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Hiérarchie culturelle Occident / Orient dans l’art contemporain : Stéréotypes et fantasmes de la femme orientale révisés par des artistes contemporaines. L’odalisque, ses cheveux, le voile et les voix. Etudes d’oeuvres et réflexions. La vision de l’occidental sur l’identité de la femme de l’Orient est biaisée, restreinte à l’image de femme impuissante, oppressée et victime des dogmes islamiques imposés par une majorité masculine. Sur la scène de l’art contemporain et au prisme d’une société machiste à l’héritage colonial, les artistes - entre autres - Lalla Essaydi, Newsha Tavako- lian et Shirin Neshat démantèlent l’une de ces multiples ruches à clichés. Elles posent un regard puissant et interpellant sur l’art islam- ique et la condition féminine dans le monde arabe et, par leurs travaux, poussent le public occidental à se débarrasser de ses précon- ceptions hélas bien encracinées relatives au monde arabe, à ses femmes et à l’Islam. L’impact des soulèvements politiques et cul- turels tels que la révolution Iranienne en 1979 et les Printemps Arabes entre 2010 et 2012 ont à la fois placé la femme dans une posi- tion subordonnée tout en la rendant plus forte notamment au travers d’oeuvres d’artistes femmes originaires de ces régions du monde. Ali Behdad, professeur à l’University of Cal- ifornia Los Angeles et spécialiste de littéra- ture post-coloniale et de la représentation Européenne du Moyen-Orient, à propos de l’exposition “Islamic Art Now” au Los Angeles County Museum of Art en février 2015: [en Iran], les femmes vont à l’université, con- duisent, occupent des postes politiques tout en portant des chadors.Cette génération d’artistes met entre parenthèse la vulnérabilité de la femme arabe et reprend la parole sans demander la permission... Lalla Essaydi est une artiste pho- tographe marocaine basée aux Etats-Unis. Newsha Tavakolian est une photographe ira- nienne, créatrice de Rawiya (“celle qui racon- te” en arabe), un collectif de femmes photo- journalistes du Moyen-Orient. Shirin Neshat est une artiste photographe et vidéaste iranienne basée aux Etats-Unis. Le point commun de ces créatrices n’est pas celui que l’on se complait à mentionn- ner, et qui répond aux attentes du marché de l’art contemporain: leur sexe et leurs origi- nes ethniques; soit le résumé aplani de leur identité “d’artistes orientales”. Leurs travaux convergent vers le même terrain : celui de l’interprétation des stéréotypes véhiculés par l’Occident sur ce concept culturel que l’on nommera l’Orient, ses références ancrées dans le passé, ses harems, ses motifs per- sans, son voile, ses ambiguités entre ostenta- Shirin Neshat, Speechless (1997) Léa Jiqqir, 2016 “Don’t patronize me !”

L’odalisque, ses cheveux, le voile et les voix. Etudes d ......County Museum of Art en février 2015: “[en Iran], les femmes vont à l’université, con-duisent, occupent des

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Hiérarchie culturelle Occident / Orient dans l’art contemporain : Stéréotypes et fantasmes de la femme orientale révisés par des

artistes contemporaines. L’odalisque, ses cheveux, le voile et les voix. Etudes d’oeuvres et réflexions.

La vision de l’occidental sur l’identité de la femme de l’Orient est biaisée, restreinte à l’image de femme impuissante, oppressée et victime des dogmes islamiques imposés par une majorité masculine. Sur la scène de l’art contemporain et au prisme d’une société machiste à l’héritage colonial, les artistes - entre autres - Lalla Essaydi, Newsha Tavako-lian et Shirin Neshat démantèlent l’une de ces multiples ruches à clichés. Elles posent un regard puissant et interpellant sur l’art islam-ique et la condition féminine dans le monde arabe et, par leurs travaux, poussent le public occidental à se débarrasser de ses précon-ceptions hélas bien encracinées relatives au monde arabe, à ses femmes et à l’Islam. L’impact des soulèvements politiques et cul-turels tels que la révolution Iranienne en 1979 et les Printemps Arabes entre 2010 et 2012 ont à la fois placé la femme dans une posi-tion subordonnée tout en la rendant plus forte notamment au travers d’oeuvres d’artistes femmes originaires de ces régions du monde. Ali Behdad, professeur à l’University of Cal-ifornia Los Angeles et spécialiste de littéra-ture post-coloniale et de la représentation Européenne du Moyen-Orient, à propos de l’exposition “Islamic Art Now” au Los Angeles County Museum of Art en février 2015: “[en Iran], les femmes vont à l’université, con-duisent, occupent des postes politiques tout en portant des chadors.”

