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les dessins de ce numero sont de florine, vilma, romane, tram et truc

La Gazette Buissonnière n°3

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La domination adulte - la critique continue ! / Obligation scolaire/ Grève des écoliers / Mineurs en luttes/ Gamin!/ Aliénation parentale/ Pourquoi On Resterait Calme ?

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Page 1: La Gazette Buissonnière n°3

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la domination adultela critique continue... Nous sommes quelques personnes(dont une majorité de majeur.es) àavoir lu ensemble “la dominationadulte, critique d’un pouvoirincontesté”, une analyse de JulienBarnier publiée dans la gazettebuissonnière n°2.Ce texte démontre qu’il existe unedomination, socialement instituée, des“adultes” sur les “enfants”. Il faitressortir des “signes clairs” de cettedomination omniprésente etsystématique :­ des représentations négatives etméprisantes des enfants­ des caractéristiques de leursconditions de vie­ des traitements ­considérés comme «normaux »­ qui leur sont infligés­ et quelques uns des puissantsmécanismes qui renforcent et justifientcette domination.Cependant, il nous semble nécessaired’approfondir cette critique.Des aspects essentiels, constitutifs dece rapport de domination, comme lestatut de mineur, les rapportsd’éducation et de protection n’y sontpas développés. Le texte adopte unpoint de vue purement adultocentristeet le choix de certains termes utilisésrenforce les catégories visibles etinvisibilise les luttes en cours.Nous ne prétendons pas êtreépargné.es des travers que nousdénonçons, ni atteindre l'exhaustivité...Simplement nous aimerions poursuivreici, comme l’auteur nous y invite, “letravail de mise à jour et d’analysepolitique du rapport de domination desadultes envers les enfants.”

L’ÉVIDENCE DESCATÉGORIES ?La catégorisation des êtres en “adulte”ou “enfant” n’est pas remiseen question. L’auteur laisse penserque des rapports égalitaires pourraientexister sans questionnerces catégories. Envisager l’égalitéentre ces groupes sans interrogerce qui les fait exister conduit à uneimpasse puisqu’ils se définissent l’unpar rapport à l’autre de façon opposéeet hiérarchisée.L’enfant est irresponsable,irrationnel.le, naïf.ve tandis que l’adulteest responsable, rationnel.le, critique...L’enfant est inachevé.e, l’adulte estaccompli.e…Ces catégories prétendent décrire uneréalité alors qu’elles dessinent desfigures fictives et idéalisées qui necorrespondent à personne. L’adulte estle but à atteindre des enfants. Il a fallufabriquer l’enfance pour justifier la mainmise sur les nouvelles venues aumonde ; et la notion d’adulte pourlégitimer le pouvoir de celles et ceuxqui sont déjà­là, qui produisentet gèrent le monde tel qu’il est…L’adulte constitue le mythe del’individu.e indépendant.e, libre etproductif.ve qui pour rester lui.ellemême doit savoir se maîtriser etréprimer en ellui­même tout ce qui estassocié à l'enfant :le jeu, la dépendance, la contestation,… L’enfant est celui ou celle qu’il fautprotéger, nourrir, éduquer, intégrer. Cescatégories servent de matrices decomportements, d’identificationsindividuelles et collectives quipermettent la reproduction sociale.“Enfants” devenu.es “adultes” qui, àleur tour, vont contraindre les “enfants”à en devenir.

ÂGISMELes rapports de domination, de

hiérarchie, basés sur l’âge.

Toute discrimination basée sur

l’âge.

TRANSÂGETerme encore imprécis voulant

désigner le fait de brouiller les

frontières entre catégories

d’âge, de ne pas se conformer

aux normes de comportements

liées à notre âge...

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Quand est ce qu’on parled’enfant­s?Le terme enfant est ambigu: il peutdésigner simultanément ou séparémenttou.tes les mineur.es indistinctement, unfœtus, un projet, celles et ceux qui nesont plus des “nourrissons” mais pasencore des “pré­ados”, quelqu’un.e quin’est pas encore en âge de sereproduire, n’importe qui relativement àses parents, quelqu’un.e dont lecomportement sera jugé “infantile",une personne infantilisée. L’emploi duterme “l’enfant” essentialise le discours,comme si “l’enfant” était une évidenceabsolue qui a toujours été là et non plusune catégorie construite socialement.Dire “les enfants” renvoie à la pluralitédes individu.es classé.es comme tel.les,qui ne se réduisent pas à une catégorie.

ADULTOCENTRISMEL'auteur ne dit pas d'où il parle.Pourtant sa position d’adulte détermineson point de vue, celui d’un dominantavec tout ce que cela implique. Cetteplace permet d’ignorer, de minimiser denier ou d'occulter les conséquences desrapports entre adultes et enfants.(rappelons­ici que nous parlonségalement depuis ce point de vue).Être dans une position dominante quin’apparaît pas contestable ni contestéeni même fragilisée rend difficile unregard critique sur soi­même ou songroupe. On développe forcément desmécanismes de protection plus oumoins consciemment qui servent àpréserver un type de rapport à soi, auxautres et au monde qui sont, de fait,oppressants pour d’autres et qui vontempêcher de remettre en questioncertains comportements.Par exemple le texte signale lesvalorisations temporaires des enfants

par les adultes, mais ces qualificatifs« poli.es, gentil.les »... sont­ils desimples valorisations ou desrécompenses pour avoir corresponduaux attentes des dominant.es ? Cesprocédés s'intègrent logiquement dansl’ensemble des moyens utilisés par lesadultes pour contrôler les enfants,allant de la récompense symbolique oumatérielle au meurtre en passant parles menaces, les coups, le chantageaffectif ou la torture psychologique…Ce texte, destiné aux autresdominant.es, reste centré sur lesrapports privés, la relation entreparents et enfants et la remise encause personnelle. Il ne s’envisage nisous l’angle de la déconstruction descatégories, ni selon des perspectivesde transformation de la structure

sociale.UN POUVOIR INCONTESTÉ ?La critique publique et politique de ladomination adulte semble inexistante,pourtant sa contestation a toujours étéprésente. Elle ne surgit pas toujours demanière convenable, normale, adulte(par un type de discours,une organisation présentable ouune posture attendue…), mais à traversd’innombrables actes de refus etd’insoumission individuels ou collectifs.Ces actes seront le plus souvent jugésinsolents, irrespectueux, irresponsablesou pathologiques*.

ADULTOCENTRISMEPoint de vue selon lequel les

adultes constituent le modèle

standard , l’état normal d’un être.

Le fait de ne penser qu’en terme

d’adulte, d’oublier ou de feindre

d’oublier toutes les personnes

qui ne sont pas considérées

comme adulte.

ADULTARCHIEUn système de gouvernement dans

lequel les gens sont divisés selon

leur âge , leur niveau de

dépendance/autonomie et dont le

pouvoir est strictement réservé à

la classe des adultes.

*Comme le font, par exemple,

les instances psychiatriques en

définissant les TOP (Troubles

Oppositionnels avec Provocation)

dans le DSM 4, par le fait qu'un.e

mineur.e :

-conteste souvent ce que disent

les adultes

-se met souvent en colère

-s’oppose souvent activement ou

refuse de se plier aux demandes

ou règles des adultes

-est souvent fâché et plein de

ressentiments, etc…

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La pathologisation des comportements est unmoyen efficace pour éviter d’entendre et decomprendre les souffrances, dénier le sens desconflits, individualiser les problèmes, dépolitisertoute forme de lutte, contenir les opprimé.es et nierleur puissance contestatrice et transformatrice…Combien de confrontations avec des profs, desparents ? Combien d’écoles, de voitures, demagasins brûlés ? Combien de fugues pour fuirune situation oppressante ? Combien de suicides,notamment dans les lieux d’enfermement destinésaux mineur.es ?Dire de la domination adulte qu’elle est “un pouvoirincontesté”, ou que “si le plus souvent les dominés

peuvent mener eux­mêmes le combat contre leurdomination, dans le cas des enfants c’est presqueimpossible…” contribue à invisibiliser lescontestations en cours.Sans compter les formes de résistances émanantdes adultes qui dévient de leur rôle, court­circuitentles stéréotypes âgistes, refusent de jouer les“parents”, les “animateurices” ou les “matons”,s’organisent hors des institutions et sont solidairesen actes des luttes contre la suprématie adulte.

ET LE STATUT DE MINEUR ?Il est bien évoqué que les enfants ont un statutinférieur et l’auteur énonce une partie de ce qui endécoule : “pas de ressources propres, pas

d’indépendance possible, pas de droit de regardsur les décisions le concernant, y compris jusqu’àun âge avancé”. Mais le cadre juridique qui instituecette relation de dépendance et de privation dedroits n’est pas explicité. On ne voit pas bien, dansle texte, si ces conditions sociales d’existence“objectives” des enfants sont “naturelles” ouconstruites socialement.C’est pourtant la construction juridique du statut demineur qui détermine les possibilités, les droits, lesrelations qu'ont les personnes entre 0 et 18 ans.

