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La première fois que j’ai été deux

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La première fois que j’ai été deux

La première fois que j’ai été

deux

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Bertrand JULLIEN-NOGARÈDE

La première fois que j’ai été deux

Bertrand Jullien-Nogarède

La première fois que j’ai été

deux

Flammarion jeunesse

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© Flammarion, 201887, quai Panhard-et-Levassor, 75647 Paris Cedex 13

ISBN : 978-2-0814-3594-0

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À Magdalena, ma Karen à moi,pour les promesses tenues…

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« Je n’ai jamais autant ressenti la vie qu’en aimant. »

Giacomo Leopardi, Zibaldone.

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Chapitre 1

C’était juste avant les vacances de la Toussaint…Nous suivions le cours de Mme Bulot, notre prof

de maths. J’ai évidemment oublié le thème de soninterminable jactance. Mme Bulot fait partie desenseignants qui en font trop. Elle explique trop mal,elle s’énerve pour un rien, elle parle sans arrêt…C’est sa nature. De mon côté, je ne retiens rien enmaths. Mes profs successifs ont souvent attribuémes mauvais résultats à la paresse. C’est faux. Lavérité, c’est que je me fous des maths comme d’uneguigne !

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Dire que l’ennui me guette pendant les deuxheures bulotiennes de la semaine est un euphé-misme. Je paie cash une erreur de ma mère qui acoché la mauvaise case lorsqu’il a fallu choisir lesmatières en option, un coup de stylo malencontreuxqui me vaut une rallonge d’un an en maths dont

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je me serais bien passée. Moi qui croyais voir cettematière disparaître définitivement de ma vie ! Ceci dit,Mme Bulot est une brave femme qui doit se deman-der ce qu’elle fait là depuis un moment. Son mari,un ancien prof de chimie de l’établissement, a filéil y a deux ans avec une collègue de physique quisortait tout juste d’un divorce. Pour elle, ce fut unjoli rétablissement, pour Mme Bulot, une cata-strophe… Mauvais passage de la quarantaine.

C’est Mélanie qui m’a raconté que ce connardde M. Bulot a fait ses valises pendant les vacancesd’été alors que la petite mère Bulot passait quelquesjours avec ses filles à l’autre bout de la France. Unvrai meurtre sentimental ! Du moins, c’est ce quej’ai dû dire à Mélanie. « Tu parles de sentiments !Y’a longtemps qu’il leur avait tordu le cou aux sen-timents son mari… du cul oui ! C’est pour ça qu’ill’a quittée. Pour le cul ! Les mecs, à quarante piges,c’est des vrais cons ! Quand ils cherchent une direc-tion, ils regardent leur bite… et ils ont vite fait detrouver où aller. Des bonnes femmes en chaleurprêtes à tout, y en a plein les rues. Un vrai marchéaux bestiaux… » Mélanie a un style, disons fleuri,pour parler de la vie sentimentale de ceux qui ont

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l’âge de nos parents. Je l’aime bien. Elle s’énervefacilement mais c’est un grand cœur.

Mélanie et moi, on se connaît depuis le collège.On se raconte pas mal de trucs. On se fait confiance.Il faut dire qu’on a souvent des choses à se raconter.Elle, avec ses parents qui s’engueulent depuis des

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années, entre sa mère qui reste enfermée des nuitsentières dans l’abri de jardin pendant que son pèresoliloque en pyjama par moins cinq degrés dehorsavec pour seul réconfort une bouteille de whiskyà la main, elle est servie. De mon côté, je vis seuleavec une mère dépressive qui gobe à peu près tousles antidépresseurs que les laboratoires pharmaceu-tiques ont mis sur le marché, pas beaucoup mieux.Mon père a pris la tangente peu de temps aprèsma naissance. Mélanie m’a dit un jour : « Regretterien. C’était sûrement un connard ! »

D’ailleurs, la vérité sur cette affaire restera tou-jours une énigme pour moi. Maman lâche deux outrois bricoles de temps en temps. Pour résumer,mon père était beau, plutôt grand, il écrivait despoèmes assez bien tournés, et il ne savait pas résisterau charme féminin. C’était un dragueur invétéré.Voilà pour mon géniteur. Je suis bien contente dene l’avoir jamais connu et je ne tiens pas à en savoirplus. Un type qui ne donne pas signe de vie pen-dant dix-sept ans ne mérite pas qu’on perde sontemps à poursuivre son fantôme. Exit papa…

Du côté de maman, c’est plus compliqué. Quandelle a foutu mon père dehors – c’est d’ailleurs un

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abus d’expression car ils n’habitaient pas ensemble –,maman avait déjà une grosse affaire sur les bras :moi ! Je fus certainement son premier problème deconscience. Le temps qu’elle y réfléchisse un peu,elle ne pouvait déjà plus avorter. Sept mois plustard, je donnais un sens à sa vie. Les femmes sont

