62

Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,
Page 2: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,
Page 3: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,
Page 4: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

RejoignezlesEditionsAddictivessurlesréseauxsociauxettenez-vousaucourantdessortiesetdesdernièresnouveautés!

Facebook:cliquez-ici

Twitter:@ed_addictives

Page 5: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Egalementdisponible:

Mavie,mesrêvesetlui

Dèsqu’ils’agitdesentiments,JuneSachsestunegrandeempotée!Ellenepossèdepaslemoded’emploiluipermettantdedécoderlesintentionsdesautres.RaphaëlWarrenestsûrdelui,trèssûrdelui…etheureusement,carilvadevoirl’êtrepourdeux!

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Page 6: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Egalementdisponible:

Encore!

Mia tient le courrier du cœur au sein d’une célèbre radio de Seattle, écoutant, conseillant,rassurantsanscesselescœursmaladesquil’appellentsouventtarddanslanuit.Maisseulederrièresonmicro,lecœurbriséparunerelationquis’estmalterminée,lajeunefemmenecroitplusenl’amour,ellepourtantsiapteàenparlerauxautres…Par le plus grand des hasards, son chemin va croiser celui de Harry Bannister, milliardairerécemmentéluHommedel’année.Pragmatique,controlfreak,solitaire,Harryesttoutsoncontraire.Etpourtant,ilsvontdécouvrirensemblequelaviepeutêtrebienplusdouceetdrôleàdeux!

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Page 7: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Egalementdisponible:

Moninconnu,monmariageetmoi

GraceestàLasVegaspourassisteràunmariage.Aprèsunesoiréebienarrosée,elleseretrouveaumatinmariéeàCaleb,unhommerencontrélaveille,sansavoiraucunsouvenirdelacérémonie.Ilestcharmant,ceCaleb,ilestmêmecarrémentcanon,etenplusilesttrèsriche,maissemarier,cen’étaitpasdutoutdanslesprojetsdeGrace.Saliberté,elleytient.Lehic,c’estquesoncherépoux,dontellenesaitrien,nesemblepasdécidéàaccepterl’annulationdeleurmariage…

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Page 8: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Egalementdisponible:

Désirsetdésastres

Lunaire,attachanteetimprévisible,ElenaLavignevitl’unedespiresjournéesdesavie.Envingt-quatreheures,cettejeuneétudianteenartestrefouléedelagalerieoùellevientprésentersesœuvreset se retrouve à jouer les naturistes en plein gala dans un palace.C’est la catastrophe ! Jusqu’à cequ’ellecroiselarouted’unséduisantinconnuensetrompantdevestiaire.Leproblème?Elleestensoutien-gorge,luiensmoking.Cequin’empêchepaslecoupdefoudre…

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Page 9: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Egalementdisponible:

Prétentieux,insolent,maisirrésistible

Elleestambitieuse,loyale,drôle;ilestsexy,brillant,protecteur.Entiers,àfleurdepeau,touslesdeux ont une volonté d'acier… que les sentiments viennent mettent à mal. Et quand le passé lesrattrape, l’avenir de leur histoire d’amour est plus qu’incertain. Trahisons, jalousies, coups dudestin…Lapassionpourra-t-elletriompherdetout?

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Page 10: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

EmmaGreen

Page 11: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

JEUXINTERDITS

Volume1

Page 12: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

1.Commesic’étaitunétécommelesautres

–Allô?

–C’estqui?soufflelavoixmasculinequimefaitpresquesursauter.

–Tiens,jet’avaisoublié,toi!mens-jeàmoitié.

–C’estqui?répète-t-ilenfaisantsemblantdem’avoiroubliéeaussi.

–Devine!soupiré-je,excédée.

– Liv Sawyer, tu as peut-être encore l’âge de jouer aux devinettes, mais j’ai eu 18 ans il y alongtemps,moi.Grandisunpeu!

–Super,ironisé-jeavecunfauxsourire.TristanQuinn,jetedécernelamédailledumecquiasixmoisdeplus,mêmes’iln’aabsolumentrienfaitpourça.Etquisecroittellementsupérieuretmaturequ’ilnepeutpass’empêcherderappeleràlaterreentièrequec’estunhomme,maintenant!

–Depuisquandtueslaterreentière,toi?relance-t-ilsuruntonprovocateur.T’étaisaussichiantemaisbienmoinsprétentieuseladernièrefoisquejet’aivue.

–C’estbon,paslapeinedemerappelercesatrocessouvenirsdecohabitationforcée…Qu’est-cequetuveux?

–Fairemumuseavecmademi-sœurjusqu’àcequ’elleaitenviedemeraccrocheraunez,ricane-t-ilauboutdufil.

–Arrêtedem’appelercommeça.Jenesuisriendutoutpourtoietjetelaissecinqsecondespourprononceruntrucintelligentousimplementutileavantderaccrocher.Cinq…,quatre…,trois…

–Disjusteàmamèrequejerentre!Àtout’,Sawyer!

Faischier.

Nonseulementilaraccrochéavantmoi.Nonseulementilm’aappeléparmonnomdefamilleetjedétesteça.Maissurtout,jen’avaispasprévuqu’ilseraitderetoursitôt.Lesvacancesd’étéviennentjuste de commencer et j’espérais que, dans son pensionnat pour gosses de riches ingérables, ilsauraientcoursunpeuplus longtempsquenous.Bizarre,onn’apasentenduparlerdesaremisedediplôme. Ou alors sa formidablemère n’a pas daigné y aller. Ou alors Tristan a encore fait sonrebelleetrefuséd’yparticiper.Ceseraitbiensongenre.Pourtant,j’auraisbienaimépouvoirmontreràtouslescopainsdulycée–dontils’estfaitvirer–unephotodeluisousunelonguetogenoireetunchapeauridicule.Pasdebicepsdessinés,pasdepeaubronzée,nidecoupedecheveuxparfaitementnégligée.ExitTristanQuinn,lemecpopulaire,l’élèvedissipécraintparlesprofs,lebadboyquifaitrêver les petites filles sages. Qu’est-ce que j’aurais aimé le voir déguisé en premier de la classefraîchement diplômé et, pour une fois, noyé dans la foule au lieu d’écraser tout lemonde.Ouais,j’auraispayécherpourvoirça.Maislà,suruneéchelledeunàdix,monenviedelevoir,lui,estàpeuprèsàmoinsdeux.

–C’étaitqui?medemandelepetitHarrisonquiaccourtentraînantsondoudouderrièrelui,un

Page 13: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

alligatorvertetblancenpeluche,toutmouettoutusé,dontilmâchouillesanscesselapatteavant.

–Tonfrère,réponds-jeensoupirant.

Correction:tonimbéciledefrère.Toninsupportablefrèrequiseprendpourleroidumondeetlebeaugossedelaville,quetuadmiresjusteparcequetuas3ansetquetuvoudraisluiressemblerplustardalorsqueceseraitcequipourraitt’arriverdepiredanslavie.

–Titan!hurlelebonhommeenouvrantgrandsesdeuxbillesbleuesetensemettantàcourirenrond,sesbrasétenduscommelesailesd’unavion.

Jesuiscenséelesurveiller,maisHarryn’apascessédefairel’aviondepuisdixbonnesminutes,enfaisantvolerAlfred l’alligatordans lesairs.Aupremierbruitenprovenancededehors, ilvientcollersonfront–etsacharmantecoupeaubol–contrelafenêtredusalonpourguettersongrandfrèreadoré.

–Maman,Titanestlà!semet-ilfinalementàcrierenreprenantsonvolplané.

Jesursauteànouveau.Des«toc!toc!»fracassantscontrelaported’entrée.Pasencorelàmaisdéjàtellementagaçant:c’estduTristanQuinntoutcraché.Jecrèvedechauddansmonjeanquej’aienfiléàlaplacedemonshortpournepasluilaisserlachancederegardermesjambesnuesavecsonairmi-amusémi-indifférent. Et entre-temps, je suis passée àmoins dix sur l’échelle de « j’ai pasenviedevoirsonsourirearrogant,safossettequetoutlemondetrouvecraquante,samècherebellequi retombeparfaitement sur son regard tropbleupourêtrehonnête,pasenvied’entendre savoixplusgravequecelledetouslesgarsdesonâge,dontilfaitsemblantdenepasêtrefier,pasenviedeliredanssonregardprovocateurqu’iladoremechercherjustepourleplaisirdemetrouver,etparcequ’ilsaittrèsbienqu’ilvayarriver».

Pasenvie,pasenvie,pasenvie!

EnviedefaireuncapriceenmeroulantparterrecommeHarryquandiln’apascequ’ilveut.

Justeaveclesgrosmotsenplus.Faischier,faischier,faischier!

–Jesuisoccupée,chéri!répondlamèredupetitgarçondeuxheuresplustard,depuissonbureaubienfermé.Etnecriepascommeça,j’aibesoindemeconcentrer!EtessaiedeprononcerTristancorrectement,Harry,tonorthophonistetel’arépétémillefois.Retire-moicedoudoudetabouche!EtdemandeàLivd’allerouvrirlaporte,jet’aidéjàditdenepasouvrirquandtunesaispasquiestlà.

Maispuisqu’ilvientdevoirsonfrèreparlafenêtre!

JecroisqueSiennaLombardiestlapersonnelaplusstupidequejeconnaisse–justederrièresonfilsaîné.Heureusementqu’elleachoisidegardersonnomdejeunefilleaulieudeprendreceluidemonpèrequandilssesontmariés.Aumoins,elleneportepaslemêmenomquelemien.«Fièredemesoriginesitaliennes», tuparles!Jesuissûrequec’estsaportedesortie.Elleenestdéjààsondeuxièmemariageetceseraloind’êtreledernier–s’ilvousplaît,monDieu,aidez-moiàmesortirdelà.Bon,ellenedoitpasêtreaussistupidequeçavuqu’elledétientl’hôtelleplusluxueuxdeKeyWestetqu’ilnedésemplitjamais.Maisentoutcas,c’estbienlafemmelapluségoïstequisoit.Ellepartagetoutsontempsentresonpalace,oùellepeuthurlersursesemployéspoursedéfouler,etsonbureau à la maison, où elle exige un silence total, tout en hurlant pour ordonner qu’on la laissetranquille.Etnonseulementellenes’occuped’aucundesesdeuxfils–elleenacaséunenpensionetrefourguel’autreàdesdizainesdenounousetbaby-sitters,moiycompris–maisenplus,lesrares

Page 14: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

foisoùelleestlà,ellenefaitmêmepassemblantd’écoutercequ’ilsdisent.Oudevenirlesaccueillirquand ils rentrent à lamaison après trois annéesd’internat.Est-ceque c’est humainementpossibled’avoirmoinsdecœurqueça?

–Sawyer,jesaisquetueslà,ouvre-moi!lanceTristanquis’impatientederrièrelaporte.

Etmerde…

Savoix.Ellealemêmeeffetsurmoiquesurtouteslesautrespetitesfillessagesoumoinssagesdelaville.Lavoixdutypequial’airunpeuplusvieux.Lavoixdutypesûrdelui,quin’apeurderien,quidonnedesordressanspenserunesecondequ’onpuisseluidésobéir.Lavoixdutypequitesusurrerait lesmots les plus crus dans tes rêves les plus chauds, ceuxque tu ne fais jamaismêmequandtut’endorsenypensanttrèsfort.

–Sawyer,tufousquoi?Tuasenviequ’onjoueauxdevinettes,encore?Parcequejepeuxsansproblèmedevinercommenttueshabillée!annonce-t-ilavecunsouriredanslavoix.

–Essaie toujours, bredouillé-je faute demieux, en retenantHarryqui trépigne et ne comprendrienànotrejeu.

–T’es sans doute alléemettre un jean pourm’empêcher de temater.Ou plutôt pour éviter derougirsijelefais.Ettudoisporterundecesdébardeursinformespourquepersonnenepuissevoirquetun’aspasdeseins.

Faischier…

–Entreettais-toi,lancé-jebrusquementenouvrantlaportepourquelecalvaires’arrête.

Harrisonluisautedessusencriantsonprénom–oucequis’enrapproche–puisilresteaccrochéà sa jambe, en silence. Tristan lui caresse les cheveux, longuement, il glissemille fois ses longsdoigtsdanscettecoupeaubolaffreuseàlaquellesamèretienttant,etquelefrèreaînéprendplaisiràdécoifferchaquefoisqu’ill’asouslamain.

–Salut,finit-ilparmedire,untonplusbas.

Savoixestgravemaissonregardaussi.Jepensaisqu’iljubileraitd’avoirvujustepourmatenue.Àlaplace,ilm’observe,attendmaréaction.Jedétestecetteassurancequiluifaittolérerlesilence.Etmêmeadorertouslesmomentsdemalaisequ’ilestcapabledeprovoquer.Cetenfoiréseraitvraimentbeaus’ilnelesavaitpastant.Jenel’aijamaisditàpersonne,maisjetrouvequ’ilressembleàBradPitt jeune.Enjusteunpeumoinsblond.Mais ila tout lereste.Àlafois«mecmignon»et«mâledominant ». Souriant mais mystérieux quand même. Qui se la joue cool mais qui peut devenirimpitoyablesansqu’ons’yattende.Uninsupportablemélangedesex-symboletdebadboy.

Arrêtederéfléchiretparle!

–J’aidit«Salut»,insiste-t-ilpourmefaireréagirenplissantsesyeuxbleusimpatients.

–C’estbien,quelqu’unaenfinréussiàt’apprendrelapolitesse,essayé-jedelepiquerauvifpourqu’ilarrêtedemedévisageràcepoint-là.

–Toi,tonpèrenet’atoujourspasapprisàt’habillerentoutcas…Tuesaucourantqu’onestenFloride,ici?PasàParis?PersonneneportedejeanaumoisdejuilletdanslesKeys,semarre-t-ilencontinuantàm’étudier,dehautenbas.

Page 15: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Tonpetitcoursdegéoestvraimenthyperintéressant,rétorqué-jedétournantlesyeux.Maissitupouvaisentreretfermerlaportederrièretoi,jepourraispeut-êtrereprendremavieetfairecommesitun’étaispaslà.

Il se penche pour souleverHarry dans ses bras, sans cesser deme regarder, et le petit garçons’enrouleautomatiquementautourdeluicommesileursdeuxcorpsconnaissaientcettepositionparcœur:lesjambesdugaminautourdelatailledesonfrère,sesbrasautourducou,sonpetitvisagelové derrière l’épaule de Tristan et Alfred l’alligator pendouillantmollement par la patte fourréedanssabouche.

–Écoute-moibien,frangin,semet-ilàluichuchoterassezfortpourquejel’entende.Siunefillecachesesjambespartrente-deuxdegrésdehors,c’estprincipalementpourdeuxraisons:soitelleaunproblèmed’épilationetelleapeurquetuleremarques,soitelleaunproblèmed’estimeetelleapeurquetulatrouvestropgrosseoutropmaigre.Etdanstouslescas,sielleapeur,c’estquetuluiplais.

–Danstesrêves,Quinn!jeluibalance,prêteàdécamperleplusvitepossible.

–Aufait,Sawyer!lance-t-ilalorsquejecommenceàgrimperlesescaliers.Mercid’êtrevenuem’ouvrirlaporte,jubile-t-ilensortantlesclésdesapocheetenfaisantdanserl’anneauautourdesonindex.

Jem’arrête aumilieu desmarches, sonnée par son audace, tellement irritée par son attitude ettellement frustrée de l’avoir laissé gagner, que je ne peuxplus avancer. Je cherchequelque chose,n’importequoi,àluibalancerenpleinetête.MaisavectouteslesfemmesdeménageembauchéesparSiennapourentretenirsasuperbevilla, iln’ya jamais rienqui traînenullepart. Jemecontentederespirerungrandcoupavantdelâcher,sansmêmeregarderTristan:

–Çafaitcinqminutesquet’eslàetjenepeuxdéjàplustesupporter.Est-cequ’onnepeutpasjustes’ignorerjusqu’àlafindel’été?

–J’allaisteproposerlamêmechose,prononcesavoixgravesuruntonenfinsérieux.Etquandj’ai dit que tu étais ma demi-sœur, tout à l’heure, je plaisantais. On n’est rien l’un pour l’autre,Sawyer.Etjetiensàcequ’onlereste,ajoute-t-ilensefrottantlescheveuxderrièrelecrâne.

–Onestd’accord,acquiescé-jeensoutenantsonregard.

Unmalaisem’envahitetc’estluiquidétournelesyeux,pourunefois,commes’ilétaitprisdelamêmegênequemoi.Jereprendsmamontéedesmarchesetvaism’enfermerdansmachambre.Enfinseule.Enfindébarrasséedecejeanoppressant.Etdecetairsuffocantquiremplitl’atmosphèrechaquefoisquejemetrouvedanslamêmepiècequelui.

Etaujourd’huiplusquetouteslesautresfoisréunies.

DepuistroisansquejedoiscohabiteravecTristanQuinn–quandsamèreetmonpèreonteulabonne idéedesefréquenter,devivreensemblepuisdesemarier–, j’ai toujoursréussiàéviterunmaximumsaprésence.Soitilrestaitaupensionnat,mêmelesweek-ends–sansdoutepourévitersamèrequ’ildétestepresqueautantquemoi–,soitc’estmoiquifuyaislamaisonpourallerm’installerchezmagrand-mère,justeletempsdesvacancesscolaires,quandiln’avaitpasd’autrechoixqu’êtrelà.Maiscettefois,onatouslesdeuxfinilelycée,jen’aiaucuneidéedecequ’ilcomptefairel’annéeprochaineetjenesuispasbeaucoupplusavancéesurmonproprefutur.Avecunpeudechance,j’irai

Page 16: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

àlafac–sijesuispriseàl’unedecellesoùjemesuisinscrite,malgrémondossierplutôtmoyen–etje ne reverrai plus jamais sa gueule d’ange diabolique. Sinon, je trouverai une autre solution. Enattendant,ilnousresteunétéentieràtirer.

Jerepenseàmonexcitation,ilyasixans,quandmonpèrem’aproposédequitterParispournousinstaller à KeyWest, sa ville natale, la toute dernière île de l’archipel des Keys, appartenant à laFloride. Jepensaisy trouverunparadis sur terreetpouvoiréchapperàmapetiteexistencebanale.Mesparentsontdivorcéquandj’avais2ans.Monpère,Américaindenaissanceetdecœur,étaitrestéen France juste pour ne pasm’éloigner demamère, citadine parisienne avec un instinctmaternelinférieur au niveau de la mer. Mais quand j’ai eu 12 ans, elle commemoi avons arrêté de fairesemblantetmonpèreaconsidéréquej’étaisassezgrandepourchoisiroùjevoulaisvivre.Danslapollution,lebruitetlagrisailleparisienne,aumilieude2millionsd’anonymes,pressésetstressés.Ousurunepetite îledusuddesÉtats-Unis,entreCubaetMiami,avecunclimat tropical,deseauxturquoise,20000habitantsquisebaladentprincipalementàvélo,etuneambiancecaribéenne.Faireunchoixm’aprisenvironuneseconde.