Cette génération d’artistes met entre parenthèse la vulnérabilité de la femme arabe et reprend la parole sans demander la permission...

Lalla Essaydi est une artiste pho-tographe marocaine basée aux Etats-Unis.Newsha Tavakolian est une photographe ira-nienne, créatrice de Rawiya (“celle qui racon-te” en arabe), un collectif de femmes photo-journalistes du Moyen-Orient. Shirin Neshat est une artiste photographe et vidéaste iranienne basée aux Etats-Unis.

Le point commun de ces créatrices n’est pas celui que l’on se complait à mentionn-ner, et qui répond aux attentes du marché de l’art contemporain: leur sexe et leurs origi-nes ethniques; soit le résumé aplani de leur identité “d’artistes orientales”. Leurs travaux convergent vers le même terrain : celui de l’interprétation des stéréotypes véhiculés par l’Occident sur ce concept culturel que l’on nommera l’Orient, ses références ancrées dans le passé, ses harems, ses motifs per-sans, son voile, ses ambiguités entre ostenta-

Shirin Neshat, Speechless (1997)

Léa Jiqqir, 2016

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Lalla Essaydi, Converging Territories #22, 2005, triptyque, tirage chromogène sur aluminium.

Le caractère luxueux, précieux et sensuel des oeuvres de Lalla Essaydi est directement emprunté de la peinture et de la littérature orientalistes des XVIIIème et XIXème siècles (les peintres Adrien Henri Tanoux, Jean-Léon Gerôme).Lalla Essaydi reprend les motifs orientaux, que s’étaient appropriés les artistes occidentaux dans leurs fantasmes picturaux et sexuels, et fait de ses modèles des odalisques réactual-isées. Dans une certaine mesure, son travail peut être considéré comme une sorte de décolonisation artistique. Lalla Essaydi est née dans un harem, son père avait quatre femmes. Le mot harem désigne la pièce sacrée dans laquelle n’étaient pas autorisés les hommes étrangers au foyer. Harem, qui est aussi le titre d’une série de photographies de l’artiste, désigne avant tout un foyer familial privé. Le mot vient de haram, qui prend deux sens en arabe : il désigne à la fois l’illicite et le sacré.Dans le triptyque Converging Territories #22, deux femmes aux longs cheveux noirs sont occuppées à recouvrir de calligraphies une longue étoffe blanche qui devient un niqab porté par une femme située sur le dernier panneau. Les calligraphies, faites au henné et au style coufique recouvrent entièrement le décor: des vêtements portés par les modèles,

à leurs visages, leurs mains, jusqu’aux murs et au sol. Essaydi utilise de manière saturée la calligraphie, une forme d’art historiquement associée à une pratique exclusivement mas-culine et à l’art sacré Islamique, en tant que mode d’expression féminin.

En utilisant le henné, le raffinement suprême de l’ornement arabe féminin, elle recouvre les visages des modèles, les tissus et décors d’écritures intentionnellement indéchiffrables. La calligraphie devient un outil de pouvoir, qui métaphoriquement donne la parole à l’artiste ainsi qu’à ses sujets féminins. Dans cette série de photos, aucun homme n’apparait, aucune violence n’est suggérée.

Pourtant, des douilles de balles tapissent et ornent sols, murs, vêtements, bijoux... la to-talité du décor des photographies de la série intitulée Bullet. À première vue, ces douilles semblent être des bijoux et arabesques de bronze et d’or formant un décor précieux, raffiné...oriental. Mais les douilles sont fabriquées pour faire feu, pour tuer.

