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L'AFRIQUE ET LE PÉTROLE : ENTRE MALÉDICTION DES IMPORTATIONS ET DES EXPORTATIONS Jean-Marie Chevalier De Boeck Supérieur | Afrique contemporaine 2005/4 - n° 216 pages 57 à 64 ISSN 0002-0478 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2005-4-page-57.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Chevalier Jean-Marie, « L'Afrique et le pétrole : entre malédiction des importations et des exportations », Afrique contemporaine, 2005/4 n° 216, p. 57-64. DOI : 10.3917/afco.216.64 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.131.167.229 - 25/11/2014 12h50. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.131.167.229 - 25/11/2014 12h50. © De Boeck Supérieur

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L'AFRIQUE ET LE PÉTROLE : ENTRE MALÉDICTION DESIMPORTATIONS ET DES EXPORTATIONS Jean-Marie Chevalier De Boeck Supérieur | Afrique contemporaine 2005/4 - n° 216pages 57 à 64

ISSN 0002-0478

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2005-4-page-57.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Chevalier

Jean-Marie , « L'Afrique et le pétrole : entre malédiction des importations et des exportations »,

Afrique contemporaine, 2005/4 n° 216, p. 57-64. DOI : 10.3917/afco.216.64

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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L’Afrique et le pétroleL’Afrique et le pétrole :

entre malédiction des importations et des exportations

Jean-Marie CHEVALIER 1

Depuis quelques années, on assiste à une véritable ruée sur le pétroleafricain avec d’importantes découvertes et la mise en production de nou-veaux gisements. Entre 1990 et 2004, la production du continent africaina augmenté de 40 %, passant de 7 à 10 millions de barils/jour et elle devraitencore augmenter de 50 % d’ici 2010. Cette ruée s’explique en grande par-tie par un souci de diversification des sources d’approvisionnement de lapart de la communauté pétrolière internationale. Les États-Unis en parti-culier, premiers importateurs mondiaux de pétrole brut, font face à unediminution de leur production nationale et à une augmentation préoccu-pante de leur dépendance vis-à-vis du pétrole importé, notamment duMoyen-Orient. Le pétrole africain contribue à la recherche d’une plusgrande diversification des approvisionnements et, comme il est léger etpeu soufré, il correspond bien aux besoins américains en carburants. Enoutre, les progrès remarquables réalisés dans l’exploration et la productionen off-shore profond et ultra-profond ont amplifié considérablement lepotentiel pétrolier africain. La production pétrolière africaine est devenuehautement stratégique.

La réalité énergétique africaine est bien éloignée de cette flambée de laproduction pétrolière. Peuplé de 836 millions, soit 13,4 % de la populationmondiale, le continent africain assure 11 % de la production pétrolièremondiale mais ne compte que pour 3 % de la consommation mondialed’énergie. Si l’on enlève à l’ensemble africain les cinq grands pays d’Afriquedu Nord – du Maroc à l’Égypte – et l’Afrique du Sud, la situation est encore

1. Professeur à l’Université Paris-Dauphine, directeur du Centre de Géopolitique de l’Énergie et des Matières Premières(CGEMP), directeur au Cambridge Energy Research Associates (CERA).

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davantage déséquilibrée : la consommation d’énergie par habitant est del’ordre de 0,5 tonne d’équivalent pétrole par an à comparer à 4 tonnes enEurope occidentale et 8 tonnes aux États-Unis. Pour cette partie de l’Afri-que, une source d’énergie importante est la biomasse, commerciale et noncommerciale, avec les conséquences négatives liées à la collecte du bois defeu qui prend du temps, contribue à la déforestation et provoque de gravesproblèmes de santé liés à l’inhalation des fumées. Ainsi, la plus grande par-tie de la population n’a pas accès aux sources modernes d’énergie : kérosè-ne, butane et électricité, donc pas accès au développement économique. EnAfrique sub-saharienne, le taux d’électrification stagne entre 5 et 35 %.

En ce qui concerne le pétrole, l’Afrique est divisée entre les pays qui enexportent et ceux qui en importent. Pour les premiers, le pétrole génère desressources financières considérables qui n’entraînent pas pour autant le dé-veloppement économique, confirmant ainsi le phénomène économiquebien connu de « la malédiction pétrolière ». Quant aux seconds, les dépen-ses d’importations très lourdes auxquelles ils doivent faire face et leur vul-nérabilité face à la volatilité des prix pèsent durement sur leur croissanceéconomique et leurs finances publiques. Selon les calculs de la Banque mon-diale, une augmentation durable de dix dollars du prix du pétrole en 2004entraînerait une augmentation de plus de 15 % du PIB pour les grands paysexportateurs d’Afrique et une diminution de plus de 4 % pour les pays im-portateurs les plus pauvres 2. Le pétrole représente bien un souci majeurpour tous les pays d’Afrique, souci de richesses et souci de pauvreté. Nousexaminerons successivement la rente pétrolière des pays exportateurs, lavulnérabilité pétrolière des pays importateurs et enfin la question de la gou-vernance économique et politique.