Mais ce paradis sans nuages n’a duré que trois petites années – j’ai retrouvé ma grand-mèrepaternelleadorée,jemesuisfaitquelquesraresmaistrèsbonsamis,j’aidécouverttouslescoinsetlesrecoinsdeKeyWestetjesuistombéeamoureusedecettenaturesauvage,detouscesanimauxquivivent presque en liberté entre la ville et la plage, de l’ambiance bohême qui règne entre artistes,écrivains, danseurs,musiciens, pêcheurs,marins, écolos et gaysdécomplexésquiont éludomicilesurcetteîlemagique.Puismonpère,agentimmobilierausuccèsflorissant,avenduunevilladeluxeà une certaine Sienna Lombardi, mère d’un garçon de mon âge, tout juste veuve et venantd’accoucher d’un autre bébé.Tout un programme !N’importe quel homme serait parti en courantmaispasmonpère,pasCraigSawyer,quiaunebontéhorsnorme,unevolontésansfailleetquinereculedevantaucunobstaclequelaviemetsursonchemin.

Oui,j’aimeetj’admiremonpère.Etlepire,c’estquejen’aimêmepashontedeledire.

Jenesaispassilecharmedel’Italienneàlafortepersonnalitéaopéréousimonpères’estsentiledevoird’aidercettefemmeenpleindrameàjuste35ans,maistoutestallétrèsviteentreeux.Àmongrand désespoir.Mon père etmoi, qui avions vécu en tête-à-tête depuis toujours ou presque,avonsquitténotremaisonpournous installerdanscette immensevillavictorienneà la façadebleupastel,avecassezdechambresetdesallesdebainspournoustous.Etmêmeunepiscine.Maisaulieude former la jolie famille recomposée qu’on vous montre dans les comédies romantiqueshollywoodiennes,noussommesrestésdeuxclansvivantsouslemêmetoit, lesSawyerd’uncôtéetlesQuinn-Lombardide l’autre–mêmesimachambre jouxtaitcelledeTristan,onn’a jamais rienpartagéd’autrequ’unmurmitoyen.

JecroisqueSiennaestincapabledevivreseule,sanshommedanssavie,maisellenesereposepaspourautantsurlui.Elleetmonpèresontplutôtindépendants–etdegrosbosseurstouslesdeux,cequifaitqu’ilsnesevoientfinalementpastrèssouvent.ElleneluiaentoutcasjamaisdemandédejouerlespèrespourHarry,quin’apourtantjamaisconnulesien.Toutlemondeestdoncrestébienàsaplace:marietfemme,belle-mèreetbelle-fille,beau-pèreetbeaux-fils.

ToutecettehistoireauraitpresquepubientournersiTristanetmoin’avionspasunerelationsiconflictuelle,dèslejouroùl’ons’estrencontrés.Depuistroisansqu’onsecôtoiemalgrénous,nosraresdiscussionscommencenttoujoursparunepiqueetfinissentforcémentsurunedispute.Leseul

Page 17: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

faitdese retrouveraumêmemomentaumêmeendroitproduitde l’électricité.SiDieuavaitvoulunousfaireunebonneblague,iln’auraitpaspunouscréeraussidifférents.Luiestbruyant,sociable,séducteur,extraverti,looké,sportif,enjoué,créatifetinarrêtable.Enunmot,pénible.Ilsetrouvequej’aimelesilence,lasolitude,lanatureetlecalme.Quejemefouspasmaldesgarçons,desfêtes,desfringues, de lamusique et de tout ce qui passionne les autres jeunes.Et ce n’est pas que je fais lagueuletoutletemps,contrairementàcequ’ilaimemereprocher,c’estjustequejenesourispaspourrien.Encoremoinspoursesbeauxyeux.Etcen’estpasquejen’aimepaslesgens,contrairementàcequ’ildit,c’estjustequejeledéteste,lui.

Par exemple, je déteste cequ’il est en trainde faire : jouerde la guitare aumilieudu salon etchanter des idioties pour faire rire son petit frère. Qui en redemande et applaudit. Non, Alfredl’alligatorn’estpasunbonsujetdechanson.Non,Harry lehéronne fait rirepersonne.Etsurtout,non,Livn’estpasunbonnompourunelicorne.Sij’entendscettevoixrauqueetcetairlancinantunesecondedeplus,jevaisfaireunecrisedenerfs.J’enfileunshortencoton,glissemonportableetmesclésdansmonmini-sacenbandoulière,gardemessandalesàlamainpournepasfairedebruitdansl’escalieretj’essaiedem’extirperdelamaisonsansmefaireremarquer.

Àlapremièremarche,toutenhaut,Tristanlèvelesyeuxversmoietinterromptsacomptinepourchangerlesparoles:

–Çayest,Livs’estdécidée,Livs’estépilée,chante-t-iltoujourssurlemêmeair,avecunsourirenarquoisenplusdanslavoix.

–Ferme-la,Quinn ! dis-je en lui balançant par réflexe une demes chaussures tout en dévalantl’escalier.

D’ungestesouple,à lafoisprécisetnonchalant,TristanlèvesaguitaredevantsonvisagepourarrêterleprojectileetHarrisonritdeplusbelle.

Dommage,j’avaisbienvisé…

Aumoins,lamusiques’estarrêtée.

Etmerde,jen’aiplusqu’uneseulesandale!

Je lui balance la deuxième, par principe, et vaisme réfugier dans l’entrée pendant que Siennahurledepuissonbureau:

–Cen’estpasbientôt fini, toutcechahut?Liv, j’espèrepour toiqu’Harrisonn’a riencassédeprécieux.

J’ouvre la porte de lamaison pour fuir avant quemes nerfs lâchent, attrape sans réfléchir lestennisdeTristan,qu’ilalaisséestraînerlà,lesenfileencourantàcloche-pied,réalisequ’ilchaussedu42,5etmoidu39,resserrerapidementleslacetsàl’abridesregardspuisreprendsmacoursedevantlavillapourfranchirleportail.Derrièremoi,j’entendslafenêtredusalons’ouvriretlavoixgraveinsupportablemelancer:

–Joliesjambes,Sawyer!C’estmieuxsansjean!Etsympa,lespompes!

Jenesaispascequim’agaceleplusquandjemeretournepourleregarderetluilancerundoigtd’honneur:sesbrasmusclésetbronzéscroisésderrièresatête,sonclind’œilinsolent,sonsourirefier de lui ou sa fossette que je n’ai pas pum’empêcher de remarquer.Mais la liste de ce quime

Page 18: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

mortifies’allongeencorequandjem’observemoi-même.Jenesaisplussilepireestdeporterdeschaussuresdeuxfoistropgrandesetsûrementridicules,lefaitqueTristanm’aitvuavecsesbasketsàlui,oujustedenepaspouvoircourirpouréchapperàsonregardsurmoi.

Jemarcheleplusvitepossible,sansdirectionprécise,et j’envoieuntextoàmameilleureamiepourluidonnerrendez-vousn’importeoù,oùelleveut,dumomentquec’estsur-le-champetdansunendroit assez peu fréquenté pour que personne ne puisse regarder mes pieds. Je lui aurais biendemandédem’apporterdeschaussuresdignesdecenom,maisellen’estpaschezelleetjen’aipasenvied’attendrequ’ellefassel’aller-retour.Tantpispourmadignitépédestre.

Je retrouveBonnie àDogBeach, une plage rocailleuse et sauvage désertée par les vacanciersmaispriséedespromeneursdechiens–laseuleplageoùilssontacceptés.Depuisqu’onseconnaît,ona l’habitudedevenirs’isoler iciaprès lescours.Ons’assoitdans lesablesecetonobserve leschienscourirprèsdel’eauensedemandantlequelonchoisiraitsinosparentsnouslaissaientenfinenavoirun.

Cequin’estjamaisarrivéetn’arriverajamais.

–Qu’est-cequit’arrive?medemandeBonnieenmeregardantdetravers,decetairoutréqu’elleadoreprendre.

–Rien,j’aicouru,c’esttout,dis-jeencachantmesjouessansdouterougiesparl’effort.

–JeneparlepasdetapeaudeBlanchequinesupporterien,merétorque-t-elleenlevantlesyeuxauciel.

Ahoui,BonnieestNoire.Afro-Américaine,onditici.Elleesttrèsfièredesacouleurmaispasdutoutdesonvraiprénom,Ebony,«noirébène»enfrançais.Elleditquesesparentsauraientaussibienfaitdel’appelerdirectementBlackypourannoncerlacouleur.Etpourquecesoitplusjuste,lesmiensauraientdûchoisirPorcelaine.Bonnieestcapabledemefaireéclaterderireàchaquephrase.EtsiTristanavaitlequartdesonhumour,ilverraitquejesuiscapablededesserrerleslèvrespourautrechosequel’envoyerchier.

– Je voudrais qu’on parle de ce choix de chaussures, s’impatientema copine pendant quemespenséesdivaguent. Je saisque tu adores tonpère etquevousêtesunpeu fusionnels tous lesdeux,maistuasledroitdeportertespropresaffaires,tusais!

–EllessontàTristan.Jeluiaibalancélesmiennesenpleinetête.

–Ah,lesosiedeChaceCrawfordestdéjàrevenu?

Bonnie adore trouver des ressemblances avec des acteurs qu’elle vénère. Et je n’ose pas lacontredireavecmathéoriesurBradPitt…

–Pasqu’unpeu,soupiré-jeenm’étendantenarrièresurlesablechaud.

–Etilesttoujoursaussicanon?m’interroge-t-elleavecunevoixexagérémentsuave.

–Toujoursaussicon,oui!Aveclescheveuxunpeupluslongs.Unsourireunpeuplusirritant.Unepetitefossetteinutiledanslajouegauche.Etsavoixdechanteurdegospelalorsqu’ilinventedescomptinespourHarry.

– Qu’est-ce qu’il chante bien ! admire ma copine, fan de musique. Je sais à quel point tu ledétestes,mais tunepeuxpasdire lecontraire.Tucroisquesongroupeva refairedesconcertscet

Page 19: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

été?Tucroisquejepourraistentermachancepourêtreleurchoriste?s’excite-t-elleencommençantàfairedesvocalisesetàclaquerdesdoigts.

–Tuvauxmieuxqueça,Beyoncé!essayé-jedel’endissuader.Etilfautqu’onsetrouveunvraijobd’été.Jenepeuxpaspasserunejournéedeplusdanscettevilla.

–Jeveuxbien,moi!Sij’aiunaccèsillimitéàlapiscineetunevuedirectesurTristanQuinnenmaillotdebain…

–Arrête,j’aiunhaut-le-cœur!jeluilanceenmerelevantbrusquementpourrevenirenpositionassise.Ilm’énerve,ilm’insupporte,ilm’horripile,répété-jecommeunelitanieenmebalançantversl’avant.

–N’empêchequetuasmissesbaskets,mecoupemacopineenéclatantderire.

–EbonyRobinson,tuvasmangerdusable!lamenacé-jepourdefaux.

–Tuaurasprisuncoupdesoleilavantqueçaarrive,PorcelaineSawyer!

–Bon,onpeutparlerd’autrechosequedecetenfoirédeQuinn?

–Regardecommeilestmusclé,celui-là!lanceBonnieenpointantledoigtversunchiensurlesablemouillé.

–Ouais,sublime…Etilalepoiltellementbrillant!

–Liv,jeteparlaisdumaître,moi!Lemectorsenu.

–Benquoi?Moiaussi!

Etnosriresexplosentenmêmetemps.Commesic’étaitunétécommelesautres.Commesionn’avaitplusqu’àchoisirlechien,lemecetlaviequ’onvoulait.EtcommesiTristanQuinnn’étaitpasrevenupourrirlamienne.

Page 20: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

2.Filleàpapa…

Enmoinsd’unesemaine,leroidesemmerdeursmelesadéjàtoutesfaites.

Sonpremierexploit:m’enfermerdanslavéranda,àlanuittombée,etnemelibérerqu’unefoismavoixenvoléeàforcededébitercrisetinjuresdanssadirection.Derrièrelavitre,sonpetitsouriresuffisant ne l’a pas quitté un instant. Le lendemain matin, mon mug de café brûlant m’attendaitsagementsurlecomptoirdelacuisine,commetouslesjoursoùmonpèrealagentillessedemeleprépareravantd’allertravailler.Saufquecematin-là,ilétaitbourrédesel.Dixsecondesaprèsquej’eus recraché le breuvage infâme, le sale gossevenait assister à sa nouvelle victoire, àmoitié nudanssonshortdebain,sesmusclesluisantsroulantsousmesyeux.

Pourlesimpleplaisirdemevoirrougir.

Quiadécidéunjourd’inventeruncorpspareil,aussi?

L’après-midimême,Tristanavaitlamerveilleuseidéederelancerl’essorageaumaximumpourfairerétrécirmesjeansdedeuxtailles.Etl’audacedemebalancer,sansaucunegêne,sonregardsibleuplongédanslemien:

– Ça s’appelle des skinny jeans, Sawyer. Mais si tu es trop coincée pour les porter, tu peuxtoujoursresterenpyjama!

Aprèsl’avoirtraitédetouslesnoms,j’aimismonegodecôtépourdemanderunetrêve,histoirederendrecettecohabitationmoins infernale.Unefossettecreuséedanssa joue,monennemi juréafaitmined’accepter.C’étaitilyaquarante-huitheures.

J’auraisdûmedouterquec’étaittropbeaupourêtrevrai.

Cematin,TristanQuinnadécidéderemettreça.Voilàdixminutesquejenégociepourqu’ilmerendema serviette, qu’il a dû subtiliser juste avant que je rentre dans la salle de bains. Furieuse,trempéedelatêteauxpieds,lesbrascroiséssurmanudité,jeparleàuneporte.Uneporteferméeàclé,quejerefused’ouvrirmalgrésonchantage.

–Situlaveux,ouvre.Jetejurequejefermelesyeux!semarre-t-il,depuislecouloir.

–Tristan,pose laserviettederrière laporteetva-t’en, luiordonné-jepour ladouzièmefois.Jevaisêtreenretard,arrêtetesconneries!

–Négatif,rétorquesavoixgrave.C’estmoiquiailebutin.Moiquisuisenpositiondenégocier.

–Tristan,s’ilteplaît…

–Non.

–Tristan,latrêve…Tutesouviens?

–J’avouequejenetepensaispasaussinaïve,soupire-t-il,alorsquejedevinelesourirearrogantquis’étendsurseslèvres.

Tout à coup, la frustration l’emporte. Mon calme s’évapore et mes poings se mettent à

Page 21: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

tambourinersurlaporte.

–Faiscequejetedisouj’appellemonpère!lâché-jeenhurlant,àcourtd’arguments.

–Je l’attendais,celle-là…PapaSawyerà la rescousse!Vite, lapetitechérieestendifficulté, ilfaut intervenir !Dieusaitcequisepasseraitsielledevait réglersesproblèmeselle-même, ironisemonpreneurd’otage.

–Maisc’estquoitonproblèmeavecmoi,Quinn?sifflé-je.

–Monproblème,c’estquetuesunefilleàpapa,Sawyer…Etquejen’aimepasça.

Cettedernièreflèchemetransperceetfaitbienplusdedégâtsquelesprécédentes.SiTristanestpassémaîtredansl’artdemerendrefurax,iln’apasl’habituded’êtreblessant.Deviserlàoùçafaitmal. Vraiment mal. J’en perds mes mots pendant de longues secondes, avant de riposter en toutesincérité,leslarmesauxyeux:

–Unpère,jen’aiqueça,murmuré-jesanssavoirs’ilm’entendàtraverslaporte.

Silencedesoncôté.

–Etjen’aiqu’unemère,souffle-t-ild’unevoixplusdouce.EtHarrison.Maisjenesaispassiçacompte,ungaminde3ans.

–Si,çacompte.

–Ouais,biensûrqueçacompte.Tiens,ramassetaserviettequandtuveux,jemecasse.

Lorsquej’ouvrelaportequelquessecondesplustard,jedécouvrequ’ilatenuparole.Etjeprieintérieurementpourqu’ilsoitenfinàcourtdesalescoups.Ousimplementlassédetorturerunefillenaïveetbientropcoincéepourlui.

Danslesdeuxcas,ceseraitmalleconnaître…

Tristan,ilvafalloirquetumefouteslapaix.Oujet’égorgedanstonsommeil.Auchoix.

Uncoupd’œilàl’horlogeetjemerendscomptequ’ilmerestemoinsdecinqminutespourmepréparer.Lepointcommundemesdeuxmeilleursamis :uneminutederetardetvousenentendezparlerpendantunsiècle.Sansoublierquelamissionquinousattendestdepremièreimportance.Setrouverdetouteurgenceunjobd’été.Sipossible,touslestroisaumêmeendroit.Pourm’éloignerdecettemaison hantée par un espritmalveillant.Une fois dansma chambre, j’ouvremon armoire etattrapeunepoignéedecintres,unpeuauhasard.Toutenenfilantunepremièrerobelongueàlava-vite,jejetteunregardàtraversmafenêtrepouravoirunevuedirectesurlagrandecourpavée.

LadécapotablecabosséedeBonnien’estpasdanslesparages;parcontre,Tristansetientàcôtédesonvélo,entraind’installerHarrysursonpetitsiègeàl’arrière.Lanounouentailleurstrictlessurveilleàpeine,puisdécampepourprofiterdecet instantinespérédeliberté.Pendantquel’enfants’agiteettapesursoncasque,probablementexcitéparcettebalade,sonaînés’yreprendàplusieursfoispourl’attacher,sansjamaisperdrepatience.C’estunautreTristanquej’observe.Attentif,doux,protecteur.PourHarry,ilseraitcapabledetout,jecrois.

Son grand corps baraqué enjambe finalement la selle et les deux frères quittent la cour, bieninstallés sur leur bolide à deux roues. Je ne les vois déjà plus,mais les éclats de rire d’Harrymeparviennentencore.

Page 22: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Deuxminutes.Ilmerestedeuxminutes.Lemiroirnesemblepasappréciermatenue,sij’encroisl’image informe qu’il me renvoie. Accoutrée de la sorte, j’ai l’air déguisée. Une petite fille quivoudraitjoueràladame.Jelaissemaroberosepâleglisserausoletm’étudie,ensous-vêtements.Mapeautrèsblancheestmarquéeçàetlàparquelquestentativesdebronzage.Mescheveuxlisses,blondcendré, m’arrivent presque à la moitié du dos maintenant. Peut-être qu’en les coupant au carré,j’auraisl’airplusmature.Plusfemme.

Oupeut-êtrepas.

Mes longues jambes, mon ventre plat, mes fesses légèrement arrondies, bien qu’un peu tropdiscrètes:j’aihéritédelasilhouettesveltedemonpère.Parcontre,jen’aiclairementpashéritédelapoitrinegénéreusedemamère.Ilfautdirequ’àpartça,riend’autren’estgénéreuxchezelle…

Etnemevoirqu’unefoisparann’apasl’airdeladéranger.

Çatombebien,moinonplus.

Uneminute!