Une appropriation à tous les niveauxCe statut participe à créer juridiquement la sphèredu privé (« chacun.e fait comme ille veut avec sesgosses »). Il donne des (sur)droits aux parents oututeurs sur leurs enfants : contrôle desfréquentations, des activités, des déplacements,des ressources, etc… La cellule familiale estrendue obligatoire par ce statut : si le mineur veutpartir, il sera en fugue (un terme révélateur de la“captivité” du mineur), et si les parents ne le

contraignent pas à rester, on les accusera dedélaissement. Si le mineur ne veut plus êtreavec ses parents, il faut qu’il y ait une raisonreconnue comme valable par un juge(violences physiques ou manque de soinsgraves… ), le fait de ne pas vouloir vivre avec

elleux n’est pas une raison valable. Lesparents sont les propriétaires de leurs enfants, laloi veille à ce que cela soit respecté, mais dans lamesure où illes respectent les attentes dusuperpropriétaire.Au dessus des petits propriétaires, il y a l’État. Ildispose de toutes les dernières personnes venuespour les discipliner et les formater à leurs futursrôles sociaux, ou les contenir si elles ne s’ysoumettent pas (par différents moyens à sadisposition : école, centre éducatif fermé,prisons…)Il rappelle aussi aux parents leurs rôles de flics oude matons quand leurs « protégé.es » n’agissentpas conformément, en les menaçant de toutessortes de sanctions (il peut retirer et reprendre àson compte l’autorité parentale si il en juge l’utilité).

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« C'est parce qu'illes sontfaibles »On justifie ce statut par le fait que les0­18 ans seraient des faibles dans unmonde de brutes. Il faut les en protégeren les soumettant de force à l’autorité« protectrice » des parents. « Ce sontles parents qui protègent leurs enfantsparce qu’illes les aiment etgnagnagni… ». Le mythe de l’amourrend aveugle sur ce qui se passeréellement entre les personnes.On autorise par des textes ou tolèredans le silence (ce qui revient aumême) l’exercice d’innombrablesviolences envers elleux sous prétexted’éducation et d’amour filial. En lesconsidérant comme des êtres inférieurscar pas civilisés, nécessitant uneéducation (“qu’on leur apprenne lavie”), on légitime socialement et à soi­même d’être violent.e avec elleux. Laviolence physique est autorisée par “ledroit de réprimander”,traditionnellement appelé “droit decorrection”, qui traduit juridiquement ledroit de violenter ses enfants et, dansune certaine mesure, ceux des autres(dans la limite du “moralementacceptable”, bien sûr) pour les rappelerà l’ordre. Les violences physiques àl’égard des mineur.es sont surtoutexercées au sein du domicile familial.La violence ne se réduit pas à descoups portés physiquement. Lanégation des besoins personnels, lesréprimandes verbales, les moqueries,le dépassement des limites, etc…, fontpartie de la violence ordinairequotidienne que subissent les enfants.L’obligation de cohabiter en famille et laconstruction des rôles de parentscomme référents uniques et détenteursdes droits et libertés de leurs enfantsentraînent souvent, presqueinévitablement, des rapports violents.L’emprise affective et la censure

émotionnelle qui va avec, ladépendance psychologique,économique et juridique rendentdifficile, de la part des mineur.es, lacritique et la contestation des mauvaistraitements qu'illes subissent (ceuxreconnus comme tels). La contestationn'est pas non plus facilitée par leurmise à l'écart par tranche d'âge,l'absence de soutiens extérieurs ou desolidarités à leur égard.*Les mineur.es sont aussi fragiliséespar une éducation qui les fait sepenser comme des victimes, despersonnes faibles. Par exemple, lesinterventions systématiques desadultes dans les conflits qu’illes ontavec d’autres peuvent empêcherqu'illes posent leurs limites etapprennent à se défendre.

« C'est pour leur bien »Le statut de mineur serait instauré pourle bien des concerné.es, parce qu’illesseraient incapables de savoir ce quiest bon pour elleux. Ce préjugé permetaux dominant.es d’imposer, sans tropde problèmes de conscience, leursattentes. De ce fait, ils répriment(consciemment ou non) l’expression etla mise en actes, par les mineur.es, deleurs désirs. Ce préjugé supposeraitque tous les individu.es soientidentiques et qu’il y aurait unehomogénéité des personnes de 0 à 18ans. Ces incapacités ne sont pas dutout évidentes. Certaines peuvent êtredues à l’état physiologique (parexemple pour un bébé), d’autres austatut juridique (ce sont les parents quidécident pour la personne mineure, cequi déresponsabilise de fait), d’autres àl’éducation à l’incompétence que desmineur.es subissent (ne pas pouvoirapprendre des savoirs autonomisants,être amenées à se penser commeincapables, ignorantes…).

Article371:L’enfant, à tout âge, doithonneur et respect à sespère et mère.Article 371-1:L’autorité parentale est unensemble de droits et dedevoirs ayant pour finalitél’intérêt de l’enfant.Elle appartient aux père etmère jusqu’à la majorité oul’émancipation de l’enfantpour le protéger dans sasécurité, sa santé et samoralité, pour assurer sonéducation et permettre sondéveloppement, dans lerespect dû à sa personne. Lesparents associent l’enfant auxdécisions qui le concernent, selonson âge et son degré de maturité.lois issus du Code civil

On mentionne depuis peu dans les

textes de lois la prise en compte

des droits de l’enfant. Ils ont été

définis par la convention de 1 989

qui entérine la distinction de statut

social basé sur l’âge, où les

obligations deviennent des droits. . .

comme le droit à la famille ou à

l'éducation.

cf "Les droits des mineur(e)s et la

convention des nations unies : le

cas de la France", Claude Guillon

1 990, consultable sur

http://enfance-

buissonniere.poivron.org

*L' Aide Sociale à l’Enfance

(ASE), qui dit "lutter contre la

maltraitance" ne prend pas au

sérieux la parole des mineur.es,

privilégiant la parole des

travailleur.euses sociaux et des

parents.

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Ces incapacités ne peuvent êtreassociées de manière absolue àdes personnes. Tout le monde,selon le contexte et le moment desa vie, peut se sentir incapabled’assumer certaines responsabilités.

Pourquoi alors fabriquer un statutspécifique pour les 0­18 ans si cen’est pour contrôler et soumettre latotalité des nouvelles venues àl’ordre social ?L’hypocrisie des justifications de cestatut est notamment démontrée parle fait qu’on reconnaisse laresponsabilité pénale des mineur.esà partir d’un certain âge mais qu’onne leur reconnaisse aucunesouveraineté sur comment menerleur vie. On ne leur donne pas nonplus la possibilité de participer àl’illusion démocratique, en votantpour des gens qui décident de lois,auxquelles il pourrait leur êtrereproché de transgresser. Leurreconnaître une responsabilitépénale paraît surtout pouvoir justifierun traitement répressif (par del’enfermement carcéral notamment).

Incapacités naturelles oujuridiques ?Ce statut crée de nombreusesincapacités et comportements qu’onattribue « naturellement » auxpersonnes de 0 à 18 ans et quiservent de justifications au statut demineur… Les causes etconséquences s’auto­entretiennent.C’est le fait de partager ce statut quidonne une homogénéité au groupe“enfants”. Les enfants n’existent queparce qu’illes partagent une mêmecondition sociale.Nous savons bien que le juridique etles normes sociales sont intimementliés, que la disparition du statut de

mineur pour les personnes classéesfemmes (par ici) n’a pas éliminé lerapport de domination qu’ellessubissent. Mais il nous paraîtévident que ce statut empêche lesminorisé.es (personnes soumisesau statut de mineur) de pouvoir agirsur ce qui les oppresse et de lessoutenir dans leurs désirsd’émancipation.

PROTECTION ?Le besoin de protection des enfantssert souvent d’argument ultime faceaux discours égalitaristes ouabolitionnistes du statut de mineur.C’est aussi lui qui justifiel’établissement des lois sécuritaireset des dispositifs de contrôle social.Cet argument place le débat à unniveau émotionnel qui sabote touteréflexion sur le fait que l’Enfance estune institution établie, néfaste etcontestable. Critiquer la notion deprotection est difficile car onopposera qu'il s'agit "d'enfants". Onaccusera alors de livrer des êtresfragiles, innocents, purs, incapablesde se défendre, aux hordes devioleurs pédophiles et tueurs ensérie qui hantent les rues et les faitsdivers ...La notion de protection justifie etlégitime la domination, la mise soustutelle, la mise à l'écart,l'infantilisation... On dira d’unepersonne psychiatrisée de forcequ’on la protège d’elle­même (soinforcé), que l’enfermement protège lasociété (coercition) et la vidéo­surveillance a été rebaptisée vidéo­protection (contrôle social). Lesseigneurs au Moyen Âge avaient lesserfs sous leurprotection (exploitation); les empiresou les états assurent la protectionde leurs concitoyens (maintien de

"Quand on parle de la famille, oudes femmes ou de n’importequelle autre catégorie, je pensequ’il faut laisser de côté le faitqu’on a un groupe préconstitué,et qu’ensuite des pratiquess’appliquent à lui. Par exemple, ily a des règles qui s’appliquentaux enfants. Je dirais que lesenfants sont d’abord des gens àqui s’appliquent ces règles­là, etces règles les rendent enfants.Qu’est­ce qu’un enfant ? C’est,entre autres choses, quelqu’unqui va à l’école et qui appartient àdes parents. Ensuite, on peut lerationaliser en disant : “il faut quece soit comme ça, parce qu’unenfant n’a pas suffisamment decompétences, etc.”. Mais il estd’abord défini par toutes lesinterdictions et les contraintes quis’appliquent à lui et par le fait qu’ilest un mineur. Et si on regarde lesens de “mineur”, cela signifietout simplement : qui n’est pas unsujet de droit. Les enfants ne sontpas des citoyens, c’est lapremière chose qui les définit. Ilsn’ont pas droit aux protectionsusuelles de la loi."Extrait d’une interview de ChristineDelphy dans la revue No pasaran n°6,février 2002.

