LA SOMME DE LA PERFECTION ou l’abrégé du magistère parfait - de GEBER-Philosophe arabe

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    GEBER LA SOMME DE LA PERFECTION 1

    LA SOMME DE LA PERFECTION

    ou labrg du magistre parfait de

    GEBER

    Philosophe arabe

    Auteur : Apocryphe latin du XIIIe sicle sign GEBER, philosophe arabe.Traduit en franais au XVIIe S.

    Rien nindique quil sagisse dune transcription

    de luvre du philosophe arabe DJBER - VIII - IXe S. .

    DIVISE EN DEUX LIVRES.

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    LIVRE PREMIER

    AVANT PROPOS ET CHAPITRE I

    De la manire denseigner lArt de Chimie, et de ceux qui sont capables de lapprendre.

    ai rduit brivement en cette Somme de la Perfection toute la Science deChimie, ou de la Transmutation des Mtaux. Dans mes autres Livres, jen

    avais fait plusieurs Recueils que javais tirs et abrgs des Ecrits des Anciens

    : mais en celui-ci jai achev ce que je navais qubauch en ceux-l. Jy aiajout en peu de paroles ce que javais omis dans les autres ; jy ai mis tout au

    long ce que je navais dit ailleurs quimparfaitement, et jy ai dclar

    entirement et aux mmes endroits ce que javais cel dans mes autres uvres.Et je lai fait afin de dcouvrir aux personnes intelligentes et sageslaccomplissement et la perfection dune si excellente et si noble partie de la

    Philosophie. Ainsi, mon cher Fils ! Je puis tassurer avec vrit que dans les

    Chapitres gnraux de ce Livre, jai mis suffisamment le Procd de cet Art toutentier et sans nulle diminution. Et je proteste devant Dieu, que quiconquetravaillera comme ce Livre enseigne de le faire, aura la satisfaction davoir

    trouv la vritable fin de cet Art, et dy arriver. Mais, mon Cher, je tavertis

    aussi que celui qui ignorera les Principes naturels de la Philosophie, est fortloign de cette Connaissance, parce que le vritable fondement, sur lequel ildoit appuyer son dessein, lui manque ; comme au contraire en est bien prscelui qui connat dj les Principes naturels des Minraux. Ce nest pas quepour cela il ait encore la vritable racine, ni la fin profitable de cet Art trs cach: mais ayant plus de facilit en dcouvrir les Principes que celui qui formequelque pro jet de notre uvre sans en connatre la voie ni la manire, il estaussi moins loign que lui de lentre de cette Science. Mais que celui qui

    connatra tous les Principes de la Nature, quelles sont les Causes des Minraux,et de quelle manire la Nature les forme, il ny a que fort peu dire quil nesache luvre toute entire, quoique sans ce peu l qui lui manque, il soit

    absolument impossible de faire notre Magistre. Parce que lArt ne peut pasimiter la Nature en toutes ses Oprations, mais il limite seulement autant quil

    lui est possible. Et cest ici un Secret que je te rvle, mon Fils, qui est que ceux

    qui recherchent cet Art, et les Artistes mme, manquent tous en ce quils

    prtendent imiter la Nature en toute ltendue et en toutes les diffrences et lesproprits de son action. Applique-toi donc soigneusement tudier nosLivres, et attache-toi surtout celui-ci. Considre et mdite mes parolesattentivement et trs souvent, afin que ttant rendu familire notre manire de

    parler, et entendant notre idiome ou langage particulier, tu puisses pntrer

    dans notre vritable intention et la dcouvrir. Car tu trouveras dans les Livres

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    sur quoi faire un Projet assur de ce que tu cherches ; tu y apprendras vitertoutes les erreurs, et par ce mme moyen tu sauras en quoi tu peux imiter laNature dans lartifice de notre uvre.

    CHAPITRE II

    Division de ce Livre en quatre Parties.

    oici lordre que je tiendrai en ce livre : Premirement, je parlerai

    succinctement des obstacles qui peuvent empcher lArtiste de russiret de parvenir la fin vritable (de lArt). A quoi jajouterai les qualits

    que doit avoir celui veut sy appliquer. Secondement, je convaincrai les

    Ignorants et les Sophistes, lesquels, cause quils ne peuvent comprendre cet

    Art, et que par toutes les recherches quils en font, ils nen retirent jamaislavantage ni le profit quils staient proposs, prtendent en dtruire la vrit,

    en soutenant que ce nest rien du tout. Pour cet effet, je rapporterai

    premirement toutes leurs raisons, que je dtruirai si videmment quil ny apersonne de bon sens qui ne voie que tout ce quils allguent contre, na ni en

    tout, ni en partie, nulle apparence de vrit. Troisimement, je traiterai desPrincipes naturels, cest--dire des Principes dont la Nature sert faire sesproductions ; jexpliquerai la manire dont ils se mlent ensemble dans les

    Mixtes, selon quil se connat par les Ouvrages de la Nature ; et je parlerai de

    leurs Effets suivant lopinion des Anciens Philosophes. En quatrime et dernierlieu, je dclarerai quels sont les Principes que lon doit employer pour la

    Composition de notre Magistre, en quoi nous pouvons imiter la Nature, et lamanire de mler et daltrer ces Principes selon le cours et la manire dagirordinaire de la Nature ; avec leurs Causes et les Expriences manifestes quon

    en peut faire, afin de donner moyen lArtiste industrieux dappliquer ces

    choses, et de sen servir lusage de notre uvre.

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    PREMIERE PARTIE DU PREMIER LIVRE

    Des empchements cet Art.

    CHAPITRE III

    Division des empchements.

    es empchements en gnral viennent, ou de limpuissance naturelle de

    lArtiste, ou de ce quil na pas le moyen de faire la dpense ncessaire,

    ou de ce quil ny peut vaquer cause de ses autr es occupations. Algard de limpuissance naturelle de lArtiste, elle vient, ou de ses organes, qui

    sont ou faibles, ou tout fait corrompus; ou elle vient de son esprit qui ne peut

    agir librement, soit par la mauvaise disposition des mmes organes, qui sont oupervertis, ou gts, comme je lai dit, ainsi quil se voit aux Fous et Insenss; soit

    parce que lEsprit est plein de fantaisies, et quil passe facilement dune opinion

    une autre toute contraire; soit enfin quil ne sache ce quil veut prcisment, ni quoi se devoir dterminer

    CHAPITRE IV

    Des Empchements luvre, qui peuvent venir de la mauvaise disposition du Corps

    delartiste.

    oil en gros quels sont les Empchements cet uvre. Nous allons

    maintenant les examiner en dtail, et lun aprs lautre. Je dis donc que

    lArtiste ne pourra jamais faire notre uvre, sil na ses organes entiers

    et sains : Par exemple, sil est aveugle, ou sil est estropi des mains et des pieds

    ; parce que devant tre le Ministre de la Nature, il ne pourra pas sen aider pourfaire les travaux ncessaires, et sans lesquels luvre ne peut tre parfaite. Il en

    sera de mme, sil a le Corps infirme ou malade, comme ceux qui ont la fivre,

    ou qui sont ladres, qui les membres tombent par pices ; sil est dans ladcrpitude, et dans une extrme vieillesse : car il est certain quun Homme qui

    aura quelques-unes de ces imperfections ne pourra de lui-mme, (et travaillantseul), faire luvre, ni la conduire sa dernire perfection.

    CHAPITRE V

    Des Empchements qui viennent de lesprit.

    Ce sont l les Empchements que lArtiste peut avoir de la part du Corps. Ceux

    qui peuvent lui survenir du ct de lEsprit sont encore plus considrables et

    plus nuisibles laccomplissent de luvre. Les voici. Un Homme,qui na pas

    lesprit naturellement assez bon pour rechercher subtilement les Principes

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    naturels, et pour dcouvrir quels sont les fondements de la Nature, et lesartifices par lesquels on peut imiter cette grande Ouvrire dans ses Oprations,celui-l ne trouvera jamais. La vritable racine, ni le commencement de cet Art

    trs prcieux. Car il y en a beaucoup qui ont la tte dure, qui nont pas lEspritde faire aucune recherche, qui ont de la peine concevoir ce quon leur dit le

    plus clairement, et dans les termes les plus intelligibles et les plus usits ; et quine sauraient quavec difficult comprendre les ouvrages qui se font

    ordinairement devant leurs yeux. Il y en a dautres qui conoivent aisment

    tout ce quils veulent, et qui, cause de cette facilit quils ont, croyant biensouvent avoir dcouvert la vrit, ils se heurtent opinitrement leur sens,quoique ce quils simaginent ne soit quune fantaisie vaine, absurde, et tout

    fait loigns de la raison ; parce quelle na aucune conformit avec les Principes

    naturels. Cela vient de ce que ces Gens-l, ayant la tte remplie dimaginationset de vapeurs, sont incapables de recevoir les impressions et les vritablesnotions des choses naturelles. Il y en a aussi qui nont pas lesprit ferme niarrt, qui passent facilement dune opinion et dun dessein un autre ; qui

    croient parfois une chose comme certaine, et qui sy attachent sans nulle raison ;

    puis ils changent aussitt de sentiment et de volont, avec aussi peu defondement. Et comme ils ont lesprit volage, ils entreprennent plusieursouvrages quils ne font seulement qubaucher, sans en achever jamais aucun.

    Il y en a dautres, stupides comme des Btes, qui ne sauraient comprendre

    aucune vrit en ce qui concerne les choses naturelles ; comme sont les Fous, lesImbciles et les Enfants. Dautres ont simplement du mpris pour notre

    Science, ne pouvant croire quelle soit Possible ; et ceux-l, la Science lesmprise tout de mme, et elle les loigne delle, comme indignes darriver

    jamais laccomplissement dune uvre si prcieuse Enfin il y en a qui sont

    Avares et Esclaves de leur argent. Ceux-l voudraient bien trouver notre Art,ils sont persuads quil est vritable, et ils le cherchent mme par raisonnement

    ; mais ils craignent la dpense, et leur avarice est cause quils ne font rien. Tousces Gens-l ne sauront jamais notre uvre. Car comment ceux qui lignorent,ou qui ne se soucient pas de la chercher, pourraient-ils en avoir la connaissance?

