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USL-B ECGE 3 eme bac Histoire des théories économiques Samuel Desguin Histoire des théories économiques 1. Introduction....................................................1 2. Adam Smith......................................................3 3. Karl Marx......................................................17 4. La révolution marginaliste.....................................30 5. Walras.........................................................33 6. Keynes.........................................................44 5. Conclusion du cours............................................59 1.Introduction « Pour savoir qui on est, il faut savoir d’où on vient… » Triple remise en cause d’idées reçues Vue relativisante du progrès: comme les autres sciences, l’économie évolue et progresse. Cependant, il faut relativiser cette idée que le progrès veut dire une avancée technologique, car le progrès peut être l’abandon d’une idée, lorsqu’on se rend compte qu’elle a un impact négatif. Dimension normative : quand on voit les enjeux sous-jacents de l’économie, on se rend compte qu’elle est souvent politique (ce dont on ne se rend pas compte dans un cours de microéconomie). L’étude de l’économie est d‘ailleurs née de manière normative : comme un plaidoyer en faveur du libéralisme. Les dissensions méthodologiques Le libéralisme économique Doctrine selon laquelle l’économie de marché capitaliste constitue la meilleure manière d’assurer la croissance économique et d’améliorer le niveau de vie de la population d’une société donnée. 1 Premier quadrimestre – Année académique 2014 - 2015

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Histoire des théories économiques 1. Introduction....................................................................................................................................1

2. Adam Smith....................................................................................................................................3

3. Karl Marx......................................................................................................................................17

4. La révolution marginaliste............................................................................................................30

5. Walras..........................................................................................................................................33

6. Keynes..........................................................................................................................................44

5. Conclusion du cours.....................................................................................................................59

1. Introduction« Pour savoir qui on est, il faut savoir d’où on vient… »

Triple remise en cause d’idées reçues

Vue relativisante du progrès: comme les autres sciences, l’économie évolue et progresse. Cependant, il faut relativiser cette idée que le progrès veut dire une avancée technologique, car le progrès peut être l’abandon d’une idée, lorsqu’on se rend compte qu’elle a un impact négatif.

Dimension normative : quand on voit les enjeux sous-jacents de l’économie, on se rend compte qu’elle est souvent politique (ce dont on ne se rend pas compte dans un cours de microéconomie).

L’étude de l’économie est d‘ailleurs née de manière normative : comme un plaidoyer en faveur du libéralisme.

Les dissensions méthodologiques

Le libéralisme économique

Doctrine selon laquelle l’économie de marché capitaliste constitue la meilleure manière d’assurer la croissance économique et d’améliorer le niveau de vie de la population d’une société donnée.

On entend par là un système basé sur la propriété privée et dans lequel les décisions de production se font par l’initiative décentralisée des agents économiques, principalement par les firmes. La concurrence est l’aiguillon de son fonctionnement.

La planification

Doctrine prônant la planification de l’économie par l’Etat, dans l’égalité de la situation entre ses individus, selon laquelle la meilleure allocation des ressources, en termes d’efficience et de justice, est celle dans laquelle les décisions de production sont faites au sein d’un organe de planification.

L’égalité de situation des individus est considérée comme un objectif essentiel.

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Le libéralisme mitigé

Selon cette doctrine, si l’économie de marché est supérieure à l’économie planifiée, il est néanmoins admis que le fonctionnement de ce système peut rencontrer des échecs. Il est supposé que l’état peut y porter remède.

Conclusions

Avant de devenir « mathématique », l’économie était une vraie science humaine, place d’importants débats. Même aujourd'hui, il faut se méfier de l’idée selon laquelle la science économique serait parvenue à avoir établi une théorie incontestable. Ce qui semble acquis est susceptible d’être remis en question.

Historique

Les économistes classiques

Marx et Smith sont des économistes classiques, renversés par la révolution néo-classique (avec Marshall et Walras). Au sein même de cette révolution, la révolution Keynésienne bifurque quelque peu en voulant corriger certains défauts de la théorie néo-classique.

C’est avec la naissance de la théorie classique que l’économie passe du stade de balbutiement au stade de discipline à part entière. Pour ces économistes (qui ne se présentent pas comme tels à l’époque), le thème de la population est très important dans sa relation avec la richesse d’un pays, et le danger que représente son augmentation.

Adam Smith (1723 – 1790)

Plaidoyer pour une économie de liberté versus une économie régulée par l’état, la réalité de l’époque étant un mélange entre les deux. C’est avec ce plaidoyer que naît l’économie politique, avec l’énigme suivante « un royaume sans roi se développe-t-il mieux ? ». Il dit que la concurrence, même si elle peut faire souffrir les acteurs dans le court terme, est le mécanisme qui permet à ce système de fonctionner. En effet, sa théorie décrit comment la concurrence mène les prix du marché vers un prix d’équilibre.

Il se pose aussi la question fondamentale: d’où vient la richesse ? D’où viennent les différences de richesse entre les nations ? Il dit que c’est la séparation du travail.

Ricardo (1773 – 1823)

Défenseur du libéralisme économique et auteur de Principes d’économie politique (1817), Ricardo modélise la Théorie de la valeur (ou du prix d’équilibre) de Smith. Marx reprendra cette théorie de la valeur-travail.

Karl Marx (1818 – 1883)

Philosophe Hégélien socialiste et auteur du Capital (1867), Marx lit l’histoire à travers l’idée de la lutte des classes. Il interprète cette lutte des classes par une théorie de l’exploitation des uns par les autres.

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Utilisant la théorie de la valeur de Ricardo, il prédit l’effondrement du capitalisme par un processus d’autodestruction et son remplacement par une organisation socialiste de la société. Il utilise ceci pour faire un plaidoyer pour le socialisme, et contre le capitalisme, qu’il juge source d’exploitation.

Marx n’est en fait pas théoricien du Socialisme, mais seulement le théoricien (très critique) du capitalisme.

La révolution marginaliste

On assiste à des changements méthodologiques : les prémisses de l’approche classique sont abandonnées, c’est maintenant l’équilibre de l’individu (« Homo oeconomicus ») qui est l’objet de l’attention. De plus, la démarche scientifique est « scientifisée ». Les auteurs principaux sont :

- Jevons (1835 – 1882) Auteur de Theory of Political Economy (1871)- Walras (1834 – 1910) Eléments d’économie pure (1874). - Marshall (1842-1920) Principles of Economics (1890).

Walras invente l’économie « mathématique » (contrairement à Marshall, qui écrivait en proses) et en particulier de l’équilibre général (alors que Marshall n’avait théorisé que l’équilibre partiel), qui étudie les interactions entre tous les marchés. Pour Walras, modèle et théorie c’est la même chose, et puis il essaie d’amener la réalité à ressembler au modèle.

Ces deux auteurs, défenseurs du libéralisme économique, voient l’économie comme une discipline autonome et ont une vision subjective de la valeur (conformément au marginalisme).

- Menger, C. (1842-1920) Principles of Economics (en allemand), 1920- Keynes (1883 – 1946) La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie,

Keynes est un marshallien, et il se rend compte pendant la crise des années 30 que le libre marché avait quelques faiblesses. En effet, il s’insurge contre le résultat d’équilibre offre-demande de travail sur lequel la théorie standard débouche. Keynes établit aussi les liens entre les grands marchés (du travail, de la finance).

Keynes veut démontrer la possibilité du chômage involontaire résultant d’une insuffisance de demande agrégée, avec comme remède préconisé une relance de la demande par l ’Etat. Il critique le laissez-faire. C’est la naissance d’une philosophie de libéralisme mitigé et le démarrage d’une nouvelle sous-discipline économique, la macroéconomie.

Sa théorie montre ses faiblesses dans les années 70 et s’effondre en faveur du néoclassicisme.

2. Adam Smith

2.1. Lecture de « théorie des sentiments moraux »Remarques générales

Ce texte est celui avec lequel Smith enseigne à des jeunes de 15-17 ans à l’époque des lumières. On fait en fait une « anthropologie non sociologique », puisque l’attention est portée sur la nature humaine, comme base de la société.

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La première proposition à propos de la nature humaine est que l’homme est égocentrique. Ce qui fait agir sont les passions (de l’argent, de la guerre, …), qui sont au-delà de la raison ; ils sont sceptiques à propos du moralisme. Cependant, on lit dans le texte (p. 23, pas dans le syllabus) : « Aussi égoïste que l’homme puisse être supposé, il y a évidemment certains principes dans sa nature qui le conduisent à s’intéresser à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaire leur bonheur, quoiqu’il n’en retire rien d’autre que le plaisir de les voir heureux ». C’est ce qu’on appelle les sentiments moraux.

Smith est parfois ambigu, de telle sorte que ses textes peuvent être interprétés de plein de façons différentes ; ce qu’on pense être une contradiction peut faire l’objet de nombreuses études.

A) Réflexions sur la société en tant que corps hiérarchiséSmith met l’accent sur le caractère hiérarchisé de la société : il y a une nette séparation entre les possédants et ceux qui ne possèdent pas.

Par ailleurs, il est assez ironique quand aux vertus de ceux qui sont dans les positions supérieures. En effet, le riche voit comme plus effroyable que la mort de devenir pauvre ! Pourquoi est-ce le cas quand même le pauvre survit ? Il veut être considéré avec approbation, être objet d’attention. L’objectif central : la vanité plus que le bien-être.

Pourquoi les individus dans les positions inférieures ne récriminent-ils pas ? Être riche excite nos passions et notre imagination, on s’imagine à cette place, mais ce bien-être potentiel n’est en fait qu’un mirage.

Nb : la hiérarchie bipolaire riche-pauvre de l’époque n’est plus aussi valable aujourd'hui, d’une part du fait de la progressivité de la richesse et d’autre part du fait de l’apparition d’autres critères comme la popularité (magasines people).

2 choses maintiennent la stabilité de la société :

- La satisfaction des « gens d’en bas » quand ils peuvent jouir du spectacle des « gens d’en haut ».

- la mobilité, qui permet aux gens d’en bas d’espérer occuper un jour la place de ceux d’en haut.

De ce fait, les « gens d’en bas » sont même avides d’aider les riches à maintenir ce système en place (exemple d’un fleuriste qui reçoit une reine, il sera tellement heureux de la recevoir qu’il ne la fera pas payer ; un sourire lui suffira).

Ce n’est pas en mimant les gens des hautes classes que l’homme de modeste condition arrive à leur niveau, mais bien avec des qualités bien supérieures à celles de ses égaux.

Smith dit ensuite que vanité et ambition sont liées, et si on entre dans ce cercle, cela occupera l’ensemble de sa personnalité. Il ne croit pas que grand-monde va l’écouter, mais la seule façon de rester libre et indépendant est d’avoir la sagesse de ne pas occuper de place.

Résumé : la classe d’en haut se donne en spectacle mais n’est pas capable de résister à de grands défis. La classe d’en bas, elle, regarde avec envie et passion cette classe haute, avec l’ambition d’y occuper une place.

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B) Parabole du tremblement de terre en chine. Comment se fait-il que des individus foncièrement égoïstes peuvent-ils manifester des comportements altruistes ?

Résumé de la scène : alors qu’un homme ne sera pas très affecté par la nouvelle de la disparition entière de la chine ( spectateur impartial), il ne dormira pas de savoir qu’on lui coupera le petit doigt. Cependant, même l’homme le plus égoïste, placé devant le dilemme « perdre son petit doigt ou couler 100 millions de chinois », choisira son propre frivole accident.

Il se pose alors la question de savoir d’où vient cette différence. C’est parce qu’égoïstement, l’homme ne pourrait pas supporter d’avoir failli à ce devoir humain (il sauvera ces 100 millions de chinois « par égoïsme ») de noblesse.

Cela reste toujours une affaire entre soi et soi; il s’agit de correspondre à une image que nous avons de nous-mêmes.

Alors que dans le premier thème c’est le regard des autres qui a l’importance, dans ce deuxième thème, il y a un observateur neutre intérieur qui juge nos actions vis-à-vis duquel on veut se sentir en accord. En cela, ces deux textes sont très différents.

Ce qu’il faut retenir de cette parabole est que la conscience morale est plus forte que l’égoïsme.

C) Parole du jeune homme ambitieux.Résumé de la parabole : l’homme fils de pauvre que le Ciel a affligé d’ambition, travaillera jour et nuit pour obtenir la richesse, pour se rendre compte dès qu’il sombre dans la vieillesse et/ou la mélancolie que la puissance et la richesse sont futiles et fragiles. Dès qu’il recouvre la richesse, il se remettra à courir derrière ce qui est beau. Jusqu’ici, on a l’impression que Smith tente « bêtement » et sans grande conviction, de prévenir les gens de ne pas sombrer dans cette illusion.

Grande rupture dans la parabole : c’est là que Smith lâche son gros « Il est heureux que la nature nous abuse de cette manière », car c’est poussés par cette vanité que les hommes construisent les sciences, les arts, la richesse,…Il y a deux points centraux à la rupture évoquée ci-dessus :

- L’effet de l’égoïsme est non-voulu, c'est à dire que le développement économique est la conséquence non-voulue de la vanité.

- Un phénomène de déversement de la création de richesse se produit. Par conséquent, l’allocation par la main invisible aboutit pratiquement au même résultat que s’il avait eu « division égale ».

Ce n’est pas de l’ « humanité ou de la justice » du riche que le pauvre attend « sa part de nécessité de la vie ». Donc, les riches, en ne cherchant que leur propre grandeur, partagent leur richesse avec les pauvres, conduits par une main invisible, servant sans le vouloir et sans le savoir les intérêts de la société (c’est dans la même vague que Friedmann affirme que « la responsabilité sociétale des entreprises, c’est de faire du profit »).

On arrive alors à l’essentiel du texte : « Du mal (pour le moraliste) sort le bien (pour l’économiste) » ou « c’est par son égoïsme que l’homme rend l’autre heureux ». Il a les deux casquettes, celle du philosophe et celle de l’économiste.

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Il termine en disant que tous les rangs de la société ont accès au même niveau de bonheur, « le mendiant qui se chauffe au soleil au bord de la route a accès au même niveau de sécurité pour laquelle les rois se battent ».

Smith n’est pas inégalitaire puisqu’il dit que :

- il y a de la mobilité sociale- « l’argent ne fait pas le bonheur », se déplacer en voiture de riche ne permet pas de mieux se

déplacer que dans une voiture modeste. Les bibelots dont s’entourent les riches ne les rendent pas heureux.

D) Conclusion- Le pessimisme sur la nature humaine- Du mal sort le bien- Jugement quant à la logique de profit

Pourquoi avons-nous lu ce texte ?

- La 3e parabole est la clé de la défense du libéralisme (ou « système de liberté », comme Smith dit).

On peut se poser les questions suivantes :

- La vanité est-elle le seul moteur ? Certains pourraient tout à fait admettre qu’ils sont poussés par la volonté de semer le bonheur.

- D’où parle-t-il ? - Il tient des propos choquant (passage sur le mendiant).

On ne peut pas dire que le texte est 100% cohérent, si on gratte un peu, mais il faut fixer son attention sur le message. Il doit être discuté, nuancé,…

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Éléments du texte

p.254 l’homme est guidé par l’esthétique (en plus de la vanité).p. 257 ce n’est pas de l’ « humanité ou de la justice » du riche que le pauvre attend « sa part de nécessité de la vie ».p. 257 c’est par son égoïsme que l’homme rend l’autre heureux

p. 258 les pauvres ne sont pas inférieurs (même niveau de « corps, paix de l’esprit ») c’est un état de fait que la société est divisée en classes. PQ les gens admettent cette situation ? Car ils vivent le bonheur des plus riches.

Chap IIp. 91 Il y a une hiérarchie entre les classes et les gens savent se placer dans les classes une question se pose : Qu’est ce que les gens dans les classes supérieures ont de plus que les gens des classes inférieures et pourquoi ?

p.94 on ne veut pas être à la place des plus riches car leur bonheur nous satisfait.

p. 95 nous voulons volontairement participer au bonheur des plus grands. Ex : princesse Mathilde + gaufre.

p. 96 Est-ce par savoir, industrie, patience, abnégation ou par quelque vertu que ce soit ? » Non c’est par une apparence.

p.97 l’homme inférieur ne peut se distinguer avec les mêmes qualités que l’homme supérieur, il doit se distinguer avec des qualités meilleures.

p.100 et 101 Le moyen de s’en sortir, la possibilité de sagesse est de devenir philosophe.

Chap IIIp. 199 on a un « juge intérieur » qui nous influence pour trouver nos « bons » intérêts.

p. 199-200 Smith ne croit pas à la générosité de l’amour.

p. 200-201 cependant, la morale nous dit qu’un « Un individu ne doit jamais se préférer à un autre individu au point de lui nuire ou de lui porter préjudice afin d’en retirer un avantage, même si l’avantage retiré par le premier est beaucoup plus grand que la mal ou le préjudice subi par le second. »

L’homme n’a rien de bon (parabole avec la chine), mais il est capable de porter des jugements moraux, voire de se juger lui-même il est capable de dépasser cet égoïsme

2.2. Lecture de “Wealth of nations” Dans cet ouvrage, Smith a deux objectifs :

- S’interroger sur ce qui explique la richesse des nations et les différences de richesse entre nations

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- Développer un argumentaire visant à montrer qu’un système de liberté économique est supérieur à un système dans lequel l’économie est régulée par l’Etat.

1. Expliquer la richesse des nations et les différences en cette matièreSmith dit que c’est la division du travail qui fait la richesse d’une nation.

Lecture de l’extrait

Chapitre 1 :

Smith cite en exemple la manufacture d’épingles. Il prend volontairement quelque chose de tout à fait banal. « Ce qui est fait par un seul homme dans une société un peu grossière devient la tâche de plusieurs dans la société riche ».

