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IOLOGIE : Ginette IJUJRE Candidate au PhD en Sciences Infirmières Université de Montréal et McGill L’INCERTITljDE... L’INFLUENCE DE L’ÉVOLUTION D’UN CONCEPT SUR LE DEVELOPPEMENT DE LA CONNAISSANCE INFIRMIERE Au Québec, la complexité des besoins de santé d’une population vieillissante, vivant très souvent des expé- riences de chronicité, conjuguée à une réforme du système de santé, crée un contexte qui contribue à l’émergence d’un sentiment d’incertitude chez la po- pulation ainsi que chez les infirmières. Sans contredit, l’incertitude représente un concept d’intérêt pour I’in- firmière tant dans sa vie professionnelle que person- nelle. Un état d’âme inhérent à toute vie humaine, un état cognitif ayant des conséquences sur la santé, un con- texte pour une transition, un processus de croissance, voilà autant de conceptualisations de l’incertitude qui sont influencées par les construits idéologiques, à la base des disciplines de la santé, à une époque donnée. Afin d’ancrer notre réflexion, il nous apparaît d’abord important de dégager les principales conceptions de l’incertitude selon différentes disciplines. Tenant compte du fait que la majorité des écrits sur I’incerti- tude proviennent de la discipline infirmière, nous tra- çons l’évolution de ce concept à la lumière des grands courants de pensée qui ont influencé le développement de la connaissance infirmière. Les différentes appro- ches pour évaluer le concept de l’incertitude sont dis- cutées sous les angles épistémologique et méthodolo- gique. L’utilité de ce concept est démontrée en relation avec la pratique, la recherche et la formation. L’INCERTITUDE INTERPRÉTÉE PAR DIFFÉRENTES DISCIPLINES Les anthropologues constatent que de tous les temps, l’incertitude a toujours été une condition de l’existence humaine. En effet, dans plusieurs communautés, on retrouve des rituels, des cérémonies, des prières, des sacrifices, des divinations qui permettent à des person- nes de trouver une signification, le plus souvent posi- tive, à l’incertitude (BIBEAU, 1981). Les théologiens nous révèlent que les grandes religions orientales, comme le Bouddhisme et I’Hindouisme, considèrent que la vie occidentale fondée sur des croyances de certitude, de continuité et de perma- nence nous rend comme des « dépouilles vivantes » inconscientes. Toutes les religions croient que I’incer- titude liée à la maladie doit constituer un avertisse- ment ; son rôle est de nous rappeler que nous avons négligé certaines dimensions profondes de notre être, comme celle de la vie spirituelle (MOORE, 1994). Les linguistes retrouvent des expressions verbales dé- crivant différents niveaux d’incertitude et ce, dans tou- tes les langues parlées du monde, renforçant ainsi le caractère universel de ce concept (ZIMMER, 1983). Le concept d’incertitude fut d’abord étudié en psycho- logie et en sociologie. Au début, les concepts d’incer- titude et d’ambiguïté se retrouvent indifférenciés dans les écrits et sont définis comme des agents « stresseurs cognitifs complexes » (BUDNER, 1962 ; HANSEN et JOHNSON, 1979 ; SHALIT, 1977 ; SULS, 1981) parmi les plus importants lors de la maladie (FORSYTH, DE- LANEY et GRESHAM, 1984 ; McKEEVER, 1981). Au cours des ans, plusieurs auteurs ont tenté de nuan- cer les concepts d’incertitude et d’ambiguïté. Selon NORTON (19751, l’incertitude est un état d’esprit créé par l’ambiguïté du stimulus lui-même et de I’interpré- tation faite de celui-ci. LAZARUS et FOLKMAN (1984) définissent l’ambiguïté comme une imprécision de la situation vécue, tandis que l’incertitude se veut plutôt l’état de confusion vécue par la personne quant à la signification à donner au contexte. L’ambiguïté réfère donc aux attributs de la situation tandis que I’incerti- tude réfère à la perception que la personne entretient de la situation. Le cadre théorique de LAZARUS et FOLKMAN (1984) a influencé beaucoup la pensée infirmière dans le développement de la connaissance de l’incertitude. L’appréciation cognitive (appraisall et les stratégies de coping sont les facteurs médiateurs importants de la réaction au stress (LAZARUS et FOLKMAN, 1984). Le niveau d’incertitude est fonction de l’appréciation cog- nitive que fait une personne de l’événement. Cette théorie postule que c’est dans la manière qu’une personne juge la situation potentiellement stressante

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IOLOGIE :Ginette IJUJRECandidate au PhD en Sciences InfirmièresUniversité de Montréal et McGill

L’INCERTITljDE... L’INFLUENCE DE L’ÉVOLUTION D’UN CONCEPTSUR LE DEVELOPPEMENT DE LA CONNAISSANCE INFIRMIERE

Au Québec, la complexité des besoins de santé d’unepopulation vieil l issante, vivant très souvent des expé-riences de chronicité, conjuguée à une réforme dusystème de santé, crée un contexte qui contribue àl’émergence d’un sentiment d’incertitude chez la po-pulation ainsi que chez les infirmières. Sans contredit,l’incertitude représente un concept d’intérêt pour I’in-firmière tant dans sa vie professionnelle que person-nelle.

Un état d’âme inhérent à toute vie humaine, un étatcognitif ayant des conséquences sur la santé, un con-texte pour une transition, un processus de croissance,voilà autant de conceptualisations de l’incertitude quisont influencées par les construits idéologiques, à labase des disciplines de la santé, à une époque donnée.

Afin d’ancrer notre réflexion, il nous apparaît d’abordimportant de dégager les principales conceptions del’incertitude selon différentes disciplines. Tenantcompte du fait que la majorité des écrits sur I’incerti-tude proviennent de la discipline infirmière, nous tra-çons l’évolution de ce concept à la lumière des grandscourants de pensée qui ont influencé le développementde la connaissance infirmière. Les différentes appro-ches pour évaluer le concept de l’incertitude sont dis-cutées sous les angles épistémologique et méthodolo-gique. L’utilité de ce concept est démontrée en relationavec la pratique, la recherche et la formation.

L’INCERTITUDE INTERPRÉTÉEPAR DIFFÉRENTES DISCIPLINES

Les anthropologues constatent que de tous les temps,l’incertitude a toujours été une condition de l’existencehumaine. En effet, dans plusieurs communautés, onretrouve des rituels, des cérémonies, des prières, dessacrifices, des divinations qui permettent à des person-nes de trouver une signification, le plus souvent posi-tive, à l’ incertitude (BIBEAU, 1981).

