Introduction Psychologie Des Emotions

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  • 7/31/2019 Introduction Psychologie Des Emotions

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    CHAPITRE

    1Introduction la psychologiedes motions

    Sommaire1. Historique 17

    2. Quest-ce quune motion ? 26

    3. Processus universel ou variations culturelles ? 30

    4. motion, humeur et temprament 34

    Dans ce chapitre, vous allez apprendre

    1 reconnatre les origines historiques des conceptions actuellesde lmotion.

    2 distinguer les visions fonctionnelles et dysfonctionnellesde lmotion.

    3 diffrencier les approches biologiques et cognitivesde lmotion.

    4 distinguer lmotion de lhumeur et du temprament.

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    16 C h a p i t r e 1 Introduction la psychologie des motions

    Cepremier chapitrea pour but doffrir au lecteur un aperu gnral de lapprochepsychologique des motions. Il ne vise en aucune faon lexhaustivit. Nous avons pluttvoulu extraire de cette vaste littrature certains lments essentiels pour la comprhensiondes chapitres ultrieurs de cet ouvrage. Nous avons galement slectionn certains faits oucertaines observations particulirement frappants. Nous entamerons lexpos par un apercuhistorique de la notion dmotionx 1 depuis lAntiquit jusqu laube du XXesicle. On estsaisi de constater la pertinence de notions proposes par exemple par Aristote en vue derpondre aux questions les plus contemporaines que nous nous posons quotidiennement afinde comprendre le fonctionnement motionnel. Descartes reprsente galement un penseuressentiel dans la comprhension de lmotion. Si on retient en gnral de son essai Des pas-sions de lme la proposition dun dualisme entre corps et esprit qui marquera la penseoccidentale jusqu lmergence de la mdecine psychosomatiquex au milieu du XXesicle,une lecture attentive rvle une vision beaucoup plus large des choses et qui intgre lesaspects cognitifs de lmotion ses composantes physiologiquesx et comportementales-

    expressivesx. Darwin et Freud ont galement apport la psychologie des motions une sriede propositions fondamentales qui sont toujours dactualit. Avec James, on se situe vrita-blement la charnire entre la partie historique et la partie contemporaine des recherchessur lmotion. Son Principles of psychology paru en 1890 constitue sans doute le premierouvrage que lon peut qualifier de strictement ddi la psychologie des motions. Les criti-ques de Cannon aux propositions de James permettront de situer deux points de vue oppossconcernant les rapports entre aspects cognitifs et biologiques de lmotion.

    Dans la suite de ce chapitre, nous tenterons de spcifier la manire dont les chercheurs con-temporains apprhendent les motions. Les rponses ne pourront qutre succinctes vu

    lampleur de la question. Des ouvrages rcents tels que celui publi par Oatley et Jenkins en1996 offrent au lecteur avide dinformations complmentaires une perspective plus exhaus-tive. Pour notre part, nous nous limiterons la prsentation de quelques dfinitions et audveloppement de trois notions fondamentales. Tout dabord, pour tre comprise de manirecomplte, lmotion doit tre envisage comme un systme trois composantes qui inclut desrponses physiologiques, comportementales-expressivesx et cognitives-exprientiellesx. Lesperspectives contemporaines de lmotion insistent galement sur limportance de lvalua-tion cognitivex dune situation qui dterminera entre autres le type dtat motionnel res-senti et son intensit subjective. Enfin, une motion est accompagne par un tat deprparation mentale laction qui prcde directement la mise en uvre de comportementsdattaque comme dans la colre ou de fuite comme dans la peur.

    Un dbat oppose souvent les tenants dune approche universelle de lmotion suivantlaquelle les diffrents tats motionnels se retrouveraient de manire identique travers lessocits humaines et ceux qui privilgient une approche diffrentialiste suivant laquelle leressenti et lexpression des motions varient en fonction de lappartenance culturelle delindividu. dfaut de consensus sur cette question, nous prsenterons trois points de vue,lun en faveur dune conception universelle des motions (Ekman), un autre qui priviligieles variations culturelles (Averill) et un troisime qui tente de rapprocher les deux perspec-tives prcdentes (Scherer).

    1. Chaque terme suivi du signe x est dfini dans le glossaire en fin de volume.

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    Historique 17

    Nous terminerons ce chapitre par la distinction entre les concepts dmotion, dhumeur etde temprament. Diffrents points de vue seront prsents afin de clarifier cette question.Nous tenterons dtablir les zones de consensus entre diffrents auteurs qui se sont intresss cette question (Davidson, Ekman, Frijda, Lazarus, Watson et Clark). Cette dernire partie

    permettra daffiner la notion dmotionx

    par contraste avec des concepts proches, maisnanmoins distincts.