LA RENTE PÉTROLIÈRE : ENTRE MALÉDICTION ET LUEURS D’ESPOIR

En Afrique sub-saharienne, certains pays produisent et exportent depuislongtemps du pétrole brut : Gabon (1957, qui, du fait de la baisse de sa pro-duction, a quitté l’OPEP en 1995), Nigeria (1958, membre influent del’OPEP, qui en a pris la tête en janvier 2006), Congo Brazzaville (1969), Ca-meroun (1978), Côte d’Ivoire (1980) et ils ont été rejoints depuis quelquesannées par des nouveaux venus comme la Guinée équatoriale, le Soudan, le

2. World Bank/ESMAP : The Impact of Higher Oil Prices on Low Income Countries and on the Poor, Report 299/05, March2005.

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Tchad, São Tomé et Príncipe ou encore la Mauritanie. L’Afrique sub-saha-rienne, qui produit un peu plus de cinq millions de barils/jour en 2005,pourrait en produire plus de neuf en 2010, dont près de 50 % en provenan-ce du Nigeria.

La géopolitique et l’économie des pays exportateurs de pétrole sont trèsdirectement associées à l’argent du pétrole que se partagent tous les acteurséconomiques, politiques, administratifs qui participent, directement ou in-directement, à l’exploitation des richesses du sous-sol. La dynamique dupartage de la rente est fondée sur trois éléments majeurs : l’importance dela rente et son évolution – l’utilisation de la rente en relation avec le déve-loppement économique – et le modèle de gouvernance en place.

La rente pétrolière et son évolution

Pour ces pays, les recettes d’exportation des hydrocarbures représententune partie significative du PIB et des recettes fiscales : plus de 20 % du PIBpour l’Angola, la Guinée équatoriale, le Nigeria, l’Angola, plus de 77 % desrecettes fiscales pour ces mêmes pays. L’évolution dans le temps de ces reve-nus dépend de deux facteurs : le prix du pétrole et les volumes exportés.

Le niveau des prix est une donnée exogène dont la détermination dé-pend de la dynamique pétrolière internationale. Le niveau des prix interna-tionaux est très durablement supérieur aux coûts de production du pétrole,laissant aux pays producteurs une fraction du surplus pétrolier 3. En 2004,le prix de vente du pétrole brut était de l’ordre de 50 dollars par baril pourun coût moyen de production (mondial) de sept dollars. L’ampleur de larente est cependant soumise à la volatilité des prix. La volatilité de la rentepose donc un problème complexe de gestion de la rente. Il faut rajouter àcela l’effet taux de change : en 2004, de nombreux pays exportateurs d’hy-drocarbures, payés en dollars, ont subi une détérioration de leur pouvoird’achat (à prix constants) du fait de la dépréciation du dollar par rapport àl’euro, monnaie dans laquelle ils effectuent une partie importante de leursimportations.

Le volume de la production et des exportations est une variable beaucoupplus endogène. Il dépend du potentiel intrinsèque des gisements et de lagestion de ces gisements. Il dépend en outre de l’évolution de la demandenationale et des nouvelles découvertes qui peuvent être faites, notamment

3. Le surplus pétrolier se définit comme la différence entre le prix de vente, toutes taxes comprises, des produits pétroliersau niveau mondial, et le coût de production de cette même quantité de pétrole (exploration, production, transport, raffi-nage, distribution). Cf. Jean-Marie Chevalier, Les grandes batailles de l’énergie, Paris, Gallimard, collection Folio, 2004.

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off-shore. Dans l’Afrique sub-saharienne, l’exploration est en général assuréepar des compagnies pétrolières internationales et l’intensité des dépensesd’exploration dépend de l’attractivité géologique, économique et politiquedu pays. Notons que l’off-shore est aujourd’hui particulièrement attractif carson éloignement des terres réduit en partie le risque politique.

Les pays africains exportateurs de pétrole n’échappent pas (sauf peut-être le Tchad) à la malédiction pétrolière, cette maladie économique, con-nue aussi sous le nom de « syndrome hollandais » (Dutch desease) puisque lapremière victime a été la Hollande dans les années 1960 avec les exporta-tions de gaz naturel issu du gigantesque champ de Groningue 4. Les recettesd’exportation et les richesses qui sont associées provoquent des distorsionséconomiques, notamment en réduisant la compétititivité des autres produc-tions, et condamnent le pays à la monoproduction d’exportation. Dans lespays africains exportateurs de pétrole, la valeur des exportations pétrolièresreprésente plus de 90 % de la valeur totale des exportations. Aucune autreactivité d’exportation n’a pu se développer de façon significative. Parailleurs, une partie des recettes fiscales est utilisée pour des dépenses impro-ductives, le gonflement d’une administration pléthorique et des subven-tions qui ne donnent pas toujours les bons signaux économiques. Des tarifssociaux sont mis en place pour des produits de grande consommation (es-sence, gazole, kérosène, butane, électricité). C’est un moyen pour assurer defaçon artificielle une paix sociale relative dans des économies marquées parde très fortes inégalités économiques et sociales. Par ailleurs, la volatilité desprix du pétrole sur le moyen-long terme accroît la fragilité des économiespétrolières. Des fonds de stabilisation ont été mis en place dans certainspays, avec des résultats mitigés.

