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Lbourda n Lboussayri-poeme en l Honneur de Prophete- De Mohamad AbuSir Asnhaji Le Berbere Rene Basset 1894

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BIBLIOTHÈQUE ORIENTALE EL2ÉVIRIENNE

L X I X

LA B O R D A H

DU

C H E I K H E L B O U S I R I u) )

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O U V R A G E S DU MÊME AUTEUR sur l'histoire, la littérature et la géographie arabes.

• ' * P R I É E S DES MUSULMANS CHINOIS, traduites sur l'original arabe et persan, imprimé à Cantoiu Paris, E. Leroux, 1878, in-*.

I A POÉSIE ARABE AN T E-1S LA MIQU E, Paris, E. Leroux, 1880, m-18 UN V O Y A G E EN TUNISIE (MUH» de i« Soe. Je Gw. <urbst im2). LES MANUSCRITS ARABES DE D E U X BIBLIOTHÈQUES DE FAS,

M l i s i O N l 8 S C I & T l F i a U E EN ALGÉRIE "ET AU MAROC (Bulletin de l,i Société Je Géographie Je l'Est, 188)1885). „„™TIIr,

DOCUMENTS G É O G R A P H I Q U E S SUR L'AFR Q U E S E P T E ï n RIO-NALE, traduits de l'arabe (Bullet. Je la Soe. d'Gwg.JtlEst 188,-1888).

C O N T E S ARABES, HISTOIRE DES DIX VIZIRS (Bakhtyàr-Nameh),

LhPsarMANUSCRÎTSh^ARABES DU BACH AGHA DE DJELFA, Alger,

LES MANUSCRITS ARABES DES BIBLIOTHÈQUES DES ZAOUIAS DE AIN MADHI ET TEMACIN, DE OUARGI.A ET DE ADJADJA,

MÊI A N G E S D ' H I S T O I R E ET DE L I T T É R A T U R E ORIENTALES. -T U S E É L É G I E A M O U R E U S E D'IBN1SEID l e v a i n ,886

in-8 - I I ESSAI SUR L'HISTOIRE ET LA LANGUE DES PEUPLES DE SONGHAI MELL1 ET T O N B O U K T O U . Louvain, 1888 iu-8.

UNE SEMAINE DANS LE SAHARA ORANAIS (Bulletin de la Société

R A P P O ^ S U L F UNE MISSION SCIENTIFIQUE EN SÉNÉGAMBIE

D OCU MF.N T S ''M U S U Ï I AN S SUR LE SIÈGE D'ALGER EN , 5 4 . , publiés, traduits et annotés, Paris, E. Leroux 1890, jn-8 . .

LEPS DICTONS ATTRIBUÉS A SIDI AHMED BEN Y O U S O F , Pans,

LES' A V E N T U R E S MERVEILLEUSES DE TEMIM ED DARI, texte arabe avec une introduction, Rome, 1891, in-8 n c M n A V T

FASTES C H R O N O L O G I Q U E S DE LA VILLE D ORAN PENDANT LA PÉRIODE ARABE. Paris, E. Leroux, 1892,. in-8. .

R A P P O R T SUR LES É T U D E S ARABES, BERBERES ET ETHIO-PIENNES DE .887 A 1841, Woking, 1892, g- in-8

LA LÉGENDE DU COMBAT DE 'ALI E l DU DRAGON E l Lh ROMAN DE RAS EL G H O U L Rome, .895, in-8.

LÉS INSCRIPTIONS DE L'ILE DE D A H L A K . Pans, 1895, in-8.

EN COLLABORATION AVEC M. HOUDAS : MISSION SCIENTIFIQUE EN TUNISIE. - I. ÉPIGRAPHIE T U N I -

SIENNE, Alger, 1882, in-8 avec carte et planches. — IL BIBLIO-GRAPHIE : LES MANUSCRITS ARABES DE TUNIS ET DE Q A 1 R O U A N , Alger, 1884, in-8.

SOUS PRESSE : LES MANUSCRITS ARABES DE LISBONNE.

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LA BORDAH D U

C H E I K H EL B O U S I R I P O È M E EN L ' H O N N E U R DE M O H A M M E D

T R A D U I T E E T COMMENTÉE

E R N E S T L E R O U X , É D I T E U R 2 8 , R U E B O N A P A R T E , 2 8

.894

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INTRODUCTION

Un des poèmes religieux les plus répan-dus, — peut-être même celui qui l'est le plus — che% les Musulmans de l'Occident comme che\ ceux de l'Orient, est laQasi-dah, désignée généralement sous le nom de Bo rdah {le manteau), et composée par Cheref eddin Mohammed ben Sa'ïd, ben Hammàd, ben Mohsin, ben Sanhddj, ben Hilàl es Sanhàdji, d'origine berbère comme le montre son surnom ethnique '.

i. Ibn Châkir , Faouât cl Oucfaiât, Boulaq,2 vol. in-4°, 1299 p. t. II, p. 2O5 ; Es Soyouti, Hosn el mohddharah,\e Qaire, 1299 p. 2 vol. in-40, t. I, p. 261; I b n ' A c h o u r , Chifa el Qalb el Djerili, Boulaq, 1292 hég. p. 10.