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comme ça : elles font des gosses ! Elles en tirent par-fois une fierté. Elles ne devraient pas. Je me suistoujours demandé comment ma mère s’est débrouil-lée pour se retrouver enceinte à vingt ans en ayantfait l’amour avec un quasi inconnu en plein boumdu sida. Voilà une jeune fille qui ignorait volontai-rement les préservatifs, la pilule et au final l’avor-tement. Ma mère n’était pas une fille moderne, c’estle moins qu’on puisse dire. Mélanie a fait son petitcommentaire sur le sujet : « À l’époque, les nanas unpeu romantiques se retrouvaient bêtement enceintes ! »Je dois donc au romantisme désuet de ma mèred’être de ce monde.

L’avenir de maman était tout tracé : future femmebourgeoise qui élève les gamins, pratique le jardi-nage et organise les réunions de famille en fin desemaine. Seulement, rien ne s’est déroulé commeprévu. En devenant fille mère, elle a vu les bonspartis prendre les jambes à leur cou, et sa vie affec-tive est devenue une espèce de cour des miraclesdédiée aux éclopés de tout poil. Chaque fois quej’ai vu débarquer un type à la maison, on pouvaitêtre sûr qu’il avait un gros problème. Aujourd’hui,je pourrais écrire un petit traité sur la manière de

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choisir un homme. J’en sais très long sur la ques-tion. J’ai aussi de quoi en écrire un autre sur lameilleure façon pour une femme de se rendre mal-heureuse. Reste que la situation se résume assez sim-plement : si je n’avais pas été là, il ne fait pas dedoute que la vie de ma mère aurait été plus simple.

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Il faut cependant reconnaître à maman d’avoirété suffisamment héroïque pour tenir sa barque au-dessus de la ligne de flottaison. Car il s’agissait biende cela : ne pas couler ! D’où cette remarque récur-rente lorsqu’elle trouve que je veux en savoir unpeu trop sur notre passé commun : « Un bébé, çaaide finalement à ne pas faire de conneries ! » Saseule connerie aura été de ramasser un polichinelledans le tiroir au sortir de l’adolescence. Du coup,toutes les autres peuvent sembler assez bénignes.Ceci dit, je ne vois pas ma mère trouver les res-sources pour se tirer une balle dans la tête, ou mêmelaisser le gaz allumé après avoir pris un petit cocktailpharmaceutique. Le suicide est une idée commodeque caresse gentiment une bonne partie de l’huma-nité pour se donner l’illusion qu’elle tient son destinen main. Maman est d’une extraction psycho-logique assez commune. Elle pense dans la bandemoyenne… mais bon, c’est maman, et j’avouequ’elle n’a pas dû se marrer tous les jours.

Je peux paraître assez sévère à son égard, mais jene dis jamais de mal d’elle en public car elle est– presque – ma seule famille. C’est pas grand-chose,mais ça compte tout de même. Et puis, je sais bien

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que je représente plus de 80 % de sa raison de vivre,les 20 % restants consistant à tester les dernierstranquillisants à la mode et à lire à peu près toutce qui lui tombe sous la main – maman est biblio-thécaire. Grâce à elle, à la fin de l’année, je vaisdécrocher mon bac avec mention – j’ai toujours été

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la reine des concours et des examens, depuis que jesuis gamine. De mon géniteur, il paraît que j’auraishérité la manie de bien tourner les phrases, maislà, je ne peux me fier qu’au seul témoignage decelle à qui il n’a laissé qu’un furtif don de sperme.

Pour autant que je me souvienne, j’ai toujoursécrit. Lire, écrire et jouer de la musique aura étéma devise pendant ces dix dernières années. J’ai déjàrédigé plusieurs milliers de pages d’un journalintime qui n’en finit pas. J’ai toujours pensé avecun stylo à la main. Je note tout ce qui me passepar la tête. Je fais des phrases. Mélanie dit souvent :« Tu parles comme un livre. Tu peux pas savoircomme tu peux être chiante, ma pauvre fille. Tute prends pour George Sand ou quoi ? »

Y’a sûrement du vrai là-dedans. Mais qu’y puis-je ? Je sais que mon image de fille sérieuse me des-sert souvent. Mais on a tous nos défauts. D’ailleurs,si Mélanie a la langue bien pendue, ça ne l’empêchepas d’accumuler les contradictions. Les garçons parexemple, elle les traite tous de connards mais elleserait incapable de s’en passer. Elle les aligne mêmeavec la régularité d’un métronome. Elle dit que c’estun signe de bonne santé. Ce n’est pas qu’elle soit

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une fille facile, non ! Elle a juste un sacré tempé-rament. Mais quoi qu’elle dise, j’ai ma petite théoriesur la question. Elle tient en deux points.

