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Dossier www.terra-economica.info n°45 - 27 janvier 2005 - 1,50 l’économie entre les lignes Casino cherche place Net Page 5 En France, les jeux d’argent sur Internet sont interdits, à l’exception de ceux de la Française des jeux et du PMU. Mais depuis peu, des entreprises étrangères font pression pour libéraliser un secteur très lucratif.Y compris pour les finances publiques. Clic et fric Page 12 Un supercalculateur propose un classement mondial de la richesse. Il suffit d’inscrire le montant de ses revenus. Instructif. Docteur ès plantes Page 12 En Amazonie péruvienne, un sorcier guérisseur a planté son jardin de plantes médicinales. Sa petite entreprise est ouverte aux touristes. Reportage. Les ruraux parlent aux Français Page 11 Des habitants du Poitou-Charente, de sensibili- tés politiques et d’horizons différents, ont publié Tu vas entendre parler du pays ! Le monde rural, vu de l’intérieur. Les Brèves Page 3 Le Top 17 de la pauvreté des pays riches // La bière parfumée à “l’Open source” // Faire ou avoir l’air de faire // L’exception agriculturelle // Le développement durable : mais qu’est-ce que c’est que ça ? La Revue de Presse Page 4 L’entreprise américaine est joyeuse // Le Burkina Faso riz jaune // La nouvelle campagne d’Hugo Chavez Saint-Germain-des-prés, son église, son orchestre de jazz, ses librairies, ses cafés… l’écrin de la vie littéraire française. Ici, des livres se signent, s’éditent, se critiquent. Gallimard, Grasset, Le Seuil, y ont leurs quartiers où rien ne semble avoir changé depuis l’après-guerre. Pourtant, l’édition française vit depuis quelques années une crise majeure. En fait, une révolution. // Page 6 Un concentré d’édition s’il vous plaît !

l’économie entre les lignes · Casino cherche place Net Page 5 En France, les jeux d’argent sur Internet sont interdits, à l’exception de ceux de la Française des jeux et

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Dossier

w w w . te r ra - e co n o m i c a . i n fo

nn°°4455 -- 27 janvier 2005 - 1,50 €

l’économie entre les lignes

Casino cherche place Net Page 5

En France, les jeux d’argent sur Internet sontinterdits, à l’exception de ceux de la Françaisedes jeux et du PMU. Mais depuis peu, desentreprises étrangères font pression pourlibéraliser un secteur très lucratif.Y compris pourles finances publiques.

Clic et fric Page 12

Un supercalculateur propose un classementmondial de la richesse. Il suffit d’inscrire lemontant de ses revenus. Instructif.

Docteur ès plantes Page 12

En Amazonie péruvienne, un sorcier guérisseura planté son jardin de plantes médicinales. Sapetite entreprise est ouverte aux touristes.Reportage.

Les ruraux parlent aux Français Page 11

Des habitants du Poitou-Charente, de sensibili-tés politiques et d’horizons différents, ontpublié Tu vas entendre parler du pays ! Le monderural, vu de l’intérieur.

Les Brèves Page 3

Le Top 17 de la pauvreté des pays riches // Labière parfumée à “l’Open source” // Faire ouavoir l’air de faire // L’exception agriculturelle //Le développement durable : mais qu’est-ce quec’est que ça ?

La Revue de Presse Page 4

L’entreprise américaine est joyeuse // LeBurkina Faso riz jaune // La nouvelle campagned’Hugo Chavez

Saint-Germain-des-prés, son église, son orchestre dejazz, ses librairies, ses cafés… l’écrin de la vie littérairefrançaise. Ici, des livres se signent, s’éditent, se critiquent.Gallimard, Grasset, Le Seuil, y ont leurs quartiers où rienne semble avoir changé depuis l’après-guerre. Pourtant,l’édition française vit depuis quelques années une crisemajeure. En fait, une révolution. // Page 6

Un concentré d’édition

s’il vous plaît !

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Forum des lecteurs // Sources

Forum des lecteurs

n°45 -- 27 janvier 2005 www.terra-economica.info2

Des ersatz de bulles -Réaction à l’article “Le nou-veau dessein de la BD”, Terraeconomica numéro 43, du13 janvier 2005.

J’ai lu avec beaucoup d’in-térêt votre article sur lemarketing de la bédé fran-çaise. Mais il me semblaitmanquer une précisionintéressante sur le planéconomique : le fait queles labels comme "Bamboo"ou "Jungle" sont auNeuvième art ce que lescontrefaçons sont auxgrandes marques textiles :des ersatz, qui se glissentdans des interstices marke-ting, des niches non attein-tes par les éditeurs. Ainsi,on offre un album“Bamboo” sur les profs, lesfonctionnaires, les flics, etc.à l’occasion des anniversai-

res, des pots de départ, desfêtes. Comme on se réfère àune grande catégorisationsociale qui concerne forcé-ment celui à qui on l’offre(le métier, en l’occurrence),on peut offrir ces bédés enétant sûr de ne pas com-mettre d’impair artistique(bédé trop avant-gardisteou trop beauf pour la per-sonne). Ce qui est intéres-sant, c’est que cette "ersatz-isation" touche aussi lesauteurs : Pierre Tranchand,que vous citez dans votrearticle, n’est pas seulementconnu sous le pseudo Picapour les sous-productionsBamboo. Il fut aussi un trèsbon dessinateur pourenfants (les lecteurs de Pifse souviennent des sériesMarine et Smith & Wesson).Le fait qu’un grand commelui soit réduit à ces séries Z

n’est en rien un signe debonne santé de cetteindustrie...Sylvie

Mœurs cruelles - Réaction àl’article “La première louchede foie gras”, Terra economicaspécial Nouvel An 2005,du30 décembre 2004 au5 janvier 2005.

