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INTRODUCTION Les principes juridiques de la dématérialisation des documents ont été posés par de nombreux textes au niveau international, communautaire et national. Confronter l’environnement juridique en vigueur à la pratique permet de constater que si les conditions d’établissement des écrits électroniques sont définies par la loi, leur conservation reste délicate à mettre en œuvre. A ce stade, il convient de distinguer plusieurs types d’archivage, en fonction de la finalité recher- chée : • gestion de l’information (valeur patrimoniale, pas de valeur juridique) ; • preuve et validité d’un acte ou d’un fait juri- dique (valeur juridique) ; • à des fins de contrôle par l’administration, ex : Impôts et Urssaf (valeur juridique). En droit, archiver des documents électroniques, des actes juridiques, (comme des contrats, etc.) correspond à l'idée de pérennité de l'information contenue dans ces documents avec la possibilité de la restituer intacte, c’est à dire identique à celle de son origine. De plus, cette opération visant à conserver des données ayant une valeur probatoire ou des effets juridiques concerne toutes les per- sonnes juridiques sans exception, qu'elles soient physiques, morales, privées ou publiques. En effet, la question de la conservation des documents électroniques fait l’objet de nombreuses réflexions tant pour les administrations que les entreprises.

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INTRODUCTION

Les principes juridiques de la dématérialisationdes documents ont été posés par de nombreuxtextes au niveau international, communautaire etnational. Confronter l’environnement juridique envigueur à la pratique permet de constater que si lesconditions d’établissement des écrits électroniquessont définies par la loi, leur conservation restedélicate à mettre en œuvre.

A ce stade, il convient de distinguer plusieurstypes d’archivage, en fonction de la finalité recher-chée :

• gestion de l’information (valeur patrimoniale,pas de valeur juridique) ;

• preuve et validité d’un acte ou d’un fait juri-dique (valeur juridique) ;

• à des fins de contrôle par l’administration, ex:Impôts et Urssaf (valeur juridique).

En droit, archiver des documents électroniques,des actes juridiques, (comme des contrats, etc.)correspond à l'idée de pérennité de l'informationcontenue dans ces documents avec la possibilité dela restituer intacte, c’est à dire identique à celle deson origine. De plus, cette opération visant àconserver des données ayant une valeur probatoireou des effets juridiques concerne toutes les per-sonnes juridiques sans exception, qu'elles soientphysiques, morales, privées ou publiques. En effet,la question de la conservation des documentsélectroniques fait l’objet de nombreuses réflexionstant pour les administrations que les entreprises.

Avec l’avènement du numérique, les rayonna-ges de documents papier archivés dans les entre-prises ou les administrations devraient progressi-vement faire place à des systèmes d’archivageélectronique. En général, on dit que le papierconfère la pérennité à l’acte/document. Le supportélectronique est, quant à lui, sujet de méfiancepour les entreprises (incertitude de l’intégrité dudocument et de sa lisibilité ultérieure). Ceciexplique sans doute pourquoi le marché attend desrègles d’archivage précises.

L’étude des textes législatifs et réglementairesrelatifs à l’archivage ainsi que des normes tech-niques permet d’établir les principes qui doiventguider l’élaboration et la mise en place d’unsystème d’archivage, en rappelant toutefois quel’archivage d’un type de document donné(fiches de paie, contrats, etc.) nécessitera uneétude juridique spécifique. En effet, chaque fina-lité et domaine juridique a sa spécificité propre(durée de conservation, accès des tiers…).Néanmoins, l’archivage électronique repose sur unsocle commun d’exigences juridiques.

Le livre rouge que la Société SYSTEMICpropose répond aux attentes des entreprises et deleurs clients dans le domaine de l’archivage.Celui-ci a été rédigé par le cabinet d’avocatsCAPRIOLI & Associés qui a développé unsavoir-faire éprouvé depuis de nombreusesannées en ce domaine complexe, aux techniquesvariées (GED, EDI, mail, signature électro-nique).

Nous commenterons les principes juridiquesénoncés dans les textes législatifs et réglementai-res qui nous semblent les plus significatifs ainsique les notions fondamentales de l’archivage.Cette analyse doit permettre de déterminer les cri-tères de fiabilité que doit respecter un systèmed’archivage.

Depuis 1994, la société SYSTEMIC apporteaux utilisateurs son expertise dans le domaine dustockage, de la sauvegarde et de la sécurité desdonnées mais aussi dans celui de l’archivage.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1I. Les obligationsde conservation/d’archivage dans les textes 5

A. Preuve des actes juridiques 5B. Validité de l’ écrit sous forme électronique 6C. Les factures électroniques signées 7D. L’archivage des contrats conclus avec des

consommateurs 9E. Les conditions contractuelles en ligne 10F. La passation de marché public en ligne 10

II. Les notions juridiques fondamentales 12A. Les principales distinctions 12

1. Archivage/conservation 122. Actes/faits juridiques 133. Contrat sous forme électronique/

par voie électronique 154. Archivage droit public/droit privé 16

B. La nature du document archivé 191. L’écrit original 202. Copie d’un acte 263. Délais d’archivage 29

III. La fiabilité du processus d’archivage 32A. La sécurité nécessaire du processus

d’archivage 36B. La traçabilité, caractéristique essentielle

de l’archivage 37C. L’auditabilité du processus, mise en place

d’une politique d’archivage 39

IV. Informations pratiques-Iconographie 40

I. LES OBLIGATIONS DECONSERVATION/D’ARCHIVAGEDANS LES TEXTES

Les obligations d’archivage/de conservation dedocuments sont présentes dans de nombreux textestant législatifs que réglementaires. Voici quelquesexemples typiques qui imposent l’obligationd’archiver des documents électroniques.

A. Preuve des actes juridiques

La loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portantadaptation de la preuve aux technologies de l’infor-mation et relative à la signature électronique1 cons-titue une étape déterminante de la dématérialisationdes actes en droit français. En effet, elle traite desconditions d’établissement et de conservation d’undocument électronique à titre de preuve. Ellepermet d’assimiler un écrit sous forme électroniqueà un écrit sous forme papier2 à partir du moment oùles conditions posées à l’article 1316-1 du Codecivil sont respectées, à savoir que la personne dontl’écrit sous forme électronique émane est dûmentidentifiée et qu’il est établi et conservé dans desconditions de nature à en garantir l’intégrité.Tous les actes juridiques, y compris les actesauthentiques (sous réserve des décrets d’applica-tion), comme les contrats civils ou commerciauxsont couverts par ces articles du code civil.

L’utilisation de la signature électroniquedéfinie à l’article 1316-4 al. 2 du Code civil commeun “procédé fiable d’identification garantissant son

1 J.O. du 14 mars 2000, p. 1968. 2 Art. 1316-3 du CBEde civil.

lien avec l’acte auquel elle s’attache” permet des’assurer que les deux fonctions mentionnées à l’ar-ticle 1316-1 du Code civil sont bien réunies.

