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ROBERT HENRION Professeur extraordinaire à l'Université Libre de Bruxelles La documentation sur les risques bancaires et le secret des affaires «M BRUXELLES-UNIVERSITE Extrait de la Revue de la Banque No 2 de 1956

La documentation sur les risques bancaires et le secret

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Page 1: La documentation sur les risques bancaires et le secret

ROBERT HENRION Professeur extraordinaire à l 'Université Libre d e Bruxelles

La documentation sur les

risques bancaires

et le secret des affaires

«M BRUXELLES-UNIVERSITE

Extrait d e la Revue de la Banque

No 2 de 1 9 5 6

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2(H A N N é E 1956 N° 2

LA REVUE DE LA BANQUE D l R E C T E l R ROBERT BANNEUX

RéDACTION ET ADMINISTRATION :

Avenue de Tervtieren, 289, BRUXELLES

La documentation sur les risques bancaires et le secret des affaires.

ÔH

1. Position du problème.

En ver tu de l 'arrêté-loi du B octobre 1!M4, les banques pri­vées doivent communiquer à la Banque Nat ionale une docu­men ta t ion relat ive aux ouver tures de crédi ts <le 1 million de t'rs. e t plus, a ins i qu 'à lenr u t i l i sa t ion .

Toutefois , l ' in tervent ion d u lég is la teur s 'est arrêtée là e t r ien n 'a é té d i t sur la possibi l i té q u ' a u r a i t la Banque Natio­nale de faii-e bénéficier de cette documenta t ion générale recueil­lie p a r elle, sinon l 'ensemble du sec teur bancaire, du moins les bantiues légi t imement in téressées à la s i tuat ion d 'une f irme déterminée.

L ' in té rê t d 'une telle i n fo rma t ion , pour un octroi judicieux et ra i sonné du crédit à cour t te rme, n 'es t cependant pas dou­teux et il impor te de rechercher quels sont les obstacles qu'i l f a u d r a i t f r a n c h i r pour f a i r e d i s p a r a î t r e une lacune peut-être due à un simple oubli du légis la teur . Une telle lacune a été comblée f o r t heureusement en F r a n c e depuis longtemps ; un rapi>el de ces réal isa t ions nous p e r m e t t r a de serrer le pro­blème de plus près, pour en rechercher ensui te une solution p ropre à no t r e pays.

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126 LA KEVLE I>K LA BANQUE

2. Expérience française.

a ) DISPOSITIONS ORGANIQUES.

Les banques f rança ises , au cours de la crise de 1931 à 1935, ont é té f rappées de cons ta te r — lorsqu'une l iquidat ion judi­ciaire s 'ouvrai t — que l ' impor tance des engagements de la firme envisagée, à l ' égard du secteur bancaire, é t a i t souvent bien plus considérable qu'on ne le supposai t ; no tamment les engage­men t s p a r escompte non comptabil isés au bilan du t i reur é ta ien t beaucoup p lus élevés au to ta l que le m o n t a n t des ris­ques enregis t rés dans la comptabi l i té (voir no tamment la com­munica t ion de Mr. de Sèze, Di rec teur général du Crédi t à la Banque de France , Cent re d ' E t u d e s Bancaires , cahier n° 38, novembre 1950).

Ceci explique que, dès 1931, f u r e n t formulés au Congrès d 'organisa t ion l>ancaire les p ro je t s de fonda t ion d 'un service commun auquel chaque banque s igna le ra i t les c rédi t s consen­t i s p a r elle.

L 'organisa t ion d 'une telle cen t ra l i sa t ion a connu en France , depuis cette époque, des phases successives que nous croyons pouvoir schématiser comme su i t :

1) Dès 1936 en Algérie, et les années suivantes en F rance métropol i ta ine , des en ten tes officieuses fui-ent conclues sur cer ta ines places en t r e banquiers pour se s ignaler des r isques impor t an t s ; ces en t en t e s i n t e rv in r en t p r inc ipa lement sur des ])laces caractér isées pa r la prédominance d 'une act ivi té écono­mique si>éciflque : le coton au Havre , la la ine à Eoubaix , les peaux lainées à Mazamet .

2) Dès 1943, l 'on é tud ia la possibil i té d 'une cent ra l i sa t ion systémat ique dans la F r a n c e ent ière .

De nombreux obstacles se pi-ésentaient :

a) espr i t de concur rence ; b) inorganisa t ion de l a profess ion bancaire.

E n juin 1944, un p ro je t ava i t été élaboré, su ivant lequel un Service Cen t ra l se ra i t créé à Pa r i s , pour t ou t le pays, la Banque de F r a n c e é t a n t chargée de la gestion d u .ser^^ce. Ce p ro j e t ne f u t pas réalisé, car dès la l ibérat ion du te r r i to i re ,

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LA BEVUE DE LA BANQUE 127

l 'on a t t end i t la nouvelle législat ion bancai re annoncée pa r le Gouvernement provisoire-

Le Conseil Nat ional du Crédi t , créé pa r la loi du 2 décembre 1945, rat if ia dès st» première séance, le 7 mars 1946, l a créa­t ion du Service de Cen t ra l i sa t ion des Risques de la Banque de F rance , les banques ayan t l 'obl igat ion de déclarer périodi­quement à ce service les crédi ts d 'un m o n t a n t déterminé, ainsi que l 'u t i l i sa t ion de ces crédi ts .