Les théologiens nous révèlent que les grandes religionsorientales, comme le Bouddhisme et I’Hindouisme,

considèrent que la vie occidentale fondée sur descroyances de certitude, de continuité et de perma-nence nous rend comme des « dépouilles vivantes »inconscientes. Toutes les religions croient que I’incer-titude liée à la maladie doit constituer un avertisse-ment ; son rôle est de nous rappeler que nous avonsnégligé certaines dimensions profondes de notre être,comme celle de la vie spirituelle (MOORE, 1994).

Les l inguistes retrouvent des expressions verbales dé-crivant différents niveaux d’incertitude et ce, dans tou-tes les langues parlées du monde, renforçant ainsi lecaractère universel de ce concept (ZIMMER, 1983).

Le concept d’incertitude fut d’abord étudié en psycho-logie et en sociologie. Au début, les concepts d’incer-titude et d’ambiguïté se retrouvent indifférenciés dansles écrits et sont définis comme des agents « stresseurscognitifs complexes » (BUDNER, 1962 ; HANSEN etJOHNSON, 1979 ; SHALIT, 1977 ; SULS, 1981) parmiles plus importants lors de la maladie (FORSYTH, DE-LANEY et GRESHAM, 1984 ; McKEEVER, 1981).

Au cours des ans, plusieurs auteurs ont tenté de nuan-cer les concepts d’incertitude et d’ambiguïté. SelonNORTON (19751, l’incertitude est un état d’esprit créépar l’ambiguïté du stimulus lui-même et de I’interpré-tation faite de celui-ci. LAZARUS et FOLKMAN (1984)définissent l’ambiguïté comme une imprécision de lasituation vécue, tandis que l’incertitude se veut plutôtl’état de confusion vécue par la personne quant à lasignification à donner au contexte. L’ambiguïté réfèredonc aux attributs de la situation tandis que I’incerti-tude réfère à la perception que la personne entretientde la situation.

Le cadre théorique de LAZARUS et FOLKMAN (1984)a influencé beaucoup la pensée infirmière dans ledéveloppement de la connaissance de l’incertitude.L’appréciation cognitive (appraisall et les stratégies decoping sont les facteurs médiateurs importants de laréaction au stress (LAZARUS et FOLKMAN, 1984). Leniveau d’incertitude est fonction de l’appréciation cog-nitive que fait une personne de l’événement.

Cette théorie postule que c’est dans la manière qu’unepersonne juge la situation potentiellement stressante

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qui a un effet sur la santé. La personne fait d’abord uneappréciation soit menaçante, soit positive de ce stres-seur et met en place des comportements de copirtgspécifiques au contexte (LAZARUS, 1966 ; LAZARUSet FOLKMAN, 1984). Si les stratégies de coping neréussissent pas à abaisser le niveau d’incertitude, I’en-vironnement sera perçu éventuellement comme unesource de stress, augmentant ainsi le désespoir chez lapersonne. L’adaptation biopsychosociale constitue lerésultat attendu de ce coping (LAZARUS ET FOLK-MAN, 1984).

CONCEPTUALISATIONS INFIRMIÈRESDE L’INCERTITUDE

MELEIS (1992) décrit quatre étapes centrales au déve-loppement de la connaissance en sciences infirmières.Les conceptualisations de l’incertitude se situent à latroisième étape où les chercheuses infirmières accor-dent une importance particulière à la découverte desphénomènes ancrés dans la pratique infirmière. L’ac-cent est mis sur la description et la conceptualisationde ces phénomènes afin de mieux les reconnaître et lesdistinguer (p. 1 12).

Différentes approches sont utilisées en sciences infir-mières pour conceptualiser l’incertitude. MISHEL(1981 ; 1988a) et WIENER et DODD (1993) ont adaptédes théories existantes. SELDER (1989) et MISHEL(1990a) ont util isé des formulations théoriques existan-tes. BAIER (19951, BROWN et POWELL-COPE (1991),COHEN (1995a ; 1995b), CLEMENTS, COPELAND etLOFTUS (19901, HILTON (1994), NELSON (1996) etTURNER, TOMLINSON et HARBAUGH (1990) ontgénéré par induction de nouvelles théories pour com-prendre l’incertitude auprès de différents groupes depersonnes vivant des expériences de santé diverses.CRIGGER (1996) a créé un nouveau modèle théorique.

L’émergence des conceptions de l’incertitude en scien-ces infirmières a été marquée par deux grands courantsde pensée, le paradigme de I’jntégration et le para-digme de la transformation (KEROUAC, PEPIN, DU-CHARME, DUQUETTE et MAJOR, 1994). Nous pou-vons constater que le développement de laconnaissance sur l’incertitude chevauchent ces deuxparadigmes. CAPRA (1982) et KUHN (1970) parlent depériodes de transition où une perspective n’a pas étécomplètement remplacée par une autre. CULL-WILBYet PEPIN (1987) soulignent l’importance de la coexis-tence de différents paradigmes pour le développement

de la connaissance en sciences infirmières. Les diversessignifications de l’incertitude sont discutées en lienavec les concepts de santé, personne et environne-ment.

LES CONCEPTUALISATIONSDE L’INCERTITUDE SOUS LE PARADIGME

DE L’INTÉGRATION

Selon les conceptions qui découlent du paradigme del’intégration, l’incertitude constitue un état cognitif etperceptuel provoqué par un ou des événements anté-rieurs. La personne peut influencer les facteurs prépondé-rants à son bien-être par diverses stratégies (MISHEL,1988a ; MISHEL et BRADEN, 198813). Les interactionsavec l’environnement et la personne qui vit de I’incerti-tude se font sous forme de stimuli positifs ou négatifs et deréaction d’adaptation (MISHEL, 1988a). La santé signifieune stabilité, une adaptation (MISHEL, 1988a, MISHEL etBRADEN, 1988b ; HILTON, 1994 ; CRIEGGER, 1996).