Un short noir quim’arrive àmi-cuisses, un tee-shirt blanc colV et des sandales plates ferontl’affaire. Un coup de brosse et de baume à lèvres plus tard et je dévale les escaliers, mes deuxcomplicesklaxonnantàcœurjoiedanslacour.

–Vousavezcommandéunelimousinetoutconfort,missFanning?m’accueilleBonnie,derrièreseslunettesdesoleilXXL.

–Trèsdrôle,fais-jeengrimpantàl’arrière.Fergus,dis-luiquejeneluiressemblepastantqueçaàElleFanning…

–J’aiprêté serment ! ironise-t-il en levant lamain solennellement. Je tedois lavérité, toute lavérité.Tuluiressemblescommedeuxgouttesd’eau,Liv.

–Bon,j’imaginequejedoisleprendrecommeuncompliment,murmuré-jealorsquelavoiturecaleaulieudedémarrer.

–Etmerde!râlelaconductrice.Saloperiedecompensées!Çamefaitdesjambesd’enfer,maisondiraitdeséchasses!

–Heu,Bonnie ? lui soufflé-je, peu rassurée.Tuneveuxpasque je te prêtemes sandalespourrouler?

–Non, il fautvivredangereusement !assène-t-elleenhaussant lesépaulesetenfaisant rugir lemoteur.

Non,jenesuispasunefilleàpapa.Maisjetiensàlavie!

Aprèsuntrajetchaotique–c’estpeudeledire–,Bonniegaresontacotenfaced’unesupérette,prèsdelagrandeplagedeKeyWest.

–Lesvacancierssonttellementnombreuxenétéquetouslessupermarchéscherchentdumonde!décrète-t-elleensortantdelavoiture.

–Lessupermarchéspeut-être,maissûrementpascepetitboui-boui,dis-je,peuconvaincue.

Page 23: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Cequetupeuxêtrepessimiste!merembarreFergusenmedépassant.Allonsvoir!

Cinqminutesplustard,aucundenousn’adécrochéunjob.Nonseulementlegérantnecherchaitpasàembaucherquiquecesoit,maisilnousaprispourunebandeorganiséedekleptomaneslorsqueBonniearefuséd’enleverseslunettesdesoleil.

–Ilfaitchaud,monmascaraacoulé!Jen’allaisquandmêmepasm’abaisseràça!ronchonne-t-elleenretournantàlavoiture.

– Bon, on tente un vrai supermarché ?marmonné-je, soudain consciente que cettemission vaprobablementéchouer.

Trois heures plus tard, après trois supermarchés, deux boutiques de fringues, un fast-food, unmagasindebricolageetunautredejardinage:rien.Bonnieafiniparenleverseslunettes,maisçan’apasarrangéleschoses.Apparemment,s’yprendreseulementdébutjuilletestunehérésie.

–Ilfallaittentervotrechanceilyaunoudeuxmois!nousontrabâchétousnosinterlocuteurs,avecplusoumoinsdetactetdesympathie.

Lesodaglacémemordlesdents,jereposemacanettesurlatablerondedupetitcaféettentederemotiverlestroupes.

–Onvient justede commencer, onva trouver ! je lance àmesdeux comparses en souriant demanièreunpeuforcée.

–Tuparles,jesuissûrqu’ilsn’aimentpaslesroux,soupireFergusenremuantlamoussedesabièresansalcool.

–NilesBlacks,ajouteBonnieencroquantdanssonmuffin.Surtoutcellesquiontdesformes.

– C’est ça, et ils vous ont signalés au FBI qui est en route pour vous faire coffrer, ris-jedoucementdevantleursminesdépitées.

–C’estpasdrôle,rétorquelerouquin.J’abandonnepouraujourd’hui!

–Non!Nedispasça!Onestuneéquipe!grogné-jeenlesecouant.

Devantmoi,mesdeuxlâcheursdemeilleursamistrinquentàleuréchecenphilosophant.

– « Toujours remettre à demain ce qui pourrait être accompli aujourd’hui », me déclare latraîtresse,laboucheàmoitiépleineetlesourireauxlèvres.

–Ilmefautunjob!Toutdesuite!

–Tusaisàquelleporteallerfrapper,murmure-t-elleenremettantseslunettes.Bon,etsionallaitsebaigner?

–Sansmoi,jedois…

–Trouverunjob,onsait!mecoupeFergusenselevantdetable.Liv,tonpèren’attendqueçaquetubossespourlui!

Etrevoilàlafilleàpapa…

–L’indépendance,çaadubon,maisçaaaussiseslimites!meconsoleBonnieensesifflantlafindemonsoda.Tuserasbienpayée,bientraitéeettuapprendrassurleterrain!

Page 24: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Et je serai labonne fillebiensagequi fait toutcequ’onattendd’elle, rétorqué-jed’unevoixacide.

–Oui,enfinpastoutàfait,semarrelabruneenfaisanttremblersonafro.Àquelquesgrosmotsetcoupsdegueuleprès…

–Moi?j’ironiseenmeretenantdesourire.C’estfaux,jesuisunange!

– Il suffit de te fréquenter deuxminutes et demie pour comprendre que tu ne lâches jamais lemorceau,Liv.Quetuveuxtoujoursavoir lederniermot.Quetuessolitaire,rêveuse,maisaussietsurtoutpassionnée,entêtée,s’emballeFergusl’intelloquiadores’écouterparler.Derrièretesairsdejeunepremière, tu cachesune têtebien faite et déterminée.Tun’aspaspeurdegrand-chose.C’estdanstanature.Tusais,onaeudumalaudébut,maisonaapprisàt’acceptercommetues,semarrel’Irlandaisavantdem’embrassersurlajoue.J’aitort?

–Oui,aumoinssurunpoint.JesuismortedepeurquandBonnieprendlevolantaveccestrucsauxpieds…

–Liv!Lana!Cache-toi!s’écriecettedernièreenmeplaquantbrutalementderrièreuncocotier.

Lana.L’unedesdernièresconquêtesdeTristan.Uneénièmehistoirequiamalfini.Lafilletransied’amourquisefaitsnoberdujouraulendemainparunsalopardaucœurdurcommelapierre.

–Ah…tondemi-frère…,gloussemameilleureamie,laminegourmande.

–Bonnie,net’avisepasde…

–Non,jen’iraipassurceterrain-là,rassure-toi.Lalisted’attenteestbientroplongue!

UnbonrésumédelaviesentimentaledeTristan…

Salopard.

Mes deux complices prennent la poudre d’escampette, direction la plage, et le périple jusqu’àl’agence immobilièredemonpères’annonce interminable.Lesoleil tapesur lebitume, je tentedetrouver unpeud’ombre tandis que l’arrêt de bus se remplit de différents visages. Je jette un coupd’œilàmesvoisins–unhommeenfauteuilroulant,unevieilledameessouffléeetunemèredépasséeparsestroisinsupportablesgamins–etréalisequejenesuispasfranchementàplaindre.

Certes,mamèrenes’estjamaisbattuepourmoi;certes,monpèreaépouséunehorriblegarce;certes,mondemi-frèreestunconnardfini;maisriendetoutçanem’empêcherademenermaviecommejel’entends.Etenattendant,j’aitoutleluxedeprofiterdupetitcoindeparadisdanslequelj’habite.

Sansyréfléchiràdeuxfois,jetendsmabouteilled’eaufraîcheàlavieilledame,attrapelebilletdevingtdollarsquevientdepiquer leplusâgédesgaminsaumonsieurenfauteuilet le lui rends,puis traverseà toutevitesse lanationalequi longe lamerpouréviter lesvéhiculesqui foncent surmoi.Unefoisdescenduesur lesable, jeme lanceendirectionde l’eau turquoise.Jem’arrête justeavant, je retiremon short,mon tee-shirt etmes sandales, je lâchemon sac et j’entredans l’eauenpoussantdescrisderavissement.

Pendantde longuesminutes, je flotteà lasurfaceen fermant lesyeux,savourantcemomentdecalme, de plénitude. Je suis seule aumonde et j’aime ça. Le soleil est bas, la fin d’après-midi estprocheetjesorsdel’eauàcontrecœur.Jelaisselesrayonsbrûlantsséchermapeaupendantquelques

Page 25: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

minutes,puisj’enfilemontee-shirt.Quelquesmètresderrièremoi,j’entendsdeséclatsderire,puisunklaxon.

–C’estdoncça,tonnouveaujob?mecrieTristan,surlesiègepassagerdelavoituredesonpoteDrake,sonbrasbronzépendantnonchalammentdel’autrecôtédelaportière.Tebaignerauborddelaroute,enpetiteculotte?Tuveuxquejetebalancequelquescentimes?

–C’estcommeçaquetuleurparlespourqu’ellestombentamoureuses?rétorqué-jeenremettantmonshortetmessandales.JecomprendsmieuxledésespoirdeLana,maintenant…

–Tuveuxqu’ont’emmènequelquepart?meproposeDrake,sortidelavoiturepourveniràmarencontre.

Tristanestdehorsluiaussi,maisresteàdistance.Malgrélesmètresquinousséparent,jesenssonregardsurmoi.

–Nonmerci.Jen’irainullepartaveclui…

–Jepeuxlelaissersurleborddelaroute,situveux,blaguesonmeilleurami.

–Faisgaffeàcequetudis,Drake,lemenaceTristanauloin,lesbrascroiséssursontorse.

–Allez,viens,ontedéposeoùtuveux.

Jesuissurlepointderefuserànouveauquandlebuspassesousnosyeux.

–Leprochainpassedanstrenteminutes,jubileTristan,encroisantsesmainsderrièresatête,l’airden’enavoirrienàfaire.

Je remercie le grand blond, fais un doigt d’honneur au play-boy mal léché et entreprends decontinuerlarouteàpied.Çanedevraitpasmeprendreplusdequaranteminutes.Saufquej’aiàpeinefaitvingtpasqueleSUVjaunepoussins’arrêteàmonniveau.

–Monte,Liv!insisteDrake.Tuvascreverdechaudetturisquestavieàmarcheraumilieudetoutecettecirculation.

–Monte,répèteTristandesavoixgrave,leregardconcentrésurlaroute.

Cettevoix…

–Nonmerci.

–Sawyer,arrêtedefairetagamineetmonte,répète-t-illesyeuxtoujoursbraquésdevantlui.S’ilt’arrivequoiquecesoit,tonpèrediraquec’estmafaute!

–Arrête,tuvasmefairepleurer,ironisé-je.

Bruitdeportière.Maindeferquis’emparedemonbras–avecuneétonnantedouceur–etquim’obligeàmontersurlabanquettearrière.Nouveaubruitdeportière.

–Enclenchelafermetureautomatique,Drake,luidemandel’enfoiréquivientdemekidnapper.

–Tuvasoù,Liv?

–UnitedStreet,articulé-jeàcontrecœurendirectiondublond.

–L’agencedeCraig?medemandeTristanenseretournant.

Page 26: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Cefouturegardquimedéstabilise…

–Oui,jesais,soupiré-je.«Filleàpapa»,toutça…

–Quoi?intervientDrake,quinecomprendplusrien.

–Laissetomber,luirépondsonmeilleurami.Onladéposeetonvaretrouverlesjumelles.

Lesjumelles…Deuxpourleprixd’une,j’imagine…

Je reste muette pendant le reste du trajet. Une fois dans le centre, Drake me dépose au lieuconvenu.Tristanmelanceunregardétrangelorsquejedescendsdelavoiture,sesyeuxmedétaillentdehautenbas,puisseplongentdanslesmiens,défiants.Jechoisisd’aborddel’ignoreretm’éloigne,maispiquéeauvif,jerevienssurmespas.

– Garde ce genre de regards pour tes jumelles, fais-je à voix basse, pour qu’il soit le seul àentendre.

Àsescôtés,Drakeestengrandeconversationtéléphoniqueavecunefille,quiapparemmentn’apasappréciésoncomportementdelaveille.

–Tucroisvraimentquec’estcommeçaquejeteregarde?medévisageTristand’unairarrogant.Petite,tuneconnaisrienauxhommes…

–La«petite»asixmoisdemoinsquetoi,sifflé-je.

–Varetrouverpapa,meraille-t-ilendévoilantsesdentsimpeccablesàtraversunsourire.

–Ilfaudraquetum’expliques,unjour.

–Quejet’expliquequoi?demande-t-ilenplissantlesyeuxàcausedusoleil.

–Cequej’aifaitpourquetumedétestesautant…

Pendant un bref instant,Monsieur J’ai-réponse-à-tout semble déconcerté parma question. Puissonsourires’esquisseànouveau,maiscettefoisaccompagnéd’unregardfranc,sansprovocationniinsolence.

–Jenetedétestepas,Sawyer.Cen’estpaslemot.

Sansme laisser le temps de répondre, il fait un geste à son voisin et les roues crissent sur lebitume,emportantleSUVendirectiondesjumelles.

Commentça,jefaisunefixette?

LadevanturebleueetblanchedelaLuxuryHomesCompanyvientd’êtrenettoyéeàgrandeseauxlorsque je pénètre à l’intérieur de l’agence. Ellen, la secrétaire, me reconnaît immédiatement etappellemon père pour annoncerma venue.Après quelques échanges de politesse, jeme rends aupremierétageetentresurleterritoiredeCraigSawyer.Sonmondeàlui.

– Olive verte, qu’est-ce qui t’amène ? s’étonne-t-il tout en m’embrassant avant de se rendrejusqu’aufrigopourensortirunjusdefruits.Ananas?Fraise?Topinambour?

Jeglousse,commequand j’avais4ansetqu’ilmefaisaitdéjàcetteblague.Sonodeurdemuscblancetdetabacmentholém’apaise,commetoujours.

–Chou-fleur,réponds-jeenm’asseyantsursonsiègedePDG.

Page 27: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Unjour, tuprofiterasà tontourdecettevue,dit-ilenobservant laplusbelleruedelavilleàtraverslabaievitrée.

Jeluisouris,unpeudistraite, ilmerejoint,s’assiedauborddesonbureauetmetendle jusdefraise.

–Toutvabien?medemande-t-ildoucement.

–Lacohabitationestunpeurude…

–Vousallezvousyfaire.Deuxtêtesbrûléescommevous,çanepeutquefairedesétincelles.Maisn’hésitepasàrendrecouppourcoup…

Cediscoursvenantdemonpèremefaitrire.Craigdevraitprobablementmeconseillerd’ignorerlesagissementsdemonsoi-disantdemi-frère,d’attendrequeçapasse,maisnon,ilmerecommandedesortirlesgriffes,denepasmelaisserfaire.Etrienquepourça,jel’aimeencoreplus.

–Eh,Livchérie?

–Oui?

–Jesuislà…Parle-moisituasbesoindequoiquecesoit.

–Unjob…,murmuré-jeenfixantuncadreargenté,aumur.

–Pardon?

–J’aibesoind’unjob.Pourl’été…

–Jecroyaisqueturefusaisde«bosserpourpapa»,imite-t-ilmavoixapparemmentirritante.

–Rassure-moi,tum’imitestrèsmal?

–Oui.Jepourraisdifficilementêtreplusmauvais.

–OK,ris-je.

–Donc,unjob?

–Oui.N’importe quoi.Quelque chose quim’occupe.Quime rapporte un peu d’argent. Et quim’apprennequelquestrucsdontjepourraimeservirplustard.

–Alléluia,mafilleaeuunerévélation!Pourréussirunecarrièredansl’immobilier,ilfautfairesespremierspasdans…l’immobilier!

–Oui,bon,onacompris,marmonné-je.Tuasuneplacepourmoi?

–Jetel’aigardéeauchauddepuisunmois,dit-ilenmeserrantdanssesbras.Stagiaireenchef!

–Çaconsisteenquoi,exactement?

–Calmetonimpatience,Oliveverte!Tulesaurasdèslundi!

Etmongrandidiotdepèrededanserseulletangod’unboutàl’autredesonbureau,tellementilestheureuxquesa filleprenne lemêmecheminque lui.Uncheminqu’il s’est tracé tout seul, sansl’aidedepersonne,enpartantderien.Uncheminquimerendchaquejourimmensémentfièred’êtresonOliveverte.

***

Page 28: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Allô ?Allô ? C’est quoi, cemachinmerdique ? Je savais que j’aurais dû résister à ce petitvendeur aux yeux tristes ! Mais il espérait tellement que je lui achète son truc… Société deconsommationde…

–Betty-Sue?ris-jeenreconnaissantsavoix…etsamanière«colorée»des’exprimer.

–Allô?Liv?

–Grand-mère?

–Ahnon!Jeraccrochesitum’appellescommeça!

–Betty-Sue,tun’asplus20ans,ilfautt’yfaire!ris-jedeplusbelle.

–C’estdanslatête,ça!J’ai20anssijedécidequej’ai20ans!Allô?

–Oui,jesuislà.Tum’entends?

–Allô?Saloperied’écrantactile!Uneinventiondudiable!

–Betty-Sue,appuiesurlehaut-parleur!

–Lequoi?

–C’estécritsurl’écrandetoniPhone!

Quelques secondes et bruits étranges plus tard, ma grand-mère a enfin réussi à dompter sontéléphoneportable.

–Quandest-cequejetevois,mapetite?

–Quandtuveux!Viensàlamaison!

–Pourmefarcirlacrâneuse?Jepasse!

–Siennan’estpresquejamaislàlajournée,ellegèresonhôtel.

–Elleadesespions!

–Non,cesontlesnounousd’Harrison,ris-je.

–C’estpareil.Etelleadûfaireinstallerdescaméraspartout!

–Bon,alorsc’estmoiquiviendrai.

–Demain?Ilfautquandmêmequejetevoieavanttonanniversaire!Après,tuauras18ans,tuneseraspluslamême.

–Betty-Sue,onn’auraquedeuxansd’écart,murmuré-je,attendrieparsesmots.

–C’estvrai,dit-elled’unevoixémue.Tugrandistropvitematoutepetite…

–Jerestelamême.

–Jecroisquetuvasvivrebeaucoupdenouvelleschosescetteannée…

–Tut’esencorefaittirerlescartes?

–Oui,confirme-t-elleunsouriredanslavoix.Etcrois-moi,cetteannéeneressembleraàaucuneautre!

Page 29: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Bizarrement,jenesaispassic’estunebonneouunemauvaisechose…

Page 30: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

3.Leplusbelâgedelavie

J’ai entendu tout le monde s’agiter ce matin. J’aurais pu faire la grasse matinée mais j’étaisréveillée,lesyeuxgrandsouvertsetlesjambesagitées.J’aientendumonprénomplusieursfois,enbas,jesaisqu’ilsparlaientdemoietjesaistrèsbienpourquoi.Maisjenemesuispaslevée.Jesuisrestéepresqueuneheuredeplusaulit,àréfléchiràcettejournéespéciale,àtenterdevisualisermonavenir, à ne rien voir du tout, à vérifier si jeme sentais différente ou non. Voilà, j’ai 18 ans. Et,commeprévu, rien n’a changé.Monpère travaille trop, fume trop, stresse trop.Tristanparle tropfort, rit trop fort, chante trop fort. Harrison nemange pas beaucoup, parlemal, a peur de tout etpleurepourunrien.C’estentoutcascequej’aientenduSiennaleurreprocher,debonmatin.