De même, la « bête » veste de laine d’un ouvrier est le fruit de l’intervention de tout un tas de personne, chose qu’il n’aurait jamais pu faire seul.

De nouveau, (comme dans la théorie des sentiments moraux), il fait l’hypothèse que cette création de richesse va se déverser sur les pauvres.

Chapitre 2 :

Cela vient du penchant naturel de l’homme de vouloir troquer. Page 82, phrases centrales qui expriment que le moteur de l’activité est l’égoïsme : « L’homme a continuellement besoin du secours de ses semblables, et c’est en vain qu’il l’attendrait de leur seule bienveillance ». Dans la même veine : « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. »

Chapitre 3 :

La division du travail est limitée par l’étendue du marché : au plus le marché est large et au plus les échanges sont importants, au plus la division du travail et donc la richesse sera grande. Déjà au 18e

siècle, Smith fait l’apologie de la mondialisation.

En effet, on peut voir dans l’organigramme ci-dessous le rôle-clé de la division du travail et de l’étendue du marché dans la détermination du revenu par tête.

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2. Supériorité d’une organisation décentralisée de l’économie sur une économie centralisée

a) Introduction

L’objectif de Smith est de démontrer que l’économie de marché est supérieure à l’économie régulée par une autorité centrale. De ce point de vue, Wealth of nations peut être vu comme un plaidoyer en faveur du libéralisme économique.

b) Trois citations à propos de la direction des emplois

Les 3 citations suivantes, fortes et encore pertinentes aujourd'hui, résument bien la doctrine de Smith.

Citation Commentaire« Tout système qui cherche soit, par des encouragements extraordinaires, soit à attirer vers une espèce particulière d’industrie une plus forte proportion du capital de la société que celle qui s’y porterait naturellement, soit, par des entraves extraordinaires à détourner une partie de ce capital d’une espèce particulière d’industrie vers laquelle elle irait autrement chercher un emploi, est un système subversif de l’objet même qu’il se propose comme son principal terme.Bien loin de les accélérer, il retarde les progrès de la société vers l’opulence; bien loin de l’accroître, il diminue la valeur réelle du produit annuel des terres et du travail de la société.

Il est contre nature d’aller contre les forces de marché pour diriger son pays, cela aura les effets inverses à ceux escomptés. « En voulant améliorer le bien-être des gens, on fait le contraire ». Il faut donc enlever ces entraves et préférences que l’Etat veut mettre.

En écartant toutes ces préférences ou entraves, le système simple et facile de la liberté naturelle vient se présenter de lui-même et se trouve tout établi. Tout homme, tant qu’il n’enfreint pas les lois de la justice, demeure en pleine liberté de suivre la route qui lui montre son intérêt, et de porter où il lui plaît son industrie et son capital, en concurrence avec ceux de toute autre classe d’hommes

C’est cette liberté qui va mener à l’opulence des sociétés.

Le souverain se trouve ainsi entièrement débarrassé d’une charge qu’il ne pourrait essayer de remplir sans s’exposer infailliblement à se voir sans cesse tromper de mille manières, et pour l’accomplissement convenable de laquelle il n’y a aucune sagesse humaine, ni connaissance qui pourrait suffire, la charge d’être le surintendant de l’industrie des particuliers, de la diriger vers les emplois les mieux assortis à l’intérêt général de la société

L’état sera ainsi débarassé de devoir faire ces choses qu’il fait mal.

c) L’économie dirigée >< décentralisée

Nous allons ici confronter deux types-idéaux, l’économie dirigée et l’économie de marché. Pour cela, introduisons les concepts suivants :

Validation Fait qu’une activité économique corresponde à un besoin social et contribue ainsi au bien-être de la société.

Economie dirigée

Système centralisé ou planifié avec un organe décisionnel situé au sommet de l’organigramme économique et supposé agir au nom de l’intérêt général.

La validation se produit d’emblée ; puisqu’on considère que la décision de production est utile, le planificateur connaissant les besoins de la population.

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Economie de marché

Système dans lequel la direction des emplois se fait par initiative privée (éventuellement regroupés en collectifs, les firmes) ; les acteurs anticipant un besoin de la société.

La validation n’est pas garantie, elle se produit ex postNote : l’économie traditionnelle est une version « soft » du concept d’économie dirigée. En effet, l’organe politique est également un organe économique.

Exemple : en Egypte antique, c’est un Pharaon qui a décidé d’allouer une partie des richesses du pays à la construction de ces monuments funéraires. Ici, la validation a lieu automatiquement, « on le fait parce qu’on est obligés de le faire ».

Une économie de marché peut mener à une perte de richesse, lorsque les ressources sont allouées à un projet qui ne rencontre pas un besoin du marché. Cependant, malgré cela, Smith fait l’hypothèse que l’économie décentralisée mène toujours à une plus grande création de valeur.

d) Le caractère contre-intuitif de l’économie décentralisée

Le système planifié semble à priori plus intuitif, car nous sommes nous-mêmes des individus planificateurs (nos activités sont planifiées) ; nos institutions et entreprises le sont également.

Pourquoi devrions-nous écarter ce principe de planification qui nous est si cher, lorsqu’il s’agit de gérer l’économie dans son ensemble ? Pourquoi laisser régner cette apparente anarchie ? Pourquoi préconiser une rupture de logique de fonctionnement entre la société dans son ensemble et ses composantes?

e) Conclusion

L’économie politique naît avec cette affirmation énigmatique : « une société sans tête fonctionne mieux qu’une économie planifiée ». Ce sera l’objet de la discipline de pouvoir prouver la vérité ou non de cette énigme. Smith a ouvert le débat, et il a encore lieu aujourd'hui.

Par ailleurs, il est très impressionnant que Smith théorise déjà la révolution industrielle, alors même qu’elle commençait à peine.

3. Les premiers pas dans la fondation de cette thèse: l’élaboration d’une théorie de la valeur

A) Introduction : quelques conceptsRappel de la thèse : viabilité et éventuelle supériorité d’une économie sans organe décisionnel supérieur en charge de son bon fonctionnement, par rapport à un système centralisé. Il faut qu’un principe régisse cette économie, s’imposant aux agents et contraignant leurs comportements.

On appelle théorie de la valeur une théorie traitant de la détermination et de la formation des prix d’équilibre. Nous allons voir ci-dessous comment s’est formé celle de Smith.

Smith pose l’hypothèse que l’économie respecte des lois naturelles qui la mène à son équilibre. Cette logique d’équilibre va s’appliquer sur le prix des biens et services. Cette construction conceptuelle est une sorte de « centre de gravité » appelé prix naturel vers lequel vont tendre les prix du marché.

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Dans cet ordre théorique, on établit deux distinctions :

- La distinction prix relatif (ou valeur d’échange, qui désigne la proportion d’échange de ce bien par rapport à d’autres biens)/ prix monétaire (dans le cas particulier où le bien de référence est la monnaie).

- La distinction prix naturel (prix d’équilibre)/ prix de marché (prix observé à la clôture d’une période d’échange donnée).

Si le prix de marché s’écarte du prix naturel (qui est le prix d’équilibre), on dit que le marché est en déséquilibre. Alors, les agents économiques auront des incitants à changer de comportement, ce qui mènera le prix de marché à s’aligner sur le prix naturel. On appelle équilibre la coïncidence entre prix naturel et prix du marché. Si tous les marchés sont à l’équilibre, alors l’économie est à l’équilibre.

On conçoit donc l’équilibre comme un état de repos, c'est à dire un état dans lequel les agents économiques n’ont pas d’incitation à changer de comportement.

Smith fait encore un pas supplémentaire en affirmant qu’équilibre et optimal se confondent.

B) Chapitre VI : des parties constituantes du prix des marchandises Qu’est-ce qui détermine le prix naturel ? Selon Smith, il peut être appréhendé de 2 façons :

- Théorie des composantes : la valeur d’une marchandise dépend de l’addition de ses coûts de production, c'est à dire la rémunération de chaque facteur de production

- Théorie de la distribution du produit total : tous les facteurs qui ont joué un rôle dans la production reçoivent une part du produit de la vente, à leur rémunération normale.

Dans une société avancée, avec de nombreux inputs, un bien est produit au moyen d’une avance monétaire (pour acheter les matériaux, machines,…) qui est rémunérée par le profit, d’une utilisation du sol qui est rémunérée par une rente et le travail qui est rémunéré par le salaire.

Il en va de même pour le produit national : il est distribué entre les différents habitants du pays de la même façon. Le produit du travail doit donc être réparti entre ceux-ci, c'est à dire entre les classes : capitalistes, propriétaires fonciers et travailleurs.

Signification du profit

Pour un économiste classique, le profit n’est donc rien d’autre que la rémunération de l’avance monétaire (le capital) qui a permis d’acheter les machines et les matières premières.

Le taux de profit d’équilibre est fixé par la rencontre de l’offre et de la demande d’avances monétaires. D’ailleurs, ce taux est appelé à diminuer dans le futur suite à une abondance de capitaux.

C) Chapitre VII : le rapport entre prix naturels et prix de marchéOn voit parfois que le prix du marché s’écarte parfois du prix naturel ; cela résulte d’un déséquilibre du marché. Dans les pages 126-128, Smith répond à deux questions :

- Pourquoi le Prix du marché peut-il différer du Prix naturel ? - Que se passe-t-il dans ce cas ?

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4 hypothèses préalables

Dans un jour de marché particulier, on va considérer :

- Que l’offre est inélastique car le bien est périssable et produit préalablement à l’échange.- Que les acheteurs connaissent le prix naturel- Un montant fixe est alloué à la dépense dans chaque marché.- Le prix est le même pour tout le monde (pas de « premier arrivé, premier servi), comme s’il y

avait un secrétaire de marché.

On obtient ainsi le graphe suivant, avec 3 cas qui sont traités aux pages 126-127 :

Où :

- QDN est la grandeur demandée au prix naturel- QS1 : la quantité demandée est plus faible que celle demandée au prix naturel hausse de

prix tq le marché se termine dans un état PM1 > PN.- QS2 : la quantité demandée est plus élevée que celle demandée au prix naturel baisse de

prix tq le marché se termine dans un état PM2 < PN.- QS3 : la quantité demandée est égale prix de marché égal au prix naturel.

Dans les situations ci-dessus, un ajustement des prix fait en sorte que la quantité demandée égale la quantité offerte, ce qui ne correspond pas pour autant à une situation d’équilibre, car ce n’est pas une situation de repos.

Que se passe-t-il en cas de déséquilibre

C’est le point suivant dans l’étude de la gravitation (p. 127 – 128).

On va maintenant étudier ce qui se passe au long terme (plusieurs jours de marché). Dans cette situation, l’ajustement se produira sur les quantités produites (et non plus sur le prix).

Si, par exemple, le marché se trouve chroniquement dans la situation QS1, les composant du produit ne seront pas correctement rémunérés. La concurrence avec les branches qui obtiennent des profits supérieurs induira qu’à plus long terme, les capitaux iront vers des branches plus rentables. La

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production dans cette branche va diminuer, et les prix vont revenir vers le prix naturel, jusqu’à ce que les facteurs de production (sol, salaires, capitaux), soient correctement rémunérés.

(page 128) Grâce à ce qu’on a vu, le prix naturel va agir comme un aimant, les prix vont tendre vers ce prix naturel.

Obstacles à l’atteinte de l’équilibre ?

Il peut s’agir de monopoles (naturels ou par acte du gouvernement), d’accidents ou d’entraves du gouvernement.

D) Conclusions Le fait que l’équilibre soit réalisé signifie que ce qui est produit par initiative privée correspond au besoin social, c'est-à-dire qu’on assiste à la validation à postériori de la répartition des richesses. De ce fait Smith associe implicitement l’état d’équilibre avec une situation d’efficience et d’optimalité sociale (exemple : la construction d’un parc d’attraction).

Nous avons donc notre réponse à la question posée antérieurement : le système de marché est-il supérieur à un système régulé ? Oui, car :

- L’Etat souffre des défauts soulignés dans les citations de Smith- De cette façon, les besoins sociaux sont définis plus démocratiquement.

Ces besoins sociaux, au lieu de s’exprimer depuis la tête de l’Etat, sont comblés par la réalisation d’une conséquence inattendue de l’égoïsme des acteurs privés de l’économie. Le meilleur levier pour l’enrichissement collectif est que chaque entité décisionnelle recherche son intérêt individuel. La concurrence sera la sanction des erreurs décisionnelle des producteurs, ils seront « frappés par la main invisible ».

L’économie de marché en tant que modèle d’organisation supérieur pour la création de richesse est un concept qu’on n’accepte pas spontanément, car cela heurte nos intuitions. Il peut en effet nous paraitre choquant qu’on nous dise que la meilleure façon d’aider les pays en voie de développement n’est pas de leur fournir une aide, mais bien de faire en sorte qu’il y ait un contexte dans lequel l’économie de marché peut naitre.

Les débats macroéconomiques aujourd'hui, ne sont pas « pour ou contre le libéralisme », mais bien dans des degrés de libéralisme. Smith est le père fondateur de ce débat.

4. Les salaires

A) Pourquoi les travailleurs ne reçoivent-ils pas l’ensemble du produit?Comme nous l’avons vu, dans sa théorie de la valeur, Smith dit que la valeur est distribuée aux 3 composants : l’utilisation du sol, l’avance monétaire et le travail (indifféremment ouvrier indépendant ou salarié) (p. 77, il concentre son attention sur les salariés).

B) Le salaire comme effet d’un rapport de forceIl y a un antagonisme entre les ouvriers et les patrons (c'est à dire les capitalistes). Smith tend à compatir avec les premiers et dresser un portrait peu élogieux des seconds.

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Mais ce rapport de force rencontre une limite: le salaire ne peut pas aller en-dessous du seuil de subsistance. Introduction de la notion de salaire de subsistance.

C) Le salaire, fonction du taux de croissanceTrois cas possibles en fonction de l’état économique des pays (pas le niveau des richesses mais le taux de croissance ou de décroissance) :

- Croissance: les salaires dépassent le niveau de subsistance, malgré des accroissements de population (ex. l’Amérique); le niveau de vie des salariés est favorable et dépasse le niveau de subsistance.

- Stagnation: le salaire tend vers le salaire de subsistance avec maintien de la population (ex. la Chine)

- Déclin: on descend en dessous du niveau de subsistance et la population diminue jusqu’à l’atteinte d’un nouvel équilibre? (ex. le Bengale).

Smith pose une question étonnante (p. 91): l’amélioration des conditions de vie des ‘dernières classes du peuple’ sont-elles une bonne chose? La réponse n’est-elle pas évidente? Sans doute, mais il y a autre chose…

D) Le salaire naturel (SN) comme centre de gravitation des salaires de marché (SM)Le mécanisme est le suivant : Croissance ® D demande de travail ® récompense libérale du travail ® amélioration du niveau de vie ® D de la population ® D offre de travail ® recul de la récompense libérale du travail et du niveau de vie.

Ceci peut être reformulé en termes de la théorie de la gravitation, partant d’une situation où SM= SN :

- Croissance ® D demande de travail ®SM>SN ® D population ® D offre de travail ® retour du SM vers le SN. De ce fait, on peut considérer que Smith pense qu’une situation de croissance ne peut perdurer, et qu’elle reviendra vers une situation de stagnation.

La population joue le même rôle d’ajustement que les quantités dans la théorie de la gravitation standard. De la même manière qu’en général la concurrence ramène les prix de marché vers les prix naturels, la loi de la population ramène le salaire de marché vers le salaire de subsistance, celui-ci devenant ainsi un salaire naturel à l’instar du prix naturel.

La population est donc une grandeur endogène de la même manière qu’est la quantité de toute marchandise en existence : « la grandeur de population d’équilibre est celle qui entraîne une égalité du salaire de marché et du salaire naturel ».

Par contre, le salaire d’équilibre est une variable exogène (mais non le salaire de marché), car il correspond au salaire de subsistance.

Comme on l’a dit ci-dessus, la situation de croissance, où SM > SN n’est que passagère, car elle sera bridée par les effets de l’accroissement de la population. Il s’en dégage une conclusion pessimiste (« pessimisme fondamental des classiques »): on ne peut durablement améliorer le sort des travailleurs au-delà du seuil de subsistance.

Parenthèse : ici, Smith formule l’intuition de Malthus bien avant celui-ci, mais de façon moins

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mécanique : les augmentations de population empêchent une amélioration du bien-être par tête.La loi malthusienne est la suivante : la population augmente de manière exponentielle (1, 2, 4, 8, …), les moyens de subsistance de manière arithmétique (1,2, 3, 4, …).

Ce raisonnement est trop schématique, pour la raison suivante : l’ajustement ramenant le salaire de marché vers le salaire naturel via des changements de population (et donc d’offre de travail) prend le temps du passage d’une génération à une autre. La population et le chômage

Selon Smith, le chômage ne peut pas exister (il n’en a d’ailleurs pas développé de théorie), car un problème d’excès de l’offre de travail se solutionnerait par la disparition des offreurs excédentaires en affirmant que la surpopulation hypothèque l’amélioration du bien-être des travailleurs, ils font l’erreur d’oublier que l’enrichissement peut avoir un effet restrictif sur la fécondité = 1e tache aveugle.

Rétrospectivement, il s’avère que les classiques ont énoncé le principe de population au moment même où il perd de son emprise.

5. Le rôle de l’EtatLa thèse de Smith est résumée dans les deux paragraphes p. 308-09. Les trois domaines d’intervention de l’Etat sont :

- Ordre public et défense nationale- Justice- Ouvrages particuliers

p. 406-408, Smith aborde l’autre face de la division du travail: l’abêtissement des gens. Par conséquent, l’Etat doit aussi s’occuper de l’éducation.