@aLa théorie de l’incertitude perçuedans la maladie de MISHEL (1981, 1988a)

La théorie de ((l’incertitude perçue dans la maladie » deMISHEL (1981, 1988a) a contribué en grande partie audéveloppement de la connaissance infirmière sur I’in-certitude (MAST, 1995). Influencée par LAZARUS(19741, MISHEL (1981) débute l’élaboration de sa théo-rie afin de développer un instrument pour mesurerl’incertitude comme une variable significative dansl’expérience des personnes malades, lors des traite-ments et de l’hospitalisation. Un premier modèle plusparcimonieux, empruntant les éléments de LAZARUS(1974) nous est offert. Le modèle actualisé de 1988 ainfluencé la plupart des recherches sur l’incertitude.L’incertitude est étudiée dans le contexte de la maladie,sous l’angle des concepts d’appréciation (appraisal), ducoping ainsi que de l’adaptation. L’incertitude est défi-nie comme un état cognitif où la personne est incapa-ble de donner une signification et une valeur aux évé-nements et objets entourant la maladie, quand ceux-cisont ambigus, hautement complexes, que l’informationreçue est insuffisante et que les résultats ne peuvent êtreprédits (MISHEL, 1988a ; 1990a). La théorie de « I’incer-titude perçue dans la maladie » explique comment lespersonnes transigent avec les stimuli liés à la maladie

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et comment celles-ci structurent la signification donnéeà ces événements.

Quatre étapes sont précisées : 1) les antécédents quigénèrent l’incertitude, 2) l’appréciation de I’incerti-tude comme un danger ou une opportunité, 3) lesstratégies de coping soit pour réduire l’incertitude éva-luée comme un danger, soit pour maintenir I’incerti-tude évaluée comme une opportunité, 4) l’état d’adap-tation qui résulte des stratégies de coping (MISHEL etBRADEN, 198813).

Les antécédents sont les stimuli influencés par la capa-cité cognitive de la personne et le soutien qu’ellereçoit. Les études effectuées auprès de diverses popu-lations ont démontré des résultats peu significatifsquant à l’influence isolée des antécédents (MAST,1995). La perception de l’incertitude émerge plutôt del’interaction des facteurs situationnels comme la gravi-té de la maladie avec des facteurs personnels commeles préférences, les capacités, le soutien social et lescroyances (BRADEN, 1990a ; 1990b ; HILTON, 1988 ;MISHEL et BRADEN, 198813).

La maîtrise, définie comme la croyance de la personnedans ses propres ressources personnelles, exerce uneinfluence sur le processus d’appréciation, réduisant à lafois l’incertitude et la sensation de danger associée à lasituation (MISHEL et SORENSON, 1991). II est intéres-sant de constater que le concept de maîtrise est intégréà la théorie de l’incertitude de 1988, ceci après sareconceptualisation de 1990.

La personne évalue l’incertitude en faisant appel auprocessus d’inférence ou d’illusion. Par l’inférence, lapersonne réfère à des exemples de situations négativesou positives qui s’apparentent. En utilisant le processusd’illusion, la personne construit un système de croyan-ces où les résultats sont généralement positifs. Si unetrajectoire négative de la maladie est connue, la per-sonne fait appel au processus d’illusion et l’incertitudesera le plus souvent perçue comme une opportunité(MISHEL, KING et GRAHAM, 1984).

Selon l’appréciation faite par la personne, l’adaptationsera atteinte si des stratégies de coping adéquates sontactivées, soit pour maintenir l’incertitude, soit pour laréduire. L’évaluation d’un événement comme étantmenaçant fait appel à des stratégies de coping centréessur le problème comme la vigilance et la recherched’information. L’évaluation d’un événement commeétant une opportunité, amène la personne à adopterdes stratégies de coping centrées sur les émotions,comme l’évitement et la pensée magique (MISHEL etBRADEN, 1987 ; MISHEL, 1988a, LAZARUS et FOLK-MAN, 1984).

Plusieurs recherches n’appuient pas cette proposition.En effet, les études corrélationnelles de BRADEN(1990a, 1990b), HILTON (1989) et REDEKER (1992)ainsi que les études qualitatives de HILTON (1988) etNYHLIN (1990) démontrent que lorsque l’incertitudeest vue comme une opportunité, des stratégies de co-ping mettant l’accent sur le problème sont utilisées.Lorsque l’incertitude représente un danger, des straté-gies de coping mettant l’accent sur les émotions prédo-minent.

L’incertitude est perçue comme une variable soit posi-tive, soit négative, dans l’adaptation à la maladie. Laplupart des recherches soutiennent que l’incertitudeprononcée est négative, étant perçue le plus souventcomme un danger (BAILEY et NIELSON, 1993 ;CHRISTMAN, McCONNELL, PFIEFFER, WEBSTER,SCHMITT et RIES, 1988 ; CHRISTMAN, 1990, HIL-TON, 1989 ; MASON, 1985 ; WEEMS et PATTERSON,1989). Par contre MISHEL et a/. (19841, LAZARUS etFOLKMAN (1984) et HILTON (1994) soutiennent lecontraire, à savoir que dans les mêmes circonstances,l’incertitude peut être désirable et positive lorsquecelle-ci facil ite l’espoir.

Le modèle de MISHEL (1988a) offre une vision plutôtmécaniste et linéaire de la résolution de l’incertitude.L’expérience d’incertitude est dépendante des antécé-dents pour être appréciée. Un choix possible d’appré-ciation s’offre : un danger ou une opportunité. Chacunde ces choix comporte des stratégies de coping quipermettent à la personne de s’adapter.

Définition théorique de HILTON (1988 ; 1994)

D’une étude phénoménologique effectuée auprès defemmes vivant un cancer du sein, HILTON (1988)constate que, même si le pronostic est plutôt négatif,avec les années, ces femmes deviennent plus optimis-tes et vivent beaucoup moins d’anxiété, de peur et dedoute. Influencée par les travaux de MISHEL (1988a),et de sa propre recherche phénoménologique, HIL-TON (1994) élabore un instrument de mesure de I’in-certitude dans la maladie qui incorpore les émotionspositives. L’incertitude est définie comme un état lié àla perception, qui existe sur un continuum et quichange en intensité dans le temps. L’incertitude varied’un sentiment d’insécurité profonde à une vague im-précision, accompagnée d’émotions parfois positives,parfois menaçantes. L’incertitude est générée non seu-lement par l’évaluation individuelle de la situation,mais aussi par l’évaluation que fait l’entourage de cette

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situation. Les stratégies de coping permettent à la per-sonne de s’adapter.

Très similaire à la définition de MISHEL (1988a), cellede HILTON (1994) ajoute une dimension temporelle àl’incertitude ainsi que l’influence de la perception del’entourage. Une même vision linéaire nous est offerte.