Merci pour cet article.Comment peut-on fêterNoël et la Nouvelle annéesans réaliser la cruauté decertaines coutumes, utiliserdes êtres vivants commedes objets ? Il n’y a aucuneobligation à manger du foiegras, nous avons un telchoix. Nous privons cescanards de leur vie, de leurliberté, un minimum desentiments contre une tellecruauté semble la moindre

Un supercalculateur propose unclassement mondial de la richesse.Il suffit d’inscrire le montant de sesrevenus. Instructif.Antoine est heureux, mais il a un pro-blème. Il ne supporte pas de côtoyerdes personnes qui gagnent mieuxleur vie que lui. Ce trait de caractère lepousse à toujours faire mieux dans sacarrière, avec le secret espoir de deve-nir l’une des personnalités les plusriches de ce monde. Pour prendre lamesure des efforts qui lui restent àaccomplir, Antoine est allé faire un tour sur lesite – en anglais – Global Rich List, qui propo-se un classement personnalisé des revenusdes Terriens. Prenons par exemple les chiffresde l’Insee : en France en 2001, le niveau devie moyen par Français s’élevait à 16 540euros. A l’épreuve du calculateur de GlobalRich List, on apprend qu’un individu gagnantcette somme pointerait dans les 11,13 % duhaut du panier, autrement dit à la 668 305305e position des revenus les plus élevés de

la planète. Soit, devant 5 331 694 695 de sesmodestes congénères. De quoi rassurerAntoine sur son "statut". Rien, en revanche,n’est dit sur la question suivante : est-il plusdifficile de vivre parmi les 0,001 % de per-sonnes les plus pauvres ou d’atteindre leniveau de revenus des 0,001 % les plusriches ? // Anne Bate

La calculette folle de Global Rich List :http://globalrichlist.com

Sources

Ont participé à ce numéro (ordre

alphabétique inversé) : Jalila Zaoug,

Marie Wolin, Jérôme Tubiana, ponofob,

Aurélie Piel, Stéphane Mercier, Pauline

Hervé, Arnaud Gonzague, Gilles Gauret,

Edouard Flam, Olivier Fernand, DjS,

Benoît Gautier, Done, Philippe

Chevrolet, Alexandra Chaignon, Anne

Bate, Sara Aden

Illustration de Une : Done

Directeur artistique :

Sébastien de Poortere

Relations abonnés, communication :

Mathieu Ollivier

Systèmes d’information :

Gregory Fabre

Rédacteur en chef : David Solon

Responsable de la rédaction,

directeur de la publication :

Walter Bouvais

Terra economica est édité

par Terra economica, SARL de presse

au capital de 1500 euros - RCS B 451

683 718 (Paris)

Siège social :

24, rue Saint-Martin, 75004 Paris

Principaux associés :

Gregory Fabre (gérant), Mathieu

Ollivier, Walter Bouvais

Impression : Dupli Print, 2 rue

Descartes, ZI Sezac, 95330 Domont

Dépôt légal : à parution

Numéro ISSN : 1766-4667

Numéro de Commission paritaire :

1004 I 84334

Contact : Terra economica,

139, rue du Faubourg-Saint-Denis,

75010 Paris

Service abonnements :01 42 05 73 69

ou [email protected]

Clic et fric

des choses. Que pouvons-nous espérer, nous voulonsun monde où la misère,l’exploitation n’existentplus, mais nous-mêmes ànotre niveau personnel,nous nous livrons à desmœurs cruelles et inutiles,est-ce logique ? Un lecteur

Réagissez à nos articles :[email protected]

Soumettez-nous vos tribunes :[email protected]

URS

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Brèves

www.terra-economica.info n°45 -- 27 janvier 2005

Brèves

3

La bière parfumée à l’"Open Source"L’open source est un mouvement qui doitdépasser les frontières du monde informatique etêtre une source d’inspiration pour tous lesentrepreneurs. C’est l’intime conviction d’ungroupe de jeunes danois qui vient de lancer, pourla première fois dans le monde, une bière opensource. La formule de "Vores Øl", boisson à base deguarana, est publiée sous une licence CreativeCommons et donc accessible à quiconque veut selancer dans le secteur de la brasserie : on peut seservir de la formule telle quelle ou l’utiliser commebase d’une nouvelle recette. Seule obligation :travailler sous la même licence Creative Commonset citer les auteurs d’origine. Fiers de leur trouvaille,ces étudiants de Copenhague rêvent d’avoir créé le"Linux de la bière".// ABwww.voresoel.dk

Le développement durable :mais qu’est-ce que c’est que ça ?Les entreprises de l’Ile-de-France sont-ellesdurablement vertes ? Une question sur laquelle sepenche chaque année le Centre Régionald’Observation du Commerce, de l’Industrie et desServices en Ile-de-France. En 2004, les sociétésfranciliennes semblent avoir ouvert bien grandleurs oreilles puisque 44,9 % des dirigeants de PMEde la région affirment connaître le concept dedéveloppement durable, contre 39,7 % lors dusondage de 2003 (1). Mais passer aux travauxpratiques est plus compliqué : en 2004, 66,7 % desPME affirment s’organiser en conséquence… contre67,7 % en 2003. Principaux blocages :le manqued’incitation et d’accompagnement, mais aussi lecoût. Et, pour 30,9 % des dirigeants interrogés, le faitqu’ils ne soient pas convaincus par le concept…

(1) Réalisé auprès d’un échantillon de 4 400 dirigeants d’é-tablissements de moins de 500 salariés, 1 456 dirigeantsd’établissements de moins de 500 salariés et 200 dirigeantsd’établissements de 500 salariés et plus.

Faire ou avoir l’air de faire ?Si les nouvelles technologies ont envahi le monde du travail, elles n’ontpas supprimé les instincts primaires des salariés. C’est ce que vient dedécouvrir Microsoft dans une étude sur le "micro-management",commandée au docteur Carsten Sorensen de la London School ofEconomics. Selon cette étude, puisque le manque de confiance règne, lessupérieurs hiérarchiques tendent à détourner les nouveaux gadgetstechnologiques de leurs usages initiaux - organisation et pilotage dutemps de travail - pour en faire des outils d’espionnage de leurssubordonnés. C’est là que ça se corse. Car dans une réaction d’auto-défense bien naturelle, les salariés font tout pour prouver qu’ilstravaillent, une activité elle-même très consommatrice en temps detravail ! Les solutions esquissées par le spécialiste tournent autour durenforcement des relations personnelles dans l’entreprise, desrencontres en face-à-face. Enfin, d’une utilisation plus restreinte desnouvelles technologies… // Anne Bate

Le "top 17" de la pauvreté des pays richesMauvais point pour les Etats-Unis. La première puissance mondiale arri-ve bonne dernière des 17 pays développés classés selon leur indice depauvreté par le Programme des Nations unies pour le développement(Pnud). Cet indicateur ne prend pas seulement en compte les revenus,mais aussi la proportion de pauvres par rapport à la population, l’accès àl’enseignement, à la santé, et le chômage de longue durée. 17 % de lapopulation des Etats-Unis vit en-dessous du seuil de pauvreté. A lameilleure place du classement, la Suède. La France est quant à elle clas-sée huitième. Peut mieux faire. // Pauline Hervé