2.3. Bilan de Smith Apports essentiels de Smith

Smith a une extraordinaire capacité anticipatrice. Il est un analyste du capitalisme avant l’éclosion de celui-ci. En effet, l’œuvre de Smith est un plaidoyer en faveur d’un système de liberté; dès son essor, la théorie économique mêle l’analytique et le normatif. Les deux apports principaux sont :

- La thèse selon laquelle la division de travail est la clé permettant de répondre à la question de la richesse des nations.

- La théorie de la gravitation comme théorie de la concurrence, ouvrant ainsi une réponse à la question de l’efficience d’économie sans autorité économique. Note : cet équilibre n’existe que dans le long terme et dans certaines conditions*.

La pensée classique ouvre la voie à ce qui sera un trait central de la théorie économique postérieure: penser son objet à partir de la notion d’équilibre (même si elle reste embryonnaire).

* la distinction CT/LT reçoit aussi une portée plus générale: dans la perspective libérale, défendue par Smith, il faut dépasser la logique du court terme pour s’astreindre à une logique du long terme, laps temporel dans lequel les bénéfices des sacrifices à court terme se manifestent.

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Smith optimiste ?

Dans la thèse de Smith, il y a un mélange d’optimisme (les bienfaits de la croissance, le déversement de la richesse) et de pessimisme (les lois de population empêchent l’amélioration du sort de la masse des gens; le problème de la population est l’hypothèque, la chape de plomb pesant sur l’ensemble de la pensée classique) intuition que la croissance ne pourra pas se prolonger indéfiniment = 2e tache aveugle.

Le ‘smithien moderne’, lui, ne retiendra que la dimension optimiste. Il élaguera les deux taches aveugles (voir ci-dessus : croyance en la stagnation ; principe de population), car les faits ont parlé dans le sens contraire.

Que penser de Smith ?

Smith a l’habilité de voir les choses sous des faces différentes avec une attitude lucide, ironique, cynique, de franc-parler il se place au-dessus de la mêlée. Cependant, il n’est pas vraiment un théoricien rigoureux et ses conclusions comportent de nombreuses failles.

Smith et la société

Il n’est pas scandalisé par une série de choses qui scandaliseraient d’autres : pauvreté, chômeurs (qui disparaissent de son modèle économique),… Pour lui, la division des classes et l’exploitation systématique n’ont pas la connotation négative que Marx leur donnera, et l’inégalité n’est pas négative pour lui car non seulement elle participe à la stabilité de la société, mais en plus, les ambitieux ont une possibilité de mobilité (cf. parabole du jeune homme ambitieux).

Un système qui améliore le niveau de vie de tous les citoyens sans pour autant resserrer l’échelle des inégalités lui parait correct le niveau de vie général est plus important que le niveau de vie relatif. Quant aux choses fondamentales, le bonheur, les angoisses, tous les hommes sont égaux.

Les contradictions dans son œuvre?

- Entre son intuition que le travail est à la source de la richesse (ce qui invite à une théorie de la valeur travail) et le fait qu’il développe une théorie de la valeur allant dans un autre sens.

- Problèmes de conciliation entre sa théorie de la division du travail et sa théorie de la valeur.- Erreurs de perception quant à la pérennité de la croissance et à la prégnance du principe de

population.

Par ailleurs, des objections peuvent être apportées à l’analyse de Smith et posent des questions intéressantes :

- Le principe de gravitation (la concurrence mène à l’équilibre et donc à une situation d’optimalité) n’est pas démontrée théoriquement (embryon de théorie).

- Implicite : les erreurs d’initiatives privées sont perçues avant que celles-ci n’atteignent une dimension critique; en d’autres termes qu’une non-validation des initiatives privées ne devienne un phénomène cumulatif.

Enfin, un certain nombre de concepts peuvent être difficiles à accepter :

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- dureté de la concurrence, considérée comme un bien nécessaire plutôt que comme une nuisance sociale.

- L’argumentaire de Smith apparait comme moralement incorrect ; il ne véhicule pas de hautes vertus morales, car il repose sur l’égoïsme et la vanité. D’autre part, l’impératif moral ne débouche sur aucun programme précis en matière d’enrichissement. Il est frustrant pour ceux qui ont de l’idéal et veulent mettre leur générosité au service de la cause d’amélioration du sort des gens démunis, de devoir admettre la supériorité d’un système basé sur la recherche du profit.

Vers quoi peut-on se retourner si on n’accepte pas la vision smithienne? Différentes possibilités :

- La non-remise en cause de l’économie de marché mais l’affirmation qu’il faut de la moralisation ce système (// André Compte-Sponville ; Pierre Rabhi).

- Un mixte du système de marché et du système égalitaire (// Keynes) - L’adhésion à une anthropologie non-égoïste et la volonté d’instaurer une société dirigée et

égalitaire (// Marx).

3. Karl Marx

3.1. Manifeste du parti communiste

A. IntroductionCe texte trouve son origine en en Nov-déc. 1847 (publié en Janvier 1848) lors du congrès de la Ligue Communiste à Londres. Marx et Engels sont chargés d’écrire un manifeste pour exposer à la face du monde les conceptions communistes.

On est dans un contexte historique tout à fait différent de celui de Smith:

a) La révolution industrielle a pris son essorb) Le mouvement ouvrier s’est constitué avec un projet de changer l’état des choses existant,

sinon de le renverser. Ils ne constituent plus masse inerte mais une masse vivante et active.

Cet essai politique est écrit très vite et de façon circonstancielle, mais de façon brillante.

B. Lecture du Manifeste et commentaires Style d’écriture

Par rapport à Smith, Marx est un homme plus proche du terrain, et l’objectif de son texte est fondamentalement différent : il s’adresse à des prolétaires, et est un texte de propagande.

Le texte de Marx a des éléments très actuels comme la concentration du pouvoir et de l’argent dans un petit nombre de mains ou l’opposition entre les classes des opprimés celle des oppresseurs. C’est ainsi qu’aujourd'hui on trouve encore des organisations qui ont des formulations comme « Nous luttons contre Mittal, qui nous exploite »… Ce sont des gens qui sont Marxistes, parfois sans le savoir.

Contenu

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Ce texte a pour caractéristique d’être « bipolaire » : c’est un va-et-vient sans cesse entre la critique du capitalisme et la reconnaissance de ses bienfaits.

D’une part, il fait l’éloge du capitalisme, auquel il attribue le développement économique et technologique, la prospérité inédite dans laquelle se trouve l’humanité. D’après lui, c’est grâce au capitalisme que le communisme est possible ! C’était donc une phase de mode de production nécessaire, mais avec laquelle il faut aujourd'hui en finir. D’autre part, Marx dénonce le capitalisme comme système qui permet à la bourgeoisie, classe dominante, d’opprimer les prolétaires, classe opprimée.

Dans la suite du texte, il décrit la société communiste, comme une société dans laquelle les classes sont abolies.

C. AnalyseAnalyse en termes de classes

La première phrase du Manifeste dit tout: la lutte des classes est la clé ultime de la lecture de l’histoire. Dès l’empire Romain, en passant par la période féodale, deux camps ennemis (les oppresseurs (patrons, bourgeois,…) et les opprimés (travailleurs, prolétariat)) ont des intérêts opposés et ont un rapport win-lose.

En effet, l’enjeu est, quel que soit le mode de production, la prestation de travail gratuit des membres de la classe dominée à l’avantage de ceux de la classe dominante (exploitation).

Conception de l’histoire

Prémisse nouvelle chez Marx : l’histoire n’est rien d’autre qu’une succession de modes de production (féodalisme, esclavagisme, capitalisme,…) dont l’aboutissement ultime est le communisme, qui est une société sans classes.

L’interprétation de l’histoire de Marx peut être désignée par le terme de matérialisme historique.

Matérialisme historique

Double idée:

a) Selon lui, la sphère économique n’est que l’infrastructure fournissant la base matérielle permettant de mettre en œuvre la structure sociale sous-jacente (sphère juridique, politique, religieux, artistique, idéologique,…).

b) L’histoire est vue comme une succession de tel rapports structurels qui, vu la prédominance de l’économique, sont appelés des modes de production (féodal, capitaliste, communiste), avec ce dernier comme marquant un stade historique ultime.

Un mode de production a deux composantes:

a) le rapport de production : l’identification des classes pivot qui le constituent, la modalité selon laquelle l’exploitation s’effectue, le cadre institutionnel rendant cette exploitation effective.

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b) les forces productives : l’état de la technologie au sens large, incluant la division et l’organisation du travail et définissant la gamme des biens produits

Il existe des lois, des logiques de fonctionnement propres à un mode de production et s ’imposant aux hommes. En conséquence, les lois de l’économie ne sont pas universelles mais historiquement déterminées. Dans le mode de production capitaliste, c’est la loi de la valeur (prix d’équilibre vers lequel tendent tous les biens) qui fait partie de ces logiques de fonctionnement. Marx ne remet pas en cause que cette logique, déjà soulignée par Smith, soit à l’œuvre dans le capitalisme.

Cependant, il va intégrer à cette logique de fonctionnement la logique d’exploitation: à l’intérieur de ce fonctionnement, un phénomène d’exploitation se produit. Pourquoi ? C’est un paradoxe auquel il mettra 15 ans à répondre.

Contrairement aux économistes classiques qui l’ont précédé, Marx ne croit pas à la pérennité de l’économie de marché. Pour lui, des forces destructives minent celui-ci de l’intérieur:

a) La concurrence mène à son contraire, le monopole, ce qui ‘exacerbe’ la contradiction entre forces productives et rapports sociaux

b) Le moteur du système est le taux de profit; or, la logique de prix d’équilibre entraîne une baisse de ce taux, jusqu’à un taux nul en concurrence parfaite.

Il établit alors la thèse selon laquelle l’histoire peut se lire comme étant mue par les inadéquations entre FP et RP, engendrant une dynamique sociale, des tensions dans le fonctionnement du mode de production et éventuellement sa remise en cause et son dépassement.

Une contradiction est à l’œuvre dans le mode de production capitaliste: les forces productives sont hautement socialisées (« c’est 1 ouvrier collectif qui produit les choses ») mais les rapports de production évoluent dans un sens inverse à celle des forces productives, vers une concentration de la propriété des moyens de production de plus en plus forte. Ceci est contradictoire.

Pour Marx, cette contradiction est invivable, car quand les exploités vont prendre conscience qu’ils sont exploités, « qu’ils ne sont qu’un accessoire de la machine, dépossédés de leurs aptitudes », et ils vont s’indigner de leur sort et lutter contre la bourgeoisie. Déjà, c’est à cette lutte qu’on peut attribuer les différentes crises dont souffre le capitalisme. La violence de ces conflits sera mise en exergue par la globalisation et les améliorations dans les communications amenée par le capitalisme : le capitalisme creuse sa propre tombe.

Même les membres éclairés de la classe dominante (les « bourgeois idéologues ») vont se joindre à la lutte, comprenant que le changement est inévitable. Au sein même de toutes les classes, s’opposent les révolutionnaires (qui veulent aller de l’avant) aux réactionnaires (qui veulent un retour en arrière).

C’est pourquoi le système capitaliste est voué à l’échec, et ce n’est que la propriété collective des moyens de production (= communisme) qui rétablira l’adéquation entre les deux éléments contradictoires.

Marx et les classiques

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Comme nous le verrons, le cadre conceptuel employé par Marx est proche de celui des économistes classiques. Mais il en produit une interprétation différente. Par exemple, il constate lui aussi la baisse du taux de profit et la mondialisation induite par la division du travail.

c) Comment réagir à ce texte?Admettant qu’il s’agit bien d’un texte de propagande, nous allons utiliser les critères suivants pour juger ce texte, quelle que soit notre sensibilité :

A) La validité du cadre théorique qui lui est sous-jacent, la théorie de l’histoire, la théorie de la société de Marx. Pouvons-nous accepter de lire l’histoire à travers le concept de lutte des classes ? Les modes de production convergent-ils vraiment vers le communisme ?

B) Les prédictions faites dans le Manifeste (et reprises dans le Capital). Le capitalisme ne s’est manifestement pas effondré, 150 ans plus tard, combien de temps la prévision mettra-t-elle à se réaliser ?

La considération de ces deux critères débouchera probablement sur un diagnostic très négatif pour la thèse de Marx, trop unilatérale, centrée sur un seul critère, déterministe et téléologique, extrême dans son affirmation de la primauté exclusive de l’économique.

Ceci n’empêche cependant pas de devoir constater que Marx et Engels ont saisi avec acuité une série de traits caractérisant le fonctionnement du capitalisme. Ces traits sont encore présents aujourd’hui.

3.2. Das KapitalDémarche adoptée par Marx

Ce livre ce distingue fortement du « Manifeste » par son caractère beaucoup plus théorique. Dans ce livre, il s’attachera à démontrer plutôt qu’à convaincre. Alors que le manifeste est écrit « rapidement », le Capital s’est construit sur 20 ans ! Cela a pour conséquence un registre beaucoup plus rigoureux. C’est un ouvrage lent, long et pesant.

Au lieu de simplement dire « l’exploitation existe », comme il a pu le faire dans le manifeste, Marx veut produire un modèle théorique dont il résulte logiquement une exploitation d’une classe par une autre. Pour ce faire, Marx va lire les économistes libéraux de l’époque, avec un regard très critique.

Chose surprenante, il va trouver leur construction théorique très intéressante et bien construite. Il retrouve dans les auteurs classiques une analyse qui implique inévitablement une lutte des classes, de telle façon qu’elle servira au projet socialiste de Marx. Selon lui, les économistes classiques ont raison, il admire leur théorie, mais il estime qu’ils ne sont pas allés assez loin. C’est ainsi que Marx, historien et philosophe, devient économiste. Cela donne un mélange de développement logique, ironie et parti-pris dans son texte ; une attitude qui peut sembler teintée de mauvaise foi.

Marx n’est donc pas un théoricien du socialisme mais bien un théoricien négatif du capitalisme. En cela, Das Kapital est une contribution importante à la théorie économique, mais ce n’est pas un manifeste politique.

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3.2.1. La logique à l’œuvre dans le capitalisme, selon MarxLe capitalisme est bel et bien un rapport social ayant une logique propre consistant en un mouvement incessant de création de profit. Le fonctionnement d’une économie de marché peut se faire selon deux logiques potentielles, opposées :

- Le fonctionnement centré sur la valeur d’usage (l’utilité) : M—A—M Le point initial est une marchandise et le point finale est une marchandise également, qui

ne circule plus et tombe dans la consommation. La satisfaction d’un besoin, une valeur d’usage, tel est donc son but définitif (Capital, p.117). L’économie est au service des besoins.

- Le fonctionnement centré sur une logique de poursuite du profit : A—M—A’ (la différence entre A’ et A, un surplus, est le profit) Le point de départ est l’argent et y revient; son motif, son but déterminant est donc la

valeur d’échange (Capital, p.117). C’est l’homme qui est au service de l’économie de profits.

Le capitalisme suit la seconde logique, l’ « homme aux écus » cherchant à investir son argent dans un processus de production de marchandises dans le but d’avoir plus d’argent au terme du processus (quand les marchandises produites sont vendues). « L’initiative privée vise à ce que la validation ex post s’accompagne d’un profit ».

La grande question que Marx soulève est la suivante : quelle est nature du profit (c'est à dire le surplus A’ – A), si toutes les marchandises sont échangées à leur valeur naturelle ? Les économistes classiques répondaient la rémunération du capital, mais Marx trouve cette réponse trop courte, occultant la nature profonde du phénomène.

C’est ainsi que son projet est de démontrer qu’on retrouve dans le capitalisme le phénomène d’exploitation, c'est à dire la livraison de travail gratuit par les membres de la classe dominée à l’avantage de la classe dominante, déjà présente dans les modes de production antérieurs. La seule différence avec les modes de production antérieurs, c’est que dans le capitalisme le phénomène d’exploitation est occulté.

3.2.2. La toile de fond de sa réflexion : l’économie classiqueConception classique

Pour un classique, la marchandise a deux composantes :

- la valeur d’usage : traits physico-techniques ou utilité de la marchandise Dans la théorie classique, la valeur d’échange est implicitement équivalente à l’utilité de

l’acheteur, même si l’utilité n’apparait pas dans l’équation qui détermine la valeur d’échange.

- la valeur d’échange : proportion dans laquelle une marchandise s’échange contre d’autres = prix monétaire. Les classiques distinguent deux conceptions du prix, le prix naturel (somme de tous les

coûts de production) et le prix de marché ; le second gravite vers le premier.

Théorie de la valeur-travail

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Si Smith défendait la théorie de la valeur, selon laquelle la valeur est composée de la somme de la rémunération du travail, du capital et de la location du sol, Ricardo propose une autre théorie, affirmant que la valeur d’échange des biens n’est fonction que de la quantité de travail nécessaire à sa production (directement et indirectement, c'est à dire par transmission graduelle par les machines, de la valeur qu’elles incorporent).

Deux marchandises s’échangent alors si la quantité de travail est exactement égale à celle du bien échangé, et c’est la concurrence qui va amener les prix vers ce prix d’équilibre. Le prix d’un bien ne change donc que si la technologie permet de le produire plus rapidement.

Pas à voir : pourquoi la théorie Smithienne a été abandonnée en faveur de la théorie valeur-travail de Ricardo. Il faut juste accepter que ça a été le cas, et que tous les économistes se sont rangés du côté de Ricardo.