Primo, Mélanie ne croit pas au couple. Sesparents sont la démonstration vivante que c’est uneoption à éviter.

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Secundo, l’hystérie familiale la pousse dans lesbras de jeunes gens qu’elle éjectera de sa viequelques jours plus tard puisqu’elle ne croit pas quel’amour soit un truc à essayer.

« Il serait peut-être temps que tu t’y mettes unjour, ma petite vieille. Il va bien falloir que tugoûtes aux petits mâles !!! » Elle m’énerve quand ellejoue sa grande sœur. Je me suis toujours demandécomment elle faisait pour mettre aussi rapidementsa langue dans la bouche d’un petit crétin préten-tieux et malodorant. Ce ne sont pas des obsédés dela savonnette les garçons du lycée, et moi, j’avoueque j’aimerais bien tomber sur quelqu’un qui se lavederrière les oreilles… Mélanie n’est pas assez sélec-tive. À ne plus croire à rien dans le domaine dessentiments, elle finit par aller avec n’importe qui…

Je ne dis pas que la question des garçons ne soitpas à l’ordre du jour pour moi. Il y en a desmignons et pas trop cons, mais j’avoue que je n’aipas encore eu le coup de cœur. Les garçons de monâge sont des cornichons et ce n’est pas près des’arranger. Ils feront à coup sûr de mauvais pères,mais jeunes, ils ne sont même pas amusants.

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Je ne suis pas non plus sans arrêt en train de medemander à quelle sauce je vais être mangée, maisj’y pense comme tout le monde.

À la différence de maman, je ne prends aucuncachet pour m’aider à supporter le fardeau del’existence. Je dois avoir un tempérament moins

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systématiquement déprimé qu’elle. Je devrais peut-être l’entraîner avec moi en boîte de nuit…

Le fait de partager depuis dix-sept ans la vie dema mère m’a rendue un tantinet sensible aux diffi-cultés que les uns et les autres rencontrent face audestin. Maman a fait la conne à vingt ans. Elle n’ajamais cessé de régler l’addition depuis. Il n’y a pasd’autres causes à sa dépression. Le champ des pos-sibles s’est réduit instantanément à ma naissance. Ilm’a fallu l’aide d’un psy pour que j’arrête de meprendre pour un boulet de trois tonnes. Après tout,rien ne lui interdisait de se débarrasser de l’encom-brant embryon qui avait pris ses appartements dansson petit intérieur. Les progrès de la chimie nousont octroyé une liberté dont certaines ne savent pastrop quoi faire. Cela peut devenir un vrai problèmepour des esprits peu habitués à tenir solidement legouvernail de leur existence.

C’était peu dire que j’avais passé l’essentiel ducours de Mme Bulot à rêvasser sans porter lamoindre attention à la résolution d’une équationque j’avais jugée rapidement sans intérêt.

Mes camarades somnolaient tranquillement en

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attendant la sonnerie qui nous libérerait. Va savoirpourquoi les élèves des classes littéraires doiventendurer des cours de mathématiques qu’ils oublientaussi sec. On frappa à la porte. Mme Bulot marquaun temps d’hésitation mais elle n’eut pas le loisirde dire quoi que ce soit, le proviseur entra. Comme

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de coutume, la classe se leva comme un seulhomme.

Mme Chafinard ne supporte pas le néologismede « proviseuse », pourtant, en tant que femme, elledevrait l’aimer par principe. C’est une personnesans grande énergie qui fait de son mieux pour quel’établissement ne fasse pas trop parler de lui, hor-mis lors du classement des meilleurs lycées dudépartement. Comme souvent à l’Éducation natio-nale, elle préfère les bons élèves qui marchent droitparce qu’ils ne font jamais parler d’eux. C’est unproviseur comme il y en a des milliers, sans enver-gure mais plein de bonne volonté. Ce qui estcertain, c’est qu’on ne la voit jamais dans les classes,rarement dans les couloirs, toujours dans son bureau.En d’autres termes, pour nous elle n’existe pas.

Nous nous sommes donc tous demandé ce qu’ellevenait trafiquer parmi nous quelques minutes avantla sonnerie. Sa petite taille et sa tête de chouettehulotte privèrent rapidement son intervention de lasolennité qu’elle semblait vouloir imprimer à sonpropos. « Mes enfants, je suis venue vous dire quevous allez accueillir demain un nouveau camaradequi arrive de Grande-Bretagne et qui ne connaît

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rien à notre système d’enseignement. Je tenais aussià vous signaler qu’il vient de perdre son papa dansun accident tragique il y a quelques semaines. Ilaura sûrement besoin de votre aide. Je compte survous… » Le laïus sans relief de notre chef d’établis-sement avait duré moins d’une minute. Elle venait

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de remporter à coup sûr la palme de la concisionet, simultanément, celle du manque de charisme.