Le texte où Delphy développecette analyse est "L’ÉTATD’EXCEPTION : LA DÉROGATION AUDROIT COMMUN COMME FONDEMENTDE LA SPHÈRE PRIVÉE"téléchargeable sur http://enfance­buissonniere.poivron.org/KiOsk

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l'ordre) ou peuvent placer un pays sousleur protection (coloniser); en droit, lamise sous protection d'une personnedésigne en fait sa mise sous tutelle(subordination ); il n'y a pas si longtempsles femmes devaient (presque)obligatoirement passer de la protectiond'un père à celle d'un mari (domination etexploitation patriarcale), etc.Comment dépasser l'asujetissement auxcatégories sociales ? Nous pourrionsnous considérer comme des personnessingulières, ayant leurs propres histoires,besoins, désirs... et être attentives auxunes et aux autres en tenant compte dessituations.

EDUCATION ?L’auteur dutexte utilisel’expression« en cours deformation » oule verbe« éduquer »,sansquestionnerces notions quiproviennent du point de vue “adulte” etqui servent de justifications essentiellespour maintenir le rapport de domination“adulte/enfant”.On se représente les enfants comme desêtres en devenir, non comme des êtres àpart entière. Pour devenir une personne(c’est à dire un.e citoyen.ne, un.etravailleur.euse…), un enfant aura besoind’une éducation, c’est à dire d’unprogramme, d’une formation. Mais il n’ena pas conscience alors il faut la luiimposer ( « euh… mais c’est pour sonbien »).L’éducation est un projet sur l’autre. Celasignifie que nécessairement la personnequi est éduquée n’est pas considéréecomme “aboutie”, puisque l’éducateur.icesouhaite l’amener ailleurs, faire d’elle

quelque chose d’autre que ce qu’elle est.En ce sens, l’éducation, en tant queprojet sur l’autre, est dévalorisante pourcelle qui la subit. Ce regard dévalorisantde l’éducateur.ice sur l’éduquée peut êtreperçue et intégrée comme étant juste,par l’éduquée. En outre, ce projet se faitpratiquement toujours en niant ou enamoindrissant les besoins de l’éduquée(puisqu’elle est « ignorante ») tout envalorisant la puissance, l'idéologie et lesfantasmes de l’éducateur.ice (qui lui est« savant.e »).Dans le terme éducation, on entend deuxaspects qui se confondent souvent maisqui sont pourtant radicalement différents :transmission de savoirs / inculcation devaleurs, de comportements, d’une

morale… Cela rendcompliqué bien desdiscussions sur lesujet.Il semble admis quenous apprenons toutenotre vie et plusparticulièrement audébut. Mais pour

beaucoup d’adultes il estimpensable que les

enfants puissent apprendre sans qu’onles y oblige. Les figures mythiques del’enfant sauvage, du délinquant, de celuiqui n’aurait pas reçu d’éducation, sont làpour rappeler qu’il ne faut surtout paslaisser un enfant hors des cadres penséspar les adultes. Le fait d’avoir subi cesobligations fait que pour nombred’adultes elles paraissent être un bien,après coup, après tout...Il nous semble important de définir lesrapports éducatifs comme des rapportsde domination, de les critiquer et dedévelopper des relationsd'apprentissages pouvant être choisies,réciproques, discutables etrenégociables, des pratiques d'auto­apprentissage, de partage de savoirs,d’unschooling…

Chapitre VII: Des atteintesaux mineurs et à lafamilleArticle 227-1:Le délaissement d’unmineur de quinze ansen un lieu quelconque estpuni de sept ansd’emprisonnement et de100000 euros d’amende(...)Article 227-8Le fait (...) desoustraire, sansfraude ni violence, unenfant mineur desmains de ceux quiexercent l’autoritéparentale ou auxquelsil a été confié ou chezqui il a sa résidencehabituelle, est puni decinq ansd’emprisonnement etde 75000 eurosd’amende.lois issues du Code pénal

Article 371-2:Chacun des parentscontribue à l’entretien et àl’éducation des enfants (...).Cette obligation ne cesse pasde plein droit lorsque l’enfantest majeur.Article 371-3:L’enfant ne peut, sanspermission des père etmère, quitter la maisonfamiliale et il ne peut enêtre retiré que dans les casde nécessité que déterminela loi.lois issues du Code civil

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“NOUS NE SOMMES PAS CONTRE LESVIEUX, MAIS CONTRE TOUT CE QUI LESA FAIT VIEILLIR !”“ LA JEUNESSE EST LE LIEU DECONVERGENCE D’UN FAISCEAU DECONTRAINTES D’UNE VIOLENCE INOUÏE,POUR NE PAS VIEILLIR IL N’Y A QU’UNCHOIX RADICAL À FAIRE, BRISER CESCONTRAINTES, BALAYER LA VIOLENCEQUI S’EXERCE SUR NOUS. [...] PENSEZÀ LA VIOLENCE QUI S’EXERCE SUR UNTYPE PENDANT VINGT ANS POUR QUEDU BÉBÉ NU ET SOURIANT AU MONDEQUI L’ENTOURE ON ARRIVE À CETÉTUDIANT DE SCIENCES­ÉCO, CREUX,BLAFARD ET CRAVATÉ OU À CE JEUNEPROLO SUPER CREVÉ QUI SOMNOLEDANS LE MÉTRO QUI L’EMMÈNETRAVAILLER. LA PAIX DANS CESCONDITIONS, PLUTÔT CREVER ! […] ”Extrait du manifeste du Front deLibération de la Jeunesse, 1971, France

Pratiques qui se cultivent tout au long de nos vies et ne se limitent pas àune tranche d'âge.Comment penser et avoir des relations non oppressantes avec lesnouvelles venues, les accueillir et accepter les transformations que celaentraîne dans notre monde ?

EN GUISE DE CONCLUSION...Nous voudrions que cette critique s'approfondisse et donne à chacun­edes armes pour lutter contre l'adultocratie et l'âgisme. Il nous apparaîturgent de mieux comprendre comment s'articulent les différents rouagesde la domination adulte. Il nous manque encore bien d’autres liens,notamment avec des analyses d'autres rapports de domination et desluttes passées ou actuelles.Des questions essentielles restent à creuser:Comment les rapports sociaux de genre, de race, de classe s'articulentavec les rapports sociaux d'âges ?Quelles variations selon les normes culturelles et symboliques ?Nous aimerions parallèlement ne pas dissocier la théorie de la pratique cequi soulève encore d'autres points auxquels il faudra répondre aussi enactes : Comment se défaire de l’adultocentrisme dans nos façons deparler, d’écrire ? Peux t­on concevoir l’émergence d’un mouvementtransagiste (terme encore peu défini...) ?Comment désigner ce que nous percevons, sans conforter les dominationsdéjà à l’oeuvre : la prédominance du serieux et du rationnel, de l’écrit, del’effort, d’un certain type de discours et de tout ce qui fonde l’adultarchie ?Il faudrait aussi se questionner sur ce qu'on peut faire quand on occupeune position sociale de majeur.e, d'adulte, de comment on peut soutenirles mineur.es dans leurs luttes et en concevoir de nouvelles avec elleux :Rester sur le terrain de l’analyse pour permettre une prise de consciencede l'ampleur et de la complexité des mécanismes d'oppressions.Développer des outils de compréhension et de résistances qui pourraientéventuellement servir aux dominées pour forger leur propres stratégiesd'autodéfense et d'attaque de l'adultocratie. Perturber le fonctionnementdes institutions pour mineures, déstabiliser les professionnel.les de lagestion de l'enfance. Identifier et combattre l'infantilisme. Se donner lesmoyens pratiques de sortir de la famille nucléaire. Favoriser des espacesde non­mixité pour mineur­es. Saboter les fondements de l'âgisme par desgroupes de déconstruction de l'identité adulte, des projets collectifsmultigénérationnels, des espaces­temps liberés des clivages« enfants/adultes » et tout ce que nous ne pouvons pas encore imaginer....