    CHAPITRE VI

    Des Empchements extrieurs.

    prs avoir parl dans les deux chapitres prcdents de tous lesObstacles Subvenant des deux parties essentielles de 1homme, qui

    peuvent lempcher de russir en cette uvre, il nous reste dire un

    mot des Empchements qui, lui survenant de dehors, peuvent tout de mmerendre son dessein inutile. Il y a des Gens spirituels et adroits, qui ne sont pas

    mme ignorants dans les Ouvrages de la nature, qui la suivent et limitent en

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    ses principes, et en toutes ses Oprations, autant quon le peut faire ; et quioutre cela, ont limagination assez forte pour pntrer dans toutes les choses qui

    se font rgulirement ici-bas par les actions de la Nature. Et cependant ces

    Gens-l, avec toutes ces lumires et tous ces avantages, sont contraintsdabandonner le Magistre, tout admirable quil est, et ils ne sauraient y

    travailler, pour tre dans la dernire ncessit, et ne pouvoir faire la moindredpense. Il sen trouve dautres qui ont de la curiosit pour cette Science ; mais

    soit parce quils sont ou embarrasss dans les vanits du monde, ou occupsdans ls grands emplois, ou accabls de soins ; soit parce quils se donnent

    entirement aux affaires de la vie, notre Science les fuit et sloigne deux. Voil

    tous les Obstacles qui empchent les Hommes de russir dans notre Art.

    CHAPITRE VII

    Conclusion de cette premire Partie. Quel doit tre lartiste.

    n voit par les choses que nous venons de dire, que celui qui se veutappliquer notre uvre doit avoir plusieurs qualits. Premirement,

    il doit tre savant et consomm dans la Philosophie naturelle. Carquoiquil ft riche, quil et bien de lesprit et beaucoup dinclination pour

    notre Art, il ne le saura jamais, nayant pas tudi ni appris la Philosophie

    naturelle : parce que cette Science lui donnera des lumires et des ouverturesque son esprit, quelque vif quil soit, ne lui saurait suggrer. Et ainsi ltude

    rparera le dfaut de lintelligence naturelle. En second lieu, il faut que lArtiste

    ait naturellement un esprit vif, pntrant et industrieux, parce que quand ilpossderait toutes les Sciences, si naturellement il na de lindustrie et de

    ladresse, il ne sera jamais Philosophe. Car venant faillir dans son travail, il y

    remdiera sur lheure par son industrie ; ce quil ne ferait pas, si, pour corrigersa faute, il navait nulle autre aide que sa Science toute seule. Comme par la

    Science, quil aura acquise, il lui sera pareillement facile dviter beaucoup de

    fautes, o il pourrait tomber sans elle, et sil navait que sa seule industrie pourlen garantir. Parce que lArt et lEsprit sentraident mutuellement, et supplent

    au dfaut lun de lautre. Il est encore ncessaire que notre Artiste soit ferme etrsolu dans ce quil aura entrepris, et quil ne samuse pas changerincessamment, en faisant tantt un essai et tantt un autre. Etant trs certainque notre Art ne consiste point en la pluralit des choses. Et ce nest point

    assurment en cela que gt sa perfection. Car il ny a quune seule Pierre,

    quune seuleMdecine, et quune seule Cuisson : Et cest en cela uniquementque consiste tout notre Magistre, auquel nous najoutons aucune chose

    trangre, et nous nen diminuons rien aussi, si ce nest que dans la prparation

    que nous lui donnons, nous en tons ce qui est dinutile et de superflu.

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    Une des choses qui est encore fort ncessaire lArtiste, cest quil doit

    sattacher soigneusement son travail, jusqu ce quil lait entirement achev ;

    et il ne doit point labandonner moiti fait, autrement son Ouvrage, ainsi

    imparfait, au lieu de lui donner du profit et de linstruction, ne lui causerait quedu dommage et du dsespoir.

    Il est encore ncessaire quun Artiste connaisse les Principes et les Racines

    principales, et qui sont de lessence de notre uvre. Car celui qui ne saura paro il faut le commencer, nen trouvera jamais la fin. Cest pourquoi je te

    parlerai bien au long de tous ces Principes en ce Livre, et ce que jen dirai sera

    assez clair et intelligible aux Sages et aux Aviss, et suffira pour leur donnerlintelligible de notre Art.

    Il faut, de plus, que lArtiste soit modr, et quil ne soit pas sujet semporter,de peur que venant se dpiter, il ne gtt, dans son emportement, louvrage

    quil aurait commenc.

    Il ne lui est pas moins ncessaire de conserver et dpargner son argent, quil nedoit pas dissiper en de folles dpenses, et mal propos, sur la vaine confiancedu succs de son Ouvrage, de crainte que sil ne russisse pas il ne tombt dans

    la ncessit et dans le dsespoir ; ou que peut-tre, lorsque par son industrie etpar son raisonnement il approcherait de la vrit, et quil laurait presque

    dcouverte, il nait pas de quoi la mettre en excution, pour stre

    inconsidrment puis. Il en est de mme de ceux qui ne sachant rien,lorsquils commencent de sappliquer cet Art, font des dpenses excessives et

    se ruinent en mille choses inutiles. Car sils viennent ensuite dcouvrir la

    vrit, et la vritable voie quil faut tenir, ils nont pas de quoi pouvoir

    travailler. Ce qui les afflige en deux manires ; et parce quils ont inutilementdpens leur argent, et quils ont perdu le moyen dacqurir facilement et

    bientt une Science si admirable. Cette Science nest donc pas pour les Pauvres

    ni pour les Misrables ; au contraire elle est leur Ennemie, et leur estentirement oppose.

    Mais je tavertis quil nest point ncessaire que tu dpenses ton bien cette

    recherche Car je tassure que si tu sais une fois les Principes de cet Art, et que tu

    comprennes bien ce que je tenseignerai, tu parviendras lentire perfection deluvre sans quil ten cote gure, et sans que tu sois oblig faire aucune

    dpense considrable en tout ton travail. Aprs cela, si tu perds ton argent pouravoir mpris de suivre les avis et les enseignements que je te donne dans ceLivre, tu auras tort de me maudire et de ten prendre moi, de ce que tu devras

    nimputer qu ton ignorance et ta sotte prsomption.

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    Voici un autre avis fort important que jai encore te donner. Ne tamuse pointaux Sophistications quon peut faire en cet Art ; mais applique-toi uniquement la seule perfection. Car notre Art ne dpend que de Dieu seul, qui le donne et

    qui lte qui lui plat. Et comme il est tout puissant et infiniment adorable, etjuste autant que misricordieux, il te punirait infailliblement des tromperies quetu ferais par tes Ouvrages sophistiques. Et non seulement il ne permettrait pasque tu eusses la connaissance de notre Art, mais il taveuglerait et te ferait

    tomber de plus dans lerreur, et de lerreur il te plongerait dans la misre etdans le malheur, do tu ne sortirais jamais. Et certes il nest rien de si

    misrable et de si malheureux quun Homme qui Dieu refuse la grce de

    pouvoir connatre et de voir la vrit, et de savoir sil a bien ou mal fait, aprsavoir longtemps travaill, et avoir pouss son Ouvrage jusqu la fin parce quil

    demeure toujours dans lerreur. Et quoiquil travaille incessamment, il ne sort jamais de la misre et du malheur o il est ; et perdant ainsi la plus grandeconsolation et la plus grande joie quon puisse avoir en ce Monde, il passe toute

    sa vie dans la pauvret et dans laffliction, sans avoir de quoi se survenir ni se

    pouvoir consoler.

    Au reste, lorsque tu travailleras, prend bien garde tous les signes quiparaissent en chaque Opration ou Cuisson ; retiens les soigneusement en tammoire, et tche den dcouvrir la Cause, en tudiant attentivement les Livres

    de cette Science.

    Ce sont l les qualits ncessaires un vritable Artiste. Que sil lui en manquequelquune, je lui conseille de ne se point appliquer notre Art.

    Fin de la premire partie.

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    SECONDE PARTIE DU PREMIER LIVRE

    O sont rapportes et rfutes les Raisons de ceux qui nient lArt de Chimie.

    CHAPITRE VIII

    Division de ce qui sera contenu en cette seconde Partie.

    yant trait dans la premire Partie de ce Livre de ce qui peut empcherde russir en notre Art ; et ayant suffisamment parl des qualits quedoit avoir celui qui sy veut appliquer, suivant lordre que nous nous

    sommes proposs, il faut maintenant examiner ce que les Sophistes et lesIgnorants ont dire contre la possibilit de notre Science. Voyons donc

    premirement quelles sont leurs raisons, et nous les rfuterons ensuite, faisantvoir clairement aux Personnes intelligentes quelles nont rien de solide ni devritable.

    CHAPITRE IX

    Raisons de ceux qui nient simplement lart.

    Il y a de deux sortes de Gens qui nient notre Art, et qui tchent de le dtruire.Les uns le nient absolument, et les autres ne le nient que sur diversessuppositions quils font. Voici comment raisonnent les premiers.

    1. Toutes les choses, disent-ils, sont distingues en plusieurs Espcesdiffrentes. Et cela vient de ce que dans la composition des Mixtes les Elmentsne sont pas mls ni unis en mme proportion en tous. Ainsi, ce qui fait quunCheval est dune espce diffrente que celle dun homme, cest que la

    proportion des Elments est toute autre dans la composition dun Cheval que

    dans celle dun Homme. Il en est gnralement de mme des autres diffrencesqui se remarquent en toutes choses, et il en est par consquent de mme dansles Minraux. Car le mlange et la proportion des Elments dans les Mixtes est

    ce qui leur donne la forme et la perfection ; et par ains i cest ce qui en fait ladiffrence davec les autres choses. Or il est certain que cette proportion nousest entirement inconnue. Comment donc pouvoir former un Mixte, et en fairele mlange et la composition ? Que sil est vrai, comme il lest en effet, que nousignorions quelle est la vritable proportion des Elments dans lOr et dans

    lArgent, il sensuit ncessairement de l que nous ne saurons jamais comment

    il les faut former. Et partant, concluent-ils, lArt que vous dites, qui fait lOr etlArgent, est inutile et impossible.

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    2. Dailleurs, quand on connatrait mme exactement la vritable proportion des

    Elments, et combien il entre de chacun deux dans la Composition de lOr et de

    lArgent, on ne saurait pas pour cela la manire de bien mler et unir ces mmes

    Elments ensemble pour en faire ces deux Mtaux ; parce que la Nature ne lesformant que dans les Mines, qui sont caches dans le profond de la Terre, on nela voit point travailler Ne sachant donc de quelle manire se fait le mlange desElments, dans la composition de lOr et de lArgent, il est certain, par

    consquent, quon ne les saurait faire.

    3. Mais suppos quon st au juste, et la proportion des Elments, et la manire

    de les mler, il ne sensuivrait pas quen faisant leur mlange, on pt bienproportionner la chaleur, qui est lAgent par le moyen duquel le Mixte se fait tel

    quil est, et est rendu parfait. Car pour former les Mtaux, la Nature se sert

    pour chacun deux dun certain degr de chaleur qui nous est inconnu. Commenous ne connaissons point non plus toutes les autres diffrentes Causesefficientes, sans le concours desquelles la Nature ne saurait produire ni acheverses Ouvrages. Et partant, puisque toutes ces choses nous sont inconnues, ilsensuit videmment que nous devons aussi ignorer la manire de faire leMagistre.

