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L’ORDRE ET LE CHAOS ‘‘L’ANNÉE DU DRAGON’’ DE MICHAEL CIMINO REPRODUCTION INTERDITE Propriété de Carlotta Films

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L’ORDRE ET LE CHAOS‘‘L’ANNÉE DU DRAGON’’ DE MICHAEL CIMINO

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“CE N’EST NI LE BRONX NI BROOKLYN.CE N’EST MÊME PAS NEW YORK.

C’EST CHINATOWN.”

JOEY TAIRemerciements chaleureuxCahiers du cinéma Jérôme Cuzol Stéphane Delorme Marc Chevrie Jean Narboni Vincent Ostria Ouardia TerahaFrançois GuérifPascal MérigeauMGM – Maggie AdamsWarner Bros. Jeff Briggs Kim Paine Steve Sonn Beth Stengel

The Right Place, entretien avec Michael Cimino © CAHIERS DU CINÉMA. Tous droits réservés.Notes de production © 1985 DINO DE LAURENTIIS CORP. Tous droits réservés.Crédits photographiques © 2016 METRO-GOLDWYN-MAYER STUDIOS Inc. Tous droits réservés.Photos additionnelles © WARNER BROS. Tous droits réservés.© 2016 CARLOTTA FILMS. Tous droits réservés.Conception graphique © 2016 DARK STAR.

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“CE N’EST NI LE BRONX NI BROOKLYN.CE N’EST MÊME PAS NEW YORK.

C’EST CHINATOWN.”

JOEY TAIRemerciements chaleureuxCahiers du cinéma Jérôme Cuzol Stéphane Delorme Marc Chevrie Jean Narboni Vincent Ostria Ouardia TerahaFrançois GuérifPascal MérigeauMGM – Maggie AdamsWarner Bros. Jeff Briggs Kim Paine Steve Sonn Beth Stengel

The Right Place, entretien avec Michael Cimino © CAHIERS DU CINÉMA. Tous droits réservés.Notes de production © 1985 DINO DE LAURENTIIS CORP. Tous droits réservés.Crédits photographiques © 2016 METRO-GOLDWYN-MAYER STUDIOS Inc. Tous droits réservés.Photos additionnelles © WARNER BROS. Tous droits réservés.© 2016 CARLOTTA FILMS. Tous droits réservés.Conception graphique © 2016 DARK STAR.

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I. L’ORDRE ET LE CHAOSPAR FRANÇOIS GUÉRIF

PAGE 9

II. SCÉNARIOOLIVER STONE ET MICHAEL CIMINO

PAGE 15

III. ENTRETIENSAVEC MICHAEL CIMINO,

MICKEY ROURKE ET ROBERT DALEYPAGE 145

IV. NOTES DE PRODUCTIONPAGE 191

CAHIERS DE PHOTOGRAPHIES : VOIR PAGES 128 ET 170

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I. L’ORDRE ET LE CHAOS

PAR FRANÇOIS GUÉRIF

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L’Année du dragon, c’est d’abord un livre de Robert Daley, ancien correspondant du New York Times à Paris, rentré aux USA en 1964, et choisi par le chef de la police de New York pour être un de ses sept « Deputy commissioners ». De cette expérience, Robert Daley a tiré des livres comme To Kill a Cop (inédit en France) ou Le Prince de New York. L’Année du dragon, publié en 1982, résulte d’une enquête menée auprès de policiers de tout grade. Lorsque je l’ai rencontré en juin 1982, Daley m’a affirmé : « Tous les détails sont authentiques ; les tripots, je les ai vus ; les religieuses qui assurent les écoutes, je les ai rencontrées. » L’idée maîtresse du livre est l’existence d’une mafia chinoise qui, selon son auteur, est beaucoup plus à craindre que son homologue italienne. Idée que l’on retrouve dans le film de Michael Cimino où on apprend, après une courte exposition, que la mafia n’est pas née en Italie mais en Chine, il y a dix siècles, avec les premières Triades. Le côté anecdotique du récit développe cette affirmation : la vague de violence qui s’abat sur Chinatown pendant les fêtes du Nouvel An n’est pas imputée, comme le voudrait la version officielle, à des gangs de jeunes racketteurs, mais à une organisation du crime en proie à de profonds bouleversements.