Etsij’avaisétélà,j’yauraiseudroitaussi:«Brosse-toilescheveux,ilyapleindenœuds.Tunevoudraispasbronzerunpeu?Arrêtedefairelatête!Quandest-cequetut’habillerasenfille?Lesdoigtsd’honneuretlesgrosmotssontinterditssousmontoit!TupeuxgarderHarryaujourd’hui?»

Benvoyons!

Enespérantm’offrirunpeudesilenceencadeaud’anniversaire, j’aipatiemmentattenduque lebruitcesse,quelesportesclaquent,quelamaisonsevide.J’aientendumonpèrepartirtravailleretlancer un chaleureux « Bonne journée, à ce soir tout le monde ! ». J’ai entendu ma belle-mères’enfermerdanssonbureauetexigerensoupirant«Essayezdenepasmedéranger».J’aientenduTristanpartiràpied,ensifflant,etjemesuisprécipitéeàlafenêtredemachambrepourvérifier:iltraversaitlacour,donnantlamainàsonpetitfrère,quidonnaitlasienneàAlfredl’alligator,dontlaqueuetraînaitmollementparterre.Uneimagepresqueattendrissante.Maissurtout,lesignalpourmoiquelavoieétaitlibre.

Sansavoiràréfléchiràmatenue,àmacoiffureouàquoiquecesoitd’autre,jemeglisseavecbonheurdanslacuisinesilencieuse.Monmugremplidecafé–froid–etlepetitmotdemonpèremedonnentlesourire.

«Joyeuxanniversaire,magrandeOliveverte.Ilyadix-huitans,tuaschangémavie.Jesouhaitequelatiennesoitaussibelle,aussiforte,aussipassionnéequetul’es.Jet’aime,Papa.»

Justeendessous,enpattesdemouchesurlemêmepetitpapier,Siennaagriffonné«Voilàdequoit’achetercequetuveux»etaposécinquantedollarsàcôté.Commechaqueannée.C’estlesummumdelatendresseetdelagénérositédontelleestcapable.Jem’ysuishabituée.

LaportedelavillaclaqueànouveauetHarryseprécipitesurmoienm’expliquantque«Titan»vientdeluiapprendreàfairepipidehors.Génial.Ilsn’étaientdoncsortisquepourquelquesminutes.Et je suis en shorty, débardeur sans soutif, les cheveux gonflés et tout emmêlés, au milieu de lacuisine. Tristan arrive à son tour, l’air nonchalant, en s’ébouriffant les cheveux d’unemain et engardantl’autrecachéedanssondos.Pasderemarquesurmatenueoumacoiffure,jusque-là.JegardeHarrisoncollécontremesjambesnues,histoiredemasquerl’essentiel.

–Happybirthday,Sawyer ! lâcheTristanen faisant apparaîtreunbouquetde rosesblanchesdederrièresondos.

Page 31: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

J’hésiteuneseconde.Çaneluiressemblepas.Maissonsourireal’airplussincèrequed’habitude.Etmoncœurbatàunrythmebizarre.Sonattentionmetouche.Maisj’aipeurdemefaireavoir.

–Tupeuxrecompter,yenadix-huit,insiste-t-ilenmetendantlesfleursunpeuplusprès.

–Merci,bredouillé-jeenlesacceptantenfin.

–Harry,vafaireundessinpourLiv,congédie-t-ilsonfrèrependantquenosmainssefrôlent.

Le petit obéit, quitte la cuisine, et la pièce continue à se charger d’électricité. D’habitude,l’étincelleseseraitdéjàproduite,lespiquesauraientfuséetunmugouunechaussureauraitdéjàvolé.

–Tudevrais temettre en short plus souvent,maintenantque tun’esplusunegamine, continueTristanàvoixbasse.Etj’aimebienquandtescheveuxsontcommeça,endésordre.

J’aidumalàsavoirsicesontdescompliments.Oudesvannesdéguisées.Finalement,c’estmoinsdurquandilmeprovoque,jetrouvetoujoursquelquechoseàluirépondre.Là,c’estletrounoir.Labouchesèche.Lesilencequis’éternise.JesursautequandSiennalebrise,débarquantdanslacuisine,faisantreculerTristandequelquespasets’adressantàmoi:

–Liv,jen’aiplusdemonnaiepourpayerlafemmedeménage,jeteprendsquarantedollars,maisfais-moi penser à te les rendre ! dit-elle sans me regarder, en allant piocher dans mon cadeaud’anniversaire.

–OK,murmuré-jepourrépondrequelquechose,unpeudéboussoléeparcequivientdesepasser.

–Nefaispascettetête!continueSiennasurletondureproche.Cen’estpascommesitun’avaiseuaucuncadeau.Craigs’est levéencoreplus tôtqued’habitudepouraller t’achetercebouquet!Ilpensaitquetuteréveilleraisunpeuplustôtqueça.D’ailleurs,tagrassematinéet’atoutébouriffée…

–C’estlui?Lesfleurs,c’estmonpère?lacoupé-jeensentantlamoutardememonteraunez.

–Biensûr,quid’autre?Tupensaisavoirunadmirateursecret?plaisanteinnocemmentmabelle-mère.

Tristanéclatederiredanssondos.Jelâchelesfleurssurlecomptoiretmemordslesjouespournepaslaissermatristessemesubmerger.Oumeslarmesdefrustrationcouler.

J’aimeraistellementpouvoirêtrejusteencolère.Oumieux,n’enavoirrienàfaire!

– Qu’est-ce que tu lui as encore fait, toi ? aboie Sienna à l’intention de son fils. C’est sonanniversaire,bonsang!Tuluiassouhaitéaumoins?

–Biensûr,maman,répond-ilsuruntondegentilpetitgarçon,maisenmefixantdesesyeuxdebadboy.

–Vousm’épuisez,touslesdeux,soupire-t-elle.Faiteslapaix,embrassez-vousetcomportez-vouscommeunfrèreetunesœur,pourunefois!

Sienna attend, les poings posés sur les hanches comme si elle était bien décidée à obtenir cequ’elle vient de demander. Et Tristan lui obéit, ce qui n’arrive quasiment jamais. Il se rapprochelentementdemoi,desadémarchedésinvolteetsaboucheétiréedansundemi-sourire.Ilm’entouredesesbrasetvientcollersoninsupportablefossettecontremajoue,avantdemurmurer:

–Bonanniversaire,Livlanaïve…

Page 32: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

– Je te hais,Quinn, lui réponds-je tout bas, en imprimant un faux sourire surmes lèvres pourcontentermabelle-mère.

–Tun’espasmasœur,ettuneleserasjamais,continue-t-ilenserrantsesbrasunpeuplusfort,commepourmefairemal.

–Tesbicepsnemefontpaspeur.J’aimongenouprèsdetabraguette,sifflé-jeenmedécalantdequelquescentimètrespourmenacersonentrejambe.

–Vousvoyez,cen’estpassidurdefairelapaix!seféliciteSiennaavantdequitterlapièce.Jeretournetravailler,essayezdenepasvousétriper!EtgardezunœilsurHarry!ajoute-t-elledeloinavantdeclaquerlaportedesonbureau.

Tristan me lâche aussitôt et je le bouscule pour quitter la cuisine, cours dans le couloir enignorantlegaminquimebranditsondessin,grimpel’escaliersansmeretourneretm’enfermedansmachambre,essoufflée,énervéecommejel’airarementété.Ettristeàenpleurer.Avecsonputaindeparfumpartoutsurmoi.

Quiaditque18ansétaitleplusbelâgedelavie?

***

Jenesuistoujourspascalméequandjeretrouvemonpère,lesoir,pournotretraditionneldînerentête-à-tête.Depuisquejesuistoutepetite,onvaaurestaurantchaqueannéepourmonanniversaire.C’estmoiquiailedroitdechoisirlelieu.Etdetrempermeslèvresdanssacoupedechampagne.Cesoir,j’enboiraisbienunebouteilleentièrepouroubliercettematinéecauchemardesqueetlerestedelajournéepasséecloîtréedansmachambrepouréviterdecroiserl’autreenfoiré.

–Dix-huitans,çadonnelevertige,hein?commencemonpèreenobservantmaminechiffonnée.

– Non, ça ne change pas grand-chose, lui avoué-je en haussant les épaules pour tenter de lerassurer.

–Alorscecadeauvapeut-êtrechangerunpeuplustavie,s’amuse-t-ilavantdesortirunegrosseclénoiredelapocheintérieuredesaveste.

–Uneclédevoiture?

–Oui,tuesassezresponsable.Etjeneveuxplustevoirmarchersurleborddelarouteparcequetuasratélebus,mesomme-t-ilenfronçantlessourcils.Etjesaisquetumettrastaceinture!poursuit-ilpours’auto-persuader.

–Biensûrqueoui!Mercipapa,jem’exclameenluisautantaucoupar-dessusnosassiettesvides.Etmerci dem’avoir appris à conduire sans faire de crise cardiaque.Merci pour les fleurs de cematin,aussi,etmercipourtoutcequetufaispourmoidepuisdix-huitans.

–Entoutcas,jet’aibienélevée,seréjouit-il,tusaiscommentremercier!

– Je te rembourserai la voiture un peu chaquemois avecmes salaires, jusqu’à ce qu’elle soitpayéeenentier!

–Onverraça,fait-ilcommepourbalayerlaquestion.Jesuiscontentquetutravaillesàl’agence,Oliveverte.Tuastouteslesqualitéspourréussirdansl’immobilier:ducaractère,dusang-froid,unespritdepersuasionetdelaténacité…Onvajustebosserunpeusurlecôtérelationnel,semoque-t-il

Page 33: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

gentiment.

– Je feraismieux d’aller à la fac, je ne suis pas encore prête, je crois.Mais je n’ai eu aucuneréponsepositive,pourl’instant.Peut-êtrequ’aucunenevoudrademoi…

–TuesuneSawyer,Liv,futéemaispasscolaire.Commetonvieuxpère!Crois-moi,tun’aspasbesoindediplômespourréussirtavieprofessionnelle.C’estsurleterrainqu’onapprendlemieux.Etjenesuispassûrdevouloirlaisserpartirmapetitefilledansuneuniversitéàl’autreboutdupays.

–Tusaisquetuesleseulparentdumondeàconseilleràsonenfantdenepasfaired’études?ris-je.

– Je veux ton bonheur, tu feras tout ce que tu voudras !Mais je ne veux pas que tu quittes lamaisonjustepourfuirTristanouSienna.

Danslemille!

–Cen’estpasça…,essayé-jequandmême.

–Si,c’estexactementça.Etjesaisquejeterépètelamêmechosedepuistroisans,maisdonne-leur une chance et laisse-toi du temps. On change en grandissant. Tout change. Tu as déjà vécuplusieursvies,àParis,puisici,avecdesparentsdivorcés,puisunpèrecélibataireetmaintenantunefamillerecomposée…Quisaitcequipourraitencorearriver?

–Quisait…?répété-jeenrepensantàTristanavecuncertainmalaise,avantdelechasserdemespensées.

–Àl’avenir!lancemonpèreenlevantsacoupedechampagnepourtrinquer.Etàtanouvellevied’adulte!proclame-t-ilenmelaissanttrempermeslèvresdanssesbulles.

Une heure plus tard, c’est moi qui conduis pour nous ramener à la maison. « Ma » voiture,apportée par un collaborateur de l’agence jusque devant le restaurant, est un petit SUV noird’occasion,choisipoursasoliditéettoutessesoptionsdesécurité.Unefoisgaréedevantlavilla,jeserremonpèredansmesbrasetleremercieencoreunefois.Ilmefélicitepourmaconduiteprudenteetmeproposede lui tenircompagnie le tempsqu’il fumeunedernièrecigarettedans lacour,sansqueSiennalevoie.

– Je ne sais pas si tu te souviens, mais le père de Tristan est mort dans un tragique accident,souffle-t-ilenmêmetempsqu’unevolutedefuméementholée.

–Oui,ilétaitpilotedecourseetils’estplantéenvoiture,dis-jetristement.

–Çaaétébrutalettrèsdifficilepoureux.Siennaétaitenceinteet…Tristanaassistéàl’accident,iln’avaitque14ans…,hésitemonpèresanssavoirs’ilendittropoupasassez.

–Jenesavaispasqueças’étaitpassésoussesyeux.LuietSiennan’aimentpasparlerdeça…

–Tristanalepermismaisilneconduitpresquejamais.C’estunsujetsensiblepourlui.Essaiedenepaslebrusqueravecça,OK?

–J’essaierai…,réponds-jesanstropsavoircequeçaimplique.

Nimêmesic’estvraimentpossibled’avoirdesrapportsautresque«brusques»aveclui.

Monpèreécrasesacigaretteparterreetvalajeterdanslapoubelleextérieureenmarchantsurla

Page 34: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

pointe des pieds. Il revient avec l’index posé sur sa bouche en signe de secret et en exagérant sadémarche discrète pour me faire rire. Dans les bons comme dans les mauvais jours, je suis sacomplice.Etçafaitdix-huitansqueçadure.

Je sors mon portable qui vibre dans ma poche : «Maman » apparaît sur l’écran, me laissantimmobile,perplexe.AvecNoël,c’estledeuxièmejourdel’annéeoùmamèrem’appelle.Monpèrem’embrassesurlefrontetmechuchotededécrocher,avantderentrerdanslamaison.

–Allô?j’articuleenmeforçantàparaîtreenjouée.

–Joyeuxanniversaire,Liv.

–Merci…

–J’aibiencalculéledécalagehoraire?Ilest6heuresdumatinàParis.

–Oui.Presqueminuitici.Tun’avaispasbesoindeteleversitôt,tusais.

–Jenevoulaispasraterles18ansdemafille.

–Tuesdanslestemps,maman…

–Tonpèret’aemmenéeaurestaurant?

–Oui,c’estlatradition,soupiré-jeenpensantqu’onalamêmeconversationchaqueannée.

–Jesais,répond-ellecommetoujours,pourmeprouverqu’ellen’estpastoutàfaithorsdemavie.J’espèrequetuesheureusesurtonîle.

–Jecroisqueoui.

–Alorsjevaistelaisser.Bonnenuit,Liv.Etàbientôt,ment-elle.

–Àbientôt,mens-jeenretour.

Àdanssixmois,maman.Pourlemêmecoupdefilqu’àNoëldernier.

Leslarmesmemontentauxyeux.D’habitude,jen’aiaucunmalàadmettrequemamèreetmoisommesunpeudesétrangères.Onseparlecommeunetanteetuneniècequiseconnaissentàpeine.Ou comme unemarraine et une filleule qui se sont éloignées il y a bien longtemps et n’ont plusd’autrelienquecetitrequ’onleuradonnéunjour.Maiscesoir,jecroisquej’auraisbienaiméavoirunemère,unefemmeenquij’aiconfiance,àquijepourraisracontermonnœudàl’estomac,monpetittroudanslecœur,mapeurdegrandiretdeneriencomprendreàcequim’arrive.Unefemmequi aurait pum’expliquerqu’onpeutdétesterungarçonetquandmême trouverqu’il sentbon.Ledétestermaisbienaimersafaçondevousregarder.Ledétesteretrepenseràsesbrasautourdesoi.

Non,jamaisdelaviejen’avoueraiçaàquiquecesoit.

D’ailleursc’estfaux.Jedétestetoutdelui.TristanQuinnn’estriend’autrequemonpireennemi.

***

Jenesaispascequim’aprisdedireoui.Jemefoustotalementdesfêtes.Jen’aimemêmepaslesfêtes.Etencoremoinscellesenmonhonneur.Etencoremoinsquandellesontlieusurlaterrassedel’hôteldeSienna.Maisjenepeuxrienrefuseràmonpère.Etsurlecoup,çam’asemblémoinspirequedefaireçadanslamaisonfamiliale.Çamedonnaituneexcusedeplusdem’enéchapper.Maiscesamediressembleàmonpirecauchemar.FergusetBonnieontréussiàtraînerunequinzained’autres

Page 35: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

élèvesdu lycée–en leurpromettantune superpoolparty–pourme fairecroireque j’avaispleind’amis.Cequilesaattirés?LaréputationduLombardi,cetteanciennemaisoncolonialesituéesurlaplusbelleplagedesenvirons,restauréeettransforméeenhôteldeluxe.Désormaislerefugedesstarsqui viennent prendre du bon temps sur l’île.Certains demes anciens camarades de classe doivents’attendreàcroiserKanyeWest,JenniferAnistonouRyanGosling,maisc’estraté:l’hôtelestfermépourquelquesjours,cequiexpliquepourquoimacharmantebelle-mèreaacceptédem’yinviter.

Le serveur nous laisse le choix entre cocktails de fruits et sodas. Il fait nuit sur la plage, droitdevantnous,maislebarextérieurdel’hôteldiffuseunelumièremulticoloreetcriardequifaitpenserqu’onestàungoûterd’anniversaireenpleinaprès-midi.Mameilleurecopinechantepar-dessuslestubesde l’étédiffuséspar leshaut-parleursenessayantdemettre l’ambiance.Mais jecroisquesesvibespoussivesauxrelentsR’n’Bsaoulenttoutlemonde.MonpèreetSiennaprofitentdesquelquesparents présents pour les transformer en potentiels clients et faire de la pub à leur entrepriserespective.Etquandj’aperçoisauloinmagrand-mèrequicherchesonchemindanslehalld’accueildel’hôtel,jecrainslepire…

Est-cequecettesoiréecomplètementratéepourraitencoreplusmaltourner?

Oui,j’adoreBetty-Sue,maiselleestcapabledemefoutrelahontemieuxquepersonne!

–Livchérie,qu’est-cequit’aprisdefêtertonanniversaireici?memurmure-t-ellequandjevaisàsarencontre.

–Nemedemandepas.Longuehistoire…

–Vous, les jeunes d’aujourd’hui, vous ne savez plus vous amuser ! lâche-t-elle en retirant sestongsetensemettantàdanserpiedsnuscommesielleétaitentranse.

Sonlongjuponbohêmevirevolteautourd’elleetsescinquantebraceletsàbreloquess’agitentsursonbrasdansunbruitmétalliquequiattirel’attentionsurnous.

–Betty-Sue,j’aidéjàenviedemenoyerdanscettepiscine;jet’ensupplie,n’enrajoutepas.

– Je vois, s’arrête-t-elle net en reprenant son sérieux. J’étais juste venue te donner ça. Bonanniversaire,mapetite!

Jedépliediscrètementl’emballageenpapierrecycléetdécouvreunvêtementnonidentifié,longetasymétrique,avecdesmanchesimmensesetdesmotifsbariolés.

– C’est un poncho d’été, m’explique-t-elle avec les yeux qui brillent. Tu peux te mettre nuedessousettesentirlibre,maislibre!s’esclaffe-t-elledanslesaigus.Ouçapeutfairerobedeplagequand tunesaispasquoimettrepar-dessus tonmaillotdebainmouillé.Touten transparencepourque lesgarçonspuissentquandmême t’admirerdessous, ajoute-t-elle avecunclind’œil complice.Enfinvoilà,tupeuxenfairecequetuveux!