3) Toutefois , en IBJfS, le système- de centra l isa t ion natio­nale éclata et l 'on adoi)ta les d isposi t ions ci-après :

— au lieu d 'une Cent ra le des Risques de Par i s , on ramena sur le p lan local la Cen t ra l i sa t ion des Risques, chaque suc­cursale de la Banque de F r a n c e a s s u r a n t désormais cette cen­t ra l i sa t ion pour les en t repr i ses de son secteur ;

— pour chaque catégorie de r isques, le m o n t a n t global des au to r i s a t i ons et u t i l i sa t ions de c rédi t d ' une entreprise est sys-témat i ip iement adressé aux banqu ie r s qui ont effectué une déclai i i t ion au nom de cette en t rep r i se ; il peut t ou jou r s être fourn i à tout au t r e banquier , su r product ion d 'une demande d 'ouver tu re ou d 'extension de crédi t é m a n a n t de l 'entreprise elle-même ;

— le nombre de catégories de r isques est rédui t à 6, cha­cune cor respondant s t r i c tement à une forme de r isques et à un poste du bilan des banques :

1 — Effe ts commerciaux, 2 — Caisse des Marchés, 3 — Moyen terme, i — ( ' réd i t s mobilisables, 5 — Crédi t s non mobilisables, 6 — Avals et caut ions ; — les au tor i sa t ions et les u t i l i s a t ions de crédit sont décla­

rées simultanément à la fin de chaque mois ; — le min imum de déc la ra t ion , m a i n t e n u sans changement

à 5 et 10 mill ions à Par i s , est abaissé à 2 et 5 mill ions pour les c rédi t s consentis en province.

Mais ce recensement local, e t non p lus nat ional , ne pouvait se concevoir qu'à deux condi t ions :

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128 LA REVUE DE LA HANQUE

1°) rassemblement d a n s les s ta t i s t iques générales des l'en-seignements recueillis sur chaque place : un Service Centra l de Risques a donc été m a i n t e n u à Pa r i s , à côté des bureaux locaux de centi-alisation ouver ts dans les succursales de la Banque de F r a n c e ;

2°) recensement sur une fiche unique des crédi ts accoi"dés sur di f férentes places à un même bénéficiaire, la s i tua t ion du siège social de ce bénéficiaire d é t e r m i n a n t le l ieu de centra­l isa t ion de ses risques.

Observons encore que :

a) Du f a i t que les crédi ts d 'un cer ta in m o n t a n t seulement sont signalés, la cen t ra l i sa t ion laisse échapper — cela va de soi — tous les crédi ts in fé r i eu r s à ces montan ts .

L'on considère cependan t qu'en m o n t a n t s absolus le recen­sement por te sur 80 % de l 'ensemble des crédits .

b) Cer ta ins p rê t s ou crédi t s ne sont pas dispensés pa r les banques et échappent donc à la s ta t i s t ique : compagnies d'assu­rances, notaires , e t c . .

c) Les éléments des s t a t i s t iques ne sont pas automatique­ment e t sans distinction communiqués à tous les banquiers .

E n effet, la communica t ion de l ' é t a t général des engagements d ' une firme à l ' égard du secteur bancaire n 'est f a i t e que :

— soit aux banques a v a n t déclaré un crédit a u nom de cette firme (pour celles-ci, la communicat ion a lieu d'office) ;

— soit à celles qui sera ient saisies d 'une demande de crédi t p a r une en t repr i se et en jus t i f iera ient pa r la product ion de la demande.

Ces condit ions d 'u t i l i sa t ion impl iquent l 'existence chez la banque bénéficiaire des rense ignements d 'un intérêt légitime.

d) Enfin, la documenta t ion fourn ie pa r la Cent ra le des Ris­ques consiste exclusivement d a n s l'indication globale des cré­d i t s déclarés : cet te ind ica t ion ne f a i t pas ment ion de la décom­posi t ion du chiffre n i du nom des au t r e s banquiers déc laran ts .

b ) FONDEMENT JURIDIQUE.

Les t ro is é tapes que nous avons c ru pouvoir d i s t inguer dans

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LA REVUE DE LA BANQUE 129

l 'expérience f rança i se n 'on t p a s eu, a ins i qu'on l'a déjà aperçu, une .origine ju r id ique semblable.

En effet, la i)remière é tape résul ta d 'accords officieux inter­venus ent re banquiers , généra lement sur une tase locale.

Ces accords f u r e n t conclus dans le plus g rand secret, et l 'on a pu dire que t rès vra isemblablement la clientèle des banques les a ignoi-és. Les 1)anques f rançaises semblent ici, à première vue, avoir p r i s quelque l iber té avec la discrétion usuelle. Toutefois , de bons e sp r i t s les engageaient à le fa i re en invoquant les nécessités de l ' in té rê t général (ESCARRA, Prin­cipes de droit commercial, t . V I , n°° 272 et 278).

Les 2™'' et S™"̂ étapes, au con t ra i re , ont bénéficié d 'une base réglementaire. E n effet, la décision du 7 mar s 1946 p o r t a n t créat ion du Service de Cen t ra l i sa t ion des Risques bancaires de la Banque de F r a n c e est une disposition « de carac tère général et motivé, pr ise sur les avis conformes de l'Associa­t ion professionnelle des banques e t de l 'Association profes­sionnelle des entrepi-ises e t é tabl issements financiers, pa r la Banque de F rance , en t a n t qu ' in te rmédia i re du Conseil Natio­nal du Crédi t . . . » (voir GULPHE, Chronicpie X X V I I au Dalloz hebdomadaire, 1947) .