    4. Outre ces raisons quils allguent, ils se servent encore de lexprience. Car

    ils disent premirement que depuis plus de mille ans en a, on sait que

    plusieurs Personnes fort sages se sont appliques la recherche de cette Science; de sorte que si on let pu faire par quelque manire que ce ft, il est sansdoute que depuis un si longtemps, elle devrait avoir t faite plus de mille fois ;cependant on nen a jamais ou parler. Ils disent secondement quil y a

    plusieurs Princes et plusieurs Rois qui ne manquaient ni de richesses nidHommes fort savants et forts clairs, lesquels ont souhait passionnment de

    trouver cet Art, qui ne lont pourtant jamais trouv, quelque tude et quelque dpense quils aient faite pour cela. Ce qui est une preuve convaincante que ce

    nest quune pure imagination.

    5. De plus, les Philosophes qui ont fait semblant denseigner cette Science dansleurs Livres ne lont pourtant point enseigne, et on ny a jamais pu dcouvrircette vrit. Ce qui fait voir videmment que cette Science nest rien du tout.

    6. Voici une autre de leurs raisons. Nous ne saurions imiter la Nature dans lesCompositions les plus faibles et les plus aises dtruire. Par exemple, nous nesaurions faire un Cheval, ni quelque autre Mixte semblable, quoiquils soient

    dune Composition trs faible, et qui est presque sensible. Donc plus forte

    raison nous en saurions faire la mixtion des deux Mtaux, laquelle est trs forte; comme il se voit par la grande difficult quil y a de les rsoudre, et de lesrduire en leurs propres Elments et en leurs premiers Principes. Outre que

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    nous ne saurions mme connatre leur mixtion, ni par nos sens, ni par aucunepreuve.

    7. On ne voit point, disent-ils, quune Espce se change en une autre, ni quellepuisse y tre rduite par aucun artifice. Par exemple, que dun Buf il sen fasseune Chvre. Comment donc pouvoir changer les uns en les autres les Mtauxqui sont de diffrente espce entre eux, et du Plomb en faire de lArgent ? Cestune chose qui parat ridicule et qui est tout fait loigne de la vrit, fondesur les Principes mme de la Nature.

    8. Ils disent de plus : Il est certain que la Nature emploie mille ans purifier lesMtaux imparfaits, et leur donner la perfection de lOr. Comment donc unHomme, qui pour lordinaire ne vit pas cent ans, pourra-t-il vivre assez de

    temps pour transmuer en Or les Mtaux, imparfaits, puisquil lui faudrait milleans pour le faire ? Que si on voulait dire que les Philosophes achvent en peude temps, par leur Art, ce que la Nature ne fait quen un grand nombre

    dannes, parce quen beaucoup de choses lArt supple au manquement de la

    Nature. Ils rpondent que cela ne se peut point faire, surtout dans les Mtaux ;parce que les Mtaux ntant faits que de vapeurs trs subtiles, et par ainsi

    nayant besoin, pour leur cuisson, que dune chaleur tempre, qui paississe

    galement en eux-mmes leur humidit particulire, afin quelle ne senfuie ni ne les quitte point, par quelque chaleur que ce soit, et quils ne demeurent pas

    privs de cette humidit, qui nest autre chose que le Mercure *, qui leur donnela mallabilit et lextension, il est certain que si par artifice on veut abrger le

    temps que la Nature met faire la cuisson des Minraux, et des Corpsmtalliques, cela ne se pourra faire quen se servant dune chaleur plus forte

    que celle dont la Nature se sert. Et ainsi cette chaleur excessive, au lieudpaissir galement le Mercure, qui est lhumidit mtallique, elle le dissoudra

    et le dissipera en le faisant sortir de la composition. Car cest une Maxime

    assure, quil ny a que la chaleur douce et modre qui puisse paissir

    lhumidit (Mercurielle) et lui faire prendre Corps, ni qui en fasse une parfaitemixtion ; et que la chaleur trop violente la dtruit.

    9. Ils font encore une autre objection. LEtre et la perfection des choses vient,

    disent-ils, des Astres, comme tant les premires Causes qui, dans les Corpssublunaires, influent la Forme et la perfection, et qui impriment dans la Matirele mouvement qui tend la gnration et la production, pour produire oupour dtruire (les Individus) des Espces. Or cela se fait tout coup et dans uninstant, (lorsquun seul ou plusieurs Astres, par leur mouvement rgulier, sontarrivs dans le Firmament un certain point fixe let dtermin, duquel vientlEtre ou la forme et la perfection.) Car toutes les choses dici-bas reoivent

    dans un moment leur Forme et leur Etre dune certaine position des Astres. Et

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    comme il y a plusieurs de ces positions, et non pas une seule, et qui toutes sontdiffrentes les unes des autres, de mme que leurs Effets sont aussi diffrentsentre eux, il nest pas possible que lon puisse remarquer ni distinguer

    exactement une telle diversit, et une si grande diffrence de positions ; parcequy en ayant une infinit, elles nous sont inconnues. Quelle apparence donc

    quun Philosophe supple et rpare en son uvre le dfaut qui y arrivera, pour

    ne pas connatre la diffrence des diverses positions o les Astres se trouventsuccessivement par leur mouvement continuel Mais supposons quun

    Philosophe connaisse mme certainement quelle est la vritable position dune

    ou de plusieurs Etoiles qui donne la perfection aux mtaux ; il ne fera pasencore pour cela ce quil prtend. Car lartifice ne saurait en un instant prparer

    ni disposer quelque Matire que ce puisse tre recevoir une forme. Parce que

    la disposition, que lon donne la Matire, est un mouvement qui ne se peutfaire que successivement et peu peu. Et partant, les Astres influant la Formeen un instant, et lArtiste ne pouvant en un instant disposer la Matire la

    recevoir, il est certain que la Matire, sur laquelle on prtend introduire laForme de lOr, ne la recevra jamais.

    10. Enfin, nous voyons, disent-ils, que rgulirement dans les choses naturelles,il est bien plus facile de dtruire une chose que de la faire. Or il est constant quecest une chose trs difficile que de dtruire lOr : Comment donc prtendre dele faire ?

    Cest par ces raisons, et par quelques autres, qui nont pas plus dapparence,

    que ceux qui nient simplement notre Art, prtendent en faire voirlimpossibilit. Mais toutes ces raisons ne sont que des Sophismes, que jerfuterai aprs avoir premirement tabli la vraie intention pourlaccomplissement de notre uvre. Aprs quoi je rapporterai et rfuterai aussi

    les raisons de ceux qui nient cet Art sous quelques conditions.

    CHAPITRE X

    Que lArt ne doit et ne peut pas mme imiter exactement la Nature en toute ltenduede ses diffrentes actions ; o il est parl des Principes des Mtaux.

    vant de rpondre toutes ces questions, il faut remarquer les Principesqui servent de Matire et de fondement la Nature pour former lesMtaux, et qui selon quelques Philosophes sont le Soufre et lArgent-

    Vif, ont une composition et une union trs forte et resserre par ensemble. Et del vient quil est fort difficile de dissoudre et de dfinir ces Principes. Parce que

    ces deux Matires tant mles, elles ne spaississent et ne sendurcissentensemble autant quil est ncessaire pour tre rendues mallables, (cest--dire

    pour pouvoir tre tendues sous le marteau) sans se casser sans se dsunir, qu

    A

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    cause que leur mlange et leur digestion ne se faisant dans les Mines que peu peu, que successivement et durant un long temps, par une chaleur fort douce etfort modr qui les paissit ; il ne se perd et ne sexhale rien de leur humidit

    visqueuse.

    Mais il faut tenir pour une Maxime gnrale et assure : Premirement, quenulle Matire humide ne peut spaissir quauparavant ses plus subtiles parties

    ne svaporent et que les plus grossires ne demeurent, si dans la Composition

    il y a plus dHumide que de Sec. Secondement, que le vritable et lexact

    mlange du Sec et de lHumide consiste en ce que lHumide soit tempr par le

    Sec, et le Sec par lHumide ; et que des deux il se fasse une seule Substance,

    laquelle soit homogne en toutes ses parties, qui soit tempre entre le dur et lemou, et qui puisse stendre sous le marteau. Ce qui narrive que par le

    mlange, qui se fait durant un long temps, de lHumide gluant et visqueux, et

    dune Terre trs subtile, qui se mlent ensemble exactement par leurs moindres

    parties, jusqu ce que lHumide soit la mme chose que le Sec, et le Sec le

    mme que lHumide. Or cette Substance subtile, que nous avons dit qui devait

    sexhaler de lHumide ne se rsout et ne svapore pas tout coup ; mais cela se

    fait lentement et peu peu, et en plusieurs milliers dannes ; parce que laSubstance des Principes dont la Nature se sert est homogne et toute uniforme ;cest--dire entirement semblable. Si donc cette Substance subtile sexhalaitsoudainement, comme lHumide nest pas une chose diffrente du Sec

    (puisqu cause de leur mlange si exact, ils ne sont tous deux quune mmechose) il est sans doute que lHumide ne pourrait sexhaler quavec le Sec : et

    par ainsi tout sen irait en fume ; et dans la rsolution qui se ferait de

    lHumide, il ne pourrait point tre dtach ni spar du Sec, tant si fortementunis lun avec lautre. Nous en avons une exprience convaincante dans la

    Sublimation des Esprits. Car ces Esprits venant se rsoudre soudainement parla Sublimation, (cest--dire une partie de ces Esprits, qui slvent dans leVaisseau, se dtachant de lautre qui demeure au fond) lHumide nest point

    spar du Sec, ni le Sec de lHumide, en sorte quils soient diviss entirement

    dans les parties dont ils sont faits, cest--dire spars dans leurs premiersPrincipes ; mais leur Substance monte toute entire, ou sil se fait quelquedissolution de leurs parties, ce nest que bien peu. Il est donc vrai que ce qui

    fait paissir les Mtaux, (ou leur Matire), cest lvaporation qui se faitsuccessivement et galement de lHumide subtil et vaporeux. Or nous ne

    pouvons point faire cet paississement de la manire que la Nature le fait ; etpar consquent nous ne saurions imiter la Nature en cela. Aussi il ne nous estpas possible de limiter en toutes les diffrences de ses proprits : comme nouslavons dit dans lavant-propos de ce Livre. Nous ne prtendons donc pasimiter la Nature lgard de ses Principes, ni dans la proportion quelle garde

    lorsquelle mle les Elments, ni dans la manire dont elle les mle les uns avec

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    les autres, ni dans lgalit de la chaleur par laquelle elle paissit et corporifie

    les Mtaux, dautant que ce sont des choses qui toutes nous sont impossibles, et

    qui nous sont absolument inconnues. Cela tant prsuppos, nous allons

    maintenant rfuter les raisons de ceux qui, par leur ignorance, nient un Art siexcellent.

    CHAPITRE XI

    Rfutation des Raisons de ceux qui nient lArt absolument.