L’exception agriculturelleRien ne sert d’aider d’une main l’agriculture des pays pauvres, si de l’au-tre on continue de subventionner ses propres cultivateurs à coup demillions de dollars et d’euros. C’est la conclusion d’un rapport de laBanque mondiale. Selon le document, les subventions que les Etats-Unis et l’Union européenne continuent - malgré les promesses - d’ac-corder à leurs agriculteurs, freinent l’amélioration du niveau de vie despays pauvres. Depuis quinze ans, ces derniers ont abaissé leurs droits dedouanes sur les produits agricoles et éliminé les freins à l’exportation.Mais pour de bien maigres résultats. C’est bien simple : selon le rapport,“si on abolissait les subventions aux producteurs américains de coton, lesrevenus des fermiers d’Afrique Centrale et de l’Ouest augmenteraient de250 millions de dollars”. // PH

Lionel Puget, pédégé d’une entreprise française installée en Chine,cité par l’AFP (21 janvier). "Ils changent de job facilement, à moins qu’on ne lesaugmente de 20 % tous les six mois, ce que je fais", ajoute ce chef d’une entre-prise spécialisée dans la fabrication de résines et de composites pour l'au-tomobile et l'aéronautique.

La Petite phrase

«Contrairement à ce qu’on dit, la Chine c’est cher : les salairesaugmentent, ils explosentdans le Sud.

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« Vraie beauté“Pendant trop longtemps, la beauté a été définie par des sté-réotypes étroits, étouffants." La critique n’émane pas desChiennes de garde mais d’un site Internet que vient de lan-cer le fabricant de crèmes et lotions Dove. Le manifestepoursuit : "Vous nous avez dit qu’il était temps de changertout ça. Nous sommes d’accord. Parce que nous croyons que lavraie beauté réside dans de nombreuses formes, tailles et âges.C’est pourquoi nous avons lancé la Campagne pour la vraiebeauté." Celle-ci met en scène des femmes ordinaires, plusrondes, plus âgées, moins parfaites que les modèles.Prétendant décomplexer toutes celles que la dictature del’apparence tyrannise, l’initiative a obtenu un joli succès àl’applaudimètre au Royaume-Uni. On n’ose imaginer là uncoup marketing et mettre en doute la sincérité de ladémarche. Le géant anglo-néerlandais Unilever, heureuxpropriétaire de Dove, n’est pas du genre à alimenter les sté-réotypes "étroits" et "étouffants" sur la beauté "pas vraie"…Il commercialise juste le plus célèbre des produits amincis-sants : Slim Fast. // Nicolas Filio

Revue de Presse

n°45 -- 27 janvier 2005 www.terra-economica.info

Revue de Presse // Gros mot // Chiffre

4

La nouvelle campagne d’Hugo Chavez"La guerre contre les latifundia est l’es-sence de la révolution bolivarienne." Leprésident Hugo Chavez a traduit sesparoles en actes puisqu’il vient designer un décret annonçant "la réorga-nisation de la possession et de l’usagedes terres à vocation agricole afin d’éli-miner progressivement les latifundiadans les zones rurales du pays". Cité parla BBC, il a rappelé que "plus de 80 %des terres du Venezuela sont détenuespar moins de 5 % des propriétaires agri-coles". Dans son allocution radio-télé-visée habituelle du dimanche matin,l’ancien militaire putschiste au pou-voir depuis 1998, a estimé qu’"unerévolution qui permet cette injustice nepeut plus s’appeler révolution". Selon leprésident de la fédération nationaledes éleveurs, José Luis Betancourt, "cedécret ouvre une importante situationd’insécurité juridique dans le pays".// David Solonhttp://news.bbc.co.uk

L’entreprise américaine est joyeuseLes enfants ont envahi le monde desgays, bousculant leur équilibre travail-

famille et par conséquent l’organisa-tion de leurs employeurs, explique lequotidien américain USA Today (9/01).Aux Etats-Unis, selon le UrbanInstitute, 250 000 enfants sont élevéspar des couples de même sexe. Maisofficieusement, ce nombre serait plusproche du million. En effet, en 1990, uncouple d’homosexuels sur vingt éle-vait un enfant. Alors qu’en 2000, laproportion est d’un couple sur cinq !"La population gay se sentant mieuxacceptée et reconnue dans la société,elle se sent plus en confiance pourdemander des aménagements auxentreprises", analyse le journal.Multiplication des temps partiels,réorganisation des emplois du tempsen fonction des horaires d’école ou decrèche, etc… Autant de modificationsauxquelles se plient les firmes, d’au-tant plus facilement qu’elles sont degrande taille. Et certains de voir danscet affichage d’une attitude "gayfriendly", une arrière-pensée marke-ting : celle d’attirer la communautéhomosexuelle - réputée financière-ment aisée - vers ses produits ou sesservices. // Anne Batewww.usatoday.com

Le Burkina Faso riz jauneLes 90 000 tonnes de riz produiteschaque année par le Burkina font pâlefigure face à celles importées depuisl’Asie ou l’Amérique, constate le quoti-dien en ligne Afrik.com (29/12). Lesagriculteurs burkinabè dénoncent laconcurrence déloyale de l’aide alimen-taire, comme celle du Japon qui,depuis 1995, donne chaque annéeplus de 6 500 de tonnes de riz au gou-vernement de cet Etat d’Afrique del’Ouet. "Au lieu que l’ambassadeur duJapon aille acheter du riz américainpour venir le donner aux Burkinabè,nous aurions préféré qu’un certain pour-centage de ce riz soit acheté ici", souli-gne un membre du comité interpro-fessionnel du riz. En décembre, les pay-sans ont interpellé Blaise Compaoré, lechef de l’Etat, lui demandant l’instaura-tion d’un système de quotas pour l’im-portation du riz ou une hausse destaxes d’importation, ainsi que la créa-tion d’un fonds de soutien à la filièreriz et lait. Mais dans les boutiques, lescommerçants préfèrent vendre du rizimporté, dont la marge bénéficiaire estplus élevée. // ABwww.afrik.com

"Supposons que vous puissiezchoisir entre différents typesde statut : que choisiriez-vous ?" C’est la questionposée lors d’un sondageréalisé, pour le compte de laCommission européenne(Eurobaromètre), dans lecourant du premier semes-tre 2004, sur le territoire del’Europe des ex-15 et des 25.En ce qui concerne les 15, ilapparaît que 45 % desEuropéens opteraient volon-tiers pour un statut d’indé-pendant, un chiffre en netrecul par rapport à l’année2000 (51 %). Le pendant decette évolution, c’est que de

plus en plus d’Européenspréfèrent un statut d’em-ployé (51 % en 2004 contre44 % en 2000). Deux explica-tions supplantent les autres :les plus favorables au statutd’employé apprécient no-tamment la régularité desrevenus ; et ceux qui se dis-ent plutôt indépendantsmettent en avant, notam-ment, le fait de travailler pourleurs propres affaires. "Plus leniveau d’éducation est bas,plus la régularité du salaires’avère importante dans lapréférence pour être employé",observe le sondage.// Stéphane Mercier

Le Gros motLe Chiffre

45 %des Européens ont l’esprit d’entreprise.