Marx et les classiques

Dans son étude des théoriciens classiques, Marx adhère à la théorie classique générale selon laquelle le travail humain et les ressources naturelles sont la base ultime de tout ce qui est produit. Il se servira de l’œuvre de Ricardo (théorie de la valeur-travail) comme base à sa démonstration, car elle s’est révélée propice à la défense de celle-ci. Marx tire des conclusions auxquelles Ricardo n’avait pas pensé.

3.2.3. Les étapes de la démonstration de l’existence de la plus-value de Marx

I. Prémisses méthodologiques- Marx se base sur des hypothèses simplificatrices - Il raisonne dans un cadre d’équilibre (c'est à dire, selon les économistes classiques, que tous

les facteurs sont rémunérés à leur prix naturel, ou que la loi de la valeur est respectée).

Marx cherche à résoudre la question « comment peut-il y avoir un profit quand les marchandises s’échangent à leur valeur ? », basé sur la théorie de la valeur-travail (un bien peut être estimé à la difficulté de sa production, c'est à dire en nombre d’heures de travail).

C’est dans cette sphère de la valeur que se trouvera la réponse à ce paradoxe. Le profit est l’expression monétaire de la plus-value.

Sa thèse est donc que le profit est basé sur le travail gratuit, le travail gratuit étant défini comme l’exploitation d’une personne par la classe des producteurs.

Pourquoi les gens acceptent-ils ça ? Parce qu’ils n’ont pas le choix.

Marx ne s’intéresse qu’à la structure des classes et non pas à l’individu. Il se peut, en effet, qu’un prolétaire « plus débrouillard » devienne capitaliste, mais ce n’est qu’anecdotique.

II. La force de travail comme marchandise particulièreAu début du chapitre 6, il pose la question « d’où vient la différence entre A et A’ ». C’est la force de travail qui se distingue des autres inputs du produit en cela que « sa valeur d’usage crée de la valeur d’échange ».

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Ce n’est pas le cas des machines, qui ne font que redonner la valeur qu’elles ont reçue. Aucune autre marchandise que la force de travail ne crée de la valeur.

Conditions pour que la force de travail se présente sur le marché comme marchandise :

- Liberté de contracter (l’esclave ne crée donc pas de force de travail).- Être dénué de la capacité d’entreprendre des projets marchands à son compte (être

prolétaire, c'est à dire n’avoir pas d’alternative de survie autre que de vendre sa force de travail).

(p.132) Pourtant, Marx dit qu’il n’y a pas de fondement naturel à cette séparation fondamentale entre les prolétaires et les capitalistes. D’ailleurs, dans l’histoire, cela n’a pas toujours été le cas.

(p.133) La FT a une valeur, qui se calcule en terme de temps de travail comme les autres marchandises. La FT a les mêmes traits que les autres marchandises : elle a une valeur naturelle qui est un centre de gravitation vers lequel tendent les prix. La seule différence est qu’au lieu de se poser la question « cb d’heure pour la produire », on demande « combien d’heures pour la reproduire ».

Avant de pouvoir calculer sa valeur, un élément intermédiaire doit être introduit : le panier de subsistance.

III. La notion de panier de subsistance Marx dit que la force de travail équivaut à une somme déterminée de moyennes de subsistance. Donc, la valeur de la FT change avec la valeur du panier de subsistance, c'est à dire proportionnellement au temps de travail nécessaire à leur production.

Plus précisément, on calcule le panier de subsistance en 3 étapes (voir slides) :

I. Choses pour que le prolétaire surviveII. Valeur de toutes ses marchandisesIII. Nombre de fois qu’une marchandise est consommée.

(p. 134) Marx fait un long calcul, au terme duquel il détermine que la valeur de la FT est de 6h. Il faut donc chaque jour ½ journée de travail pour fournir de la force de travail, payée à sa valeur. Du coup, avec 6h de travail par jour payées à leur valeur, il n’y aura aucun profit.

Plus loin, Marx expliquera que les 6 autres heures que le prolétaire fournit par jour sont ce qu’il appelle du « travail gratuit ». Il y a donc une dissociation entre la valeur de la force de travail et la valeur que la force de travail peut créer (!!).

(p. 136-137). Dans la sphère de circulation des marchandises, on est dans le « jardin d’Eden », dans un monde d’égalité (tout s’échange à prix équivalent pour tout le monde), de liberté (chacun peut choisir la quantité de travail qu’il fournit, dans un contrat libre), et de propriété (chacun dispose de ce qui lui appartient). Cependant, quand on entre dans le laboratoire on se rend compte de la domination d’une classe par l’autre.

(p.144) L’ouvrier travaille sous les ordres du patron, et c’est ce dernier qui recevra les recettes. Le capitaliste ne veut pas seulement produire des biens utiles, mais bien avoir des plus-values.

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VI. La valeur journalière de la force de travailPour appuyer sa démonstration, Marx va prendre en exemple la vie entière d’un travailleur représentatif (les chiffres ne sont pas important, c’est l’idée derrière qui l’est). Supposons :

La valeur de la force de travail d’un travailleur est de 36.000 heures en 20 ans, soit 1.800 heures/an. S’il travaille 300 jours par an, cela représente 6h par jour presté.

VII. La condition d’émergence de la plus-valuePour qu’il y ait plus-value, il faut que la valeur créée par la force de travail durant une journée donnée soit supérieure à la valeur de la force de travail ramenée à la base quotidienne. Ainsi, on peut même calculer la plus-value totale dans l’économie : la différence entre la valeur créé par la force de travail totale et la valeur de cette force de travail. C’est là l’idée nouvelle de Marx : la valeur que la force de travail peut créer est indépendante de sa valeur propre !

La valeur créée par la force de travail se partage entre deux affectations :

- La rémunération de la force de travail (le salaire minimum)- Le solde, qui revient au capitaliste. C’est ce qu’on appelle la plus-value ou le profit (p.151).

L’exploitation n’est, en fait, rien d’autre que le fait que l’ensemble de la valeur créée n’aboutit pas dans les mains de ses créateurs, les travailleurs.

Conclusions

Selon Marx, ce rapport salarial d’exploitation est inhérent au capitalisme et à l’économie de marché (qui sont indissociables).

Ainsi, Marx réfute l’assertion des économistes classiques, « le salaire rémunère le travail presté », tout en gardant la théorie du salaire de Smith « que le salaire est autant que la norme de subsistance ». Marx n’a produit aucune incohérence par rapport à la théorie des classiques : les marchandises s’échangent à leur prix naturel et la théorie de la valeur-travail est respectée.

Cette nouvelle idée sert son projet :

VIII. De la plus-value au profit et l’occultation de l’exploitationComment l’exploitation est-elle possible ? Nous allons maintenant voir comment on passe de la métrique valeur à la métrique monétaire. Pour ce faire, nous allons utiliser le concept d’expression monétaire de l’heure de travail (EMHT). Préalables :

- On considère la monnaie comme un bien physique qui correspond à une certaine dose de travail (elle incorpore le travail social).

- Notons l’importante différence entre le travail mort (incorporé dans les machines et les matières primaires) et le travail vivant (débouche sur la création de valeur). Seul ce dernier est réparti entre la valeur de la force de travail et la plus-value.

Dans son exemple, Marx observe :

- La production journalière d’or par la force de travail fournie par le travailleur (12h) est de 6 shillings (ce chiffre est trouvé par l’exemple du travailleur produisant du fil à partir de coton).

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- La valeur que le travailleur reçoit, ou la valeur de la force de travail, égale 3 schillings pour une journée entière de travail. Tel sera le montant que le travailleur doit recevoir par jour pour survivre (si l’équilibre prévaut).

Le capitaliste prétendra que la différence entre ces deux valeurs sert à couvrir l’usure des machines et le coût des matières premières. Pour Marx, il ne s’agit que de l’occultation de l’exploitation et du travail non-payé.

L’occultation de l’exploitation

Le contrat de travail stipule un salaire horaire et peut sembler juste, mais aux yeux de Marx, ceci relève seulement du domaine des apparences. Ce salaire horaire n’est que la division du salaire journalier, servant à la reconstitution de la force de travail, par le nombre d’heures travaillées. Le salaire horaire ne sert qu’à donner l’impression que chaque heure de travail est rémunérée.

Le rôle du théoricien est de débusquer la réalité derrière l’apparence. Ceci ne doit pas être vu comme un complot des capitalistes; ceux-ci ne sont sans doute pas eux-mêmes conscients de ce qui se passe. L’exploitation est propre au système, elle ne relève pas d’une intentionnalité.

XIX. Les équations de base du système marxienSoit la valeur d’une marchandise = C + V + S où :

- C = travail mort (valeur transmise par les machines et les matières premières).- V = Valeur de la force de travail- S = Plus-value

V + S = travail vivant (valeur totale créée). s = S/V taux de plus-value (rapport entre la valeur de la force de travail et la plus-

value). q = C/V degré de mécanisation ou composition organique du capital (rapport entre

travail mort et travail vivant).

π= SC+V

= sq+1

taux de profit (la plus-value rapportée au capital total engagé).

L’accumulation du capital mène à une baisse du taux de profit, causée par la prévalence des machines par rapport au travail (c'est à dire de la mécanisation). À terme, le profit tendra donc vers 0. Notons que cette vision est cohérente avec l’idée de stagnation qui avait été émise par Smith.

Il ajoute deux choses à la théorie classique :

- Il admet qu’il y a des contre-tendances : o Augmentation de la durée de la journée de travailo Baisse de la valeur de la force de travail nécessaire pour produire un panier inchangé

de biens (suite au progrès technologique)o La présence de Crises qui dévalorisent le capital fixe et, en conséquence, la valeur

transmise par les machines.

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- La différence avec Smith est que Marx prédit que cela causera l’effondrement du système de marché.

Commentaires sur le travail jusqu’ici

La théorie de l’histoire (une succession de modes de production, entre lesquels l’exploitation est le point commun) de Marx et sa théorie économique sont ici en symbiose.

Marx affirme que le mode de production capitaliste comporte les germes de son dépassement (contradiction entre forces productives et rapports de production, baisse du taux de profit). La loi de la baisse tendancielle du taux de profit confirme cette affirmation.

3.2.4. Une évaluation critique

1. Une critique de la théorie de la plus-value de MarxLe raisonnement de Marx est tributaire de la validité de la théorie de la valeur-travail, dont on avait déjà dénoté l’inconsistance logique déjà soulevée par Ricardo (échec de la transformation des valeurs en prix). Ceci suffit à déclasser le raisonnement de Marx.

Il semble y avoir une autre faille dans le raisonnement de Marx, au niveau du lien entre population et salaire.

La théorie du salaire est identique entre Marx et Smith : la norme de subsistance (les salaires gravitent vers un salaire naturel, égal à ce que la population nécessite pour survivre). Cette gravitation est réalisée par le principe de population (si le salaire de marché est supérieur au salaire d’équilibre, la demande pour le travail augmente également par une augmentation de la population, ce qui fait pression sur le salaire de marché). En d’autres termes, c’est la population qui s’adapte à la quantité de travail requise pour que le salaire soit à l’équilibre. C'est à dire que la population suit la même règle que les marchandises normales. On dit alors que la population est endogène.

Selon cette théorie classique, on peut décrire les déséquilibres comme suit :

Quelques définitions préalables :- Salaire d’équilibre = expression monétaire de la valeur de la force de travail. Sa

détermination est exogène (elle dépend de la technologie et de la définition du panier de subsistance).

- Salaire de marché = résultat d’un déséquilibre entre l’offre et la demande de travail causé par des facteurs endogènes.

- Force de travail = directement proportionnel à la population (donc, dans la suite, on confond population et force de travail).

Croissance de l’économie croissance de la demande de travail croissance du salaire de marché (et donc pouvoir d’achat des salariés) diminution de la mortalité augmentation de la force de travail et donc de l’offre de travail résorbe l’excès de demande retour du salaire de marché vers le salaire d’équilibre, c'est à dire la norme de subsistance.

La critique consiste à mettre en doute l’application du principe de gravitation à la population.

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Si la population suit les mêmes règles caractéristiques qu’une marchandise normale, elle est supposé avoir les deux caractéristiques :

- Sa valeur est déterminée de manière exogène (technologique et sociologique). - Elle atteint son prix naturel au moyen du principe de gravitation (par des variations de

quantités offertes).

Donc, les déséquilibres qu’il pourrait y avoir entre l’offre et la demande de force de travail devraient être temporaires (ils seraient résorbés comme on l’a vu dans l’encadré ci-dessus). Le salaire de marché se réalignera toujours sur le salaire de subsistance, et qu’il ne peut pas y avoir d’augmentation permanente du salaire de marché (car cela signifierait que la population ne joue pas le rôle d’équilibration qu’on lui suppose).

Or, si le rabattage du salaire de marché sur le salaire d’équilibre cesse de se produire, l’idée d’une norme de subsistance s’imposant au fonctionnement de l’économie disparait, et l’accroissement permanent du salaire est possible.

L’histoire nous donne 2 preuves que l’idée d’une norme de subsistance vers laquelle tend le salaire est indéfendable, et que le salaire peut augmenter de façon permanente :

- Au cours du XIX et XXe siècle, le salaire moyen réel (et donc la norme de subsistance) a augmenté de façon exponentielle.

- Les travailleurs sans emploi sont supposés être déclassés très rapidement selon le principe de population. Or, on constate que ce n’est pas le cas, ce qui est contradictoire avec le principe. En effet, un « offreur de force de travail » ne peut pas subsister.

2 argumentations en faveur, qui sont en fait 2 faits historiques qui sont contradictoires au principe de population :

- Ce principe n’est pas très substantif, on a pour preuve qu’au cours du capitalisme, le salaire réel (et donc la norme de subsistance) des salariés a augmenté de façon exponentielle.

- L’existence du chômage est contradictoire avec le principe de population, car selon cette théorie, un offreur ne peut pas subsister.

Remarque : Samitche a laissé ici une petite faute d’inattention : ces deux derniers paragraphes expliquent la même chose. Prenez celui qui vous parle le plus !

Marx, s’il a été séduit par la théorie des classiques et a voulu l’utiliser pour sa démonstration, a été piégé à cause des faiblesses de cette théorie. Notons bien que Marx ne parle pas du principe de population, mais le fait qu’il implique que « salaire de marché = salaire naturel » le rend incontournable à sa réflexion.

Par conséquent, la théorie de la plus-value de Marx ne tient plus. Faut-il pour autant rejeter l’ensemble de la lecture marxienne de la lutte des classes ?

Non ! On peut toujours appliquer la lutte des classes dans la théorie de la valeur-travail, en demandant l’adéquation de la durée de la journée de travail et du travail effectué. Alors, le système capitaliste ne serait plus rentable, s’effondrerait, et laisserait la place à un système socialiste. La démonstration de l’exploitation sur la base d’une théorie de la valeur n’est finalement

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pas indispensable à sa cause politique ; il aurait pu s’épargner les années de travail mises à construire sa théorie. Ce n’était qu’un bel exercice intellectuel.

2. Le déterminisme du raisonnement de MarxIl y a chez Marx une tension entre 2 logiques opposées :

- Logique de déterminisme dans la théorie de la plus-value (accroissement de la population chute du profit écroulement du système). Les agents n’ont pas de pouvoir sur le système.

- Le rapport capital-travail est un rapport de force ; dans Das Kapital, on lit que le capitaliste utilise une « armée de réserve » pour faire pression sur les salaires des ouvriers.

La seconde logique est incompatible avec la première.

3. La prétention de scientificitéLe projet même de Marx de démontrer l’exploitation comporte un biais qui entache sa neutralité scientifique : l’exploitation est une explication, mais n’est pas un fait brut. On peut raconter d’autres histoires.

Au fond, la théorie de la plus-value n’est qu’un exercice que Marx a fait, mais ce n’est pas sur ceci que le Marxisme doit être jugé. N’oublions pas que la théorie globale de Marx est la lecture de l’histoire à travers la lutte des classes, et l’avènement inévitable du socialisme. Marx n’est pas seulement un économiste, c’est aussi un théoricien de l’histoire et un « homme politique » (cf les messages messianiques adressées aux prolétaires dans Le Manifeste).

Enfin, ajoutons que même ceux qui ne partagent pas ses idées ont intégré certaines idées de Marx.

4. Les liens entre Marx et les classiques- Les classes sociales n’ont pas la même « identité » chez les autres classiques. D’ailleurs, les

classiques n’ont même pas envisagé l’idée d’exploitation dans la structure sociale.- Marx est un économiste classique comme ses prédécesseurs, au niveau de l’appareillage

conceptuel. Il est aussi aux antipodes de l’approche néoclassique.

5. Marx versus Smith A. Leurs visions des classes sociales- Marx et Smith raisonnent en termes de classes sociales, mais

o Pour Smith, il n’y a pas de rapport de classe, mais des rapports win-win entre les individus. Les classes ne sont qu’une réalité sociologique, pas des acteurs.

o Pour Marx, les classes sont dans un rapport antagonique win-lose. B. Leurs visions du salariat

Selon Smith et Marx, les maitres cherchent à « exploiter » les travailleurs (même si Smith n’utilise pas le mot). De plus, selon Smith, cette exploitation est bornée, d’un côté par le contexte concurrentiel (lorsqu’il est défavorable aux maîtres, notamment en cas de croissance quand les travailleurs peuvent négocier leurs salaires) et, de l’autre, par le plancher que constitue la norme de subsistance.

Les deux sont d’accord pour dire que les patrons doivent respecter les règles du jeu sinon ils coulent à cause de la concurrence. Marx rajoute que dès lors, ils sont les supports de structure de la société capitaliste, qui opprime les prolétaires.

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Point de vue diachronique

Chez Smith, il y a une tension entre l’optimisme (division du travail croissance déversement) et le pessimisme (l’économie tend vers la stagnation). Ce n’est que plus tard qu’on dément l’existence du principe de population, ce qui permet la pérennité séculaire de la croissance. On se débarrasse alors de la partie pessimiste de la théorie Smithienne.