Reprenant à son profit les méthodes ayant fait leur preuve à Chicago dans les années vingt et trente, un jeune Chinois ambitieux décide de renouveler les cadres et de prendre la tête de cette mafia internationale dont on trouverait les prolongements dans tous les pays, y compris le nôtre. La force de la mafia chinoise tenant à sa non-existence officielle. La civilisation millénaire chinoise, nous rappelle-t-on, ayant toujours su pratiquer l’art du secret.

À la fin du livre, on n’en sait pas beaucoup plus sur ce vaste corps social dont aucun journaliste n’a pu, encore aujourd’hui, « franchir la barrière ». Daley expose des faits, interroge, et fait naître le doute.

L’adaptation d’Oliver Stone et de Cimino démontre l’existence de cette mafia. Elle donne surtout une orientation différente au récit en faisant du flic chargé de ramener l’ordre à Chinatown un ancien du Vietnam. Ce dernier, traumatisé par l’échec américain, donne à son combat contre la corruption et le crime un aspect revanchard, voire purificateur. Le conflit, de général, vire au particulier et c’est en toute logique qu’il se résout par un face-à-face entre deux individus, dans la plus pure tradition du western. Le flic veut éliminer à tout prix le nouveau « parrain » de Chinatown et les deux adversaires finissent par agir au détriment des intérêts généraux. Le flic « mouille » la police, et se fait limoger ; le « parrain » met en péril l’Organisation qui décide de le remplacer. Car L’Année du dragon – le film – est aussi l’histoire d’une obsession et d’une folie, caractéristique accentuée par la composition « allumée » de Mickey Rourke qui s’inscrit ici, de par la puissance inspirée de son jeu, comme le seul véritable héritier de Marlon Brandon.

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Mafia oblige, le film renvoie au Parrain de Coppola. Mais autant celui-ci s’attachait à décrire, sur un rythme lent, l’ordre de la façade sociale édifiée par la mafia italienne, façade lézardée par quelques éclats de violence, autant Cimino, épousant la démarche de son personnage, va directement au chaos, c’est-à-dire à la violence qui dynamite un ordre qui n’a pas le temps de se construire. Mais s’il diffère dans la forme, le film de Cimino rejoint Le Parrain sur le fond et devient, comme lui, une métaphore de l’Amérique. Ce qui caractérise le nouveau parrain de Chinatown, c’est son pragmatisme à l’américaine, son sens du développement commercial. Et s’il est stoppé, ce n’est pas par la Justice ou les Institutions, mais par un homme qui transgresse la loi pour cela. Tous deux seront d’ailleurs détruits pour n’avoir pas respecté les règles de leur système respectif. Le parrain, désireux de brûler les étapes dans son ascension vers le pouvoir, trahit le secret qui a toujours fait la force de l’Organisation ; le flic, dans cette période post-Watergate, et post-Vietnam, estime que les médias démobilisent et coulent son pays ; il cherche à les manipuler et les voit se retourner contre lui.

En voulant le rythme, l’efficacité et le spectaculaire à tout prix – et le désir d’effacer l’échec commercial de La Porte du paradis n’y est sûrement pas étranger – Cimino va à l’essentiel et n’enrobe pas son sujet de considérations prudentes. En faisant cela, il s’est mis à dos la presse américaine qui l’a accusé de simplisme, voire même de racisme. Cette accusation ne tient pas. D’abord Cimino souligne la folie de son protagoniste qui va jusqu’à provoquer la mort de sa femme et de son assistant chinois ainsi que le viol de sa maîtresse. Ce Polonais d’origine ne s’est jamais senti intégré, et s’il se sert du Vietnam comme excuse, il est assez lucide pour dire à ses hommes : « Je veux le chaos. » D’autre part, Cimino rappelle le rôle essentiel, et négligé par les historiens, des Chinois dans la fondation même des États-Unis (notamment, des milliers d’entre eux sont morts pendant la construction des lignes de chemin de fer dans l’Ouest). Enfin, s’il rappelle les rivalités qui existent aujourd’hui entre les diverses communautés, c’est uniquement pour constater l’effondrement du rêve américain : ce n’est plus le « melting pot » mais la lutte à mort entre les clans. À l’ordre, s’est substitué le chaos.