    Platon (427-358 av. J.-C.) est sans le doute le premier penseur dont on ait con-

    serv des crits qui offrent une analyse des processus motionnels. La vision platoni-cienne de lmotion est fort ngative puisque, selon lui, elle ne fait que pervertir la raisonet lempche de se dvelopper de manire fructueuse. Cette vision est proche dune con-ception nave de lmotion, toujours prsente de nos jours, suivant laquelle nos passionsdoivent tre contrles et matrises. La perspective dAristote (384-324 av. J.-C.) estbeaucoup plus optimiste. Lhomme ne subit pas ses tats motionnels comme des mani-festations biologiques face auxquelles il se sent impuissant. Au contraire, il construit ununivers motionnel partir de ses cadres de rfrence (croyances) et de ses prfrencespersonnelles (attitudes). Dans lthique, Aristote sintresse aux caractristiques quipermettent de construire des arguments persuasifs. Fondateur de la Rhtorique, Aris-tote tente datteindre la vrit par la parole. Il est ds lors essentiel pour lui den savoirplus sur la personne laquelle on sadresse, sur ses valeurs et sur les effets que notrediscours peut exercer sur autrui. Parmi les lments essentiels retenus pour tre per-suasif, deux lments concernent directement lunivers motionnel. Tout dabord, oncroira plus volontiers quelquun qui touche nos sentiments personnels que quelquundont le contenu du discours est uniquement empreint de raison. Ensuite, on suivra plusvolontiers les arguments dune personne qui semble prsenter des caractristiquesmotionnelles similaires aux ntres. Atteindre un tat dempathiex avec son audienceconstitue ds lors une condition importante pour convaincre du bien-fond de sa posi-tion. Publicitaires et politiciens semblent dailleurs avoir retenu la leon ! Llment pri-mordial qui demeure de lanalyse des motions par Aristote concerne la ncessit de

    considrer leur dimension cognitive : ce que nous ressentons subjectivement dpend engrande partie des choses auxquelles nous croyons et de nos connaissances personnelles.Son analyse permet galement de montrer que les motions possdent une valence. Ildistingue en effet les tats qui sont perus subjectivement comme plaisants ou agrablesde ceux qui sont dplaisants ou dsagrables. Les motions impliquent galement unbesoin daction, sous forme de comportements. Ainsi dans la colre, un tat motionnelfondamental auquel Aristote sest particulirement intress, on observe souvent unevolont plus ou moins exprime de revanche. Enfin, les motions ressenties face unesituation bien particulire vont leur tour affecter les jugements et les actions que nousentreprenons par la suite. Il montre ainsi quen plus de possder des dterminants

    cognitifs, les motions exercent des effets sur le fonctionnement cognitif.

    1 Historique

    1.1 LAntiquit grecque

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    1.1 clairage historique

    La philosophie de Platon et dAristote

    Disciple de Socrate, Platon sest intress de nombreuses autres questions que celle des motions (commela vertu, la connaissance ou la politique). Il voyagea en gypte et en Sicile avant de revenir Athnes pour fon-der une cole, lAcadmie. Son uvre est constitue dune srie de dialogues entre disciples et adversaires deson matre, Socrate. Cet change, ou dialectique, permet de faire merger, au travers de leurs contradictions,des ides que les interlocuteurs avaient en eux sans le savoir, de les faire progresser vers un idal o le beau,le juste et le bien sont des vrits ultimes de lexistence terrestre et de lme humaine. Limpulsion qui pousselhomme vers ltre vrai et le bien veille en lui le dsir de sadonner la contemplation des ides. Pour Platon,la dialectique reprsente la dmarche suivre de toute science qui a pour objet ltre vritable, en oppositionavec la physique qui soccupe uniquement des phnomnes du monde empirique. Un autre but de Platon est

    de faire natre dans le monde une cit idale, o lordre de justice sera garanti par les philosophes.Platon favorise une vision dualiste de lexistence dans laquelle lme et le corps constituent deux entits

    spares, mais o lme domine le corps. Or, lme enferme dans le corps serait semblable une maladie. Lebut de la vie terrestre serait le retour de lme son tat originel, cest--dire une me rationnelle et dpourvuede sa dpendance au corps et ses apptits. Il dcompose lme en trois parties : la raison, le courage et lesapptits. La raison, qui est dessence divine, doit contribuer la sagesse. Le courage appartient au monde desperceptions, il doit se plier et obir la raison ; lidal atteindre est la persvrance. Enfin, les apptits, quePlaton dsigne de manire image comme le cheval rtif par opposition au cheval docile (le courage) et au con-ducteur du char (la raison), doivent aussi se conformer aux demandes de la raison et par consquent treexprims avec modration. Sans cesse, lhomme se doit dchapper la prison que constitue le monde du sen-sible et de ses ractions corporelles. Ce monde du sensible ne permet pas de connaissance vraie, mais ne four-

    nit quune opinion incertaine. La vie idale est celle qui est conforme la raison et la connaissance pure. Seuleconcession au monde rationnel, la contemplation des ides et la beaut qui leur est confre sont des activitspermises. Dans cette optique, tout plaisir nest pas banni, pour autant toutefois quil apporte une contributionau bien. La vie la plus dsirable serait celle qui mlange harmonieusement le miel du plaisir et leau simple dela connaissance . Les uvres de Platon ont exerc une influence considrable sur la pense, autant dans lemonde occidental et chrtien que dans le monde islamique.