L’inégalité n’est que le prix raisonnable à payer pour la croissance. Ainsi, le sort des plus démunis, en termes absolus, s’améliore.

Chez Marx, les travailleurs sont bloqués dans un mode de vie proche de la subsistance ; l’amélioration de leur sort n’est pas compatible avec le système.

C. Leurs vues sur l’état futur de l’économie Passé au cours (30/10)D. Leurs conceptions de la concurrence

Pour Smith, la concurrence est comme un processus Darwinien. La concurrence est nécessaire pour que le système soit efficace, mais elle est fragile. Pour Smith, s’il y a un emploi dans une branche dans laquelle il n’est pas rentable, il faut s’en débarrasser. C’est douloureux, mais un plus grand bien en sortira.

Marx dit que la concurrence est effectivement indispensable au système capitaliste, mais qu’elle a un effet pervers et auto-destructeur : le monopole.

E. Vision de l’avenir

Tant Marx que Smith ont une thèse prédictive. Celle de Smith a gagné haut la main si on se débarrasse du principe de population : croissance a continué et a permis un accroissement permanent du niveau de vie. Marx a eu tort sur l’essentiel : le capitalisme ne s’est pas effondré, la polarisation entre deux classes antagoniques ne s’est pas produit (au contraire, on a assisté à l’émergence des classes moyennes), les salaires réels se sont accrus, le prolétariat ne s’est pas unifié.

6. Le statut ambigu de MarxOn pense que Marx a été un théoricien et un combattant pour le communisme, alors que son activité principale a été intellectuelle. Le peu de passages dans lesquels il parle du communisme ne sont que des miroirs inversés du capitalisme, qu’il disait voué à l’échec.

Alors, pourquoi Marx a-t-il été la figure de proue de tout un mouvement social, alors qu’il n’était qu’un militant parmi d’autres ? Comment est-il parvenu à être la métaphore d’un mouvement social ? On peut utiliser les principes d’action suivants de Das Kapital :

- Il faut s’opposer aux patrons, qui sont les ennemis de la classe - Il faut changer les rapports distributifs en faveur des travailleurs et aux dépens des

capitalistes

Lenine et Mao ont été de fins stratèges, utilisant Marx comme « élixir scientifique ». Les concepts de Marx, en soi, sont absolument inutiles à faire la révolution (d’ailleurs, peu de communistes ont lu Marx), mais ils ont été utiles comme garants théoriques de la révolution.

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7. Conclusion - Marx ne donne pas d’éléments d’une théorie du socialisme. Il ne fourni qu’un principe

d’action : indignation et résistance.- On peut mettre en cause l’impact idéologique de Marx, mais on s’accordera à reconnaitre

l’intérêt théorique du travail.- Si le nom de Marx n’avait pas été utilisé comme bannière par le mouvement communiste, il

aurait juste été un économiste classique de gauche. Sa différence par rapport à ses prédécesseurs réside plus dans sa volonté de replacer l’analyse économique dans un cadre historique plus vaste et d’adopter le contre-pied idéologique de leurs positions que dans l’outillage conceptuel qu’il a utilisé.

4. La révolution marginaliste

4.1. Introduction : un rappel de l’approche classiqueParmi les classiques, on dénombre les points communs suivants :

- Ils sont des intellectuels, généralistes, non spécialisés, ne se définissant pas comme des économistes. Ils sont interpellés par les problèmes de l’époque: la révolution industrielle, la croissance, la pression de la population, la misère généralisée. Ils cherchent à élucider les règles de fonctionnement d’une économie de marché et discutent de la manière idéale d’organiser les activités économiques.

- Ils oscillent entre optimisme (à cause de la croissance) et pessimisme (population) - Les concepts qu’ils proposent sont embryonnaires et peu construits - Ils sont en désaccord quant à la définition d’une théorie de la valeur (c'est à dire une théorie

du prix d’équilibre), mais s’accordent tous sur la théorie de la gravitation. - Equilibre = production des biens correspond à la quantité demandée (quand les prix ont leur

grandeur naturelle). Les questions d’offre et de demande n’entrent en jeu que lorsqu’il y a un déséquilibre. Les déséquilibres se corrigent par des changements dans les quantités produites.

- Accordent peu d’attention à la prise de décision individuelle et raisonnent plutôt par classe.

Les néoclassiques, au contraire, commencent leur analyse par l’échange et vont concevoir la production à partir des principes mis en œuvre à propos de l’échange. Il s’agit d’une révolution scientifique, dans le sens où le cadre de pensée, les questions posées et la méthode adoptée sont bouleversées.

4.2. Les courants3 fondateurs :

- Menger : père de l’ « approche autrichienne ». Il fait de la théorie en prose ; pensant que la théorie mathématique n’est pas adaptée.

- Jevons et Walras : partisans de la théorie mathématique

Les deux figures tutélaires du courant néoclassique sont Marshall et Walras. Ils sont à la base d’une véritable révolution

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4.3. Les lignes de force du paradigme néoclassique

A. Une autre théorie de la valeur : la théorie subjective de la valeurL’objet reste le même : trouver une théorie de la valeur (c'est à dire une façon dont les prix seront déterminés). Cependant, le point de départ sera différent.

Ici, on centrera le travail sur l’agent et son objectif ; c’est l’utilité qui sera mise en valeur dans la nouvelle théorie de l’échange. Plus encore, c’est la notion d’utilité marginale (décroissante) qui sera importante (qui a donné son nom à la révolution marginaliste).

Cette notion est introduite par Jevons avec son exemple de l’eau : le premier fragment d’eau qu’on reçoit nous est très utile, chaque fraction qui suit l’est moins (car moins indispensable).

Approfondissement sur la théorie de l’utilité

On suppose que les gens basent leurs décisions en fonction des conséquences qu’elles ont sur leur utilité : ils pèsent le plaisir (utilité) et le déplaisir (désutilité) qu’une décision leur procure.

B. Recentrage sur l’individuSi les classiques accordent plus d’attention à la classe sociale toute entière qu’à l’individu (même si Smith est individualiste, il n’envisage l’individu que qualitativement, et ce n’est pas lui qui détermine la valeur des choses), ici c’est l’individu qui est le thème central. La société n’est plus vue en classes, mais comme des individus séparés. C’est l’équilibre individuel qui est étudié, ce qui donnera naissance à la microéconomie.

Pour des auteurs comme Jevons et Walras (pas Marshall) on ne prétend pas parler de la réalité, mais d’une fiction permettant de comprendre la réalité par analogie.

Les néoclassiques élaborent une théorie du choix rationnel où les individus seront décrits comme poursuivant un objectif (maximiser son utilité totale) et rationnel (il fait de son mieux pour réaliser son objectif).

C. Un changement de thème privilégié Dans les classiques, la croissance (à travers l’idée de stagnation) et l’étude de l’équilibre sont les thèmes privilégiés. Les néoclassiques mettront le premier de côté et se concentrent sur le second : l’équilibre de l’agent économique dans sa recherche de l’efficience.

D. Méthode L’économie va vouloir être plus scientifique et rigoureuse, se calquant sur les sciences naturelles. Economiste devient une profession, qui correspond à un cursus universitaire. Cependant, il a fallu une longue période avant que l’économie atteigne le trait mathématique qu’on lui connait aujourd'hui. À son époque, Walras, grand défenseur de l’économie mathématique, est fortement critiqué et marginalisé (Marshall prendra une position intermédiaire).

Cette démarche est beaucoup plus contre-intuitive que celle des classiques ; elle est moins spontanée car moins concrète.

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Les néoclassiques visent à rattacher des grandeurs portant sur les marchés à leur soubassement de choix individuel. C’est une mise en œuvre systématique du principe d’individualisme méthodologique.

4.4. Les causes possibles de la révolution scientifiqueLe contexte historique ne fournit pas de cause particulièrement convaincante. Une évolution endogène des mentalités est plus plausible :

- La difficulté logique dont était grevée la théorie de la valeur-travail (d’autant qu’elle était mal vue, puisqu’associée à la cause socialiste).

- La volonté d’avoir une théorie plus générale, sérieuse et scientifique que l’à peu près des classiques.

- La découverte d’une nouvelle piste à explorer, à savoir le comportement individuel.

4.5. Le contraste Marshall/Walras

A. Les questions abordées

Marshall WalrasGrands problèmes de son époque : la pauvreté, la redistribution des revenus, le champ libre à donner à la concurrence.

Projet scientifique et théorique (pas les problèmes pressants de l’époque, pas d’intérêt politique immédiat).

B. La relation entre modèles et réalitéLa théorie énonce des propositions à propos de la réalité, qui ont une prétention de vérité. Le modèle est subordonné à la théorie.

Théorie = modèle. Le modèle doit être mathématique. Ils aident à réfléchir à la réalité, n’ont qu’une utilité indirecte.

C. Le problème et la complexité de l’explanandumApproche de l’équilibre partiel : il découpe et étudie chaque partie séparément ; l’ensemble est bien trop complexe pour être étudié en une seule fois. Il sépare en branches de l’économie et en horizons temporels, ceteris paribus.

Epouse mieux la réalité

Approche de l’équilibre général : il étudie le fonctionnement de l’économie entière mais simplifiée : d’abord une économie à deux biens d’échange, sans production. Ensuite, il complexifiera le modèle peu à peu.

Plus rigoureux, meilleur progrès long terme

D. Le public visé L’honnête homme (même si in fine, interpréter sa pensée est difficile).

L’économiste averti (apparemment hermétique, mais une fois qu’un entre dans son langage, l’ambigüité se lève).

E. L’attitude par rapport aux Mathématiques

Bonne éducation mathématique, mais selon lui, le discours doit être qualitatif et les mathématiques doivent se trouver dans les annexes.

Faible connaissance des mathématiques, mais selon lui, le discours doit être mathématique.

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Finalement, le niveau d’abstraction trop élevé de Walras l’a rendu impopulaire, même si son œuvre a

connu le succès après la 2e guerre mondiale. De nos jours, l’approche marshallienne est de nouveau

plus prisée sauf en macroéconomie.

4.6. La théorie néoclassique et libéralisme Les premiers économistes classiques étaient explicitement libéraux ou socialistes, donc engagés. Leur travail analytique était mis au service d’une cause politique (en essayant, par exemple, de démontrer le fonctionnement de la concurrence, de la main invisible ou de la théorie de la gravitation).

D’autre part, les économistes néoclassiques (marshalliens surtout) excluent la normativité pour lui préférer un discours positiviste (même s’ils sont en général convaincus de la supériorité du système concurrentiel et du libéralisme économique).

Dès lors, peut-on affirmer que la théorie néoclassique se présente comme une réponse à la question du bien-fondé du libéralisme ? Oui, dans le cas d’une théorie qui a pour objet le fonctionnement de l’économie dans son ensemble, ou si l’étude de l’équilibre individuel se greffe sur une étude de l’équilibre interactif au niveau de l’économie dans son ensemble (comme celle de Walras), mais non dans le cas des études de l’équilibre individuel ou d’une branche donnée (comme Marshall ou Jevons). Ce n’est pas pour autant que la théorie de ces deux derniers n’est pas intéressante et ne peut pas avoir de retombées de politique économique.

5. Walras

5.1. Le projet de Walras L’objectif de Walras est de démontrer l’optimalité de l’économie de marché. Walras est donc un défenseur du libéralisme économique (même s’il a eu des inclinaisons socialistes dans sa jeunesse). S’il s’inscrit dans un lien de filiation par rapport à Smith, il aura cependant une démarche très différente.

5.2. Principes méthodologiques

a) Une science de la raretéL’économie est définie comme une science de la rareté, c'est à dire de la façon d’allouer efficacement des moyens rares à des fins multiples, de telle façon que les plans des agents soient rendus compatibles.

b) Exigence de micro-fondements Pour Walras, l’analyse doit être micro-fondée (toute explication doit être ramenée aux choix optimisateurs des agents économiques).

c) Economie pure L’expression « économie pure » est inventée par Walras, pour décrire un modèle « qui n’attend pas la confirmation de la réalité ». Ce modèle est une économie fictive construite par le théoricien dont il tente de dégager des comportements (donc il prouve qu’ils sont nécessairement vrais) et des

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généralités. Ces principes étant dégagés, le théoricien peut faire des études appliquées, c'est à dire réfléchir sur des questions concrètes à la lumière de ces principes.

Il ne s’agit pas de tester le modèle, mais éventuellement de plaider pour que la réalité soit réorganisée de manière à acquérir les traits du modèle si celui-ci se révèle avoir des traits "vertueux".

d) Equilibre généralContrairement à Marshall, Walras décide d’étudier d’emblée l’économie dans son ensemble, mais en la simplifiant.

De plus, l’équilibre est au centre de l’étude, et correspond à la situation où les plans optimisateurs des agents sont compatibles. Pour y arriver, il faudra trouver un vecteur de prix qui sera tel que tous les plans des agents sont compatibles.

Ce problème abstrait doit être envisagé selon deux angles :

- La solution théorique (une solution d’équilibre est-elle logiquement et potentiellement possible ?)

- La solution pratique (comment trouver la solution ?).

e) Les modèles emboités Les différents modèles étudiés par Walras sont dans un rapport d’emboitement, comme des poupées russes, allant du plus simple au plus complexe. On a les modèles suivants :

- Le modèle d’échange à 2 biens- Le modèle d’échange à n biens- Le modèle de production (où on échange, en plus des biens, des ressources en capital)- Le modèle de crédit et de capital - Le modèle monétaire (la monnaie entre dans la fonction d’utilité).

Pour chaque modèle, Walras procède en 3 étapes :

- Description de l’économie et des caractéristiques- Etude de l’existence logique - Etude de la solution pratique (c'est à dire la façon dont l’équilibre se forme).

f) La formation des prixWalras suit le principe (qu’il n’a pas inventé) selon lequel c’est la loi de la demande qui aboutit à la formation des prix : si la demande nette est supérieure à l’offre, les prix changent à la hausse, et inversement.

Les agents sont donc des price-takers ; est c’est « on » (non-identifié) qui annonce les prix. Plus tard, « on » désignera un « secrétaire de marché » ou un « commissaire-priseur ».

5.3. Evolutions des vues de WalrasLes vues de Walras ont évolué au cours d’un quart de siècle à travers les différentes éditions des Eléments d’économie pure :

- Première édition 1874-77 (en deux livraisons)- 1889, deuxième édition (importantes modifications)

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- 1896, troisième édition (légères modifications)- 1900, quatrième édition (importantes modifications, en particulier exclusion des ‘échanges à

prix faux’); en plus une édition posthume

Ces modifications ont été faites dans un but de raffinement de l ’argumentation, mais aussi pour résoudre des contradictions dont l’existence n’avait pas été perçue auparavant

5.4. Le modèle d’échange

5.4.1. Lecture de Jolink/ Van Daal (chapitre 4)On étudie ici une économie simplifiée dans laquelle il n’y a pas de moyens de production et 2 biens A et B (c’est une économie de troc). Il ne peut donc exister qu’un prix relatif. Ici, l’interrogation porte uniquement sur la solution théorique ou l’existence d’une solution.

La lecture du texte est un bon exemple de la méthode de Walras : on voit qu’il n’a pas de formation de mathématicien et il « bricole », alors que ça pourrait être fait en 2 – 3 formules.

Prix

Avec deux biens dans l’économie, la quantité de B donnée pour une quantité de A = pa =

pa=quantité Bquantité A

=¿

Fonction de demande

Les demandes individuelles sont une fonction décroissante du prix. Walras fait l’hypothèse de satiété; il suppose aussi qu’au-delà d’un certain prix, la demande tombe à zéro. Dans ce cas, les agents préfèrent consommer leur dotation initiale.

À gauche, la demande agrégée pour le bien A dans le chef des possesseurs de B ; inversement à

droite. Les deux graphiques sont reliés entre eux par le prix. L’offre de B est égale à la demande de A

à un prix relatif donné multiplié par ce prix.

Prix d’équilibre

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Le prix d’équilibre est tel que l’offre et la demande sont égales f a ( pa¿ ) . ( pa

¿ )=f b( pb¿ )

Résultat ?

Dans le cadre de l’économie la plus élémentaire que l’on puisse concevoir, on a déterminé le prix d’équilibre rendant le plan optimisateur des agents compatibles. La situation ainsi obtenue peut être décrite comme efficiente et optimale.

Notons que nous avons déterminé la grandeur de l’équilibre (le prix d’équilibre et les échanges qui y correspondent, mais nous n’avons rien dit de la manière dont ils peuvent être atteints).

5.4.2. Lecture de Van Daal/Jolink (chapitre 5)Dans ce chapitre, nous allons voir comment Walras va démontrer que les fonctions de demande et d’offre sont sous-tendues par les choix optimisateurs des agents.

A) La détermination du plan optimisateurOn cherche à savoir ce qu’il y a derrière la fonction d’offre et de demande, soit les règles de décisions des agents économiques. L’objectif est de donner un fondement microéconomique aux fonctions d’offre et de demande.

Quelques préalables :

- φ = l’utilité marginale - Le prix de A = l’inverse du prix de B = la quantité de B donnée en échange d’une unité de A. - L’offre de B = la demande de A multipliée par le prix de A = f a ( pa )∗pa

Walras pense que si on débat comme Smith, on ne tombera jamais d’accord (on n’aura que des discussions sémantiques). Il veut plutôt raisonner en termes de principes, rigoureusement mais lentement. Walras a fondé cette façon de penser, et on doit l’admirer pour ça.