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Le Marketing expliqué à ma Mère

www.terra-economica.info n°45 -- 27 janvier 2005 5

Tout commence par un jeu de ballon. Ily a peu, la société Cassava EnterprisesLimited, éditrice du casino virtuel888.com (Casino on Net), approche leclub de football de Sochaux pour endevenir le sponsor. Le club de Ligue 1donne son accord de principe, mais cetype de partenariat n'ayant jamais eucours en France, sollicite l'avis de laLigue de football professionnel. Sansattendre la décision, 888.com commu-nique sur l'opération : "www.888.com estfier d'être sponsor du club Sochaux-Montbéliard". Un brin agacé, le club rap-pelle que rien n'est signé et peste cont-re le passage en force de la société decasinos en ligne.

Perché sur le rocher de GibraltarCet incident est révélateur de l'ambian-ce qui règne sur le terrain des jeux d’ar-gent sur Internet. Depuis peu, plusieurssociétés étrangères (888.com, SportingBet, notamment) proposent au publicfrançais d'accéder à leurs jeux en ligne.Le principe : le visiteur est accueilli dansun français impeccable et se voit propo-ser un crédit allant jusqu'à 300 euros, àcondition d'ouvrir chez le casinotier vir-tuel un compte en espèces sonnanteset trébuchantes. Problème : c'est illégal.Officiellement en France, les jeux d'ar-gent sont interdits. Sur le territoire, laFrançaise des jeux, le PMU et les casinosbénéficient d'une dérogation pour exer-cer leurs activités. Mais sur le Net, la loin'accorde de dérogation qu'à deuxentreprises publiques : la Française desjeux et le PMU. Les casinotiers n'igno-rent pas la loi française, comme entémoignent les conditions générales de888.com : "Il est de votre responsabilité

avant de vous inscrire, de vérifier et derespecter la Loi de la juridiction dont vousdépendez." Mais le message délivré surla ligne d'assistance téléphonique estplus équivoque : "Notre société est enre-gistrée à Gibraltar, vous avez donc tout àfait le droit de jouer, et soyez rassuré, nouscoopérons avec la police française."Même son de cloche chez Sporting Bet.

Sécurité des joueursCar, interdiction ou pas, il s'agit de pren-dre une part du gâteau, sur un marchétrès lucratif. "Le marché des jeux d'argentsur Internet devrait atteindre 20 milliardsde dollars dans les deux ans", soulignePatrick Partouche,à la tête du groupe decasinos éponyme. A chacun sa tech-nique.Les Français Barrière et Partoucheattendent sagement, tandis que888.com tente le passage en force etque plusieurs sociétés optent pour lelobbying, en adhérant à l'Observatoiredes casinos en ligne. Cette structureveut convaincre les parlementaires demettre fin au monopole de la Françaisedes jeux et du PMU sur le Net. "LaCommission européenne considère queles jeux en ligne sont des services commeles autres. La Grande-Bretagne travaille àune loi pour les autoriser. L'Allemagne yréfléchit, Malte et les Pays-Bas l'ont déjàfait. Mais d'autres Etats - la France, l'Italie,et l'Espagne - s'opposent à la libéralisa-

tion", explique Thierry Bretécher, del'Observatoire des casinos en ligne. PourPatrick Partouche, la France cherche sur-tout à protéger le monopole de laFrançaise des jeux, en attendant uneéventuelle privatisation. A la Françaisedes jeux - qui a engrangé 29,4 millionsd'euros de chiffres d'affaires sur le Neten 2003-2004 -, on conteste cette ver-sion. Il s'agit, dit-on, de prémunir lesjoueurs contre la dépendance, tout enluttant contre le blanchiment d'argent.Les concurrents balaient ces argumentsd'un revers de la main et jurent pouvoirassurer la sécurité des joueurs.Une fois encore, l'issue de la partiedépendra de Bruxelles qui prépare unedirective sur la question. Un arrêt de laCour de justice des communautéseuropéennes (novembre 2003) rappel-le que le contrôle des activités de col-lecte de paris par l'Internet ne sauraitentraver la sacro-sainte liberté d'éta-blissement des entreprises. Fin de par-tie pour l'Etat français ? Voire. Lui et lescollectivités locales prélèvent 55 % duproduit net des casinos "en dur" (soit1,44 milliard d'euros en 2004). Si lemonopole Internet de la Française desjeux et du PMU venait à sauter, cetterecette lucrative serait de toute façonappliquée aux casinos virtuels.Matignon, Bercy et l'Elysée planchentdéjà sur le dossier. // Stéphane Mercier

Le Marketing expliqué à ma Mère

DR

Casino cherche place NetEN FRANCE, LES JEUX D’ARGENT

SUR INTERNET SONT INTERDITS.MAIS DEPUIS PEU,DES ENTREPRISES ÉTRANGÈRES

FONT PRESSION POUR LIBÉRALISER

UN SECTEUR TRÈS LUCRATIF.Y COMPRIS POUR LES FINANCES

PUBLIQUES.

Partouche et Barrière (à gauche) patientent. 888 et Sporting Bet (à droite) dégainent.

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n°45 -- 27 janvier 2005 www.terra-economica.info

TITRE de rubrique, dossier ...Enquête

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27 avril 2004. Dans un salon privé ducentre des congrès de Deauville s’a-chève un banal séminaire du groupeLagardère. Et coup de théâtre. Auxcôtés du grand patron ArnaudLagardère apparaît un invité très inat-tendu. Michel Houellebecq est à la tri-bune. À la surprise générale, le pédégéannonce que l’écrivain quitte les édi-tions Flammarion pour rejoindre legroupe Hachette, qui publiera son pro-chain livre, L’île. Montant estimé dutransfert : 1 million d’euros.Dans ses bureaux du 26, rue Racine, àSaint-Germain-des-Prés, le nouveaudirecteur littéraire de Flammarion,Frédéric Beigbeder, découvre la nou-velle dans la presse matinale. Son"ami" Michel Houellebecq, avec lequelil s’est rendu en Espagne quelquessemaines auparavant pour la remisedu prix Schopenhauer, ne l’a pas pré-venu. Pas un mot, ni un coup de fil. La"trahison" a un goût amer. "Si le mouve-

