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Éliane Viallard, Conservateur général honoraire du patrimoine ENGOUEMENT que connaît actuellement la notion de patrimoine ne manque pas d’ambiguïté. Dans les dernières décennies du XX e siècle, un vif intérêt s’est porté sur ce que le « Dictionnaire historique de la langue française » définit comme « ce qui est transmis à une personne, à une collectivité par les ancêtres, les générations précédentes ». Le sujet est immense. Les limites de cet article sont trop étroites pour qu'on puisse espérer faire autre chose que l'effleurer. Après avoir tenté de déterminer les contours de ce qu'on nomme de manière vague « le patrimoine », on se contentera donc de poser la question du bien-fondé de sa vogue actuelle et de présenter très succinctement les théories et pratiques utilisées pour lutter contre les nombreux périls auxquels il est en butte ainsi que les modes d'intervention pour sa sauvegarde et sa valorisation. LES COMPOSANTES DU PATRIMOINE Elles sont multiples. On distinguera ici de manière artificielle mais commode le patrimoine originel appelé aussi naturel de celui que l'homme a créé et que l'on peut lui-même subdiviser et qualifier de matériel, intellectuel, sensoriel, immatériel et moral. Patrimoine originel : pour masquer la difficulté, on utilisera une vision naïve de la genèse du monde. Le patrimoine originel sera alors constitué de ce que l'homme a trouvé à son arrivée: la terre, les eaux, la flore, la faune etl'homme lui-même (ne parle-t-on pas de patrimoine génétique ?). Patrimoine matériel : c'est à lui que se rapporte d'abord le terme de patrimoine. C'est lui qui a été le plus anciennement identifié comme devant être protégé et il comporte de nombreux éléments. Les bâtiments : sans oublier les témoignages préhistoriques, on pense bien sûr aux constructions prestigieuses, celles qui sont classées « monuments historiques » (châteaux, catdrales, abbayes...) ou, plus modestement, « inscrites sur l'Inventaire supplémentaire ». Mais l'attention se porte également sur le Patrimoine Non Protégé (PNP) appelé aussi patrimoine de proximité ou petit patrimoine (fontaines, lavoirs, fours et moulins, pigeonniers, etc.). L'habitat quotidien, urbain et rural, est lui aussi pris en compte avec, en particulier, les maisons d'écrivains (Ferney-Voltaire, domaine de Malagar cut Mauriac, maison d’enfance de Saint-Exupéry à Saint-Maurice-de-Romens dans l’Ain ou maison de campagne d’Agatha Christie à Greeway dans le Devon, maison de Pablo Neruda au Chili.) La liste est encore longue : bâtiments militaires, fortifications, ouvrages d’art tels que le Canal du Midi reconnu patrimoine mondial de L’UNESCO, manufactures (Salines d’Arc-et-Senans, forges de Buffon près de Montbard, chocolaterie Menier), chantiers d’exploitation de matières premières (carrières, mines telles que le bassin Nord-Pas-de-Calais). Dans ses créations l'homme ne s'en tient pas là: il intervient aussi sur le milieu naturel, les sites et les paysages qu'il modèle, les parcs et jardins qu'il façonne à son gré. Enfin, domaine immense, il met au monde des objets de toutes sortes, dits mobiliers : les oeuvres d'art, les ustensiles quotidiens, les matériels de transport, les machines et les outils avec des perspectives ouvertes tant sur les arts et traditions populaires que sur tout ce qui est techniques, savoir-faire et tours de main. Patrimoine intellectuel : pour ce patrimoine-là, deux approches sont possibles. La première distingue les reflets de l'action (archives) de ceux de la pensée (livres et périodiques), quelle que soit leur nature, litraire (roman, poésie, théâtre), scientifique au sens le plus large, juridique ...La seconde recouvre l'écrit, le signe (idéographique, syllabique, ou alphabétique) sur les supports les plus variés (tablettes d'argile, papyrus, parchemin ou papier sans oublier les supports liés à l'informatique et à la numérisation). Mais il existe des civilisations tout aussi créatives qui assurent la transmission par l'oral: le langage est son véhicule et il est lui aussi très riche: souvenirs, traditions allant de la sphère familiale à la collectivité nationale, contes, chansons, productions de la radio et de la télévision, conseres à l'Institut National de l'Audiovisuel (INA). Patrimoine sensoriel : on fait férence ici aux cinq sens qui nous permettent de recevoir des informations en provenance du milieu extérieur. L'audition : bruits et sons rythment, de manière agréable ou pas, la vie de tous les jours. Certains ont à peu près disparu: halètement des locomotives, cliquetis gulier des métiers de passementerie ou frappe cadene des fléaux. D'autres suscitent des polémiques comme le tintement des cloches ou le chant des coqs qui se répondent au petit matin. Il convient de ménager une place à part à la musique, à toutes les musiques : de l'air de comptine à celui d'opéra, de la techno à la chanson folklorique, des concerts prestigieux aux prestations des chorales, fanfares et autre harmonies. L'odorat : on peut citer le musée de Chamerolles (Loiret) consacré à la toilette et aux parfums, l'on peut humer les fragrances appciées des divers siècles. Et c'est à Versailles qu'est proposé un parcours parfumé dans la ville et dans les jardins pour rappeler L'allée que nous voyons, se trouve dans la plus belle forêt de cnes d'Europe: la forêt de Tronçais (Allier), voulue par Colbert pour la marine royale.

