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La réserve des Sept-Iles

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Extrait de l'Oiseau mag n°105

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76 . L'OISEAU magazine n° 105

BALADE EN FRANCE BRETAGNE

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Premier espace protégé français de droit privé,l'archipel des Sept-Iles a été mis sous protection en1912 par la LPO qui luttait alors contre le massacredes macareux moines sur ce site. Depuis cette date,et son classement en réserve naturelle nationale en1976, il attire bien d'autres espèces : pingouin torda,guillemot de Troïl, fou de Bassan, puffin des Anglais,phoque gris...

L'archipelSept-Iles

large de Perros-Guirec, dansles Côtes-d'Armor, Rouzic,

Malban, l'île Plate, Bono, l'île aux Moineset le Cerf composent cet archipel de40 hectares de terres émergées. Mais laréserve naturelle s'étend sur le domainepublic maritime exondable, soit envi-ron 240 hectares d'estran.

Albert Chappelier, l'indignéAlors que la LPO venait juste de

naître, Albert Chappelier, son premiersecrétaire général, a révélé dès 1912 lescandale perpétré par des chasseurs quivenaient y massacrer les calculots, enten-dez par là les macareux moines. En juilletde la même année, le Préfet des Côtes du

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1912-2012 : 100 ans de protection aux Sept-Iles

Nord interdisait par arrêté cette "chasse"et le débarquement sur l'île Rouzic.Aujourd'hui, la réserve Albert Chap-pelier, avec ses 14 espèces et 25 000 cou-ples d'oiseaux marins, est la plus impor-tante colonie d'oiseaux marins de Francemétropolitaine (lire notre encadré p. 78).Le fou de Bassan y est l'espèce la plusremarquable : la colonie de l'île Rouzicévaluée, en 2011, à 22 395 couples est laplus importante de France. L'étendue deses richesses biologiques est bien plusvaste : l'archipel héberge une des deuxcolonies françaises de phoque gris (40individus à l'année et 19 naissances en2010), compte une végétation typiquedes milieux insulaires atlantiques (plusde 160 espèces végétales, et 4 habitatsprioritaires), et une biodiversité marineremarquable (flore et faune de l'estranmais aussi sous-marines).©

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Ci-contre : les îles Malban, à gauche, etRouzic, à droite, vues depuis l'île Bono.En haut : une colonie de fous de Bassan.

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Une gestion en évolutionDepuis 1912, les espèces et habitats

de l'archipel ont bénéficié de la protec-tion de la LPO.Ainsi, de 1931 à 1993, des gardes asser-mentés étaient indemnisées par la LPOpour surveiller l'archipel. En 1985, unsuivi scientifique permanent de la fauneet de la flore des Sept-Iles se met en place.À partir de 1998, le premier plan de ges-tion de la réserve a permis de formaliserdes objectifs et des actions planifiées sur5 ans. Ces opérations sont réalisées dansle cadre des missions confiées à l'asso-ciation, désignée depuis 1976 commegestionnaire de la réserve, par le ministèreen charge de l'Environnement et sousla validation d'un comité de gestion.Aujourd'hui,même si lesfacteurs in-fluençant lad y n a m i q u edes espèces(distributionen mer, disponibilité des ressources ali-mentaires, sensibilité aux agressions etaux pollutions...) restent en dehors duchamp d'action du gestionnaire, la LPOcontribue quotidiennement au main-tien et à la conservation de la biodiversité

de l'archipel. Ainsi elle assure la tran-quillité nécessaire à l'installation et àla reproduction des espèces (missiond'information et de police). Elle veilleégalement à l'absence d'introductiond'espèces exogènes perturbatrices. Parexemple, l'opération d'éradication du ratsurmulot réalisée en 1994 a permis no-tamment l'augmentation des populationsde musaraigne des jardins et d'orvet.La LPO assure aussi et surtout une veilleécologique (recensements annuels etsuivis sur le long terme des oiseaux ma-rins, phoques gris, végétation, flore etfaune de l'estran, champ de laminai-res...). Les suivis réalisés avec le concoursde nombreux partenaires (universités,laboratoires d'études, Ifremer, CNRS...)

pour appré-hender l'éco-système de l'ar-chipel dans saglobalité ali-mentent cet"observatoire"

du milieu naturel. De plus, elle déve-loppe un volet important de sensibilisa-tion du public à travers notamment l'es-pace muséographique de la station de l'IleGrande et ses diverses animations (lirenotre encadré p. 80), et participe active-

ment à divers réseaux de gestionnaires.Enfin, la LPO, via l'activité de centre desoins à la faune sauvage reliée à la mai-son de la réserve, exerce une missionannexe de traitement et de réhabilita-tion des oiseaux mazoutés ou blessés.