    Quand ils disent donc que nous ignorons la proportion des Elments, que nousne savons pas de quelle manire ils sont mls, que nous ne connaissons pointau juste le degr de la chaleur qui paissit et corporifie les Mtaux, et que

    plusieurs autres causes, aussi bien que les accidents que la Nature produit parses actions, nous sont inconnues : nous en demeurons daccord. Mais il nesensuit pas pour cela que notre Science soit impossible. Car si nous ne

    pouvons pas savoir toutes ces choses, nous ne nous soucions pas aussi de lessavoir ; puisque la connaissance que nous en aurions ne pourrait de rien servir notre uvre : et que pour la faire, nous nous servons dun autre Principe et

    dune autre manire de produire les Mtaux ; en quoi nous pouvons imiter la

    Nature.

    A ce quils nous objectent que les Philosophes et les Rois ont recherch cette

    Science inutilement, je rponds en un mot que cela nest point vrai ; parce quilest certain quil y a eu des Rois (quoique fort peu), surtout parmi les Anciens,

    qui lont sue, et que de notre temps, mme, sil y a des Personnes sages qui lont

    trouve par leur seule industrie. Mais ils nont point voulu la rvler ni de vive

    voix, ni par crit ces sortes de Gens, comme en tant indignes. De sorte queces Gens-l, nayant jamais connu personne qui la st, se sont imaginsfaussement que personne ne la jamais sue.

    Pour ce qui est de ce quils disent avec aussi peu de raison que, ne pouvant

    imiter la Nature dans les plus faibles mixtions quelle fait des Elments, comme

    dans la composition dun Ane et dun Buf, il sensuit que nous pouvonsencore moins limiter dans les mixtions qui sont plus fortes (telles que sont

    celles de Mtaux), il est ais de leur faire voir quils se trompent lourdement en

    plusieurs choses : Car premirement leur raisonnement ntant fond que surune comparaison quils font, ou sur une consquence quils tirent du plus au

    moins. Cette consquence nest pas de ncessit, mais de contingence ; cest--dire que cela ne conclut pas ncessairement ; mais il prouve seulement que celapeut tre, comme il peut tre en plusieurs occurrences. Et ainsi ce nest pas uneconviction qui puisse nous forcer avouer limpossibilit de notre Art.

    Secondement, il y a un autre moyen de leur faire connatre leur erreur, en ce

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    quils ne font point voir quil y ait aucune ressemblance, pas mme apparente,entre la composition faible des Animaux et la mixtion forte et serre desMinraux. Et la raison en est parce que ce qui donne la perfection aux Animaux

    et aux Vgtaux, qui ont une Composition faible, ce nest pas la proportion (desElments), ni la Matire qui est mle avec proportion, ni les qualits de cetteMatire dont la mixtion est faite, ni la mixtion mme qui est leffet de laction et

    de la passion de ses qualits, et qui nest que lunion et lassemblag e despremires qualits. Ce nest, dis-je, nulle de ces choses qui donne la perfectionaux Animaux et aux Vgtaux : mais, selon lopinion de plusieurs, cest lAme

    sensitive et vgtative, laquelle vient des secrets de la Nature ; cest --dire, oude la Quintessence, ou du premier Agent. Ce que nous avanons sur lesentiment de plusieurs, parce que cest une chose que nous avouons qui nous

    est cache et inconnue. Cest pourquoi encore que la composition des Animauxet des Vgtaux soit faible, nous ne saurions pourtant ni les faire, ni leur donnerla perfection ; parce que nous ne saurions leur donner lAme, qui est ce qui les

    rend parfaits. Do il est vident que si nous ne pouvons donner, la perfection

    un Buf, o une Chvre, le dfaut nen vient pas de ce que nous nen saurions

    faire la mixtion, mais de la part de lAme, que nous ne saurions leur donner.

    Car pour ce qui est de faire une Composition moins forte, ou plus forte, commeden faire une moins faible, ou une plus faible, nous en viendrons aisment bout par notre artifice, en imitant la voie et le cours de la Nature. Nest donc

    pas vrai ce quils disent, quil y a plus de perfection dans les Mtaux que dans

    les choses vivantes ; puisquau contraire il y en a moins, cause que la

    perfection des Mtaux consiste plus dans la proportion et dans la compositiondes Elments quen autre chose : cest--dire que dans lAme, qui donne la vie.Et partant, comme les Mtaux ont moins de perfection que les Animaux et lesVgtaux, il nous est aussi plus facile de les parfaire queux. Cest ainsi queDieu diversifie les perfections de ses Cratures. Car dans celles dont laComposition naturelle est faible, il a mis une plus noble et une plus grandeperfection, par le moyen de lAme quil leur a donne. Et celles dont il a fait laComposition plus forte et plus ferme (comme sont les Pierres et les Minraux),il leur a donn une perfection beaucoup moindre et moins noble, parce quellene consiste que dans la seule manire de leur mixtion. La comparaison quilsfont nest donc pas juste ni bonne ; car la composition dun Buf et dune

    Chvre nest pas ce qui nous empche de former un Buf et une Chvre ; mais

    cest la Forme (ou lAme) qui donne la perfection ce Buf et cette Chvre,

    laquelle est plus excellente et plus inconnue que nest la Forme qui donne laperfection au Mtal.

    Ils ne sont pas plus vritables lorsquils disent quune Espce ne se change point

    en une autre Espce. Car une Espce se change en une autre lorsquun Individu

    dune Espce se change dans lIndividu dun autre. Car nous voyons quun Ver

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    GEBER LA SOMME DE LA PERFECTION 16

    se change naturellement, et mme par artifice, en une Mouche, laquelle estdune Espce diffrente du Ver. Dun Taureau, quon suffoque, il en nat des

    Mouches miel. Le Bl dgnre en Ivraie, et dun Chien mort il se forme des

    Vers, par la fermentation de la putrfaction. Il est vrai que ce nest pas nous quiles faisons ; mais cest la Nature, laquelle nous fournissons les choses

    ncessaires pour agir. Il en est la mme chose de la Transmutation des Mtaux.Ce nest pas nous qui les transmuons, cest la Nature, laquelle, par notre

    artifice, nous prparons la Matire et lui disposons les voies ; parce que delle-mme elle agit toujours immanquablement, et nous ne sommes que sesMinistres dans les Oprations que nous lui faisons faire par notre Art.

    Ils prtendent fortifier ce raisonnement par cet autre, qui nest pas moins

    imaginaire, en disant que la Nature emploie mille ans former et parfaire lesMtaux, qui est un terme auquel la vie dun Homme ne saurait atteindre. Aquoi je rponds que selon lopinion des anciens Philosophes, il est vrai que la

    Nature, agissant sur ces Principes, y met ce temps l. Mais soit que la Naturefasse la perfection des Mtaux en mille ans, ou en plus de temps, ou en moins,ou mme dans un moment, cela ne fait rien contre nous ; parce que nous nepouvons point imiter la Nature en ses Principes ; ainsi que nous lavons dj

    prouv, et comme nous le ferons encore voir plus amplement dans la suite. Il yen a pourtant, et qui sont mme sages et bien clairs, qui soutiennent que laNature fait bientt son Opration ; cest--dire en un jour, et mme en moins de

    temps. Mais quand cela serait vrai, il ne nous serait pas moins impossibledimiter la Nature, en la mixtion de ces Principes, comme nous lavons

    suffisamment prouv. Le surplus de leur raisonnement tant vritable, je ne leveux point aussi contester.

    A ce quils disent que la production et la perfection des Mtaux vient de la

    position dune ou de plusieurs Etoiles, que nous ignorons, je rponds que nousne nous mettons point en peine de la position ni du mouvement des Astres, etque cette connaissance ne nous servirait de rien en notre Art, et par consquentelle nest point ncessaire. Car il ny a point dEspce de choses sujettes la

    gnration et la corruption, dont il ny en ait tous les jours de particulires, qui

    soient produites, et dautres qui ne soient dtruites ou corrompues. Ce qui fait

    voir videmment que la position des Astres est tous les jours trs propre, tantpour la production que pour la destruction des choses particulires, en toutesorte dEspce. Il ny a donc nulle ncessit que lArtiste observe, ni quil

    attende la position des Etoiles ; quoique nanmoins cela pt servir Mais il suffitde prparer les choses la Nature, afin quelle, qui est sage et prvoyante, les

    dispose aux positions propres, et aux aspects favorables des Corps mobiles.Car la Nature ne saurait faire son action, ni donner la perfection quoi que ce

    soit sans le mouvement et la position des Corps mobiles. Et par ainsi, si vous

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    prparez comme il faut votre artifice la Nature, et que vous preniez bien gardeque tout ce qui doit se faire dans le Magistre soit bien dispos, il est sans doutequil recevra sa perfection par la Nature, sous une position qui lui sera

    convenable, sans quil soit ncessaire que vous observiez cette position.

    Aussi quand on voit un Ver se former dun Chien, ou dun autre Animal pourri,

    nous navons que faire dobserver immdiatement la position des Etoiles pour

    connatre comment ce Ver a t produit. mais il suffit seulement de remarquerles qualits de lair o est cet Animal qui pourrit, et les autres Causes qui en

    sont la pourriture, sans le concours de la position des Astres. Et cela seul nousapprend tout ce quil faut faire pour produire des Vers limitation de la

    Nature. Parce que la Nature trouve delle-mme la position des Astres qui estncessaire pour cela, encore quelle nous soit inconnue.

    Pour lautre Objection quils font, en disant que la perfection sacquiert en uninstant,, et cependant que notre prparation ne se pouvant pas faire en uninstant, il sensuit ncessairement de l, que le Grand uvre ne saurait tre

    parfaite par lartifice, et par consquent que lArt de Chimie nest rien du tout.

    Je rponds quils ne sont pas raisonnables, et que cest parler en Btes et non pas

    en Hommes. Car les propositions do ils tirent cette consquence nont nulle

    liaison avec elle. Ainsi leur raisonnement est comme qui dirait : Un Ane court,donc tu es une Chvre. Et la raison en est, quencore que la prparation ne

    puisse se faire en un instant, cela nempche pas toutefois que la Forme ou laperfection narrive en un instant la chose qui est prpare pour la recevoir.Car la prparation nest pas la perfection ; mais cest une habilit ou une

    disposition recevoir la Forme.

    Enfin, ils allguent pour dernire raison quil est plus facile lArt de dtruire

    les choses naturelles que de les faire : ainsi, comme ils soutiennent que nous nepouvons dtruire lOr, ils concluent quil nous est encore moins possible de le

    faire. A quoi je rponds que leur raisonnement ne conclut pas ncessairementpour nous forcer croire que lon ne puisse pas faire lOr par artifices Car il est

    vrai que comme il est difficile de le dtruire, il est encore plus difficile de le faire: Mais il ne sensuit pas de l quil soit impossible. Et la difficult quil y a

    dtruire lOr vient de ce que ses parties ayant une forte union entre elles, il estvident que sa dissolution doit tre difficile faire. Et par ainsi il est malais dedissoudre lOr. Et lerreur o ils sont de croire quil soit impossible de faire lOr

    ne provient que de ce quils ne savent pas lartifice de le dissoudre, suivant la

    manire dagir ordinaire de la Nature. Ils auront bien pu connatre, par divers

    essais quils auront fait pour dtruire lOr, que la Composition de lOr tait trs

    forte ; mais ils nont pas reconnu jusquo pouvait aller cette force, et ce qui la

    pouvait vaincre, et en faire la dissolution.