L'all ée que nous voy on s, se trou ve dan s la plu s bell ... · L'audition : bru its e t sons ryth ment , de mani ère agréab le o u p as, la v ie d e to us les jours. Cert ai

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Éliane Viallard, Conservateur général honoraire du patrimoine

ENGOUEMENT que connaît actuellement la notion de patrimoine ne manque pas d’ambiguïté.

Dans les dernières décennies du XXe siècle, un vif intérêt s’est porté sur ce que le « Dictionnaire historique de la langue française » définit comme « ce qui est transmis à une personne, à une collectivité par les ancêtres, les générations précédentes ».

Le sujet est immense. Les limites de cet article sont trop étroites pour qu'on puisse espérer faire autre chose que l'effleurer. Après avoir tenté de déterminer les contours de ce qu'on nomme de manière vague « le patrimoine », on se contentera donc de poser la question du

bien-fondé de sa vogue actuelle et de présenter très succinctement les théories et pratiques utili sées pour lutter contre les nombreux périls auxquels il est en butte ainsi que les modes d'intervention pour sa sauvegarde et sa valorisation. LES COMPOSANTES DU PATRIMOINE

Elles sont multiples. On distinguera ici de manière artificielle mais commode le patrimoine originel appelé aussi naturel de celui que l'homme a créé et que l'on peut lui-même subdiviser et qualifier de matériel, intellectuel, sensoriel, immatériel et moral.

Patrimoine originel : pour masquer la difficulté, on utilisera une vision naïve de la genèse du monde. Le patrimoine originel sera alors constitué de ce que l'homme a trouvé à son arrivée: la terre, les eaux, la flore, la faune et…l'homme lui-même (ne parle-t-on pas de patrimoine génétique ?).

Patrimoine matériel : c'est à lui que se rapporte d'abord le terme de patrimoine. C'est lui qui a été le plus anciennement identifié comme devant être protégé et il comporte de nombreux éléments.

Les bâtiments : sans oublier les témoignages préhistoriques, on pense bien sûr aux constructions prestigieuses, celles qui sont classées « monuments historiques » (châteaux, cathédrales, abbayes...) ou, plus modestement, « inscrites sur l' Inventaire supplémentaire ». Mais l'attention se porte également sur le Patrimoine Non Protégé (PNP) appelé aussi patrimoine de proximité ou petit patrimoine (fontaines, lavoirs, fours et moulins, pigeonniers, etc.).