Le macareux moine, oiseau symbole de la protection de la nature, à l'origine de la création de la réserve naturelle des Sept-Iles.

Une réserve naturellenationale pour

la conservation de la nature

EFFECTIFS 2011Oiseaux marins (couples)Océanite tempête : 68 à 72Puffin des Anglais : 116 à 234Fulmar boréal : 78 minimumFou de Bassan : 22 395Cormoran huppé : 368Goéland marin : 73Goéland brun : non recensé (643 en 2009)Goéland argenté : non recensé (1 406 en2009)Sterne pierregarin : 54 à 58Sterne de Dougall : 1 à 2Sterne caugek : 38 à 51Pingouin torda : 30 à 32Guillemot de Troïl : 51Macareux moine : 149 à 202

Autres espèces remarquables (couples)Aigrette garzette : 9Tadorne de Belon : 1Eider à duvet : 1 en 2008, 2009 et 2010Faucon pèlerin : 1Huîtrier pie : 50Grand Corbeau : 1 couple présent

© Armel Deniau

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Quand les oiseauxjouent les stars

De tous les oiseaux des Sept-Iles, lemacareux moine est sans conteste leplus populaire. Ses joues blanches et soncurieux bec triangulaire multicolorelui valent le surnom de "perroquet demer", mais dans le Trégor, c'est le"calculot". Il est l'emblème de Perros-Guirec et se retrouve sur nombre d'ensei-gnes. Ainsi, les équipes sportives de Perros-

Guirec sont surnommées les "macareux".Dernier bastion actuel de l'espèce enFrance métropolitaine (Saint-Pierre-et-Miquelon en abrite près de 10 000 cou-ples), la réserve naturelle des Sept-Ilesvoit revenir le macareux chaque annéeà la fin du mois de mars. En juin, le becchargé d'une brochette de minusculespoissons, il ravitaille son uniquepoussin caché au fond d'un terrier.Autour des îles, il se regroupe avec sescongénères, ballottés par la houle. Il

quitte le site en juilletpour le grand large.En 2011, la réservecomptait 176 couples.Elle accueille aussiles trois espèces d'al-cidés (cousins dumacareux) nichanten France métropo-litaine. Le pingouintorda, aussi appelépetit pingouin, res-semble à premièrevue à un petit man-chot. Comme cedernier, il se tientdebout lorsqu'il sepose à terre, maiscontrairement à luiil sait voler.

25 000 couplesd'oiseaux marins

suivis !

Depuis 1939, la colonie de fous de Bassan s'accroît sur l'île Rouzic. © Gilles Bentz

Il vit majoritairement en mer. Il pêchedans les eaux de surface et plonge enbande en quête de bancs de poissons.C'est l'oiseau marin le plus rare et le plusmenacé de France, en raison des captu-res accidentelles dans les filets maillants(dans lesquels les oiseaux meurent noyés)et des pollutions par hydrocarbures.

Il niche sur les corniches rocheuses descôtes continentales et insulaires ou dansdes cavités sous bloc. Il dépose son uni-que oeuf à même la roche. 32 couplesétaient recensés aux Sept-Iles en 2011, soitprès de 75 % de la population française.Le troisième est le guillemot de Troïl.Comme le macareux et le pingouin, ilplonge en apnée et se propulse sous l'eauen "volant" à l'aide de ses ailes courtes etpuissantes. La pollution par les hydro-carbures est une source de mortalitéimportante pour l'espèce en mer. Il pondà même la roche dans les chaos deRouzic. La forme conique de l'oeuf évitequ'il ne roule. En 2011, 51 couples étaientrecensés.