Ce texte fait de la conservation de l’écrit sousforme électronique une des conditions obligatoi-res de sa valeur probatoire. On voit ainsi que ledocument est appréhendé pendant tout son cyclede vie : de son établissement à sa conservation.

B. Validité de l’écrit sous forme électronique

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour laconfiance dans l’économie numérique3 introduit lesarticles 1108-1 et 1108-2 du Code civil. Ces articlestraitent de la validité des actes juridiques conclussous forme électronique. Il pourra s’agir, parexemple, de l’écrit formalisant un cautionnementcommercial, un contrat de bail, un contrat de crédità la consommation ou de crédit immobilier, uncontrat de travail à durée déterminée, les statuts desociété, etc. A défaut d’écrit, ces actes seraient juri-diquement nuls. Désormais, un écrit sous formeélectronique constatant un de ces actes sera valabledès le moment où les conditions entourant sonétablissement et sa conservation sont assurées.Ces conditions sont posées à l’article 1108-1 al. 1du Code civil et reprennent celles qui sont exigéesdans le domaine de la preuve. Cet alinéa dispose :“Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un actejuridique, il peut être établi et conservé sous formeélectronique dans les conditions prévues aux arti-cles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu’un acte authen-tique est requis, au second alinéa de l’article 1317.”

Par conséquent, de tels actes peuvent êtreétablis et conservés sous forme électronique à

3 J.O. du 22 juin 2004, p. 11168 et s.

condition que l’identification de l’auteur, l’éta-blissement et la conservation de ces actes soientassurées (et que l’écrit soit une forme exigée autitre de leur validité). Les autres formes éventuel-lement exigées (telles un envoi recommandé, ledouble exemplaire) devraient être dématérialisablessuite à l’adoption d’une ordonnance prise par le buten application de l’article 26 de la LCEN.

L’article 1108-2 du Code civil énonce quecertains actes ne peuvent être dématérialisés :

- ceux relatifs au droit de la famille et des suc-cessions (ex : contrat de mariage, adoption,convention préalable au divorce par consente-ment mutuel) ;

- les actes sous seing privés relatifs à dessûretés personnelles ou réelles, qu’ils soientcivils ou commerciaux, tels que par exemple lecautionnement civil, le nantissement ou le pri-vilège, etc.

C. Les factures électroniques signées 4

La loi n° 2002-1576 du 30 décembre 20025 posele principe du recours à des factures électroniquessignées à condition qu’un contrat soit signé entrel’émetteur et le destinataire 6. Elles devront êtreémises et transmises par voie électronique “dès lorsque l’authenticité de leur origine et l’intégrité deleur contenu sont garanties au moyen d’une signa-ture électronique”. Les conditions de conservation

4 Ces factures sont définies à l’article 289-V du C.G.I.(Code Général des Impôts).

5 Loi de finances rectificative pour 2002, J.O. du 31 décembre2002, p. 22070 et s.

6 Article 289-V du C.G.I.

des factures sont précisées dans l’instruction fiscaledu 7 août 20037.

A ce titre, le paragraphe 326 de l’instructionprévoit que les factures électroniques devront êtreconservées dans leur format original dans lesdélais et conditions prévus par l’article L. 102- B duLivre de Procédures fiscales (L.P.F.), c’est-à-dire :

- sur support informatique pendant une duréeau moins égale au délai du droit de repriseprévu au premier alinéa de l’article L. 169 duL.P.F. (3 ans) ;

- sur tout support au choix de l’entreprisependant les trois années suivantes.

Pendant ce délai, l’environnement matériel oulogiciel peut évoluer. Le client ou le fournisseurdevront assurer la conversion et la compatibilitédes fichiers (factures, signatures et autres éléments)avec les matériels existants lors du contrôle fiscal.

Le paragraphe 327 de l’instruction fiscaleprévoit également que l’impression sur papierd’une facture signée électroniquement ne consti-tue pas une facture d’origine. Par conséquent, iln’est pas nécessaire pour l’entreprise recourant à lafacture électronique signée de les imprimer et deles archiver sur support papier. L’archivage doitêtre effectué sous forme électronique.

L’article 96-F-I de l’annexe III au C.G.I. prévoitque les factures, la signature électronique à laquelleelles sont liées ainsi que le certificat électroniqueattaché aux données de vérification de la signa-ture électronique doivent être conservées dansleur contenu originel par l’émetteur et le desti-nataire.

7 Bulletin officiel des impôts n°136 du 7 août 2003.

D. L’archivage des contrats conclus avec desconsommateurs

L’article 27 de la loi pour la confiance dansl’économie numérique intègre un article L. 134-2dans le Code de la consommation. Cet articleprévoit : “Lorsque le contrat est conclu par voieélectronique et qu’il porte sur une somme égale ousupérieure à un montant fixé par décret, lecontractant professionnel assure la conservationde l’écrit qui le constate pendant un délai déter-miné par ce même décret et en garantit à toutmoment l’accès à son cocontractant si celui-ci enfait la demande”. Le contractant professionnel doitconserver l’écrit permettant de constater le contratconclu en ligne tout en garantissant la mise àdisposition de ce dernier à sa demande.

Le décret n° 2005-137 du 16 février 2005 8 prisen application de cet article fixe à 120 euros leseuil à partir duquel l’archivage du contrat parvoie électronique est obligatoire.

L’article 2 du décret précise que le délai deconservation est fixé à 10 ans à compter de laconclusion du contrat “lorsque la livraison dubien ou l’exécution de la prestation est immé-diate”. Dans le cas contraire, “le délai court àcompter de la conclusion du contrat jusqu’à ladate de livraison du bien ou de l’exécution de laprestation et pendant une durée de dix ans àcompter de celle-ci.”

8 J.O. du 18 février 2005, p. 2780.

Il reste à déterminer les éléments (conditionsgénérales, contrat de vente, commande, signatureélectronique, accusé de réception ou autres9)archivés par le contractant professionnel ainsique les modalités d’accès du consommateur à soncontrat.

E. Les conditions contractuelles en ligne

L’article 1369-1 du code civil, introduit par laLoi pour la confiance dans l’économie numérique(LCEN) du 21 juin 2004 prévoit que “Quiconquepropose, à titre professionnel, par voie électronique,la fourniture de biens ou la prestation de services,met à disposition les conditions contractuellesapplicables d’une manière qui permette leurconservation et leur reproduction. Sans préjudicedes conditions de validité mentionnées dans l’offre,son auteur reste engagé par elle tant qu’elle estaccessible par voie électronique de son fait.”

Il résulte de cette disposition que chaqueversion des conditions générales mises en lignedevra être conservée de manière intègre et datéeavec un procédé de datation électronique fiablepour faire foi en cas de litige de la version oppo-sable.

F. La passation de marché public en ligne

L’article 56 du Code des Marchés Publics(C.M.P.) introduit le principe de dématérialisa-tion des procédures de passation de marchéspublics. Il pose quatre règles :

9 Ces exemples sont donnés à titre indicatif et une analyse au cas parcas des documents à archiver par le contractant professionnel estnécessaire.