Il nous semble que ces éléments ne devraient pas être omis des diversesperspectives et offensives contre l'oppression des normes et les autresidéologies de la culture dominante . Elle nous semble complémentaire desrecherches et luttes féministes, du combat contre toutes formesd'enfermement et de la critique du contrôle social sous tous ses aspects.

Bref, la luttee continue !Quelques acharnées de l'enfance­buissonnière

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“CAMARADES ! NOUSSOMMES UN DANS LAHAINE DESINSTITUTIONS DE CETTEVIE ET DE CE TEMPS.NOUS DEMANDONS :QUI EST RESPONSABLEDE CETTE VIE, DE CESINSTITUTIONS, DECETTE CULTURE ? QUIA SUR LA CONSCIENCECES ÉTATS, CESÉCOLES, CES ÉGLISES,CETTE POLITIQUE,CETTE PRESSE ET TANTD’AUTRES CHOSES ?LES ADULTES !”

Extrait d'une circulaire du Wandervogel(L’oiseau migrateur), organisation devoyages à pied de jeunes, hors cadresadultes, présente en Allemagne, Autriche,Suisse, pays scandinaves, au début duXXème sciècle

CRITIQUEDE L'OBLIGATION SCOLAIRE

L'Éducation est tellement fondamentale qu'on en a fait une causenationale. On a crée des spécialistes et des espaces spécifiques où onla "reçoit". Et vu que c’est pour notre bien, on ne s’étonne même plusque cela soit obligatoire.La nécessité de l’obligation se justifie plutôt par l’importance donnée àl’inculcation de certains savoirs et comportements plus que par notreincapacité à être curieux.ses, intéressé.es. Cette société exige de nousd'être exploitables économiquement et de se soumettre à l’ordre social.Ce n’est pas un programme très alléchant… Alors comment être sûrque cela soit intériorisé par tout le monde ?Les dominants ont vu dans l’École obligatoire un moyen d’y contribuer.L’institution scolaire a toujours eu un rôle fondamental dans ledéveloppement de la société industrielle capitaliste. Dès le début deson imposition (au départ aux plus pauvres), elle fut un moyen dediscipliner et de former en masse la future main d’oeuvre dont avaientbesoin les capitalistes, en contrôlant l’emploi du temps des jeunes(permettant ainsi d'inculquer la soumission à des horaires, au travail etau devoir) ainsi qu'en transmettant les savoirs utiles au système deproduction. Rendre obligatoire l’École, sous le contrôle de l’État,permettait de rendre illégale ou pratiquement impossible toute tentativeautonome d’apprentissage différente et autonome (que pratiquaientnotamment des prolétaires). Au début de la mise en place des écoles,plusieurs méthodes d’enseignement étaient en concurrence. Futchoisie délibéremment la plus efficace pour discipliner et contrôler lescorps au détriment de "l’efficacité" pédagogique. Méthode qui esttoujours employée aujourd’hui. L’École se donne aussi pour missionde former les futurs citoyen­e­s au respect de l’Etat et de ses lois. Bienque traversée d’illusions « démocratiques », d’égalité, l’Éducationnationale n’a cessé et ne cessera pas de remplir ce rôle de formatageet de sélection afin de répondre aux besoins de la machineéconomique.Nous sommes presque tout.e.s passé.e.s par le service scolaire. On s’yest, pour beaucoup, “adapté.e.s” d’une manière ou d’une autre (et àquel prix ?) et on en est sorti.es avec plus ou moins de savoirs utilesdans ce monde. Ceci peut expliquer qu’il soit difficile de porter sonattention sur ce que subissent les scolarisé.es et sur ce qu’on a subitnous mêmes. Quels rapports à soi et au monde on se construit enapprenant à faire ce dont on n'a pas envie, à ne pas s’écouter et ne pasêtre écouté.es ? Quels rapports aux autres et à soi s’élaborent dans lacompétition et la sélection qu’impose le système scolaire ?

Pour approfondir, lire "L'école mutuelle :une pédagogie trop efficace ?", d'AnneQuerrien, aux éditions Les Empêcheursde penser en rond, 2005.Étude qui raconte et analyse le processusd'institutionalisation de l'École et desmotivations dans les choix de méthodespédagogiques,

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“PROFESSSEURS, VOUS NOUSFAITES VIEILLIR ![…] ANNÉE APRÈS ANNÉE,NOUS ÉTIONS AVALÉS PARLE LAMINOIR SOCIAL. LESÉLÈVES QUE VOUS AVEZSAUVÉS, VOUS LES PORTEZCOMME DES DÉCORATIONS,ELLES SONT MÉRITÉES,QUEL BOULOT POURCHACUN D’EUX ! MAISC’EST PAS POSSIBLE POURTOUT LE MONDE.LE PROBLÈME, C’ÉTAIT PASNOUS, C’ÉTAIT PAS VOUS,C’EST TOUT LE RESTE !VOUS LE SAVIEZ PAS, BIENSÛR, MAIS VOUS CROYIEZQUE C’ÉTAIT INÉVITABLE.C’EST PAS L’ÉCHECSCOLAIRE QU’ON VOUSREPROCHE, C’EST D’AVOIRACCEPTÉ TROPLONGTEMPS ET ESSAYÉ DENOUS FAIRE ACCEPTER UNÉTAT DE CHOSES, DESGENS ET DES RAPPORTSENTRE LES GENSINACCEPTABLES.[…]VOUS NE POURREZRIEN FAIRE CONTRE NOUS.NOUS VOUSEMPÊCHERONS DEVIEILLIR.”Tract des Lascars du LEPélectronique, lors desmanifestations de décembre 1986pour le retrait de la loi “Devaquet”.

En 1974, des élèves saccagent leur lycée agricole deBrie­Comte­Robert (Seine et Marne). Voici un extrait deleur “défense” devant le conseil de discipline :« […] J’accuse pourtant moins l’administrationcentrale, lointaine et absurde […] que le corpsprofessoral qui a capitulé devant notremécontentement […] ; je les accuse par­dessus toutd’avoir été incapables de comprendre ce que nousdésirions et demande qu’ils soient punis pour avoirméprisé ce que nous désirions.Enfin, le lycée a été abîmé, des objets ont étédétruits, des machines endommagées.D’abord, bien sûr, j’annonce que ces dégradations nesont pas le fait de trois ou quatre élèves – tout lemonde le sait : j’accuse donc l’administration den’accuser que trois ou quatre élèves. Je l’accuse dementir et de mentir sciemment.Mais un lycée, ce n’est pas, de toute façon, un musée,alors que c’est un conservatoire, un lieu où passentdes adolescents, et il ne sera possible de répondre dumatériel cassé que lorsqu’on répondra des élèves quiont été vidés sous prétexte final de réorientation ; il nesera possible de répondre du matériel cassé quelorsqu’on répondra des élèves dégoûtés de leurvocation première ; il ne sera sérieusement intéressantde rendre compte du matériel cassé tant qu’on n’aurapas mesuré l’étendue du désastre scolaire. Et même,on se moquera encore de nous tant qu’on n’aura pasmesuré l’étendue de tout ce qui était possible, grâce ànous, dans ce lycée.En termes juridiques, j’énonce, moi que l’on accuse, qu’iln’y a pas “non­lieu” ; j’énonce que ceux qui nousaccusent préfèrent le mensonge de ce simulacresoudain de conseil de discipline à la reconnaissance deleurs responsabilités.J’espère, disais­je en commençant, que vous serez àmême d’en tenir compte. Quant à moi, je m’en tiens là,c’est­à­dire beaucoup plus loin que vous. »

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Page 11: La Gazette Buissonnière n°3

"En 1911, peu après la rentréescolaire, 62 villes, aussi bien en Irlande et enEcosse qu’en Angleterre, sont pendant quinze joursle théâtre d’un mouvement déterminé de refusd’aller à l’école. “Des milliers d’enfants défient lesautorités scolaires” titre le Hull Daily News du 13septembre.Au bout de quelques jours prennent forme desrevendications. A Liverpool, telles sont lesexigences qui sont exprimées : “Age limite fixé àquatorze ans – Des cours moins longs – Desvacances pour le ramassage des pommes de terre –Pas de travail à la maison – L’abolition de laceinture – Des crayons et des gommes gratuites.”[…] A Newcastle, “un nombre important de garçonsse regroupent pour demander l’abolition de lacanne, une demi­journée de congé par semaine, etréclamer qu’un penny soit donné tous les vendredisà chaque enfant.”

Cette histoire nous fait chaud au coeur car ilest trop rare que des personnes scolariséescontestent collectivement les conditions que leurfait subir l’école.Même si un siècle s’est écoulé et que certainesrevendications ne semblent plus d’actualité, leurlutte nous inspire car l’Ecole reste un lieud’enfermement où s’exercent d’innombrablesviolences, un lieu qui s'impose à la quasi totalité despersonnes.Imposée car ce qu’elle tente d’inculquer n’a rien dedésirable.