Ainsi qu'on l'a f a i t observer, la i iar iue réglementaire de la décision d u 7 m a r s 1916 se mani fes te plus par t icul ièrement « dans l 'é tendue de l 'obl igat ion de fou rn i r les renseignements dest inés à é l iminer les r isques bancaires, a insi que dans la force reconnue à cet te obl igat ion » (même é tude ; voir aussi l ' a r t . 14 du décret n^ 46-247 du 28 mai 1946, Dallo.::, 1946 lég., p. 2 4 8 ) .

Le carac tère obl igatoire d ' une telle organisat ion, en vertu de laquelle le Service de Cen t ra l i sa t ion des Risques présenta i t un cai-actère officiel et f a i sa i t même ligure d 'organisme à carac­tère public, résolvai t pa r le f a i t même le problème de la dis­crét ion professionnelle. De t o u t e manièi-e, même sur le ter­r a in des fa i t s , il semble que cet te centra l i sa t ion n 'a appelé aucune espèce de cr i t iques de la p a r t de la clientèle des ban­ques et, pour cer ta ins , elle f u t organisée de manière telle que le secret des affaires é t a i t respecté (voir P ier re CAUBOUE, pro-

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fessenr à l 'Ecole Nat iona le d 'Organisa t ion Economique et Sociale, « La central isat ion des r isques bancai res en F rance », Revue de la Banque, 1950, p. 102).

Nous verrons u l té r ieurement ce qu'on peu t penser de cette observation.

3. Examen du projet d'institution en Belgique.

Un tel p ro j e t ne se heur te guère à des diff icul tés d 'organi­sa t ion pra t ique , puisqu'aussi bien la documenta t ion générale existe auprès de la Banque Nat ionale (arrêté-loi du 6 octobre 1944), le seul problème rVorganisation — qu'on ne doi t assu­rément pas minimiser — é tan t celui de la diffusion des ren­seignements au i)r()flt (les banques intéressées.

P a r contre , la question mér i te une a t t en t ion plus approfon­die du po in t de vue de la discrétion que les banques ont l'ha­bitude d'observer à l 'égard des opéra t ions qu'elles accomplis­sent iiour leur clientèle, <liscrétion qui ici lie également , a pr ior i , la Banque Nat ionale , réceptr ice des renseignements.

I l est en effet admis unan imement , t a n t pa r les pra t ic iens que pa r les jur is tes , que la disci-étion professionnelle est impo­sée au banquier , ce uou seulement sur la base de la confiance qui do i t accompagner les r a p p o r t s avec la clientèle, mais aussi p a r le ca rac tè re contractuel des re la t ions nouées avec celle-ci ; en d ' au t r e s tennes , le client peut légi t imement s ' a t t endre à ce que le banquier ne divulgue pas à des t ie rs les renseigne­ments qu'i l a recueillis sur la s i tua t ion de celui-ci et les o^pé-ra t ions auxquelles il a été ])artie (voir no t ammen t ESCARKA, op. cit., t . VI , n° 269 ; Novelles, Dro i t bancaire , pp. 531 et s. ; DE BBUS, Revue de la Bmique, 1955, p. 472), e t ce vis-à-vis de tous, même des pouvoirs publics.

In f in iment plus dél icate es t la question de savoir si la dis­posit ion de l ' a r t ic le 458 du Code pénal , en ver tu de laquelle tou tes personnes déposi ta i res p a r é t a t ou pa r profession des secrets qu'on leur confie sont tenues au secret professionnel , est appl icable au banquier .

Le c h a m p d 'appl ica t ion de ce t t e disposi t ion pénale, extrê­mement imprécis — ce qui dans cet te discipl ine est assuré-

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ment exceptionnel et r egre t t ab le (1) — n 'a j amai s é té cir­conscri t bien ne t tement , ni p a r la doctrine, n i p a r l a juris­prudence.

La Cour de cassa t ion , p a r son a r r ê t du 20 févr ier 1905 {Pas., 1905, I , 141), a i n t e rp ré t é l ' a r t ic le 458 du Code pénal , en ce sens que cette disposi t ion « a un caractère général et absolu et doi t ê t re appl iquée ind i s t inc temen t à toutes les personnes investies d 'une fonct ion ou d ' une mission de confiance, à tou­tes celles qui sont cons t i tuées p a r la loi, la t r ad i t ion ou les mœurs, les déposi ta i res nécessaires des secrets qu'on leur confie »• L ' a r r ê t a j o u t e : « qu'en protégeant a ins i tou tes les confidences obligatoires, les a u t e u r s de la loi on t voulu inspi­rer une ent ière sécur i té dans la discrétion de ceux auxquels le public doi t s 'adresser ».

GARRAUD (Traité de droit pénal français, 2'' édi t ion, t. V, p. 361) enseigne que la fo rmule de la loi pénale « concerne les confidents nécessaires, ceux auxquels on est obligé de s 'adresser . C'est pour r a s su re r le public qui ne peu t se passer de cer ta ins minis tè res qu 'on a pun i les révélat ions indiscrètes. L a confidence n 'es t donc protégée pa r la loi du secret profes­sionnel que s i elle est obl igatoire . Le malade est bien forcé de s 'adresser à un médecin, le p la ideur à un avocat ou un avoué.. . La loi, les m œ u r s et t r ad i t ions ont invest i cer ta ines personnes d 'une mission de confidence ».

La ju r i sprudence f rança i se , p o u r suppléer à l ' imprécis ion de la formule, a généra lement a jou té qu'elle s 'appl ique « aux profess ions auxquel les la loi confère un caractère secret , dans l ' in térê t général » (voir Cr im. lég., 22 ju in 1883, D.P., 1884, 1, 216 ; Cor. Seine, 26 décembre 1895, D.P., 1896, 2, 230 ; Cass., 14 janvier 1933, D.E., p. 133, 17 jui l le t 1936, D.H., p. 4 9 5 ) .

