spécialisé,…)

4.4.Analyse des éléments poétiques

Chercher les figures de style utilisées (comparaison, métaphore, métonymie, litote,

euphémisme, antithèse, rythmes, etc.

Page 10: Introduction - FPO

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II. Analyse du texte par la méthode des fonctions de langage

Le schéma de communication de Jakobson est constitué de six éléments. Chaque élément

développe une fonction. Voici succinctement les différents éléments de ce schéma auquel on a

ajouté la notion de feedback ou la rétroaction.

Ce schéma contient six composantes. Chaque composante développe une fonction. En effet,

1) l’émetteur développe la fonction expressive (ou émotive) : raconte sa propre vie, usage de

l’interjection (oh !, hélas !) qui est une pure expression de l’émotion. A l’oral, la fonction

émotive se manifeste par le souffle, le bégaiement (prononcer des mots en tranches).

L’exclamation : toutes les phrases exclamatives montrent une certaine émotion.

2) le récepteur développe la fonction conative : lorsque le message est centré sur le récepteur :

toute parole visant à contraindre le destinataire à entrer dans le jeu développe la fonction

conative. Exemples : demande de prêter attention, demande de comprendre. Le texte

publicitaire et le discours électoral sont par excellence des textes qui développent la fonction

conative.

3) le code développe la fonction métalinguistique : quand la langue parle d’elle-même

(grammaire, sémantique, phonétique, etc.)

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4) le référent développe la fonction référentielle : il faut qu’il y ait une réalité. En

communication, la fonction référentielle est sous-jacente (inhérente) à tout texte.

5) le message développe la fonction poétique : usage d’un bon style (métaphore, euphémisme,

litote, etc.)

6) le canal développe la fonction phatique : c’est lorsque le message est centré sur le contact.

Le destinateur parle pour engager, maintenir ou renforcer le contact avec le destinataire

(allô !, écoutez-moi, hm, hm…)

Un message émis par le destinateur (émetteur/locuteur) doit-être perçu adéquatement par le

destinataire (récepteur/interlocuteur). Plus le destinataire est proche du code (langue) utilisé

par le destinateur plus la quantité d’informations obtenue par le destinataire est grande.

Ainsi, pour savoir les fonctions du langage développées dans un texte, on commence par

l’analyse des :

1. Déictiques

Les déictiques sont des éléments linguistiques qui font référence à l’instance de l’énonciation

et à ses coordonnées spatio-temporels. Cela suppose que l’énoncé (message) contient des

traces repérables du discours.

L’énonciation se résume à « je dis ici et maintenant »

Exemple « tenez-vous bien » suppose que quelqu’un «dit ici (en classe) et maintenant (au

moment où il parle). On doit connaître à quoi fait référence le « je » le « ici » et le

« maintenant » pour comprendre la situation.

Les déictiques sont des termes (pronoms personnels ou démonstratifs, adverbes de lieu ou de

temps, pronoms possessifs ou déterminants) qui ne prennent leur sens que dans le cadre de la

situation d’énonciation. Les déictiques désignent les partenaires de la communication :

locuteur et allocutaire. Ici, là, hier, maintenant, ceci, etc. sont des mots déictiques, car ils ne

sont compris que lorsque la situation d’énonciation est connue. On emploie parfois le terme

embrayeur (qui désigne tout mot dont le sens varie avec le contexte) à la place du terme

déictique.

1.1. déictiques personnels :

Ce sont ceux qui désignent les particules de l’acte de communication qui peuvent être (je/tu),

(nous/vous) et on qui s’oppose à la troisième personne. Celle-ci désigne le référent c’est-à-dire ce

dont on parle.

Le on est un pronom personnel indéfini en genre et en nombre.

Les valeurs de on

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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on peut prendre la valeur du pronom je, du pronom nous, des pronoms (il/elle ou eux) ou avoir la

valeur de tout le monde

Exemple : On vous demande de reprendre à l’exercice.

Dans cet exemple, on a trois valeurs possibles de on :

a) Lorsque le on réfère au pronom je, cela veut dire que l’énonciateur (je) veut se distancier

de son énoncé et éviter son implication ;

b) Lorsque le on réfère au pronom nous, cela veut dire que l’énonciateur veut généraliser le

phénomène et éviter de divulguer l’identité de celui qui demande de reprendre l’exercice.

Il marque donc une distance ;

c) Lorsque le on a la valeur de il/ils. Dans ce cas, l’énonciateur (je) ne veut pas mentionner le

nom de celui qui demande de reprendre l’exercice ou ne le connais pas, etc.