Ainsi, ce petit Anglais allait débarquer dans notreclasse deux mois après la rentrée, juste après êtredescendu de l’avion avec le cercueil de son père sousle bras. Sacrée entrée en matière… Sûr qu’il allaitavoir besoin de notre aide. Quand la sonnerie reten-tit, j’en étais encore à me demander comment jeferais face à un drame pareil. Ma mère s’était tou-jours débrouillée pour que nous habitions la mêmeville depuis ma naissance. Je m’imaginais dans cegenre de situation l’année du bac avec en bonus ladifférence culturelle avec la Grande-Bretagne. Cha-cun sa croix, mais tout de même…

À la récré, la discussion tourna autour de l’inter-vention de notre proviseur. Julia, la rouquine denotre petite bande, se rappela que la semaine pré-cédente le grand portail de la propriété située justeen face de chez elle s’était ouvert alors qu’il étaitresté obstinément fermé pendant une bonne décen-nie. Sa famille avait alors assisté à un carrousel decamions de déménagement. Une journée entière,selon elle, et depuis, la grande maison en pierremeulière gardait les volets ouverts, et le soir les

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lumières restaient allumées jusque tard dans la nuit.Son père avait d’ailleurs déclaré : « Ils ne comptentpas l’électricité ces gens-là ! » Il faut dire que le pèrede Julia compte tout, même la monnaie à la bou-langerie. Julia n’en savait pas beaucoup plus. Sinonque le père de notre futur camarade était mort en

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Irak quelques mois plus tôt. Son hélicoptère auraitété abattu à quelques kilomètres de Bagdad. Undiplomate, selon une autre voisine, « Mais celle-làc’est une vraie commère. Elle colporte tout etn’importe quoi… donc méfiance… » avait conclunotre camarade.

Pourtant l’information, sans être de premièremain, découlait du bon ruisseau et non de l’égoutdes conversations du tout-venant. Maman, lorsqueje lui parlai de l’annonce du proviseur, acquiesça.Elle était au courant et elle en savait beaucoup plusque toutes les commères des environs.

— Votre nouveau camarade n’est pas tout à faitétranger à la ville. Du moins par sa mère…

— Tu la connais ?Maman prit un air amusé. Ce n’était pas si sou-

vent qu’elle pouvait se payer le luxe de captiver monattention.

— Je l’ai connue. C’est une vieille histoire main-tenant.

— Tu ne m’en as jamais parlé !— Il y a beaucoup de choses dont je ne t’ai

jamais parlé.— Elle s’appelait comment ?

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— Sarah Bocage…— Bocage, comme le médecin ?— C’est son frère. C’est lui qui a repris le cabi-

net de son père. À l’époque, le papa de Sarah étaitle député-maire de la ville… Je ne peux pas direque j’étais proche d’elle, mais on se connaissait.

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C’était une fille très douée. Énormémentd’humour ! Elle tenait ça de sa mère.

— Que s’est-il passé ? Pourquoi a-t-elle fait savie en Grande-Bretagne ?

J’éprouvais l’étrange sensation de découvrir unpan caché de la vie de ma mère. Une période deson existence restée dans l’ombre. Ces quelquesannées où nous avions le même âge. Un instant,Maman sembla absente, comme si cette plongéedans le passé lui demandait un effort d’une intensitéparticulière.

— On est tombées amoureuses toutes les deuxpresque en même temps, mais il faut avouer que çaa mieux marché pour elle que pour moi. Elle est par-tie après le bac pour un séjour linguistique dequelques mois à Cambridge. Là, elle a rencontré unjeune professeur. Je crois qu’il avait tout de mêmesix ou sept ans de plus qu’elle. L’amour fou… Ils sesont mariés six mois plus tard et leur fils, Tom, estné à peu près au même moment que toi.

Maman paraissait perdue dans ses souvenirs.— C’est loin tout ça maintenant…— Mais tu as vu son mari ?— Une fois ou deux… j’ai dû l’apercevoir quand

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ils venaient passer quelques jours chez les Bocage.— Et c’est lui qui serait mort ?— Je te l’ai dit ! Sarah était une vague connais-

sance mais je n’ai jamais entendu parler d’undivorce. Son mari, à l’époque de son mariage, étaitun spécialiste des questions internationales. Sa pré-

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sence en Irak est possible… oui, je pense que c’estde lui qu’il s’agit…

— Tu peux utiliser le passé ! Il est mort main-tenant.