L'habitat quotidien, urbain et rural, est lui aussi pris en compte avec, en particulier, les maisons d'écrivains (Ferney-Voltaire, domaine de Malagar où vécut Mauriac, maison d’enfance de Saint-Exupéry à Saint-Maurice-de-Romens dans l’Ain ou maison de campagne d’Agatha Christie à Greeway dans le Devon, maison de Pablo Neruda au Chili.)

La liste est encore longue : bâtiments militaires, fortifications, ouvrages d’art tels que le Canal du Midi reconnu patrimoine mondial de L’UNESCO, manufactures (Salines d’Arc-et-Senans, forges de Buffon près de Montbard, chocolaterie Menier), chantiers d’exploitation de matières premières (carrières, mines telles que le bassin Nord-Pas-de-Calais).

Dans ses créations l'homme ne s'en tient pas là: il intervient aussi sur le milieu naturel, les sites et les paysages qu'il modèle, les parcs et jardins qu'il façonne à son gré.

Enfin, domaine immense, il met au monde des objets de toutes sortes, dits mobil iers : les œuvres d'art, les ustensiles quotidiens, les matériels de transport, les machines et les outils avec des perspectives ouvertes tant sur les arts et traditions populaires que sur tout ce qui est techniques, savoir-faire et tours de main.

Patrimoine intellectuel : pour ce patrimoine-là, deux approches sont possibles. La première distingue les reflets de l'action (archives) de ceux de la pensée (livres et périodiques), quelle que soit leur nature, lit téraire (roman, poésie, théâtre), scientifique au sens le plus large, juridique ...La seconde recouvre l'écrit , le signe (idéographique, syllabique, ou alphabétique) sur les supports les plus variés (tablettes d'argile, papyrus, parchemin ou papier sans

oublier les supports liés à l'informatique et à la numérisation). Mais il existe des civili sations tout aussi créatives qui assurent la transmission par l'oral: le langage est son véhicule et il est lui aussi très riche: souvenirs, traditions allant de la sphère familiale à la collectivité nationale, contes, chansons, productions de la radio et de la télévision, conservées à l'Institut National de l'Audiovisuel (INA).

Patr imoine sensoriel : on fait référence ici aux cinq sens qui nous permettent de recevoir des informations en provenance du milieu extérieur.

L'audition : bruits et sons rythment, de manière agréable ou pas, la vie de tous les jours. Certains ont à peu près disparu: halètement des locomotives, cliquetis régulier des métiers de passementerie ou frappe cadencée des fléaux. D'autres suscitent des polémiques comme le tintement des cloches ou le chant des coqs qui se répondent au petit matin. Il convient de ménager une place à part à la musique, à toutes les musiques : de l'air de comptine à celui d'opéra, de la techno à la chanson folklorique, des concerts prestigieux aux prestations des chorales, fanfares et autre harmonies.

L'odorat : on peut citer le musée de Chamerolles (Loiret) consacré à la toilette et aux parfums, où l'on peut humer les fragrances appréciées des divers siècles. Et c'est à Versailles qu'est proposé un parcours parfumé dans la ville et dans les jardins pour rappeler

L'allée que nous voyons, se trouve dans la plus belle forêt de chênes d'Europe: la forêt de Tronçais (Allier), voulue par Colbert pour la marine royale.

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que Louis XIV et Colbert s'efforcèrent de développer l'art de la parfumerie. Le goût: sucré ou salé, acide ou amer; jouissance à la dégustation d'un mets savoureux ou répulsion devant certains aliments ou boissons. Et l'on débouche

sur le patrimoine culinaire depuis les recettes de grand-mère jusqu'aux innovations gastronomiques des grands chefs Le toucher: on peut évoquer la douceur d'une peau d'enfant, le velouté un peu agaçant d'une pêche, la tiédeur du sable ou le froid brûlant d'une boule de

neige. Ce patrimoine sensoriel est éminemment fugace. On s'efforce de pallier cet inconvénient en fixant ce qui peut l'être, essentiellement par le son et l'image.