LA 13ORDAH I

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II I N T R O D U C T I O N

Il naquit à Aboutir du Sa'id, d'après Mohammed benAbou Bekr ; aux environs de Dilds, d'après Es Soyouti ', le i" de chaoudl 608 (7 mars 1212) et reçut les surnoms d'Ed Dildsi et d'El Bousiri, quelquefois réunis sous le nom d'Ed Di-lasiri. On explique aussi ce double sur-nom par le fait qu'un de ses parents était d'Aboutir et l'autre de Dilds.

Son histoire est asse\ obscure : nous savons qu'il habita Belbéis, qu'il s'appli-qua à l'art de la calligraphie et- à la

1. Dilâs, l 'ancienne Ti lodj , était située dans la province de Behnésâ, aujourd'hui le moudiryeh de Béni Souef (cf. Amél ineau, La géographie de l'Egypte à l'époque copte. Paris, i8y3, in-8», p. 13G-137). H est possible que l 'Abousir du Sa'id dont parle Es Soyouti, soit le village d'A-bousir el Molaq qui fait également partie de la province de Behnésâ et qui est encore aujour-d'hui dans le moudiryeh de Beni Souef. Cepen-dant un géographe arabe anonyme, cité par Quatremère (Mémoires sur l'Egypte. Paris, 181 r, 2 vol.in-8", t. I, p. 112), mentionne un B o u s i r d u Sa'id situé à quelques parasanges d'Arment.

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I N T R O D U C T I O N III

grammaire et qu'il gagna sa vie à copier des manuscrits. Il fut le disciple du célè-bre soufi Abou'l'Abbds Ahmed el Marsi ' dont la bénédiction lui profita tellement qu'il devint le plus illustre traditionniste de son époque (Ibn Chàkir) .

La date de sa mort n'est pas connue d'une manière certaine 2. Hadji Khalfa 3

la place en 694 hég. (1294- g5); Es Soyouti en 6 ç5 (1 2 q5-1296) ;Maqri^i et Ibn Chàkir en 696 (1296-1297) ou 697 (1297-1298). Son tombeau fut placé près de celui de Vimâm Ech Chaféi.

1. Le cheïkh Abou' l 'Abbâs A h m e d cl Marsi ben 'Omar el 'Omari , surnommé le pôle de son époque, fut le chef des disciples du cheikh Abou'l Hasan Ech Chàdzeli . 11 mourut à Alexandrie e n 6 8 4 h é g . ( 1 2 8 5 - 1 2 8 6 ) .

2. C'est par une confusion de dates qu'Ibn A c h o u r (op. laud., p. 10), citant le Commentaire de la Ham\iah par Ibn Hadjar el Hai'tami, place la naissance d'El Bousiri en 694 hég. et sa mort en 781 hég.

3. Lexicon bibliographicum éd. Flûgel, t. VI, Leipzig, 1845, in-40, p. 523 et suivantes.

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IV I N T R O D U C T I O N

II composa un certain nombre de pièces de vers dont quelques-unes sont citées par Ibn Chàkir ; la plus célèbre est la Ham-ziah, plusieurs fois commentée et impri-mée. Une autre, également en l'honneur du Prophète, lui avait été commandée par Es Sali h Zein ed Din ben Ya'qoub ben E\ Zobaïr (Ibn Chàkir ) . Comme poète, on plaçait El Bousiri au-dessus d'El Dje\-lâr et d'El Ouarrâq Siràdj eddin, ses contemporains (Es Soyouti) , ce qui pour nous a peu d'importance, vu la profonde obscurité qui couvre ces personnages.