D’une façon générale, on peut dire que les indicateurs de développementdes pays africains exportateurs de pétrole ne sont pas meilleurs que ceuxdes pays importateurs. L’argent du pétrole ne conduit pas au développe-ment économique. Le seul exemple, peut-être encourageant, est celui duTchad où un programme de développement pétrolier a été mis en place,avec le concours de la Banque mondiale, avec l’objectif de contrôler atten-

L’utilisation de la rente pétrolière

4. Sur la malédiction pétrolière, voir Auty R.M. (ed.), Resource Abundance and Economic Development, Oxford UniversityPress, 2001; Birdsall N., Subramanian, “Saving Iraq from its oil”, Foreign Affairs, vol. 83, n° 4, 2004; Sachs J.D., Warner A.M.“The curse of natural resources”, European Economic Review, n° 45, 2001.

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tivement les flux financiers et de mettre une partie de ceux-ci au service dudéveloppement économique. L’exemple est encore trop récent pour quel’on puisse savoir si c’est « un miracle ou un mirage » 5.

LA VULNÉRABILITÉ PÉTROLIÈRE DES PAYS IMPORTATEURS DE PÉTROLE

On peut mesurer de façon précise la vulnérabilité pétrolière d’un paysimportateur par un ratio qui tient compte du poids des importations pétro-lières dans le PIB, de la part de ces importations dans la consommation pé-trolière totale et enfin de la part du pétrole dans la consommationénergétique totale 6. La facture pétrolière, c’est une facture à régler en devi-ses pour l’importation de produits essentiels dans des pays où les financespubliques ne sont pas particulièrement florissantes. La hausse soudaine desprix, leur volatilité et leur non-prédictibilité constituent un cauchemar pourles ministres des Finances.

Une hausse du prix du pétrole a des conséquences macro-économiquesnégatives qui touchent plus particulièrement les pays les plus pauvres. En2005, le Zimbabwe a mis aux enchères le peu de devises qu’il possédait pourun montant qui était vingt fois inférieur aux achats nécessaires de produitspétroliers. La hausse des prix touche les pays les plus pauvres et, dans cespays, elle touche les catégories les plus défavorisées, parmi celles qui ont ac-cès aux énergies modernes : gazole pour les transports, butane pour la cuis-son, fioul pour la production d’électricité. Dans certaines régions, lesgroupes électrogènes de production d’électricité s’arrêtent du fait de la pé-nurie de gazole ou du fait de son prix. Le secteur des transports est particu-lièrement touché. Des fonds de compensation peuvent être mis en placemais ils sont très coûteux pour les finances publiques et une grande partiedes subventions profite aux catégories sociales fortes consommatricesd’énergie, c’est-à-dire les plus riches.

La hausse du prix du pétrole, dont on peut penser qu’elle n’est pas con-joncturelle mais profondément structurelle, devrait déclencher des actionsvigoureuses de politique énergétique. La décomposition du ratio de dépen-

5. Gary I., Reisch N., Chad’s Oil: Miracle or Mirage? Catholic Relief Services and Bank Information Center, 2003.

6. Cet indicateur, proposé par la Banque mondiale peut s’écrire sous la forme : importations pétrolières (en valeur)/PIB =(Importations pétrolières/consommation de produits pétroliers) x (consommations pétrolières/consommation totaled’énergie primaire) x (consommation totale d’énergie primaire/PIB). World Bank/ESMAP, The Impact of Highe Oil Priceson Low Income Countries and on the Poor. Report 299/05, March 2005.

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dance cité plus haut montre les principaux leviers d’action que l’on se bor-nera à énumérer : accroissement de l’efficacité énergétique – diversificationdu bilan énergétique par le développement d’énergies de substitution – en-couragement à l’exploration pétrolière et gazière sur le territoire national –mesures spéciales pour favoriser l’accès des plus pauvres aux sources moder-nes d’énergie.