Plan optimisateur

L’individu veut maximiser son utilité. La condition pour qu’il entre dans le marché est donc :

φa ,1 (0 )> pa∗φb , 1(qb , 1)

En mots : l’utilité marginale de la première unité de bien A pour l’agent 1 qui possède 0 unités de A > l’utilité marginale de la quantité q de bien B qu’il détient, multipliée par le prix de A.

Voici les modèles d’équilibre de Walras (les 2 graphiques se rapportent au même agent) :

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Où :

- Axe horizontal = utilité marginale (r pour rareté).- Axe vertical = la quantité que l’agent pourrait en consommer.- qb ,1 = est la dotation initial de l’agent.

Les fonctions d’utilité marginale sont décroissantes (au plus j’ai d’un bien, au moins chaque ajout a de la valeur ; exemple de l’eau).

La quantité 0−βq ,1 est le point de satiété, où l’utilité marginale est nulle : chaque ajout d’un bien n’apporte pas d’utilité.

Imaginons une 1e situation :

- Que l’agent songe à échanger une partie y ' de sa dotation, il va donc céder qb ,1− y' (sur le graphe de droite) il perd en utilité la zone hachurée à droite.

- En échange, il gagne x ' de bien A il gagne en utilité la zone hachurée à gauche. Nous supposerons qu’au total, l’agent gagne en utilité, soit :

x '∗φa ,1 ( x' )>(qb, 1− y ' )∗φb , 1( y')

Si on continue ainsi, on tombera inévitablement sur une situation où φa ,1 (da ,1 )=pa∗φb ,1( y ). Graphiquement : la zone hachurée gagnée > la zone hachurée perdue.

φa ,1(da ,1)φb ,1 ( y )

=pa (voir p. 31 Walras)

Du plan optimisateur à la fonction de demande.

Si le prix de A augmente, la quantité qu’on peut en acheter pour du B diminue ; il y aura donc moins demande pour ce bien. En mettant les points bout à bout, on obtient la fonction de demande individuelle qu’on a vue ci-dessus (page 36 de cette synthèse) la demande totale est donc Da= fa,1(pa) + fa,2(pa) +fa,3(pa) +…=Fa1(pa).

Dés lors, il existe un prix ~pa réalisant l’équilibre de telle sorte que l’offre et la demande s’égalisent :

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Fa(~pa)~pa=Fb(~pb)

Ceci démontre l’existence de l’équilibre

Comment atteindre l’équilibre ?

Il existe un secrétaire de marché qui annonce un prix. S’il s’aperçoit, par exemple, que l’offre de B > demande de A, il annoncera un prix de A inférieur.

B) Dotations partagéesMaintenant, les agents détiennent du A et du B. Or, il n’y a pas de raison que la dotation qu’a un agent corresponde à sa consommation optimale. Il se peut qu’il veuille consommer plus que sa dotation (il sera alors demandeur net) ou moins que sa dotation (auquel cas il sera offreur net ; l’offre nette désigne la part de sa dotation dont il veut se défaire).

Notons que le statut d’offreur ou demandeur net peut changer en fonction du prix.

À partir de sa dotation initiale, l’agent a donc 3 choix :

- Achat additionnel de B : il va acheter du B jusqu’à ce que l’utilité procurée par sa consommation totale de B est égale à la l’utilité marginale du bien A dont on a retiré la partie de A dont il doit se séparer (qui est égale à l’offre de A).

- Achat additionnel de A : idem. - Consommation de la dotation telle qu’elle.

Maintenant, puisqu’on a introduit les demandes nettes individuelles (positives ou négatives), il suffit de les agréger pour tous les agents pour obtenir une fonction de demande globale. L’hypothèse est qu’il existe un prix tel que la demande nette globale est nulle (si ce n’est pas le cas, le secrétaire de marché modifiera le prix, exactement comme dans le cas précédent).

Graphiquement :

Où :- G(pa) est la demande excédentaire globale- pa est le prix, qui fait varier les décisions des agents et donc la

demande nette globale- ~pa est le prix d’équilibre

C) La détermination de l’équilibre dans une économie d’échange à n biens (p. 35)Dans ce type d’économie, Walras introduit le concept de numéraire, qui est un bien de référence (ici, A). A partir de là, on caractérisera l’économie par un vecteur P de prix par rapport à A : P=p1 , p2,… pn−1. Note : A est le n-ième bien ; comme il est numéraire, son prix est 1.

Avec un tel prix, on a un équilibre général caractérisé par Gn (~P )=0 (pour tout n). En mots : pour

les n marchés, le vecteur de prix P permet que la demande excédentaire soit nulle.

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Ce vecteur de prix rend les plans optimisateurs de tous les agents compatibles.

L’intuition est la suivante : tout est dans tout. Une variation du prix d’un bien quelconque peut modifier le prix d’un autre bien, ce qui modifiera sa demande

5.5. Le modèle de productionIci, les biens produits sont une catégorie additionnelle de biens qui entrent dans l’échange. Cependant, la production et l’échange de machines fera l’objet du modèle suivant (non-étudié) marchés supplémentaires.

Au préalable, il faut établir une typologie des biens :

- Bien final qui se détruit après un seul usage, qui ne peut être stocké, comme les services. - Bien-ressource dont la consommation s’étend sur une période. Ils sont divisés en 3 types :

o Terreo Ressources personnelles (capital humain)o Biens du capital (machines)

On suppose les ressources données (un peu bizarre pour les machines) ; seul le degré dans lequel leurs services sont échangés varie.

Il y a également 2 types d’acteurs :

- Les ménages sont propriétaires des ressources et des firmes ; ils consomment des biens finaux et des ressources.

- Les firmes achètent les services des ressources et offrent des biens finaux (note : la théorie de la firme est laissée en friche par Walras).

A. Description de l’économie1. h agents2. m + n biens échangés, où

a. n = biens finaux : A, B, C…b. m = ressources : T (terrains), P (personnel), K (capital)

3. Pour chaque ressource, des coefficients techniques de production, c'est à dire son efficience pour produire des produits finaux.

4. (m + n – 1) prix, exprimables par un vecteur prix.

B. Description plus détaillée des agents1. Les dotations

Les agents reçoivent des ressources (pas de biens finaux, puisqu’ils ne sont pas stockables).

2. Les fonctions d’utilité marginales

Comme toujours, la fonction d’utilité marginale de l’individu 1 = fi,1 (i) et est décroissante.

3. Possibilités d’échange

L’agent est susceptible d’offrir des quantités des m ressources T, K et P pour obtenir des quantités de biens finaux.

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4. Contrainte budgétaire

Les propositions d’échange de l’agent doivent satisfaire sa contrainte budgétaire : ot.pt + op.pp + okpk + … = da + dbpb + dcpc + ddpd + …

5. La règle de décision de l’agent

L’agent consommera de chaque bien jusqu’à un point où la quantité de ressources qu’il doit donner pourrait lui amener plus d’utilité que celle qu’il reçoit en l’échangeant contre ce bien.

Note : en ce qui concerne les firmes, leur comportement n’est pas décrit (ce n’est pas nécessaire pour obtenir le résultat voulu).

6. Les équations d’offre et de demande de l’agent

Ainsi, l’équilibre général est décrit par les quatre équations suivantes :

1. Les quantités totales de services productifs offerts en fonction des prix (m équations) :

Ot=F t ( p t , pp , pk ,…, pb , pc , pd ,…)Op=F p( pt , p p , pk ,…, pb , pc , pd ,…). .. .. . ..

2. Les quantités totales de biens finaux demandés en fonction des prix (n équations) :

Db=Fb( p t , p p , pk ,…, pb , pc , pd ,…)Dc=Fc( p t , pp , pk ,…, pb , pc , pd ,…)

Da = 0tpt + 0ppp + … - (Dbpb +Dcpc + …)

3. La quantité de services employés doit être égale à la quantité de services offerts :

a t Da+bt Db+ct Dc+…=Ota pDa+bpD b+c p Dc+…=O p

- le terme de gauche est la demande de service par les firmes, qui = (demande pour les biens finaux)*(les coefficients de production)

- le terme de droite est l’offre de services des ménages

4. Les coûts de production des biens finaux doivent être égaux à leurs prix profit nul ( n équations) :

b t pt+bp p p+bk pk+…=pba t pt+ap p p+ak pk+…=1

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- Le terme de gauche est le coût total des services entrant dans la production du bien final (ex. quantité de terre y entrant fois le prix d’une unité de terre …)

- Le terme de droite, son prix

Au total, le système comporte 2m + 2n - 1 équations, ce qui équivaut au nombre d’inconnues.

Walras en déduit l’existence de la solution théorique de l’équilibre général (qui a la même signification que dans les modèles précédents : l’offre excédentaire = 0).

Remarques :

- Les offres de services productifs doivent être positives- Les coefficients de production doivent être soit nuls soit positifs- Au moins un service productif entre dans la production de chaque bien- La fonction de demande doit être définie pour chaque quantité positive de bien; elle est

positive, continue et décroissante d’une manière monotone

5.6. La « solution pratique » ou la question du tâtonnement

A. Introduction La question de l’existence logique de l’équilibre étant résolue, il faut maintenant examiner la solution pratique.

Il s’agit de représenter théoriquement le fonctionnement de la concurrence ; Walras y croit à fond et dans ce sens, s’inscrit dans la lignée de la théorie de la gravitation de Smith. Seule différence avec ce dernier : il veut démontrer plutôt que raconter des histoires.

Il donne une définition particulière à :

- Déséquilibre : lorsqu’il y a des échanges à des prix de déséquilibres il appelle ça des échanges à prix faux.

- Concurrence : effort des agents de réaliser les conditions d’échange les plus avantageuses.

Comme chez Smith, la validation se fait ex post ; les agents procèdent par essais-erreurs, des tâtonnements. Lorsque les firmes ne font pas de profit, elles doivent disparaitre, dans un processus Darwinien.

B. La conception initiale du tâtonnement Le commissaire-priseur, extérieur à l’économie, annonce les prix, recueille les réactions des agents et ajuste les prix en fonction de leurs réactions jusqu’à ce que la demande excédentaire soit nulle. Il suit la loi de la demande : si la demande est excessive il augmente le prix et vice-versa. Les agents ne sont que des price-takers.

XXXXXXXX – voir slides 16 – 22 – XXXXXXXXX (formules idem que le chapitre précédent) #trolaflemme

Lorsque le commissaire-priseur change les prix pour corriger la demande excédentaire, se rapproche-t-on du prix d’équilibre ? Walras affirme que oui, qu’on se rapprochera de plus en plus de la solution théorique.

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C. Le problèmeOn reproche à la théorie de Walras de négliger les effets de richesse générés par les prix faux. Ils mènent à un équilibre différent.

Supposons 2 économies semblables (mêmes biens et mêmes agents en présence) A et B, où les échanges se produisent en 2 étapes (la moitié des biens est échangée à chaque étape).

- Dans A, il n’y a aucun prix faux : ~p est atteint d’emblée aux deux échanges.- Dans B, le prix ~p n’est atteint qu’au second round. Au premier, les prix sont p

Or, p et ~p ne mènent pas au même équilibre ! Au terme de p, le marché n’est plus identique (certains auront une dotation supérieure, d’autres auront une inférieure). Au terme du premier round, les agents feront des plans optimisateurs différents et les deux économies auront un vecteur ~p différent.

Problème : Walras n’a pas inclut les prix faux dans sa théorie. Tel est le dilemme devant lequel Walras s’est trouvé : soit maintenir l’unité de ses deux solutions en sacrifiant la pertinence du processus d’ajustement vers l’équilibre (par rapport à la manière dont on doit concevoir la concurrence), soit maintenir cette pertinence mais en admettant l’inconsistance logique qui en découlait. Après de longues hésitations, il a choisi la première option, privilégiant ainsi la consistance logique à la pertinence descriptive.

Ce changement de cap s’opère peu à peu : il exclut l’existence des prix faux de sa théorie ; il suppose que l’équilibre est atteint de manière instantanée. Le secrétaire de marché devient un ordinateur qui calcule les solutions instantanément ; on ne parle plus de tâtonnement.

D. Implications De ce fait, Walras n’a fait que compliquer le problème. Sa théorie a maintenant le visage suivant :

- L’équilibre est atteint instantanément économie centralisée car validation a priori des décisions.

- Les initiatives privées sont absentes du raisonnement.- Le tâtonnement sans prix faux est une représentation idéalisée de la concurrence (qui

signifie alors un état final, sous-tendu par une centralisation).

5.7. Conclusions générales

A. Une prouesse intellectuelle - Conceptualiser un problème complexe (l’équilibre d’une économie dans son ensemble) :

superbe marquette théorique d’une économie dans son ensemble - Proposé une méthode de poser les problèmes (même s’il a buté sur des problèmes

insurmontables, ce qui était prévisible étant donnée l’ampleur de la tâche).

B. Soubassement méthodologique - Critère central pour juger la théorie économie : la rigueur. Les idées devraient être

transposées en propositions démontrables, donc mathématiques. - Théorie et modèle sont identiques ; leur objet est une économie fictive. Les questions

posées n’ont de sens que par rapport à cette économie fictive.

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- Seul ce qui est modélisable est considéré ; et tout sera modélisable dans le futur, quand de nouveaux concepts auront émergé (= c’est ce qu’il appelle le progrès théorique). Il n’a fait que planter une graine, de laquelle pousseront des fruits futurs.

- Analyse la réalité est inutile ; le problème doit être abordé au niveau des principes. Par contre, le modèle vise à réfléchir à la réalité.

Ce n’est que très tardivement que son génie a été reconnu. Il a été vilipendé par ses semblables (Marshall n’a même pas lu son ouvrage).

C. Une conception non-positiviste de l’économie L’approche de Walras est non-positiviste, car

- Walras n’est pas neutre- Il ne vise pas à énoncer des propositions sur la réalité dont la validité dépendra d’un travail

de mesure empirique - Il n’évalue pas sa théorie à sa valeur prédictive.- Son travail comporte une dimension normative.

Extrait de Jaffé, grand spécialiste de Walras :

The Element, instead of aiming to delineate a theory of the working of any real capitalistic system, was designed to portray how an imaginary system might work in conformity with principles of 'justice' rooted in traditional natural law philosophy, though the system remained subject to the same forces, the same 'passions and interests', and the same material and technological constraints that govern the real world.

The Elements was intended to be and is, in all but the name, a realistic utopia, i.e. a delineation of a state of affairs nowhere to be found in the actual world, independent of time and place, ideally perfect in certain respects, and yet composed of realistic psychological and material ingredients

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6. Keynes

6.1. Eléments introductifs

6.1.1. La personnalité de KeynesNé en 1883 et décédé en 1946, John Maynard Keynes est le fils de John Neville Keynes, professeur à Cambridge et auteur d’un livre célèbre de méthodologie économique.

Après avoir étudié à Cambridge, où il compte Alfred Marshall parmi ses professeurs, il travaille deux ans à l’Indian Office et devient membre de la Royal Commmission on Indian Finance and Currency. De 1915 à 1919, il occupe un poste au Ministère des Finances. Après avoir participé à la Conférence de Versailles clôturant la première guerre mondiale, comme membre de la délégation anglaise, il dénonce le traité de Versailles dans The Economic Consequences of the Peace. Il y condamne la volonté des alliés de faire payer à l’Allemagne des indemnités de guerre dépassant de loin ses capacités de paiement.

Durant la majeure partie de sa vie, Keynes a partagé son temps entre Cambridge où il séjournait les week-ends et enseignait à temps partiel, et Londres, où il était engagé dans de multiples activités, principalement de conseil au gouvernement et d’administration de sociétés. Dans l’entre-deux guerres, il est partie prenante des débats sur la restauration de l’étalon-or et s’oppose à Churchill, qui était chancelier de l’échiquier, lorsqu’en 1925 celui-ci rétablit la livre sterling à son ancienne parité. L’emploi est déjà la préoccupation sous-jacente à la critique de Keynes, le taux de chômage ne parvenant pas à passer en dessous du seuil des 10 %.

Pendant la seconde guerre mondiale, Keynes multiplie les engagements et exerce une influence importante, tout en restant hors des organigrammes officiels. Après la guerre, il participe, parmi d’autres activités, à la mise en œuvre du système de Bretton Woods.

Keynes avait une personnalité brillante et éclectique, excellant dans des domaines d’habitude séparés – conseiller du prince, universitaire, éditeur, financier, ami des artistes et mécène. Du fait des évolutions dont il fut le témoin, il était un homme particulièrement sensible à la précarité de la civilisation occidentale et de l’économie capitaliste, à laquelle il tenait et qu’il s’agissait se sauver du gouffre dans lequel elle semblait s’enfoncer.

“Keynes was not a political animal, but he was a political economist. He invented theory to justify what he wanted to do. He understood that his theory had to be usable for politicians and administrators: easily applied, offering political dividends. But he also understood that, before he could win the political argument, he had to win the intellectual argument” (Skidelsly 1992, p. 344).

L’émergence de la grande crise amena Keynes à s’investir dans des travaux d’ordre théorique qui vont donner lieu à deux livres. Le premier est A Treatise on Money, un livre en deux volumes parus en 1930, et The General Theory of Employment, Money and Interest, paru en 1936. Ces deux livres s’adressent, non pas au grand public, comme beaucoup d’autres écrits de Keynes, mais à ses collègues économistes.

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L’objectif du Treatise était l’étude des fluctuations économiques, du cycle du crédit et des variations de l’emploi et de la production. Mais l’analyse présentée dans ce livre rencontra de vives critiques. Celles-ci amenèrent Keynes à remettre le travail sur le métier et à aborder les problèmes d’une autre manière. Le résultat de ce nouvel effort fut la Théorie générale.

Si l’écriture de la Théorie générale fût motivée par la Grande crise, son analyse ne porte pas sur celle-ci. Elle est plus large.