En réalité, sa notoriété est due à la Bordah qui fut composée dans des cir-constances particulièrement miraculeu-ses, s'il faut en croire les traditions. Au dire de ses biographes, lui-même fai-sait le récit suivant : « Il arr iva que je « fus atteint d 'une hémiplégie qui mepara -« lysa à moit ié . Je songeai a lors à compo-« ser ce poème de la Bordah. Après l 'avoir « fait, je demanda i à Dieu de voulo i r « bien me guér i r , puis je c o m m e n ç a i à le

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V I N T R O D U C T I O N

« réciter en p leuran t et je m ' e n d o r m i s . « E n songe, je vis le P r o p h è t e passer sa « main bénie sur ma partie malade et jeter « sur moi un manteau A m o n réveil, je « nie trouvai capable de me lever : je sor-te tis de chez moi sans avoir raconté r ien « de tout cela à personne . Je rencon t ra i « un faqir qui me dit : Je désire que tu « me donnes le poème dans lequel tu « loues le P rophè te . — L e q u e l ? — Ce lu i « que tu as composé pendan t ta maladie , « et il me récita le c o m m e n c e m e n t . — « Par Dieu, ajouta-t- i l , je l'ai en tendu ré -« citer hier en présence du P rophè t e que « j'ai vu s ' incl iner à m o n grand é t o n n e -« ment et il a jeté son manteau sur celui « qui le r é c i t a i t . — J e lui remis cette pièce « de vers » (Ibn Chàki r , H a d j i Khalfa) .

Je n'ai pas l'intention de discuter ici

i. Un développement postérieur de la légende, cité par le commentateur El Mosannifek, prétend qu'El Bousiri trouva réellement sur ses épaules, en s'éveillant, le manteau du Prophète (Hadji-Khalfa).

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VI INT R ODUC T ION

le degré de vérité de cette légende, peut-être contemporaine d'El Bousiri et dont plusieurs points peuvent être vrais; je me contenterai simplement de rappeler à ce sujet les paroles de M. Renan : « P o u r que « la croyance à un miracle s 'accrédite, il « faut bien que que lqu 'un soit r e spon-« sable de la r u m e u r qui se r é p a n d ; mais « d 'ord ina i re , ce n'est pas l ' au teur princi-« pal . Le rôle de celui-ci se borne à ne pas « réc lamer cont re la réputa t ion qu 'on lui « fait. L o r s m ê m e qu' i l réclamerai t , du « reste, ce serait en pure perte, l 'op in ion « popula i re serait p lus forte que lui . . . U n « miracle , en d 'au t res termes, suppose « t rois condi t ions : i° la crédul i té de t o u s ; « 2° un peu de compla isance de la part de « que lques -uns ; 3° l ' acquiescement tacite « de l ' au teur pr incipal »

C'est ce qui arriva pour El Bousiri. Le bruit de sa guérison miraculeuse parvint jusqu'au vi\ir Behd eddin ibn

i. Vie de Jésus, 21° éd., 1892, p. xxvi-xxvn.

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I N T R O D U C T I O N VII

Hinna 1.' il manda le poète et se fit ré-citer la qasidah. Il l'admira tellement

i . Behà eddin 'Ali ben Sedid eddin Moham-med ibn Hinnà fut nomme vizir en 629 hég. (1260-1261) par El Melik ezh Zhàher Beïbars, le quatrième sultân mamlouk. Il l 'accompagna lorsqu'il alla à la rencontre du dernier des 'Ab-bàsides, échappé au sac de Baghdâd par les Moghols de Houlagou et réfugié en Egypte, où il devint, sous le nom d'El Mostanser billah, le premier des Khalifes de la seconde dynastie ab-baside. En 661 (1262-1263), Behà eddin leva, pour Beïbars, de fortes contributions à Alexan-drie ; en 664 (1265-1266), il était présent à une tentative de meurtre sur l 'émir 'Izzeddin, vice-roi d'Egypte, commise par un hachchdch (man-geur de hachich). En 674 (1275-1276) il fut chargé d'établir à Dongolah et dans la Nubie les percepteurs qui devaient recueillir le tribut pro-mis au sultan par le nouveau roi Mechker ou Chekendah. L'année suivante, en 675 (1276-1277), il fut désignécomme l'un desdeux officiers qui devaient rester constamment auprès d'El Melik es Sa'id, en l'absence de son père Beïbars, qui mourut bientôt empoisonné à Damas en moharrem 676 (juin-juillet 1277). On connaît

deux de ses fils, F a k h r eddin et Mohi eddin qui

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VIII I N T R O D U C T I O N

qu'il jura de ne jamais l'entendre que debout, nu-pieds et nu-tête. C'est à cette dévotion qu'on attribue la prospérité dont il jouit pendant longtemps, lui et sa famille.