ment de l’industrie du livre doit prendrele chemin de celui du disque, alors c’estBonjour tristesse," commente l’auteurde 99 francs, après le départ de celuides Particules élémentaires.Dans le même temps, ArnaudLagardère annonce qu’une autre filialede son groupe, GMT, s’apprête à pro-duire un film réalisé par MichelHouellebecq. Une adaptation de L’île. Iln’est plus question de querelles litté-raires, ni de batailles d’egos. Les enjeuxsont devenus industriels. L’éditionfrançaise représente désormais, d’a-près le Syndicat national de l’édition(SNE), un chiffre d’affaires annuel de2,35 milliards d’euros, ce qui la placeen tête de toutes les activités culturel-les dans l’Hexagone. Le marché de l’é-dition en France est, par exemple, plusde deux fois supérieur à celui du ciné-ma, qui se monte à environ un milliardd’euros, selon les données fournies parle Centre national de la cinématogra-

phie (CNC). De quoi susciter l’appétitdes multinationales.

La bataille d’Editis Le groupe Lagardère est à la pointe dece processus d’industrialisation. Enoctobre 2002, la multinationale annon-ce son intention de racheter VivendiUniversal Publishing, rebaptisé Editis,pour plus d’un milliard d’euros. ArnaudLagardère, qui vient de succéder à sonpère, Jean-Luc - dont le portrait trône-ra, quelques mois plus tard, au-dessusdu Salon du livre - est en passe decontrôler 70 % de la distribution de liv-res, 80 % de l’édition de livres de pocheet 80 % de l’édition scolaire. Du jamaisvu. Aussitôt, les éditeurs indépendants,appuyés par certains libraires et par lessyndicats, montent au créneau. Ce n’estpas le premier combat qui les oppose àHachette, qu’ils ont surnommé "laPieuvre". Les pétitions et les contre-pétitions se succèdent, impliquant,dans une sorte de tourbillon, tout lepetit monde de l’édition parisienne. Enjuin 2003, les éditeurs indépendantssaisissent les services du Commissaireeuropéen à la Concurrence, MarioMonti, qui ouvre une enquête pourabus de position dominante. L’affairesort de France.Dans cette bataille, Lagardère disposed’un appui de poids : l’Elysée et, en par-ticulier,Bernadette Chirac,une amie inti-me de Madame Lagardère, qui inter-

SAINT-GERMAIN DES PRÉS, SON ÉGLISE,SON ORCHESTRE DE JAZZ, SES LIBRAIRIES, SES CAFÉS… L’ÉCRIN DE LA VIE LITTÉRAIRE FRANÇAISE.ICI, DES LIVRES SE SIGNENT, S’ÉDITENT,SE CRITIQUENT. GALLIMARD, GRASSET, LE SEUIL,Y ONT LEURS QUARTIERS OÙ RIEN NE SEMBLE

AVOIR CHANGÉ DEPUIS L’APRÈS-GUERRE.POURTANT, L’ÉDITION FRANÇAISE VIT

DEPUIS QUELQUES ANNÉES UNE CRISE MAJEURE.UNE RÉVOLUTION.

s’il vous plaît !

Un concentréd’édition

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vient en coulisses.Officiellement, il s’agitd’éviter qu’Editis ne tombe entre lesmains d’un fonds d’investissementsétranger. Il faut, à tout prix, défendrel’"exception culturelle française". L’Elyséefournit son appui,mais c’est une ancien-ne ministre socialiste, FrédériqueBredin, qui monte au front. Avec l’aidedu cabinet d’avocats Bredin-Prat, dirigépar son père, elle met au point l’argu-mentaire destiné à Mario Monti. C’estl’échec. L’argumentaire ne convainc pasBruxelles, qui décide d’ouvrir une"enquête approfondie". Les éditeursindépendants, avec à leur tête le pédé-gé du Seuil, Claude Cherki, multiplientles voyages à Bruxelles. Le 10 novembre2003, le verdict tombe : Lagardère doitcéder 40 % d’Editis à la concurrence.

Le grand partage Les candidats, dont le groupe MediaParticipation, qui rassemble de nom-breuses publications catholiques, et legroupe italien Rizzoli, déjà propriétairede Flammarion, se disputent les faveursde Matignon et de l’Elysée. Mais c’est,finalement, Wendel Investissements, leholding familial d’Ernest-AntoineSellière, le "patron des patrons", tête depont du Medef, qui l’emporte, pour660 millions d’euros. L’une des candida-tes au rachat, Odile Jacob, proche desmilieux américains, dénonce les condi-tions de la cession.Elle prétend avoir faitune meilleure offre que WendelInvestissements. Elle porte l’affaire en

justice. Mais elle est déboutée.Lagardère cède alors à WendelInvestissements les marques Le Robert,Bordas, Nathan, Plon-Perrin, RobertLaffont, Presses de la Cité, Belfond,Pocket, Fleuve Noir, 10/18 et LaDécouverte. Mais il conserve des "poidslourds" très rentables, comme Larousse,Armand Colin, Dunod et Dalloz enFrance, ainsi que le groupe espagnolAnaya.A-t-il payé pour ses prises de position ?Quelques temps après la décision deBruxelles, le principal opposant à lafusion Lagardère-Editis, Claude Cherki,est contraint de démissionner. La rai-son : un mystérieux "corbeau" a dénon-cé dans des lettres anonymes la plus-value qu’aurait réalisée le pédégé duSeuil au détriment de ses employés,lors de la revente de sa maison aux édi-tions La Martinière, en janvier 2004. Lavente aurait porté sur un total de 80millions d’euros. La plus-value réaliséepar Claude Cherki se monterait, elle, à2 millions d’euros. L’ex-pédégé du Seuilest accusé d’avoir racheté à bas prix lesactions de ses salariés, alors qu’il négo-ciait en secret la revente de l’entrepri-se, au prix fort, à La Martinière. Uneopération légale, mais qui aurait renduimpossible le maintien de ClaudeCherki à son poste.