6.1.2. La place de Keynes dans l’histoire des théories économiquesKeynes ouvre une 3e voie que celle du libéralisme et du dirigisme : le libéralisme mitigé. Il défend l’économie de marché comme constituant du meilleur système économique, tout en reconnaissant la possibilité d’échecs dans son fonctionnement. Ces derniers impliquent des interventions étatiques.

Si Keynes s’inscrit dans un rapport de filiation par rapport à Marshall, il veut faire de l’équilibre général, contrairement à ce dernier. Rappelons la définition d’équilibre :

Equilibre

Situation de repos, où les acteurs n’ont pas de raison de changer de comportement.

L’échec principal que Keynes met en avant est l’absence d’atteinte du plein emploi, c'est à dire de chômage involontaire. Ses contemporains qualifient cet absence d’équilibre entre l’offre et la demande comme temporaire (le marché du travail prend simplement du temps à se mettre à l’équilibre, il faut baisser les salaires pour augmenter la demande), alors que Keynes préconise la relance de la demande globale dans l’économie par impulsion étatique.

6.1.3. L’Etat de la théorie économique dans les années 30

a) La vision généraleLa théorie néoclassique devient dominante, avec comme ouvrage-phare Principes de Marshall. Contrairement à Walras, méconnu à l’époque, Marshall est assez pragmatique et ses ouvrages proposent des solutions concrètes au commun des mortels (accessible au public éclairé), pour résoudre les problèmes urgents de l’économie.

Comme nous l’avons vu, la théorie néoclassique se centre sur le comportement optimisateur des agents économiques. Tant le consommateur que le producteur cherchent une situation d’efficience (« Rapport des utilités marginales = Inverse des rapports des prix » pour le consommateur ; « Recette marginale = coût marginal » pour le producteur).

Rappelons l’approche de Marshall : il dégage des situations d’équilibre par marché, en les isolant les uns des autres, et il base son étude des marchés sur les hypothèses constitutives d’une concurrence parfaite :

- Les agents ont une connaissance parfaite des conditions de marché- Il y a un grand nombre de producteurs (pas de pouvoir de marché).- Les produits sont homogènes.

Par conséquent :

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- L’offre et la demande sont en équilibre de marché, mais cet équilibre de marché peut s’écarter de l’équilibre normal.

- La production est soumise aux choix souverains des consommateurs.

Un exemple d’analyse : le marché du poisson

Dans ce graphe :

- MS (Market Suppy) = l’offre de marché, la seule qui est observable lors d’un jour de marché. Elle est verticale car tout le poisson (qui est périssable) doit être vendu le jour-même.- NS (Normal Supply) = l’offre normale, le plan optimisateur dans la tête du vendeur, c'est à dire le poisson que le vendeur envisage de produire en fonction du prix. Elle n’est pas directement observable.- ND (Normal Demand) = la demande normale.

- Situation (0) : la production correspond à la quantité demandée, au prix demandé.- Situation (1 ; 2) : la demande est systématiquement plus élevée que d’habitude ; donc le prix

a augmenté pour qu’on se trouve dans un état d’équilibre de marché. Cependant, on n’est pas dans une situation d’équilibre normal, car les producteurs pourraient produire plus tout en gardant un profit marginal positif (prix de marché ≠ prix normal).

- Situation (3) : les producteurs, pensant que cette augmentation est durable, augmentent leur production de telle sorte que MS augmente enfin, et que les 3 courbes se croisent.

Marshall utilise le même concept que Smith de gravitation vers un prix normal pour amener l’équilibre. La seule différence est que ce sont les individus qui amènent cet équilibre.

Notons que Walras ne fait pas cette distinction entre l’offre de marché et offre normale ; sa théorie commence lorsque le marché est en équilibre.

Remarque : c’est un bon exemple de la démarche des économistesLes économistes (contrairement à des scientifiques du terrain, comme des sociologues) vont construire des concepts non-applicables au terrain, sur lesquels ils vont discuter, pour réfléchir à la réalité.

Contradiction dans l’analyse de Marshall  ?

Selon sa théorie, les agents ont une connaissance parfaite du marché. Pourtant, dans le graphe ci-dessus, ils sont « surpris » qu’il y ait une augmentation de la demande de poissons sur le marché. Comment peut-on dire qu’ils sont omniscients s’ils ne peuvent anticiper les changements dans la demande ?

Critique de Keynes

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Marshall veut sa théorie applicable à tous les marché ; l’efficience et l’efficacité doit être atteinte pour l’économie dans son ensemble, par ce mécanisme. Keynes dit que le résultat est une vision « panglosienne » (cf. Candide de Voltaire ; Panglos était le professeur de Candide) de l’économie, où tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Marshall n’envisage même pas de défaillances à son système, ce qui se révèle choquant dans un contexte de crise économique des années 1930. En effet, à cette époque on pouvait constater :

- Les baisses de salaire ne résolvaient pas le chômage (l’aggravaient, même)- L’économie ne pouvait s’en sortir toute seule

À partir de quoi on pouvait conclure que l’Etat avait un rôle à jouer pour faire sortir l’économie de ce déséquilibre.

b) Le marché du travail Le schéma Marshallien ne permet pas de comprendre le chômage car selon lui, la seule issue était que l’excès d’offre soit résorbé par un ajustement des marchés, y compris sur le marché du travail (dont il ne parle pas spécifiquement). En effet, pendant les années 30, les successeurs de Marshall disaient que la seule raison pour laquelle il y avait du chômage était qu’il y avait du chômage frictionnel (les gens mettent du temps à trouver un travail ; le chômage existe donc pendant ce laps de temps).

6.1.4. Le programme de Keynes dans la Théorie GénéraleKeynes ajoute la notion de chômage involontaire au chômage frictionnel, ce dernier n’étant selon lui qu’une fraction du chômage total. Il s’attachera à introduire le chômage involontaire dans sa théorie générale (dans laquelle il supposera même l’absence de chômage frictionnel, par souci de simplicité). De plus, il exonérera les salaires d’être la cause du chômage.

Il fera cette analyse dans un cadre d’interdépendance générale (ou équilibre général) en concurrence parfaite, dans l’objectif de justifier une politique de relance par la demande.

Il fera tout ça en respectant autant que possible les canons méthodologiques de Marshall. Ex-post, nous verrons que ce programme est trop ambitieux pour être réalisé (nous verrons pourquoi).

Keynes, au moment où il écrit, veut surtout convaincre urgemment ses collègues de changer de théorie économique. Par conséquent, son ouvrage est kaléidoscopique, c'est à dire qu’il présente plein de points différents, qui peuvent sembler indépendants, voire contradictoires.

Les difficultés sont plus grandes que ce que Keynes imaginait

Keynes suit les préceptes de Marshall (et est donc méthodologiquement hostile à la théorie Walrasienne). Cependant, la théorie néoclassique comme langage est-elle apte à produire un tel résultat, alors qu’elle est elle-même encore en construction ? Comment une théorie fondée sur l’idée de choix individuel peut-elle aboutir à mettre en avant des résultats non-voulus ?

Note : Stieglitz (prix nobel) reproche à ce langage de la théorie néoclassique, de ne pas parler de concepts nécessaires.

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C’est un dilemme réel que de décider de rester dans le paradigme (malgré ses défauts) et faire partie du mainstream, ou construire un nouveau paradigme (très difficile, ceux qui s’y essayent sont souvent des outsiders).

Cependant, malgré ces problèmes, la réalité du chômage de masse constitue de facto une garantie de la pertinence théorique du concept de chômage involontaire. D’ailleurs, à la parution du livre, les thèses et le raisonnement de Keynes ont connu un grand succès, comme une Révélation Libératrice, principalement grâce à sa pertinence directe par rapport à la réalité ainsi qu’à son diagnostic largement partagé quant à l’action à entreprendre.

Ce n’est que plus tard que les problèmes de la théorie ont été mis en exergue.

6.2. Lecture de passages de la Théorie générale (chap 3)Dans ce chapitre, Keynes résume les thèses centrales de son livre, c'est à dire que le chômage involontaire est causé par une déficience de la « demande effective ». Résultat :

- Situation d’équilibre (dans le sens « état de repos ») - Situation de rationnement (le ‘chômage involontaire’) sur le marché du travail.

La solution est une activation de la demande par l’état.

6.2.1. La notion de chômage involontaire« Existence d’agents qui souhaitent participer au marché du travail mais ne parviennent pas à le faire avec le salaire en vigueur, alors cependant qu’aucun ajustement ne se produit ». Ils sont en situation de déséquilibre individuel (une incapacité à transformer un plan optimisateur en un comportement optimisateur) et constituent un excès d’offre d’emploi.

6.2.2. L’origine Marshallienne du raisonnement de Keynes Keynes a repris plusieurs théories de Marshall, notamment la théorie de production de la firme, pour les appliquer à l’ensemble du marché du travail.

C’est un peu du « bricolage », mais Keynes travaillait dans l’urgence.

Décision de production de la firme

Marshall a établi la Théorie de la décision de production de la firme au CT, selon laquelle les firmes choisissent leur output tel que Recettes Marginales = Coût Marginal. Ceci est illustré dans le graphique à gauche.RM = recette moyenne = prix du produit (sur lequel la firme n’a pas de prise).La fonction d’offre normale se construit de ce graphique : si le prix du bien augmente, la quantité que la firme est disposée à produire augmentera. On obtient la courbe d’offre standard, à pente positive.

Fonctionnement d’un marché

Un marché peut être représenté en considérant les fonctions d’offre et de demande (qD = f(p) et qS = g(p) ; celle qu’on trouve chez Walras) mais aussi en termes de fonctions inverses (pD = f–1(q) et pS = g–1

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(q) ; plus adéquat pour se focaliser sur les choix individuels du consommateur). Voyons ça graphiquement :

- pD = f–1(q) demand price function, c’est à dire le prix maximum qu’un demandeur est prêt à mettre pour acheter une quantité donnée

- pS = g–1 (q) supply price function, c’est à dire le prix minimum nécessaire pour que la firme décide de produire une certaine quantité

Dans le graphe de gauche, l’équilibre du marché se produit lorsqu’il existe un prix égalisant l’offre et la demande. Dans le graphe de droite, l’équilibre du marché se produit lorsqu’il existe une grandeur égalisant le prix d’offre et le prix de demande (le changement se fait par des changements de quantité et non de prix).

6.2.3. Le modèle de demande effectiveQuelques préalables

Dans la réalité, il existe des secteurs ayant une grande intensité d’emploi (par exemple les manufactures de voitures) appelons-le secteur A, pour simplifier ; et des secteurs qui ont une faible intensité d’emploi (par exemple les vendeurs de voitures de seconde main) appelons-le secteur B.

Deux types de biens sont produits dans le secteur A :

- les biens de consommation achetés par les ménages aux firmes - les biens d’investissement achetés par les firmes à d’autres firmes.

Keynes suppose implicitement que l’offre de travail coïncide avec la force de travail. Le nombre d’heures de travail par jour est donné. L’offre de travail est supposée inélastique.

L’originalité du modèle de Keynes par rapport au modèle Marshallien

Marshall KeynesMarché d’un bien isolé Agrégat de biens (avec comme composantes la

demande agrégée (AD) et l’offre agrégée (AS)).Relation entre prix du bien et quantité produite Relation entre prix et emploi (passant des

quantités à l’emploi en utilisant des fonctions de production)Keynes substitue aux quantités la notion de

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dépense (lorsqu’on prend le point de vue de l’acheteur) ou de recette (lorsqu’on prend le point de vue du vendeur : prix fois quantité.

La demande effective

Ce que nous décrirons dans ce qui suit est une reconstruction mentale opérée par les firmes avant le démarrage des activités. On peut ainsi établir le graphique suivant :

Où :

- PQ = recette ; N = emploi.- AS = fonction de prix d’offre ; c'est à dire la recette qui correspond à une quantité d’emploi

donnée*, en considérant que tous les biens produits seront écoulés (ce qui ne sera le cas qu’à l’intersection entre AS et AD). AS est donc une bissectrice, car il faut que l’augmentation des recettes soit nécessairement égale à l’augmentation des dépenses, c'est à dire de l’emploi.

- AD = rapporte la recette totale attendue correspondant à différents niveaux d’emploi. C’est une pente moins importante, car il y a une fuite des dépenses dans l’épargne (c'est à dire que comme il y a plusieurs secteurs, une partie de l’argent gagné dans ce secteur productif d’emploi ne sera pas redéposé dans ce secteur ; une autre partie est dépensée dans l’épargne, c'est à dire des secteurs dans lesquels il y a moins d’emploi que la moyenne). Elle a deux composantes : C = la consommation des ménages, dont une partie porte forcément sur ce secteur ; tq

C=f (Y ) où Y est le revenu des ménages et la propension marginale à consommer est décroissante.

I = investissement net, l’achat des biens d’équipements par les firmes, financé par l’épargne des ménages (via leur épargne, c'est à dire ce qu’ils ne consomment pas).

* On suppose que les dépenses de consommation des travailleurs employés plus les dépenses en biens d’équipement des firmes se portent sur l’achat des biens produits dans le secteur.

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Si on se trouvait à gauche de N*, les producteurs pourraient augmenter leurs recettes en augmentant leurs revenus. Si on se trouvait à droite de N*, il y aurait un problème de débouchés.

Considérations sur ce graphique :

L’investissement est déterminé par 2 paramètres :

- Négativement par le taux d’intérêt attaché à l’émission de nouvelles obligations - Positivement par l’efficience marginale du capital, c'est à dire le taux de rendement obtenu

en calculant la valeur présente des rendements attendus de la mise en œuvre de l’équipement faisant l’objet de l’investissement.

L’investissement se produira jusqu’au point où ces deux taux s’égalisent.

Le taux d’intérêt est déterminé par le marché monétaire, tel qu’il égalise l’offre et la demande de monnaie.

La demande de monnaie est déterminée par :

- Le revenu total- La préférence pour la liquidité des agents, le coût d’opportunité de celle-ci étant le

rendement des obligations à la détention desquelles ils renoncent en gardant de la liquidité.

Idée forte

Dans ce graphe, l’idée forte de Keynes est que : les taux d’emploi est déterminé complètement par les firmes (et pas par le marché du travail, comme le disait la théorie classique). De plus, lorsque les firmes agissent de façon à maximiser leurs profits, leur production n’atteint pas le plein emploi (si elle l’atteignait, ce ne serait que par hasard).

La demande effective

Keynes appelle le point d’intersection entre l’offre agrégée et la demande agrégée la « demande effective ». Elle désigne la situation d’équilibre.

L’ajustement vers ce point se fait comme dans le schéma marshallien par changements des quantités produites (de l’emploi).

Cependant, rien ne garantit, dit Keynes, que l’emploi correspondant à la demande effective (N*) coïncide avec le plein emploi (NPE).

Le chômage involontaire est l’écart entre les deux grandeurs (pp. 49-50).

Le remède

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Le graphique ci-dessus met en avant l’insuffisance de l’investissement, qui cause l’absence de plein emploi. Le remède est la mise en œuvre par le gouvernement de dépenses autonomes (G).

Dans le texte de Keynes, bien relire le passage Page 49, section 2, milieu du § : « Pour qu’un certain volume d’emploi soit justifié il faut donc… ».

6.2.4. Commentaires 1. Première remarque

A partir du point de plein emploi, tout déplacement vers le haut de la demande agrégée, suite à une augmentation de la demande autonome, se résorberait uniquement en hausse des prix et on assisterait à un phénomène de “crowding out”.

2. Seconde remarque

Ce graphe décrit ce qui se passe dans la tête des firmes lorsqu’elles ont une connaissance parfaite des conditions de marché. Les graphiques qui précèdent peuvent se lire à deux niveaux.

- Comme une description des conjectures faites par les firmes quant au résultat du secteur (conjecture faite à l’avance, avant même que le processus de production n’ait été entamé; ceci est quelque chose qui se passe dans la tête des firmes).

- Comme une description de l’économie, telles que les choses se sont passées. La coïncidence des deux lectures signifie que les conjectures des firmes étaient exactes ou, en d’autres termes, que leur information est parfaite.

3. Troisième remarque

Comportement des ménages : Keynes affirme que la fraction du revenu alloué à la consommation des ménages tend à diminuer en termes proportionnels lorsque le revenu augmente. La partie non-consommée est consacrée :

- Au financement les achats d’équipements des firmes (par l’achat de titres), donc dans l’investissement. Ceci n’a pas d’impact sur la demande agrégée, ce n’est qu’un passage d’une composante de celle-ci à une autre.

- (ceci est une nouvelle catégorie introduite par Keynes) À des dépenses dans le secteur B (aux dépens de dépenses dans le secteur A). Du coup, la production au niveau du plein emploi poserait des problèmes de débouchés. Pour les éviter, les firmes embauchent moins que l’emploi de plein emploi. Une modalité de ces fuites est la ‘préférence pour la liquidité’.

4. Quatrième remarque

Dans le raisonnement proposé, il s’avère que la quantité produite et donc l’emploi relève d’une décision optimisatrice des firmes. Cette décision est unilatérale.

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Ceci va donc à l’encontre de la théorie économique selon laquelle prix et quantité découlent d’une interaction entre l’offre et la demande.

Le graphe suivant représente un marché :

Ici, la demande agrégée s’exprime par un point plutôt que par une courbe; au salaire qui y correspond l’offre de travail est plus grande que la demande; cet écart est une autre représentation du chômage involontaire.

- Verticale : offre de travail- Pointillés : demande de travail.- Le point : quantité demandée (vient de

l’autre graphique).

Ce graphe ne fait que nous permettre de trouver le wage qui correspond à un emploi qui a été trouvé avant.