La technique devient alors outil de création, mais prenons garde; il est très facile de tomber dans le truquage, la censure ou la manipulation. Patrimoin e immatériel (on dit aussi émotionnel) : il est encore plus subjectif et plus subtil que le précédent. Un bel exemple est « l'appel du Flore »

lancé par Juliette Gréco, la Muse de Saint-Germain-des-Prés, « pour que le quartier, son village, ce pré carré imaginaire et mythique ne perde point son âme ni l'esprit qu'y ont fait souffler Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Prévert, Queneau, Ferré, Vian et tant d'autres rimeurs fauchés », À ranger également dans cette rubrique le dossier en cours d'instruction sur les Fest noz (fêtes de nuit bretonnes).

Patrimoine moral : il concerne tout ce que l'on appelle les « valeurs» ou, de manière plus normative, les « codes » (bienséance, politesse...). Les familles, les nations ne se construisent-elles pas autour de ce genre de patrimoine qu'elles s'acharnent à transmettre.

� Certains trouveront cette liste abusive, elle l'est peut-être. D'autres l'estimeront incomplète et elle l'est sûrement. Notre époque a tellement étoffé cette

notion de patrimoine que l'on s'en est parfois ému. En sens inverse, il y aurait tant à faire qu'on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un vain combat. En tout cas, l'on doit se poser, sans pouvoir la résoudre, la question du bien-fondé de l' intérêt por té au patr imoine.

« Guerre aux démolisseurs. Hugo, Proust, Barrès. Un combat pour le patrimoine »: tel et le titre d'un ouvrage de Patrice Beghain qui montre que l'action en faveur du patrimoine (immobilier surtout) ne date pas d'aujourd'hui. Elle est bien antérieure: née avec les amateurs du Quattrocento, elle chemine avec les hommes des Lumières. Ensuite, contrairement aux idées reçues, elle trouve un écho certain chez les Révolutionnaires qui, même s'il s mènent une politique de destruction des symboles de l'Ancien Régime, conduisent une réflexion approfondie sur la sauvegarde des « monuments historiques » (l'expression date de cette époque). Vient le XIXe siècle : au-delà du penchant romantique pour les ruines au clair de lune, l'intérêt pour le patrimoine prend une forme institutionnelle sous la houlette dynamique de Prosper Mérimée. Et vient le XXe siècle avec le succès qu'on connaît.

Les explications sont nombreuses : le goût du Beau, certainement, le désir de Connaissance également. Mais on peut évoquer une autre raison de nature sociologique : à l'image de l'individu, la société a en effet besoin de connaître son passé et de l'assumer pour vivre confortablement son présent et se projeter avec dynamisme vers l'avenir. Cela ne va pas sans diff iculté : souvenons-nous du temps qu'il a fallu pour que les « événements d'Algérie », comme on disait, soient qualif iés de « guerre ». Et c'est tout récemment seulement qu'a été reconnu officiellement le massacre des manifestants algériens du 17 octobre 1961.

Le patrimoine peut aussi être considéré comme ferment de cohésion pour toute collectivité. Enfin, il joue le rôle de balise pour qui cherche à se repérer dans un monde en évolution rapide, donc difficilement lisible; il sert de rambarde voire de rempart pour qui veut se prémunir contre le vertige de l'inconnu, inconnu d'un passé qui ne serait plus insondable, inconnu d'un futur qui deviendrait un peu moins incertain.