Nichant dans des endroits souvent inaccessibles, le recensementdes fulmars n'est pas des plus simples !

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© Philippe de Grissac

COMMENT VISITER ?L'accès du public est réglementé sur la réserve. Le débarquement n'est autorisé que sur l'Ile aux Moineset sur l'estran de certaines îles pour la pêche à pied. La visite de la réserve naturelle peut se faire à borddes vedettes de Perros-Guirec qui transportent une centaine de passagers autour des îles. Les départs ontlieu à la gare maritime. En juillet et août, la LPO assure plusieurs fois par semaine la visite guidée del'archipel à bord de ces vedettes. Hors saison, les groupes qui en font la demande sont encadrés par lesguides LPO sur ces mêmes navires. Située sur la côte, à quelques encablures de l'archipel, sur la communede Pleumeur-Bodou, la station LPO de l'Ile Grande est la vitrine de la réserve naturelle. Elle permet l'accueilet l'information du public au travers notamment d'une exposition consacrée à la présentation de l'archipeldes Sept-Iles. Un espace muséographique présente au public l'écosystème de la réserve et sa gestion, etplus largement la partie maritime de l'archipel. Rénovée en 2011, la muséographie s'étend sur une surfacepermanente de 250 m² avec, notamment, une falaise artificielle de 5 mètres de hauteur présentant 110maquettes réalistes d'oiseaux, et une salle entièrement consacrée au monde marin (estran, phoques,laminaires...).

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Au printemps, il est courant d'observerles trois espèces réunies près de l'îleRouzic.Si le macareux est le plus recherché, lefou de Bassan est le plus facile à obser-ver. Le plus grand des oiseaux de merd'Europe niche en colonie dense sur lespentes de l'île Rouzic, à la vue de tous.La colonie de 22 000 couples se repèreainsi à l'oeil nu à 15 km. Depuis quel-ques années, la LPO, en collaborationavec le CNRS de Montpellier, cherche àen savoir plus sur les fous de l'île Rouzic :déplacements alimentaires pour nour-rir le poussin, zones d'hivernage... Pourcela, quelques dizaines de fous sont équi-pés chaque année de petits appareils degéo-localisation. Les résultats sont sur-prenants : les fous parcourent enmoyenne 450 km en 22 heures pour senourrir et ramener au poussin sa pitance.Certains se rendent jusque devant les

côtes anglaises, d'autres vont versl'ouest en pleine eau de l'Atlantique ef-fectuant un voyage de 980 km en 45 heu-res ! En hiver, ils désertent tous la colo-nie pour se disperser en mer d'Irlande,dans le golfe de Gascogne, au large dela Mauritanie ou encore en Méditerra-née, parfois jusqu'en Turquie !Le fou de Bassan présente un avantagepour les visiteurs : il reste jusqu'à la finde l'été, ce qui permet aux touristes deprofiter d'un spectacle unique enFrance. Même les personnes à priori peuintéressées par la nature en reviennentépoustouflées. Si rien ne vaut le vécu, ilest néanmoins intéressant de visiter lastation LPO de l'Ile Grande et de profi-ter de la liaison vidéo en direct. Cetteinstallation donne la possibilité de voirles fous sous un autre angle, de plusprès et avec des explications sur leurécologie et biologie par les animateursde la LPO.Les Sept-Iles sont riches d'une grandediversité d'oiseaux de mer (3 espècesd'alcidés, 3 espèces de goélands, 3 espè-ces de procellariiformes, 3 espèces desternes en 2011...), et accueillentd'autres oiseaux nicheurs remarqua-bles tels l'eider à duvet (en danger criti-que d'extinction en France comme lemacareux moine et le pingouin torda),

le faucon pèlerin (qui revient nicheraprès 50 ans d'absence !), le grand cor-beau (rare en Bretagne).

Et pas que des oiseaux...Le phoque gris est connu de longue

date aux Sept-Iles. L'animal fréquentel'archipel toute l'année. Il s'observe enmer, nageant ou se laissant flotter à lasurface de l'eau, le museau à l'air, telun "bouchon", ou encore allongé surun rocher, attendant que la marée re-

Une quarantaine de phoques gris sont recensés en moyenne tout au long de l'année.