Au plan de la réalisation, le film est éblouissant. Cimino sait créer l’inquiétude par un cadrage, planter un décor en deux plans, raccorder des travellings arrière et latéraux pour donner de l’ampleur à sa vision et briser net un mouvement fluide pour introduire brutalement la violence. Dans sa mise en scène même, il sait briser l’ordre apparent pour faire exploser le chaos révélateur.

La Revue du cinéma n° 410, novembre 1985

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Mafia oblige, le film renvoie au Parrain de Coppola. Mais autant celui-ci s’attachait à décrire, sur un rythme lent, l’ordre de la façade sociale édifiée par la mafia italienne, façade lézardée par quelques éclats de violence, autant Cimino, épousant la démarche de son personnage, va directement au chaos, c’est-à-dire à la violence qui dynamite un ordre qui n’a pas le temps de se construire. Mais s’il diffère dans la forme, le film de Cimino rejoint Le Parrain sur le fond et devient, comme lui, une métaphore de l’Amérique. Ce qui caractérise le nouveau parrain de Chinatown, c’est son pragmatisme à l’américaine, son sens du développement commercial. Et s’il est stoppé, ce n’est pas par la Justice ou les Institutions, mais par un homme qui transgresse la loi pour cela. Tous deux seront d’ailleurs détruits pour n’avoir pas respecté les règles de leur système respectif. Le parrain, désireux de brûler les étapes dans son ascension vers le pouvoir, trahit le secret qui a toujours fait la force de l’Organisation ; le flic, dans cette période post-Watergate, et post-Vietnam, estime que les médias démobilisent et coulent son pays ; il cherche à les manipuler et les voit se retourner contre lui.

En voulant le rythme, l’efficacité et le spectaculaire à tout prix – et le désir d’effacer l’échec commercial de La Porte du paradis n’y est sûrement pas étranger – Cimino va à l’essentiel et n’enrobe pas son sujet de considérations prudentes. En faisant cela, il s’est mis à dos la presse américaine qui l’a accusé de simplisme, voire même de racisme. Cette accusation ne tient pas. D’abord Cimino souligne la folie de son protagoniste qui va jusqu’à provoquer la mort de sa femme et de son assistant chinois ainsi que le viol de sa maîtresse. Ce Polonais d’origine ne s’est jamais senti intégré, et s’il se sert du Vietnam comme excuse, il est assez lucide pour dire à ses hommes : « Je veux le chaos. » D’autre part, Cimino rappelle le rôle essentiel, et négligé par les historiens, des Chinois dans la fondation même des États-Unis (notamment, des milliers d’entre eux sont morts pendant la construction des lignes de chemin de fer dans l’Ouest). Enfin, s’il rappelle les rivalités qui existent aujourd’hui entre les diverses communautés, c’est uniquement pour constater l’effondrement du rêve américain : ce n’est plus le « melting pot » mais la lutte à mort entre les clans. À l’ordre, s’est substitué le chaos.

Au plan de la réalisation, le film est éblouissant. Cimino sait créer l’inquiétude par un cadrage, planter un décor en deux plans, raccorder des travellings arrière et latéraux pour donner de l’ampleur à sa vision et briser net un mouvement fluide pour introduire brutalement la violence. Dans sa mise en scène même, il sait briser l’ordre apparent pour faire exploser le chaos révélateur.

La Revue du cinéma n° 410, novembre 1985

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III. ENTRETIENSAVEC MICHAEL CIMINO,

MICKEY ROURKE ET ROBERT DALEY

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devient fort. Et je crois que Ford survit, Kurosawa survit, Visconti survit, qu’ils continuent à avoir un impact profond, à cause de leurs qualités de cœur, pas à cause d’un savoir-faire supérieur mais parce qu’ils ont le cœur « at the right place »…

Entretien réalisé par Marc Chevrie, Jean Narboni et Vincent OstriaTraduit de l’anglais (États-Unis) par Vincent Ostria

Cahiers du cinéma n° 377, novembre 1985

ENTRETIEN AVEC MICKEY ROURKE

Du Motorcycle Boy de Coppola, il a gardé la pâleur et cette voix si douce qu’elle en devient presque irréelle. Les Américains nous avaient promis un fou furieux, capable de s’avaler tout crus trois journalistes chaque matin. On se retrouve prisonnier d’un sourire qui n’en finit jamais, inexorablement séduit par une gentillesse sans équivoque et une sincérité sans apprêt. Oui, Mickey Rourke est fou. De cinéma.