Tout n'est pas dit pour autant et des arguments inverses peuvent être avancés : œuvrer pour le patrimoine, c'est bien souvent se donner des entraves pour les évolutions souhaitables. Ce peut être aussi porter atteinte à la liberté individuelle des détenteurs. Et, plus convaincant: la notion de patrimoine est souvent liée au' respect du passé et ce dernier ne risque-t-il pas de bloquer l'esprit d'innovation et de favoriser une position frileuse de repli face aux changements techniques et sociaux galopants.

Il vaut sans doute mieux cesser de se faire l'avocat du diable et penser plutôt aux périls qui menacent le patrimoine et aux moyens d'y faire face. LES PÉRILS

Le vol vient au premier plan : on répertorie en France plusieurs milliers d'œuvres d'art volées par an par des individus qui les revendent à prix d'or à des collectionneurs égoïstes et indélicats. Mais il y a aussi les vols pratiqués par les pouvoirs publics : on peut évoquer les chariots roulant vers Paris chargés des trésors en provenance des pays conquis par Napoléon ou les confiscations pratiquées par les Nazis, au détriment des Juifs essentiellement. Pour ne pas s'attirer de foudres, on se montrera prudent avant de considérer comme voleurs les archéologues rapportant dans leur pays le résultat de leurs fouilles, la pierre de Rosette, les sculptures du Parthénon se trouvant en grande partie au Louvre et au British Muséum ou le fameux « trésor de Priam » mis à jour en Turquie par un Allemand, ramené à Berlin, récupéré par l'Armée rouge en 1945, revendiqué par les trois pays sans compter la Grèce, héritière de Priam !

Il faut citer aussi les travaux d'aménagement (barrages, restructuration des vil les), les agents physiques et chimiques (lumière, humidité, pollutions de toutes sortes), les êtres vivants (rongeurs, insectes et l 'homme lui-même), le fanatisme nationaliste ou religieux (que d'exemples dans les deux dernières décennies : la ville de Dubrovnik en 91-92, le pont de Mostar en 93, les Bouddhas de Bâmiyâm en 2001, les mausolées de Tombouctou et le grand souk d'Alep en 2012). Il faut citer aussi les séismes comme celui qui a tout récemment ravagé la région de Modène et de Ferrare, plus simplement le temps qui passe dans l'indifférence, l'incurie et le manque de moyens (voir les ruines de Pompéi ou les manuscrits arabo-berbères de Chinquetti en Mauritanie). Plus sournois est le déplacement des objets et même des monuments hors de leur milieu, hors de leur contexte, tels les cloîtres romans qui se retrouvent à New-York ou les objets préhistoriques regroupés à Saint-Germain-en-Laye, même si certains voient là un moyen de sauvegarde plutôt qu'un péril. LA SAUVEGARDE

Elle passe par les structures à l'échelon national ou international et les textes : « Chartes » et conventions diverses promulguées par l'UNESCO (plus de dix depuis celle de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, avec son emblème, le Bouclier bleu en 1954.)

Mais au-delà, il y a les actions : d'abord, il faut connaître ce que l'on veut sauvegarder: ainsi le projet de création d'une Liste rouge des écosystèmes menacés devrait aboutir en 2025. À partir de là, on s'efforce de conserver (Archives, Bibliothèques, Musées et organismes privés); loin d'être passive, la conservation requiert un réel dynamisme qui peut se manifester par la protection (Conservatoire du littoral, procédure Natura 2000, entrée dans le domaine public par don, legs, dépôt ou dation). La préservation peut également apporter une solution avec les diverses techniques de copie. Et lorsque le mal est fait mais que tout espoir n'est pas perdu, la restauration est envisageable: un exemple particulièrement réussi est celui de l'abbaye de Cluny qui a retrouvé: §on éclat grâce à des travaux de grande envergure appuyés par des images 3D. Que de débats sur le sujet: faut-il restaurer dans l'état initial supposé connu ou laisser les traces des générations successives. La « guerre des Mirande » de Saint-Sernin de

Fest Noz ou fête de la nuit (du soir) en Bretagne.