À travers une élégance exotique et luxuriante idéalisée, la photographe impose la violence de ces discrets objets d’artillerie, charge le cadre d’un sous-texte offensif.

-tion et pudicité, entre archaisme et modernité...C’est ainsi que ces artistes présentent leur culture d’origine; en se jouant du cliché de culture subalterne et exotique, tantôt brodée main et sucrée, tantôt en crise et tiraillée.

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Le travail de Lalla Essaydi est large-ment inspiré de l’influent travail d’Edward Wadie Said, auteur de l’essai Orientalism (1978) comportant quatre thèses : la domi-nation culturelle et politique de l’Orient par l’Occident, la dépréciation de la langue Arabe, la diabolisation de l’Arabe et de l’Islam, et la cause Palestinienne. Le fantasme de la femme Arabe lascive, dominable et dominée n’est pas obsolète et persiste dans l’imaginaire col-lectif occidental. Les oeuvres de Lalla Essaydi sont liées à la représentation du harem telle que celles de Henriette Bouteiller Browne (The Arrival in the Harem at Constantinople, 1861) et de John Frederick Lewis (The Harem, 1876) dans lesquelles n’apparaît pas le portrait sexualisé du harem oppressé et phallocrate du sultan, mais où est mis en avant un espace confiné, serein; le confort des femmes, maîtresses d’elles-même, habitantes de ce harem.

John Frederick Lewis, The H

arem, 1876

Dans une société où l’espace pub-lic est associé à l’homme et l’espace privé à la femme, schéma reflétant exclusivement l’as-sujettissement de cette dernière, Lalla Essaydi confronte ces deux usages en nous permet-tant de regarder au delà des murs du foyer privé occupé par les femmes, dévoilant un monde dans lequel celles-ci sont immunisées du contrôle de l’homme...

Lalla Essaydi, Bullet #6 (2012) tirage chromogène sur alum

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Essaydi prend le contrepied de la conception orientaliste du harem encensé, où la femme n’est qu’objet (sexuel) de désir dont le parfum épicé invite Baudelaire à rêver de voyages, de bains pittoresques et de femmes aux longs cheveux noirs comme l’ébène et aux seins ronds, doux et chauds comme le sable des dunes du Sahara...

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Jean-Auguste-Dominique Ingres, Le Bain Turc (1862)

Le terme commercial “market-ing ethnique” s’applique spécifique-ment dans le domaine de l’art; on observe souvent que l’oeuvre et son auteur(e) gagnent certains de leurs galons en répondant au désir d’exo-tisme de l’occidental (collectionneur, galeriste, curateur, spectateur, polit-icien,...) par le biais d’une exposition, d’un salon où l’on référencera chaque artiste selon des critères ethno-graphiques...Faire la part belle aux scènes ar-tistiques hors de l’Occident, inviter la création artistique d’un “Tiers-Monde”, lui donner la chance de partager la scène avec des artistes européens tels que Louise Bourgeois, Marina Abramovic, Daniel Buren ... étaient les motivations de l’exposition Magiciens de la Terre au Centre Pompidou et à la Grande Halle de la Villette à Paris en 1989, exposition ayant suscité et suscitant en-core de houleux débats et de vives critiques. À une époque où l’art contemporain, alors en pleine expansion, est centralisé à New York, cet évènement artistique de grande envergure dédié à la création artistique contemporaine extra-occidentale fut considéré comme l’un des tremplins de la globalisation de l’art con-temporain. Pour l’occasion, le Musée National d’Art Mod-erne n’acquit que très peu d’oeuvres d’orig-ine extra-occidentale, et se contenta de les remettre au Musée National des Arts d’Afrique et d’Océanie après Magiciens de la Terre... anecdote révélatrice de la relation frileuse des institutions françaises à la création contempo-raine non-occidentale qui réveille les vieilles et honteuses traditions coloniales que l’on avait pourtant obstrué avec soin.“En Chine, l’équipe de Jean-Hubert Martin est allée chercher les artistes dans les écoles d’art, qui étaient les lieux de subversion. En Afrique, en revanche, ils ont estimé que les écoles d’art copiaient les canons occidentaux, et ils sont allés chercher des artistes subversifs ailleurs, dans des réseaux plus ruraux. Cette hétérogénéité a choqué. Les Africains ont eu le sentiment que l’on décidait pour eux, et non pas avec eux.