De manière plus précise, ce t te condit ion sera i t remplie lors­que la profession envisagée touche à l ' in térêt public comme à l ' in té rê t privé, ce qui s e ra i t généralement le cas lorsque la

(1) Voir cependant sur l ' app l i ca t ion évo lut ive ou progress ive de la loi pénale, P. E. TROUSSE, Novellen, Diroit pénal, t. I, n"s 560 e t s*».

2

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132 LA KEVUK DE LA ItANQUE

profess ion est dotée d 'un s t a t u t légal réglementé, ou encore, de maniè re p lus évidente, lorsque des profess ionnels on t reçu u n e sor te d ' inves t i ture publique (voir no tamment l ' a r r ê t de la Cour de Besançon du 11 décembre 1958, .7.7'., 1954, p. 369 e t la note Eug . Reumont) .

Si l 'on ten te de concrétiser les not ions rappelées ci-dessus, l 'on cons ta te t ou t d 'abord ({u'il ne peut ê t re quest ion de f rap­per tou tes les re la t ions humaines d 'une présomption de secret (voir d a n s ce sens Georges WERNEK, DU secret professionnel) et que dès lors la confidence reçue dans l 'exercice d 'une pro­fession quelconque ne suff i t po in t pour a s su j e t t i r le profes­sionnel au secret pénalement sanct ionné (1).

Cependant , cer ta ines professions, même sans inves t i ture légale, sont à ce po in t caractér isées p a r l a réception habi­tuel le de confidences qu'on les considère unan imemen t comme t o m b a n t sous l 'appl icat ion de la loi pénale. D a n s un tel cas, le confident a, suivant les m<eurs e t non su ivan t l a loi, une hau te mission mora le à rempl i r : c'est le cas n o t a m m e n t pour le secret de l a confession recueill ie p a r le p r ê t r e (Cass., 5 fé­vr ier 1877, Pas., 1877, I , 113, et conclusions du P r o c u r e u r Généra l Fa ide r ) . Mais, à ces except ions près, l 'on ne peut , sans é t endre a rb i t r a i r emen t le champ de la loi pénale, en réclamer l ' app l ica t ion uniquement parce que dans telle ou telle profes­sion il se ra i t assez usuel de se voir confier des secrets. C'est pourquoi le concept de « confidence obl igatoire », auquel l 'on a pa r fo i s recours, nous p a r a î t i m p a r f a i t . Ce n 'es t pas la néces­s i té qu ' impl iquera i t l 'exercice d 'une profess ion de recevoir cer­t a ines confidences qui impor te , mais le f a i t du recours obli­gatoire à tels in tennéd ia i res , à tels professionnels , pour accom­pl i r tel ac te jur id ique ou recevoir tel service.

La source de ce recours obligatoire r é su l t e ra le p lus souvent d 'une disposi t ion légale p rescr ivan t l ' in tervent ion d 'un officier minis té r ie l (exemple : nota i re , avoué) ou encore réservant un monopole à une cer ta ine catégorie de profess ionnels pour

(1) T o u t récemment , fies déc i s ions des t r ibunaux luxembourgeo i s , dont la p r e s s e quot id ienne s'est f a i t l'écho, ont r e f u s é de reconnaî tre à des j o u r n a l i s t e s le béné f i ce du secret profess ionne l .

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LA REVUE DE LA BANQUE 133

l 'accomplissement d 'actes déterminés. On protège ici, c'est normal , la confidence fa i t e à ceux auxquels le public doit s 'adresser nécessairement .

Peut-on encore é tendre le c h a m p d 'appl ica t ion de la loi pénale a u x professions qui, sans disposer d 'un véri table mono­pole, bénéficient cei)endant d 'un s t a t u t légal (voir dans ce sens l ' a r r ê t de la Cour de Besançon rappelé ci-dessus, qui re fuse aux agen ts d 'af fa i res ou conseillers jur id iques e t fis­caux le bénéfice du secret professionnel légal, pour le motif l)rincipal t i r é de la non-réglementat ion de cette profession) ? Ceci p a r a î t f o r t douteux. Dans l ' a f f i rmat ive , la just if icat ion d 'une telle extension (1) p o u r r a i t se t rouver exclusivement dan.s le f a i t que le contrôle d 'une profession p a r l 'E t a t , ou en tous cas son assu je t t i s sement à des règles bien précises inspii-ées de l ' in té rê t public, au to r i s e r a i t les t ie rs à accorder une confiance par t icu l iè re aux membres de cette profession, confiance que la loi pénale a u r a i t précisément voulu ga ran t i r .

Si l 'on examine ma in tenan t , à la lumière de ces not ions générales, la s i tua t ion du banquier , l 'on cons ta te ce qui sui t :

1°) L'exercice de cette profession n 'es t pas à ce po in t carac­tér isé pa r la réception nécessaire et obligatoire de confidences que l 'on puisse l ' a s su je t t i r de ce seul chef au secret pénalement protégé (voir no t ammen t dans ce sens VAN MAELE, Novelles, Dro i t bancai re , pp. 531 et s. ; FREDERICQ, Droit commercial, t . I X , n° 80 •— voir auss i WAUWERMANS, Novelles, Des bourses de commerce, n° 573, à propos des agents de change ; Ed . DE CALLATAY, é tude dans la Revue pratique du notariat, 1935, p. 529) ; les banques ne sont ce r t a inemen t pas « destinées à recevoir les secrets d ' au t ru i » (2).