82 Le modèle causal d’adaptation à l’incertitude48: de CRIEGGER (1996)

A partir des résultats des recherches décrivant le vécude femmes souffrant de sclérose en plaques, ainsi queles résultats d’analyses d’entrevues effectuées auprèsde quatre femmes atteintes, CRIEGGER (1996) élaboreun modèle théorique pour vérifier une explication pos-sible de l’adaptation à l’incertitude. Les variables me-surées sont l’incertitude, le soutien social, le bien-êtrespirituel, l’estime de soi et la maîtrise. Le modèle a étévérifié auprès de 120 femmes.

Les analyses statistiques n’ont pu appuyer le modèleproposé. Par contre, les résultats démontrent I’impor-tance des relations sociales et du bien-être spirituelpour cette population. L’adaptation à l’incertitude sem-ble être avant tout d’ordre psychologique et spirituel.Les limites physiques imposées par la maladie jouentun rôle mineur (CRIEGGER, 1996).

La richesse et les divergences des résultats des recher-ches effectuées sous ce paradigme mettent en lumièretoute la complexité de l’expérience de l’incertitudedans la maladie (MAST, 1995). Cette complexité qui vaau-delà de la linéarité, invite des chercheuses à repen-ser les modèles théoriques à la lueur des croyances quidécoulent d’un nouveau paradigme, celui de la trans-formation.

LES CONCEPTUALISATIONSDE L’INCERTITUDE SOUS LE PARADIGME

DE LA TRANSFORMATION

Le paradigme de la transformation a inspiré les concep-tions les plus récentes de l’incertitude. On remarqueque la pensée orientale sur I’impermanence influe surla pensée occidentale (FERGUSON, 1981 et RIPOCHÉ,1992). L’incertitude n’est plus vue comme un état surun continuum, un stresseur, mais plutôt comme unprocessus de changement imprévisible (COHEN,

1993 ; MISHEL, 1990a), un processus dans une expé-rience de transition (SELDER, 1989 ; WIENER etDODD, 19931, un contexte (NELSON, 1996) un phé-nomène complexe, un point de départ d’une nouvelledynamique encore plus complexe (MISHEL, 1990a).

L’incertitude amène la personne, un être unique,indissociable de l’univers, à rechercher une qualitéde vie qu’elle définit selon son potentiel et ses priorités(COHEN, 1993 ; NELSON, 1996). L’environnementcoexiste avec la personne et ensemble, ils sont enchangement constant, mutuel et simultané (MISHEL,1990a). Au-delà de la maladie, la santé est un aspectsignificatif du processus de changement (MISHEL,1990a).

$ La reconceptualisation de la théorieTi de l’incertitude perçue dans la maladie& de MISHEL (1990a)

MISHEL (1990a) est influencée par ses propres travaux(KING et MISHEL, 1986) et principalement ceux deMOCH (1989) qui démontrent que certaines personnesatteintes de maladies chroniques, abandonnent desattentes et arrivent à voir l’incertitude comme uneoccasion de croissance. Consciente que la théorie del’incertitude dans la maladie (1988a) ne tient pascompte de l’expérience des personnes qui vivent uneinquiétude prolongée, MISHEL (1990a) révise certainspostulats et concepts clés à la lumière de la théorie duChaos. Selon la théorie du Chaos, un système en santécomprend à la fois désordre, instabilité, diversité,déséquilibre, relations non linéaires et temporalité(POOLE, 1989).

MISHEL (1990a) invite les infirmières à adopter unevision probabiliste où l’incertitude, même menaçante,trouve non seulement une place, mais offre un défi etune opportunité pour la personne, une occasion deréévaluer ses valeurs et ses priorités et d’apprécier lafragilité et I’impermanence des situations de vie. Pourdévelopper cette pensée, l’incertitude doit être accep-tée comme un rythme naturel de la vie.

MISHEL (1990a) questionne l’aspect déterministe duconcept d’adaptation. Elle adopte une perspective oùl’incertitude, un processus dynamique, complexe, non-linéaire, tend vers une plus grande complexité offrantainsi des éléments de croissance et de changement(p. 260). L’appréciation de l’incertitude varie dans letemps sur la trajectoire de la maladie et de la survie. Lapersonne est vue comme un système ouvert quiéchange des énergies avec son environnement.

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Deux forces environnementales, le soutien social et lesprofessionnels de la santé, contribuent à maintenircette nouvelle vision chez la personne (MISHEL,1990a). Quatre situations font obstacle à la croissancede la personne qui vit de l’incertitude : 1) l’absenced’une vision probabiliste chez les personnes ressour-ces, 2) l’incapacité de la personne d’exprimer ses émo-tions, dans le cas d’un soignant naturel, 3) l’isolement,4) la recherche constante de certitude et de prévisibi-lité de la part des professionnels de la santé. La recon-ceptualisation de la théorie de MISHEL (1990a) rejointla vision eudémoniste de la santé (SMITH, 1981) etplusieurs conceptions infirmières contemporaines (NE-WMAN, 1986 ; PARSE, 1981 ; ROGERS, 1980).

Les résultats des recherches qualitatives de BELEC(19921, CARTER (1993) et NELSON (1996) corroborentle postulat à la base de la reconceptualisation de lathéorie de MISHEL (1990a) à savoir que l’incertitudegénère des éléments de croissance personnelle. Eneffet, une plus grande acceptation de soi, une plusgrande tolérance aux autres et plus d’optimisme face àla vie résultent de l’expérience de l’incertitude. Aucunerecherche quantitative n’appuie les propositions de lathéorie de l’incertitude révisée de MISHEL (1990a).

La théorie de a la résolution de l’incertitude,une transition de vie » de SELDER (1989)et de WIENER et DODD (1993)

Quelques recherches associent l’incertitude au con-cept de transition, offrant ainsi une vision plus cons-tructiviste de l’incertitude où plusieurs réalités peuventêtre créées (BARBA et SELDER, 1995 ; BROWN etPOWELL-COPE, 1991 ; LOVEYS, 1990). La théorie deSELDER (1989) et de WIENER ET DODD (1993) illus-trent ce lien.

SELDER (1989) propose une théorie de résolution del’incertitude définie comme un contexte lors d’uneexpérience de transition. L’incertitude permet à unepersonne de restructurer sa réalité après une disconti-nuité significative avec sa réalité antérieure. Afin demaintenir son intégrité, la personne engage différentsprocessus comme la confrontation des événements, larecherche d’information et l’adoption d’une philoso-phie de vie « au jour le jour ».