- la personne publique peut mettre à dispositiondes entreprises par voie électronique les docu-ments nécessaires pour leur permettre de pré-senter leurs candidatures et leurs offres ;

- sauf disposition contraire prévue dans l’avisde publicité, les candidatures et les offrespeuvent également être communiquées parvoie électronique, aucun avis ne pouvant pluscomporter d’interdiction depuis le 1er janvier2005 ;

- la possibilité pour la personne publique d’or-ganiser des enchères électroniques pourl’achat de fournitures courantes ;

- la faculté de remplacer tous les écrits men-tionnés dans le C.M.P. par des documents surun support électronique ou pour des échanges.

Or, en matière de marchés publics, la ques-tion relative à l’archivage est essentielle.Lorsqu’une collectivité territoriale procède à unmarché public, elle a en charge d’assurer elle-même la conservation et la mise en valeur deces archives conformément aux dispositions del’article L. 212-6 du Code du patrimoine. Unesolution d’archivage telle que proposée parSystemic permet de remplir cette obligation d’in-ternalisation.

Toutefois, des précisions concernant lesdocuments à archiver par la personne publiqueet les durées de conservation sont mentionnéesdans le vade-mecum du Minefi 10.

10 V. en ce sens le vade-mecum juridique sur la dématérialisationdes marchés publics du Ministère de l’économie et des financesdisponible à l’adresse : www.minefi.gouv.fr.

On le voit, le droit français impose de nom-breuses obligations de conservation et d’archi-vage des documents électroniques aux entrepri-ses et aux collectivités publiques. On peut noterque si le principe d’archivage est posé, lesmodalités juridiques d’application sont spéci-fiques à un domaine ou un document donné.Néanmoins, une analyse des notions propres àl’archivage est opportune avant toute étudespécifique propre à un secteur ou un document(commercial, social, comptable, médical, etc.).

II. LES NOTIONS JURIDIQUESFONDAMENTALES

A. Les principales distinctions

1. Archivage/conservation

Le langage courant (et parfois le législateur)utilise fréquemment le terme archivage en lieu etplace du mot conservation. Pourtant lorsqu’onemploie le verbe conserver ou le mot conserva-tion, l’idée sous-jacente est de conférer unedimension juridique au simple fait d’archiver.Il s’agit, en simplifiant, de l’action de maintenirintacts les documents et de les préserver de toutealtération, modification ou destruction, mais entermes juridiques, cette opération matérielle doitégalement respecter des règles de façon à assurerla sauvegarde d’un droit. L’action de conserverporte sur des droits alors que l’archivage,semble-t-il, aurait plutôt pour objet les sup-ports, les deux étant intimement liés. Ce lien se

retrouve dans la définition que nous retenons desarchives : “l’ensemble des documents quels quesoient leur date, leur forme et leur support maté-riel, produits ou reçus par toute personne physiqueou morale et par tout service ou organisme publicou privé dans l’exercice de leurs activités” 11.

2. Actes/faits juridiques

Dans le système juridique français, on distingueles actes et les faits juridiques, ce qui a une inci-dence importante en matière probatoire. En effet,deux systèmes de preuve coexistent : la preuvelégale et la preuve libre. Ils varient selon la matièrejuridique en cause (droit civil, droit commercial,droit administratif, droit pénal, …) ou selon laqualification d’acte ou de fait juridique.

Par acte juridique, on entend “l’opération juri-dique (negotium) consistant en une manifestationde la volonté […] ayant pour objet et pour effet deproduire une conséquence juridique […]12” . Cetacte se confond souvent avec l’acte instrumentairequi se définit comme un “écrit (souvent nomméinstrumentum) rédigé en vue de constater un actejuridique […] ou un fait juridique […]13 ”, et dontl’établissement peut être exigé soit à des fins devalidité (ad validitatem) ce qui peut entraîner, encas de non respect du formalisme, la nullité de

11 Article L. 211-1 du Code du patrimoine.12 G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Quadriges/P.U.F., 2001. V°

Acte (I.2).13 G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Quadriges/P.U.F., 2001. V°

Acte (I.3).

l’acte, soit à des fins probatoires (ad probationem).Le régime juridique de la preuve des actes juri-diques électroniques est régi par la loi du 13 mars2000 et les textes réglementaires qui lui sont asso-ciés en droit civil.

Le fait juridique se définit comme : “un faitquelconque (agissement intentionnel ou non del’homme, événement social, phénomène de lanature, fait matériel) auquel la loi attache uneconséquence juridique (acquisition d’un droit,création d’une obligation, etc.) qui n’a pas éténécessairement recherchée par l’auteur du fait.Ex. : le délit oblige son auteur à réparer ledommage causé, la possession d’un immeublependant 30 ans fait acquérir la propriété ; uneforce majeure exonère le débiteur” 14.

La preuve des faits juridiques est libre.Cependant, la liberté de la preuve ne signifie pasabsence de preuve. En réalité, tous les moyens depreuve seront recevables par le juge (présomp-tions, témoignages, aveux, serments, commence-ment de preuve écrite, …). On peut donc prouverpar tous moyens.

Cette distinction entre acte et fait juridique estimportante car suivant l’élément à archiver lesrègles de conservation différeront 15. En effet, sicertaines exigences sont posées pour l’établisse-

14 G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Quadriges/P.U.F., 2001. V°Fait juridique.

15 Par exemple, il existe une obligation de conservation particulièredes certificats électroniques dans les articles 6-II-d, k et l dudécret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application del'article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique(J.O. du 31 mars 2001, p. 5070).

ment et la conservation des actes juridiques (iden-tification de l’auteur et intégrité de l’acte dans letemps) à des fins probatoires ou de validité, rienn’est précisé pour la conservation des faitsjuridiques (jeton d’horodatage, données deconnexion 16, etc.). Cependant, pour convaincre lejuge, il faudra établir la fiabilité du procédé utilisépour archiver les moyens de preuve de ces faits juri-diques. A cette fin, il est recommandé de s’appuyersur les modalités d’archivage prévues pour les actesjuridiques. Une telle démarche aura pour effetd’apporter plus de sécurité juridique. On entendpar “sécurité juridique” le fait pour les personnesarchivant des documents de pouvoir connaîtrevoire s’assurer au préalable et de façon raison-nable, de la valeur juridique de ceux-ci.