Remarque : Le glissement de je à on permet de passer sans la moindre rupture narrative de

l’expérience singulière à la généralité ou alors le glissement peut être interpréter comme une

non certitude.

Exemple : « Quand on aime, on ne pense pas à soi ».

Dans cet exemple, le soi se réfère à on. Le on a une valeur générique (tout le monde).

1.2. Certains déterminants (déictiques déterminants)

Ce sont les déterminants qui organisent les objets du monde autour de l’instance d’énonciation à

la différence des déterminants définis et indéfinis (le, la, les, un, une, des…).

Exemple : « Dans un certain sens, à cause de ce qui m’est arrivé… lors de ce voyage… »

Le m’ est un déterminant déictique qui renvoie à l’instance d’énonciation « moi » et « moi » est

une variante morphologique de je.

Le « ce » (voyage), renvoie à quelque chose qu’on connaît. C’est une anaphore.

Remarque : les anaphores ne sont pas à analyser dans une instance d’énonciation.

1.3. Les adverbes de temps

a. Ceux qui apparaissent au discours

Exemple1 : « les mœurs ont un peu changé depuis … »

Depuis est un déictique adverbe de temps qui ne peut être déterminé que au moment de

l’énonciation de cette phrase par l’énonciateur.

Exemple2 : « si le mot génie peut s’appliquer à quelqu’un de nos jours, c’est bien billX »

Nos jours est un déictique adverbe de temps qui ne peut être analysé que par rapport au moment

de l’énonciation de cette phrase.

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Exemple3 : « je ne sais pas ce que je ferai aujourd’hui »

b. Ceux qui appartiennent au récit

Exemple1 : « cette femme avait un petit enfant âgé à l’époque de treize ans ».

Exemple2 : « en ce temps les femmes étaient respecté ».

ce temps ne peut être analysé que si je me réfère à la situation dont l’énoncé a été dit

1.4. Déictiques adverbes de lieu

Exemple1 : « ici, je me sens bien ».

Exemple2 : « je suis là »

Ici et là sont des adverbes de lieu qui n’ont de sens que si je connais le lieu de l’énonciation.

1.5. Les valeurs du temps

discours Temps commun Récit Exemples Temps utilisés Temps utilisés Exemples

-Articles scientifiques - Présent - Passé simple

- Plus-que-parfait

- Conditionnel

-Tous les temps

composés

- Roman

-Journaux - Futur Imparfait - Théâtre

-Articles de

vulgarisation

- Passé

composé

- Poésie…

-Faits divers - Conditionnel

de politesse

-Informations

Axe temps

P.S PQP P.C P. récent PRESENT F.P F.S

Les modes

- L’indicatif : marque la certitude. C’est une action réelle

- Le subjonctif : marque une action désirée, souhaitée ou un doute. Il est utilisé pour

exprimer un ordre, une prière, une invitation, un conseil, etc.

- Le conditionnel : marque une action possible, probable. Il est utilisé pour atténuer la

demande, pour exprimer économiquement une hypothèse.

- L’impératif : marque une action voulue. Il exprime un ordre, un conseil, un

encouragement, une invitation ...

2. Les axiologiques

Les axiologiques reflètent la subjectivité de l’énonciateur.

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

Cours de MR. Abdelaziz SADIK Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate

Exemple : « sa sœur était douce et gentille ».

Ces axiologiques peuvent être attribués à des objets, à des personnes ou des concepts.

3. Les modalisateurs

Les modalisateurs indiquent la position de l’énonciateur quant à la vérité ou à la fausseté de

ce qu’il énonce.

3.1.Les modalisateurs d’approximation

Exemple1 : « j’avais l’impression de participer ».

Exemple2 : « il semblait ne pas s’intéresser au problème »

3.2.Les modalisateurs de certitude

Exemple1 : « nous connaissons parfaitement les raisons qui ont poussé les Etats Unis

d’Amérique… ».

Exemple2 : « il est incontestablement quelqu’un de très important »

4. Les verbes performatifs

Ce sont des verbes qui ont un fonctionnement particulier : ils constituent par eux-mêmes une

action.

Exemple1 : « je vous promets mari et femme (ma parole est à la fois l’information et l’action

de promettre)

Exemple2 : « il te remercie pour cet acte » (ou tout simplement « Merci »)

Certains de ces verbes agissent comme véritables modalisateurs qui ont la propriété de

permettre à l’énonciateur de porter un jugement de véracité ou de fausseté sur l’effet contenu

dans le syntagme nominal. Exemples : verbes avouer et regretter

Avouer et regretter fonctionne comme axiologiques et modalisateurs de certitude

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