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    Jai ce me semble rpondu suffisamment aux raisons imaginaires des Sophistes :

    Il reste maintenant, mon Fils, satisfaire ce que je vous ai promis, qui estdexaminer les raisons quont ceux qui nient notre Art de certaines conditions,

    et selon quelques suppositions quils font. Ensuite nous traiterons des Principesdont la Nature se sert la Composition des Mtaux, lesquels nous examineronsencore plus fond dans la suite ; aprs quoi nous parlerons des Principes denotre Magistre, et nous traiterons premirement de chacun de ses Principes enparticulier, nous rservant den faire un Discours gnral dans le Livre suivant.

    Commenons par mettre les raisons des premiers, et par les rfuter.

    CHAPITRE XII.

    Diffrents Sentiments de ceux qui supposent lArt vritable.

    eux qui supposent que cet Art est vritable ne sont pas tous de mmesentiment. Ce qui fait quil se trouve diffrentes opinions touchant la

    vritable Matire pour faire luvre. Car les uns soutiennent quil fautla prendre dans les Esprits. Dautres assurent que cest dans les Corps, ou

    Mtaux, quelle se trouve : Dautres dans les Sels et Aluns, les Nitres et les

    Borax. Et dautres enfin, disent que cest dans toutes les choses vgtables quil

    faut la chercher. De tous ces Gens-l, il y en a qui disent vrai en partie, mais quise trompent aussi en partie ; et il y en a dautres qui se trompent en tout, et qui

    trompent tous ceux qui lisent leurs Livres, et qui suivent leur Doctrine. Une sigrande diversit dopinions fausses ma bien donn de la peine et ma fait faire

    bien de la dpense. Et ce na t que par une longue conjecture, et aprs

    plusieurs expriences bien pnibles et bien ennuyeuses, que jai dvelopp lavrit parmi tant de faussets. Je puis dire mme que de fausses opinions mont

    souvent dtourn du bon chemin o jtais, parce quelles taient opposes

    mon raisonnement, et quelles mont souvent jet dans le dsespoir. Que tous

    ces Fourbes soient donc maudits jamais, puisque par leur fausse Doctrine ilsnont laiss toute la Postrit que des sujets de leur donner des maldictions,

    et quau lieu denseigner la vrit, ils nont laiss dans leurs Ecrits que des

    erreurs et des mensonges diaboliques pour abuser tous ceux qui sappliquent la Philosophie. Et que je sois maudit moi-mme si je ne corrige leurs erreurs, etsi en traitant de cette Science, je ne dis et je nenseigne entirement la vrit,

    autant quon le peut faire dans une chose si admirable. Car on ne doit pastraiter notre Magistre en des termes qui soient tout fait obscurs ; ni on ne doitpas aussi lexpliquer si clairement quil soit intelligible tous. Je lenseignerai

    donc de telle manire quil ne sera nullement cach aux Sages, quoiquil soit

    pourtant bien obscur aux Esprits mdiocres ; mais pour les Stupides et les Fous,je dclare quils ny pourront jamais rien comprendre.

    C

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    GEBER LA SOMME DE LA PERFECTION 19

    Revenons notre propos. Ceux qui ont cru que la Matire de notre uvre se

    devait prendre dans les Esprits sont diffrents entre eux. Car les uns ont dit quectait dans largent-vif, les autres dans le Soufre, et dautres dans larsenic, qui

    a grande affinit avec ce dernier. Quelques uns ont soutenu que ctait dans lesMarcassites, dautres dans la tutie, dautres dans la Magnsie, et dautres enfindans le Sel Ammoniac. Il ny a pas moins de diversit entre ceux qui ont cru que

    ctait dans les Corps ou Mtaux quon trouvait cette Matire ; parce quil y en a

    qui ont dit que ctait Saturne, dautre Jupiter, et dautres enfin, quelquun desautres Corps. Il y en a encore dautres qui assurent quil faut la chercher dans le

    Verre ; dautres dans les Pierres prcieuses ; dautres dans les Sels, dans les

    diffrentes sortes dAluns, de Nitres et de Borax. Il y en a dautres enfin, qui

    croient que lArt se fait indiffremment de toutes sortes de Vgtaux ; de sorte

    que dans les diffrentes suppositions quils font, ils sont tous opposs les unsaux autres, et ceux qui ne croient nulle de ces diffrentes opinions, ou qui encombattent quelquune, se persuadent que par ce moyen ils dtruisent

    absolument la Science. Et dire le vrai, ni les uns ni les autres ne disentpresque rien de vritable.

    CHAPITRE XIII

    Raisons de ceux qui nient que lArt soit dans le Soufre.

    eux qui ont cru que le Soufre tait notre vritable Matire, aprs avoirtravaill sur ce Minral sans connatre en quoi consiste la perfection desa prparation, ont laiss leur Ouvrage imparfait. Car ils simaginaient

    quen le nettoyant et le purifiant, il serait parfaitement prpar. Et comme cetteprparation se fait par la Sublimation, ils crurent quil ny avait qu sublimer le

    Soufre pour lui donner toute la perfection quil peut acqurir par la prparation,

    et que ctait la mme chose de lArsenic, qui est semblable au Soufre. Maisvenant faire la projection, ils ont vu que leur Soufre, ainsi prpar, au lieudaltrer les Corps mtalliques et les transmuer, comme il le devait faire, se

    brlait et sen allait tout en fume, et que non seulement il ne sattachait pas

    insparablement aux Mtaux, mais mme quil sen sparait en peu de temps,sans quil en restt rien du tout ; et que les Corps, sur lesquels ils en avaient fait

    la projection, se trouvaient plus impurs quils ne ltaient auparavant. Commeils virent donc quils staient tromps faire leur uvre, et tant nanmoins

    persuads (pour avoir longtemps pens et rumin l-dessus) que la Scienceconsistait dans le Soufre tout seul, et ne sy trouvant pas, et croyant dailleurs

    quelle ne peut se trouver en nulle autre chose, ils ont insr de l quelle tait

    impossible.

    CHAPITRE XIV

    C

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    GEBER LA SOMME DE LA PERFECTION 20

    Rfutation de ce que lon vient de dire.

    est ainsi que raisonnent ceux qui cherchent notre Science dans le

    Soufre. Mais il est ais de faire connatre en peu de mots ces Gens-lquils nentendent rien du tout dans le Magistre : et parce quilssupposent que le seul Soufre vulgaire est notre Matire, et cause quencore

    que ce quils supposent ft vrai, ils se trompent dans la manire de le prparer,croyant quil ny a autre chose faire qu le sublimer. Ressemblant en cela

    un Homme qui depuis sa naissance jusqu sa vieillesse aurait demeur

    enferm dans une maison : lequel simaginerait que tout le Monde naurait pasplus dtendue que la maison o il serait, et quil ny aurait autre chose au

    Monde que ce quil voit dans cette maison. Car ces Gens-l nont jamaistravaill sur plusieurs Matires, et ils ne se sont jamais appliqus beaucoupdoprations, ni ne se sont pas beaucoup peins faire des expriences. Ainsiils nont pu connatre do notre Matire se doit tirer et do elle ne peut pas

    tre prise. Et comme dailleurs ils nont pas beaucoup travaill, ils ne savent

    pas aussi quelle est lOpration ncessaire pour donner la perfection luvre,

    et qui sont celles qui ne la peuvent pas donner. Mais ce qui a fait que leurOuvrage est demeur imparfait, cest (quaprs leur prparation) leur Soufre est

    demeur adustible et volatil, qui est ce qui gte et corrompt les Corpsmtalliques au lieu de les perfectionner.

    CHAPITRE XVRaisons de ceux qui nient que larsenic soit la Matire de lArt, et leur Rfutation

    l y en a dautres qui tant persuads que notre Mdecine se devait

    ncessairement trouver dans le Soufre et dans larsenic, qui lui estsemblable, et considrant plus attentivement que les premiers ce qui

    empchait sa perfection, ils lont non seulement purg de sa sulphurit

    brlante en le sublimant, mais ils ont encore tch de le dpouiller de saterrestrit, ou de ses parties terrestres et grossires, nayant pu nanmoins lui

    ter la volatilit. Et ceux-l ont t tromps aussi bien que les autres, lorsquilsont voulu en venir la projection, parce que leur Mdecine ne sest pasintimement ni fortement unie aux Corps sur lesquels ils lont jete ; mais ellesest vapore peu peu, et a laiss les Corps mtalliques tels quils taient et

    sans aucun changement. Ce qui leur a fait dire, comme aux premiers, que laScience ntait rien. Nous leur faisons aussi la mme rponse que nous avonsdj faite aux premiers ; et nous assurons de plus que notre Science estvritable, par ce que nous la savons indubitablement, pour lavoir vue de nos

    yeux, et touche de nos propres mains.

    CHAPITRE XVI

    C

    I

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    GEBER LA SOMME DE LA PERFECTION 21

    Raisons de ceux qui nient que la Matire de lArt soit dans le Soufre, LArgent-vif, la

    Tutie, la Magnsie, la Marcassite, le Sel Ammoniac ; et leur Rfutation.

    l sen est trouv dautres, qui ayant pntr plus avant dans la nature duSoufre, 1on purifi, lui ont t sa volatilit et son adustion, et lont par ce

    moyen rendu fixe, terrestre et mort : de sorte qutant mis sur le feu, il ne se

    fondait pas bien, mais il se vitrifiait. Ce qui tait Cause que dans la projectionquils faisaient de cette Mdecine sur les Corps, elle ne pouvait Pas se mleravec eux, ni par consquent les altrer ni changer. Do ils tirent la mme

    consquence que les premiers (que lArt est impossible, et nous leur rpondons

    aussi comme nous avons fait aux premiers, quils ont laiss lOuvrage imparfait

    et tronqu, ne sachant pas comment il le fallait parachever ; parce quils nont

    pas su rendre leur Mdecine entrante et pntrante, qui est sa dernireperfection. Il en est de mme touchant la prparation des autres Esprits, et on yfait les mmes fautes, si ce nest que dans lArgent -vif et dans la Tutie, noussommes dlivrs du plus grand travail quil y ait faire (dans la prparation

    des autres), qui est de leur ter ladustion. Car ces deux choses-l nont pointde Soufre adustible et inflammable: mais ils ont seulement une Matire volatileet une terrestrit impure.