3. Contrats sous forme électronique/par voie électronique

La distinction entre contrat sous forme électro-nique et contrat par voie électronique existe depuispeu dans le Code civil. Les premiers sont descontrats “écrits” au sens de la définition posée àl’article 1316-1 du Code civil relatif au concept

16 Les données de connexion d’un internaute devront être conser-vées par les opérateurs de communication électronique pendantune durée d’un an pour les besoins de la recherche, de la consta-tation et de la poursuite des infractions pénales ou encore de lafacturation et du paiement des prestations de communicationsélectroniques comme l’énonce l’article L. 34-1-II et III du Codedes Postes et Communications Electroniques. Un décret enConseil d’Etat, pris après avis de la CNIL, détermine les catégo-ries de données et la durée de leur conservation, selon l’activitédes opérateurs et la nature des communications ainsi que lesmodalités de compensation.Ces données de connexion peuvent également être conservées pard’autres prestataires nécessitant une identification de l’internaute(accès à un site, passation d’une commande…).

d’écrit électronique. Les seconds sont le résultat duprocessus de contractualisation dont les modali-tés sont prévues aux articles 1369-1 et suivantsdu Code civil. Le processus de contractualisationne devrait concerner que les contrats de ventes oude prestations de services “courants”17 et ne néces-sitant pas l’existence d’un contrat écrit (papier ouélectronique) au sens de l’article 1316-1 du Codecivil. En principe, au-delà de 1500 euros, il faut sepréconstituer une preuve par écrit. A défaut, on peutse servir d’autres moyens de preuve tels que le com-mencement de preuve par écrit, l’aveu et le serment.

Cette distinction devrait induire des données dif-férentes à archiver suivant que la personne entendconserver des contrats sous forme électronique oudes contrats par voie électronique. Ainsi, les élé-ments qui devront être conservés et les modalitéspratiques de l’archivage varieront suivant le cas.

4. Archivage droit public/droit privé

En droit administratif, la preuve est libre et peutêtre apportée par tous moyens. S’agissant de lalégalité des actes, d’un point de vue formel, sont enprincipe concernées la signature de l’acte (compé-tence) et la date de son entrée en vigueur.

En matière d’archivage, les règles de droit publicdiffèrent de celles de droit privé. En effet, le Codedu patrimoine trouve à s’appliquer pour les archivespubliques. Elles sont entendues au sens de l’articleL. 211-4 du code du patrimoine comme

17 Ces biens de consommation courante peuvent s’entendre de lavente de DVD, de CD musicaux ou de livres mais aussi devoyages, de spectacles, etc.

“a) les documents qui procèdent de l’activité del’Etat, des collectivités territoriales, des établisse-ments et entreprises publics ;

b) les documents qui procèdent de l’activité desorganismes de droit privé chargés de la gestion desservices publics ou d’une mission de service public;

c) les minutes et répertoires des officiers publicsou ministériels.”

Il convient de préciser que la loi n° 79-18 sur lesarchives du 3 janvier 197918 et ses décrets d’appli-cation, notamment le décret n° 79-1037 du 3décembre 1979, fixent les grands principes d’or-ganisation de l’archivage entre les producteurset les services d’archives : versements, durée d’u-tilité administrative, détermination des sorts finauxdes documents, visas d’élimination, principe desélection et du tri, rôle et responsabilités des diffé-rents services d’archives, établissement de la règledes trois âges des archives : courantes, intermédiai-res et définitives, etc.

Ce texte d’ordre général est relayé par des initia-tives de l’A.D.A.E. (Agence pour leDéveloppement de l’Administration Electronique).Ainsi, le plan ADELE (plan d’action del’Administration Electronique 2004-2007 19)propose de :

- formaliser les modalités d’archivage des sys-tèmes d’informations dans son point 70 relatifaux systèmes d’informations territoriaux ;

18 J.O. du 5 janvier 1979, p. 43 et s.19 Disponible à l’adresse :

http://www.adae.gouv.fr/IMG/pdf/adele_plan_d_action-3.pdf.

- mettre en place un cadre cohérent en matièrede conservation des documents numériquesau sein de l’administration.

En outre, l’archivage des documents en droitpublic est également pris en compte dans d’autresdomaines.

En matière médicale, la loi n° 2004-810 du 13août 2004 relative à l'assurance maladie 20 introduitun article L. 161-36-1-A dans le Code de la sécuritésociale qui dispose dans son I. alinéa 4 : “Afin degarantir la confidentialité des informations médica-les mentionnées aux alinéas précédents, leurconservation sur support informatique, comme leurtransmission par voie électronique entre profession-nels, sont soumises à des règles définies par décreten Conseil d'Etat pris après avis public et motivé dela Commission nationale de l'informatique et deslibertés. Ce décret détermine les cas où l'utilisationde la carte de professionnel de santé mentionnée audernier alinéa de l'article L. 161-33 est obligatoire”.

En matière de démarches administratives, unprojet d’ordonnance prise en application de l’article3 de la loi n°2004-1043 du 9 décembre 2004 de sim-plification du droit 21 prévoit dans son article 4 :“Pour faciliter ses démarches administratives, l’usa-ger peut avoir recours à un dispositif de stockagemis à sa disposition par des autorités administrati-ves et des organismes privés agréés. Cet espace destockage lui permet de conserver, sous formeélectronique, des informations le concernant. Lesautorités administratives ne peuvent pas modifier lesinformations ainsi stockées”.

20 J.O. du 17 août 2004, p. 14598 et s.21 J.O. du 10 décembre 2004, p. 20857 et s.

Bien que définies à l’article L. 211-5 du Code dupatrimoine comme “l’ensemble des documentsdéfinis à l’article L. 211-1 qui n’entent pas dans lechamp d’application de l’article L. 211-4”, lesarchives privées n’y sont traitées que dans uneoptique historique. En effet, les dispositions relati-ves à l’archivage en droit privé ne constituent pas uncorps de règles homogène ; les archives sont évo-quées dans de nombreux codes, notamment le Codecivil, le Code de la consommation, le Code de com-merce, le Code général des impôts ou le Code desdouanes.

B. La nature du document archivé

En droit civil (le droit commun de la preuve), lesactes juridiques dont la somme est supérieure à1500 euros22 ne peuvent être prouvés que par cer-tains moyens de preuve, seuls admissibles, tels quel’écrit, l’aveu 23 ou le serment24, voire par une accu-mulation d’éléments probants (on parle de “com-mencements de preuve par écrit” tels que descopies, des contenus non signés, …). Or, l’archi-vage électronique s’intéresse exclusivement à deuxtypes de preuves : l’écrit original et la copie.

22 Art. 56 du décret n°2004-836 du 20 août 2004 portant modifica-tion de la procédure civile, J.O. du 22 août 2004, p. 15032 et s.

23 Art. 1356 et s. du Code civil. On peut le définir comme la “recon-naissance par un plaideur de l’exactitude d’un fait allégué contrelui, qui constitue un mode de preuve du fait avoué” ; G. Cornu,Vocabulaire juridique, éd. Quadrige PUF, 2001. V° Aveu

24 Art. 1361 et s. du Code civil. On peut le définir comme l’ “affir-mation solennelle (à l’origine, religieuse), orale ou écrite, parlaquelle une personne promet (jure) de se comporter d’une cer-taine manière ou atteste (en le jurant aussi) la véracité d’unedéclaration” ; G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. QuadrigePUF, 2001. V° Serment

1. L’écrit original

En se rapportant à la définition relative à lapreuve par écrit posée à l’article 1316 du Code civil,on peut considérer que l’écrit résulte “d’une suite delettres, de caractères, de chiffres ou de tous autressignes ou symboles dotés d’une signification intelli-gible, quels que soient leur support et leurs modali-tés de transmission”. L’écrit ne dépend donc ni dusupport ni des modalités de transmission.