La Revue du cinéma. Avez-vous été surpris par la violence dont a fait preuve la presse américaine lors de la sortie de L’Année du dragon ?

Mickey Rourke. J’ai été très déçu par les réactions de la presse. Le film n’a pas été considéré en tant que tel. Tout a été déterminé par un problème de personnes. Les journalistes n’ont parlé que des péchés que Michael est censé avoir commis, ils l’ont traité comme s’il était un tueur d’enfants. Je comprends maintenant qu’il ne veuille plus accorder d’entretiens et je suis comme lui, je ne parlerai plus jamais à un journaliste du Los Angeles ou du New York Times. Je ne leur pardonnerai jamais ce qu’ils ont fait. Nous avons essayé de faire un film honnête, d’exposer des idées, de montrer une certaine corruption, et ils ont refusé de le voir. Ils ont tellement l’habitude de ces films de merde, de ces histoires de science-fiction débiles, que, quand ils voient un film comme celui-ci, ils refusent de se sentir concernés, à cause de leur propre faiblesse, de leurs états d’âme d’artistes frustrés. Ils ne veulent pas d’un film qui essaye de dire la vérité et qui le fait avec passion. Je crains malheureusement que Michael ne soit pas reconnu avant sa mort. Ils ne lui pardonnent pas ce film, ils ne lui pardonneront pas le prochain, ni le suivant. Leur devoir est de donner au public une opinion honnête. Peu importe qu’ils aiment ou qu’ils n’aiment pas le film, du moment qu’ils disent pourquoi. Ils ont détruit le film. Pendant le tournage, Michael refusait de voir la presse. Tout le monde me disait : « Arrêtez de défendre Cimino, ou vous aussi, vous allez avoir des ennuis. » Quand on travaille sur un projet comme celui-ci, il y a des années de travail et de préparation, et ils viennent tout foutre en l’air en deux paragraphes. Mais je sais que Michael ne laissera pas tomber, qu’il refusera tout compromis. Ils veulent lui couper les couilles et jongler avec. Je ne dis pas : « Bien, tant pis, les critiques n’aiment pas le film. » Je dis : « Qu’ils aillent se faire mettre ! » J’en ai rien à foutre qu’ils ne me consacrent plus jamais la moindre ligne. Je les hais tellement que si l’un d’entre eux entrait ici, maintenant, il y aurait du sang sur les murs.

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La Revue du cinéma. Avez-vous lu le livre de Robert Daley ?

M. Rourke. Non. J’avais lu Rusty James avant de faire le film. C’est de la merde, et nous avons fait un film qui est bien meilleur. Je travaille avec un metteur en scène qui est capable de tirer du livre ce qui l’intéresse, je n’ai pas besoin de le lire. Daley se répand dans la presse en disant que le film n’a rien à voir avec son livre. Qu’il aille se faire foutre !

La Revue du cinéma. Était-ce difficile pour vous d’entrer dans la peau d’un homme de plus de quarante ans, très marqué par le Vietnam, alors que vous n’avez pas connu cela ?

M. Rourke. Ce n’est pas le Vietnam qui posait problème. J’avais vingt-neuf ans lorsque le film a été tourné et ce qui était difficile était d’avoir quarante-quatre ans. Un homme de vingt-cinq ans aura du mal à jouer un homme de trente-quatre ans, si vous avez seize ans, il vous sera difficile de jouer un type de vingt-quatre ans. Il y a toute une expérience accumulée. La question est : Comment jouer un capitaine de police à vingt-neuf ans ? Il faut faire passer ce respect qu’inspire un homme de quarante ans à quelqu’un de plus jeune. Et pour cela, il faut beaucoup répéter, travailler. Oublions tout ce travail, ce qui compte, c’est qu’ensuite je puisse sentir ce respect lorsque je me regarde dans un miroir. Il faut que je puisse écouter celui que j’ai en face de moi.