Page 80. 1. L'eider à duvet a niché auxSept-Iles de 2008 à 2010. 2. Le pipitmaritime fréquente l'ensemble des îles.3. La colonie de sternes pierregarin tendà s'accroître. 4. Au printemps, le cormoranhuppé a déjà perdu sa huppe.5. 50 couples d'huîtriers pie nichent surl'archipel. 6. Difficile à observer, le puffindes Anglais est pourtant bien représentéaux Sept-Iles.

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19 blanchons ont été dénombrés en 2010.

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monte pour repartir à la pêche. Par satranquillité, la réserve attire les pho-ques pour se reproduire, muer et se re-poser. C'est un des sites privilégiés pourl'espèce en France. On compte ainsitoute l'année une quarantaine d'indi-vidus, mais aussi plusieurs naissancesqui ont lieu de fin octobre à début dé-cembre. En 2010, 19 blanchons (phoquenouveau-né) ont été recensés parl'équipe de la réserve.

Si tous ces prédateurs, oiseaux et pho-ques se retrouvent ici, c'est que le milieule permet, grâce à des habitats marinsriches où la biodiversité marine s'ex-prime pleinement. 70 % des fonds autourde l'archipel sont recouverts d'un champde laminaires, cette grande algue brunepouvant atteindre 3 m de long. L'archi-pel compte aussi près de 5 hectares d'her-biers de zostères, plante marine compa-rable à la posidonie méditerranéenne.Ces herbiers et ces forêts marines sontles lieux de vie, nurserie, zone d'alimen-tation et de refuge d'une multitude d'ani-maux : étoiles de mer, ormeaux, vieilles...pour n'en citer que quelques-uns. À cejour, près d'une centaine d'espèces d'al-gues ont été inventoriées sur l'estran,850 espèces de faune et de flore recen-sées sur les fonds rocheux de l'archipelet bien des découvertes restent à faire.

Les alcidésen augmentation ?

Touchées de plein fouet par les maréesdu Torrey Canyon en 1967, de l'AmocoCadiz en 1978 et du Tanio en 1980, lespopulations d'alcidés des Sept-Iles ontcontinué à décliner pour atteindre desseuils critiques au début des années2000 : 150 couples de macareux moines,

20 couples de pingouins torda et 12 cou-ples de guillemots de Troïl. Si ces oiseauxsont protégés sur leur site de reproduc-tion, qu'en est-il les 8 ou 9 mois de l'an-née passés au large ? Souffrent-ils depollutions ? Manquent-ils de nourriture ?Sont-ils capturés accidentellement dansdes filets ? Difficile de répondre à cesquestions.Dans ces conditions, au vu de la margi-nalité des populations de l'archipel etde leurs faibles effectifs, on pourrait s'at-tendre à voir ces colonies s'éteindre àplus ou moins court terme. Cependant,depuis 2009, leurs effectifs enregistrentune augmentation. En effet, ceux dupingouin sont passés à 31 couples, ni-veau record jamais atteint depuis 30ans sur l'archipel, et ceux du guillemotde Troïl sont passés à 51. Alors que lesmacareux moines sont stables depuis20 ans avec 175 couples. L'espoir seraitdonc permis de voir l'emblème de la LPOse maintenir sur ce qui demeure sa der-nière colonie métropolitaine !

MÉLANIE LE NUZ & GILLES BENTZ

Depuis 2009, les effectifs de guillemot de Troïl effectuent une remontée spectaculaire.

Ouverture d'avril à septembre.Renseignements :Station LPO de l'Ile Grande22560 Pleumeur BodouTél. 02 96 91 91 40Courriel : [email protected]©

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ANNIVERSAIRE !Pour fêter ses 100 ans, la LPOorganise son congrès national les2 et 3 juin 2012 à Perros Guirec.A cette occasion sera présentéel'exposition du centenaire au palaisdes congrès et seront organiséesdes visites des Sept-Iles et de lastation LPO de l'Ile Grande.

La réserve naturelle des Sept-Iles est lebastion du pingouin torda en Francemétropolitaine.