De façon similaire, WIENER ET DODD (1993) adaptentla perspective sociologique de CORBIN et STRAUSS(1988) pour étudier l’incertitude chez des personnesat te intes d ’une maladie chronique. CORBIN etSTRAUSS (1988) suggèrent le terme « processus » plu-

tôt que coping afin de rendre compte de toute la com-plexité du « travail » que la personne doit accomplirpour redéfinir sa vie lors d’une expérience de transi-tion. Par un processus de théorisation ancrée, WIENERet DODD (1993) dégagent une catégorie supplémen-taire de processus pour des personnes atteintes decancer, la catégorie d’annulation de l’incertitude quitouche la temporalité de la maladie, l’incapacité phy-sique, l’identité et le concept de soi.

Selon OBERST (19931, ce processus d’annulation del’incertitude sous-tend une vision négative, une défini-tion trop étroite de l’incertitude, si l’on tient compte destravaux de MISHEL (1990a).

La théorie ancrée de l’incertitude parentaleface à la maladie d’un enfant(COHEN, 1993 ; 1995)

COHEN (1964, 1993, 1995a ; 1995b) et COHEN etMARTINSON (1988) étudient l’incertitude comme unconcept multidimensionnel en lien avec un mondeconstruit de réalités socio-culturelles et biographiques.Les significations données aux événements sont enfonction de l’interprétation culturelle de ces réalités.L’intensité et l’importance de l’incertitude face à lamaladie varient dans le temps et l’espace en fonctiondes circonstances de la vie.

Selon COHEN (1993), la source de l’incertitude peutêtre interne (la personne questionne ses croyances etses valeurs) ou externe (comme l’ambiguïté de I’infor-mation reçue). L’incertitude peut être ponctuelle ouprolongée, affectant différents domaines de la vie. Elleest perçue parfois comme une source de stress insur-montable, parfois comme un « antidote à l’ennui ».L’expérience de l’incertitude est donc socialement par-tagée et biographiquement unique.

Plutôt que des stimuli ponctuels, les événements quigénèrent l’incertitude, sont perçus comme un ensem-ble complexe de circonstances changeantes qui ontleur histoire propre et qui s’inscrivent dans une trajec-toire unique (COHEN, 1993).

A l’aide de la méthodologie de la théorisation ancrée,COHEN (1993) explique comment les familles inter-prètent et organisent leur vie lorsqu’un enfant est atteintd’une maladie chronique ou d’une autre maladie ditemenaçante pour la vie, comme le cancer. Les parentsmettent en place des processus de gestion du stresscomme le fait d’adopter une philosophie de vie « aujour le jour ».

28Recherche en soins infirmiers N” 53 -Juin 1998

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L’INCERTITUDE... L’INFLUENCE DE L’ÉVOLUTION D’UN CONCEPTSUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA CONNAISSANCE INFIRMIÈRE

Influencée par le modèle de DAVIS (1963) qui décritl’expérience de crise vécue par des parents dont unenfant contracte une poliomyélite, COHEN (1995a)dégage trois étapes de la période pré-diagnostique.Pour chacune de ces étapes, des caractéristiques sontdécrites en lien avec la nature et la durée de I’incerti-tude.

Même si la menace de la maladie demeure constante,la perception de cette menace diffère en intensité aucours de la maladie de l’enfant. Dans ses derniersécrits, COHEN (199513) définit le concept de déclen-cheur comme étant des événements qui intensifient defaçon prévisible la conscience d’une menace immi-nente donc l’incertitude comme les rendez-vous médi-caux, l’utilisation de mots évocateurs tels que « rémis-sion ».

La théorie de COHEN (1993,1995a, 1995b)permet decomprendre l’incertitude parentale comme un proces-sus qui fluctue dans le temps et comme un contextepour une transition de la vie familiale, dans une trajec-toire unique.

u Vivre l’incertitude P de NELSON (1996)

D’une recherche phénoménologique effectuée auprèsde femmes ayant vécu un cancer du sein, NELSON(1996) démontre que l’incertitude a créé un contextede « liberté » qui facilite le changement d’attitudes, decomportements et de modes de vie. Les femmes don-nent ainsi une signification positive à l’expérience del’incertitude, même si elles ne peuvent prédire les con-séquences de leur état.

NELSON (1996) réfute la proposition de la théorie deMISHEL (1988a) selon laquelle, le soutien social cons-titue un antécédent à l’incertitude. les femmes de cetteétude affirment le besoin d’un soutien social tout aulong de la trajectoire de leur maladie. Le soutien spiri-tuel, occulté dans la théorie de MISHEL (1988a), per-met à ces femmes de renforcer la capacité de contacterde nouvelles façons « d’être dans le monde ».

Selon NELSON (19961, la théorie de MISHEL (1988a)met l’accent sur le développement cognitif de I’incerti-tude. Dans cette étude, les femmes démontrent queleurs émotions ne peuvent être séparées de la cognitionet de leur système de valeurs pour définir leur expé-rience. Cette affirmation rejoint ainsi un postulat deLAZARUS et FOLKMAN (19841, à savoir que les pen-sées façonnent les émotions et les émotions façonnentles pensées.

Dans le contexte de transition de paradigme, NELSON(1996) démontre que les infirmières, intéressées àl’étude de l’incertitude, s’engagent dans une perspec-tive dialectique entre les diverses tendances. C’estdonc dans cette perspective que nous abordons ladiscussion sur les approches pour évaluer le concept del’incertitude.

l’évaluation de l’incertitude

Les conceptualisations de l’incertitude élaborées sousles différents paradigmes exercent une influence surl’approche que la recherche veut privilégier. Des posi-tions épistémologiques divergentes coexistent actuelle-ment en sciences infirmières pour évaluer l’incertitude.Les approches qui découlent d’une épistémologie réa-liste de la science positiviste et post-positiviste ainsique les approches qui découlent d’une épistémologieconstructiviste, constituent des choix raisonnables etcompatibles pour l’évaluation de l’incertitude, comptetenu du caractère complexe de ce concept. Nous aime-rions donc engager notre discussion dans une volontéde créer une synergie entre ces différentes conceptionsméthodologiques.

l’épistémologie réaliste

Les réalistes croient à l’expérimentation comme sourcede connaissance et aux faits, pour expliquer des idées(HERZOG, 1989). Les chercheuses infirmières quiadhèrent au système de croyances de cette perspective,tentent d’évaluer l’incertitude en essayant de compren-dre les relations linéaires entre les diverses variablesidentifiées dans les écrits théoriques, tout en privilé-giant le contrôle des facteurs contextuels. On cherchedonc à découvrir une réalité existante, l’incertitude,pour mieux la comprendre et la prédire (BAILEY etNIELSEN, 1993 ; BENNETT, 1993 ; BRADEN, 1990a ;1990b ; 1991 ; 1992 ; CHRISTMAN et a/., 1988 ;1990 ; DAVIS, 1990 ; HAWTHORNE et HIXON,1994 ; HILTON, 1989 ; MISHEL et a/., 1984 ; MISHELet BRADEN, 1987 ; MISHEL et SORENSON, 1991 ;REDEKER, 1992 ; SMALL et GRAYDON, 1992 ; WINE-MAN, 1990 ; WONG et BRAMWELL, 1992).