–Merci,Betty-Sue,c’est…

–Indispensableestlemotquetucherches,m’aide-t-elleenriantavantdem’embrassersurlajoue.Jefile!annonce-t-elleenrenfilantsestongs.

–Tuessûrequetuneveuxpasrester?insisté-jepourlaforme.

–Non,machérie,lavieesttropcourtepours’infligercegenredesoirée!Tuveuxt’enfuiravecmoi?meproposemagrand-mèrejamaisàcourtd’idéesfarfelues.

Page 36: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–C’estgentilmaisjecroisquejevaisrester…Papaseraitdéçu.

–Bon.Maisalors souviens-toiqu’unponchod’étépeutaussi serviràétranglerunebelle-mèregênante,memurmure-t-elleenmepassantlelongtissucoloréautourducou.

Elle fait trois ouquatre tours, serre fort et crie «Couic ! » avant dedétaler endirectionde lasortie. Je rigole toute seule en rejoignant les autres, qui s’ennuient ferme près du bar et de leursverres de jus d’orange. Je craignais l’apparition de ma grand-mère mais, pour l’instant, je croispouvoir dire que c’est lemoment fort de cet anniversaire !Monpère finit par partir, lui aussi, entraînantparlamainSiennaquivérifiequepersonnenecasserien.Vul’ambiance,çanerisquepas.Jemefichepasmaldenepasavoirdecopainscools,denepasêtreunefillepopulaireetdenepasmesaouler pourmon dix-huitième anniversaire.Mais si je pouvais passer cette soirée seule dansmachambreousuruneplagedésertejusteavecBonnieetFergus,çamesuffiraitamplement.

À laplace, jevoisdébarquerTristanetquatrede sescopains– lesmembresde songroupedemusique –, chacun une bouteille d’alcool à la main et un sourire vissé sur leurs têtes de crétin.Commentose-t-ilsepointericiaprèslecoupqu’ilm’afaitcematin?J’espéraisqueceseraitbientôtlafinducalvairepourmoi,maisquelquechosemeditqu’ilnefaitquecommencer.

– Ce n’est pas très gentil de ne pas inviter son demi-frère à son anniversaire, vient-il meprovoqueràpeinearrivé.

–Ilfaudraitsavoir,Quinn.Jesuistademi-sœuroujenesuisrienpourtoi?

–Toujoursrien,çan’apaschangédepuiscematin,merétorque-t-ilunsourireencoin.

–Alorsqu’est-cequetufouslà?jecracheenmerapprochantencoredeluipourledéfier.

–Rêvepas, je suis venuparceque je n’avais riendemieux à faire, poursuit-il enhaussant lesépaules,l’airindifférent.Etmespotesavaientenviederencontrerdesfilles.

–Desfillesàpapacommemoi?Depuisquandçavousintéresse?continué-jeàluitenirtête.

–Ça les intéresse. Je n’ai pas dit que c’étaitmon cas, précise-t-il enme regardant intensémentcommepourmesignifierlecontrairedecequ’ilvientdedire.

Ilcroisesesbrasmuscléssurson torseet s’amuseà fairedurer le silencequisuit, faceàmonmalaiseetmonabsencederepartie.Jetripotemonverreàcocktailvideenessayantdenepaslaissersesyeuxbleusbrillantsmedéstabiliser.

–Laisse-moideviner,continuesavoixgraveunpeuplusbas,tuasenviedemebalancertonverreenpleinetête,c’estça?Pourquoitunelefaispas?meprovoque-t-ilencreusantsastupidefossette.

–Jenevoudraispasabîmertapetitegueuled’ange,rétorqué-jesansattendre.Vuquetun’asqueçapourtoi.

Il sourit, commesi jevenaisde lui faireuncompliment, et songrandcorpsbaraqué s’éloignelentement,desadémarchesexy,pourallerretrouversescopainsmusiciens.Jemedépêchedequitterla terrassede l’hôtel pour aller respirer de l’air unpeupluspur sur la plage.Un autregroupedejeunesal’airdefairelafête,plusloin.Jenelesenviemêmepas,jecrois.Commeparmagie,toutelatroupe demon anniversaireme rejoint quelquesminutes plus tard, formant un cercle serré sur lesable.Lesbouteillestournentets’échangent,demainenmain,deboucheenbouche,etjemelaissealleràquelquesgorgéesalcoolisées,enespérantqu’ellesmedétendrontunpeu.

Page 37: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Auloin, lebarde l’hôtels’éteintet ladernière lumièrequinouséclaireestcellede la luneau-dessus de nos têtes. L’obscurité soudaine en fait glousser quelques-uns – des filles, surtout – etd’autresenprofitentpourlancerunjeudelabouteille–desgarçons,forcément.Legoulottournoieetindiquedeuxpremierscondamnésàs’embrasser,quisecontententd’uncourtbaiserinnocentsousleshuéesdesautres.Dansmondos, jecroise lesdoigtsaussi fortque jepeuxpourne jamaisêtredésignée.À côté demoi, je voisBonnie prier de toutes ses forces pour le contraire. Elle soupirebruyamment,autantd’enviequededéception,quandunejoliebrunedontjeneconnaismêmepasleprénomembrasselangoureusementDrake,lemeilleuramideTristan.

–Bonnie, fermelabouche, luichuchoté-jeen luidonnantuncoupdecoudealorsquelebaisers’éternise.T’esentraind’embrasserlevent.

Drakeetseslèvresrougiestournentàsontourlabouteillevidesurlesable.IltombesurTristanquiselèveetpartencourant,poursuiviparlegrandblondetsescrisdebête.Ilfinitparluicollerunsmackforcéetmalvisépendantquetouslesautreshurlentderire,sansdoutesousl’effetdel’alcooletdel’excitation.

Cettefois,c’estsûr,j’auraisdûm’enfuiravecBetty-Sue…

Ounepasveniràmaproprefêted’anniversaire.

Etmerde.

LabouteilletournéeparlebrasmusclédeTristanarrivedroitsurmoi.Moncœursesoulève.Desmilliersdegrosmotssecoincentdansmagorge.J’adresseunregarddésespéréàBonniequivientàmarescousseencriantpar-dessusleséclatsderire:

–Ilsnepeuventpas,ilssontdelamêmefamille!

–C’estvrai,ceseraitdégueulasse,renchéritFergusquiahâtequ’onpasseàsontour.

–N’importequoi,ilsn’ontpasdesangencommun!lescontreditDrakealorsquepersonneneluiademandésonavis.

–Techniquement,c’estvraiquevousn’êtespasfrèreetsœur…,hésiteBonnie,justepourêtredumêmeavisquelegrandblond.

–Qu’est-ce qui t’arrive, Sawyer, tu as peur ? intervientTristan en avançant nonchalamment aumilieuducercle.

–Peurdequoi?Detoi?jegrinceenmeforçantàsourirecommesiçanemefaisaitnichaudnifroid.

Envrai,j’aichaud.J’aifroid.J’aitoutçaàlafois.

Je respire par la bouche pour ne pas sentir son parfum. Je regarde mes pieds pour ne pasapercevoirsonregardbleupleindedéfi.Puisjeleregardeunpeuquandmême,pournepasavoirl’airdemedéfiler.Maissonsourirepleind’assurancemeterrasse.Jerestefixéesurlafossette,quimefaitunpeumoinspeurquelereste.Etjefinisparregarderlalunepourqu’ellemevienneenaide.Tout tangue autour de moi à mesure que Tristan se rapproche. Les rires et les cris des autresdeviennentunbourdonnementlointain.Ilposelentementsesmainsautourdemonvisage.Sonparfumm’envahitlesnarines.Lebleuperçantdesesyeuxm’obligeàfermerlesmiens.Etseslèvresfrôlentmes lèvres, une seconde à peine.Mais assez pour quemon cœur s’arrête, quema tête semette à

Page 38: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

tourneretquelesabledeviennemouvantsousmespieds.Uninfime,minuscule,ridiculegémissements’échappedemabouchequandcelledeTristans’éloigne.

Silence total autourdenous.Pourvuquepersonnenem’ait entendue. Je sensmes joues rougirdanslanuit,jeretiensmarespirationjusqu’àcequeleshurlementsjoyeuxexplosentànouveau.Toutlecercle trépigneenattendantque le jeureprenne.MaisTristanramasse labouteillepar terreet lalancedetoutessesforcesversl’océan.

– C’est un jeu de gamins, grogne-t-il avant de s’éloigner dans le sable pour rejoindre l’autregroupe,plusloinsurlaplage.

Uneblondeenmini-shortmoulantluiouvregrandlesbras.Sonex,Lana.

Joyeuxanniversaire,Sawyer…!

Page 39: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

4.«I’mGonnaGetYou»

Lundimatin.Premierjourdurestedemavied’adulte.

Moi, Liv Sawyer, je jure solennellement deme dévouer corps et âme àmon boulot d’assistanteimmobilière et de ne plus perdre une seuleminute – une seule seconde – à repenser bêtement à cebaiserquinesignifiaitrienpourmoi,nipourlui.

Etarrêtederougir,putain!

Septmille trois cent cinquante-cinq kilomètres entre Paris etMiami, puis quarante-deux pontsjusqu’àKeyWest:c’estcequ’illuiafallutraverser.Enseulementsixans,monpèrearéussiàfairede son agence immobilière la plus prospère de l’île. Alors oui, il travaille trop, dort peu, fumecommeunpompier–rarementdevantmoi–,maisluiquivoulaitdonnerunnouvelélanàsacarrièreenrevenants’installerenFloride,ilagagnésonpari.Sonagenceparisiennecontinuedetournerensonabsence,sonbrasdroitgéranttoutsurplace,maisjesaisquelecerveaudeCraigdoitêtreunpeupartout à la fois. Sur lesChamps-Élysées là-bas, surWhitehead Street ici, où s’élève la fabuleusemaisond’Hemingway.

–BonjourJanice!s’écriegaiementmonpèredanslecombiné.Oui,laventeestbouclée.Moinsde trois jours oui, il faut dire que c’était un bijou ! Dites, je vous appelle pour savoir où en estl’acquittementdesloyerscemois-ci.

Je me penche en avant le plus discrètement possible et appuie sur le bouton du haut-parleur,histoired’arrêterdefixerbêtementlemuretdemesentirunminimumconcernée.Craigfaitsemblantdemefairelesgrosyeux,maissecontentedeposerlecombinéavantdecroiserlesmainsderrièresatête.Malgrésoncostumestrictdebusinessman–toutdemêmerehausséd’unecravatebleuflashy–,ilfait dix ansdemoinsque son âge.C’est souvent cequ’on lui dit.Qu’il est beau commeun acteurhollywoodiend’ilyaquelquesdécennies,aussi.

SijeressembleàElleFanning,luipourraitêtrelesosiedeRobertRedford.

–Seulementdeuxlocatairesàrelanceretlecompteserabon,répondlavoixlointainedeJanice.

– Bien, c’est parfait, dit mon père en me fixant soudain de ses yeux limpides. Cette missionreviendraànotrenouvellerecrue,aujourd’hui.

–Nouvellerecrue?

–Mafille.Ellequivoulaitàtoutprixfairesespreuves,ellevaavoirl’occasiondesefrotterauxpayeursrécalcitrants!

–J’espèrequ’ellealecœurbienaccroché,s’inquiètel’administratricedebiens.LepetitvieuxdeDuckAvenuen’estpasuntendre!

–Croyez-moi,ellenemanquepasdecaractère,gloussedoucementlebigboss.Mr.Smithrisquedepasserunsalequartd’heure…

Quelquesamabilitésplustard,monpèreraccrocheetresserresacravateenmejetantunregard

Page 40: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

complice.

–C’estcommeçaqu’onapprend,Oliveverte.Tuvoulaisexpérimenterlesconditionsréelles,sansfavoritisme,non?

–Exactement,jerépondssansmedégonfler.Etcen’estpasunvieillardbougonquivamefairepeur!

Sauf queMr. Smith n’est pas seulement bougon. Il est belliqueux, buté, orgueilleux,misogyneet… il zozote, ce qui ne facilite en rien le dialogue. Au bout de presque trente minutes denégociations,j’obtiensqu’ilpaiesonloyer,endeuxfoiscertes,maisaucentimeprès.

–C’estmieuxquelemoisdernier,commenteCraigenmerejoignantàmonminusculebureau.Janiceaétéobligéedeluiautoriserunpaiemententroiséchéances.

Ilmetendunetassedecafé,serrelesmainsdedeuxjuristesquipassentparlà,puisfaitsigneàsonassistantpersonneld’allerl’attendreensallederéunion.

–Tupeuxfileretprofiterdurestedel’après-midi,mechuchote-t-il.C’estamplementmérité.Tuestrèsbonneennégociation,Liv.Cen’estpasdonnéàtoutlemonde.

–J’aidequitenir,j’imagine,jeluirétorqueenhaussantlesépaules.

–Non,tuesplusferme,plusinflexiblequemoiàtonâge.Tuasuneforcedepersuasionquejen’avaispasencore.

–C’esttoutdemêmeunpeucruel,non?Etmêmehumiliant…

–Quoidonc?

–De demander à un vieuxmonsieur veuf et esseulé de payer un loyer bien trop cher pour samaigrepension.

–Oùest-cequetuasvuqu’iltouchaitunemaigrepension?

–Jenesaispas,jemesuisditque…

–Mr. Smith est millionnaire, Liv. Il est juste trop radin pour profiter de sa fortune avant demourir. Ça fait des années qu’il rechigne à payer son modeste loyer, alors qu’il aurait de quois’acheterunevillaenborddemer!

–Naïve,moi?jesouffleenrougissant.

–Lesgensquisontvraimentdanslebesoin,jefaistoutcequejepeuxpourlesaider.C’estparfoiscompliqué,maisontrouvetoujoursunesolution.

–Monpère,cetangegardiendel’immobilier,dis-jeniaisement.

–C’estça,marmonne-t-il.Allez,fileavantquejechanged’avis!Jepourraistetrouverunetonnededossiersàclasser,simplementenclaquantdesdoigts…

Enmehissantsurlapointedespieds,jel’embrassesursajouehâléequisentlamentheetletabac,puiscoursjusqu’àlasortieensautillantcommeunegazellesousacide.

Finalement,cemétierpourraitmeplaire…

–Elleestunpeuspéciale,maisc’estmoiquil’aifaite,soupiremonpèredansmondos,tandisque

Page 41: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

toussesemployésm’observent,probablementconsternés.

***

Faceaugrandmiroirarrondidelasalledebains,jetentedemaîtriserlenouvelobjetdetorturedeBonnie:ceferàbouclerdemalheurquimebrûlelesdoigtsetfaitgrésillermescheveux.

–C’estsoiréebarbec’,enfait?râlé-jealorsquedelafumées’échappemaintenantdematignasse.

Mameilleure amieme rejoint dans une robe rouge cintrée quimet ses formes généreuses envaleur,etcrieaucarnageensejetantsurmoi.

–Liv,tuesfolle!Tun’espascenséelelaisserchaufferjusqu’àcequeçasentelecochongrillé!hurle-t-elleenm’arrachantl’armedesmains.

–Pourunefoisquejevoulaisjoueràlafille,j’ironiseensouriantàmonreflet.

–C’estquandmêmedingued’êtreaussibelleetden’enavoirrienàfoutre,murmuremadivademeilleureamieavantdes’étalerunetonnederougesurleslèvres.

Jeme passe un coup de brosse, dépose un peu de rose surma bouche avant de visualiser uneBarbiesanscervelleetd’enenleverlestroisquarts,puismetourneversBonniequifredonneSimplytheBestdesavoixenvoûtante.

–Bon,etsi tupassaisauxaveux,Tina?fais-jeensautantsur le lavabopourm’yasseoir.C’estquoileprogramme?

–Tetrouverunmecetmetrouverunjob,glousse-t-elleensepenchantversmoipourmemettredumascara.

J’essaiedemedégager,maislerisquedeperdreunœilestconsidérable.Jemelaissedoncfairejusqu’àcequeBonniereculeenmeregardantdetravers:

–Tesyeuxbleusparaissentdeuxfoisplusgrands!Jetehais!

J’appuiesurlatélécommandemuraledelasalledebains,unairdeQueenserépanddanslapièceetellesedétendimmédiatement.Lecalmeavantlatempête.Aprèsquelquesvocalisesetvérificationsdanslaglace,lafolledinguemetiredetoutessesforcesjusqu’àmachambre.

–Enlève-moicejeanetcechemisierd’enfantdechœur!ordonne-t-elleenouvrantmapenderie.

Jenebougepasd’unpoil,maisellenesegênepaspourbalancersurmonlitunepetiterobenoireultra-courte–jamaisportée–,unecombijauneflashy–uncadeauempoisonnédeFergus–,unejupeencuir–àjeter.

–Choisis.

–Jamaisdelavie.

–Liv,tonlookdegarçonmanqué,jel’aimebien,ilterendunique,maispassûrquelesmecs…

–Jemefousdesmecs,Bonnie.Vraiment.Onvaoù?

–AuDirtyClub,m’avoue-t-elleenfin.Soiréeconcert.

–Quelgroupe?dis-jeenmeméfiantaussitôt.

–LesKeyWhy,répond-elled’unetoutepetitevoix.

Page 42: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Legroupede…

–Tristan,confesse-t-elleenhaussantlesépaules,faussementinnocente.

Cebaiser…Ceslèvres…Cettepeau…Cesmains…

Plusjetentedeleseffacerdemamémoireetplusilsreviennentmehanter.

–EtlegroupedeDrake,aussi!reprendBonnie.Jecompteleurproposermesservicesentantquechoriste.

–C’estça,justeentantquechoriste…

– Drake et moi, je sens qu’il y a un truc, m’avoue-t-elle en me sortant une quatrième tenueimportable.Dis,pourquoituastoutescesfringuesquetunemetsjamais?

– Parce que parfois, j’aimerais bien être comme toi, Bonnie. Comme toutes les autres filles.Pouvoir m’habiller court, moulant, provocateur, pour aller me trémousser sous les regards desgarçons.Saufquec’estcontraireàmanature,jen’ypeuxrien.

Ma meilleure amie me reluque sans piper mot, puis me tend la jupe en cuir et un top blanc,échancrédevantetderrière.

–Tanature,cesoir,j’enfaismonaffaire.Tiens,çairaparfaitementavectonmascara.

Jel’avaisoublié,celui-là…

***

Le bar est bondé, une sorte de brouillard s’échappe de la salle surchauffée lorsque j’ouvre laporte pour y pénétrer.Quelques regards se posent surmoi, puis surBonnie, quelques sourires sedessinentsur lesvisagesmasculins.Nousavançons jusqu’à laseule table libre,poséedansuncoinsombrequidonne sur le côtéde la scène.Seulementune chaise.Bonnie fonce sur la tablevoisinepour en emprunter une autre, je la vois discuter rapidement avec un brun tatoué, puis revenir enoubliantl’objetdesamission.