En outre, le titre original se définit comme unécrit dressé, en un ou plusieurs exemplaires afin deconstater un acte juridique signé par les parties àl’acte (ou par leur représentant) à la différenced’une copie25. Comme nous le verrons par la suite,un écrit original sous forme électronique, requisad validitatem ou ad probationem, devrait doncêtre signé.

a. Formalisme juridique

Le formalisme s’entend de toutes les opérationsconsistant en l’accomplissement d’actes divers(inscription, déclaration, rédaction d’un acte,mention, formulaire à remplir, remise d’un docu-ment, communication d’une pièce, constitutiond’un dossier, insertion d’une annonce, publication)dans la formation des actes juridiques ou l’exercicedes droits à des fins de preuve ou de validité. A cetitre, l’écrit sous forme électronique peut être requiscomme une formalité probatoire ou comme uneformalité de validité d’un acte.

25 G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Quadrige PUF, 2001. V°Original.

i. Preuve d’un acte

Les personnes conservent leurs contrats et autresactes pour des raisons de preuve. En effet, en cas delitige, les parties doivent pouvoir se ménager unepreuve des engagements qu’elles ont souscrits maisaussi, et surtout, de ceux du cocontractant. Ilconvient donc de préconstituer un documentauquel elles pourront recourir le moment utile. A cetitre, l’article 1341 du Code civil pose l’obligationde passer un acte “pour toute chose excédant unesomme ou une valeur fixée par décret”. Si cetteobligation est posée pour des actes dépassant1.500 euros, il n’en reste pas moins vrai que lapréconstitution par écrit d’un acte pour dessommes inférieures à ce seuil est vivementrecommandée pour éviter toute contestationultérieure. Cet acte sera passé suivant les disposi-tions des articles 1316-1 à 1316-4 du Code civil.

Comme l’énonce l’article 1316-1 du Code civil,l’écrit sous forme électronique est admis en tant quepreuve dès le moment où il existe une certitudeque l'écrit émane bien de celui auquel il pourraitêtre opposé et que ni son origine, ni son contenun'ont été modifiés ou falsifiés dans le temps. Si laphase de conservation de l’écrit sous forme électro-nique n’est pas décrite, son établissement nécessitede respecter les conditions de fiabilité propres à lasignature desquelles découlera la fiabilité del’écrit lui-même.

La signature électronique est définie comme “unprocédé fiable d'identification garantissant son lienavec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ceprocédé est présumée, jusqu'à preuve contraire,lorsque la signature électronique est créée, l'iden-

tité du signataire assurée et l'intégrité de l'actegarantie, dans des conditions fixées par décret enConseil d'Etat”. Le procédé de signature électro-nique doit donc identifier le signataire, garantir lelien entre l'acte et la personne dont il émane etassurer l'intégrité de l'écrit signé. A l'heureactuelle, seules les signatures électroniquesbasées sur la cryptologie à clé publique (lessignatures numériques) répondent aux exigenceslégales et plus particulièrement à la garantie dela solidité du lien entre la signature et le message.

Les conditions entourant l’établissement d’unécrit sous forme électronique (en tant qu’origi-nal) démontent le rôle central de la signatureélectronique dans le droit de la preuve. De cefait, la conservation de l’écrit doit s’accompa-gner de celle de la signature électronique et deséléments qui sont associés (certificat, liste de cer-tificats révoqués, voire un jeton d’horodatage).

Les conditions de conservation de l’écrit originalsous forme électronique différeront de celles entou-rant les copies électroniques, notamment par laconservation de la signature.

ii. Validité d’un acte

La validité d’un acte s’entend de toute exigencede forme ou de fond à laquelle la loi subordonne,à peine de nullité, la formation d’un acte juri-dique26.

26 G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Quadrige PUF, 2001. V° exi-gence de validité.

L’article 1108-1 du Code civil, introduit par laloi pour la confiance dans l’économie numérique,pose le principe de reconnaissance de l’écrit sousforme électronique, requis à des fins de validité.

Cet article renvoie aux articles 1316-1 et 1316-4du Code civil. Par voie de conséquence, les mêmesconditions d’identification de l’auteur et d’inté-grité du contenu de l’acte devront être respectéespour l’établissement de l’acte et pour sa conser-vation.

b. Exigences fonctionnelles de l’écrit sous formeélectronique

Les exigences fonctionnelles de l’écrit sousforme électronique sont donc les mêmes que cetécrit soit une formalité probatoire ou de validitéd’un acte. De ce fait, en application de l’article1316-1 du Code civil, la personne auteur de l’actedevra être dûment identifiée et l’intégrité de l’actedevra être assurée au moment de la signature maisaussi pendant toute la durée de conservation.

i. Identification de l’auteur de l’acte

L’auteur de l’acte doit être dûment identifié ; ils’agit d’une des fonctions reconnues à la signature(qu’elle soit ou non électronique) apposée sur unacte. Identifier l’auteur d’un acte reviendra logi-quement à identifier son signataire.

A l’heure actuelle, et suivant les exigences rete-nues dans le décret du 30 mars 2001, seule unesignature électronique fondée sur des certificatsélectroniques répond à cette condition. Un certifi-cat électronique y est défini comme “un document

sous forme électronique attestant du lien entre lesdonnées de vérification de signature électroniqueet un signataire” 27. Le certificat, émis parun Prestataire de Services de CertificationElectronique (P.S.C.E.) doit comporter différentschamps comme le nom du signataire 28 ainsi que sapériode de validité 29. Il servira au destinataire pourvérifier la signature et par voie de conséquence, l’i-dentité du signataire.

Les conditions d’enregistrement et de délivrancedu certificat sont très importantes quant à la foi àaccorder à l’identité du titulaire du certificat. Lesdifférents types de procédures d’identificationn’ont donc pas le même degré de certitude quantà l’identité du titulaire. Il est évident que l’enre-gistrement en face-à-face d’un titulaire confère à uncertificat un plus haut degré de confiance quant à safonction d’identification.

ii. Intégrité de l’acte

La deuxième exigence entourant l’acte sousforme électronique consiste en son établissement etsa conservation “dans des conditions de nature à engarantir l’intégrité”. Ainsi, l’intégrité d’un actedoit être prise en compte pendant tout le cycle devie du document.

Cette notion est peu précise en droit français.Elle est considérée techniquement comme“une caractéristique d’un document électroniquequi n’a subi aucune destruction, altération ou

27 Art. 1-9 du décret n°2001-272 précité.28 Pour un certificat qualifié, art. 6-I-c et d du décret n°2001-272.29 Art. 6-I-f) du décret n°2001-272.

modification”30. Ainsi, on peut estimer que, pourrespecter cette exigence fonctionnelle d’intégrité,toute modification dans le contenu d’un docu-ment devra être immédiatement détectable.

A l’heure actuelle, l’intégrité d’un acte sousforme électronique est indissociablement liée àl’utilisation de la signature numérique.