2°) Les banques ne bénéficient d 'un véri table monopole, con­cu r r e mmen t d 'a i l leurs avec les agen t s de change, qu'en ce qui concerne la réception des ordres d ' acha t ou de vente de fonds

(1) S 'agissant . dit l'arrêt, d'une « p r o f e s s i o n qui n'est pas réglementée, gu'il (le prévenu) ne peut donc être considéré comme conf ident nécessaire é tant donné qu'il n'exerce pas une profess ion ou u n é ta t qui oblige :"i lui conf ier d e s .secrets ».

(2) Sur ce t t e notion, cf. ROUSSELET et PATIN. Précis de droit pénal spécial, Par is , 1950, n° 575, note 3.

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134 LA REVUE DE LA BANQUE

publics cotés ou non cotés à une bourse du Royaume (art . Î5, t i t r e 5, d u l ivre 1*' d u Code de commerce).

A cet égard, ces professionnels deviennent ici des intermé­dia i res obligés et l 'on peut admet t re qu'i ls sont , pour cet te pa r t i e de leurs opéra t ions , t enus de ga rder le secret profes­sionnel (voir cependant en sens cont ra i re FRBDERICQ, op. cit., t. I I , n° 259).

Pourra i t -on cependant conclure que, de ce seul fait, pour toute son activité professiormelle, et spécia lement en mat iè re de crédit , le banquier est actuel lement a s su j e t t i au respect du secret légal ? Nous ne le pensons pas et l 'on peu t fa i re obser­ver, à l ' appu i de cet te opinion, que le no t a i r e a s t r e i n t au secret pour l 'exercice n o r m a l de son minis tère , ne l 'est plus lors­qu'il agi t en dehors de celui-ci, pa r exemple pour la négocia­tion de cer ta ines a f fa i res (SACKER, DU secret professionnel du hcmquier, p . 48, thèse, Pa r i s , 1933).

3°) Si l 'on a r r ê t a i t l 'examen à ce point , l 'on p o u r r a i t con­clure avec la doc t r ine t rad i t ionnel le que le banquier n'est assu­rément pas a s s u j e t t i à la disposit ion de l ' a r t ic le 458 du Code pénal [Wovelles, D r o i t bancaire , p. 531 et s. ; FREDERICQ, op. cit., t . I I , n° 254 ; Pandectes belges, v° Secret professionnel , n° 150 (1), e t en F r a n c e : Dalloz, Réper toi re p ra t ique , v" Secret professionnel , n°* 6 et s. ; ESCARRA, Principes de d/roit com­mercial, t . V I , n" 268, cet a u t e u r invoquant spécialement l 'ab­sence d ' inves t i tu re légale chez les banquiers) .

Toutefois , le s t a t u t légal des banques i n t r o d u i t en Belgique e t en F r a n c e depuis quelques années est-il susceptible de f a i r e nuancer ce t te opinion ? E n France , une réponse a f f i rmat ive est généra lement admise en ce qui concerne les banques du secteur l ibre (les banques nat ional isées é t a n t expressément assu je t t i es p a r la loi au secret professionnel) (dans ce sens : GuLPHE, « Le secret professionnel du banquier en droi t f r an ­çais e t en d ro i t comparé », Revue trim. de droit commercial, 1948, p. 54 ; HAMBL, Banques et opérations de banque, t . P"",

(1) Vil mémoire très approfondi , ExKui critique xiir le ,iccnt profes­sionnel des hanques, présenté par Mr. Jacques D r è z e e n 1951 à l 'Univer­sité de Liège ( inédit) se prononcé auss i dans ce sens .

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LA REVUE DE LA BANQUE 135

n° 141 ; EscARRA, supplément au Manuel de droit commercial, n° 1 3 0 1 ) .

Le Tr ibuna l civil de S t rasbourg , pa r un jugement du 28 avril 1954 (revue f rança i se Bmique, p. 314, et note d 'approbat ion de Mr. Xavier Mar in) , a f f i rme qu'en règle générale le ban­quier est compris dans les personnes visées pa r l ' a r t i c le 378 du Code pénal e t qu'U est p a r sui te justifié à r e fuse r son témoignage, même d a n s une ins tance civile (1).

Enfin , les ouvrages les plus récents de dro i t péna l belge enseignent , sans d 'a i l leurs au t r emen t expliquer la solut ion, que les banquiers et agents de change sont soumis au secre t pro­fessionnel (CONSTANT, Manuel de droit pénal, t . I I , p. 310 ; MARCHAL e t JASPAK, Droit criminel, n " 1175) (2).

P o u r just if ier l ' a s su je t t i s sement du banquier au secret pro­fessionnel légal, la doct r ine f r ança i se invoque pr inc ipa lement les considéra t ions ci-après :

— Une organisa t ion technique a été créée, chargée de diri­ger le crédit et de présider au fonct ionnement du sys­tème bancaire .

— Des règles précises on t é té édictées concernant l 'accès à la profess ion e t l 'exercice de celle-ci.

— La profession de banquier a été ainsi in tégrée d a n s "un véri table « Service public du c réd i t » (voir n o t a m m e n t GuLPHE, étude citée).

— Enfin , le monopole de la récept ion des dépôts de fonds à moins de deux ans a été réservé aux banques de dépôt,

(1) Voir éKalement le .iugeineiit du Trib. de comni. de la Seine, 23 décembre 1!)31. Gaz. Pal., l . j févr ier li>32, concernant un employé de la Banque d e France.