L'admiration professée par un person-nage d'un si haut rang pour les vers d'El Bousiri fut pour beaucoup dans la répu-tation dont ils jouirent presque immédia-tement. Les miracles d'ailleurs s'en mêlè-rent: Sa'ad eddin el Fàreqi, qui était chargé de tracer sur les diplômes le chif-fre du prince, ayant été atteint d'une chas-sie qui menaçait de le rendre aveugle, vit en songe quelqu'un lui dire : Prends la Bordah et applique-la sur tes yeux. Le malade, croyant qu'il s'agissait d'une reli-que comme le manteau du Prophète qui

eurent part aux honneurs de leur père (Quatre-mère, Mémoires sur l'Egypte,X. Il p. 109; Maq-rizi, Histoire des sultans mamlouks, trad. Q u a -tremère, t. I. Paris, 1837-40, in-40, 1™ partie p . 1 4 5 , 1 4 7 , 2 1 7 - 2 1 8 ; 2° p a r t i e , p . 1 5 , 3 2 , 3 8 , 4 5 ,

131, i38).

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I N T R O D U C T I O N IX

porte ce nom bordah., se rendit clie% Ibn Hinnd et lui demanda son aide. Le ministre répondit d'abord qu'il ne possé-dait pas le manteau de Mohammed, puis, en y réfléchissant, il ajouta : Peut-être est-ce le poème d'El Bousiri qui est ainsi appelé. Yaqout, dit-il à un esclave, ouvre la caisse aux reliques, prends-y la Bordah d'El Bousiri et apporte-la. L'ordre exé-cuté, Sa ad eddin la plaça sur ses y eux et

fut guéri. C'est de là, suivant quelques-uns, que le nom de Bordah aurait été donné à la qasidah, dont le titre exact est : El Kaouâk ib ed da r ryah fï m e d h kheir

i . C'était le manteau, en étoffe du Yémen, dont Mohammed avait fait présent au poète Ka'ab ben Zohaïr pour lui servir de sauve-garde et lui garantir son pardon après sa soumission et sa conversion à l'islam. Il fut racheté plus tard parle Khalife Mo'aoîl^'ah, passa successive-ment aux Omayades, aux 'Abbasides et aux Fati-mites, puis aux Turks , après la conquête de l 'Egypte par Selim I" . On le conserve encore à Constantinople où il est l'objet d'une véritable adoration.

LA BORDAH I*

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X I N T R O D U C T I O N

el bar ryah (Les étoiles brillantes, louange de la meilleure des créatures) (Ibn C h à -kir, H a d j i - K h a l f a ) .

A examiner le poème en lui-même, sa célébrité aurait de quoi nous étonner, si elle ne s'expliquait par les circonstances miraculeuses de son apparition. Il n'a rien qui le distingue des nombreuses pièces de vers en l'honneur du Prophète : son grand mérite — en dehors de ses propriétés surnaturelles très estimées des Musulmans — consiste dans l'exposé sommaire des principaux faits de la vie de Mohammed ; c'est aussi un abrégé des croyances musulmanes et, à ce titre, il méritait d'être conservé dans les mémoi-res. Il a à nos yeux une autre qualité : c'est qu'il est à peu près exempt des traces du soufisme qui commençait dès lors à exercer son influence si néfaste sur la poésie orientale. Mis en parallèle avec certaines pièces de Omar ben El Fdredh, par exemple, c'est un chef-d'œuvre de simplicité élégante, bien que le goût eu-

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INTRODUC T ION XI

ropéen ne laisse pas d'être choqué fré-quemment par les allitérations et les jeux de mots si fréquents dans cette littérature de décadence.

A un autre titre, il mérite d'être étu-dié comme un résumé sommaire de la légende du Prophète, telle qu'on se la

figurait au x m e siècle en Orient. A l'ori-gine, Mohammed n'avait guère connu le christianisme que par les sectes héré-tiques et les évangiles apocryphes ; le ju-daïsme par l'aggada plutôt que par la Bible : en se développant, la théologie musulmane, plus au courant du christia-nisme, tendit à en rapprocher de plus en plus le fondateur de l'islam et à attribuer à celui-ci les miracles qui devaient le rendre au moins l'égal de Jésus. Cette dé-viation de l'idée réelle qu'on avait du Pro-phète, commença de bonne heure et ne fit que s'accroître avec le temps. De là, les prodiges calqués sur ceux que rappor-taient les Évangiles et qui sont en oppo-sition complète avec les sentiments réels