Lors de la transmission de l’acte juridique, ildoit être possible de s’assurer que l’acte reçu estbien fidèle à celui qui a été finalisé par l’émetteur,en dépit de nombreuses transformations d’ordretechnique intervenues. Pour éviter que le contenune se trouve modifié pendant le transfert, une tech-nique existe : la signature numérique. Elle est liéelogiquement à l’acte. Son intégrité se confondainsi avec le “hachage irréversible” de l’acte. Cehash consiste à faire à l'aide du dispositif de signa-ture un abrégé du message (“condensé”) que l'onchiffre à l'aide de la clé privée de signature(connue du seul signataire) et qui est logiquementlié au message électronique. Pour déchiffrer lecondensé, le destinataire utilisera la clé publiquede l’émetteur. Il lui suffira alors d’appliquer lamême fonction de hachage à l’acte reçu et de com-parer le condensé ainsi généré avec celui transmispar l’émetteur. S’il existe une différence entre lesdeux condensés, il pourra être constaté automati-quement que l’acte a subi une altération au coursde la transmission. Ainsi, grâce à la fonction dehachage et à la comparaison des deux condensés,le destinataire pourra être absolument certain del’intégrité de l’acte reçu.

30 Norme AFNOR Z 42-013.

L’intégrité de l’écrit, c’est à dire la certitudeque l’écrit est resté intègre dans le temps, s’ac-compagne forcément de celle de la signature.Ainsi, reconnaître la valeur probante ou la validitéd’un écrit sous forme électronique revient à recon-naître non seulement la validité de l’écrit lui-même mais aussi celle de la signature numériqueet du certificat associés à l’écrit. Dès lors, laconservation de l’acte dans le temps s’entend decelle de l’écrit, de la signature et du certificatainsi que de tout autre élément permettant des’assurer de la validité d’un certificat aumoment de la signature (liste de certificatsrévoqués, jeton d’horodatage, etc.). La préser-vation de l’intégrité par le support (disqueWORM non réinscriptible) n’est pas indispen-sable si le document est signé.

La conservation de l’écrit et de la signature(ainsi que les autres éléments associés) permetd’assurer l’intégrité de l’acte dans le temps ; laconservation du certificat permet d’assurerl’imputabilité d’un acte pendant la mêmepériode.

2. Copie d’un acte

La copie se définit comme “toute reproductionlittérale d’un original qui, n’étant pas revêtue dessignatures qui en feraient un second original nefait foi que lorsque l’original ne subsiste plus etsous les distinctions établies par l’article 1335 duCode civil, mais dont la valeur est reconnue à desfins spécifiées (notamment pour les notifications),sous les conditions de la loi (copies établies par

des officiers publics compétents…)” 31. Enmatière d’archivage, il pourra s’agir d’undocument papier scannérisé.

Toutefois, la distinction original/copie ne sejustifie pas dans certains cas (telle que la passa-tion d’une commande en ligne suivant les dispo-sitions de l’article 1369-1 et suivants du Codecivil).

L’article 1348 al. 2 du Code civil dispose, qu’àdéfaut d’original, la copie, pour pouvoir êtreretenue, doit être la “reproduction non seulementfidèle mais aussi durable” du titre original.

Les copies peuvent valoir preuve, au sens juri-dique dès lors que la partie adverse ne lesconteste pas, ou comme commencement depreuve par écrit. Les caractéristiques du systèmed’archivage électronique pourront emporter laconviction du juge dès lors qu’elles assureront lafidélité et la durabilité de la copie.

a. Fidélité de la copie

La fidélité de la copie est une garantie requisepar l’article 1348 al. 2 du Code civil qui, si elle n’estpas définie juridiquement, s’apprécie par rapport àl’original avec lequel elle ne se confond pas. Lanorme AFNOR Z 42-01332 donne la définition sui-vante : “un document est considéré comme fidèle audocument d’origine s’il permet de reconstituertoute l’information nécessaire aux usages auxquels

31 Voir G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Quadrige PUF, 2001.V° Copie

32 La norme AFNOR NF Z42-013 sera développée en troisièmepartie.

le document d’origine est destiné”. On peut consi-dérer aussi que la copie électronique doit contenirles mêmes informations que l’original sansrisque d’altération ou de modification du docu-ment. La fidélité de la copie doit être assurée dès laréception du document par le destinataire.L’apposition d’un jeton d’horodatage ou du scelle-ment de la copie constituerait une garantie de fiabi-lité, le contenu de la copie étant “figé” dans letemps.

b. Durabilité de la copie

Selon l’article 1348 al.2 du Code civil, la durabi-lité est “toute reproduction indélébile de l’originalqui entraîne une modification irréversible dusupport”. Cette formulation est indissociablementliée à un environnement papier (notions d’ “indélé-bile” et “support”).

Cette notion de durabilité se retrouve dans d’au-tres textes comme la directive 2002/65/CE33. Cetexte définit le support durable comme “tout instru-ment permettant au consommateur de stocker desinformations qui lui sont adressées personnellementd'une manière permettant de s'y reporter aisément àl'avenir pendant un laps de temps adapté aux finsauxquelles les informations sont destinées et quipermet la reproduction à l'identique des informa-tions stockées”. La notion de durabilité se rappor-terait alors au stockage d’informations qui pour-ront être aisément consultées pendant un laps de

33 Art. 2-f) de la directive 2002/65/CE du Parlement européen et duConseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation àdistance de services financiers auprès des consommateurs,J.O.C.E. L. 271 du 9 octobre 2002, p. 16 et s.

temps adapté et assurant la reproduction à l’i-dentique des informations stockées. Le droit com-munautaire ne traite donc pas de l’irréversibilité demodification du support (ex : le disque dur seraitsuffisant).

Cette condition pourrait être assurée par la miseen place d’un système (coffre-fort électronique)d’archivage déconnecté du réseau disposant demesures de sécurité adaptées et de mesures tech-niques garantissant l’irréversibilité du support.

Il est très difficile de qualifier un acte sousforme électronique d’original ou de copie. Lasignature reste l’élément distinctif. De ce fait, onpeut considérer que l’archivage d’une copie, à ladifférence de celui d’un original, se limitera àcelui de l’écrit, du scellement (ou du jeton d’ho-rodatage) du document pour garantir l’intégritéde la copie dans le temps.

3. Délais d’archivage

Une distinction fondamentale s’impose d’em-blée : elle concerne les délais de conservation obli-gatoires des documents archivés et les délais deprescription relatifs aux droits et obligations yafférents. “Le délai de conservation des archives[…] est un délai préfix, insusceptible d’interruptionet il ne concerne que l’action tendant à la produc-tion des documents comptables.” En revanche, ledélai de prescription (civil ou commercial) peut êtreinterrompu “par une action en justice, même enréféré, un commandement ou une saisie, signifiés, àcelui qu’on veut empêcher de prescrire, ou par la

reconnaissance que le débiteur ou le possesseur faitdu droit contre lequel il prescrivait”34. Les docu-ments doivent donc être conservés jusqu’à l’expira-tion des divers délais de prescription légale. Ce quicompte, c’est l’extinction des effets juridiques liés àl’acte. Une fois le temps écoulé, toute action enjustice basée sur cette pièce devient caduque.