IncertitudesQuel sera l’avenir du nouvel ensembleLa Martinière-Le Seuil ? La fusion entre

les activités de distribution des deuxentités, qui étaient gérées respective-ment par Distribution-Diffusion Seuilet par Volumen, désormais réuniessous la marque Volumen, a entraîné denombreux retards. Lassées des enga-gements non tenus du pédégé, Hervéde la Martinière, qui promettait unretour rapide à la normale, les éditionsOdile Jacob ont quitté Volumen pourGallimard. Les éditions José Corti, leséditions de Minuit et les éditionsChristian Bourgois ont, quant à elles,intenté une action en référé devant letribunal de commerce de Paris, pourfaire constater les dysfonctionnementsde Volumen. Déboutées, elles envisa-gent désormais d’intenter une procé-dure de résiliation de leurs contrats. Deleur côté, les salariés du Seuil ont voté,le 21 décembre dernier, leur premièregrève depuis… 1968. À l’origine de ladiscorde : "l’absence d’un vrai projetd’entreprise et de tout dialogue social",ainsi que des différences de salaires etde statuts entre les anciens salariés deDistribution-Diffusion Seuil et ceux deVolumen. Cette action suit de près ledépart de l’une de figures historiquesdu Seuil, Jacques Binsztok, responsabledu département Images, opposé aurachat de son entreprise par LaMartinière.Hervé de La Martinière explique,pour sapart, dans un entretien accordé au jour-nal Libération le 21 décembre, que :"Globalement, l’année est bonne, y com-

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pris pour la plupart de nos diffusés dontcertains ont même des taux de progres-sion à plus de deux chiffres. En ce qui nousconcerne, le chiffre d’affaires du groupe aprogressé de 4,3 % à fin novembre." Et ilsouhaite que Le Seuil redevienne "lea-der" en littérature. Reste à savoir pen-dant combien de temps il pourra comp-ter sur le soutien de ses actionnaires,dont la richissime famille Wertheimer,propriétaire de Chanel.

Le baron débarque L’arrivée de Seillière dans l’édition fran-çaise soulève également de nombreu-ses inquiétudes. La presse s’interrogesur ses intentions. Le holding familiald’Ernest-Antoine Seillière, qui afficheun chiffre d’affaires annuel de 600millions d’euros pour un bénéficeannuel de 250 millions d’euros, estconnu pour ses participations dans desentreprises de construction, commeLegrand (37,4 %), d’équipements auto-mobiles, comme Valeo (9,9 %), de servi-ces, comme Capgemini (2,4 %) ou 9Telecom (4,2 %). Mais il n’était encorejamais intervenu dans le domaine cul-turel. Et sa dernière opération d’enver-gure : la fusion d’AOM, Air Liberté etAir Liberté, qu’il a conduite aux côtésde Swissair, s’est soldée par un échecretentissant, en 2001, avec 380 millionsd’euros de pertes et la suppression deplusieurs milliers d’emplois.Les salariés d’Editis redoutent la ferme-ture de plusieurs maisons, "non renta-

bles" ou "trop à gauche". En ligne demire : La Découverte, dirigée parFrançois Gèze, qui avait pris la suite deséditions Maspero, en 1983, avant d’êtrerachetée par Vivendi UniversalPublishing, en 1998. Ernest-AntoineSeillière continuera-t-il à soutenir finan-cièrement cette maison, qui édite la plu-part de ses opposants ? On s’attend àun plan social. On s’alarme, également,du contenu des manuels scolaires, quele patron du Medef a critiqué à de nom-breuses reprises,en dénonçant la "visionmarxiste" qu’ils véhiculeraient. Outre cesconsidérations idéologiques, le rachatde marques comme Bordas ou Nathanpar Wendel Investissements s’expliquepar la solidité du marché de l’éditionscolaire, qui totalise un chiffre d’affairesde 313 millions d’euros par an, soit 13 %du marché total de l’édition en France.Le rachat d’Editis ne serait qu’un débutpour Ernest-Antoine Seillière, qui necache pas son intention de bâtir "en dixà quinze ans, le premier groupe d’éditionfrançais". Le baron se rêve à la tête d’unempire. En parallèle, on assiste à l’appli-cation de méthodes d’une brutalitéinédite dans le secteur, où les salariés nesont guère habitués à être traitéscomme des ouvriers de Moulinex ou deMetaleurop. Les éditions du Serpent àplumes, en savent quelque chose (lireencadré page 9).L’apparition publique de Houellebecqaux côtés d’Arnaud Lagardère, lors d’unséminaire d’entreprise, représente un

événement considérable dans l’histoirede l’édition française. On assiste à la finprogressive de la figure dominante del’éditeur et à la disparition du coupleéditeur/auteur. Un nouveau modèle sedessine, dominé par la figure du contrô-leur de gestion et, peut-être, par celle del’agent littéraire, qui pourrait monter enpuissance au cours des prochainesannées, pour remplacer l’éditeur dansson rôle traditionnel de sélection, maisaussi de conseil et de soutien auprèsdes auteurs. Cette évolution "à l’anglo-saxonne" obéit à une logique écono-mique. Externaliser le traitement desauteurs, c’est diminuer ses coûts, pourse concentrer sur le "cœur" de métier :la "best-sellerisation", c’est-à-dire la pro-motion des livres par le “cross média”, lapromotion croisée, qui joue sur la com-plémentarité entre les activités éditionet médias d’un même groupe industriel.Une promotion accompagnée par uneimportante force de frappe au niveaude la distribution.

Une ligne, un sou Un quasi-oligopole se met en place,constitué d’une poignée de grandesmaisons d’édition (1), qui assurent aussil’essentiel de la distribution des livres enFrance. Mais face à cet oligopole, depetites maisons continuent malgré toutà surnager. Une seule raison à cela : leprix unique du livre. Promulguée par laloi du 10 août 1981 dite "Loi Lang", cettemesure interdit aux libraires de consen-

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tir plus de 5 % de réduction sur le prixdes livres lors de leur mise en vente.Comme l’a expliqué l’ancien ministre dela Culture lors de la discussion du projetà l’Assemblée : "Ce régime dérogatoire estfondé sur le refus de considérer le livrecomme un produit marchand banalisé etsur la volonté d’infléchir les mécanismesdu marché pour assurer la prise en comp-te de sa nature de bien culturel,qui ne sau-rait être soumis aux seules exigences derentabilité immédiate."Paradoxalement, ce système estcontesté par certains membres de laCommission européenne au nom dela… concurrence. Pour ces "intégristesdu marché", selon l’expression de l’éco-nomiste Joseph Stiglitz, "tout dispositifentravant le libre jeu de l’offre et de lademande doit être aboli". Même si sadisparition devait aboutir à renforcerun système oligopolistique et conduireà une uniformisation de l’offre. À la vic-toire du livre unique sur l’exceptionculturelle. // Philippe Chevrolet

(1) Le hit parade est avant tout un tir groupé.Hachette est n°1 avec 1,3 milliard d’euros dechiffre d’affaires ; Editis n°2, ne pèse "que" lamoitié de sa devancière : 573 millions d’euros.Quant au tiercé de poursuivants, LaMartinière/Le Seuil, Gallimard etFlammarion, c’est une "bagarre" dans unmouchoir de poche (respectivement 280millions d’euros, 265 millions d’euros et 225millions d’euros de chiffre d’affaires).