L’apprentissage de la soumission à l’autorité est unedes fonctions principales que se donne l’Ecoledepuis son apparition : la soumission à des gens qui« auraient le savoir », à l’emploi du temps, auxprogrammes et au règlement intérieur,l’infantilisation des élèves en étant soumis.es à desrituels et règles absurdes (seulement pour marquerleur différence de statut avec les profs et CPE), leurstatut inférieur qui fait que leurs paroles et enviesn’ont pas de poids, … Les moyens d’y parvenir nepeuvent être que violents : la ceinture hier, laritaline aujourd’hui. Les humiliations, les menaceset autres punitions toujours. On veut nous faireapprendre aussi à être en concurrence avec lesautres, à penser qu’à soi pour « réussir dans lavie ».Un apprentissage nécessaire pour accepter la suite,dans le « monde du travail » ­où on continue àsuivre un emploi du temps imposé, à ne pas déciderde ce qu’on fait, à se soumettre aux chef.fes, à la« loi du marché »­ et dans leur « démocratie » ­oùreprendre en main collectivement ce qu’on veutfaire de nos vies est réprimé­.Cette critique a une histoire.Un site reprend les textes de la brochure « Grèvedes écoliers de 1911 » et se veut aussi être unmoyen de faire (re)connaître les luttes despersonnes scolarisées contre l’école et le mondeauquel elle nous prépare, menées par les personnesscolarisées.

http://grevedeseleves.noblogs.org/

GRÈVEDES ÉCOLIERS

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Page 12: La Gazette Buissonnière n°3

En France, à Paris, un collectif Mineurs enlutte a vu le jour fin 1978, composéinitialement d’adolescentes en fugue de leursfoyers éducatifs, puis d’autres en conflit avecleurs familles. Voici une partie de leursrevendications :“DEPUIS TROIS MOIS, NOUS LUTTONSEN ESSAYANT DE RENDRE PUBLIQUESNOS REVENDICATIONS.NOUS VOULONS LE DROIT À LA PAROLEEN TOUTE CIRCONSTANCE POURQU’ELLE SOIT ENTENDUE ETAPPLIQUÉE.LE DROIT DE REGARD SUR LESDOSSIERS NOUS CONCERNANT.LE DROIT DE DISPOSER LIBREMENT DENOTRE CORPS ET DE VIVRE AVEC QUINOUS VOULONS, DANS LES LIEUX QUENOUS CHOISISSONS.LE DROIT À L’INFORMATION SEXUELLE,À LA CONTRACEPTION SANS QUE POURCELA LES GENS QUI NOUSSOUTIENNENT SOIENT INCULPÉS POURDÉTOURNEMENT DE MINEUR,INCITATION À LA DÉBAUCHE…LE DROIT DE GÉRER SON BUDGET, AUNIVEAU FINANCIER.[…] QUELLES SONT LES POSSIBILITÉSD’UN MINEUR QUAND IL VEUT ÊTREINDÉPENDANT ? AUCUNE.NOUS NE SOMMES PAS MANIPULÉS,MAIS RESPONSABLES DE TOUS LESACTES ET LES DÉMARCHES FAITESDEPUIS LE DÉBUT DE LA LUTTE ETNOUS VOULONS ÊTRE CONSIDÉRÉSCOMME TELS. LES MAJEURS NE FONTQUE NOUS SOUTENIR DANS NOTRELUTTE BIEN QU’ILS SOIENTDIRECTEMENT CONCERNÉS PAR LESCONSÉQUENCES ET JURIDIQUEMENTRESPONSABLES DE CE SOUTIEN. […]

“JE N’AI PAS CHOISI DE FUGUERTOUTE SEULE. J’AI CHOISI DEDÉNONCER AVEC D’AUTRES,L’OPPRESSION QUE SUBISSENTTOUS LES MINEUR(E)S (DANS LAFAMILLE, MAIS AUSSI DANS LESFOYERS, DANS LES ÉCOLES).J’AI CHOISI DE PRENDRE LAPAROLE, DE PARLER DE MESDÉSIRS, J’AI CHOISI D’ÊTRE MOIET PAS CE QUE LES AUTRESVOULAIENT QUE JE SOIS.J’AI REFUSÉ LA SOLUTIONINDIVIDUELLE. J’AI CHOISI UNELUTTE COLLECTIVE ! JE NE SUISPAS REVENUE. C’ÉTAIT ENMARS, IL Y A HUIT MOIS.”Hélène, 16 ans, extraits du journal publiépar le collectif Mineurs en lutte, octobre1979

“SÉCHER C’EST BIEN, FUGUER,C’EST MIEUX ! FAMILLE,ÉCOLE, FOYER : FAIRE DE LAFUGUE UNE ARME EFFICACE !160 000 FUGUES PAR AN,440/JOUR, 18/HEURE. C’ESTUN ACTE COLLECTIF QUIS’IGNORE. C’EST UN REFUSMASSIF DES STRUCTURES DELA CELLULE FAMILIALE. […]LA FUGUE EST EN FAIT UNACTE POLITIQUE, ET C’ESTCOMME TEL QUE LESFUGUEURS ET FUGUEUSES DELA LUTTE DES MINEURS LEREVENDIQUENT !”Olivier, extrait du journal publié par lecollectif Mineurs en lutte

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Page 13: La Gazette Buissonnière n°3

Imaginez que vous nepuissiez pas choisirde rester ou de partirde là où vous êtes.Imaginez que vousne puissiez pas choisiravec qui vous vivez.Imaginez que vous n'ayez pas le droit ni de fuir,ni d'exprimer votre mécontentement, ni de devenir agressif.Imaginez que chaque fois que vous exprimez ce que vous ressentez on vouscensure ou bien on se moque de vous ou bien ou vous trouve trop mignon-ne.Imaginez que chaque fois que vous exprimez ce que vous pensez on vous ignoreou on vous corrige ou on vous trouve très intelligent-e pour votre âge.Imaginez que pour faire quoi que ce soit vous deviez demander la permission.Imaginez que chacun de vos comportements soit jugé puis approuvé ouréprimandé.Imaginez que vous n'ayez pas la possibilité de prendre part aux décisions quivous concerneImaginez que vous n'ayez pas le droit de conduire un véhicule motoriséImaginez que vous n'ayez pas le droit de boire et de manger ce que vous voulez,autant que vous voulez et quand vous voulez.Imaginez qu'on vous dicte ce que vous devez faire chaque jour.Imaginez que vous soyez obligé d'aller vous coucher même si vous n'avez pas sommeil.Imaginez que vous soyez obligé de vous lever même si vous aimeriez dormir encore.Imaginez qu'on vous oblige à vous laver les mains avant de venir à table et vous laverles dents avant d'aller vous coucher.Imaginez qu'on attende sans cesse quelque chose de vous, de votre attitude,de vos facultés d'analyse et de compréhensionImaginez que vos choix personnels, votre autonomie ou votre libre arbitre doiventen permanence être négociés ou marchandés.Imaginez que vous n'ayez aucun droit et qu'on vous assigne une infinité de devoirs.Imaginez alors que vous êtes contraints de subir tout cela qu'on vous affirme que vousvivez les meilleures années de votre vie!Pouvez-vous réellement imaginer une telle situation ?Pensez-vous que qui que ce soit sur cette planète puisse l'endurer ?Si oui, quelles conséquences pensez-vous que ça puisse avoir sur la personnequi vit une telle situation ?Sur toutes les personnes qui l'auraient vécue par le passé ?Sur une société où tout le monde serait contraints de vivre cela ?

Maintenant, arrêtez d'imaginer quoi que ce soit et essayez de vous souvenir......de votre enfance.

C'ÉTAIT UN MESSAGE DU GROUPE D'ENTRAIDE DES SURVIVANTES DE L'ENFANCE

COMMENCEZ

PAR IMAGINER...

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Page 14: La Gazette Buissonnière n°3

Extrait d'un tract du collectif anarchiste (l’Indianer Kommune) composé de majeurs et de mineurs qui sebattait pour l’égalité adultes/enfants, en Allemagne, de 1976 à 1996.

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Page 15: La Gazette Buissonnière n°3

Gamin ! estun zine « pro­

jeunesse » fait parSamir, Kayla et moi

bien que nous espéronsrecevoir des contributions

d'autres personnes. J'airencontré Samir sur un forum

tout­à­fait différent sur un sujet audépart non­politique mais ayantdérivé sur les bootcampsaméricains, sur lequel je suis

tombée après un « tour derecherche ». Je m'étais inscrite et

avais répondu en disant que ça mefaisait stresser de répondre, maisque je préférais le faire parce quecertaines choses dites étaientfausses et que ça pouvait fairestresser d'autres personnes. Samir aensuite répondu, nous nous sommesenvoyé des messages privés et nousavons parlé de la façon dont on sesentait « seuls » à être intéressé­e­spar les droits/la libération des mineur­e­s. Il m'a ensuite mis en contactavec Kayla. Je suppose que nosâges doivent être « importants » vu lesujet, nous avons 17 (moi), 14(Samir) et 12 ans (Kayla)Plus tard, nous avons parlé du faitque la plupart des sources faites pardes jeunes à ce sujet n'étaient pasfrançaises ou n'étaient plus actuellesce qui avait été décourageant pourchacun de nous, ça nous donnaitl'impression que ce n'était qu'un sujetthéorique et certains ne pouvaientpas forcément connaître ces sources.Nous avons encore parlé du fait qu'onpouvait ne pas oser l'ouvrir quand

nous voyons quelqu'un reproduirecertains schémas âgistes et de

la façon dont certainsde ces schémas

nousinfluençaient...