Cela a d’ailleurs entraîné la création de bien-nales d’art contemporain en Afrique car de nombreux artistes étaient furieux de ne pas avoir été invités.” explique Anne Cohen-Solal, commissaire générale des évènements organ-isés dans le cadre de l’anniversaire de l’expo-sition Magiciens de la Terre.Défaut d’interprétation ou défaut de formula-tion ? Ici Anne Cohen-Solal présente l’organisation de l’exposition comme le vecteur d’un dével-oppement du réseau d’art contemporain Afri-cain suite à la contrariété des artistes Africains non conviés à l’évènement Parisien... Entre désir d’ouverture et domination cultur-elle, le terrain reste scabreux.

Le monde de l’art contemporain est un amateur de la jeune création Africaine et Moy-en-Orientale, mais les modes de représenta-tion de celle-ci sont toujours très discutables. Le schéma très colonialiste de l’homme blanc occidental bien implanté dans le réseau de l’art contemporain international qui déniche de lui-même des artistes peu ou non visibles originaires du continent Africain en leur per-mettant ainsi d’entamer une carrière artis-tique, de contempler leurs propres oeuvres accrochées aux murs blancs sous les clairs projecteurs d’un prestigieux centre d’art contemporain est un schéma finalement très usuel, et ce davantage en France.

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Depuis le début du règne du roi ma-rocain Mohammed VI en 1999, de nouvelles tendances démocratiques ont mené à une libéralisation politique et à des concessions symboliques: suite aux réformes sociales sur les statuts légaux de la femme Marocaine de 2003, de nombreux et nombreuses artistes Marocain(e)s ont commencé à explorer les notions de l’Islam, de la monarchie, les droits des groupes ethniques (par exemple les Ber-bères) et des femmes, et de tester, provoquer les récentes réformes politiques, religieuses, et sociales. Mais selon Cynthia Becker, pro-fesseure spécialisée dans l’art Amazigh, ces artistes “montrent une certaine auto-censure, une retenue, créant un art qui tombe dans le discours public et consensuel autorisé par Mohammed VI.” (Cynthia Becker, Art, self-censorship, and public discourse: Con-temporary Moroccan artists at the crossroads, 2009).

Les langues ne sont pas totalement déliées. Au Maroc, les mouvements activistes Amazigh sont réprimés. Les artistes visibles qui trait-ent de la question de l’héritage de la culture berbère et de sa marginalisation au profit des cultures arabo-musulmanes ne se prononcent qu’à demi-mot en empruntant l’imagerie et l’identité graphique Amazigh et de l’écriture Tifinagh. L’utilisation du Tifinagh représente encore pour une partie de la population ma-rocaine une marque de rejet de l’Arabe et de l’Islam. Les artistes montrés dans les musées et galeries (par exemple Farid Belka-hia, Mohammed Mallal) présentent une vision romancée de la culture berbère, demeurant dans le consensus imposé par les autorités et la population marocaines. Libérer l’indus-trie créative du Maroc est un engagement d’actualité, défendu par toute une génération de jeunes artistes, d’associations et d’insti-tutions culturelles, comme le récent projet de la plateforme web Ta7rir (qui signifie “Libéra-tion”), destiné à devenir un écosystème créatif encourageant la Liberté d’Expression à travers les pratiques artistiques.

