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La place des familles en réanimation Nancy Kentish-Barnes Groupe de recherche Famiréa Hôpital Saint Louis Paris Actualités En Réanimation Lyon 16 novembre 2012

La place des familles en réanimation - JIVD - AER · leur proche (Azoulay, 2004) (arrêt des traitements futiles) à Depuis 2005 : loi Léonetti, articles 5 et 9 sur la consultation

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La place des familles en réanimation

Nancy Kentish-Barnes Groupe de recherche Famiréa

Hôpital Saint Louis Paris

Actualités En Réanimation Lyon

16 novembre 2012

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Plan

�  Comprendre l’expérience des proches pour penser leur place dans le service de réanimation

�  Le proche auprès du patient : rôles formels et informels

�  Le proche auprès de l’équipe de réanimation : quelle place dans les processus décisionnels ?

�  Implication des proches : quels impacts à moyen et long terme ?

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La famille: de qui parlons-nous ?

�  Famille : terme collectif et anonyme

�  L’hôpital transforme la personne en patient et tout ceux qui lui rendent visite en « famille » (parents, amis, voisins)

“ La première fois je ne l’ai pas reconnue. Je disais “mais c’est pas possible, c’est pas elle, ça peut pas être ma fille” et ça a duré assez longtemps(…) Et j’avais cette impression étrange que je ne pouvais pas vraiment être sa mère vu que je ne la reconnaissais pas. Je me sentais tellement coupable et puis après c’est passé (…).” (mère)

“Au début je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais même pas la toucher, ma propre femme et je ne pouvais pas la toucher. C’est une expérience terrible” (époux)

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Découvrir la réanimation quand on est un proche

è Perte du rôle social et de la fonction familiale + absence d’intimité

è Les proches sont coupés de leur réseau de soutien social habituel (Jones 1991)

“ Je déteste que tout le monde me voit (…) Je suis avec ma femme et ils peuvent me voir tout le temps, il n’y a aucune intimité, je ne supporte pas. C’est pas normal” (époux)

“Je n’osais pas m’approcher. Je pensais que si je le touchais une alarme se mettrait à sonner ou la machine s’arrêterait de fonctionner. Je me sentais tellement seule, ma mère n’était pas là pour m’aider et je devais gérer tout ça toute seule” (fille).

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Découvrir la réanimation quand on est un proche

è Perte du rôle social et de la fonction familiale + absence d’intimité

è Les proches sont coupés de leur réseau de soutien social habituel (Jones 1991)

è En réa, « tout est fait pour le patient » = absence d’un sentiment de contrôle = impuissance (Seymour 2001)

>

“Je viens ici et je ne peux rien faire… et ça c’est horrible. Je passe mon temps à attendre et je me sens inutile… et le temps passe très lentement quand on ne peut rien faire pour aider la personne qu’on aime.” (époux)

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L’identité des proches en réa

�  Contexte: être soudainement immergé dans un environnement étranger + être le témoin de souffrances extrêmes àà souffrance compassionnelle / contagion émotionnelle

�  D. Lupton (1996): existence d’une tension variable entre le sentiment de « vulnérabilité » et le souhait de « reprendre le contrôle » des choses

“J’ai passé beaucoup de temps dans cette salle d’attente et j’y ai vu plein de choses. J’ai vu des personnes à qui on venait d’annoncer la mort de leur proche et j’ai eu très très peur, je pensais que ça allait m’arriver à moi aussi.” (fille)

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L’identité des proches en réa �  Pour donner une place aux familles, il faut reconnaître à

chaque membre sa position de « proche » :

àà quel rôle familial peut-il jouer vis-à-vis du patient ?

àà qui souhaite être impliqué et qui préfère le contrôle de l’équipe médicale ?

L’équipe de réanimation doit s’adapter à chaque unité familiale et à chaque culture familiale : identité et rôles fluctuants

“Il y a des choses que je ne veux pas savoir. Je ne veux pas tout savoir. Les docteurs savent ce qu’ils font, je leur fais confiance, je ne veux pas être impliquée dans tout ça.”(fille)

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Les besoins des familles �  Principaux besoins (Molter 1979; Azoulay 2001) :

-  Information adéquate (donner du sens à la réanimation, honnêteté)

-  Réassurance (espoir adapté) et soutien émotionnel (écoute)

-  Être auprès du patient

à Family centered care (Henneman, 2002)

= une approche globale qui reconnaît les besoins des proches ainsi que le rôle important qu’ils jouent pendant l’hospitalisation du patient

= adaptation de la structure aux proches et non l’inverse

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Participation aux soins

-  Azoulay, 2003 :

-  Définition restrictive (participation à la toilette, aux repas et à l’aspiration trachéale)

-  Seul 1/3 des proches souhaitent participer aux soins

-  Garrouste-Orgeas, 2010 :

-  Définition moins restrictive des « soins »

-  97% des proches souhaitent participer aux soins

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Participation aux soins

Exemples de soins : - Lavage de bouche - Aider les soignants à tourner ou déplacer le patient - Aider à la toilette - Massages - Hydratation du visage et du corps …

Garrouste-Orgeas, 2010

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Les rôles décrits par les proches

5 rôles (McAdam, 2008) :

-  Présence physique : être physiquement présent au lit du patient. Veiller sur le patient.