On a pensé à ce qu'on pouvait fairepour éviter que d'autres ne seretrouvent dans la même situation dedécouragement, et on a décidé defaire un zine.Le « projet » était vite dressé, onpensait faire un unique article surl'âge de vote, deux articleshistoriques sur Youth Liberation ofAnn Arbor et Mineurs en Lutte, desavis sur les zines BRAT et Oblivionqui existaient en amérique, une listede ressources, des « portraits »d'Iqbal Masih et du type qui a écritTruancy, je ne sais plus qui, etd'autres mineur­e­s (actuels ou non)qui ont contribué culturellement oupolitiquement à la société parcequ'ols ne sont pas étudiés en cours(personne ne m'a jamais parlé deClaudette Colvin) ou que les médiasles présentent non pas en temps quepersonnes pleines, mais en tant quejeunes, et qu'apparemment... lesmineur­e­s n'ont aucune place dansla société et reconnaître qu'ilspuissent y contribuer veut dire les «monter en épingle ».

Au cours de conversation, enécrivant les articles, on a pensé àd'autres choses et on a remarqué quele fait que les mineur­e­s ne soientpas vraiment représenté­e­s, ou alorscomme sujet insolite (« un mineur quiécrit un livre ! ») ou comme sujetmignon/drôle ou comme sujet d'étudeou comme sujet qu'on observe etjuge après qu'ol(s) ait étéviolent(s)/victime(s) de violence etun­e unique mineur­e représente latotalité des gosses de sa classed'âge, était particulièrementdécourageant et d'une certaine façonnous retenait de faire des choses oude nous en sentir *vraiment*

capables.

Finalement, le zines'adressera à des mineur­e­sbien que les majeur­e­s allié­e­s (ex­mineur­e­s) puissent nouslire aussi, ce sera un genre de signepour dire que des choses se passentet qu'on peut en faire etparticiper et que ça peut changer. Onpense aussi donner des conseilspour rendre la vie mineure plusfacile, même si nous n'avons pasvraiment d'idées pour l'instant à partdeux petites astuces sur la vie privée,l'argent de poche et les parents quine peuvent s'appliquer que si vousêtes déjà assez privilégiés parailleurs et avez un accès Internet etque vous pouvez obtenir unLiveCD/USB si vos parents filtrentvotre accès d'une façon ou d'uneautre.Samir et moi pourrons distribuer desexemplaires des zines autour denous, afin que des mineurs sansaccès Internet ni rien puissentprendre connaissance de ceschoses.Le zine est en cours de création,

on n'a pas encore de site oud'adresse email pour celui­ci,mais les personnesintéressées peuvent envoyerun email à Samir([email protected])ou moi (à pasupati@sdf­eu.org).(Note: j'utilise ol parce que ille

et el sonnent genré à l'oral, cequi fait qu'ils ne s'appliquentpas bien aux personnes quis'identifient comme étant d'ungenre non­binaire. Ol est unpronom neutre englobant lespersonnes de genre neutre

et autre ainsi que lespersonnes de genre binaire­­ « il ou elle ».)

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GAMIN !

BIENTÔT DANS VOS INFOKIOSQUES

Page 16: La Gazette Buissonnière n°3

Depuis la ren­contre « enfance buisson­nière » de juillet 2010 dans la forêt de

Brocéliande, nous sommes un petit nombre de gens à

avoir usé de cet outil qu'est internet pour maintenir un

lien entre nous qui vivons souvent assez loin les

un.es des autres. Cela nous a permis de continuer à

échanger sur les questions qui nous animaient du­

rant la rencontre, de finaliser les compte­rendus

(consultables sur http://enfance­buissonniere.poi­

vron.org), de se donner des infos, d'élaborer lespremières gazettes... On avait envie de s'organiserun temps de rencontre où on pourrait se revoir,poursuivre les questionnements, jouer, élaborerde nouveaux projets, continuer l'expérimentationde temps multiâges... Nous nous sentions pas ca­pables d'assumer la préparation d'une rencontrepublique comme celle de juillet 2010.Nous nous sommes retrouvé.es une petite quin­zaine de personnes cet été durant 10 jours.Entre bataille de boue, ballades, veillées,cache­cache sardine on a beaucoup discuté,trop pour une partie des personnes pré­sentes...

Une des questions prioritaires que nousvoulions nous poser était « mais c'est quoi,c'est qui « enfance buissonnière » ? Qu'estce que nous avons enviede faire ?

Comment on s'organise pour y arri­ver ? On a parlé de la question del'enfance comme question politique,de comment contribuer à permettrel'émergence d'une auto­défense desmineures, d'un projet de revue, del'idée de conférences sur les probléma­tiques croisées d'âge et de genre, de ré­volutions ainsi que de l'usage dequelques outils comme la liste de discus­sion, le site internet, la gazette que vousavez entre les mains... On a fait un atelierd'écriture de tractsNous avons parlé des groupes de paroles où

on se raconte un peu comment on vit cer­taines situations.Un groupe de parole permet :

­ D’être moins isolé­es­ De conscientiser des problèmes­ De faire le lien entre ce qui est personnel(intime) et ce qui est collectif (politique)­ D’oser inventer d’autres relations que cellesétablies par les rôles et les normes auxquelsnous sommes astreint­es­ De travailler sur le long terme

­ De repolitiser (au sens de remettre en communpour agir) des questions reléguées au psycholo­gique, à l’éducatif, à la morale, au naturel (tout cequi a tendance à “individualiser”, c’est­à­dire “dé­politiser”…)On s'est dit que ce serait chouette que l'été prochain

il y avait une rencontre publique pour que ces mo­

ments soient l'occasion de réunir des gens qui se pré­

occupent de ces questions d'âgisme... pour quenaissent des projets révolution­naires !!!

BREF RÉCIT

D'UNE

RENCONTRE

"ENF BUIS"

ALIÉNATIONPARENTALENous avons pris un temps pour parler de l'aliénation parentale

entre parents et non­parents (mais les enfants n'ont pas participé).

Voici un compte­rendu de cette discussion :On a employé le terme “aliénation parentale” pour désigner le

fait que les relations parents­enfants sont conditionnées par des

lois, des traditions, des usages et des discours qui assignent à

chacun­es des rôles stéréotypés de père, mère, fils ou fille. La

famille est un collectif forcé où les rapports de domination

sont pré­établis.Ces rôles isolent chacun­e d’entre nous. Les relations entre

parents et enfants conditionnent aussi les relations des

adultes non­parents avec les enfants.Tout le monde est dans un rôle qu’il n’a pasnécessairement choisi. C’est une aliénation du fait qu’elle

est souvent invisible et qu’on n’en parle pas.Se soustraire à son rôle est interdit par la loi :délaissement d’enfant pour les uns, fugue pour lesautres… La perturbation de ces rôles n’est pas plusadmise : soustraction à l’autorité parentale, corruption

de mineures …A cette assignation de rôles par la loi s’ajoute cellequ'impose le conformisme et le respect des“traditions”.Il est tabou de haïr ses parents, de remettre encause la famille ou l’autorité parentale.En parler est un moyen de désamorcer sonemprise sur nous.ParentsLe fait que ce soit aux mêmes personnes detenir le rôle de celle qui régule les besoins etlimites. Quand on est parents, on se sentobligé­es de relayer les limites des autres, enles supposant la plupart du temps.Le fait d’être contraint­es de vivre ensembleengendre énormément de frustrations depart et d’autre (parent, enfant et non­parent), pouvant générer des situationshyper violentes. Ça pousse les enfants àvouloir dépasser les limites que posentles parents.D’un coté on ne sera jamais “un bonparent”, de l’autre les parents font

« ce qu’illes veulent » avec leurprogéniture (droit decorrection…). Quand t’esparent, t’es toujours jugé(t’es jamais assez ou t’estrop…).

L’isolement pourles parents quand leurs principes

ne sont pas partagés…C’est fatiguant aussi de ne pas êtreautoritaire.Les parents qui sont souvent dans le rôle

de demander aux autres de prendre encharge l'enfant peuvent avoir l’impressionde mettre la pression aux autres. Ça peutêtre important d'en parler aux gens avec quiles parents vivent.C’est dur d’explorer d’autres schémas de

relations quand on a un enfant, on est ramenéau couple.Le contrôle social des mères pauvres, la

pression à la normalité…Non­parentsQuand tu veux jouer le rôle de parent auprès d’unenfant dont tu n’es pas parent, l’enfant peutparfois refuser l’aide, l’accompagnement, car il aenvie que ça soit ses parents qui le fassent, et çapeut devenir fatiguant de subir des refus.