— C’est vraiment dommage. On disait qu’ilss’entendaient bien. En revanche, Sarah et ses beaux-parents, d’après ce qu’on m’a dit, étaient commechiens et chats. Ce qui explique certainement sonretour précipité en France.

— C’est pas sympa pour son fils. Tu te rendscompte, c’est un vrai petit Anglais… c’est la mortici pour lui !

Ma mère haussa les épaules en levant les yeuxau ciel. Je savais très bien ce que cela signifiait :« Tu exagères, Karen ! » Pourtant il y avait du vraidans ma remarque. C’était un véritable assassinat.Quelquefois les adultes manquaient tellement dejugeote qu’ils me semblaient au moins aussi dépour-vus de bon sens que ceux qu’ils appelaient leursenfants.

— Le fils de Sarah a aussi une petite sœur. Enattendant, Karen, essayez d’être sympas avec cepauvre gosse…

— Tu penses bien qu’on l’attend pour le bouffer

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tout cru. Pour une fois qu’on a un rosbif àdérouiller !

Maman sortit de la pièce en haussant les épaules.Elle appréciait modérément mon humour un peutrop premier degré. Elle était d’une génération où lesfilles se tenaient encore à carreau. L’humour, c’était

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vraiment un truc de mecs à l’époque. Mon côté pince-sans-rire la mettait toujours un peu mal à l’aise. Resteque j’en savais maintenant beaucoup plus que mespetites camarades. Le nouvel arrivant s’appelait Tomet nos deux mamans auraient même pu être copines.Je n’allais d’ailleurs pas m’étendre sur tout ce passé.C’était beaucoup trop privé pour que toutes les jacas-seuses de la classe soient mises au courant. En généralj’évitais les sujets qui impliquaient ma mère de prèsou de loin. Une manière de me protéger finalementassez efficace. Mais la vérité était encore plus simple :je m’ennuyais tellement que j’éprouvais une féroceattraction pour la moindre nouveauté, et l’arrivée dece garçon en constituait une de taille. Les lycées sontsomme toute des entités ronronnantes, des fabriquesspécialisées dans la production d’individus lambda, desmouroirs à jeunesse. C’est là que les futurs adultesabandonnent ce qui leur reste d’énergie pour suivrel’interminable file des crânes d’œuf qui vont cotiserquarante ans pour toucher leur retraite…

L’atterrissage forcé de ce représentant de la cou-ronne britannique dans notre terminale littéraireconstituait en soi l’un des événements les plus inté-ressants depuis la rentrée. Je n’allais pas bouder

mon plaisir.
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Chapitre 2

— Vise un peu l’engin ! Putain il est trop beau !Ils étaient déjà une trentaine à saliver autour

du scooter garé sous le hangar à vélos du lycée.Trente abrutis dans le style de la jeunesse dudébut de ce nouveau millénaire. Il fallait les voirtirer la langue, totalement bluffés ! Une appari-tion de la Vierge ne leur aurait pas fait autantd’effet. Et pour cause ! Ce scooter était tout sim-plement un ovni. Je connaissais certains des niai-seux qui l’examinaient, le genre de petits consqui se vantent de préférer leur machine à leur

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petite amie. Des mecs qui considèrent que leromantisme est une marque de préservatifs et queles filles ne pensent qu’au sexe. Faut-il d’ailleursentrer dans les détails ? Cette catégorie d’indi-vidus est une source inépuisable de désillusionspour la gent féminine.

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Pour résumer, nous étions mardi matin et ilvenait de se passer un truc totalement cataclysmiquepour cette bande de têtes creuses. Un type du lycéeroulait sur un engin qui n’appartenait pas au cata-logue des deux-roues utilisés par les trous du culde banlieue, d’où la reprise ininterrompue.

Voilà à quoi tient la vie de certains garçons. Pasgrand-chose en vérité. Il reste que j’ai jeté un coupd’œil en passant et il faut l’avouer, ce scooter faisaitde l’ombre à tous ceux qu’il m’avait été donné devoir jusqu’alors. C’était une incroyable machineblanche et noire tout droit sortie des films italiensdes années 1960. Le propriétaire devait être un typeextrêmement soigneux car tous les chromes étince-laient.

— Tu connais cette marque ?— Lambretta ? J’sais même pas si ça existe encore.— Sûrement une vieille marque italienne.