–Ilm’aréclamétonnuméro,maisjeluiaiditdeteledemanderdirectement!meglisse-t-elleàl’oreilleenasseyantunefessesurmachaise–laseulequenousayons.Ilestcanon!

Jemeretiensàlatablerondepournepastomberetmelèvepourmerendre,àmontour,àlatabled’àcôté.

–Désolée,j’aidéjàuncopain,informé-jelecurieuxenm’emparantdelachaise.Bonnesoirée!

– Oh, ça va, Blondie, ne t’emballe pas ! rétorque-t-il. T’es mignonne, mais je comptais past’épouser!

J’enailecœurbrisé,groscon.

Virginpiñacoladapourmoi,mojitopassivirginpourBonnie,quiestmuniedesafaussecarted’identité indiquant qu’elle a largement l’âge de se bourrer la gueule si ça lui chante.Au bout dudeuxième cocktail, elle commence à parler un peu plus fort que nécessaire et à balancer des clinsd’œilàtoutcequipossèdeunpénis.Jemerendsaubarpourlaravitaillereneaufraîche–bienquecesoitd’unedouchefroidedontelleaitréellementbesoin–etdemanderquanddébuteraleconcert.Lebarman,unbrindragueur, ignoremaquestionetproposeplutôtdem’offriruncourspersonnelde

Page 43: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

mixologie.

Foutuejupeencuirqui,clairement,envoielemauvaismessage.

–Voilàtoneau,pochtronne.

–Pasbesoin,j’aicequ’ilfaut!Ettoiaussi!

J’ignorecommentelleafait,maisladiablessearéussiànouspayerunenouvelletournée.Etvul’odeurquisedégagedemonverre,lebarmanaétégénéreuxenrhum.

–Bonnie,boisunpeud’eaud’abord,luiconseillé-je.

Maisàcetinstant,lascènes’allume,lafoules’agiteetlespremièresnotesdeguitares’envolentdanslesairs.Tristanapparaîtaucentredesmusiciens,danssonjeanbrutetsontee-shirtnoirquifaitressortir sespectoraux, ses cheveuxenbataillebrillant sous lesprojecteurs.C’est lapremière foisque j’assiste à l’un de ses concerts et j’ai dumal à en croiremes yeux. Il passe lamain dans sesmèchesrebelles,semordlalèvre,hausselesépaulesensouriantàsesgroupies.Ilenfaitdescaisses,et le pire, c’est que ça marche. Sa nonchalance, son sourire satisfait, si sûr de lui, tout ce quim’insupported’habitudecolleàmerveilleavecsonpersonnage.Ilestparfaitementàsaplace.Ilmefascine.

Foutue.Jesuisfoutue…

J’airéussiàl’éviterdepuisnotrebaiser,maiscesoir,jesouhaitequenosregardssecroisent.J’aienviedejoueraveclefeu.Justement,sesyeuxfontletourdelasalleettombentsurBonnie,puissurmoi.Tristanaunlégermouvementderecul,medétailledela têteauxpieds,puismesurvolepourallerfixeruneautrefille,àquelquesmètresdelà.Unerousseauxseinsrefaits.Jejureraisqu’ils’estforcéàdétournerlesyeux.Qu’ilavaitautantenviequemoideseperdredansnotreregard.Alorsjebois une gorgée, en espérant décrocher mes pupilles de celui qu’il m’est absolument interdit deboufferdesyeux,commejelefais.Pourfairepassercedrôledefrissonquiremontetoutlelongdemacolonne.L’alcoolmebrûle lagorge, jeboisànouveau.Monverre sevideà toutevitesse, j’aichaudauxjoues,auxmains,partout.

Labatteries’ymet,excitantunpeuplus lafoule.Desonbrasdroitoùsedessinentdesmusclesque jenedevraismêmepas remarquer,Tristans’emparedumicroet,aussitôt, savoixm’emporte.Grave, sensuelle, juste, parfois puissante, parfois à peine audible. Toutemon attention est tournéeverslui,malgrémoi.Sonassurance.Sontalent.Sonsex-appeal.Faceàlascène,lestêtessebalancentenrythme.Leslèvresremuentquandlegroupeselancedansunereprised’unvieuxtubederock.Lescorpssedéhanchentet lesapplaudissementsfusentquandlepublicreconnaîtunechansonoriginaledesKeyWhy,déjàjouéeàunautreconcert.Lesgarçonsprésentsacquiescentdumenton,commes’ilsretiraientunecertainefiertédeconnaîtrelegroupedelaville,celuiquiperceraforcémentdanstousles États-Unis, « tellement les mecs sont bons ». Les filles, elles, dansent, sautillent, s’excitent,poussent parfois depetits cris aigus et agitent les braspour attirer l’attentiondesmusiciens, voireessayerdelestoucherdeloin.CertainesscandentmêmeleprénomdeTristan.Etsimesbrasrestentstatiques,jenevauxpasmieuxqu’elles.

Jenedevraispas.Jen’aipasledroit.Luietmoi,c’estexclu.Défendu.Malsain.

Etpourtant, jeme laissebercerpar lesnotes, séduirepar savoix, sansparvenir à retrouver laraison.

Page 44: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Ildoitfairedanslesquarantedegréslorsquelapremièrepartieduconcertarriveàsafin.Auboutdehuitchansons, lesmusiciens luisantsdesueurretournentdans les loges, lepublics’agglutineaubar, assoiffé. Aumoment où je m’apprête à suivre le mouvement pour commander un soda, uneserveuses’avanceversBonnieetmoi,sonplateaubienremplireposantsursapaume.

–C’estlegroupequioffre!nousannonce-t-elle.

–Donctoutlemondeaunefaussecarted’identité,enfait?Ettoutlemondepicolesaufmoi,c’estça?marmonné-je.

–Drake…,sepâmeBonnieens’éventant.

–Non,c’estTristanquipaiecesoir,lacorrigelaserveuse.D’ailleurs,çaneluiressemblepas.

–Tuleconnais?l’interrogé-jeunpeubrutalement.

–ToutlemondeconnaîtTristan,merétorquelabruneauxyeuxverts,sourireauxlèvres.Etmoipeut-êtreunpeumieuxquelesautres!

–Ettonpourboirevientdes’envoler,grommelé-jepourmoi-même.

–Pardon?

–Non,rien.Jeprendrailewhisky-soda.

–Non,pourtoi,ilacommandéunelimonade.Lescocktailsauchoixsontpourtacopine.

–Alorstupeuxluirenvoyersonplateauetluidired’allersefairefoutre!lâché-jeavantdemeglisserentrelesgenspouratteindrelebar–etmonbarmanpréféré.

Jeretirecequej’aiditsurcettejupe…

Jen’aipasbesoindeTristanQuinnoud’unefaussecartepourm’autoriseràboiredel’alcool!

–Cegroupe,c’estunetuerie!entends-jeenrevenantsurmespas,monverreàlamain.

–Ilsrejouentlemoisprochain!répondunautre.

–Çavareprendre!melanceBonnie,toutexcitée.Ettusaisquoi?Jenemesuispasfaitdraguercesoiretjem’enfous!C’estDrakequejeveux,j’aieuunerévélation!C’estlui,monClyde!

–Tuvoistoutescesfilles?Auborddelascène?Ellesontprisleurticketavanttoi.

–Tuparles,c’estTristanqu’ellesveulent!Regarde,yenamêmequiontdestee-shirtsavecsonprénomdessus!Pathétique!

Aprèsunmicro-silence,mameilleureamiedemesouffler:

–TucroisquejedevraisfairepareilavecleprénomdeDrake?

Jemaudistoutescesfilleshystériqueslorsquelamusiquereprendet,quelquesminutesplustard,lorsqueTristanselaisseembrasserparl’uned’elles,montéesurscènemalgréleserviced’ordre.Ilnemelancepasunseulregarddepuisledébutdecettedeuxièmepartieetjenesaispascommentleprendre.Est-cequ’ilrepenseaubaiser, luiaussi?Est-cequ’ilsongeà laprochainebimboqu’ilvasauter,probablementlaroussesiliconée?Oucesjumelles,unpeuplusloin?Est-cequ’ilsedit,luiaussi,quenotreattirancenousenverraenenfer?

Savoixsuave,légèrementcassée,annoncequelaprochainechansonseraladernière.I’mGonna

Page 45: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Get You – Je t’aurai. Soudain, ses yeuxme cherchent dans la foule, il joue les premiers accords,ronronnelespremièresparoles,lebleudesespupillessemélangeantàl’azurdesmiennes.Moncœurs’emballe, j’aichaud, froid,mes jambes tremblent, j’aidumalàcontenirmon trouble.Etpuisunegroupie lui hurle qu’elle l’aime, qu’elle veut lui faire des bébés et le charme est rompu. Il nemeregardeplus,savoixmonteenpuissanceetjedisparaisdesespensées,alorsqu’iloccupetouteslesmiennes.

Alors je préviensBonnie que je doism’éloigner, je regarde autour demoi, remarqueunbeaumec qui m’observe et j’avance vers lui. Il me sourit, il a l’air normal, gentil, propre sur lui. Jem’approcheencoreplus,ilsentbonets’apprêteàseprésenter.Peuimportesonnom,saprofession,sonâgeetsonsportpréféré.Jel’attrapeparlecoldesonpoloetjel’embrasse.Commejen’aijamaiseul’audaced’embrasserquiquecesoit.J’ymetslalangue–pastrop,aprèstoutjenesaismêmepascommentils’appelle–etjelaissesesmainssepromenerdansmondos.Lachansonarriveàsafin,jeperçois la voix de Tristan qui s’affaiblit, jusqu’à s’éteindre. Lorsque je quitte les lèvres de moninconnupourmeretournerverslascène,jenevoisquelesyeuxassassinsdemonennemijuréposéssurmoi.

Moiaussi,jepeuxembrassern’importequi,rockstar…

Ilestjaloux,j’enmettraismamainàcouper.Rienquelamanièredontilébouriffenerveusementsescheveux,dontils’essuielefront,dontilmarchelorsqu’ilquittelascène,m’indiquequ’iln’apasdu tout apprécié ma spontanéité. De loin, j’arrive à voir qu’il envoie chier la terre entière.Intérieurement,jejubile.Extérieurement,jemeursdechaud.Maiscequejen’avaispasprévu,c’estque l’autre – Jake, étudiant enmédecine, 24 ans, hockey sur glace – allaitme suivre comme unesangsuetoutlerestedelasoirée.ImpossibledeparleràBonniesansqu’ilmecolleauxbasques,decommanderunsodasansqu’ilmel’offre,d’observerTristandeloinsansqu’ilsemetteentraversdemonchemin.Commentondit,déjà?Karma?

Lorsque la serveuse aux yeux de chat se pointe à nouveau, c’est pourme glisser un petitmot.TandisqueBonniedistraitmonnouveaumari,jedéplielepapieretdécouvrel’écrituredeTristan:

«Besoind’aide?»

Je lèvelesyeuxet lecherchedanslafoule.Je ledécouvreassisaubar,unebièreà lamain,entraindediscuterdistraitementaveclarousse.Alorsjemelance.Jeluifaisdessignesenagitantlesbras – foutues abeilles –, ilme repère immédiatement. Je lui fais comprendre que oui, j’ai besoind’aideetilmesourit,decetairarrogantquimedonneautantenviedelegiflerquedel’embrasser.

OnaditINTERDIT,Liv!

BonnieseremetuntraitderougeàlèvresetmelaisseenplanpourallerretrouverDrake.Jakeenprofitepourpasserlamainautourdemesépaules.Malàl’aise,jen’osepasbouger,maislorsqu’ilsepenchepourm’embrasser,jepanique.Moncoupdefolieestloinderrièremoi,j’aiàpeuprèsautantenviedetoucheràseslèvresquedemangerceboutdechickenburger,piétinésurlesol.

–Liv,uneurgence!nousinterromptTristanaumeilleurmoment.Onaunblesséencoulisses!

– Je suis étudiant enmédecine ! lui apprend Jake, prêt à dégainer son stéthoscope de sa pochearrière.

JemeretiensderiredevantleregardindifférentqueluijetteleleaderdesKeyWhy.

Page 46: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Cen’estpascegenredeblessure,expliqué-jesansréfléchir.C’est…pourluienfait.Tristanadestroublespsychologiqueset,quandilcommenceàdélirer,c’estqu’ilestl’heurederentrer.

Jakenousregardecommesinousétionsaussifousl’unquel’autre,puisTristanmesaisitparlepoignetetmetraîneencourantendirectiondescoulisses.Monfourirefendlafouleàmesurequejelatraverse,jusqu’àatteindrelesescalierssombresquimènentauniveauinférieur.

– C’était quoi, ces conneries de « troubles psychologiques » ? Ne t’avise plus de nuire à maréputation,Sawyer!grogne-t-ilenmeconduisantjusqu’àuneportenoire.

–Tun’aspasbesoindemoi,pourça,rétorqué-jeenrécupérantmonbras.

Latensionmontedanscecouloirimmenseetdésert,auxmursrougeséclairéspardesnéonsd’unautre temps.Lesmains libres, je peux enfin les passer dansmes cheveux.À quelques pas demoi,Tristanobservechacundemesmouvementset jemesurprendsàaimerça.Sonregardsurmoi.Sapeaunetouchepluslamienneet,pourtant,jesensencoresonemprise.

–Tucomptes embrasserd’autres connards sousmesyeux? lâche-t-il soudainàvoixbasse, ens’adossantaumur.

–Qu’est-cequeçapeuttefaire?

Sesyeuxmelancentdestorpilles,observentsauvagementmontopéchancré,majupe.

–Arrêtedememater!Jenesuispastarousseauxgros…

–Tais-toi,quelqu’unvat’entendre!gronde-t-ilenregardantàdroiteetàgaucheducouloir.

–C’esttoiquim’asemmenéeici,non?

–Oui,pourtesauverdesbrasgluantsdecetype!merappelle-t-ild’unevoixintimidante.

–Qu’est-cequitefaitcroireque…

Desbruitsdepasserapprochentdenous.Sapaumes’abatsurmabouche.Toutenmeforçantausilence,Tristanmefaitrentrerdanslapetitepièceàpeineéclairéequiluisertdelogeetmeplaquecontrelaportepourlarefermer.

–Tumeprendspouruncon,Liv?

Jerepoussesamainpourtenterdeparler,maisjen’aipasletempsd’enplacerune.Sonsoufflechaudsentbonl’alcoolsucrélorsqu’ilsusurre,toutprèsdemabouche:

–Osemedirequetuaspréféréembrassercetypeplutôtquemoi…

–Etcettefille,surscène?EtLana?Ettouteslesautres,quitevénèrentcommesituétaisundieuvivant!Tun’esqu’un…

–Unquoi?m’interroge-t-ilenfixantmeslèvres.

–Un…

–Allez,n’aiepaspeur,Sawyer.Dis-moivraimentcequetupensesdemoi.

–Tulesais!Jetelerépètechaquejour!Tun’esrienpourmoi!ledéfié-je.

–Rien ? susurre-t-il doucement.Ce n’est pas l’impression que j’ai eue, l’autre soir…Tu sais,quandtuasgémiaucontactdemeslèvres.

Page 47: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–J’aigémidedégoût.

–Non,tuasgémid’envie.Dedésir.Peut-êtremêmedeplaisir,souffle-t-il,desavoixgraveautonjoueur,avantdepasserlalanguesurseslèvres.

Surce,laportebouge,dansmondos,jemecollecontrelemuretlavoixdeDrakemeparvient.Làoùilsetrouve,dansl’embrasuredelaporte,ilnemevoitpasetignoretoutdemaprésence.

–Onsecasse,onfinitlasoiréechezElijah.Tunoussuis?propose-t-ilàTristansanssedemandercequelechanteurfaitlà,seul.

–Non,jesuiscrevé,jevaisrentrer.

–Ouais,c’estça…Elleestrousseoubrune,cettefois?

Blonde.

–Aufait,jesaispasoùesttademi-sœur,maisj’embarquesacopineBonnie.Siellelacherche,tuluiferaspasserlemessage?

–Ouais.

–T’asvulajupequ’elleportait?Etsesyeuxdedingue?Elleétaitcanoncesoir.

–Tagueule,Drake,lerembarreTristanenluiclaquantlaporteenpleinetronche.

–Tuauraispumepéterlenez,connard!grogneleblonddanslecouloir,avantdes’éloigner.

Nousvoilàànouveaufaceà face,seulàseul.Tristan ferme laporteàclé, laglissedoucementdansmamainetmurmure:

–Tupeuxenfairecequetuveux…Situasenviedepartir,c’estmaintenant.

Jelaissetomberlapetitecléargentéeparterreetaperçoisuninfimesouriresurseslèvresquandilentendletintementmétalliqueetcomprendmaréponse.Alorsiltendlebraspourposersapaumecontrelemur.Puisilpenchesatêteenavant,commepourréfléchir.Ilestsiprèsdemoiquejepeuxsentirl’odeurdoucedesonshampoing.

–Tu te rendscomptede lamerdedans laquelle tumemets,Sawyer?demande-t-il soudain,enfixantlesol.

–Idem,soufflé-jedoucement.

Lorsqu’ilrelèvelatête,unenouvellelueurtraversesesyeuxetjelaissetombermesbarrières.Jeneréfléchisplusaumal,aubien,àcequiestmoraletàcequinel’estpas,jemefieàmessenspourmeguider.D’unemaintremblante,jetoucheunemèchequiretombesursonfront.Puislapulpedemes doigts se promène sur son visage, jusqu’à caresser sa bouche. C’est le signal que Tristanattendait. Sesmainsme plaquent contre la surface froide, ses lèvres se posent sur lesmiennes, jegémis.Viennentsemélangerlaforce,ladouceur,ledésir,lachaleur,etsansquejepuisselutter,salangues’enrouleautourdelamiennedansuneétreintequimesembleinfinie.

Etpourtant,quiprendfinbientroptôt…

Tristan se reculeet je reprendsma respiration. Ilme regarde sans semblermevoir,puispasseplusieursfoislamaindanssescheveux,énergiquement,enrépétant:

–Putain,putain,putain,putain…

Page 48: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Pasmieux,dis-je,essouffléeettroublée.

–LivSawyer,bordel…,murmure-t-il,déconcerté.

Jerabatsmescheveuxenqueuedechevalmaissanslesattacher,signedemanervosité.

–Tusaisquejelespréfèreendésordre,reprend-ilunsourireencoin.

–Tusaisquejemefousdecequetupréfères…

–Peste,semarre-t-ildoucement.

Ilsemordlalèvreinférieuresansmequitterdesyeuxetunepetiteflammes’allumeenmoi,toutenbas.

–Onfaitquoi,maintenant?demandé-jebêtement,entirantsurmajupe.

–J’aimonidée…

–Quoi?

–J’aiencoreenviedet’entendregémir,lâche-t-ildansunsourireirrésistible.