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Toulouse (petites fenêtres du cheminement de la partie haute de l'édifice créé à la fin du Moyen Âge et supprimé par Violet-le-Duc) est le meilleur exemple qu'on puisse donner pour illustrer les luttes féroces entre spécialistes. Reste le moyen le moins coûteux et pouvant s'appliquer à grande échelle: la prévention. Soyons vigilants à tout instant, évitons la détérioration. Chacun de nous peut être utile LA VALORISATION

Là aussi, les débats sont nombreux : l'accès du public doit-il être gratuit ou payant, peut-on, doit-on tout montrer, doit-on ou non accorder des facilités aux chercheurs patentés ? Quant aux modes de valorisation, ils sont multiples. Le rôle des médias est essentiel et les institutions spécialisées prennent des initiatives très variées. Les techniques nouvelles (audiovisuel, informatique, numérisation...) jouent un grand rôle. Pour autant, les grands classiques n'ont pas disparu : visites des monuments, tourisme culturel avec les routes à thème (il en existe plus d'une centaine dans des domaines divers se rapportant à la littérature, à l'art, à l'histoire, à la nature ou à l'industrie). On peut rattacher au tourisme l'utilisation des monuments et sites pour l'implantation d'hôtels et de restaurants de luxe: l'Espagne avec ses « paradors » a été pionnière; en France le Ministère de la Culture a initié en 2010 des études pour qu'il en soit de même à Fontainebleau, Versailles et Chambord, mais la mise

en œuvre s'avère très complexe et coûteuse. Les expositions sont des réalisations fortes. Les animations, pour employer un mot à la mode, ne se comptent plus. Dans le domaine scolaire, les Services éducatifs des lieux de conservation ainsi que les classes du patrimoine ont un réel succès. On peut ajouter les publications, les conférences et les colloques... Tous les procédés doivent être utilisés afin que soit respecté le droit à la culture inscrit dans la constitution de 1946 et repris dans celle de 1958.

� Même si la passion n'est pas étrangère au sujet, même si cet exposé ne veut être qu'une introduction

au débat, on s'est efforcé de présenter avec objectivité les idées ayant cours sur le patrimoine et les principes qui président à sa gestion.

Les choses vont vite. La notion même de patrimoine s'est élargie à un point tel que certains se mettent en retrait. Il faut savoir raison garder: tout ne peut être sauvé et même si elle doit être cruelle et sans doute hasardeuse, une réflexion est à conduire sur les priorités. Pour bien se développer, la forêt doit être élaguée.

Dans le tourbillon actuel, il faut veiller à ce que l'argent ne l'emporte pas sur le projet culturel et la facilité sur la rigueur scientifique.

Le pessimisme n'est pas de mise. Des avancées irréversibles ont été accomplies. Parallèlement à la culture, le patrimoine devient un enjeu. Comme la culture, il aura gagné la partie lorsqu'il sera parfaitement intégré à la vie.

� Puisse ce survol susciter un élan au sein de l'AMOPA pour qu'une politique patrimoniale

s'inscrive parmi ses projets. Un domaine paraît particulièrement bien convenir à l'esprit amopalien : celui du patrimoine immatériel et de nombreux thèmes viennent à l'esprit : les modes de relation, les principes d'éducation, la transmission...

On peut rêver: cela passerait par la création d'un groupe de travail pour conduire la réflexion et organiser des manifestations telles que colloques, concours, attribution d'un label,

parrainage, etc. Notre réseau national et international apporterait une indéniable richesse.

Familistère de Godin à Guise (Aisne), construit sur le modèle du phalanstère de Charles Fourier.

« La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne », œuvre de Léonard de Vinci, conçue vers 1499-1500. Elle est mentionnée pour la première fois en 1501, dans la correspondance d'Isabelle d'Este. Elle est inachevée à la mort de Léonard, en 1519.

Château de Ferney-Voltaire dans le pays de Gex (Ain).