-  Protecteur : être à la fois le représentant, le défenseur et le « chien de garde ».

-  Facilitateur : traduire, expliquer et interpréter les informations vers le patient mais aussi vers les soignants.

-  Historien : informer les soignants du passé médical du patient.

-  Coach : motiver, réconforter et maintenir l’espoir du patient.

-  Soignant volontaire : apporter des soins au patient, recréer de l’intimité.

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Place accrue des proches : les pour et les contre

Avantages Inconvénients

La proximité avec le patient lui confère soutien émotionnel, confort, réassurance et information

dans un langage qu’il comprend

Fatigue et stress des proches qui passent de très

longues heures auprès du patient

Meilleure sécurité du patient quand la famille donne des informations médicales importantes et apporte un point de vue logique

Culpabilité des proches si l’état du patient ne s’améliore pas malgré leur investissement et

leurs efforts Création d’un espace d’intimité entre le patient et le proche (participation aux soins)

Augmentation de la charge de travail des soignants qui doivent gérer les interactions avec

les proches Sentiment de contrôle, possibilité d’être un acteur de la situation dans un environnement qui encourage la passivité des proches

Déconcentration des soignants vis-à-vis du patient s’ils doivent gérer les proches

Donner une place aux proches peut augmenter leur satisfaction vis-à-vis de la prise en charge

globale du patient

Risque de conflits proches/soignants si la place

du proche est dysfonctionnelle

Source de souvenirs d’aide au patient, notamment pour les proches dont le patient

décède en réanimation

Tension proches et soignants au sujet des

procédures et des décisions

Trouver un équilibre Encourager une participation qui a un sens pour le patient, le proche et les soignants

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Le journal de bord : une nouvelle place pour les proches ?

�  Objectifs du journal de bord: combler l’absence de souvenirs du patient, réduire les cauchemars et le PTSD àà donner du sens à la trajectoire du patient

�  Qui écrit dans le journal de bord: les infirmiers, les médecins et les proches

�  Rôle important des proches: décrire la situation du patient, faire le lien avec la vie extérieure qui continue, se focaliser sur un projet de sortie du patient

àà À la fois un rôle auprès du patient et auprès des équipes

�  Impacts: permet de réduire le PTSD des proches (Garrouste-Orgeas, 2012)

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Quelle place pour les proches dans les processus décisionnels ?

�  Les proches souhaitent-ils participer ?

-  En France, en 2004 : 47% des familles ne souhaitent pas être impliquées dans les décisions de fin de vie concernant leur proche (Azoulay, 2004) (arrêt des traitements futiles)

à Depuis 2005 : loi Léonetti, articles 5 et 9 sur la consultation des proches

-  USA, 2003 : 80 à 90% des familles souhaitent être impliquées dans les décisions concernant leur proche (Heyland, 2004) (toutes décisions confondues éthiques et médicales)

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Quelle place pour les proches dans les processus décisionnels ?

-  Participation passive / active (Anderson, 2009) (toutes décisions confondues éthiques et médicales)

25% préfèrent un rôle actif

58% préfèrent partager la responsabilité avec les médecins

17% préfèrent un rôle passif

Ceux qui optent pour un rôle passif présentent plus de symptômes d’anxiété et de dépression…

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Quelle place pour les proches dans les processus décisionnels ?

-  Décisions éthiques versus décisions médicales (Johnson, 2011)

Les proches souhaitent une place grande place quand il s’agit de décisions éthiques (versus décisions médicales)

55% souhaitent avoir la décision finale

40% souhaitent partager la décision avec les médecins

5% souhaitent que les médecins prennent la décision seuls

Moins les proches font confiance à l’équipe et plus ils souhaitent être impliqués

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Quelle place pour les proches dans les processus décisionnels ?

�  Quelles conséquences pour la pratique ?

-  Expliciter avec les proches le rôle qu’ils souhaitent jouer dans le processus décisionnel

-  Accepter l’idée que la volonté de participer est très différente d’une famille à une autre et, pour une même famille, peut fluctuer dans le temps (volonté contextuelle)

à  Encourager la communication : conférence de fin de vie

à  Prendre la parole diminue les craintes et le stress et augmente la satisfaction des proches

à  S’adapter aux proches : choix du moment de l’entretien, donner une marge d’action dans ces processus complexes

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Une place complexe à vivre (Schenker, 2012)

La participation aux décisions est complexe et ambivalente. Les proches font l’expérience d’un conflit émotionnel entre la volonté d’agir en accord avec les valeurs du patient et :

-  la volonté de ne pas se sentir responsable du décès

-  la volonté de ne pas passer à côté d’une « chance » pour le patient

-  la volonté de maintenir un équilibre et un bien-être familial

Les proches ont recours à des stratégies pour gérer ces conflits internes : partager la décision avec d’autres proches, reporter la décision, recours aux pratiques religieuses