Lalla Essaydi, Harem Revisited #51

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Newsha Tavakolian, Listen, 2010, installation vidéo

L’installation vidéo silencieuse mais éloquente “Listen” (2005) de Newsha Tavako-lian - présentée lors de l’exposition Music Palace: the Power of Music seen by visual art-ists à la Fondation Boghossian, Villa Empain, centre d’art et de dialogue entre les cultures d’Orient et d’Occident de Bruxelles entre sep-tembre 2014 et février 2015 - décrie le silence dramatique des femmes chanteuses Irani-ennes, interdites de chanter en public après la révolution islamique de 1979 sous prétexte que leurs voix ferait naître des désirs impurs chez l’homme. Six portraits vidéo présentent ces femmes, sous les projecteurs et réduites au silence en train de chanter, les yeux fermés, s’imaginant sur scène devant une large audience sur fond de rideaux pailletés inspirés de la décoration des casinos d’une époque glamour et libérée révolue. Parmi les six femmes filmées, cer-taines disparaissent puis réapparaissent. Leur silence est morbide et pesant. Leurs voix sont aussi lointaines que celles de chanteuses comme les divas Delkash ou Googoosh, qui, avant la prise du pouvoir par l’ayatollah

Le travail de Lalla Essaydi, riche dans sa forme et son contenu, réévalue l’art orientaliste avec une approche critique sous-jacente. Une ambivalence analogue à celle de l’identité de la femme d’Orient et à la tension entre hiérachie et fluidité de la culture Arabe. L’inhibition sociétale dépassée par le silence des images.

Khomeini en 1979, chantaient à cheveux découverts, portant des jupes légères devant un public mixte. Devant ces chants muets, une grande frus-tration se manifeste, celle d’une pochette de disque vide, celle de l’absence.

Newsha Tavakolian débute la photographie de manière autodidacte et publie ses pho-tos documentaires dans la presse Iranienne à l’âge de 16 ans. En 2009, elle couvre les élections présidentielles en Iran, qui terminent dans le chaos, et se voit interdire d’exercer son travail de photojournaliste. Son travail documentaire devenant presque impossible à réaliser, la photographie plastici-enne le remplace, traduisant sa propre vision de la société, et par-dessus tout de la condi-tion féminine en Iran. “Lorsqu’ils m’empêchent de respirer par le nez, je respire par la bouche. Pour moi, la photographie d’art était néces-saire pour pouvoir respirer à nouveau.” dit-elle, interviewée par Elisabeth Lynch du National Museum of Women in the Arts.

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sont juste des gens.” expliquait Rania Matar, photographe Palestino-Libanaise, lors de l’exposition “Women Photographers from Iran and the Arab World” au National Museum of Women in the Arts à Washington. Contrairement aux domaines de la peinture et de la sculpture, dans lesquels les femmes ont depuis des siècles difficilement essayé de se faire une place car elles n’avaient pas les mêmes opportunités d’étudier et de pratiquer que les hommes, elles se sont en-gagées dans le champ de la photographie et dans son développement depuis le XIXème siècle en restant toujours sur un même pied d’égalité.

Sur la scène contemporaine, les artistes is-sus du monde Arabe se libèrent progressive-ment des stigmates d’une société étouffante et asphyxiée, en construisant par-dessus les ruines les fondations d’une société révisée. Un work in progress bien amorcé, mal-heureusement encore trop peu mis en avant dans l’histoire de l’art moderne et contempo-rain, demeurante très occidentalocentrée.

D’avril à juillet 2016 eût lieu l’exposition She Who Tells a Story: Women Photographers from Iran and the Arab World au National Museum of Women in Arts (Washington), organisée par le Museum of Fine Arts Boston, dans laquelle étaitent présentés les travaux de Lalla Essaydi, Newsha Tavakolian, Shirin Neshat, Gohar Dashti ou encore Boushra Almutawakel. Il s’agit de brandir l’oeuvre de femmes artistes dont le pouvoir par leur créativité balaye les préjugés de la femme Arabe servile.

Les oeuvres de ces artistes élargissent no-tre champ de vision sur le monde Arabe et permet au public Occidental de mieux com-prendre son contexte, de lire des chapitres trop peu connus témoignant l’intrication, l’ambiguïté de la femme du Moyen Orient et du Maghreb.“Le public Occidental veut souvent voir des images qui parlent de femmes oppressées et portant le voile. De nombreux travaux pho-tographiques répondent à cela mais ce n’est pas toujours la réalité. Sur le terrain, une au-tre facette existe. Dans les coulisses, les gens

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