6.2.5. Conclusions La thèse de Keynes est que « l’économie peut être en équilibre (au sens état de repos) avec le marché du travail en déséquilibre (excès d’offre) ».

Dans ce cas, l’économie est bloquée dans une situation de chômage involontaire; aucun ajustement correctif n’est mis en route.

Keynes affirme avoir démontré tant un cas de chômage involontaire d’équilibre qu’un cas d’infirmation de la Loi de Say (=« l'offre crée sa propre demande »). Il y a en effet, dit-il, un excès d’offre au niveau de l’économie dans son ensemble (cf p. 48).

D’autres points sont aussi traités dans le Chapitre 3. p. 52, il affirme que le risque d’une déficience de la demande effective est d’autant plus grand que le revenu est élevé.

Est aussi intéressante, la section III dans laquelle Keynes écrit une philippique contre Ricardo, dont la défense de la loi de Say, affirme-t-il, a fait trace jusqu’à l’époque contemporaine.

Résumé :L’intuition de Keynes est la suivante : le chômage est dû à l’interdépendance des marchés. C’est la raison pour laquelle il faut faire de l’équilibre général.

Keynes pense que l’origine du chômage n’est ni un problème d’ajustement des salaires, ni un problème de rigidité des salaires (à cause des syndicats, par exemple). Au contraire, c’est un manque de « demande effective » qui a pour résultat le chômage involontaire.

6.3. Appréciations critiques du chapitre 3Ex post, il apparait que l’argumentation de Keynes souffre d’une série de faiblesses.

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6.3.1. La place et rôle du marché du travailKeynes utilise des postulats incohérents avec le langage néoclassique. Cependant, il veut utiliser ce langage, sans lequel il pense qu’il serait incohérent, pour « aller vite » :

Dans la théorie néoclassique Dans la théorie de KeynesLe niveau d’emploi est déterminé par le marché du travail (les 2 parties déterminent l’équilibre)

Le niveau d’emploi est déterminé par les firmes

S’il y a déséquilibre, des forces de réajustement se mettent en œuvre avant que le marché ne se clôture.

Il existe une valeur qui correspond au plein emploi (l’absence de celle-ci étant le chômage involontaire (rappelons qu’il exclut le chômage frictionnel de son analyse))

6.3.2. La notion de chômage involontaire Il est évident en 1930 que ce concept existe. Cependant, ce n’est pas forcément compatible avec le langage de la théorie néoclassique.

La théorie néoclassique d’aujourd'hui représente le choix de participation au marché du travail comme suit :

Un agent représentatif, qui fait des choix optimisateurs, répartit sa dotation de temps entre le loisir et le panier de biens qu’on peut acheter avec le salaire. Notes :- L est le nombre d’heure total d’une

journée- L’angle désigne le salaire réel- La petite ligne verticale est l’argent qu’on

gagne même sans travailler.- Les courbes d’indifférences = points entre

lesquels l’agent retire la même utilité totale

Intersection = comportement optimisateur (Jevons ou Walras), ce que nous pouvons exprimer

par l’équation umcp

=umlw .

Voyons l’effet de l’augmentation du salaire.

Ici, on suppose que l’effet substitution > effet revenu car l’individu travaille plus courbe d’offre de travail à pente positive.

Le loisir devient « plus cher » puisque chaque heure de loisir correspond à plus d’argent perdu en ne travaillant pas. Il n’y a rien de neuf jusqu’ici, tout a été vu par Walras.

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Voyons le cas où l’agent est indifférent entre la participation minimale au marché du travail et l’affectation de toute sa dotation de temps au loisir.A cette grandeur de salaire, l’agent ne travaille pas. On l’appelle le salaire de réserve.

Salaire de réserve, utilisé dans la théorie Keynésienne

Salaire-seuil sous lequel l’agent préfère ne pas participer au marché du travail, tellement les salaires sont bas. Ce n’est qu’à une grandeur supérieure du salaire qu’il participera.

Selon la théorie néoclassique, un agent qui ne participe pas au travail l’a décidé, car il a trouvé que le salaire était trop bas pour qu’il veuille sacrifier du temps de loisir à travailler.

Selon la théorie de Keynes, un agent peut être observé comme non-participant au marché du travail alors que le salaire du marché est supérieur au salaire de réserve (donc il devrait être participant) c’est le critère du chômage involontaire.

Chômageinvolontaire (nouvelle def.)

Il y a chômage involontaire si un individu souhaite participer au marché du travail mais est observé comme non-participant alors que salaire de marché > salaire de réserve.

Le chômage involontaire est donc inobservable car on ne peut pas savoir si un chômeur ne travaille pas parce que le salaire de réserve est trop haut (théorie néoclassique) ou parce qu’il ne peut pas travailler alors qu’il le souhaiterait (théorie Keynésienne).

Rappel : le schéma de Marshall et son inconsistance avec le chômage involontaire

Selon lui, il y a toujours une égalité entre la demande et l’offre de marché, même quand il y a un déséquilibre (voir le graphe du marché du poisson).

Il n’y a donc pas, dans cette théorie, ce que Keynes veut ajouter, c'est à dire un déséquilibre entre l’offre et la demande de marché (comme dans le marché de l’emploi). Chez Marshall, l’hypothèse de connaissance parfaite (et chez Walras, la présence du commissaire-priseur), garantit qu’il y a toujours une égalité.

Tant qu’on ne sort pas de ces deux approches, il n’y a pas de place pour le chômage involontaire. Même si cette analyse est pertinente par rapport à la réalité, elle ne peut s’inscrire dans le langage néoclassique de l’époque. Rétrospectivement, on sait que Keynes a suivi une mauvaise piste, il n’aurait pas dû utiliser le langage néoclassique mais bien construire un nouveau paradigme.

Plus pragmatiques, les keynésiens ont adopté l’hypothèse de rigidité des salaires dont Keynes ne voulait pas :

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Où :- LD = labour demand- LS = labour supply- W = niveau de salaire- Chômage involontaire

¿ (LS∩LD )−(W ∩LD )

6.3.3. La notion de plein emploi Chez Keynes, le plein emploi est une grandeur exogène qui désigne le maximum d’emploi, c'est à dire le chômage minimum. Cette grandeur est inobservable car on ne sait jamais quelle est la partie de chômage causée par le chômage frictionnel. En effet, le plein emploi inclut le chômage frictionnel ou taux naturel de chômage.

Keynes l’importe dans sa théorie même si ce n’est pas évident. Cette notion n’a pas de sens dans la théorie néoclassique, car c’est un terme redondant par rapport à la théorie de l’équilibre de marché. D’une certaine manière, on « parachute » quelque chose d’arbitraire.

Le graphique montre que : demande î quantités d’échange d’équilibre î on passe d’un niveau de plein emploi à un niveau inférieur (mais tous deux sont d’équilibre et n’impliquent aucun rationnement!).

Dans une perspective néoclassique, N0 et N1 = niveaux de plein emploi (le passage de l’un à l’autre n’est qu’une modification de l’allocation du temps de loisir par les individus).

6.3.4. Le comportement des firmes Passé au cours :

• Keynes écrit que les firmes maximisent le profit mais sans le démontrer. Il s’est avéré qu’une telle démonstration est loin d’être évidente.

• Le raisonnement de Keynes est fondé sur l’hypothèse que les attentes des firmes en courte période sont correctes, une hypothèse héroïque.

• L’hypothèse d’information parfaite vaut pour l’analyse de court terme. Mais le chapitre 12 de la TG met en avant qu’un des traits centraux de l’économie décentralisée est l’incertitude radicale qui y règne.

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• Ces deux propositions sont difficiles à réconcilier. Qu’elles puissent cependant être énoncées est rendu possible par la démarche marshallienne; en effet, elle autorise l’étude séparée du court et du long terme, ce qui tend à cacher les éventuelles contradictions!

6.3.5. Demande effective à la Marshall et à la KeynesPassé au cours :

Essayons de reconstruire ce que serait la théorie de la demande effective de Marshall. Dans le raisonnement à effectuer pour décider de la quantité de production (et donc d’emploi), les firmes ont besoin de faire une conjecture quant au prix des biens et du salaire. A ce dernier égard, l’hypothèse faite implicitement par Marshall est que les firmes supposent que le principe général de formation de l’équilibre de marché joue dans le marché du travail comme il le fait dans les autres marchés. En conséquence, la grandeur de salaire intégré dans leur conjecture est le salaire assurant cet équilibre

Chez Keynes, les choses sont différentes. Si l’on maintient l’hypothèse d’information parfaite, il faut supposer que les firmes intègrent dans leur conjecture un salaire autre que le salaire d’apurement. De la sorte, la conjecture faite par les firmes est une correcte anticipation du résultat qui se produira dans le marché du travail une fois que les choses se mettront en route. Un facteur doit être présent, expliquant ce non-apurement. La seule explication disponible est qu’il y ait un plancher salarial. Mais alors, c’est ce dernier qui est la cause du chômage involontaire et non la déficience de la demande effective.

6.4. Réflexions sur le KeynésianismeComment interpréter la Théorie Générale ?

- Keynésiens fondamentalistes : apport théorique fondamental- Keynésiens pragmatiques : minimisent l’apport théorique et utilisent la théorie de la rigidité

des salaires. La théorie de la demande effective n’est qu’un cas particulier, d’une grande pertinence pratique (et justifie la relance de la demande globale)

Deux conclusions

1. Keynes n’est pas parvenu à fonder solidement sa théorie, son intuition n’était pas forcément fausse. Son diagnostic était peut-être juste, même s’il n’était pas fondé de manière rigoureuse.

2. Qu’en reste-t-il aujourd'hui ? a) Son appareillage conceptuel, repris dans le modèle IS-LM aujourd'hui dépassé pour la

plupart des macroéconomistes, car il n’est pas une solution pour nos crises actuelles.b) Le Keynésianisme, une vision modérée du capitalisme : l’économie de marché est

porteuse de défaillances de fonctionnement auxquelles l’Etat est capable de porter remède.

Dès lors, quand quelqu’un est étiqueté comme Keynésien, on se réfère plutôt au second sens attribué à l’adjectif. Ses intuitions idéologiques, la voie médiane entre le libéralisme et le marxisme, sont toujours d’actualité et même reviennent à la mode de nos jours.

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Parenthèse : « Keynes – Lucas, d’une macroéconomie à l’autre » (De Vroey)Lucas a lancé une révolution complètement anti-Keynésienne, disant que les classiques avaient le bon langage contre Keynes. Si le langage que cela a produit est complètement différent, il n’en reste pas moins que dans les années 80, certains Keynésiens ont utilisé ce langage (qui est en fait un langage Walrassien) pour exprimer des idéologies Keynésiennes. De nos jours, les théoriciens tentent d’intégrer la finance dans la théorie économique, pour parvenir à expliquer la crise de 2008.

6.5. Lecture de passages de la Théorie générale (chap 24)C’est le dernier chapitre du livre. Keynes y tire les leçons plus générales de son travail.

Selon lui, on peut adresser 2 critiques au capitalisme :

a) Le plein emploi n’y est pas assuréb) La répartition du revenu y est trop inégalitaire c’est de ce point qu’on va parler dans ce

chapitre.

Une répartition plus égalitaire des revenus aurait un effet positif par rapport au problème du chômage. Deux arguments sont avancés à cet égard :

1. L’épargne peut être nocive ; c’est la consommation qu’il faut encourager. Cependant, il ne faut pas éliminer l’incitant à gagner de l’argent (p. 387-8) ; simplement rogner son importance. L’inégalité peut être justifiée, mais pas au niveau où elle existe.

2. Le taux d’intérêt doit être bas pour favoriser l’investissement. Dès lors : a. Il n’y a pas de raison de rendre le capital rare. b. Il n’y a pas de raison de gâter les rentiers (une classe oisive).

Section III : le rôle de l’Etat

L’économie doit rester privée ; Keynes se définit comme modérément conservateur (p. 391). Il récuse le socialisme.

On trouve sa critique de la théorie économique (p. 392) et les avantages traditionnels de l’individualisme doivent garder leur valeur (p. 393) il veut sauvegarder la liberté personnelle.

La politique proposée est la seule manière de sauver l’économie de marché et d’éviter que les électeurs finissent par préférer le socialisme qui, à l’époque, donnait l’impression de mieux s’en tirer en termes de croissance et d’emploi.

Le danger de la conquête des marchés par une nation aux dépens des autres

Section IV :

« Les causes de la guerre sont multiples. La tâche des dictateurs est facilitée et l'ardeur du peuple est attisée par les causes économiques de la guerre, c'est-à-dire par la poussée de la population et par la compétition autour des débouchés. »

Section V : /!\ Manquant dans le recueil de textes  ! (en fait non, il est perdu au milieu des feuilles sur Hayek)

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Impatience par rapport aux idées nouvelles « Le monde se trouve aujourd'hui dans une impatience extraordinaire d'un diagnostic mieux fondé »

Importance des idées (belle citation) : « Dans le domaine de la philosophie économique et politique, rares sont les hommes de plus de vingt-cinq ou trente ans qui restent accessibles aux théories nouvelles »

5. Conclusion du cours

5.1. Que retenons-nous ?

5.2. Confronter Smith, Marx et Keynes sur le capitalisme

Qu’ont-ils en commun ? • Ils voient le capitalisme comme un système décentralisé, dans lequel les décisions d’affecter

les activités économiques découlent d’une initiative privée, fondée sur la recherche de la rentabilité et ayant à être validée par le marché, dans un contexte concurrentiel.

• Ils admettent l’asymétrie du pouvoir décisionnel dans les firmes; la firme capitaliste n’est pas une institution démocratique.

• La notion d’équilibre est centrale dans leur raisonnement; leur analyse accorde une place centrale à la théorie de la valeur.

• En un sens ou un autre, leur réflexion porte sur l’organisation idéale de la société.

Qu’ont-ils de spécifique ?Smith

• Le système de liberté implique que personne ne soit aux commandes. Qu’un tel système puisse délivrer plus de richesse est étonnant (un orchestre sans chef d’orchestre jouerait mieux qu’avec un chef!)

• Un système dont le bon fonctionnement est tributaire de la vertu de ses membres est fragile. Quand on traite avec autrui, il vaut mieux pouvoir compter sur son égoïsme que sur son sens du devoir ou son altruisme.

• L’analyse de Smith est ‘micro-fondée’, non pas d’une manière formelle comme chez Walras mais parce qu’il pense qu’en économie ce sont les initiatives individuelles qui mènent le jeu.

• Le bon fonctionnement du système dépend du libre jeu de la concurrence et de l’absence d’intervention de l’Etat dans l’économie. Il implique aussi la mobilité sociale.

• Smith croit en la concurrence même si celle-ci est souvent douloureuse dans le court terme et au plan individuel. Ses avantages se révèlent dans le long terme.

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• Le capitalisme est un système inégalitaire mais il favorise l’amélioration absolue du niveau de vie des classes les moins défavorisées (déversement).

• Le rapport entre capitalistes et salariés est ‘win-win’

• Dans la mesure où ils ne participent pas au processus décisionnel, les salariés sont tributaires de la qualité capitaliste des firmes.

Marx

• Il replace son analyse du capitalisme dans le cadre plus général de sa théorie de l’histoire, marquée par l’affrontement entre des classes sociales aux intérêts antagoniques.

• Le rôle du capitalisme, dans cette théorie de l’histoire, est de permettre la réalisation du communisme.

• Comme les modes de production antérieurs, le capitalisme se caractérise par un phénomène d’exploitation (bien que moins visible).

• Le rapport entre les classes est ‘win-loose’; ce que l’une gagne l’autre le perd.

• Marx affirme que la concurrence s’autodétruit, ce qui à terme mène à l’effondrement du système; les crises économiques en sont l’élément annonciateur.

• Toute emprise de l’état sur le marché est une bonne chose.

Keynes

• Comme Smith, il est aussi défenseur du capitalisme (car il accroît le bien-être des populations et permet la liberté politique et de pensée).

• Pour lui, le défaut principal du système se manifeste par des taux de chômage trop élevés. Ce phénomène est la manifestation d’une défaillance du système de marché.

• Il en voit la cause dans une insuffisance endémique de la demande globale.

• Le remède qu’il propose est une activation de cette demande par intervention exogène de l’Etat.

5.3. CommentairesCe sont là les trois principales visions que l’on peut avoir du système capitaliste.La prémisse du cours a été qu’il était utile de les aborder par l’étude des économistes qui les ont formulées en premier lieu.

La connaissance de ces visions vous permet soit de conforter une intuition que vous aviez déjà, soit, si vous n’aviez pas, de vous en forger une opinion. Elle vous permet aussi de comprendre les prémisses sous-tendant le raisonnement de ceux avec lesquels vous êtes en désaccord.

Telles qu’elles sont formulées dans les textes fondateurs, ces visions sont trop rudimentaires; elles doivent être affinées par des analyses plus détaillées.

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Nous l’avons évoqué à propos de la question de la pertinence actuelle de la théorie keynésienne.

5.4. Que nous apprend l’histoire des théories économiques ?Retour aux sources de ce qui est l’état présent de la théorie; utilité du dialogue avec les grands ancêtres

Présence d’enjeux politiques et méthodologiques sous-jacents à l’analyse économique.

Il n’est pas étonnant que les économistes se disputent sur ces questions puisque ultimement la question de base est “quelle est la meilleure manière d’organiser la société dans sa dimension économique?”

Idée qu’il y a des révolutions scientifiques, la théorie économique ne se développe pas sur le schéma d’une progression monotone, sans soubresauts, vers plus de vérité.

Il faut coupler l’idée d’un progrès théorique avec celle de la pluralité des lignes de développement possibles.

Relu et corrigé par Rem’s – 17/12/2014

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