(2) Le premier d e ces auteurs .se ré férant s implement, sans com­mentaires , a u x art ic les 25, 40 et 4.") de l 'arrêté royal n° 185, ce qui en soi n'est pas une j u s t i f i c a t i o n su f f i san te , puisqu'nussi bien ces disposi­t ions as suje t t i s sent au secret profess ionnel expressément les membres de la Commiss ion bancaire e t les rev iseurs de banque, c'est-i\-dire des per-sonne.s au tres que les banquiers, m a i s auxque l l e s ceux-ci sont tenus de fournir cer ta ins rense ignements et de communiquer certa ines écritures.

A u surplus, ces deux auteurs tra i tent s imul tanément de la s i tuat ion de l 'agent de c l iange et de celle du banquier, semblant dès lors s ' inspirer du seul in(^nopole en opérat ions de bourse dont il a été quest ion a u 2° ci-dessus.

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1 3 6 LA REVUE DE LA BANQUE

à l 'exclusion des é tabl issements financiers rangés dans d ' au t r e s catégories.

I l n 'es t pas douteux que cer ta ines de ces carac tér i s t iques peuvent ê t re retrouvées dans le s t a t u t légal des banques bel­ges, tel qu' i l résul te de l ' a r rê té royal n° 185 d u 9 ju i l le t 1935. Cependant , le ca rac tè re « public » (1) conféré à cet te profes­sion dans le s t a t u t belge est inf iniment moins accusé que dans le régime f r ança i s .

D a n s no t re pays, substant ie l lement , le banquier demeure un commerçant , plus exactement un auxi l ia i re d u commerce (voir VAN EiJN, Prin<;ipes de droit commercial, I , n° 54).

Sans doute, comme en France , l 'accès à la profession est-il réglementé puisque l ' inscr ipt ion sur l a l iste des banques est obl igatoi re ; toutefois , à l 'encontre du sys tème f r ança i s , les pouvoirs de la Commission bancai re dans l ' appréc ia t ion de la valeur de l ' en t repr i se sont ex t rêmement l imités (voir DE VOGHEL et GRéGOIRE, Le statut légal des bam.ques, 1949, p. 18 ; cons. cep. Répertoire pratique du droit helge, Opéra t ions de banque e t de bourse, n° 8) ; l 'on considère ainsi qu ' à l 'occasion de l 'é tabl issement de la l is te des banques, la Commission ban­ca i re ne p o u r r a i t apprécier si une en t repr i se déterminée dis­pose d 'une organ isa t ion sa t i s fa i san te et d 'une gestion saine (DE VOGHEL, loc. cit.).

D ' a u t r e p a r t , les pouvoirs des organismes techniques de con­t rôle sont, en F r a n c e , ex t rêmement va.stes, le Conseil Na­t iona l du Crédi t é t a n t no tamment invest i d 'un dro i t d'inves­t iga t ion di rec t d a n s les banques et du pouvoir de l imi ter l ' ac t iv i té à une zone géographique, en i n t e rd i s an t le cas échéant de cont inuer leur exploi ta t ion au-delà (loi du 17 mai 1946).

De plus, ce qui est un élément i m p o r t a n t du carac tère de la fonct ion , les banques y sont légalement a s t r e in t e s à appor­t e r à l ' E t a t ce r ta ins concours, spécialement pour les opéra­t ions d'émission de de t te publique, e t ce, aux condit ions fixées pa r le Minis t re des F inances (décret du 28 m a i 1946).

(1) On a par fo i s éga l ement , en Belg ique , emi)loyé l'eSpre.s.siou rte « ser­v ice public » h propos de la fonc t ion bancaire , mais inexac tement se lon nous (voir le quot id ien La Cité, du 2 f évr i er l!l.")6).

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LA EEVUE DE LA BANQUE 137

Enf in , pour ce qui concerne les a g e n t s des banques (et non seulement les di r igeants) , ils doivent de préférence se l imiter à cette act ivi té e t ne peuvent occuper u n a u t r e emploi rétri­bué quelcon(|ue s î u i s en donner noHliciition écrite.

La comparaison avec le régime belge f a i t dès lors appara î t re que le s t a t u t f r ança i s est infiniment plus rigide et que l'accen­tua t ion du carac tère « public » de la fonct ion y est de loin p lus accusé (1).

Ajou tons , au surplus , qu 'avant même la ré forme légale, une pa r t i e de la doctr ine fi 'ançaise t i r a i t a rgumen t du monopole de f a i t que dé tena ient les bancjuiers d a n s l 'octroi du crédit à cour t terme.

SACKEK {DU secret professionnel du haïu/uier, p. 47) écri­vai t ce qui sui t : « un commerçant qui cherche à obtenir une avance est obligé de s 'adresser h une banque, pu isque les ban­ques cons t i tuen t la source normale sinon exclusive d'appro­vis ionnement en crédi t à court te rme, e t il es t également obligé de fa i r e à la banque t€lle confidence, de lui révéler tel secret d ' a f fa i res que celle-ci pourra lui demande r a v a n t de prendre une décision sur l 'avance sollicitée ».

Ce quasi-monopole qui, en F rance , a é té convert i en mono­pole légal, existe p ra t iquement en Belgique du point de vue économique ; toutefois , il ne s 'agi t ici que d 'une s i tuat ion de f a i t , fo rcément incomplète et impi'écise.

**

I l est donc permis de conclure que le problème de l'assu­je t t i s sement du banquier au • secre t profess ionnel pénal ne comporte pas encore en droi t belge une vsolution affirmative.