Sa voix rauque a fendu l’air, enme coupant le souffle. Sans attendre une réponse dema part,Tristan entoure mon visage de ses mains et m’embrasse férocement, en m’arrachant un nouveaugémissement. Sa langue titille la mienne. Ses mains descendent lentement, me parcourent, serapprochentdemesreins.Jem’agrippeàsondosetmelaisseguiderendirectionduvieuxcanapéenvelours.Surcesquelquesmètres,jel’embrassejusqu’àmanquerd’oxygène.

–Maisjeveuxt’entendregémirplusfortqueça,murmure-t-ilenmepoussantsurlevelours.Etpourça,jevaisdevoirtefairedécouvrirquelquestrucs,joliepeste…

Oublierquijesuis.Quiilest.

Parcequetoutn’estpasnoiretblanc.

Parcequeparfois,lemalressembleétonnammentaubien…

Safossettesecreuselorsqu’ilmeregardedehaut,luidebout,enpositiondeforce,moiétenduesurlecanapé,tentantmaladroitementdemeredresser.Moncœurbatencoreàmilleàl’heure,notrebaiseralaissémaboucheenfléeetrougie,jelesensenpassantmalanguedessus.Jetiresurmajupequinecouvreplusgrand-chosedemescuisses,sonsouriredesalegosses’étendunpeuplus.

Commentpeut-ondétesterautantquelqu’unetledésireràcepoint?

–Tonjeantemanque?menarguelemusicienaucorpsd’athlète,enneratantrienduspectacle,lesbrascroiséssursontorse.

–Jenem’habilleraiplusjamaiscommeunefillequifaitletrottoir…

Cettedernièreremarquem’aéchappé.Jesuistropoccupéeàledéfierduregardpourréfléchiràcequisortdemabouche.

–Dommage.C’estuncrimedecachercesjambes,murmure-t-ilalorsquemesyeuxdescendentsursapommed’Adam.

J’ignorepourquoij’aitantenviedelafrôler.Duboutdemalangue.

Page 49: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Çamarcheaveclesautresfilles,cegenredephrasessurfaitesetclichéesàmourir?rétorqué-jeenmodeautomatique.

–Àtouslescoups.Maispasavectoi,j’imagine,ironise-t-il.Parcequetuessi…

Tristan ne termine pas sa phrase, mais se rapproche suffisamment pour que nos jambes setouchent.Lessiennessontenferméesdanssonjean,lesmiennessontnues.Etfrissonnantes.

–Siquoi?répété-jeenm’empêchantdetrembler.

–Lève-toi.

–Vaauboutdetapensée.

–Lève-toi,Liv,insiste-t-ilentendantlamainversmoi.

Son regard plein de promessesmet fin àma tentative de rébellion. Je claquemamain dans lasienne, unpeubêtement, pour luimontrer qu’il nem’impressionnepas. Ilm’aide àme relever et,soudain, le feu se rallumeenmoi. Iln’yaplusun seul centimètred’espaceentrenous.Nousnousretrouvonscollésl’unàl’autre,commesinoustentionsdenefairequ’un.Maissesmainsnetententrien.Ilnetenterien.Seulsontorsemusculeuxempièteunpeusurmonespace,lorsqu’ilrespire.

–Qu’est-cequetufais?demandé-je,troublée.

–J’attends.

–Tuattendsquoi?

–Quetufasseslepremierpas.

Lesondesavoixgravevientdemetranspercer…toutenbas.Jesenssonsex-appealfairesoneffetsousmajupe.

–Lepremierpaspourquoi?fais-jeenmeraclantlagorge.

–Pourjoueràunjeuquetuvasadorer…

–Commenttupeuxenêtreaussisûr?

–Parcequejecroisquemoinsonsesupporte,plusonsedésire.EtLivSawyer,jecroisquetueslaplusgrandeemmerdeusequej’aiejamaisconnue.Maisaussilaplusintrigante.

–Alorsn’attendsplus,fais-jeensentantmescuissesmepicoter.

Tristan était aussi impatient quemoi, si j’en crois la fougue avec laquelle il m’embrasse. Sesmains seglissent sousmon top tandis que sa langue se faufile dansmabouche.Cebaiser est plussauvage,plusanimalquelesprécédents.Etquandsesdoigtsexpérimentésdéfontmonsoutien-gorge,seslèvresseperdentdéjàdansmoncou.Jegémis.

–Doucemusiqueàmesoreilles,commente-t-ilencaressantmesseinsàtraversletissu.

Je gémis de plus belle, mes tétons durcissant au contact de ses paumes et du tissu légèrementrugueuxdemondébardeur.Sesmainsdescendentjusqu’àmesjambes,puisremontentlelongdemescuisses.Toutensuccombantàsescaresses,j’enfouismatêtedanssoncoupourlerespirer,lesentir.Sonparfumvirilmélangéàsonodeurnaturellenefaitqu’augmentermondésir.Maboucheseperdsur sa peau, jusqu’à atteindre sa pomme d’Adam. Sur laquelle je fais glisser ma langue avecdélectation.

Page 50: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Appréciantmonaudace,Tristan laisse échapperungrognement excité et sespaumes remontentplusbrutalementlelongdemescuisses,pours’immiscersousmajupe.Jusqu’àatteindrelesbordsdemaculotte.Illeseffleure,tirelégèrementdessus,joueaveclepetitnœudenhautduboutdetissu,puisavecl’élastiquequilemaintientenplace.Sansmereconnaître,jerâled’impatienceettrépignepourqu’ilcontinue.Pourqu’ilmetouche,làoùçamebrûle.

Maisletombeurdefillesn’enfaitrien,préférantdélaissermaculottepours’attaquerauboutondemajupe.Lorsquejeréalisequ’ilveutmedévêtir,jepaniqueàmoitié.

Êtreincapablederésisteràsescaresses,c’estunechose.Maislelaissermevoirnue…

–Non,fais-jedoucementenéloignantsamain.

Nosregardssecroisent,celuideTristann’estpasseulementardent,ilestattentif.Trèsattentif.Jedevineque,malgrésesairsdegrosdur,ilnechercherapasàm’imposerquoiquecesoit.Alorstoutenplongeantmesyeuxauplusprofonddessiens,jeguidesamainsousmajupe.Sousmaculotte.Jenesaispascequim’arrive.Jen’aijamaisétéaussimouillée.

Lorsquesesdoigtstouchentenfinmonclitoris,jenepeuxretenirunpetitcrivoilé.

– Je crois que je n’ai jamais autant apprécié que tu me cries dessus, Sawyer, susurre-t-il enapprivoisantpetitàpetitmonintimité.

Jenecherchepas la repartiequi feramouche– j’ensuis incapable,bien tropobnubiléepar lesvaguesdeplaisirquimontent enmoi. Je tentedemegrandir,m’accrocheà ses épaules, sensmonexcitationgrimperenflèche,écarteunejambepourluifaciliter la tâche,maisrapidement, jeperdsl’équilibre sous ses caresses. Tristan choisit cet instant pour se laisser tomber sur le canapé, puism’attirebrusquementsurlui.

JesuisàcalifourchonsurTristanQuinn.

Rêveoucauchemar?

Jeremontemajupepourpouvoirsuffisammentécarterlescuissesetviensm’asseoirsurlabossequidéformesonjeanbrut.Jelaremarqueenfin.

Elle…ellem’hypnotise…

Etsesdoigtsquisefaufilentànouveausousmaculotte,etmabouchequigémit, tandisqueseslèvres tentent de s’attaquer à mes tétons à travers mon top. Une envie soudaine me prend, troppuissante pour que j’y résiste : je passe mon débardeur par-dessus ma tête d’un geste farouche,laissantlarockstarsansvoix.Monsoutien-gorgedisparaîtàsontour.

Oui,jesuispleinedeparadoxes…

Etoui,j’aienviequetumemordeslestétons.

Tandis que ses yeux brillants passent de l’un à l’autre, ses grandesmains soupèsentmes petitsseins, les frôlent, les caressent, les malaxent. Puis, c’est au tour de ses lèvres de faire leurconnaissance.Tandisqu’ilmesuce,melèche,memordille,j’imprimeunlégermouvementdeva-et-vient contre lui. J’agitemon bassin,me cambre, ressens unmillier de sensations au creux demaféminité.Tristan s’arrête un instant demedévorer, grogne, puis repart de plus belle. Son érectionfrottecontremonintimité,j’activelerythmetandisquesescaressesbuccalesmefontperdrelatête.

Page 51: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Jenetepensaispasaussi…,hésiteTristan,entreprenante.

Moinonplus.Jenepensaisjamaisalleraussiloinaveclui.Jenepensaisjamaisalleroùquecesoit avec lui. Demain, je le regretterai probablement. Avec certitude, même. Mais ce soir, lesconséquencesm’importentpeu.Lamoralem’importeencoremoins.Cefeuquibrûleenmoimerendplusvivante,pluslibreetplusfemmequejamais.

Jefourragemesmainsdanssescheveuxrebelles,lestirelégèrementenarrièreetenprofitepourl’embrasseràpleinebouche.JenesuispluslaLivfuyanteettimoréequ’ils’imaginait.JenesuispluslaLivenfantquejedétestais.Cesoir,quelquechoseenmoiestentraindechanger.Ettandisquenossoufflessemélangent,jemefrottedeplusenplusintensémentàlui.

– Liv, moins vite, putain, tu me rends dingue, râle Tristan en empoignant mes cuisses pourm’obligeràralentir.

–C’esttropbon,soufflé-jeavantqueseslèvresnes’abattentànouveausurlesmiennes.

J’envoudraisencoreplus.Jevoudraislevoir.Qu’ilsedéshabilleetqu’ilmeprésentecequisecachesouscejeanetquimeconsume.Cequisecachesousl’élastiqueblancdeceboxerdemarque,qui dépasse juste assez pour me provoquer. Mais alors que je commence à détacher sa ceinture,Tristanmestoppenet.

–Non.Çavaallertroploin.Jenepourraiplusm’arrêter…

–Quit’ademandédelefaire?

–Moi,lâche-t-ilavantdemerenversersurlecanapé.

Enun souffle, il est au-dessusdemoi,m’empêchantde faire lemoindremouvement.Sesyeuxespiègles contemplent ma surprise, tandis que je m’agite et grogne pour tenter de retrouver maliberté.C’estpeineperdue,ilestbientropimposantetbientropbutépourquejepuissebouger.

–Cequimeplaîtcheztoi,c’estquetun’aspaspeurdet’attaqueràplusfortquetoi…

–Jeteprendsaubrasdeferquandtuveux.

–Jenecroispas,non,melance-t-il,moqueur.

Etsamainquis’insinueànouveaulàoùelleestattendue.Tristanécarteletissuquiprotégeaitmapudeur etme touche enm’observantme languir. Une vague de chaleurmonte jusqu’àmes joues,j’émetsquelquessonsplusoumoinsaigus,medandinesoussescaresses,çaal’airdeluiplaire.

–Finalement,lesfillescoincéessontbienplusintéressantesquecequejepensais,chuchote-t-ilàmonoreilleavantdelamordiller.

Je parviens à glissermamain jusqu’à sa bosse et à l’effleurer à travers le tissu. Le corps dumusicien se tend, au-dessus de moi. Je gémis lorsqu’il pince mon clitoris un peu plus fort quenécessaireetdescendslentementsafermetureéclair.Mamainsefaufilesouslejeanetentreenfinencontactavecsavirilité.Seulleboxerempêchelepeauàpeau.

–Caresse-moi…Oui,commeça,murmureTristanenguidantmamaindehautenbas.

Dans cette loge rouge et noire, alors que nous sommes allongés sur ce canapé en velours, lesminutesdéfilentsansquejelesvoiepasser.Nouspartageonsnoscaressesdansnotrebulle,sansnoussoucier du reste du monde, en nous embrassant à chaque fois comme si c’était la première. Lui

Page 52: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

s’amuseàmechercher,àmemordillerlalèvre,àmepincerletéton,jeluirendslapareilleenserrantunpeuplussonsexedansmamain.Etjecroisqu’ilvientjustedemel’avouer:iladoreça.

«Caresse-moi…»

Savoixprofonde,chaude,résonneencoredansmonespritlorsquemajouissances’abatsurmoi.Jeplongemonvisagedanssoncouetretiensmoncri,tandisqu’ilposesamainsurlamiennepourquejecessemescaresses.Pourquejem’abandonnetotalementàcetorgasmequiallumechacunedemesterminaisonsnerveuses.

EtpuisTristanselaissetombersurlesol,auxpiedsducanapé,etfixeleplafondenreprenantsonsouffle.Jel’imite,savourantencorelesvaguesdeplaisirquiparcourentmoncorps.

Etlaréalitémerevientenpleineface.Jeréaliseoùjesuis,cequejeviensdefaire…etavecqui.Je prends conscience qu’il est impossible de revenir en arrière. Que je viens de commettrel’irréparable.Oucequis’enrapprocheleplus.

–Merde!murmuré-jeàmoi-mêmeenmemordantlesjouespournepaspleurer.Merde,merde,merde!

Montopblancatterritsoudainsurmapoitrine,sansquejefasselemoindregeste.JecomprendsqueTristanvientde ledéposerdélicatementsurmoi,commepourprotégermapudeur. Ilvient luiaussideréalisercequ’onafait.Sesyeuxmecroisentàpeine.Sursonvisage,pasd’animosité,pasd’arrogance,maislemêmetourmentquemoi.

Est-cequ’onvientvraimentdefaireça?

Page 53: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

5.Dînerdefamille

Qu’est-cequej’aifait?

Non,qu’est-cequ’ONafait?

Detoutefaçon,çanesesaurajamais.Tristanauratrophontepours’envanter.Etilaététrèsclairavecmoi.Enfin, ilmel’afaitcomprendre.C’étaituneerreur.Lapireerreurdenotrevie.Çanesereproduirapas.Etonferacommesicen’étaitmêmejamaisarrivé.

Maisc’estarrivé…

Maisqu’est-cequim’apris?

Il m’a pris lui. Tristan Quinn. Sa putain de voix grave et son personnage de chanteur habité,transpirant,passionné. J’ai eubeau lutter, il a réussi àme fairecraquer.Sonputainde regardbleudanslequeljemesuisnoyée.Commes’iln’yavaitquemoiqu’ilregardaitcommeça.Saputaindebouchehumide,qu’illècheetqu’ilmordcommesiçapouvaitêtresexy.Etlepire,c’estqueçal’est.Sesputainsdebrasmusclés,demainsdoucesetsûresd’elles,quicaressentetquiserrentcommes’ilétait impossiblede leuréchapper.Etpourtant, iln’apascherchéàmepiéger.Àchaqueseconde, ils’estmontrédoux,respectueux,malgrésafièvre.J’aieul’impressionqueluiaussicraquait.Queluinonplusnepouvaitpasrésister.Etc’estpeut-êtrecequim’aleplusfaitchavirer.Maiscommenta-t-onpuàcepointselaisseraller?

Ilfautquepersonnenelesache,jamais.

C’estmondemi-frère,jesuissademi-sœur.Nosparentssontmariés.C’estdégueulasse,ilsontditsurlaplageenhurlantderire.C’estcequetoutlemondevapenser.Etsiçavenaitàsesavoir,c’estcourud’avance,c’estmoiquienprendraispleinlatête.Tristanestjusteunmec,unaimantàfilles,c’estdanssanaturedeséduireetdeselaisseralleràsespulsions.Àlui,onluipardonneracetécart,cet instinctprimaire.« Ilestcommeça», tout lemondedira.Certainsserontmême impressionnésqu’ilait réussiàmedévergonder.Etpuisc’estunrebelle, ila ledroitdefairedesconneries,c’estmêmeexactementcequ’onattenddelui.Maismoi,lafilleàpapa,lagaminesérieuseetsanshistoire,l’innocentepetitechosedontonattendqu’ellerestedansledroitchemin,qu’ellesoitraisonnableetqu’ellefassetoutbien:ceseralacata.Monpèretomberadetrèshaut.Mabelle-mèremetraiteradetouslesnoms.Ettoutlemondemereprocherad’avoircédéàlatentationalorsqu’ilsuffisaitdeluidirenon.Cen’estpascommesij’avaisdesdésirs,moi.Pascommesijem’intéressaisà«ça».Non,moi,jeneressensrien,biensûrquenon.Jenesuisriend’autrequ’ungarçonmanquéde18ansquidétestelesgens.

Voilà ceque je dirai.Puisque c’est commeçaqu’onmevoit, jem’en servirai.Si ça se sait, jenierai.Ilnes’estrienpassédanscetteloge.Onn’arienfaitd’autreques’engueuler,sebalancerdestrucsà la têteet s’envoyerchier,commed’habitude,commechaquefoisqu’onse retrouvedans lamêmepièce.

Siseulementons’étaitcontentésdefaireça…

C’estcequ’onfaitlemieux,touslesdeux…

Page 54: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Cequ’onfaisaitlemieuxjusque-là…

Non,ilsuffitquejemerépètequecen’estpasarrivé.C’étaitjusteunrêveérotique.Uncauchemarbizarreoùjeportaisunejupeencuirquinemeressemblepas,dumascaraquin’estmêmepasàmoi.Unesoirée improbableoùj’aiembrasséuninconnupourrendre jalouxunmecquejenepeuxpassupporter.Voilà,çan’aaucunsens.C’estévidentquecen’est jamaisarrivé.Ilsuffitquejesortedecettechambreetquej’oubliequidortdanscelled’àcôté.Justedel’autrecôtédumur,unmursifinquejepeuxpresquel’entendrerespirer.

***

Onaréussiàs’éviterpendantquatrejoursentiers.Lemoisdejuilletestterminé.Onestdéjààlamoitié des vacances d’été.Unmois queTristan est rentré de son internat. Plus qu’un autremois àtirer,ensemblesouslemêmetoit.Etsioncontinuecommeça,onarriverapeut-êtreàoublier.

Enfin,plusqu’unmois…siunefacveutbiendemoi.

BonnieetFergusontdéjàreçuleurlettre,eux.Jesuiscenséeendéduirequoi?

– Vous faites un concours de grasses matinées, tous les deux ? ironise Sienna un matin,m’interceptantalorsquejesorsdemachambre.Tristan,debout!hurle-t-elleàlaported’àcôté.C’estbon,tuasgagné,Livestlevée!

–Onestdimanche.Jepeuxallerboiremoncafé?jeluilanceententantdem’enfuiravantdelevoirsortir.

–Non,j’aideuxmotsàvousdireàtouslesdeux,insiste-t-elleenposantunpoingsursahanchecommesiçaluidonnaitdel’aplomb.

Tristansortensoupirant,levisagedéfaitetlescheveuxenbataille,vêtud’uncaleçonnoiretd’untee-shirtgrisqu’ilvientjusted’enfiler,pastoutàfaitdescendusursontorse.Cen’estpaslapremièrefois que je le vois dans ce genre de tenue le matin. Mais c’est la première fois que je doism’empêcherderegarder.Etquej’aperçoisquandmêmel’élastiqueblancdesonsous-vêtement,serrébassursonventre.Jechassel’imagequiessaied’envahirmarétine.J’essaiedemeconcentrersurlaleçondemoraledemabelle-mère,sansdouteinintéressante,sansdoutedéjàentenduedixfois,maisquialeméritedemechangerlesidées.