L’histoire récente des éditions du Serpent à plume est révélatrice de latendance à l’oeuvre dabs le secteur de l’édition. La dimension culturelleaurait-elle encore une quelconque importance ?

Fondées en 1998, les Editions du Serpent à plume furent d’abord une revue lit-téraire, fondée par un passionné, Pierre Astier. Puis elles enrichissèrent rapide-ment leur catalogue de plusieurs centaines de titres et des auteurs presti-gieux, comme le prix Nobel de littérature John Michael Coetzee ou le JaponaisSoseki.Mais en mars 2004, la maison, avec son fonds de 450 titres, est vendue par sonprincipal actionnaire, le groupe Nicolas Philippe, aux éditions Le Rocher,basées à Monaco, l’éditeur de Brigitte Bardot. Montant de la transaction :300000 euros. Pierre Astier est mis devant le fait accompli. Les salariés sontlicenciés du jour au lendemain. Les ordinateurs sont saisis. Du jamais vu. Desauteurs, dont Rony Brauman, Philippe Sollers et Olivier Poivre d’Arvor, s’oppo-sent au transfert. "Nous ne voulons pas être des produits, écrivent-ils. (...) Nousrefusons d’aller au Rocher parce que cette maison d’édition ne nous plaît pas, nidans ses choix éditoriaux, ni dans ses méthodes de gestion des "ressourceshumaines" (...)"À l’heure où l’édition française est presque toute entière entre les mains de grandsgroupes industriels, ajoutent-ils, préserver [le] droit d’un auteur à disposer de sonœuvre nous semble fondamental." Une pétition est lancée, qui réunit 1400 signa-tures. Le bras de fer est toujours en cours. Il devrait se poursuivre en justice.L’ancienne équipe du "Serpent" a reçu le soutien de l’avocat le plus médiatiquede l’édition, Emmanuel Pierrat. En attendant, même si de nombreux auteurs, telque l’Américain Noam Chomsky, sont partis, les nouveaux titres du Serpent àplumes paraissent bien aux éditions du Rocher, sous la direction d’un nouveléditeur, Christian Séranot, ancien journaliste à RFO. //PhC

Et le Serpentperdit ses plumes

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NOM et Prénom du titulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Collectif Aude, “Tu vas entendre parler dupays !”, 299 pp., 15 euros, éd. AssociationAcratie-Diffusion à la Bussière (86310).

Des habitants du Poitou-Charente ontdécidé de l’ouvrir : pharmaciens, agri-culteurs, chômeurs, fonctionnaires,employé de la santé, de sensibilités poli-tiques et d’horizons différents, ontpublié à compte d’auteur leurs témoi-gnages dans Tu vas entendre parler dupays ! La particularité de l’ouvrage, quis’est déjà vendu à 1 200 exemplaires, estde dresser un constat alarmant dumonde rural, vu de l’intérieur. On y trou-ve relaté aussi bien l’effet des pesticidessur les abeilles (le fameux Gaucho) quesur l’homme (un agriculteur les rendresponsable de son cancer). Ou encore,les évolutions sociales au cœur de cam-pagnes très éloignées des préoccupa-tions des citadins, ce dont témoigne unpassage sur la disparition des servicespublics, dans une région pourtant admi-nistrée jusqu’en 2002 par Jean-PierreRaffarin, chantre de la décentralisation.

Cloche-merle sous les silos Mais ce qui retient l’attention, c’est unrécit très documenté de la lutte des

habitants contre l’extension du silod’Usson-du-Poitou, à 40 km de Poitiers.L’ambiance paisible du village - son égli-se romane et sa boulangerie - a viré àl’aigre depuis un conseil municipal de lafin 2002. Les 1 500 habitants des envi-rons, retraités, paysans ou commerçantspour la plupart,y ont découvert le projetde triplement des capacités du silo àgrains, dont les 52 mètres de la tour demanutention surplombent la butte desPendus. Un habitant sur dix du village etdes hameaux alentours s’oppose à l’am-bition de la Coopérative agricole locale(350 membres), du Crédit Agricole ducrû et du député-maire. L’Associationussonnaise de défense de l’environne-ment (l’Aude) voit donc le jour et plaidedevant le tribunal administratif l’annula-tion du permis de construire.L’Aude est déboutée mais dénonce "lerisque d’un nouvel AZF". Le complexen’est pas ventilé et son extension à venirrisque de ne pas l’être. Or, c’est ce mêmemodèle de silo qui explosa en 1997 àBlaye, près de Bordeaux. Bilan : 11 morts.Pour ne rien arranger, disent les habi-tants, le site d’Usson abrite 50 tonnes degaz et 1200 tonnes d’amonitrates, dequoi mener à une explosion suivie d’un

nuage toxique, à la manière de la cata-strophe d’AZF. 25 maisons étant situéesà proximité du site, la préfecture ademandé un complément d’informa-tion pour évaluer les risques. Mais, lesexperts mandatés excluent pour lemoment tout "effet domino". En clair, iln’y aurait pas de réaction en chaîne si lesilo explose. Pourtant, un rebondisse-ment reste possible : le ministère del’Ecologie doit statuer début 2005 sur"l’effet domino". Preuve que face auxcitadins et aux élus qui tendent à prend-re la campagne pour la Belle au bois dor-mant, la société civile rurale a les moyensde se faire entendre. // Olivier Fernand

Cultivons notre jardin

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LES RURAUX PARLENTAUX FRANÇAIS

WEBRADIOLe président vous souhaite une très bonne année - Ah ! le potde départ de Durand. Et la cérémonie de vœux de 1978…L’entreprise, c’est aussi ça. Justement, les joyeux drilles d’ArteRadio ont posé leur micro à la cérémonie des vœux de leur prési-dent, Jérôme Clément. Et en ont fait un petit montage à ne paslouper. Audience, budget, projet d’entreprise, actionnaires. Tout ypasse, et "tout se tient", avec humour.Rappelons pour les nouveauxvenus,que l’équipe d’Arte Radio est aux manettes d’un des projetswebo-radio-journalistiques les plus piquants qu’ils soit donné deconnaître en ces tristes heures de la presse-fast-food. “Une très

bonne année”, à écouter sur : www.arteradio.com/tuner.html

LIVRELa France musulmane - L’ouvrage de Sadek Hajji et StéphanieMarteau, couple approche sociologique et enquête de terrain, loindes caricatures et fausses polémiques. Durant six mois, ils ontsillonné la France, qui compte 5 millions de personnes "de culturemusulmane", passant au crible l’évolution des pratiques religieu-

ses, le racisme, la politique. Ils reviennent notamment sur l’émer-gence de pratiques de lobbying et de discrimination positive,maisaussi sur ses rapports avec les médias,à travers des témoignagesparfois édifiants de journalistes de culture musulmane. Sadek Hajji

et Stéphanie Marteau, Voyage dans la France musulmane, Plon, 20

euros.