Selon la définition théorique donnée à l’incertitude, unétat sur un continuum ou un processus dynamique,différentes approches réalistes peuvent être utiliséespour évaluer ce concept.

29Recherche en soins infirmiers Na 53 -Juin 1998

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L’incertitude comme un état sur un continuum.-

Les chercheuses infirmières qui partagent la significa-tion de l’incertitude comme un état se sont inspiréessurtout de la théorie de MISHEL (1988a) pour examinerles corrélations entre l’incertitude et les variables in-fluençant le coping et l’adaptation chez différentespopulations de personnes hospitalisées pour des mala-dies aiguës. L’expérience de l’incertitude prolongée estmal connue à ce jour (MAST, 1995).

MAST (1995) soutient que la majorité des études surl’incertitude sont corrélationnelles et visent à générerdes hypothèses de recherche. Ces devis sont utiles pourexpliquer les variantes et l’interaction entre les varia-bles et ainsi, enrichir la théorie (BRINK et WOOD,1989 ; BURNS et GROVE, 1993). Selon MAST (19951,la majorité des sujets étudiés dans ces études sont derace blanche, bien éduqués et de classe moyenne,réduisant la généralisation des résultats et négligeantpar le fait même, l’impact important des différentsgroupes sur le développement de la connaissance del’incertitude (MELEIS, 1992).

Plusieurs chercheuses croient que les recherches doi-vent changer de niveau et viser avant tout la prédictionpar des devis plus robustes, comme les devis expéri-mentaux (DUCHARME et GOTTLIEB, 1995).

?$,& l’incertitude, un processus dynamique

L’incertitude, conceptualisée comme un processus in-dividuel, imprévisible, fait appel à un devis de recher-che qui permet d’étudier les patterns de changement etles tendances, à travers le temps, chez la même per-sonne.

LAZARUS et FOLKMAN (1984) démontrent I’impor-tance de la recherche dite « ipsative » pour capter deschangements intra-individuels. Les études longitudina-les « ipsatives » nous informent sur le processus dedéveloppement individuel et sur la nature des événe-ments qui surviennent pendant cette période de temps.Par la suite, des comparaisons inter-individuelles per-mettent de cumuler l’expérience d’un groupe de per-sonnes, une recherche « ipsative-normative »(KRATHWOHL, 1993 ; LAZARUS et FOLKMAN,1984 ; PEARLIN, LIEBERMAN, MENAGHAN et MUL-LAN, 1981).

Un devis longitudinal « ipsatif » présuppose des obser-vations et des mesures effectuées de façon périodique,

chez la même personne. Ce devis est très coûteux, caril engage en temps à la fois le chercheur et les sujets.Les chercheurs ont donc tendance à constituer des pluspetits échantil lons, diminuant ainsi le pouvoir statisti-que et la généralisation des résultats (LAZARUS etFOLKMAN, 1984).

La rétention des sujets est un problème important pource type de devis. Le chercheur doit déployer beaucoupde créativité pour impliquer les personnes. L’expé-rience démontre que ce sont les personnes les plusinstruites et bien nanties qui assurent une continuitédans ce genre d’étude, introduisant ainsi un biais im-portant (KRATHWOHL, 1993). La validité des résultatsest donc constamment menacée par ce problème.

De plus, maintenir l’intégrité des données représenteun défi, souvent de taille, pour le chercheur inexpé-rimenté dans ce genre de recherche (YOUNGBLUTLOVELAND-CHERRY et HORAN, 1990).

Les études transversales sont moins coûteuses. Toute-fois, ce devis ne peut pas capter les expériences indivi-duelles, imprévisibles de l’incertitude. En effet, ce deviss’appuie sur la croyance qu’un processus évolue dansle temps, par étape, et qu’en évaluant un processuschez différentes personnes, à divers temps, des infor-mations concernant la totalité du processus sont re-cueillies (TAYLOR, 1990).

Les instruments les plus souvent utilisés pour mesurerl’incertitude sont des adaptations du Mishel Uncer-tainty in Illness Scale (MUIS). Cette échelle de Likertcomposée de 32 items, a été élaborée pour mesurer leconcept de l’incertitude au niveau du diagnostic, dupronostic, du traitement, des symptômes et des rela-tions avec les soignants, chez les adultes hospitaliséspour une pathologie active (BRADEN, 1990b ;CHRISTMAN et a/., 1987 ; CHRISTMAN, 1990 ; MIS-HEL, 1981, 1990b ; WINEMAN, 1990).

Le MUIS est composé de quatre dimensions de I’incer-titude : 15 items mesurent l’ambiguïté des informationsconcernant la maladie, 8 items pour la complexité desinformations concernant le traitement et les soins,7 items pour l’inconsistance dans l’information reçueet 5 items pour l’imprévisibilité tant au niveau desinformations concernant la maladie, des traitements etde l’évolution de la maladie. La validité de construit,discriminante et convergente ainsi que la consistanceinterne et la fidélité de stabilité sont bien démontrées(CHRISTMAN et a/., 1988 ; MISHEL, 1981 ; 1983a ;1990b ; MISHEL et a/., 1984 ; MISHEL et BRADEN,1987 ; REDEKER, 1992).

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Des études psychométriques récentes révèlent toutefoisque deux sous-échelles du MUIS, l’inconsistance dansl’information et l’imprévisibil ité, sont peu stables lors-que celles-ci sont utilisées auprès de populations autresque des adultes souffrant de maladies aiguës (CHRIST-MAN, 1990 ; MAST, 1995). Le pouvoir de généralisa-tion des résultats des études sur l’incertitude qui util i-sent cette échelle auprès de toute autre population, s’entrouve ainsi beaucoup diminué.