La Revue du cinéma. Et les cheveux gris ?

M. Rourke. Chaque fois qu’il a vu un homme tomber, au Vietnam, chaque fois qu’il a dû tuer quelqu’un, en tant que policier, il a pris cent cheveux gris de plus.

La Revue du cinéma. Qui a eu l’idée de vous faire porter le feutre sur les yeux ?

M. Rourke. Dans les Marines, lorsque vous portez une coiffure, vous la portez très bas. Ainsi, vous êtes obligé de vous redresser, de relever la tête, pour regarder les gens. Vous les regardez forcément de haut. Ça vous donne une sorte de supériorité psychologique. C’est le vrai Stanley White qui m’a donné ce truc.

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savaient pas ce qu’ils étaient venus faire là-bas, qui ils combattaient et pourquoi. Aujourd’hui, on dit à Stanley White de s’attaquer aux Chinois. On lui dit d’en arrêter quelques-uns, mais surtout, on lui conseille de ne pas faire trop de bruit. C’est comme si on me disait le matin : « Voilà, vous allez travailler avec ce metteur en scène, avec ces acteurs, vous allez faire ce film de science-fiction. » Je vais me lever et dire non. Imaginez que vous ayez un boulot à faire et que vos supérieurs vous ordonnent de le faire… mais pas trop bien. Qu’ils vous disent : « Écrivez… mais pas trop. Ne parlez pas de La Fièvre au corps, ne parlez pas de Rusty James, ne parlez pas de L’Année du dragon, mais parlez du Pape de Greenwich Village. » Comment allez-vous réagir ? On apprend aux Marines à faire leur boulot à 100%. S’ils se font tuer, c’est leur boulot. C’est la seule manière que Stanley connaisse. Ce qu’il veut, c’est faire son boulot, et lorsque son ami est tué, il en fait une affaire personnelle. Il connaît l’assassin et c’est cet homme qu’il veut tuer. Si l’on tue ma femme, je ne vais pas rester tranquillement assis à ne rien faire.

La Revue du cinéma. Pensez-vous qu’il a le sentiment d’incarner une certaine forme de pureté ?

M. Rourke. Quand j’ai parlé au vrai Stanley White, je lui ai dit que je n’avais jamais été Marine et que je voulais savoir ce que cela signifiait. Vous prenez un vétéran du Vietnam, vous lui dites que deux cents ennemis vont se pointer au bout de la rue, qu’il doit prendre une caisse de grenades et une mitraillette, et rester là aussi longtemps qu’il le peut. Je lui ai demandé s’il le ferait. Il m’a répondu : « Vous voulez que je sois vraiment sincère ? Je resterai si vous restez aussi. » Pourquoi ? « Parce que je ne veux pas mourir seul. » Stanley est comme ça. Il est assez honnête pour dire qu’il n’a pas peur de mourir, mais qu’il ne veut pas mourir seul. Ça a été très important pour moi. Je me dis que je pourrais rester avec ce type. Parce que je crois en lui. Il y a beaucoup de ressemblances entre Stanley et Michael. Quand vous voyez Stanley, vous voyez Michael.

La Revue du cinéma. Michael Cimino vous a-t-il laissé autant de liberté que, par exemple, Nicolas Roeg sur Eureka ?

M. Rourke. Il m’a donné moins de liberté, parce que le personnage est très direct. Il n’y a rien de mythique dans le personnage, au contraire de Rusty James, où tout était très stylisé. J’avais en un sens besoin d’être dirigé et c’était un plaisir. Le Motorcycle Boy est avant tout l’image de quelque chose qui n’est plus. C’est quelqu’un qui fait ses derniers pas sur terre. C’est un symbole, alors que Stanley, lui, est vraiment là. Stanley veut juste savoir à quoi il peut croire. Il y a tant de corruption qu’il craint de devoir rester seul. C’est un homme comme les

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