Remarque, ça doit être de l’entretien.— Tu crois que c’est un 125 ?— Plus que ça. C’est vraiment du gros son

quand il passe !Toutes ces conversations laissaient deviner com-

ment on peut faire du vide avec rien. Leur passe-

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temps favori. Ces garçons ne vaudront guère mieuxdans vingt ou trente ans. Ils seront perpétuellementen extase devant la dernière trouvaille technolo-gique, n’auront strictement rien à faire de leursfemmes et de leurs gosses et pèseront trente ou qua-rante kilos de plus. C’est ainsi. Reste que Jonathan

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pointait justement le bout de son nez et je savaisqu’il allait mettre tout le monde d’accord. Jonathanest un des rares terminales S fréquentables du lycée.Il a toujours l’air de se réveiller. Ses cheveux sontperpétuellement dressés sur sa tête et il porte desjeans normaux. C’est une espèce d’encyclopédievivante de l’utile et du futile. Il sait à peu près toutdans presque tous les domaines. Je me demande biencomment il fait pour ingurgiter une telle masse desavoir, mais c’est ainsi. Sa mère a raconté à la miennequ’il s’agissait d’une espèce de maladie, mais j’ai dumal à le croire. Il s’est approché du scooter avec sonair mi-rêveur mi-goguenard. Reconnaissons, pourêtre juste, qu’il adore tout ce qui possède unmoteur. Il fit le tour de la machine, semblant l’éva-luer, avant de déclarer lapidairement :

— Lambretta SX 200 produit par la marqueitalienne entre 1966 et 1969. C’était un des plusbeaux de l’époque. Pas moins de 120 kilos, 200 cen-timètres cubes et une pointe de vitesse de plus de100 kilomètres-heure. Exactement celui que j’auraisvoulu posséder.

Il se tourna vers moi et me prit par l’épaule.

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— Je t’aurais emmenée faire un tour avec moi,ma petite Karen. T’as exactement la tête qu’il fautpour monter sur ce genre d’engin.

— Eh bien il faudra attendre un peu. Je ne suispas très branchée par les mecs à scooter. Tu lesais…

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Jonathan prit l’air docte de celui qui en sait detoute façon plus long que les autres.

— Le type qui possède celui-là n’appartient pasà notre génération. Aucun lycéen n’aurait l’idée demettre la main sur ce genre de bécane. Non… c’esttotalement revival ce truc… surtout avec tous cesrétros.

La sonnerie retentit. La première heure de coursapprochait et il fallait filer dare-dare vers les sallesde classe. Tout en marchant, Jonathan continuaità réfléchir et, comme souvent, à haute voix :

— C’est bizarre, cette histoire de rétros me ditquelque chose. J’ai lu un truc là-dessus. Des typesqui roulaient sur ce genre d’engin. Oui, je suis sûrde ça. Des scooters Piaggio, des Vespa, des Lambrettacomme celui-ci. Mais où déjà ?

— Sûrement en Italie, non ?Nous avancions dans le couloir, nous frayant,

parfois difficilement, un passage parmi les élèves quistationnaient déjà devant les portes. Jonathan nerigolait plus du tout. Cette histoire le turlupinaitvraiment. Sa mère devait sûrement dire vrai. C’étaitcertainement une forme de maladie mentale. Rien

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ne pouvait l’arrêter maintenant.— Eh bien justement, non ! Pas en Italie. C’est

ça qui me chagrine. Ça ne marche pas, l’Italie. Non,c’était plutôt les États-Unis. Non ! La Grande-Bretagne ! Oui, c’est ça ! La Grande-Bretagne. Ilss’appelaient comment déjà ces mecs-là ?

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— Tu t’arrêtes jamais, toi. Remarque, tu ne doispas t’embêter à te poser des devinettes toute lasainte journée !

J’étais arrivée devant ma salle de classe. Je posaiun baiser sur la joue de Jonathan. Lui, il sentaitbon et il était mignon. Oui, un joli p’tit gars quiaurait pu faire mon affaire s’il n’avait pas été aussiobsessionnel.

M. Simon, notre prof de lettres, était presque enretard et, comme à l’accoutumée, il n’allait pas tar-der à l’être vraiment. Depuis la rentrée on ne peutpas dire qu’il débordait d’enthousiasme. Si nousavions dû suivre sa dernière série de cours sur LesCaractères de La Bruyère à quatre heures du matin,l’ambiance n’aurait pas été plus soporifique.

Il ne battit pas ce jour-là son record de minutescumulées après la seconde sonnerie, celle quiindique que nous devrions être tous en classe.M. Simon rabiote, c’est sa manière à lui de tenir lecoup. Il évite sans doute la dépression en restantenfermé dans les toilettes les yeux rivés sur samontre, et, quand il se décide à démarrer, il y a lalongue remontée des couloirs. Je dis « remontée »parce qu’on a tous cette impression quand il

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marche. Il se présenta avec sept minutes chrono deretard, lâchant la formule la plus classique de toutes :« Désolé, j’ai été retenu en salle des profs. » Il étaittemps que les vacances arrivent…

Le cours démarra mollement, M. Simon procé-dant à l’appel à la vitesse de l’escargot pris dans un

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embouteillage pendant que nous déballions nosaffaires avec le même enthousiasme. Je me suis tou-jours demandé comment certains élèves parviennentà s’agiter autant en début de cours, farfouillant dansleur sac, sortant là un classeur, ici une trousse ouencore quelques feuilles pour déclarer dix minutesplus tard, quand le prof commence à dicter :« Monsieur, j’suis pas prêt. »

Rémi, l’un de ces spécimens type d’attardésnotoires, venait donc de déclarer : « Mais attendez,monsieur ! Vous allez trop vite ! », quand on frappa.