MISHEL (1981) a élaboré une version du MUIS de28 items, pour la communauté (MUIS-C) et une autrede 34 items, (MISHEL, 1983b1, adaptée pour les enfantset les parents (PCUS). Une bonne fidélité de stabilité estdémontrée ainsi que la validité de construit (BRADEN,1990a ; LEMAIRE et LENZ, 1995 ; MISHEL etal., 1984 ;MISHEL, 1983b ; 1987 ; MISHEL et SORENSON,1991 ; NORTHOUSE, JEFFS, CRACCHIOLO-CARA-WAY, LAMPMAN et DORRIS, 1995 ; TURNER, TOM-LINSON et HARBAUGH, 1990 ; YARCHESKI, 1988).

HILTON, 1994, propose une échelle qui vise à mesurerl’incertitude, le stress de l’incertitude et la perceptionsoit positive, soit négative de l’incertitude. Les dimen-sions générées par plusieurs analyses factorielles sont :1) l’incertitude quant au manque de précision de l’étatprésent ou futur et de l’efficacité du traitement ; 2)l’incertitude quant à la capacité de coping, à la com-préhension de la maladie et de son impact sur lacapacité fonctionnelle et sur l’entourage. L’outil a étéutilisé à plusieurs reprises auprès de différentes popu-lations atteintes de maladies chroniques ou aiguës. Lavalidité de contenu et de construit, la fidélité de stabi-ji”la consistance interne sont démontrées (HILTON,

MAST (1995) soutient que le développement des instru-ments de mesure sur l’incertitude a suivi les principesde la théorie traditionnelle de la mesure. COLLINS(1991) démontre que celle-ci n’est pas appropriée pourévaluer des concepts dynamiques. Les instruments dé-veloppés ainsi ne sont pas sensibles à la variabilitéintra-individuelle recherchée lors d’études longitudina-les « ipsatives ». COLLINS (1991) propose des modèlesde développement d’instrument de mesure qui tiennentcompte d’un processus dynamique : le modèle Longi-tudinal Guttman simplex pour des processus cumulatifset irréversibles et le modèle de transition latente LatentTransition Analysis, pour des processus qui présententdes étapes de transition bien définies. Ces modèles nepeuvent donc pas s’appliquer au développement d’uninstrument pour mesurer l’incertitude comme proces-sus imprévisible tant dans son déroulement que sadirection.

Une réflexion s’impose quant à la cohérence de cesinstruments avec les définitions qui découlent du para-digme de la transformation. Le développement psycho-métrique d’instruments plus adaptés à ces définitionsest donc souhaitable pour le futur (MAST, 1995).

On ne peut que constater que les chercheuses infirmièresqui partagent les croyances ancrées dans le réalisme,sont confrontées à plusieurs problèmes pour évaluer leconcept de l’incertitude. BOURDIEU (1987) nous in-vite à appréhender le monde de différentes perspecti-ves afin d’en apprécier ses multiples dimensions.

L’ÉPISTÉMOLOGIE CONSTRUCTIVISTE

Les croyances des chercheuses infirmières constructi-vistes sont ancrées dans une perspective où la connais-sance émerge d’un processus humain continu de cons-truction et de reconstruction (LE MOIGNE, 1995). Tousles phénomènes de la vie sont en continuel change-ment à l’intérieur d’une spirale de temps, d’espace etde forme.

Sous cette perspective, les recherches privilégient lasignification pour la personne de l’incertitude, commeexpérience et des divers facteurs qui y sont liés. Lesrecherches sont effectuées dans un système ouvert,avec le moins de présuppositions possibles, offrantainsi une perspective libre de relations de cause à effet(BAIER, 1995 ; COHEN, 1995a ; 1995b ; HILTON,1992 ; LOWEYS et KLAICH, 1991 ; NYHLIN, 1990).

Des devis longitudinaux, accompagnés de techniquesde recueil de type qualitatif telles que les entretiensnon-directifs répétés, les récits de vie, l’observationparticipante, permettent de capter la nature dynamiquede l’incertitude tout en donnant à la personne I’oppor-tunité de partager son expérience de croissance (ZAH-LIS et SHANDS, 1991). Ces approches font appel à laphénoménologie de l’incertitude et permettent d’accé-der à un corps de valeurs qui sous-tend les opinions, lesperceptions et les actions des personnes.

La perspective constructiviste reconnaît I’imprédictibi-lité des approches de recherche et accepte la multipli-cité des résultats. Chaque résultat est évalué selon sonpropre mérite et non pas en fonction de son exactitudeen regard de mesures formelles et statistiques de validi-té (LE MOIGNE, 1995). Pour ce faire, des critères diffé-rents sont utilisés afin d’assurer une rigueur aux étudestelles que la crédibilité (SANDELOWSKI, 19931, la con-

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firmation (LEININGER, 19941, la saturation (POUR-TOIS, 1989) et la réflexivité (CHAPOULIE, 1993).

Plusieurs critiques sont adressées à la démarche quali-tative. HUBERMAN et MILES (1983) se questionnent àsavoir, comment réduire les données qualitatives sansprovoquer une simplification exagérée. Par ailleurs, leproblème de généralisation des informations est inéluc-tablement présent ainsi que le défi de dépasser le stadedu particularisme (MORSE et FIELD, 1995). SelonBRINK et WOOD (19891, l’impossibilité pour un autrechercheur de répéter les mêmes questions et de rece-voir les mêmes réponses menacent la transférabilité desrésultats. Le postulat d’interprétation subjective sous-jacent à la démarche qualitative, renvoie au système devaleurs particulier du chercheur pouvant conduire àdes conclusions biaisées. Sous cette perspective, lechercheur doit être doublement conscient de sa propreperspective culturelle et développer une sensibil ité àses valeurs et à ses croyances tout comme celles quisous-tendent les théories actuelles sur l’incertitude(MORSE et FIELD, 1995).

VERS UNE ARTICULATION

Les recherches n’utilisant à ce jour que des mesuresquantitatives, ne peuvent décrire les perceptions et lessignifications complexes, individuelles et dépendantesdu contexte, de l’incertitude dans l’expérience de san-té. Chaque approche prise isolément, présente des fai-blesses.

Selon PACKARD et POLIFRONI (19911, les phénomènescomplexes de notre discipline ne peuvent être évaluésselon une seule perspective. DUFFY (1987) et PORTER(1989) affirment que même si chaque perspective épis-témologique offre une compréhension unique, I’utilisa-tion concurrente des méthodes qualitatives et quantita-tives peut pallier l’inévitable mutilation qu’engendrentl’une ou l’autre approche. A titre d’exemple, des thè-mes qui se dégagent de la phénoménologie sont soumisà des analyses factorielles (HILTON, 1994). Le proces-sus de théorisation ancrée génère des théories sur I’in-certitude (COHEN, 1993, 1995) pouvant être utiliséespar la suite en recherche quantitative comme cadre deréférence.