Conséquences pour la pratique : -  Encourager et faciliter les discussions entre proches lorsqu’il y a un désaccord

-  Ne pas presser les proches

-  S’adapter au mode communicationnel du proche

-  Proposer du soutien et des conseils extérieurs

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Les étapes de l’expérience (Wiegrand, 2008)

1)  « Ca n’arrive qu’aux autres »

2)  Du temps pour comprendre la sévérité de la situation (difficulté pour croire

l’information)

3)  Du temps pour voir si l’état du patient s’améliore (gestion de l’incertitude/espoir)

4)  L’expérience des « montagnes russes » : état fluctuant du patient qui rend le

processus décisionnel très compliqué

5)  Être prêt: reconnaître la décision de LAT comme une option réelle et possible

6)  « Chaque chose en son temps » : le temps de la compréhension : comprendre

qu’une décision doit être prise mais ne pas vouloir la prendre

7)  « Chaque chose en son temps » : le temps de la décision (besoin de consensus

parmi les membres de la famille)

8)  Poursuivre son chemin : une fois la décision prise, repenser les rôles et la place de

chacun au sein de la famille / deuil anticipé

9)  Un dernier miracle : un espoir entretenu jusqu’au décès

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Quels impacts sur le vécu des proches ?

Wendler, 2011 : revue de la littérature (40 études)

�  11 études quantitatives : pour 1/3 des proches, impact émotionnel négatif (stress, culpabilité, doute)

�  29 études qualitatives: la majorité des proches mettent en avant un impact émotionnel négatif (stress, culpabilité, doute)

�  9 des 40 études rapportent l’expérience positive des proches : sentiment de soutien au proche, satisfaction

à  Impacts sur le moyen et long terme (mois et années)

à  Paradoxe de l’implication des proches: contraire aux souhaits des patients qui ne souhaitent pas être un poids pour leurs proches

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Quels impacts sur le vécu des proches ?

Azoulay, 2005 3 mois après la sortie ou le décès du patient, 1/3 des familles présentent des symptômes ESPT Facteurs prédictifs :

Families Median IES Score Families With PTSR n (%) (25–75%) n (%)

All family members 284 (100) 22 (11–34) 94 (33.1) Family members involved in patient care 71 (25) 20 (10–29) 17 (24) Family members of patients discharged alive from the ICU 228 (80.3) 21 (10–32) 66 (28.9) Family felt that not enough time was allowed for information 43 (15.1) 29 (20–39) 20 (46.5) Family felt that information was not easy to understand 45 (15.8) 33 (21–39) 24 (53.3) Family felt that information was incomplete 95 (33.4) 29 (15–37) 46 (48.4) Family members of patients who died in the ICU 56 (19.7) 30.5 (18–38) 28 (50) Family members of patients who died in the ICU after end-of-life decisions 50 (17.6) 33 (22–39) 30 (60) Family members involved in everyday decisions about the patient 69 (24.3) 30 (15–36) 33 (47.8) Family members involved in end-of-life decisions 22 (7.7) 35.5 (31–39) 18 (81.8)

à Réfléchir à la manière d’impliquer les proches et à la place que chaque famille souhaite prendre dans le processus décisionnel

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Conclusion �  La place des proches est : -  en priorité, auprès du patient

-  mais aussi auprès des soignants

-  la place des proches est réelle : ils sont plus que des simples visiteurs

�  Pour les proches c’est une expérience : -  complexe et ambivalente

-  qui a un impact sur le moyen et le long terme

-  qui nécessite donc soutien et accompagnement

�  Conséquences pour la pratique : -  l’équipe de réa doit comprendre l’expérience des proches et

connaître ses besoins

-  l’équipe de réa doit s’adapter aux proches, à leur identité et leurs besoins fluctuants

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Citations:

N. Kentish-Barnes, Mourir à l’heure du médecin, Décisions de fin de vie et expériences des acteurs en réanimation, Thèse de Doctorat, 2005

N. Kentish-Barnes, Mourir à l’hôpital, Ed. du Seuil, Paris, 2008

Etude CAESAR en cours (2011-2012)

« Je porte la culpabilité de savoir si j’aurais dû m’opposer au débranchement des machines.

On m’a appelé moi parce que j’étais plus entreprenant au niveau des questions, mais bon j’ai

aussi un frère, j’aurais voulu qu’il soit plus impliqué. Le médecin m’a mis en position de

confiance mais j’avais besoin de partager ça. Je devais protéger mon père, qui m’a protégé

toute sa vie. Il était sûr de sa personne, et là, de le voir vulnérable… Il était intouchable,

éternel. De le voir dans cette position de faiblesse, ça a été extrêmement troublant. Ça n’a été

que des sentiments mélangés. Je voulais qu’il parte mais en même temps je ne le voulais pas,

c’est troublant. (…) Et je n’arrive pas à en parler avec mon frère, il se ferme comme une huitre,

alors voilà c’est bien d’en parler avec vous, ça me permet de mieux comprendre ce qui s’est

passé, ça me pèse moins ». (fils)