De nouveau, Mme Chafinard pénétra dans laclasse de son pas furtif, flanquée d’un grand gaillardà l’air revêche et mal embouché. Jolie gueule, maisun regard à vous fendre le crâne au premier coupd’œil.

— Mes enfants, je vous ai parlé de votre nou-veau camarade, Tom. Il est arrivé ce matin dansnotre établissement et je vous demande de bien luiexpliquer comment tout se passe ici. Voilà, je vouslaisse.

L’intervention avait cette fois duré moins detrente secondes. La prochaine fois, Mme Chafinardse contenterait d’éternuer. En attendant, notre nou-

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veau colocataire venait de pointer son museau etchaque représentant de la terminale L1 se deman-dait certainement ce qu’on allait bien pouvoir fairede cet olibrius à l’air pas commode. Il ne faisaitpas de doute que ce garçon se foutait de ce débutde siècle comme de sa première barboteuse.

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La parka qu’il portait venait tout droit des sur-plus de l’armée américaine, et l’Union Jack qui étaitcousu sur sa manche nous rappelait à tous que nousétions ces maudits Français qui ne comprennentjamais rien à rien. Je n’imaginais pas une minuteun type de chez nous arborer de la sorte les couleursnationales ; trop risqué et surtout totalement endehors de notre imaginaire collectif. En France, ledrapeau est presque une honte nationale. Reste quecette marque distinctive – je veux dire l’Union Jack– était franchement frondeuse. J’ai trouvé ça à lafois déplacé et courageux, mais j’ai bien vu dansles sourires de connivence des uns et des autres quel’intégration de notre British risquait d’être assezcompliquée. Lorsqu’il est passé devant moi, j’ai notéque sa parka était aussi agrémentée de badges quiavaient certainement un sens précis mais quim’échappait totalement. Enfin, détail ultime, sur-prenant, unique, invraisemblable pour le commundes lycéens : il portait une cravate !

Il s’assit à ma hauteur, mais de l’autre côté del’allée centrale de la classe. Quand il enleva sa parka,je m’aperçus avec surprise qu’il portait un blazerbleu marine avec un écusson qui n’avait rien de dis-

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cret, mêlant des dessins dorés, écarlates et bleu roi.Là, on atteignait des sommets en matière d’ana-chronisme. M. Simon s’approcha, un petit sourireen coin.

— C’était l’écusson de votre collège ?Le garçon le regarda, un peu surpris.

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— C’est toujours celui de mon collège. Je necrois pas qu’il ait été rasé après mon départ.

M. Simon secoua la tête, affichant la mine enten-due de ceux qui viennent de faire une gaffe. Nousavions juste eu le temps de remarquer que l’accentanglais de notre nouveau camarade était à peineperceptible. Le cours reprit avec un passager sup-plémentaire dans le wagon de la terminale L1.

Tom paraissait imperturbable. Il prenait desnotes, l’air indifférent, ne regardait pas autour delui et semblait parfois perdu dans ses pensées. Maisque pensait-il d’ailleurs ? Qu’aurais-je ressenti dansla même situation ? J’aurais sans doute été prochedu désespoir. Quitter Londres, mes amis, une par-tie de ma famille, tout ce qui constituait maculture, pour me retrouver un matin d’octobre aumilieu d’une bande d’inconnus dans un établisse-ment paumé de la banlieue parisienne ! Sa mèredevait nourrir une sacrée rancœur contre laGrande-Bretagne pour imposer une telle épreuveà son fils. Maman avait raison, il nous manquaitcertainement quelques éléments du dossier pourpouvoir vraiment en juger, mais je n’aurais pour

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rien au monde voulu me trouver à sa place. Pour-tant, on ne lisait sur son visage aucune détresseparticulière. Hormis son habillement qui déton-nait avec tout ce qu’on pouvait voir au lycée, rienchez lui ne paraissait manifester la moindre mau-vaise volonté.

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À midi et demi, alors que nous nous rendions àla cantine, Jonathan me rejoignit dans la filed’attente.

— J’ai trouvé, Karen !Devant ma moue dubitative, il leva les yeux au

ciel. Vraisemblablement, j’avais déjà oublié ce quil’avait turlupiné toute la matinée.

— Tu sais, ces garçons qui utilisaient des scoo-ters comme celui qu’on a vu tout à l’heure !