C’est pourquoi, s’agissant des délais, l’entre-prise prendra garde de ne pas adopter une politiqueminimaliste exclusivement motivée par des consi-dérations de coûts. En effet, il ressort, à l’analyse,que les durées d’archivage sont très variables selonles domaines concernés. Prévoir une durée courted’archivage des documents risquerait d’entraî-ner l’impossibilité de produire le documentrequis devant le juge quelques années plus tard.

Retenons que la durée de conservation dudocument dépend des délais de prescription quine sont pas uniformisés.

34 En ce sens, notamment : Cass. civ. 1ère, 9 décembre 1997 qui ajugé qu’une lettre recommandée n’avait aucun effet interruptif, D.Aff. 1998, p. 153, et D. 1998, S.C., p. 116, obs. Ph. Delebecque.

Prescription/Conservation

ContenuDélais de

prescription/conservation

Art. 2262 du Code civil

Art. 2270 du Code civil

Art. 2270-1 du Code civil

Art. 2277 du Code civil

Art. L. 114-1 du Code desassurances

Art. L. 110-4 du Code decommerce

Art. L. 102-B du Livre deProcéduresFiscales

Art. L. 143-3 du Code dutravail

Art. L. 123-22du Code decommerce

Droit commun

Actions en responsabilité

Actions enresponsabilitécivile

Actions enpaiement descréances

Action dérivantd’un contratd’assurance

Relations entrecommerçants

Conservation deslivres, registres,documents oupièces comptables

Conservation desbulletins de paie

Documentscomptables etpièces justificatives

Trente ans (sauf exceptions)

Dix ans

Dix ans

Cinq ans

Deux ans

Dix ans pourles contratsd’assurance sur lavie et pourles contratsd’assurance contrelesaccidentsatteignant les personnes

Dix ans (sauf exceptions)

Six ans

Cinq ans

Dix ans

Les différentes caractéristiques juridiquespropres à un écrit original ou une copie sousforme électronique, à savoir l’identification deson auteur, l’intégrité du document dans letemps et la durée de conservation des élémentsnécessaires à lui assurer une valeur probatoiredoivent s’accompagner de la mise en place d’unsystème d’archivage fiable suivant les caractéris-tiques techniques exposées dans la troisièmepartie.

III. LA FIABILITE DU PROCESSUSD’ARCHIVAGE

A titre liminaire, il convient de signaler que lejuge déterminera la valeur juridique du documentélectronique archivé qui sera produit. On peutconsidérer qu’il fera appel à un expert en infor-matique pour l’éclairer sur le document en ques-tion, et, par là, sur la fiabilité du système d’archi-vage35. La conformité du système d’archivageavec les normes techniques en vigueur pourraconstituer un indice important de sa fiabilité.

Une norme est un “document, établi par consen-sus et approuvé par un organisme reconnu, quifournit, pour des usages communs et répétés, desrègles, des lignes directrices ou des caractéris-tiques, pour des activités ou leurs résultats, garan-tissant un niveau d'ordre optimal dans un contextedonné” (définition de l'ISO/CEI). Il s’agit, selon laCour de cassation d’ “une codification des règles del’art” 36, c’est-à-dire qu’il convient de déterminer et

35 Art. 263 et s. du Nouveau code de procédure civile.36 Cass. civ. 3ème, 4 février 1976, n° du pourvoi 74-12643.

de décrire un socle de règles techniques sur lequelles acteurs peuvent s’appuyer. Une norme n’a pasde pouvoirs contraignants37, sauf à l’introduireen tant que document contractuel ou à la recon-naître en tant qu’usage du marché. En d’autrestermes, les normes ne sont en aucun cas obliga-toires (ex : la norme AFNOR Z. 42-013). Enrevanche, elles offrent un certain nombre de repères(modalités, conditions, moyens) pour arriver à lafinalité qu’elles sont fixées.

Certains organismes de normalisation, au niveauinternational comme l’ISO (Organisation Inter-national de normalisation) ou national commel’AFNOR (Agence Française de NORmalisation)ont élaboré des procédures d’organisation qui per-mettent, dans une certaine mesure, d’encadrer leprocessus d’archivage, notamment :

- La norme OAIS (Open Archival InformationSystem) émise par le Consultative Committeefor Space Data Sytem est un modèle de réfé-rence pour l’implantation technique de systè-mes de gestion des documents d’archives detoute nature, dans le but de la préservation àlong terme. Elle propose une classification destypes de migration et des différents modes decoopération possibles entre archives. Cettenorme a initialement été développée pour lesautorités astronautiques et elle est aujourd’huiouverte à tous les intéressés ;

- La norme AFNOR Z 42-013 38 homologuéeen décembre 2001 fournit un ensemble de

37 G. Cornu, Linguistique juridique, éd. Domat Montchrestien,1990, n°67, p. 270.

38Norme AFNOR (Association Française de NORmalisation) dedécembre 2001 NF Z 42-013 : “Archivage électronique –

spécifications concernant les mesures tech-niques et organisationnelles à mettre enœuvre pour l’enregistrement, le stockage etla restitution de documents électroniquesafin d’assurer la conservation et l’intégritéde ceux-ci. Cette norme est donc intéressanteà appliquer lorsque, dans les systèmes d’ar-chivage électronique, l’intégrité, la fidélité, lasécurité et la pérennité sont recherchées pourgarantir les documents. Pour atteindre l’objec-tif d’intégrité la norme Z 42-013 privilégienotamment, à défaut d’autres dispositifs ouméthodes qui seraient équivalents ou complé-mentaires, de stocker les documents sur dessupports non réinscriptibles de type WORM(Write Once Read Many), gérés, du point devue fichiers et volumes, conformément auxstandards ISO 13490 ou 13346 ;

- La norme ISO 15489 “Records manage-ment”, norme internationale générale,propose des procédures d’archivage, depuisla création du document jusqu'à la fin deson intérêt pour l'entreprise (record mana-gement). Selon la norme ISO 15489-1, leRecords management est un “champ de l'or-ganisation et de la gestion en charge d'uncontrôle efficace et systématique de la créa-tion, de la réception, de la conservation, del'utilisation et du sort final des documents, ycompris des méthodes de fixation et de pré-servation de la preuve et de l'information liéesà la forme des documents” ;

Spécifications relatives à la conception et à l’exploitation de sys-tèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégritédes documents stockés dans ces systèmes”.