TELEVISIONTu seras pêcheur, mon fils ! - Marin pêcheur depuis des généra-tions. Il n’y a pas d’alternative. A 44 ans, Bruno Margollé a déjàpassé vingt-sept ans au large. Il vient de faire construire son troi-sième bateau, un 24 m qui, malgré les subventions européennes,lui fait prendre des risques financiers. Le remboursement deséchéances dépend de ses capacités à trouver du poisson. Le navi-re porte un nom plein d’avenir : Nicolas-Jeremy. C’est l’associationdes prénoms de ses deux fils aînés (22 et 19 ans), embarqués aveclui sur le chalutier. Mais il n’y aura peut-être bientôt plus rien àpêcher. Documentaire de 52 mn, réalisé par Jean-Etienne Frère.

Dimanche 30 janvier, 17h05, France 5.

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La BA de la semaine

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C’est une grande ville, de près de400 000 habitants, où l’on ne peut arri-ver que par avion ou par bateau, sur lefleuve Amazone. Les quelques routesqui partent d’Iquitos, capitale del’Amazonie péruvienne, ne mènentpas bien loin. Au bord de l’une d’elles,à une trentaine de kilomètres de laville, on s’enfonce immédiatementdans ce qu’on croit être la jungle. Maisau bout de quelques minutes, on com-prend, devant de petits écriteaux indi-quant les noms des arbres, que cefouillis de troncs, de racines et de lia-nes est en fait un jardin. Le jardin deplantes médicinales de Don Francisco,chamane ou curandero ("guérisseur"en espagnol).

Et la lumière fût Francisco est un Indien Capanahua dufleuve Ucayali, à 600 kilomètres au sud.Auparavant, il avait créé un jardin bota-nique là-bas, mais en 1990, fuyant laguérilla maoïste de Sentier lumineux, ildébarque à Iquitos. "Je ne savais pasquoi faire et je me suis mis à chercher dutravail ici, le long de la route." A l’entréedu chemin qui mène au jardin, un écri-teau disait : "Besoin d’un ouvrier". Lechamane se met alors à travailler dansdes plantations de bananes et demanioc. Puis un jour, parti se promenerdans la forêt voisine, quelque chosel’attire. Après avoir bu de l’ayahuasca,un breuvage hallucinogène sacré pourde nombreux Amazoniens, il reçoit lavision qu’un jour, ce terrain sera le sien,et qu’il pourra y exercer ses talents deguérisseur.Pour le chamane, cette histoire n’a rien

d’une coïncidence, c’est "une visiondevenue réalité". Francisco est d’aborddevenu propriétaire de 5 hectares, don-nés par une cousine. Il en possèdeaujourd’hui une trentaine, grâce à uneassociation française, Paroles de nature."Il y a quatre ans,explique sa présidente,Corinne Arnould, une parcelle voisine,riche en plantes médicinales, allait êtrerachetée pour y faire de l’élevage devaches. C’est ce qui m’a donné l’idée defonder cette association, dont la premièreaction a été d’aider des curanderos àavoir un accès à la terre. Leur tradition semaintient tant que la nature est à leurscôtés." Par la suite, l’association a aidédeux autres chamanes de la région àacquérir des terres.Les trois jardins ont été baptisés"Jardins du savoir". Dans celui deFrancisco, qui compte plus de1 200 plantes, l’aide de Paroles denature a également permis de bâtirune école où, tous les dimanches, desenfants viennent apprendre les pou-voirs des plantes. "J’enseigne ce que jesais à tous ceux qui veulent apprendre,c’est ma mission, mon devoir", estimeFrancisco. Le chamane transmet aussison savoir à d’autres curanderos,comme Doña Otilia, 47 ans, qui vit enville, à Iquitos. "Je n’ai pas de jardin,explique-t-elle, c’est pourquoi je vienssouvent ici. Parfois j’amène des patients,comme cette jeune fille. Francisco luidonne l’ayahuasca, et moi je la soigne àma manière."Les habitants de la région d’Iquitossont en contact avec l’Occident depuis

déjà longtemps, mais "certains, expli-quent Corinne Arnould, commencent àtrouver leurs propres solutions. Franciscoest le premier que j’ai rencontré qui aitdécidé de prendre son destin en main, demonter un projet avec rien du tout.Aujourd’hui, son jardin est un modèle".

Paradis artificels pour Gringos Francisco n’a plus besoin d’aide, ilfinance son jardin grâce à des peintu-res de ses visions qu’il vend à des tou-ristes. Mentionné dans les guides tou-ristiques, son jardin attire désormaisceux qu’on appelle les gringos aya-huasceros, ces blancs qui viennent àIquitos en quête de nouveaux paradisartificiels. Francisco leur facture la céré-monie 30 dollars, dix fois plus que pourles locaux, mais d’autres chamanesvont beaucoup plus loin. "Les touristespensent qu’ils peuvent prendre l’aya-huasca comme une drogue, sourit DoñaOtilia. Mais pour nous, ce n’en est pasune, c’est une médecine très puissante."Certains gringos viennent aussi soignerleurs maladies de corps ou de cœur, etabsorbent pendant des semaines desplantes préparées par le guérisseur."Une femme délaissée par son mari, unmari délaissé par sa femme : les problè-mes sont les mêmes dans tous les pays",estime Francisco. Certains patients onttout de même des demandes inhabi-tuelles, comme ce Nord-américainrêvant de devenir parfumeur. Franciscolui a donné chaque jour quelquesgouttes d’un parfum baptisé "Taboo".// Jérôme Tubiana C

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EN AMAZONIE PÉRUVIENNE,UN SORCIER GUÉRISSEUR

- ACTIVITÉ COMMUNE DANS

CETTE RÉGION - A PLANTÉ SON

PROPRE JARDIN DE PLANTES

MÉDICINALES. SA PETITE ENTRE-PRISE EST OUVERTE

AUX TOURISTES. REPORTAGE.

ÈS PLANTESDOCTEUR

La BA de la semaine

Don Francisco bénit les plantes avec de la fumée de cigarette.