–À18ans,onregorged’énergie!Onaenviedecroquerlavieàpleinesdents,denepasperdreuneminutedesontemps!Alorsexpliquez-moipourquoivouspasseztoutlevôtreenfermésdansvoschambres.

–C’estfaux,jerépèteaveclesgarstoutelajournée,rétorqueTristanàvoixbasse.

–Etjetravailleàl’agencetoutelasemaine,ajouté-jeenregardantailleurs.

–Oui,etvousvouséclipsezàlasecondeoùvousrentrez.Cen’estpasvraimentcequej’appelleuneviedefamille!

–Maman…,commenceàs’impatientermonvoisindepalierenserrant lesdents.Craigpartauboulotà7heuresdumat’.Ettuesàtonhôteljusqu’à22heures.Quandtuesàlamaison,c’estdanstonbureauavecunepancarte«Nepasdéranger».Harryconnaîtmieuxsesnounousque toi.Monpèreestmort, lamèredeLivn’existepaset tuvoistonmariuneheureparjour.Tuveuxvraimentnousfaireuneleçonsurlafamille?

Page 55: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

–Parle-moiautrement,Tristan ! s’agaceSiennaen tendantun index rageurvers lui.C’estpourvousquejedisça.Maissitutienstellementàgâchertavie,continuecommeça,tut’ensorstrèsbien!Etsinotrefamilleneteconvientpas,laporteestlà!s’écrie-t-elleenpointantlerez-de-chausséedudoigt.C’est aussi valablepour toi ! conclut-elle enmepostillonnant dessus avant dedescendre lesescaliersdesadémarchethéâtralegenrecommediadell’arte.

Tristanémetunsonentrelerireétoufféetlesoupirblasé.Jesourisaussi,decettecrised’autoritéaussi soudaine que ratée, comme souvent avec ma belle-mère. Nos regards et nos sourires secroisent,mais s’éteignent aussitôt.Rictus gêné pour lui.Moue embarrassée pourmoi. Je fixemespieds.Ilrabatsontee-shirtsursoncaleçon.J’essaiedepartirendirectiondel’escalier.Ildémarreenmêmetemps.Jemedécaleàgauche,ilalamêmeidée.Jetourneàdroitepourl’éviter,ilmebloquelepassagesansfaireexprès.Etnosdeuxcerveauxs’emmêlent, incapablesdefairelebonmouvementpoursecroisersanssefrôler.

Faischier.

Rienneseraplusjamaiscommeavant.Ceserabienpire.

***

Uncaféetunpassageexpressdanslasalledebainsplustard,jequittelamaisonaupasdecourseetmontedansmanouvellevoiture.Enfinseule.J’hésiteàappelerBonnie,passûred’êtred’humeurpoursesvocalisesenjouéesetsesblaguessalaces.JepourraistenterFergus,maisilvamebassineravecceconcertgénialqu’ilaraté,ilvamedemanderdeluire-re-raconteretçanevapasvraimentm’aider à penser à autre chose. Je pourrais rejoindre mon père mais, quand il est à l’agence ledimanche,c’estforcémentpourrégleruneurgence.Etilestgrandtempsquej’apprenneàaffrontermes problèmes sans lui. Je jettemon dévolu surma grand-mère : toujours chez elle leweek-end,jamaisdemauvaisehumeurettrèséloignéedemespréoccupations,c’estlapersonneparfaite.

Sapetitemaisonestàl’imagedesapersonnalité:originale,colorée,bordéliqueetpleinedevie.Sursongrandterrain–quin’aplusdepelousedepuisbienlongtemps–cohabitenttouslesanimauxabandonnésqu’elleapurecueillircesdixdernièresannées:troischiens,unechèvre,destortues,unemultitude de poules et de chats errants et même un cochon nain qu’elle prétend avoir sauvé del’abattoir.Betty-Sue est végétarienne, ça va de soi,mais pas seulement.C’est unevraie hippie, quirejette la société de consommation, mange bio, cultive son petit potager, fabrique ses propresvêtementsetrecycletoutcequ’elletrouveetpeutluiêtreutile.Ellesefichepasmaldetoutl’argentdemonpèreetrefusenetchaquefoisqu’iltentedel’aideràaméliorersonquotidien.Betty-Suen’apasbesoindegrand-chosepourêtreheureuse.Seulementqu’onluifichelapaix.Sonfilsetsapetite-filleluisuffisent,quoiqu’ellesevantesouventd’avoirdesamantsdepassage,maisellerépèteàquiveutl’entendrequ’ellepréfèrelargementlesanimauxauxhommes.

Ellevientd’ailleursdeselierd’amitiéavecunpélicanquinagedanslemaraisderrièrechezelle.Sadernière lubie : lui construireunnid artificiel au casoù il aurait enviede fairedespetits, sansmêmesavoirsic’estunmâleouunefemelle.Betty-Suecroitenlavie,durcommefer,elleadorelesmiraclesetpeutpasserdesheuresàcontemplerdesfleursoudesfourmis.Toutl’intéresse,laravit,etilenfautbeaucouppourluifaireperdresonsourire.

Jemegaredevantchezelleetellemefaitdéjàdegrandssignespourque je la rejoignesur leperrondesamaison.Magrand-mèreestenrobelongueàfleurs,piedsnus,entrainderepeindreenvert pomme une sorte de petit abri de fortune, sans doute une niche pour l’un de ses derniers

Page 56: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

protégés.J’entendsd’icilesbreloquesdesesbraceletsjouerdelamusiquependantqu’elles’active.D’aprèsmonpère,Betty-Sue porte lesmêmes vêtements depuis quarante ans. Sachant qu’elle en a77–20danssatête–,çafaitplusdelamoitiédesaviesansfairelesboutiqueset,rienquepourcetexploit,elleestmonidole.Ellen’apasdûsecouperlescheveuxdepuisàpeuprèslamêmedateetelle porte une longue tignasse grise ondulée, qu’elle tente parfois de teindre au henné, sans grandsuccès.EllealesmêmesyeuxbleusetlapeauclairequetouslesSawyer–etjen’enconnaisquetroispuisquemonpèreestfilsuniqueetquemagrand-mèren’aaucuneidéedequiestlegéniteurdepapa.

–Qu’est-cequetuviensfaireici,machérie?C’estlabelle-mèrequiaencorefaitdessiennes?

– Rien de grave, juste une petite gueulante sortie de nulle part, je lui réponds en haussant lesépaules,blasée.

–Laisse-moitedireunpetitsecret,chuchoteBetty-Sueens’arrêtantdepeindre.Tonpèreestunhomme bien qui a tout réussi dans sa vie… sauf sesmariages, affirme-t-elle avecmalice. Il a dedrôlesdegoûtspour les femmes.Déjà, laFrançaise, jene la sentaispas…Mais l’Italienne,quellepimbêche!

–Çan’aduréquedeuxansavecmamère.MaisçafaitdéjàtroisavecSienna!soupiré-je.

–Net’enfaispaspourça,va,çanedurerapas.

–Tuleurasjetéunsortavectespoupéesvaudous?ris-je.

–Non,mavoyantemel’aprédit,meconfie-t-elleavecunclind’œil.

–Ah,danscecas,c’estplusquecertain!memoqué-jegentiment.

–Ettoi,mapetite?Lequeldecespauvresidiotsquit’entourentestfoudetoi?Àquelgarçontuarrivesàfairefairedemauvaischoix?

D’habitude,j’adorelesdiscoursféministesdemagrand-mère,quiestpersuadéequelesfemmesdirigentlemondeetmènentleshommesparleboutdunez.Maisqu’ellesfontsemblantdeselaisserdominerpourpréserverlesecretdeleursuprématie.Toutunprogramme…Saufqu’aujourd’hui,legarçonquifaitn’importequoiaunprénom.Qu’iln’estni idiotnifoudemoi.Etquesonmauvaischoixsetrouveêtresademi-sœurparalliance.

–Jesaisgarderunsecret,insisteBetty-Sueenmevoyantdansmespensées.Etàquivoudrais-tuquejelerépète,hein?ÀBlanquette,àCôtelette,àFilet-Mignon?

–Quandjepensequejen’aipasledroitdet’appeler«mamie»alorsquetuasdonnédesnomspareilsàtesanimaux!

–Jenemangepasdeviande,j’aibienledroitd’utilisercessobriquetspourmesouvenirdugoûtqueçaa!semarre-t-elleenobservantsaménagerieauloin.

–…

– Je sais que tu adores ton père, Liv chérie. Et que ta mère n’était pas vraiment disposée àt’écoutercesdix-huitdernièresannées…Maissituasbesoindeparleràunefemme,jesuislà,tunepeuxpasmerater!rappelle-t-elleenouvrantgrandlesbraspourmemontrersarobecolorée.

J’hésiteunesecondedeplus,puismejettecontreelle,aveclecœurquibatunpeutropfortetlabouchequirefusedesortirunmot.Jenepeuxpas.Pasencore.Sansdoute jamais.Cetteparenthèse

Page 57: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

torrideetinterditeentreTristanetmoidoitresterunsecret.Enattendant,jeprofitedelachaleurdeBetty-Sue,desonénergiepositiveetdeseslentescaressesdansmondos.

–Quoique tuaies faitouenviede faire,mapetite fille, rienn’estgrave,murmure-t-elledesavoixdouceetbienveillante.Quoiquecesoit,rienn’estaussigravequetulecrois.

Jenesuispassisûredeça…

***

Après avoir joué avec les chiens dema grand-mère, couru après un cochon du nom de Filet-Mignon,aprèsavoirbuunthéglacéfaitmaisonetrepeintunenicheenboisbancale, jerentreà lavillaaveclecœurunpeupluslégeretlecorpsparsemédetracesdepeintureverte.Maisjenesuispasplusavancéesurmessentiments.Est-cequejeledétestetoujours?Plusqu’avant?Est-cequejelui en veux ? Est-ce que c’est de sa faute ? De la mienne ? De personne ? Est-ce que je devraisl’ignorer?L’affronter?Est-cequ’ilsuffiraitquejefassecommesiderienn’étaitpourtoutoublier?Çavautpeut-êtrelecoupd’essayer.

HarrisonetTristansontdanslacouraumomentoùjem’arrêtelelongdutrottoir.J’entendsleursvoixà traversmavitreouverte–celledupetitestaussiaiguëetenjouéequecelledugrandsonnegraveetesttorturée.Iln’apasvraimentl’airdanssonétatnormal.Jemegareleplusloinpossibleduportailpourluicachermavoiture,nepasluidonnerunebonneraisondes’enprendreàmoiàpeinearrivée. J’inspire profondément avant d’entrer, et j’essaie de prendre un air normal et détaché aumomentdelancer:

–Alors,quifaitpipileplusloin?

–Enquoiçateregarde,Sawyer?merépondsèchementl’aîné.

–Pourquoituasduve'tpa'tout?medemandelepetitcurieux.

–Harry,dégage,vajouerplusloin!luiordonneTristan.

–Tu peuxme parler comme à un chien si tu veux,mais il n’a que 3 ans et il ne t’a rien fait,essayé-jedem’interposer.

–Parcequetucroisquetum’asfaitquelquechose,toi?lâche-t-ilavecunpetitsourirenarquois.Cen’étaitriendutout,Sawyer.Etnevapast’imaginerqueçachangequoiquecesoitentrenous.

–C’esttoiquienreparles,Quinn,rétorqué-jepournepasmelaisserfaire.J’avaiscomplètementoubliécettehistoire,mens-jeensoutenantsonregard.

–Tantmieux,acquiesce-t-ilendétournantsesyeuxbleus.

Illeslaisseflânersurmapeau,auxendroitstachésdepeinture,surmonmenton,monépaule,lecol échancré de mon débardeur. Je joue nerveusement avec ma bretelle comme pour m’assurerqu’elleestlà,quesesyeuxperçantsetdissipésn’ontpasencorelepouvoirdemedéshabiller.

Apparemment,ilnesaitpasplusquemois’ilmedétesteoumedésire…

–Rentrez vous débarbouiller, tous les trois ! s’écrie Sienna après avoir ouvert une fenêtre dusalon.

JevoisTristansursauterenmêmetempsquemoietreculerautomatiquementdequelquespas.Ilsefrotteénergiquementlescheveux,commepourseremettrelesidéesenplace,etglissesesmains

Page 58: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

danslespochesdesonshortenjean,enretrouvantsonattitudedésinvolte,parfaitementindifférente.

–Jecroisquetamèrepensequ’onatous3ans,murmuré-jeendirectiondeTristanquinepeuts’empêcherdesourire.

Il vient se planter à côté demoi, face à la fenêtre où Sienna attend, désespérément, qu’on luiobéisse.

–C’estl’heured’alleraudodooutuvasnouslireunehistoired’abord?demande-t-ilàsamèresuruntoninsolent.JecroisqueLivabesoinquetuluifassesprendresonbain,avant!

–C’esttoiquienrêves,Quinn,leprovoqué-jeàvoixbasse.

Surmadroite,jevoissafossettegauchesecreuser.Monaudaceafaitmouche.Ilcroisesesbrasmuscléssursontorseetseforceànepasmeregarder.

–Penseàbient’enfermerdanslasalledebains,Sawyer.Ilpourrait t’arriverdesennuisavectaserviette,réplique-t-ilentresesmâchoiresserrées.

–Arrête,j’aipeur,j’ironiseengardantmonsourire.

–Bon,vousvenezaulieudericaner?J’aidécidéqu’ondîneraittousensemblecesoir.Commeunefamille!s’époumoneSiennaavantderefermerlafenêtre.

–Etmerde,soupire-t-il.

–Faischier,confirmé-je.

Quinzeminutesplustard,onesttouslescinqassisautourdelatablecarréedelasalleàmanger–qui ne sert presque jamais.On y a quandmême nos places attitrées :mon père etmoi d’un côté,Tristanetsamèredel’autre,avecHarryenboutdetablequiainsistépourêtreducôtédesonfrère.

–Tusaisque,danslesfamillesnormales,cesontlesparentsquicuisinent?Paslesdomestiques,selanceTristan,avecsonéternelleenviedefoutrelamerde.

–Tais-toietmange,répliqueSiennadansunsourireforcé,prêteàtoutpourquecedînersoituneréussite.

– Est-ce que je peux couper la viande de ton fils ou on attend qu’une nounou intervienne ?relance-t-ildeplusbelle.

–Craigetmoitravaillonstrèsdurpourvousoffrirtoutça,sedéfendmabelle-mère.Etc’estbiennormalquenousfassionsappelàdesgens,dontc’estlemétier,pournousépaulerdanslequotidien.

– Papa avait bien plus d’argent que vous n’en amasserez jamais tous les deux, continue àprovoquerTristan.Çanel’empêchaitpasdevivresimplement.

–Tonpèren’estpluslà,chuchoteSiennaenayantdumalàavalersadernièrebouchée.

–Ettoi,Craig?Tuesd’accordaveccemodedeviedepetitsbourgeois?lance-t-ilàlarecherched’unnouveladversaire.

Lesdeuxhommesentamentundébatstérilesurl’essentieletlesuperflu,cequiamusebeaucoupmonpère,jamaisàcourtd’arguments,ettitillel’espritdecontradictiondeTristan.Pendantcetemps-là, Harrison mange avec les doigts et se met à chouiner chaque fois que sa mère lui demanded’utiliser sa fourchette. Je décroche pour les observer, un par un, et réaliser à quel point nous

Page 59: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

sommesdifférents.Àquelpointaucundenousnesemblevraimentàsaplace.

Monpèreauraitpu refaire savieavecune femmedouce,ouverteet facile àvivre, comme lui.Siennaauraitpusetrouverunmarinonfumeur,soumis,maisàlahauteurdesesambitionsdanslavie.Harryauraitpuavoirsesdeuxparents,tendresetpatients,quiluiauraientapprisàmangeravecdescouvertsetàfairepipiaubonendroit.Tristanauraitpunejamaiscroisermaroute.Ouj’auraispulerencontrerparhasard,àunconcert,dansunbar.Etiln’auraitpasétémondemi-frère.

Letéléphonedelamaisonsonneetmesortdemespensées.Maisautourdelatable,personnen’al’idéed’interromprecequ’ilfaitpourallerdécrocher.C’estàpeines’ilsl’ontentendu.Toutlemondeaunportableetlasonneriedufixen’al’aird’intéresseraucund’entreeux.Jefinisparmedévouer,entraînantdespieds,persuadéequececoupdefilneserapaspourmoi.

–Allô?prononcé-jeenessayantd’imiterlavoixsnobinardedeSienna,justepourm’amuser.

–Jesaiscequevosenfantsontfait,commenceunevoixmétallique,apparemmentdéformée.

–Pardon?

–Jesaiscequ’ilsontfait.

–Jecroisquevousvousêtestrompédenuméro,monsieur,coupé-jecourtàcequejecroisêtreuneblagued’enfant.

–Non,insistelerobot.LivSawyeretTristanQuinn.Jesaiscequ’ilsontfait.Etças’appelledel’inceste.

Laconversationcoupeetmoncœurlâche.Laterres’estarrêtéedetourner,maislesrireset lescrismeparviennentencoredelasalleàmanger.

Maisquiçapeutêtre?

Etquiquecesoit,commentilsaitça?

Etsimonpèreoumabelle-mèreavaitdécroché?

–Liv,reviens,ilfautquetuexpliquesàcetidiotpourquoic’estsibiend’êtreunefilleàpapa!semarremonpèredeloin.

–Tristan,nel’insultepas,c’esttasœur!râleencoreSienna.

«Tasœur…»

«Rienn’estaussigravequetulecrois…»

«Ças’appelledel’inceste…»

Rien.Saufça.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Page 60: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Egalementdisponible:

Jeuxinterdits-Vol.2

À15ans,j’airencontrémonpireennemi.SaufqueTristanQuinnétaitaussilefilsdelanouvellefemmedemonpère.Etqueçafaisaitdeluimondemi-frère.Entrenous,laguerreétaitdéclarée.Etonn’apastenudeuxmoissouslemêmetoit.

Page 61: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Egalementdisponible:

Jet’aime…toinonplus

«Maisquelcon,cemec!OK,jemesuismêléedecequinemeregardaitpas.OK,c’estmoiquil’ai suivipourcommencer.OK, je le trouveà tomberavec son regardnoir, samâchoirecarrée, seslèvrescharnues…Maisbordel,qu’ilestinsupportable!Cettefilature,c’estl’enquêtedemavie,queçaluiplaiseounon,etjenevaispasmelaisserintimiderparunconnardarrogantetprétentieux!»

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

Page 62: Jeux interdits - Eklablogekladata.com/kEhirJOd0Rr7kwlfyRiq2JvpWww/Jeux-interdits-1.pdf · de la ville. La voix du type qui a l’air un peu plus vieux. La voix du type sûr de lui,

Retrouveztouteslesséries

desÉditionsAddictives

surlecatalogueenligne:

http://editions-addictives.com