- Le modèle européen MoReq (ModelRequirements for the Management ofElectronic Records), établi par un groupe depays européens, vise à mettre en place unsystème en mesure de gérer les documentsélectroniques aux degrés de confidentialité etd’intégrité voulus en combinant les avantagesde la gestion électronique et ceux de la théorieclassique de l’archivage ;

- Dans une moindre mesure, le guide“Conservation des informations et des docu-ments numériques pour les téléprocédures,les intranets et les sites internet : format,support, métadonnées, organisation, xml etnormalisation” de l’Agence pour lesTechnologies de l’Information et de laCommunication dans l’Administration(ATICA) qui a été repris en l’état parl’Agence de Développement de l’Adminis-tration Electronique (ADAE). Il est destinéaux maîtres d’ouvrage de téléprocédures etaux maîtres d’ouvrage qui ont la charge dessites Intranet et Internet. Il permet de décrireles formats, les méta-données, les supportset l’organisation qui permettront de déter-miner les conditions de conservation desdocuments numériques produits et reçuset, de fournir des recommandations pour lamise en œuvre de l’archivage.

Le respect de ces normes peut donc condi-tionner la reconnaissance de la fiabilité d’unsystème d’archivage par un expert et, par voiede conséquence, la recevabilité en justice desdocuments.

A. La sécurité nécessaire du processusd’archivage

En étudiant la structure de ces normes, on serend compte de certains grands principes que lesystème d’archivage devra respecter. Ainsi, ildevra comporter, pour satisfaire aux exigences dela fonction de conservation des documents etinformations numériques, trois phases successives.La première consiste à identifier et à classer lesdocuments numériques à conserver, les formatsrecommandés et les données à associer. Il s’agitde retrouver rapidement un document archivé touten évitant les actions involontaires d’un utilisateurentraînant, sans avertissement, des modificationset/ou des pertes des index ou des liaisons.

Il est suivi d’une phase de pérennisation trai-tant du stockage et des supports recommandés.La mise en œuvre de procédures et de protectionsdoit pouvoir détecter et contrôler les altérationsdes documents ainsi que les corrections apportéesaux répertoires ou aux bases de données servant àl’indexation des documents. Des mesures de sécu-rité physique et logique doivent également êtreétablies pour la protection du système d’archivage(fire-wall, accès sécurisé, conservation intègre descédéroms, etc.). Il convient également de prévoirune procédure de redondance. Celle-ci met enœuvre des protections contre la perte et la corrup-tion des données et supports 39.

39 La norme Z. 42-013 prévoit qu’il est nécessaire d’effectuer dessauvegardes systématiques des documents, index et logiciels etd’élaborer des procédures de réalisation de ces sauvegardes(§ 5.5.7)

Pour terminer le cycle de conservation, il fautaccéder et restituer les documents pour pouvoirnotamment apporter la preuve d’un droit enjustice ou démontrer la validité d’un acte.

La norme ISO 15489 définit l’accès comme“les droits et les moyens de rechercher de l’infor-mation” :

- Droit d’accès : seules les personnes autoriséesdoivent pouvoir accéder aux archives et ausystème ;

- Modalités et moyens de rechercher l’informa-tion : les documents doivent être classés, iden-tifiés et indexés selon un processus assurant larecherche d’un ou plusieurs documents, lesinformations d’indexation devant être conser-vées dans le système.

La restitution des documents doit s’accompa-gner d’un contrôle d’intégrité du document afinde vérifier la correspondance entre le documentrestitué et le document tel qu’il a été reçu. Cetterestitution s’accompagnera le plus souvent de ladestruction du document à sa sortie du systèmed’archivage qui ira de pair avec l’assurance queledit document ne fait pas l’objet d’un contentieuxou d’une enquête qui pourrait nécessiter la pro-duction de ce document comme preuve.

B. La traçabilité, caractéristique essentiellede l’archivage

La “traçabilité”, dans son acception technique,peut avoir plusieurs sens : “1) Aptitude à retrouverl’historique, l’utilisation ou la localisation d’unarticle ou d’une activité au moyen d’un identifiantenregistrant ; 2) Opération qui consiste, au fil des

étapes de raffinement de la modélisation d’unsystème ou d’un logiciel en construction, à suivretoutes les exigences de la spécification et à véri-fier qu’elles se retrouvent dans les constituants dumodèle.” 40

Dans un système d’archivage, la traçabilité desmouvements et des utilisations des documentsarchivés est nécessaire pour :

- identifier une action en cours ;- permettre le repérage d’un document ;- prévenir la perte d’un document ;- contrôler la maintenance du système et sa

sécurité et conserver une piste d’audit desopérations effectuées sur un documentarchivé.

De manière générale, l’état des informationsenregistrées doit être vérifié à intervalles régu-liers. Il conviendra de s’assurer de l’horodatagedes événements et de la tenue d’un historique desopérations et évènements affectant le système etles documents archivés.

La traçabilité des actions sera surtoutimportante pour la migration d’un documentd’un support à l’autre. En effet, au vu des évolu-tions technologiques toujours plus rapides, lesupport devrait vraisemblablement être changépendant cette période de conservation variable. Lecontenu informationnel de l’acte juridique pourraitainsi migrer en fonction de la qualité et de la duréede vie des supports pour autant que son intégritésoit préservée. Cette conservation est considérée

40 Dictionnaire Informatique, Larousse, V. traçabilité.

comme active. Il faut également garder la trace deces migrations. Pour chaque support, les opérationseffectuées sont conservées et particulièrement leshistoriques des opérations telles que les migrations.

C. L’auditabilité du processus, mise en placed’une politique d’archivage

A l’instar de la norme Z. 42-013, il est vivementrecommandé de réaliser périodiquement desaudits internes et/ou externes du système d’ar-chivage tant au niveau de la conception dusystème et des procédures d’archivage que dusuivi régulier du fonctionnement et du respect decelles-ci.

Une politique d’archivage pourrait être unélément important pour guider l’auditeur ou l’ex-pert mandaté par le juge pour déterminer la fiabilitédu système d’archivage.

La réception en justice d’un documentélectronique repose donc en partie sur l’audita-bilité de son système d’archivage. Cette phase nedoit en aucun cas être négligée.

Un système d’archivage doit être sûr techni-quement pendant tout le processus, de laconception de l’archive à sa restitution et/ou sadestruction. Toutes les opérations intervenuesdans le système doivent être tracées pour évitertoute modification non autorisée qui pourraitmodifier la teneur juridique d’un document.Enfin, le système doit pouvoir être audité pourassurer la valeur juridique du documentproduit et expertisé.

IV. INFORMATIONS PRATIQUES -ICONOGRAPHIE

- Cabinet CAPRIOLI & associés, spécialiste desquestions juridiques touchant à la signatureélectronique et à l’archivage.

- EMC2, Constructeur et éditeur de solutions destockage de données ;

- Rédaction : SYSTEMIC- AFNOR : http://www.afnor.fr/ - Norme Z42-013 ;

- Norme ISO 15489 : Information et documentation“Records Management” ;

- “Guide pour la conservation des Informations etdes documents numériques” de l’ATICA, Agencepour les Technologies de l’Information et de laCommunication dans l’Administration.

Ce document a été élaboré en mai 2005.

Note : Les informations fournies dans ce docu-ment sont susceptibles d’avoir été modifiéespendant son élaboration ou depuis son impres-sion.