La triangulation méthodologique est de plus en plusune stratégie privilégiée par plusieurs chercheuses con-temporaines, soit pour donner un contexte à une étudequantitative, soit pour expliquer des résultats inatten-dus (MORSE et FIELD, 1995). En effet, l’utilisationd’instruments de mesure de l’incertitude adaptés aux

nouvelles définitions théoriques de ce concept, asso-ciée à des entrevues et de l’observation, permettraientainsi une dialectique entre l’incertitude comme « faitconcret » et la subjectivité de la personne qui vit I’in-certitude.

UTILITÉ POUR LA DISCIPLINE

DONALDSON (1978) affirme que la discipline infir-mière s’intéresse aux processus qui favorisent des chan-gements positifs pour la personne dans l’expérience desanté. L’évolution des conceptualisations de I’incerti-tude confirme donc l’importance pour l’infirmièred’étudier ce concept multidimensionnel.

Selon MELEIS (19911, l’expérience de transition est aucœur de la discipline infirmière. Lorsque l’infirmièreconçoit l’incertitude comme un contexte et un proces-sus lors d’une transition, elle peut en faciliter I’expé-rience en soutenant les changements inhérents à lacroissance, au développement et aux différentes crisesde la vie tout en tenant compte de la façon unique qu’achaque personne de vivre ces transitions (SELDER,1989).

RODGERS (1989) et DONALDSON (1995) soutiennentqu’un concept significatif sera utilisé fréquemment etfacilitera ainsi des changements au niveau de la prati-que. MAST (1995) démontre l’intérêt grandissant deschercheuses infirmières pour comprendre l’expériencede l’incertitude auprès de différentes populations etdéfinir le soin qui en facilite l’expression.

Les domaines de la formation, de la pratique ainsi quede la recherche infirmières pourraient contribuer àcréer des contextes favorables à l’émergence d’un soinqui reconnaît l’incertitude comme une expérience decroissance.

LA PRATIQUE

II importe que l’infirmière reconnaisse la culture de sonmilieu de travail qui reflète le plus souvent des valeursde certitude et de prévisibilité à la base de la perfor-mance, valeurs faisant obstacle à l’adoption par lepersonnel infirmier d’une pensée probabiliste néces-saire à l’expression de l’incertitude (MISHEL, 1990a).

La connaissance de l’influence de l’incertitude sur laqualité de vie des personnes renforce l’importancepour les infirmières de développer leurs capacités à

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travailler en partenariat avec les familles, les autresprofessionnels de la santé et avec les différentes res-sources communautaires (MELE& 1992).

Dans un contexte de réforme des services de santé oùl’organisation des soins est repensée, l’infirmière repré-sente la personne désignée pour redéfinir le soin quisoutient, facilite et renforce le potentiel de chaque per-sonne (OMS, 1978 ; BENNER et WRUBEL, 1989). Lareconnaissance du caractère dynamique et imprévisiblede l’incertitude et de ses conséquences ne peut questimuler les infirmières gestionnaires à assurer une qualitéde soin basée sur la continuité, la présence à l’autre etl’accompagnement dans les expériences de santé. L’orga-nisation du travail de l’infirmière doit ainsi faciliter sonrôle catalyseur pour créer les conditions externes et inter-nes qui soutiennent la croissance individuelle vers unenouvelle façon « d’être dans le monde » lors des périodesd’incertitude (MISHEL, 1990).

RECHERCHE

MELEIS (1991) soutient que la recherche doit viser unemeilleure compréhension de l’expérience humainedans l’interaction de soin surtout lors de transition.Ainsi, des recherches d’intervention auprès des person-nes vivant différentes expériences de santé viendraientenrichir la connaissance des caractéristiques du soinqui facilite et renforce la capacité de la personne àcroire au pouvoir de l’incertitude, pour dégager unesignification de leur expérience vécue.

L’incertitude étant à la fois socialement partagée etbiographiquement unique (COHEN, 19931, des recher-ches transculturelles auprès des différentes communau-tés ethniques de notre pays permettraient de dégagerdes théories sur les diverses significations de I’incetti-tude, définir un soin qui soit adapté culturellement(LEININGER, 1991) et répondre ainsi à notre engage-ment social (MELEIS, 1992 ; GREENE, 1994).

LA FORMATION

L’incertitude fait appel à un soin qui dépasse la promo-tion, la prévention et la restauration de la santé. L’en-seignement de ce soin qui accorde une importance

particulière aux processus, aux transitions pour faciliterla croissance individuelle est à la base de l’école ducaring qui influence déjà la formation initiale des infir-mières dans plusieurs universités.

L’enseignement d’un soin, qui non seulement acceptel’incertitude, mais l’utilise comme une force positivechez la personne, en encourageant le développementd’un nouveau sens à sa vie, fait appel à un ensemble devaleurs qui orientent actuellement la formation infir-mière. Ainsi l’importance accordée à la personne, àl’environnement, aux processus, aux interactions, auxtransitions, au renforcement du potentiel (empower-ment), à la collaboration et à la simultanéité se situe aucœur de l’enseignement (KÉROUAC et a/., 1994).

Le concept de l’incertitude est donc utile pour enrichirla science infirmière.

CONCLUSION

La description des diverses conceptualisations de I’in-certitude selon les courants de pensée qui ont influencéle développement de la discipline infirmière, permet desuivre l’évolution de ce concept. Les premières con-ceptualisations offraient une vision statique linéaire oùl’incertitude était définie comme un stresseur, un étatcognitif ou perceptuel sur un continuum. Les concep-tualisations qui ont suivi, mettent davantage l’accentsur le processus dynamique de l’incertitude lors d’uneexpérience de transition. Ces dernières conceptualisa-tions reflètent un passage du paradigme de l’intégrationvers le paradigme de la transformation.

L’évolution de la conceptualisation de l’incertitude ap-porte un dilemme quant au choix pour évaluer ceconcept. Malgré les différentes méthodes de recher-ches util isées à ce jour, soit quantitatives, soit qualita-tives, une perspective d’articulation ou d’interpénétra-tion des données objectives et subjectives est à notreavis importante pour construire une connaissance re-nouvelée de l’incertitude.

Les connaissances infirmières sur l’incertitude favori-sent l’accompagnement de la personne dans son pro-cessus de croissance en regard d’expériences de santéet c’est ainsi que nous pouvons affirmer que l’étude dece concept est sans contredit utile pour l’infirmière, lespersonnes, les familles et les soignants naturels.

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