    Aristote naquit Stagire en Macdoine et fut, pendant vingt ans, llve de Platon. Il se vit confier lducationdAlexandre le Grand et, en 335 av. J.-C., il fonda sa propre cole Athnes, le Lyce. Aristote est tout dabordle premier philosophe sintresser aux lments formels de la logique. On lui doit, par exemple, le dvelop-pement des syllogismes, tel celui rpt de manire classique dans tout cours de base : tous les hommes sontmortels, Socrate est un homme, DONC Socrate est mortel. Contrairement Platon, Aristote ne limite pas ledveloppement de la connaissance la mthode dductive (qui va de luniversel au particulier) ; la connais-sance peut aussi procder par induction, partant de cas individuels vers des noncs universels.

    De sa mtaphysique(ou tude des premiers principes et des causes premires) on retiendra que toutdveloppement prsuppose un but, une fin en soi. Quatre causes permettraient dexpliquer les buts : lacause formelle (tout objet se dfinit par sa forme. Par exemple, une maison par son plan), la cause finale (lamaison est l pour nous protger des intempries), la cause efficiente (le moteur de laction comme lesmaons qui vont effectivement raliser la maison) et la cause matrielle (les matriaux qui constituent la mai-son). Aristote sintresse aussi aux partitions de lme, qui comprend une partie vgtative (qui assure la sub-sistance), une partie sensible (qui permet dprouver des sensations) et une partie rationnelle (qui permetlactivit intellectuelle).

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    Historique 19

    Descartes (1596-1650) nest pas seulement un philosophe, il est galement unmathmaticien et un physicien. lpoque, il nest pas rare de voir runie chez unemme personne une expertise dans des domaines dapparence si diffrents. Il rvedailleurs ddifier une science capable dunifier toutes les connaissances. Dans cetteprsentation, nous nous limiterons lexpos des ides qui ont un rapport direct avecle domaine motionnel, et ce travers un ouvrage qui illustre parfaitement les concep-tions de Descartes, Des passions de lme.

    Lorsquil publie cet ouvrage en 1649, Descartes ne se doute pas que son uvre seraconsidre quatre sicles plus tard comme une apologie de la dualit entre le corps et

    lesprit. Toute la pense occidentale sera marque par cette dualit jusqu lmergencedes travaux de Freud, puis de la mdecine psychosomatiquex, qui mettent en videncele rle des facteurs psychologiques dans lmergence de troubles somatiques. Descartesaffirme que les motions ont lieu dans la partie pensante de notre tre, savoir sonme : Les perceptions quon rapporte seulement lme sont celles dont on sent les effetscomme en lme mme, et desquelles on ne connat communment aucune cause prochaine laquelle on puisse les rapporter ; tels sont les sentiments de joie, de colre, et autressemblables. (Art. 23 Des perceptions que nous rapportons notre me ) En con-traste, les sensations corporelles se limitent des tats motivationnels : Les percep-tions que nous rapportons notre corps ou quelques-unes de ses parties sont celles quenous avons de la faim, de la soif et de nos autres apptits naturels ; quoi on peut joindrela douleur, la chaleur, et les autres affections que nous sentons comme dans nos membres,et non pas comme dans les objets qui sont hors de nous. (Art. 24 Des perceptions quenous rapportons notre corps )

    Lme et le corps constituent deux entits spares qui entretiennent peu de relationsentre elles en vue de lmergence des motions : Il nest pas plus ncessaire que notreme exerce immdiatement ses fonctions dans le cur pour y sentir ses passions quil estncessaire quelle soit dans le ciel pour y voir les astres. (Art. 33 Que le sige des pas-sions nest pas dans le cur . Voir aussi Art. 34 Comment lme et le corps agissentlun contre lautre ) Cette suprmatie de lme sur le corps signifie galement pour Des-

    cartes que lanimal ne ressent pas dmotions car, dpourvu dune me, celui-ci ne pos-

    La philosophie de Platon et dAristote (suite)Au niveau thique(cest--dire les fondements de la morale), lhomme tendrait par nature vers un bien pro-

    pre dans lequel il trouvera son accomplissement et ce, grce des activits conformes la raison. Lexercice

    de la raison permet lhomme de dcouvrir le bonheur et ce, indpendamment des circonstances extrieures.Lattitude thique sacquiert grce la pratique. Le jugement de celui qui a dj lexprience permet doncdapprocher au mieux de la vertu. Le contenu de la vertu se caractrise en toutes circonstances par le justemilieu entre les extrmes. On choisira donc le courage par opposition la lchet et la tmrit ou la gnro-sit par opposition lavarice et la prodigalit. Il est aussi important de noter que contrairement Platon,lthique dAristote nest pas impose den haut par un sage, elle nat du contact entre hommes libres.

    1.2 Descartes