S u r u n p lan p lus généi-al, il n 'es t d ' a i l l eurs pas souhai­table que l'on donne à l 'art icle 458 du Code pénal une solu­t ion de p lus en plus extensive en s ' éca r t an t sensiblement de la not ion in i t ia le et fondamenta le (pxi é t a i t de préserver la pér­

i l ) Lorsque le rapport au Roi. précédant l 'arrêté 185, jus t i f i e le

rég ime d ' incompat ib i l i t é prévu iwur les a d m i n i s t r a t e u r s et directeurs

de banque, il s e borne à invoquer le c a r a c t è r e « presque public » de la

f o n c t i o n (art. IG).

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138 LA BBVTJE DE LA BANQUE

sonnal i té humaine (1) dans ce qu'elle a de p lus in t ime et de plus secret (les profess ionnels cités expressément pa r l 'ar­ticle 458 a p p a r t e n a i e n t tous , il ne f a u t point l 'oublier, à une même catégorie : F a r t médical et les professions annexes).

Si le légis la teur de 1935 qui a fixé le s t a t u t légal des ban­ques avai t en tendu a s s u j e t t i r celles-ci à cette disposi t ion pénale, il a u r a i t pu le f a i r e expressément , a ins i qu'il l 'a f a i t pour les reviseurs d e banques e t les membres de la Commission bancaire. I l nous p a r a î t d 'a i l leurs qu'en bonne technique juri­dique, tou te extension nouvelle de l 'appl icat ion de l 'ar t ic le 458 devra i t s 'effectuer de préférence par des in tervent ions légis­latives (2).

* **

Une conclusion p l u s sévère, sur le p lan du dro i t pénal, ren­drait-elle impossible l ' i n s t i tu t ion d 'un système de documenta­tion ? Nous ne le pensons pas.

En effet, l 'on admet généralement que le consentement de la pa r t i e intéressée, c'est-à-dire dans not re problème du client des banques, p o u r r a i t délier de l 'obligation au secret. Sans doute, l ' a r t ic le 458 a-t-il été établi dans un in té rê t général, s a violat ion ne blessant pas seulement la personne qui a confié le secret mais , même, dans une ce r ta ine mesure, la société ent ière puisqu'el le enlève à des professions sur les­quelles cet te société s ' appuie la confiance qui doi t les envi­ronner. Mais une telle considérat ion « ne d é t r u i t pas le

(1) C'est à f-e t i tre que le secret f u t é tendu a u x pro fes s ions l ibérales parce que « m i s e s au serv ice le p lus in t ime de la personne privée » (voir René SAVATIER, « L'origine et le déve loppement du droi t des profess ions l ibérales ». d a n s Déontologie et dinclpUne professionnelle. Archives de phi losophie du droit , 1953-54, p. 62).

(2) Il y en a eu de mul t ip l e s en Belgi( iue (loi d u 13 octobre 1930 : agents de la Rég ie des Té l égraphes et Té léphones ; loi du 18 décembre 1036 : f o n c t i o n n a i r e s et m a n d a t a i r e s chargés des t ravaux de s ta t i s t iques : arrêté-loi du 6 octobre 1944 : dé légués de l 'Inst. Be lgo-Luxemb. du Change, e t de plus nombreuses encore en France (loi du .'}() avri l 1946 : m a s s e u r s et pédicures ; loi du 8 avri l 1946 : a s s i s t a n t e s soc ia les : loi du 13 août 1943 : personnes a t t a c h é e s a u serv ice médica l de la j e u n e s s e ; loi du 7 mai 1946 : géomètres -exper t s ; loi du 16 mai 1946 : membres des conse i l s d'entreprise : décret du 24 septembre 1941 : archi tec tes ; décret du 14 mai 1940 : a g e n t s court iers d 'assurance) .

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LA REVUE DE LA BANQUE 139

caractère p rédominan t de l ' i n t é rê t pr ivé a t t aché à la répres­sion de la violation du secre t professionnel » (voir NYPELS et SERVAIS, Gode pénal hclge interprété, éd. 1896-99, t. ITI, p. 344, n° 14 ; PEKEAUD-CHARMANTIBR, Le secret profession­nel, Pa r i s , 1926, pp. 285-286 ; DE BUSSCHERE, Quelques mots sur le secret professionnel, n" 10 ; SCHUIND, Traité pratique (le droit criminel, 3*-' éd., t. P"" ; GOEDSEELS, Commentaires du Gode pénal ielge, Bruxel les , 1928, n° 2271 ; Répertoire pra­tique Dalloz, v° Secret profess ionnel , u''̂ 31 et s., c i t an t GAR­çON, a r t . 378, n°^ 75 e t s. Vo i r cep. en sens con t ra i re : GAR-RAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français, P a r i s , 1935, t . V I , n " 3 2 5 3 ; GHAT VEAU e t HELIE, Théorie du code pénal, Pa r i s , 1887-1908, t . V, n" 1879 ; comp. égal. Cass. f r anç . crim., 8 m a i 1947, D., 1948-109 et note Gulplie) (1).

Délié du secret professiormel par son client, le dé ten teur du secret peut donc le révéler sans s 'exposer à des pour­suites, ce même en dehors du témoignage en justice. Toute­fois, s'il es t ime que l ' i n t é rê t général ou même des exigences supérieures de sa profess ion ind iquen t qu' i l ne par le pas, il pourra ga rder le secret , même en just ice (cf. no t ammen t G. ScHuiND, op. cit., p . 3 0 3 ) .

Sur le p lan pu remen t déontologique et non p lus légal cet te fois, cer ta ines profess ions revendiquent cependant le d ro i t au secret absolu (cons. le compte rendu p a r Me Georges Hoornae r t des t r a v a u x de l 'Un ion belge de Dro i t pénal, J.T., 1949, p. 74).