En exprimant mes limites un enfant me dit « t’es pas

mon père ! ». Le sentiment de ne pas se sentir écouté.Dans des situations où on assiste à des scènes où des

parents contiennent ou violentent leurs enfants,comment trouver des moyens de soutenir l’enfant enfaisant attention aux conséquences ? Car le parenthumilié peut être encore plus violent par la suite à l'abri

du foyer…Lui manifester du soutien discrètement, sans que lesparents le voient. Ça peut donner de la force aux enfants

dans d’autres situations, de sentir que ça peut êtreautrement.Se désolidariser des adultes…Ça peut être facile par contre de se mettre toujours du côté

de l’enfant, surtout quand les parents se questionnent.Les premières victimes de ces rôles : les enfants

On a des fois besoin de crier, besoin de décharger, on

peut chercher des contextes pour le faire.Et vu qu’avec les enfants c’est souventperçu comme légitime decrier, gueuler, alors on sele permet, çaretombe sureux.

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Page 17: La Gazette Buissonnière n°3

Depuis la ren­contre « enfance buisson­nière » de juillet 2010 dans la forêt de

Brocéliande, nous sommes un petit nombre de gens à

avoir usé de cet outil qu'est internet pour maintenir un

lien entre nous qui vivons souvent assez loin les

un.es des autres. Cela nous a permis de continuer à

échanger sur les questions qui nous animaient du­

rant la rencontre, de finaliser les compte­rendus

(consultables sur http://enfance­buissonniere.poi­

vron.org), de se donner des infos, d'élaborer lespremières gazettes... On avait envie de s'organiserun temps de rencontre où on pourrait se revoir,poursuivre les questionnements, jouer, élaborerde nouveaux projets, continuer l'expérimentationde temps multiâges... Nous nous sentions pas ca­pables d'assumer la préparation d'une rencontrepublique comme celle de juillet 2010.Nous nous sommes retrouvé.es une petite quin­zaine de personnes cet été durant 10 jours.Entre bataille de boue, ballades, veillées,cache­cache sardine on a beaucoup discuté,trop pour une partie des personnes pré­sentes...

Une des questions prioritaires que nousvoulions nous poser était « mais c'est quoi,c'est qui « enfance buissonnière » ? Qu'estce que nous avons enviede faire ?

Comment on s'organise pour y arri­ver ? On a parlé de la question del'enfance comme question politique,de comment contribuer à permettrel'émergence d'une auto­défense desmineures, d'un projet de revue, del'idée de conférences sur les probléma­tiques croisées d'âge et de genre, de ré­volutions ainsi que de l'usage dequelques outils comme la liste de discus­sion, le site internet, la gazette que vousavez entre les mains... On a fait un atelierd'écriture de tractsNous avons parlé des groupes de paroles où

on se raconte un peu comment on vit cer­taines situations.Un groupe de parole permet :

­ D’être moins isolé­es­ De conscientiser des problèmes­ De faire le lien entre ce qui est personnel(intime) et ce qui est collectif (politique)­ D’oser inventer d’autres relations que cellesétablies par les rôles et les normes auxquelsnous sommes astreint­es­ De travailler sur le long terme

­ De repolitiser (au sens de remettre en communpour agir) des questions reléguées au psycholo­gique, à l’éducatif, à la morale, au naturel (tout cequi a tendance à “individualiser”, c’est­à­dire “dé­politiser”…)On s'est dit que ce serait chouette que l'été prochain

il y avait une rencontre publique pour que ces mo­

ments soient l'occasion de réunir des gens qui se pré­

occupent de ces questions d'âgisme... pour quenaissent des projets révolution­naires !!!

ALIÉNATIONPARENTALENous avons pris un temps pour parler de l'aliénation parentale

entre parents et non­parents (mais les enfants n'ont pas participé).

Voici un compte­rendu de cette discussion :On a employé le terme “aliénation parentale” pour désigner le

fait que les relations parents­enfants sont conditionnées par des

lois, des traditions, des usages et des discours qui assignent à

chacun­es des rôles stéréotypés de père, mère, fils ou fille. La

famille est un collectif forcé où les rapports de domination

sont pré­établis.Ces rôles isolent chacun­e d’entre nous. Les relations entre

parents et enfants conditionnent aussi les relations des

adultes non­parents avec les enfants.Tout le monde est dans un rôle qu’il n’a pasnécessairement choisi. C’est une aliénation du fait qu’elle

est souvent invisible et qu’on n’en parle pas.Se soustraire à son rôle est interdit par la loi :délaissement d’enfant pour les uns, fugue pour lesautres… La perturbation de ces rôles n’est pas plusadmise : soustraction à l’autorité parentale, corruption

de mineures …A cette assignation de rôles par la loi s’ajoute cellequ'impose le conformisme et le respect des“traditions”.Il est tabou de haïr ses parents, de remettre encause la famille ou l’autorité parentale.En parler est un moyen de désamorcer sonemprise sur nous.ParentsLe fait que ce soit aux mêmes personnes detenir le rôle de celle qui régule les besoins etlimites. Quand on est parents, on se sentobligé­es de relayer les limites des autres, enles supposant la plupart du temps.Le fait d’être contraint­es de vivre ensembleengendre énormément de frustrations depart et d’autre (parent, enfant et non­parent), pouvant générer des situationshyper violentes. Ça pousse les enfants àvouloir dépasser les limites que posentles parents.D’un coté on ne sera jamais “un bonparent”, de l’autre les parents font

« ce qu’illes veulent » avec leurprogéniture (droit decorrection…). Quand t’esparent, t’es toujours jugé(t’es jamais assez ou t’estrop…).

L’isolement pourles parents quand leurs principes

ne sont pas partagés…C’est fatiguant aussi de ne pas êtreautoritaire.Les parents qui sont souvent dans le rôle

de demander aux autres de prendre encharge l'enfant peuvent avoir l’impressionde mettre la pression aux autres. Ça peutêtre important d'en parler aux gens avec quiles parents vivent.C’est dur d’explorer d’autres schémas de

relations quand on a un enfant, on est ramenéau couple.Le contrôle social des mères pauvres, la

pression à la normalité…Non­parentsQuand tu veux jouer le rôle de parent auprès d’unenfant dont tu n’es pas parent, l’enfant peutparfois refuser l’aide, l’accompagnement, car il aenvie que ça soit ses parents qui le fassent, et çapeut devenir fatiguant de subir des refus.

En exprimant mes limites un enfant me dit « t’es pas

mon père ! ». Le sentiment de ne pas se sentir écouté.Dans des situations où on assiste à des scènes où des

parents contiennent ou violentent leurs enfants,comment trouver des moyens de soutenir l’enfant enfaisant attention aux conséquences ? Car le parenthumilié peut être encore plus violent par la suite à l'abri

du foyer…Lui manifester du soutien discrètement, sans que lesparents le voient. Ça peut donner de la force aux enfants

dans d’autres situations, de sentir que ça peut êtreautrement.Se désolidariser des adultes…Ça peut être facile par contre de se mettre toujours du côté

de l’enfant, surtout quand les parents se questionnent.Les premières victimes de ces rôles : les enfants

On a des fois besoin de crier, besoin de décharger, on

peut chercher des contextes pour le faire.Et vu qu’avec les enfants c’est souventperçu comme légitime decrier, gueuler, alors on sele permet, çaretombe sureux.

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Page 18: La Gazette Buissonnière n°3

Cette brochure (Décembre 2011) est extraite du N°8 dela revue Offensive, trimestriel d'Offensive Libertaire etSociale du 1/10/2005.Le dossier aborde la construction de la catégorie enfance.S'en suit un entretien avec Catherine Baker surl'apprentissage de l'insoumission ; puis une critique de lafamille comme lieu initial de l'aliénation pour l'individu quiapprend à se construire dans l'abnégation. Est discutéeensuite la diminution des possibillités de relationsadultes/enfants hors du cadre parental et scolaire ; puissont présentées les connexions entre la politiquesécuritaire et la logique de l'éducation nationale.Le dossier se termine sur une expérimentationd'éducation alternative et conclut sur la nécessité d'abolirl'enfance telle qu'elle existe..

"La mère sociale est celle sur qui l'on porte son regard lorsque son enfantne semble pas avoir encore acquis les codes :­( du vivre ensemble ;­D.On attend de la mère sociale qu'elle corrige les défaillances socialesde son enfant.La mère sociale doit avoir peur pourson enfant ; elle doit toujours savoiroù il se trouve et manifesterde l'angoisse lorsqu'il n'estplus sous son regardprotecteur et bienveillant.La mère sociale doitrépondre aux questionsqu'on lui pose concernantson enfant. Elle est l'adulteréférent.Comment s'appelle­t­il ?Quel âge a­t­il ? Est­il sage ?Elle est la voix de celuiqui n'a pas légitimitéà s'exprimer dans un monderesponsable et adulte.La mère sociale doit répondreaux besoins de son enfant,voire anticiper ses demandes.Elle doit le couvrir lorsqu'il faitfroid ­ même s'il a chaud ­, le nourrirlorsque c'est l'heure, le protéger de tousles dangers qui le menacent à son insu. La mère sociale est l'outilpar lequel la société contrôle les corps de ce qu'elle nomme enfants.Il est demandé à la mère sociale de maintenir son enfant dans la case qui lui est allouéet de maîtriser tout éventuel débordement : cris, pleurs, refus d'obtempérer, déambulationsintempestives et bruyantes dans les lieux publics non prévus à cet effet. (...)Le parc à jeux, le bac à sable : l'enfer de la condition de l'enfance au quotidien,

cet "esclavage sans fouet". Un modèle de la société en train de se construire ?"