LES DÉFICITS DE LA GOUVERNANCE

La plupart des pays de l’Afrique sub-saharienne, qu’ils soient exporta-teurs ou importateurs, sont caractérisés par des déficits de gouvernance enmatière économique et politique. Les indicateurs politiques sur la démocra-tie, la liberté, les droits de l’homme, la corruption, la transparence y sont as-sez faibles. On peut penser qu’il existe d’ailleurs une corrélation négativeentre le pétrole et la gouvernance puisque les indices de gouvernance sontmeilleurs chez les pays importateurs que chez les pays exportateurs 7.

Les pays d’Afrique sont le théâtre de conflits où se mêlent rivalités ethni-ques, religieuses et régionales. Certains conflits sont antérieurs à l’arrivée dupétrole (Angola, Soudan, Tchad) mais, dans tous les cas, ils sont exacerbéspar l’argent du pétrole et les luttes pour l’appropriation de celui-ci. La cor-ruption est un mal endémique qui détourne une partie du surplus pétrolier.

Entre les exigences gouvernementales, la corruption et les rivalités ethni-ques, l’action des compagnies pétrolières en Afrique n’est pas particulière-ment facile. Certaines ont été amenées dans le passé à financer des factionsopposées. L’insécurité les oblige à protéger leur personnel et leurs sites.Shell, principal opérateur au Nigeria a été contraint de se retirer de certai-nes zones. Les « aventures africaines » d’Elf Aquitaine méritent d’être évo-quées car elles illustrent bien les multiples déficits de transparence et degouvernance. Le procès engagé en France en 2002 contre les anciens diri-geants du groupe a montré comment des sommes colossales pouvaient êtreprélevées sur l’argent du pétrole pour le financement des cassettes politi-ques, au nord comme au sud, les « œuvres sociales » des classes dirigeanteset aussi l’enrichissement personnel 8. La production pétrolière génère detelles richesses que l’unité de compte des détournements est le million de

7. Les indices de Freedom House portent sur les droits politiques et les libertés individuelles. Des indices de perceptionde la corruption sont publiés par Transparency International.

8. Eva Joly, Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ? Éd. des Arènes, 2003.

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dollars. En mars 2004, l’ONG britannique Global Witness a rendu public unrapport d’enquête qui décrit minutieusement les moyens par lesquels s’opè-re la dilapidation de l’argent du pétrole dans trois pays d’Afrique : le Congo-Brazzaville, l’Angola et la Guinée équatoriale. Les royalties, taxes, bonusversés lors de la découverte de nouveaux champs pétroliers, sans parler desprêts « gagés » sur la production future, qui obèrent financièrement l’avenir,s’évaporent au profit de quelques happy fews 9.

La corruption pétrolière et le manque de transparence dans les flux fi-nanciers sont à l’origine d’une initiative récente d’inspiration britannique,la Extractive Industry Transparency Initiative, qui vise à ce que les acteurs con-cernés, gouvernements et entreprises, s’engagent volontairement à pro-mouvoir plus de transparence dans les flux financiers du pétrole et leuraffectation. En Afrique, les gouvernements du Ghana, du Nigeria, du Con-go et du Gabon, ainsi qu’un certain nombre de compagnies pétrolières ontadhéré à cette initiative qui rejoint l’esprit de l’expérience tchadienne.

Ainsi, l’Afrique est un enjeu énergétique majeur, pour les grandes puis-sances, pour les compagnies pétrolières, pour la communauté internationa-le, pour la promotion du développement économique. Certains territoiresont été encore peu explorés et les potentialités énergétiques restent gran-des. Les enjeux sont financièrement importants et la concurrence est rude.Partout l’on trouve de nouveaux venus, notamment des compagnies chinoi-ses ou indiennes qui disputent aux grands acteurs internationaux l’obten-tion des permis et des concessions. Le dumping contractuel est de mise et lespays n’hésitent pas à faire jouer la concurrence. Les nouveaux venus ontmoins d’états d’âme sur les problèmes éthiques, sur l’environnement et lesdroits de l’homme. Une compagnie canadienne a quitté le Soudan sous lapression des ONG. Elle a été vite remplacée par une compagnie chinoise.

Les problèmes pétroliers africains ne font qu’exacerber les inégalités éco-nomiques et sociales du continent. Que les pays soient importateurs ou ex-portateurs de pétrole, ce sont les catégories sociales les plus pauvres et lesrégions les plus défavorisées qui souffrent du pétrole. Comme partoutailleurs dans le monde, la réalité pétrolière est chargée de violence à causede l’argent qu’elle génère. Toutefois, dans ces pays, le renforcement des ini-tiatives sur la transparence, la prise de conscience mondiale de l’impérieusenécessité du développement économique font apparaître quelques lueursd’espoir.

9. Voir le site Global Witness. Voir aussi Gary I. et Lynn Karl T., Le fond du baril : boom pétrolier et pauvreté en Afrique,Catholic Relief Services, 2003 ; Copinschi P., « Rente pétrolière, géopolitique des conflits », Questions internationales, n° 2,2003.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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