* 4<*

(1) Remarquons , a u surplus , que m ê m e les quelques au teurs qui recon­na i s sent a u secret p r o f e s s i o n n e l u n caractère absolu, a d m e t t e n t de nuancer ce t te opin ion lorsqu' i l s ' ag i t de profess ions où le secret es t j u s t i f i é principalement par d e s cons idéra t ions d'ordre privé. GDUPHE (étude citée, p. 54) appl ique c e t t e not ion a u x banquiers, en sou l ignant que « cette f o l s ce n'est p lus l ' intérêt public s 'a t tachant ii l 'honneur et à la d igni té de la fonc t ion qui c o n s t i t u e le fondement véri table de l'obli­gat ion au secret, m a i s u n i q u e m e n t l ' intérêt privé <lu c l ient », d i s t inct ion a s surément f rag i l e m a i s qui permet , en tout é ta t de cause , m ê m e d a n s ce t te opinion, de r e f u s e r a u x p r o f e s s i o n n e l s env i sagés la protect ion du secret profess ionnel , lorsqu' i ls son t appe lés à déposer en just ice .

3

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140 LA Ri:VUE DE LA BANQUE

4. Conclusions.

L'on peut donc admet t re eu pr incipe que l ' assent iment de la clientèle des banques suf f i ra i t pour que la documenta t ion foui-nie à la Banque Nat ionale )misse sans inconvénient ê t re « red is t r ibuée » par celle-ci aux banques légi t imement inté­ressées, e t ce d a n s des condit ions analogues à celles du système f r ança i s .

Cet assent iment pourra résul ter d 'un accord ex])rès (règle­men t général d'(>i)érati()ns, ouver ture de crédit , e t c . . ) ou même tacite, donné p a r le bénéficiaire du crédit à son banquier .

I l ne f a u t pas, en effet, exagérer la por tée de la « redis­t r i bu t i on » envisagée puisqu 'aussi bien, telle qu-elle est con­çue ici, elle est é t ro i tement l imi tée q u a n t aux bénéficiaires (banques a y a n t dé jà ouvert des c rédi t s à l ' en t repr ise envi­sagée) et q u a n t à l 'objet (montan t global des crédi ts dispen­sés p a r le secteur bancaire) .

P o u r ce qui concerne pa r t i cu l i è rement l 'objet , observons que :

1°) dans un régime réorganisé de comptabi l i té des enti-e-prises, de telles indicat ions devraient figurer au passif du b i lan (voir la proposi t ion de loi s u r l ' enregis t rement comp­tab le déposée pa r Messieurs De Groote e t Vermeylen le 3 a o û t 1950, a r t . 33) (1) ;

2°) le p lus souvent, les banques subordonnent l 'ouver ture de c rédi t à la product ion d 'une tel le s i tua t ion générale au dépa r t , et à l 'engagement de notif ier les nouveaux crédi ts qui, u l té r ieurement , sera ient demandés chez des t iers . L a « red i s t r ibu t ion » devra dès lors jouer ici su r t ou t un rôle de cont rô le permanent .

A j o u t o n s encore que dans la thèse la p lus s tr icte , l 'objet du secret professionnel consis te soit dans les choses qui ont , p a r na tu re , un caractère essent ie l lement secret, soit dans celles su r lesquelles il est convenu de conserver la discré-

(1) E n Grande-Bre tagne , en v e r t u du C o m p a n i e s Act de 1948, les s o c i é t é s sont t e n u e s d e ment ionner d a n s leur b i lan s é p a r é m e n t le montant d e s a v a n c e s d e s banquiers .

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t ion (voir n o t a m m e n t SACKER, op. cit., p . 41) ; su ivan t une a u t r e déf ini t ion classique, il s ' agi t de « f a i t s ignorés , de n a t u r e à i)orter a t t e i n t e à l ' honneur , l a cons idéra t ion , la r é p u t a t i o n , ou dont la non-révélat ion a é té demandée » {Répertoire [rratique de droit helge, v" Secret pi 'ofessionnel, n» 5).

L 'usage j)eut donc s 'é tabl i r ici, p rogress ivement , d ' u n e excep­t ion ex t r êmemen t l imitée à la règle de d iscré t ion . L imi tée pa r son obje t , cet te excei)tion le sera auss i p a r la pe rsonne des bénéficia ires, a s t r e i n t s eux-mêmes à la d i sc ré t ion profession­nelle.

C 'est a s s u r é m e n t pour cet ensemble de cons idé ra t ions que l 'on a p u d i re qu 'en F r a n c e l ' o rgan i s a t i on de l a central isa­t ion des r i sques n ' ava i t pa s por t é p r é j u d i c e a u « secret des a f fa i res » (voir s u p r a l 'opinion expr imée p a r Mr. P ie r re Cauboue) .

De t ou t e manière , une telle o rgan i sa t ion < 'orrespondrai t à u n e p r a t i q u e banca i r e bien in t rodu i t e , o f f ic ieusement le plus soiivent, d a n s de nombreux pays é t r ange r s .

L 'on peu t donc espére r que r é p o n d a n t a insi à un vœu ex­p r imé dé j à d a n s d ivers mil ieux (voir n o t a m m e n t Le Courrier de la Bourse, 31-10-11)55, « Uu p e r f ec t i onnemen t à a p p o r t e r à l ' o rgan i sa t ion du système banca i re »), l 'on m e t t e au po in t p r o c h a i n e m e n t en Belgique une i n s t i t u t i o n d o n t la just i ­fication s u r le p l an de l ' i n t é rê t généra l n 'es t p lus à fou rn i r .

K O B E R T H E N R I O N ,

Professeur extraordinaire à l'Université Libre de Bruxelles.