    A lgard des Magnsies et des Marcassites, elles ont toutes un Soufre adustible,

    et la Marcassite en a encore plus que la Magnsie. Toutes sont aussi volatiles,

    mais lArgent-vif et le Sel Ammoniac le sont davantage que la Magnsie. LeSoufre est moins volatil que lArgent-vif ni que le Sel Ammoniac ; lArsenic, quiressemble au Soufre, est moins volatil que lui, la Marcassite moins que lArsenic

    ; la Magnsie ne lest pas tant que la Marcassite, et la Tutie lest moins que laMagnsie, et que tous les autres Esprits. Toutes ces choses ont pourtant de lavolatilit, mais les unes en ont plus que les autres. Et cest cette volatilit quont

    tous les Esprits qui a fait que ceux qui ont voulu faire des expriences ettravailler dessus, se sont lourdement tromps dans les Oprations quils ont

    faites pour les prparer, et dans la projection quils ont essay den faire. Et de

    l ils ont infr limpossibilit de lArt, de mme que ceux, que nous avons dit,

    qui supposaient luvre dans le Soufre. Ainsi nous navons autre chose leur

    rpondre que ce que nous avons dj rpondu ceux-l.

    CHAPITRE XVII

    Raisons de ceux qui nient que la Matire de lArt soit dans les Esprits, conjointement

    avec les Corps quils doivent fixer.

    l y en a dautres qui, stant appliqus faire des expriences, ont tch de

    fixer les Esprits dans les Corps, sans avoir donn auparavant nulle

    prparation aux Esprits pour arrter leur volatilit : mais stant tromps

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    tout de mme, ils nen ont eu que du dplaisir et du chagrin. De manire que,

    dsesprant de russir, ils ont t forcs de mpriser la Science et de dclamercontre elle, comme la croyant fausse. Ce qui les a troubl, et qui les a jet dans

    cette incrdulit, cest que dans la fusion des Corps, laquelle ne se fait que parun feu violent, les Esprits quon Jette alors dessus, ne pouvant souffrir lardeur

    du feu cause de leur volatilit quon ne leur a point te, ne sattachent point

    fortement aux Corps, mais les quittent et svaporent, et il ny a que les Corps

    qui restent tous seuls dans le feu. Ces Gens-l se trouvent encore parfois abussdune autre manire. Car il arrive souvent que les Corps mme sen vont dufeu avec les Esprits ; parce que les Esprits qui ne sont pas fixes, et dont lesparties sont trs subtiles, stant attachs et unis intimement aux Corps, ces

    Esprits, venant svaporer par la violence du feu, enlvent et emportent

    ncessairement les Corps avec eux ( cause que dans cette Composition desCorps et des Esprits ; il y a plus de volatil que de fixe). Ce qui leur fait dire,comme aux premiers, que luvre est impossible. A quoi nous rpondons

    aussi comme nous avons fait ce quont dit les premiers.

    Voici la cause de leur erreur. Le Philosophe dit: Fils de la Science, si vousvoulez faire la Conversion ou la Transmutation des Corps, dimparfaits en

    parfaits, si cette Transmutation se peut faire par quelque matire que ce puissetre, il faut ncessairement quelle se fasse par les Esprits. Or il nest paspossible que les Esprits, qui ne sont pas fixs auparavant, sattachent et

    sunissent si bien aux Corps que leur union puisse tre de quelque utilit ;comme il a t dit ci-dessus, puisquils sexhalent et senfuient au feu, et quilslaissent les Corps sans les avoir nullement changs, et sans leur avoir rien t deleurs impurets. Que si les Esprits sont rendus fixes, ils sont encore inutiles ;parce quen cet tat ils ne peuvent pas pntrer les Corps, tant par la fixationdevenus Terre, qui na point de fusion. Et quand bien mme ils paratraient tre

    fixes, aprs avoir pntr les Corps, cause qutant dans une chaleur faible ils

    ne svaporent pas, ils ne sont pourtant point fixes ; parce qutant mis dans une

    forte chaleur, ils se sparent des Corps, ou bien et eux et les Corps sen vont

    ensemble en fume. Donc, puisque lArt ne se peut trouver dans la Matire laplus prochaine, et qui a le plus daffinit avec les Mtaux, plus forte raison nese trouvera-t-il pas dans une Matire loigne et trangre. Et par consquent ilne peut se trouver en nulle chose.

    Cest le raisonnement quils font. A quoi je rponds quils ne savent pas tout ce

    quon peut savoir l-dessus : Cest pourquoi ils ne trouvent pas tout ce qui sepeut faire. Et parce quils ne peuvent faire ce quils ne savent pas, ils tirent de

    leur incapacit une preuve, quils croient trs forte, de limpossibilit de lArt.

    CHAPITRE XVIII

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    De ceux qui nient que la matire de lArt se trouve dans les Corps, et premirement

    dans le Plomb blanc, ou ltain, quon appelle Jupiter, et leur rfutation.

    uelques-uns ont cru que la Matire de lArt se trouvait dans les Corps:mais ayant essay dy travailler, ils se sont tromps, parce quils croientque les deux Espces de Plomb, cest--dire, le livide ou noir, et le blanc

    (qui na pourtant pas une blancheur nette et pure), taient fort semblables et

    sapprochaient fort de la nature du Soleil et de la Lune ; le livide beaucoup desoleil, et non pas tant de la Lune ; et le blanc beaucoup de la Lune, et peu duSoleil. Cest ce qui fit croire quelques uns dentreux, que Jupiter ntait

    diffrent de la Lune que par ce quil avait le cric, quil tait mou, et quil se fondait fort promptement. De sorte que simaginant que sa fusion si prompte et

    sa mollesse ne provenaient que dune humidit superflue quil avait ; et que ce

    qui causait son cric, ctait un Argent-vif volatil, qui tait entreml dans saSubstance : ils le mirent au feu et le calcinrent, aprs quoi ils le tinrent dans unfeu tel quil le pouvait souffrir, jusqu ce que sa chaux ft devenue blanche.

    Mais aprs cela, le voulant remettre en son premier tat, cest--dire le remettreen Corps mallable, comme il tait auparavant, ils ne le purent faire: ce qui leurpersuada que ctait une chose impossible. Dautres ont fait reprendre Corps

    quelque peu de sa chaux par un feu fort violent ; mais ils ont trouv quil avait

    encore le cric, comme auparavant, et quil tait aussi facile fondre, et cela leura fait croire quon ne saurait lui ter ces deux dfauts par cette voie-l, et quil

    tait impossible de trouver le moyen de lendurcir.

    Dautres stant opinitrs travailler sur ce Mtal, lont calcin et remis en sonpremier tat, puis tant sa Scorie, ils lont recalcin plus grand feu, et remis

    une seconde fois en Corps: de manire quen ritrant ces oprations, ils ont

    trouv quil stait endurci, et quil navait plus le cric. Mais nayant pu lui terentirement sa prompte fusion, ils se sont faussement persuads quon ne le

    saurait faire.

    Il y en a eu dautres, qui ayant essay de lui donner de la duret, et le rendre en

    tat de ne pouvoir tre fondu que difficilement, en mlant avec lui des Corpsdurs, se sont tromps tout de mme, parce quil a rendu aigre et cassant

    quelque Corps que ce soit quon lui ait ajout ; sans que toutes les prparations,

    quils aient pu leur donner, leur aient de rien servi. Ainsi nayant pu lui donner

    la perfection, ni par le mlange des Corps durs, ni par aucun rgime de feu,tant rebuts par la longueur du temps quil faudrait pour dcouvrir le

    Magistre (quils croient trouver par l), ils ont assur que ctait une chose

    impossible.

    Dautres enfin stant aviss de mler plusieurs drogues diffrentes avec lEtain,

    et voyant que non seulement il nen tait point chang, et quelles navaient nul

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    rapport ni affinit avec lui, mais quau contraire elles le gtaient, et faisaient un

    effet tout contraire ce quils en attendaient, ils ont jet les Livres par dpit, etsecouant la tte, ils ont dit que notre divin Art ntait quune niaiserie toute

    pure. Et tous ces Gens-l je rponds comme jai dj fait aux autres ci-devant.

    CHAPITRE XIX

    Raisons de ceux qui nient que lArt soit dans le Plomb.

    n ne russit pas mieux travailler sur le Plomb. Il est vrai qutant

    ml avec les Corps, il ne les rend pas cassants comme fait lEtain, et

    quaprs sa calcination il reprend corps, et revient plutt sa natureque lui. Mais ceux qui travaillent sur ce Mtal ne sauraient lui ter sa noirceur,

    parce quils nen savent pas le moyen. Ainsi ils ne peuvent point lui donner deblancheur qui soit permanente, et quoi quils aient pu simaginer, il ne leur a

    pas t possible de lunir si fortement aux Corps fixes, qutant ml avec eux, ilne senfuie fort feu. Et ce qui, dans la prparation de ce Mtal, a le plus

    tromp ceux qui ont cru que la Science ne pouvait se trouver que dans lui seul,cest quaprs quil a t deux fois calcin, et autant de fois remis en Corps, tantsen faut quil sendurcisse en nulle manire, quau contraire il devient plus

    mou quil ntait auparavant ; et quavec tout cela il ne perd aucune de ses

    mauvaises qualits, qui sont la noirceur et la facilit quil a se fondresoudainement. Cest pourquoi nayant pu rien faire de bon de ce Mtal, dans

    lequel ils avaient cru quon pouvait facilement trouver la plus vritable et plus

    prochaine Matire de la Science, ils ont conclu de l que lArt ntait quunepure imagination. De manire que ces Gens-l tant dans la mme erreur queceux dont nous venons de parler, nous ne leur rpondrons que la mme chose.

    CHAPITRE XX

    Raisons de ceux qui soutiennent que lArt nest pas dans le mlange des Corps durs

    avec les durs, et des mous avec les mous.

    l y en a qui ont essay de mler les Corps durs ensemble, et les mous aussiensemble, cause de la ressemblance qui est entre eux, et qui ont cru quepar ce moyen ils se perfectionneraient les uns les autres, et quainsi ils

    seraient mutuellement transmus. Mais ils ont t pareillement tromps, parceque cela nest pas possible. Pour mler, par exemple, le Cuivre ou quelque

    autre Mtal semblable avec lOr et lArgent, ces Mtaux imparfaits ne sont pastransmus vritablement en Or ou en Argent pour cela ; et ils ne peuvent pointsoutenir longtemps un feu violent sans se sparer davec les parfaits, qui

    demeurent toujours, au lieu que les imparfaits sont ou entirement consums,

    ou rduits en leur premire nature, quils reprennent. Il y en a nanmoins quidurent et qui subsistent plus longtemps dans la composition et dans le mlange

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    quon en fait: et dautres moins, pour les raisons que nous dirons ensuite. Les

    mauvais succs, que par leur ignorance ces Gens-l ont eus, dans toutes leursbrouilleries, les ont obligs douter de la vrit de la Science, et soutenir que

    ce ntait quune imposture.

    CHAPITRE XXI

    Pourquoi ceux qui ont ml les Corps durs avec les mous, et les parfaits avec les

    imparfaits ont ni la Science.

    l y en a eu dautres qui ont cherch plus avant, et qui ont cru mieux

    rencontrer. Ceux-ci se sont imagins, en unifiant les Corps durs avec lesmous, de trouver le moyen de donner cette composition une duret stable

    toute preuve, et de donner aussi la perfection aux Mtaux imparfaits, en lesunissant tout de mme avec les parfaits ; et que gnralement ils setransmueraient, et seraient transmus les uns par les autres dune vritable

    transmutation. Pour cet effet, ils ont tch de trouver la ressemblance etlaffinit qui est entre les Mtaux, en subtilisant les Corps grossiers et durs ; tels

    sont le Cuivre et le Fer, et en paississant ceux de qui la substance est plussubtile, comme est lEtain et le Plomb, qui est son semblable. Ce quils ont

    essay de faire (tant par des drogues quils y ont ajoutes) que par le rgime du

    feu. Mais ceux qui ont fait ces essais se sont tromps dans le mlange quils ont

    fait des Corps. Car ou ils ont rendu leur composition entirement aigre etcassante, ou bien ils lont trouve trop molle, sans avoir t altre par le

    mlange des Corps durs, ou trop dure sans avoir t change par les Corpsmous quils y avaient mls. Et par ainsi, nayant pu rencontrer la convenance

    ni laffinit des Mtaux, ils ont dit que lArt ntait quune supposition.

    CHAPITRE XXII

    Que lArt ne se trouve ni dans lextraction de lme (ou Teinture), ni dans le rgime du

    feu.

    autres ayant encore considr la chose de plus prs, ont prtendualtrer ou changer les Corps par lextraction de leurs Ames (cest--direde leurs Teintures), et par ce mme moyen daltrer encore tous les

    autres Corps. Mais quelques essais quils en aient fait, ils nont pu y russir. Et

    ainsi ils ont t tromps dans leur esprance et dans leurs oprations, aussi bienque ceux qui ont tent de donner la perfection aux imparfaits par le seul rgimedu feu. Ce qui a t cause que les uns et les autres ont cru lArt impossible. Et

    tous ceux-l, nous faisons la mme rponse que nous avons faite ci-devant.

    CHAPITRE XXIII

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    Raisons de ceux qui soutiennent que lArt nest ni dans le Verre, ni dans les Pierreries.

    eux qui ont cru que la Matire de lArt se devait chercher dans le Verre

    et dans les Pierreries, stant imagin que ces deux choses pouvaientaltrer les Corps, se sont tromps tout de mme. Parce que ce quinentre pas dans les Corps et ne les pntre pas, ne les peut altrer, ni y faire

    aucun changement. Or il est certain que ni le Verre, ni les Pierreries, ntant pas

    vritablement fusibles, ne peuvent ni entrer dans les Corps, ni les pntrer. Etpar consquent, ces deux choses ne peuvent point altrer les Corps. Et quoiqueceux qui ont travaill l-dessus aient fait tous leurs efforts pour unir le Verreavec les Corps, quand ils lauraient pu faire (quoique ce soit pourtant une chosetrs difficile), ils neussent pas fait pour cela ce quils prtendaient. Parce que

    tout ce quils auraient pu faire, cet t de vitrifier les Corps (cest--dire lesrduire en une Matire semblable au Verre, transparente et cassante comme estle verre). Cependant, quoique ce dfaut vienne de la Matire dont ils seservent, ils lattribuent la Science, et ils soutiennent quelle ne saurait faire

    autre chose. Ainsi ils infrent, de l quelle est fausse. Mais je rponds cesGens-l que, ne travaillant pas sur la vritable Matire, on ne doit pas stonnersils finissent mal et sils ne russissent pas ; outre quils nont pas raison

    daccuser la Science de leur propre erreur.

    CHAPITRE XXIV

    Motif de ceux qui nient que lArt soit dans les moyens Minraux, dans les Vgtables,

    et dans le mlange de quelque chose que ce soit.

    n voici dautres qui simaginent quils feront luvre avec les Sels, les

    Aluns, les Nitres et les Borax ; mais quelque opration quils puissentfaire sur ces Minraux, je suis sr quils ny trouveront pas ce quils

    cherchent. Et partant, si aprs avoir bien fait des expriences sur ces Matirespar leur Solution, leur Coagulation, leur Assation, et par plusieurs autresoprations, ils ne trouvent presque rien qui puisse servir la Transmutation, ils

    ne doivent pas infrer de l que ce divin Art nest pas vritable, puisque cest unArt qui se fait ncessairement, et quil y en a plusieurs qui le savent. Ce nestpas qu prendre tout cela en gnral, on ne puisse y trouver de quoi faire

    quelque altration ; mais il faudrait laller chercher bien loin. et se donner bien

    de la peine pour cela.

    Ceux qui soutiennent que luvre se peut faire de tous les Vgtaux,

    russiraient encore plus difficilement. Ainsi, quoique ce quils disent soit

    possible, on peut dire nanmoins que cest une chose impossible leur gard.

    Parce que leur vie ne suffirait pas pour pouvoir faire ce quils prtendent. Et

    ainsi, si ces Gens-l ne trouvent jamais luvre en se servant seulement des

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    Vgtaux, ils ne doivent pas conclure pour cela quon ne la puisse jamais faire

    par nul autre moyen.

    Au reste, tous ceux de qui nous venons de rapporter les erreurs, nont supposchacun quune seule Matire pour tre la vritable, et ils ont condamngnralement toutes les autres, et nous les avons tous rfuts les uns aprs lesautres. Il y en a plusieurs, et mme presque une infinit dautres, qui

    prtendent que pour faire luvre, on doit faire une Composition de toutes cesdiverses choses, ou au moins de la plus grande partie, et les mler en diffrentesproportions. Mais ces Gens-l sont tout fait ignorants et ne savent ce quilsveulent faire. On peut dire mme quils se trompent infiniment, parce quil y a

    une infinit de diffrentes choses qui peuvent tre mles les unes avec lesautres, et elles peuvent tre mles en tant de sortes, et par tant de diffrentesproportions, que ces manires et ces proportions sont tout de mme infinies ennombre. Et de l il sensuit videmment quils peuvent se tromper en une

    infinit de faons ; soit dans le trop, soit dans le moins. Quoique pourtant ils sepuissent redresser, pourvu quils commencent travailler dans la vritable

    Matire. Pour moi, sans mamuser faire de longs discours l-dessus, rfutercette infinit, jenseignerai en peu de mots toute la Science, et ce qui peut servir

    pour la connatre. Et par ce moyen, les Personnes sages qui mentendent,

    pourront viter une infinit derreurs quils commettraient dans le choix de la

    Matire et dans leur travail. Mais nous examinerons auparavant les Principes

    naturels des Mtaux ; nous en donnerons la Dfinition, et nous en rapporteronsles Causes, autant quil est expdient pour notre divin Magistre ; comme je lai

    fait esprer au commencement de ce Livre.

    Fin de la deuxime partie.

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    TROISIEME PARTIE DU PREMIER LIVRE

    Des principes naturels et de leurs effets.

    CHAPITRE XXV

    Des Principes naturels et des Corps Mtalliques, selon lopinion des Anciens.

    uivant lopinion des Anciens, qui, comme nous, ont soutenu la vrit de

    notre Art, je dis que les premiers Principes naturels, je veux dire ceux dontla Nature se sert pour former les Mtaux, sont lEsprit ftide et lEau vive,

    quon appelle autrement Eau sche. Or jai dit ci-devant quil y a deux Espritsftides, lun qui est blanc en son intrieur, et rouge au dehors ; et lautre qui est

    noir. Lun et lautre, nanmoins, dans luvre du Magistre, ont disposition devenir rouge. Jexpliquerai succinctement, mais suffisamment et sans rienomettre, la Nature de, ces deux Principes, comment et de quelle Matire ils sontforms. Je serai oblig, pour cet effet, dtendre mon Discours, et de faire un

    Chapitre particulier de chaque Principe naturel. Ces Principes ont nanmoinsen gnral cela de commun entre eux, que chacun deux est dune Composition

    trs forte, et dune Substance qui est uniforme et homogne: parce que dans

    leur Composition, les plus petites parties de la Terre sont tellement et sifortement unies avec les moindres parties de lAir, de lEau et du Feu, que nulle

    dentre. elles ne peut tre spare daucune des autres, dans la rsolution qui sefait de tout le Compos. Au contraire, elles se rsolvent toutes ensemblement,et lune avec lautre, cause de ltroite liaison quelles ont par ensemble, ayant

    t mles et unies par leurs plus simples et plus petites parties. Et cela par lemoyen de la chaleur naturelle, laquelle dans les entrailles de la Terre, a tcondense et multiplie galement, selon le cours et la manire ordinaire dagirde la Nature, et que leur Essence le requiert. Ce que je dis conformment ausentiment de quelques anciens Philosophes.

    CHAPITRE XXVI

    Des Principes naturels des Mtaux, selon lopinion des Modernes.

    l y en a dautres qui ne sont pas de ce sentiment, et qui croient que ni le

    Vif-Argent, ni le Soufre, tels quils sont naturellement, ne sont pas les

    Principes (cest--dire la Matire prochaine des Mtaux), maisquauparavant ils doivent tre altrs et changs en une Matire terrestre.Ainsi, ils soutiennent que le Principe dont la Nature se sert pour former lesMtaux est une chose toute diffrente de lEsprit ftide (cest --dire du Soufre)et de lEsprit fugitif (ou de lArgent-vif). Et ce qui les a oblig le croire, a t

    premirement que dans les Mines dArgent, et dans celles des autres Mtaux,

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    lon na jamais trouv un Argent-vif ni un Soufre tels que nous les voyons etque la Nature les a produits ; et quau contraire on ne les trouve faits comme ilssont que sparment, et chacun dans sa Mine particulire. Secondement

    cause, disent-ils, quon ne va point dune extrmit lautre sans passer par unedisposition qui tienne le milieu (entre ces deux extrmits). Et partant, il estimpossible (quune Matire) passe de la mollesse de lArgent-vif la duretdaucuns des Mtaux, que par une disposition moyenne entre la mollesse de

    lun, et la duret de lautre. Or dans les Mines on ne trouve aucune Matire qui

    ait cette consistance entre le dur et le mou, et qui participe galement de cesdeux choses. Do ils concluent que ni le Vif-Argent, ni le Soufre ne sont lesPrincipes que la Nature emploie former les Mtaux ; mais que ce doit trequelque chose qui se fait par laltration de leur Essence ; laquelle se change

    naturellement en une Substance terrestre. Ce qui, selon eux, se fait de cettesorte.

    LArgent-vif et le Soufre se changent premirement en une espce de Terre. Etensuite, de ces deux Substances terrestres, il sort une vapeur fort subtile et fortpure par le moyen de la chaleur renforce dans les entrailles de la Terre, et cettedouble vapeur est la Matire prochaine, ou le principe des Mtaux. Car cettevapeur tant cuite et digre par la chaleur tempre de la Mine, il sen fait unecertaine manire de Terre, et par ce moyen elle devient en quelque faon fixe.Aprs quoi lEau minrale venant couler au travers de la Mine, et des pores de

    la Terre, elle la dissout et sunit ainsi avec elle galement, par une unionnaturelle et solide. Ils disent donc que lEau, qui coule par les cavits de la

    Terre, venant trouver une Substance terrestre, aise dissoudre, elle la dissoutet sunit avec elle en gale proportion, jusqu ce que cette Substance ainsi

    dissoute de la Terre, et de lEau qui y coule et qui la dissout, ne fassent quunemme chose par une union naturelle, et que ces deux choses soient changes ennature Mtallique, dans laquelle tous les Elments se rencontrent dans uneproportion ncessaire ; y tant mls et unis par leurs moindres parties, jusquce que de ce mlange, il se fasse une Substance uniforme et homogne. Ensuite

    ce mlange spaissit et sendurcit en Mtal, par une continuelle et longuedigestion de la chaleur des Mines. Voil quelle est leur opinion, qui nest pastout fait conforme la vrit, quoiquelle en approche beaucoup.

    CHAPITRE XXVII

    Division de ce quil y a dire des trois Principes.

    ous avons dit en gnral quels sont les Principes naturels des Mtaux ;il faut maintenant en traiter en particulier. Ainsi, comme il y a troisPrincipes, nous ferons un Chapitre de chacun, dont le premier sera du

    Soufre, le second de lArsenic, et le troisime de lArgent-vif. Aprs quoi nous

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    parlerons des Mtaux, qui sont les effets, et qui sont forms de ces Principes etnous ferons tout de mme un Chapitre particulier de chacun deux. Et enfin

    nous parlerons des fondements et des oprations du Magistre, et nous en

    dclarerons les causes.

    CHAPITRE XXVIII

    Du Soufre.

    e Soufre est une graisse de la Terre qui sest paissie dans les Mines parle moyen dune cuisson modre, jusqu ce quelle devienne dure et

    sche, et lors elle sappelle Soufre. Or le Soufre a une composition trs

    forte, et il est dune Substance qui est semblable et homogne en toutes ses

    parties. Cest pourquoi on nen saurait tirer lhuile par la distillation, comme onfait des autres choses qui en ont. Et ceux qui entreprennent de le calciner sansrien perdre de sa Substance qui soit utile et considrable perdent leur peine, nepouvant tre calcin quavec beaucoup dartifice, et (sans) quil ne se fasse une

    grande dissipation de sa Substance. Car de cent livres de Soufre que lon mettra

    calciner, peine en trouvera t on trois de reste aprs la calcination. On nesaurait non plus le fixer, quil nait t calcin auparavant. Nanmoins, en le

    mlant avec quelque autre Substance, on peut empcher quil ne senvole et ne

    senfuie si promptement, et le garantir de ladustion. Il se calcinera mme tant

    ml. Mais si on voulait tirer de lui la Matire de luvre, en le prparant parlui-mme, on ny russirait pas. parce quil ne se parfait qutant ml avecautre chose, et sans lui le Magistre est si long faire, quon est contraint den

    abandonner lOuvrage. Que si on le joint avec son pareil, lArsenic, il se change

    en Teinture, et il donne chaque Mtal le poids des Mtaux parfaits ; il lui teses impurets, et il le rend resplendissant. Il est rendu parfait par le moyen duMagistre, sans lequel il ne peut rien faire de tout ce que je viens de dire aucontraire, il gte et noircit les Corps avec qui on le mle. Cest pourquoi on ne

    doit jamais sen servir sans le Magistre.

    Mais si, dans la prparation, on peut trouver le moyen de le mler et de le joindre amiablement aux Corps, cest--dire de lunir si bien eux quil nenpuisse plus tre spar, on dcouvrira par ce moyen un des grands Secrets de laNature ; et on saura une des voies de la perfection : parce quil y a plusieurs

    voies qui tendent et qui conduisent au mme effet. Il y en a pourtant une quiest plus parfaite que lautre.

    Un autre effet du Soufre est quil augmente assurment le poids de quelque

    Mtal que ce soit que lon calcine avec lui, et quavec le Soufre on peut rendre le Cuivre semblable lOr. Il se joint aussi avec le Mercure. Et si on les sublime

    tous deux ensemble, on en fait du Cinabre. Enfin on calcine aisment tous les

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    Corps ou Mtaux avec le Soufre, hormis lOr et lEtain ; et le premier encore

    plus difficilement que lautre. Mais il nest point vrai que le Soufre puissecoaguler vritablement, et avec quelque profit le Vif-argent en Soleil et en Lune,

    et que cela se fasse aisment et sans beaucoup dartifice, comme quelques Fousse le sont imagins. Nanmoins, les Mtaux qui ont moins dArgent-vif, et parconsquent moins dhumidit, se calcinent plus facilement par le Soufre ; et au

    contraire, ceux qui ont beaucoup dArgent-vif ou dhumidit, sa calcinent aussiplus difficilement. Mais je proteste par le Dieu trs haut, que cest le Soufre quiillumine, cest--dire qui donne lclat, et qui perfectionne tous les Corps, ouMtaux ; parce quil est de lui-mme Lumire et Teinture.

    Le Soufre a cela de plus quil ne se dissout quavec peine ; parce que parmi sesparties, il ny en a point qui tiennent de la nature du Sel, en ayant seulement

    dolagineuses, lesquelles ne se dissolvent pas aisment dans lEau. Jen dirai la

    raison ci-aprs dans le Chapitre du Dissolvant, o je ferai voir manifestement cequi peut tre dissous dans lEau, et ce qui ne le peut point tre.

    Au reste le Soufre se sublime, parce que cest un Esprit. Si on le mle avec

    Vnus, et que des deux on en fasse une Composition, on en fait une couleurviolette fort belle. Il se mle tout de mme avec le Mercure. et par la cuisson ilsen fait un Azur fort agrable. Il ne faut pas pourtant simaginer pour cela que

    le Soufre puisse lui-mme servir faire luvre des Philosophes. Car ce serait

    une erreur, comme je le ferai voir clairement dans la suite. Pour le choisir, il lefaut prendre massif et clair. En voil assez pour le Soufre.

    CHAPITRE XXIX

    De lArsenic.

    Arsenic est fait tout de mme dune Matire subtile, et il est fort

    semblable au Soufre. Cest pourquoi on ne doit point le dfinirautrement. Il y a nanmoins cette diffrence entre eux, que lArsenic

    donne facilement la Teinture blanche, et fort difficilement la rouge ; au lieu que

    le Soufre teint aisment en rouge, et difficilement en blanc. Or il y a de deuxsortes de Soufre et dArsenic ; lun qui est jaune et lautre rouge, qui tous deuxservent notre Art, les autres espces ny pouvant de rien servir. LArsenic se

    fixe comme le Soufre ; mais lun et lautre se subliment mieux si on les mle

    avec des Mtaux rduits en chaux. Mais ni le Soufre, ni lArsenic ne sont laMatire qui donne la perfection notre uvre, parce quils ne sont pas parfaits

    pour pouvoir donner la perfection. Ils peuvent nanmoins y contribuer aveccondition. On doit choisir lArsenic qui soit clair, par caille, et point pierreux.

    CHAPITRE XXX

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    De largent-vif.

    Argent-vif, qui selon lusage des Anciens sappelle autrement Mercure,

    est une Eau visqueuse, faite dune Terre blanche sulfureuse, trs subtile,et dune Eau trs claire, lesquelles ont t cuites et digres dans lesentrailles de la Terre par la chaleur naturelle des Mines, et mles et unies fortexactement par leurs moindres parties, jusqu ce que lHumidit ait t

    galement tempre par le Sec, et le Sec par lHumide. Cest pourquoi il coulefort aisment sur une superficie gale et unie, cause de la fluidit et delhumidit de son Eau : et il ne sattache point ce quil touche, encore que sa

    matire soit visqueuse et gluante ; parce que la scheresse qui est renfermedans lui tempre cette humidit et lempche de sattacher ce quil touche.Cest lui, qui selon lopinion de quelques Anciens, tant joint avec le Soufre, est

    la Matire des Mtaux. Il sattache facilement Saturne, Jupiter et au Soleil ;

    plus difficilement la Lune, et plus difficilement encore Vnus qu la Lune,mais jamais Mars, si ce nest par artifice ; et de l lon peut dcouvrir un grand

    secret. Car il est ami des Mtaux, et tant de leur nature, il sunit aisment avec

    eux, et il sert de moyen ou milieu pour joindre les Teintures: Et il ny a quelOr seul qui aille au fond du Mercure, et qui se noie dans lui. Il dissout Jupiter,

    Saturne, la Lune et Vnus, et ces Mtaux se mlent avec lui, et sans lui lon ne

    saurait dorer nul Mtal. Il se fixe, et il devient une Teinture dune rougeur trsexubrante, pour parfaire les Corps imparfaits, et dune trs grande splendeur :

    Et il ne se spare jamais du Corps auquel il est joint, tandis quil demeure en sanature. Le Mercure nest pas nanmoins notre Matire, ni notre Mdecine, leprendre tel que la Nature le produit: mais il peut y contribuer avec condition,aussi bien que le Soufre.

    CHAPITRE XXXI

    Des Effets des Principes naturels, qui sont les Corps Mtalliques.

    ous avons maintenant parler des Corps Mtalliques, qui sont les

    effets, et qui sont forms de ces Principes. Il y en a six en tout: lOr,lArgent, le Plomb, lEtain, lAirain ou Cuivre, et le Fer. Le Mtal est

    un corps minral fusible, et qui se forge et stend sous le mar teau en toutedimension. Il est dune Substance serre, et dune trs forte et ferme

    composition. Les Mtaux ont grande affinit entre eux. Les parfaits necommuniquent pourtant point la perfection aux imparfaits, tant mls aveceux. Par exemple, si lon mle du Plomb avec de lOr, lorsque ces deux Mtauxsont en fusion, le Plomb ne deviendra pas Or par ce mlange. Car en mettantaprs cette Composition au feu, le Plomb se sparera de lOr et se consumera,

    partie par vaporation, et partie par adustion, lOr demeurant tout entier encette Opration qui est une de ses preuves. Il en est de mme des autres

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    Mtaux imparfaits, selon la voie ordinaire de la Nature. Mais il nen est pas

    ainsi en notre Magistre, o le Parfait aide et perfectionne lImparfa