— Oui oui, je me souviens…Jonathan appréciait qu’on fasse preuve d’esprit de

continuité quand il nous rebranchait sur une vieilleaffaire.

— Eh bien ces types, on les appelait les mods !— Les mods ? Ce qui signifie ?— Rien, je crois. C’est juste un mouvement

musical presque exclusivement britannique ! Je necrois pas qu’on en ait beaucoup parlé en France,même à l’époque.

— Et comment t’es-tu rappelé tout ça ?Jonathan ne put réprimer un petit sourire de

fierté. Il aimait impressionner par les performancesde sa mémoire, mais ne rechignait pas à expliquercomment il était tombé sur la bonne information.

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— Je me suis souvenu que papa avait un vieilalbum des Who…

— Quel rapport avec les mods ?— J’y viens, Karen. T’es trop pressée, toi. Il reste

encore vingt bonnes minutes avant que nos gamellessoient pleines.

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— Les Who, c’était pas ceux qui avaient com-posé le fameux album Tommy ?

— Oui, mais ce n’est pas le bon album !Je levai les yeux au ciel pour souligner mon

incompétence dans ce domaine. Il reprit d’un airdocte :

— Les Who ont consacré un double album aumouvement mod au début des années 1970. Cedisque portait un titre un peu étrange, Quadrophe-nia. Il racontait l’histoire d’un petit mod de ban-lieue qui pète les plombs et finit par se suicider.Enfin… je suis pas tout à fait sûr de la fin…

— Une histoire pour remonter le moral destroupes !

— C’est vrai, ce n’est pas très gai, mais il y aun petit livret avec le disque, et là, on voit bienles scooters italiens et les parkas des mods.

— Les parkas ?Évidemment, Jonathan peut faire le malin parce

qu’il en sait plus que moi et qu’il tient le bon filonpour faire son intéressant. Mais là, il ne se doutepas à quel point il captive mon attention.

— Oui, des parkas généralement venues des sur-plus de l’armée américaine. Quand les rockers para-

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daient en blouson de cuir, les mods se promenaientsur leurs Vespas en parka. Et donc…

Je lui coupai la parole car, cette fois, c’est moiqui en savais plus que lui.

— … et donc, on dirait qu’on a un joli spéci-men revival dans le lycée !

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C’est le moment que Mélanie choisit pour venirse glisser avec nous, en doublant évidemment la qua-rantaine d’affamés qui font le pied de grue derrièrenous. Personne ne râle parce que, de toute façon,l’attente va continuer d’être interminable.

— Salut Jone…Et elle embrasse Jonathan avec une telle ferveur

qu’il se met instantanément à rougir. Il a un grosfaible pour Mélanie depuis la seconde, et elle, évi-demment, elle joue à être la seule fille qui ne lesait pas.

— Dis donc, Karen, t’as vu un peu la dégainedu nouveau ! Remarque, ça ne l’empêche pas d’êtremignon… dans le genre beau ténébreux !

Je suis certaine qu’elle aussi en ferait bien sonquatre-heures, mais j’ai comme l’idée qu’elle sentqu’elle pourrait se casser les dents.

— Jone vient de m’en apprendre justement pasmal sur notre Anglais !

Jonathan ouvre des billes grosses comme des sou-coupes.

— Ne me dis pas que vous avez un mod dansvotre classe ?

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— Yes, sir! Et pas plus tard que depuis ce matin.Un vrai petit mod avec parka, insignes et badges.

Mélanie, qui n’a pas eu droit au bref cours d’his-toire musicale de Jonathan, se sent un peu larguée.

— On peut m’expliquer ce que tout ça veutdire ?

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La Playlist de Karen

Picture book, The KinksQuadrophenia, The WhoI do it for your love, Paul SimonNoelle’s theme, Michel LegrandI’m old fashioned, Chet BakerHappy Together, The JamWonderwall, OasisYour song, Elton JohnLondon Town, Paul McCartney et The WingsSympathy for the devil, The Rolling StonesEnglish Rose, The JamLittle darling, The RubbettesThe kids are alright, The WhoFox Trot, GenesisHors saison, Francis Cabrel

La PAL de Karen

La Chartreuse de Parme, StendhalAnna Karénine, Léon TolstoïVoyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand CélineBelle du Seigneur, Albert Cohen

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La Condition humaine, André MalrauxCrime et châtiment, Fiodor DostoïevskiBouvard et Pécuchet, Gustave FlaubertMadame Bovary, Gustave FlaubertLa Princesse de Clèves, Madame de La Fayette

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Composition et mise en pagesNord Compo à Villeneuve-d’Ascq

N° d’édition : L.01EJEN001521.N001Dépôt légal : juin 2018

Loi no 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse