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Résistance à la fatigue de l’alliage AlSi10Mg élaboré par voie additive J. DOMFANG NGNEKOU a,b , G. HENAFF a , Y. NADOT a , J. NICOLAI a , L. RIDOSZ b a Institut Pprime, Département de Mécanique et Physique des Matériaux b Zodiac Aerospace Résumé Dans cette étude il est question d’évaluer le comportement mécanique de l’alliage AlSi10Mg élaboré fusion laser de lit de poudre. Nous allons premièrement montrer l’influence d’un traitement thermique sur la microstructure du matériau. Ensuite vient l’étape de l’évaluation des propriétés mécaniques en traction monotone et en fatigue (R=-1). Les présents travaux ont permis de montrer d’une part les effets d’anisotropie de fabrication, mais aussi les effets d’un traitement thermique combiné à un traitement de compaction isostatique à chaud. Le diagramme de Kitagawa en fin d’étude permet de montrer le rôle de la taille des défauts sur la limite de fatigue. Introduction Dans le cas de cette étude il est question du procédé SLM [1]. Une fois le fichier de la pièce préparé en CAO, la phase de production effective consiste à déposer successivement un lit de poudre de quelques dizaines de microns sur un plateau préchauffé ou non ; chacun des lits subi une fusion par un faisceau Laser dans un environnement contrôlé, avec une stratégie de balayage. Les paramètres du procédé non fournis dans cet article doivent être maitrisés [2] en vue d’assurer une bonne santé métallurgique et une bonne tenue mécanique [3,4] des pièces. Les contraintes résiduelles induites, la présence de porosités gazeuses, ou l’état de surface sont autant de paramètres susceptibles d’affecter la tenue en fatigue et qui de fait implique généralement des traitements complémentaires. Comparativement à la fonderie qui génère des microstructures relativement grossières avec des grains équiaxes de l’ordre du millimètre et une SDAS (Secondary Distance Arm Spacing) de quelques dizaines de microns [5], le procédé SLM génère une microstructure plus fine et fortement texturée sur les plans morphologiques et cristallographiques [6], ce qui impactera sans doute la résistance à la fatigue. Protocole expérimental Le matériau a été fourni sous forme de barreaux cylindriques. Pour évaluer les effets d’anisotropie, les barreaux ont été fabriqués suivant deux directions de croissance : XY pour une croissance dans le plan du plateau et Z hors plan (figure 1). Les observations ont été faites en microscopie optique, avec et sans attaque chimique. Pour les essais mécaniques de traction monotone et fatigue, les éprouvettes d’étude ont été prélevées des barreaux par tournage fin. La gamme d’usinage est la même pour toutes les éprouvettes, et toutes ont une rugosité arithmétique inférieure à 0.8. Aucun polissage n’a été effectué. Les essais de traction ont été conduits à une vitesse de 0.2mm/min, à température ambiante. Les déformations ont été mesurées par un extensomètre. Tous les essais de fatigue ont été menés à température ambiante, sur une machine vibrante pilotée en force, à une fréquence de 82Hz. Les faciès de rupture ont été observés au MEB pour déterminer la taille des défauts à l’origine de la rupture par fatigue. Ces tailles ont été caractérisées par la racine de l’aire projetée dans le plan perpendiculaire à la direction de sollicitation, d’après le paramètre de Murakami [7]. Afin de comprendre l’influence de la taille des défauts sur la limite de fatigue, les diagrammes de Kitagawa (figure 5) ont été tracés pour les éprouvettes XY et Z. Pour compléter les diagrammes, des défauts artificiels ont été usinés par électroérosion. Figure 1: (a) barreaux (XY et Z), (b) éprouvette de tests Résultats et discussion Figure 2: microstructure suivant 3 plans de coupe. Les observations de microstructure permettent de révéler une microstructure constituée de cinq échelles : (1) Les melt-pools ou zones fondues qui résultent des passages du faisceau laser et qui ont disparu après traitement thermique (figure 2b); (2) les défauts de manque de matière qui se traduisent par de la porosité ; (3) cellules-α ou DAS qui résultent de la solidification du matériau fondu; (4) les précipités de silicium qui sont beaucoup plus nombreux après un traitement thermique (figure 2 b). La présence de ces précipités dans le plan (XZ) à l’état brut de fabrication

J. DOMFANG NGNEKOU a,b G. HENAFF , Y. NADOT … · b Zodiac Aerospace Résumé Dans cette étude il est question d’évaluer le comportement mécanique de l’alliage AlSi10Mg élaboré

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Résistance à la fatigue de l’alliage AlSi10Mg élaboré par voie additive

J. DOMFANG NGNEKOU a,b

,

G. HENAFFa, Y. NADOT

a, J. NICOLAI

a , L.

RIDOSZb

a Institut Pprime, Département de Mécanique et Physique des Matériaux

b Zodiac Aerospace

Résumé

Dans cette étude il est question d’évaluer le

comportement mécanique de l’alliage AlSi10Mg élaboré

fusion laser de lit de poudre. Nous allons premièrement

montrer l’influence d’un traitement thermique sur la

microstructure du matériau. Ensuite vient l’étape de

l’évaluation des propriétés mécaniques en traction

monotone et en fatigue (R=-1). Les présents travaux ont

permis de montrer d’une part les effets d’anisotropie de

fabrication, mais aussi les effets d’un traitement thermique

combiné à un traitement de compaction isostatique à

chaud. Le diagramme de Kitagawa en fin d’étude permet

de montrer le rôle de la taille des défauts sur la limite de

fatigue.

Introduction

Dans le cas de cette étude il est question du procédé

SLM [1]. Une fois le fichier de la pièce préparé en CAO,

la phase de production effective consiste à déposer

successivement un lit de poudre de quelques dizaines de

microns sur un plateau préchauffé ou non ; chacun des lits

subi une fusion par un faisceau Laser dans un

environnement contrôlé, avec une stratégie de balayage.

Les paramètres du procédé non fournis dans cet article

doivent être maitrisés [2] en vue d’assurer une bonne santé

métallurgique et une bonne tenue mécanique [3,4] des

pièces. Les contraintes résiduelles induites, la présence de

porosités gazeuses, ou l’état de surface sont autant de

paramètres susceptibles d’affecter la tenue en fatigue et qui

de fait implique généralement des traitements

complémentaires. Comparativement à la fonderie qui

génère des microstructures relativement grossières avec

des grains équiaxes de l’ordre du millimètre et une SDAS

(Secondary Distance Arm Spacing) de quelques dizaines

de microns [5], le procédé SLM génère une microstructure

plus fine et fortement texturée sur les plans

morphologiques et cristallographiques [6], ce qui

impactera sans doute la résistance à la fatigue.

Protocole expérimental

Le matériau a été fourni sous forme de barreaux

cylindriques. Pour évaluer les effets d’anisotropie, les

barreaux ont été fabriqués suivant deux directions de

croissance : XY pour une croissance dans le plan du

plateau et Z hors plan (figure 1). Les observations ont été

faites en microscopie optique, avec et sans attaque

chimique. Pour les essais mécaniques de traction

monotone et fatigue, les éprouvettes d’étude ont été

prélevées des barreaux par tournage fin. La gamme

d’usinage est la même pour toutes les éprouvettes, et toutes

ont une rugosité arithmétique inférieure à 0.8. Aucun

polissage n’a été effectué. Les essais de traction ont été

conduits à une vitesse de 0.2mm/min, à température

ambiante. Les déformations ont été mesurées par un

extensomètre. Tous les essais de fatigue ont été menés à

température ambiante, sur une machine vibrante pilotée en

force, à une fréquence de 82Hz. Les faciès de rupture ont

été observés au MEB pour déterminer la taille des défauts

à l’origine de la rupture par fatigue. Ces tailles ont été

caractérisées par la racine de l’aire projetée dans le plan

perpendiculaire à la direction de sollicitation, d’après le

paramètre de Murakami [7]. Afin de comprendre

l’influence de la taille des défauts sur la limite de fatigue,

les diagrammes de Kitagawa (figure 5) ont été tracés pour

les éprouvettes XY et Z. Pour compléter les diagrammes,

des défauts artificiels ont été usinés par électroérosion.

Figure 1: (a) barreaux (XY et Z), (b) éprouvette de tests

Résultats et discussion

Figure 2: microstructure suivant 3 plans de coupe.

Les observations de microstructure permettent de révéler

une microstructure constituée de cinq échelles : (1) Les

melt-pools ou zones fondues qui résultent des passages du

faisceau laser et qui ont disparu après traitement thermique

(figure 2b); (2) les défauts de manque de matière qui se

traduisent par de la porosité ; (3) cellules-α ou DAS qui

résultent de la solidification du matériau fondu; (4) les

précipités de silicium qui sont beaucoup plus nombreux

après un traitement thermique (figure 2 b). La présence de

ces précipités dans le plan (XZ) à l’état brut de fabrication

est le résultat des cycles thermiques que subit la pièce au

cours de la fabrication ; (5) en fin les grains au sens

cristallographique, fortement anisotropes et qui croissent

en épitaxie vers le centre des melt-pools, ces derniers

peuvent croitre au travers plusieurs couches [6].

Propriétés mécaniques

Figure 3: traction monotone

A l’état brut de fabrication, on observe sur la figure 3 un

léger effet d’anisotropie sur la résistance mécanique et la

ductilité. Les récents travaux de Kempen et al attribuent

l’augmentation de la ductilité pour des éprouvettes Z au

taux de porosité plus important que dans le cas

d’éprouvettes XY [5].

Après traitement thermique, on note également une

augmentation de la ductilité. Par ailleurs nous avons noté

une redistribution homogène du silicium dans la matrice

d’aluminium qui peut être la cause de ce gain de ductilité.

En effet, lors du traitement thermique, il peut se former des

précipités métastables du précipité Mg2Si qui ont tendance

à bloquer le mouvement des dislocation augmentant ainsi

la ductilité de l’alliage[7]. Cependant on note également

que le traitement thermique engendre une dispersion des

résultats en résistance mécanique et en limite d’élasticité.

En revanche, le fait de réaliser un traitement de

compaction isostatique à chaud suivi du même traitement

thermique, permet d’augmenter légèrement la limite

d’élasticité et la résistance mécanique mais on note une

légère diminution de la ductilité par rapport aux

éprouvettes n’ayant subi que le traitement thermique. La

ductilité n’est donc pas pilotée que par la porosité mais

aussi par la microstructure.

Figure 4: essais de fatigue à R=-1

A l’état brut de fabrication il n’y a pas d’effet

d’anisotropie sur la limite de fatigue. La dispersion des

résultats après traitement thermique est de nouveau

observée figure 4. En revanche on note une légère

amélioration de la résistance à la fatigue quel que soit le

type d’éprouvettes. De même, la figure 4 montre

globalement que la diminution de la taille des défauts

s’accompagne d’une meilleure résistance à la fatigue.

Cependant, les diagrammes de Kitagawa en figure 5

permettent d’étudier l’influence de la taille des défauts sur

la limite de fatigue. Vis-à-vis de la limite de fatigue, on

observe pour ce cas de chargement une sensibilité quasi

linéaire du matériau à la taille des porosités.

Figure 5: influence de la taille de porosité sur la limite de fatigue

Conclusions

Dans le cas de l’AlSi10Mg, le procédé SLM conduit à une

microstructure à cinq éléments principaux. Le traitement

thermique appliqué a conduit à gommer les effets

d’anisotropie de la microstructure liée aux trajets des

faisceaux laser (melt-pool), il s’en est également suivi une

redistribution plus homogène des précipités de silicium

dans la matrice d’aluminium. La température de l’enceinte

de fabrication est donc un paramètre important à optimiser.

En traction monotone le traitement thermique et la

compaction isostatique à chaud, ont permis de montrer que

la ductilité n’est pas uniquement pilotée par le taux de

porosité. Pour ce qui est de la fatigue, nous avons montré

que la taille des défauts est un paramètre à optimiser lors

du procédé de fabrication, pour améliorer la résistance à la

fatigue.

Références

[1]: Chee Kai Chua & Kah Fai Leong, 3d printing and

additive manufacturing: principles and applications, World

Scientific, 2015 4th

edition.

[2]: Nesma T. Aboulkhaira,Reducing porosity in

AlSi10Mg parts processed by selective laser melting,

Additive Manufacturing 1–4 (2014) 77–86.

[3]: K. Kempen et al, Mechanical properties of AlSi10Mg

produced by Selective Laser Melting, LANE 2012,

Physics Procedia 39 ( 2012 ) 439 – 446.

[4]: A. Mauduit et al, Application study of AlSi10Mg alloy

by selective laser melting: physical and mechanical

properties, microstructure, heat treatments and

manufacturing of aluminium metallic matrix composite

(MMC), Metall. Res. Technol. Volume 112, N°6, 2015

[5]:M. Iben Houria et al, Influence of casting defect and

SDAS on the multiaxial fatigue behavior of A356-T6 alloy

including mean stress effect, International Journal of

Fatigue 80 (2015) 90–102.

[6]: Lore Thijs et al, Fine-structured aluminium products

with controllable texture by selective laser melting of pre-

alloyed AlSi10Mg powder, Acta Materialia 61 (2013)

1809–1819.

[7]: Y. Murakami and M. Endo, «Effects of defects,

inclusions and inhomogeneities on Fatigue strength,"

International Journal of Fatigue, vol. 16, pp. 163-182,

1994.