Ces brochures, comme plein d'autres, sont téléchargeables sur http://enfance­buissonniere.poivron.org

Lectures

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extraits dela brochure "la mère sociale", 2011,[email protected]

Page 19: La Gazette Buissonnière n°3

En mai, fais ce qu'il te plait !BESANÇON, 6 MAI 2011 : distribution de tracts "lestatut de mineur, un statutliberticide" à la sortie d'un lycée, annonçant latenue d'une présentation/débat sur ce sujet à la librairieanar L'Autodidacte.220 tracts distribués en 10 mn, à la sortie de midi ! C'estd'un bon rapport temps/énergie, ces lieuxconcentrationnaires que sont les écoles... Les lycéen­nes discutent par petits groupes du tract, ça aussi c'estune bonne chose. Le lendemain, discussion ; malgré lefait que ce soit le soir, malgré le fait que le tract n'ait étédistribué que le jour précédent, cinq mineur­es (dontquatre filles) ont pu se libérer et sont venu­es, trèsintéressé­es par la discussion, et qui pour leur part ontsurtout mis l'accent sur le caractère arbitraire du pouvoiradulte au sein de l'école, sans trop s'attarder par contresur la question de la famille. Quelques autres personnesétaient présentes, soit anarchistes, soit parents, éducsou profs, ce qui permettait quelques échangescontradictoires de points de vue.Evaluation : plutôt satisfaisant... peut mieux faire, certes,mais à refaire ! :)

quelques complices du réseau Enfance buissonnière

En bref...

6ÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DES RECHERCHES FÉMINISTESFRANCOPHONES À L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE DU 29 AOÛT AU 2SEPTEMBRE 2012, http://www3.unil.ch/wpmu/rff2012/Parmi les ateliers proposés :Imbrication du sexe et del’âge dans le système degenreL’âge, non pas biologique mais en tant que catégoriepolitique et historique, est sexué. Dans cette perspective,nous souhaitons encourager la réflexion sur la sexuationde l’âge, soit sur la manière dont les âges sont normés etvécus de manières différentes en fonction du sexe. Dès laprime enfance, la sexuation de l’âge apparaît de manièreéclatante lorsque, par exemple, il est considéré commenormal que les petits garçons soient davantage remuantsque les petites filles et que ces dernières acquièrent lelangage plus rapidement qu’eux. Contribuant ainsi à

construire le système de genre, la sexuation de l’âge,avec son lot d’attentes et de prohibitions, caractérise toutela biographie des individus : la parentalité (nécessaire etcontrainte dans un laps de temps relativement bref pourles femmes, versus facultative et largement étendue surl’âge chronologique pour les hommes), ou encore lasexualité (dans le cadre de l’hétéronormativité, unepersonne de 50 ans est déjà vieille quand elle est unefemme et encore jeune quand elle est un homme) en sontpeut­être les exemples les plus connus, mais ilsn’épuisent de loin pas l’analyse : l’imbrication du sexe etde l’âge dans le système de genre touche moult autreschamps, tels que l’emploi, les loisirs ou les relationsaffectives, qui peuvent faire l’objet d’analyses menéesdans des contextes socioculturels variés, contemporainsou passés, réels ou fictionnels, etc.

La domination adulte et la place des enfants sont

des thématiques totalement absentes du champ

politique. En général, ils n’existent politiquement que

par le prisme de l’école, de la santé ou des modes de

garde. En tant qu’adultes, parents, professionnels de

l’enfance, professeurs ; appréhender la relation

adulte/enfant comme un rapport de domination

semble à la fois une évidence et une absurdité.

Pourquoi ?

Au cours de ce stage, nous élaborerons ensemble

une analyse critique de la catégorie « enfant » et de

ceux qui la gèrent (famille, école, centres de loisirs,

structures d’accueil, justice des mineurs) soutenus

par des apports biographiques, théoriques et

expérientiels. Nous tenterons de nous forger des

outils de compréhension de la relation

adulte/enfant et nous recenserons et imaginerons

des pratiques qui contribueraient à la construction

des enfants et des jeunes comme des sujets

politiques autonomes.

Penser la relationadulte/enfant, un stage de 21hsur 3 jours les 10­11­12 janvier À GRENOBLEproposée par la scop l'orage,http://scoplorage.org

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En mai 2011, la quasi totalité des détenus del’Établissement Pénitentiaire pour Mineurs (EPM)de Lavaur se révolte et saccage des dizaines decellules. La réponse de l’AdministrationPénitentiaire (AP) et de la Protection Judiciairede la Jeunesse (PJJ) est tristement banale :mesures d’isolement, conseils disciplinaires,transferts, ainsi qu’une descente des ÉquipesRégionales d’Intervention et de Sécurité (ERIS),spécialistes cagoulés du matage des luttes enprisons. Pendant qu’on détruit un peu plus lesgamins pour leur apprendre qu’ici, on ne serévolte pas, les éducateurs et éducatrices de laPJJ saisissent l’opportunité médiatique pourapitoyer sur les conditions de leur travail avecces « enfants irrécupérables ». (...)Un certain nombre de personnes touchées par lacolère qu’expriment les jeunes détenus décidede manifester leur solidarité. Chercher à capterleur version des faits, réfléchir les moyens de lafaire circuler, casser la condamnation unanimede cette révolte, faire savoir à l’intérieur quedehors des gens se bougent et pensent à eux...Le simple fait de se rendre le plus souventpossible à Lavaur aux heures de parloir pourrencontrer les familles et discuter avec lesproches étonne, dérange et irrite les autoritéslocales qui s’empressent de faire appel auxgendarmes pour empêcher tout échange.Le 5 juillet dernier, une dizaine de personnes ontpénétré dans les locaux de la DirectionInterrégionale de la PJJ, à Labège dans labanlieue de Toulouse, pour manifester contrel’incarcération des mineurs. Selon La Dépêchedu 6 juillet, qui s’appuie sur les déclarationsfaites aussitôt à la presse par le procureur de laRépublique Valet, ces personnes étaient «“armées” de bouteilles dont elles ont déversé lecontenu sur les bureaux et les ordinateurs. Unliquide marron au relent d’ammoniaque et quipourrait contenir de l’urine et des excrémentshumains ». Elles sont reparties « après avoirlancé des tracts qui contiendraient des proposinjurieux sur l’action éducative menée par la PJJ». Si l’acte réalisé à Labège n’a pas étérevendiqué, il est survenu quelques semainesaprès celui d’Orvault, en Loire­Atlantique, où desgens ont écrit sur les murs de la PJJ de Nantes :« L’EPM tue » à la suite du suicide d’un mineur

placé dans l’établissement pénitentiaire pourmineurs de cette ville.L’action aurait « traumatisé » les éducs et lepersonnel qui s’affairaient à leur tâche de chaquejour : séparer des mômes de leurs proches et deleurs familles* jugées inaptes à les élever,enfermer des enfants dans une multitude destructures plus répressives les unes que lesautres (centres éducatifs renforcés, centreséducatifs fermés, prisons pour mineurs...). Quitraumatise qui ?Quatre mois plus tard, le mardi 15 novembre àToulouse, 7 domiciles sont perquisitionnés parune centaine de gendarmes qui saisissentordinateurs, téléphones, livres, affiches et effetspersonnels de touTEs les habitantEs. A l’issuede ces perquisitions, 7 personnes sont placéesen garde à vue, 4 autres sont auditionnées, etune famille en cours de régularisation est arrêtéepuis relâchée dans la journée.Après 32h de garde à vue, 4 sont placées endétention provisoire sur demande du juged’instruction Suc. Une cinquième est placée souscontrôle judiciaire, une sixième doit rester àdisposition du juge pour le reste de l’instructionen tant que « témoin assisté ».Illes sont mis en examen pour : « participation àun groupement formé en vue de la préparationde violences contre les personnes ou dedestruction ou de dégradations de biens », «violence commise en réunion sans incapacité »et « dégradation ou détérioration du bien d’autruicommise en réunion ». Tout ça pourquoi ? Deuxtags et un sceau de caca ? Le fait de visiter enjournée certains collaborateurs de l’enfermementsemble relever d’un intolérable culot. Maissoyons sérieux, au regard de la situation faiteaux mineurs détenus, et plus largement àl’ensemble de la population carcérale, cetteaction paraît bien modérée. Qui se fout de lagueule de qui ?[...]L'intégralité du texte :http://[email protected] pour les thunes, envoyezvos chèques à l’ordre de « Maria », CAJ c/oCanal Sud 40 rue Alfred Duméril 31400 Toulouse

Pourquoi on resterait

calme ?

*Rappelons que la famille aussi est une structure imposée de gestion de nos vies qui contrôle, encadre, enferme.. .