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XII I N T R O D U C T I O N

de Mohammed '. Aussi, dans le commen-taire dont j'ai accompagné ma traduction, j'ai jugé utile de signaler ces rapports, tant avec les évangiles canoniques qu'avec les évangiles apocryphes. J'ai indiqué aussi, mais sans insister, les points de ressemblance qui existent entre les légen-des du bouddhisme et celles de l'islam qui n'a connu les premières que par l'inter-médiaire du christianisme. Celui-ci, même à l'origine, put en subir l'influence. « Q u e l q u e s - u n s de ces moines b o u d d h i s -« tes vagabonds qui coura ien t le m o n d e , « c o m m e plus tard les p remie r s f r anc i s -« cains, p rêchan t de leur extérieur , édifiant « et conver t issant des gens qui ne savaient « pas leur langue, n 'avaient-i ls pas t ou rné « leurs pas du côté de la Judée , de m ê m e « que , cer ta inement , ils l 'avaient t'ait du

i. On trouvera le développement de ce l'ait

dans un excellent mémoire de M. I. Goldziher,

Influences chrétiennes dans la littérature reli-gieuse de l'islam (Revue de l'histoire des Reli-gions, t, XVIII, 1888, p. 180-199 .

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I N T R O D U C T I O N XIII

« côté de la Syrie et de Baby lone? — « C'est ce que l 'on ignore . Babylone était « devenue depuis que lque t emps un vrai « foyer de bouddh i sme . Boudasp (Bodhi-« sat tvajétai t réputé un sagecha ldéen et le « fonda teur du sabisme » Quand on voit le B o u d d h a Sakya -Moun i canonisé par l'Église sous le nom de saint Joasaf , grâce d l'introduction, dans le monde chrétien, de sa légende prise pour un récit édifiant, on ne saurait s'étonner, par exemple} que / 'Évangi le de l ' E n -fance nous présente les principaux traits de la jeunesse du Bouddha, en les attri-buant d Jésus-Christ. Comme je l'ai dit, les rapports entre le bouddhisme et l'is-lam n'étant pas immédiats, je n'ai eu à m'en occuper que d'une façon secondaire, et je me suis servi dans ce but des ver-sions tibétaine et sanscrite représentant une double tradition.

Il me reste à parler des textes et des

i , R e n a n , Vie de Jésus, c h . v i , p. 102

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XIV I N T R O D U C T I O N

commentaires dont je me suis servi pour cette nouvelle traduction. On trouvera plus loin la liste des auteurs que j'ai con-sultés directement pour mon commen-taire. Le nombre des gloses, développe-ments et commentaires orientaux, est immense : j'en ai donné une liste, qui pourra être complétée, dans monMémoire sur les Manuscr i t s arabes des bibl iothè-ques des zaou'ias de Ain Màdhi et T e m a -cin, de Ouarg la et de A d j à d j a 1 : de même pour les éditions et les versions que je n'ai pas eues sous les yeux.

Le texte que j'ai suivi de préférence est celui de Ralfs publié après sa mort par Behrnauer : Die Burda , ein Lobge -dicht auf M o h a m m e d , Vienne, 1860, in-8°, avec une traduction allemande et une version turke et persane. C'est la seule édition critique qui ait été publiée du poème : mais comme elle exclut un certain nombre de vers, je l'ai complétée

1, Alger , i885, in-8°, p. 46-57.

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I N T R O D U C T I O N XV

par la publication du baron de Roscn weig : F u n k e l n d e W a n d e l s t e r n e z u m Lobe des besten der Geschcepfe, Vienne , i824, in-f° , également accompagnée d'une traduction allemande. Elle se recom-mande surtout par les notes. L'édition pr inceps de la Bordah .publiée par Uri d Leyde en 1761, in-4°, ne m'a été d'au-cune utilité, non plus que celle qui a été donnée récemment avec une version an-glaise par Sheikh Fai^ullah-bhai : A mos lem present , part 1. T h e poem of the Scarf , B o m b a y 1893, in-8°.

Le commentaire dont je me suis le plus servi est celui d'un auteur moderne, le cheikh Mohammed ben Mohammed ibn Achour et Tdher, intitulé : Ch i f â el

qalb el d jer ih b icherh Bordât el Me dih [La guérison du cœur blessé, com-mentaire de la Bordah du panégyrique), imprimé à Boulaq, 1232 hég. L'auteur a utilisé amplement les commentaires anté-rieurs et son ouvrage en présente un bon résumé. J'ai consulté aussi celui du cheikh

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XXVIII INTRODUCTION

Ibrahim cl Bàdjouri, fils du cheikh Mo-hammed el Gui\doui, né en iir/8 hég. [1783-1784) à El Bàdjour ; il quitta le Qaire au moment de la conquête fran-çaise pour s'établir à Gui{eli, et ne re-vint qu'après l'évacuation de l'Egypte : il mourut le 28 de d^ou'l qa'dah 1276 [17 juin 1860). Son ouvrage, terminé en 122g (1814), fut imprimé au Qaire en 1297 hég. (1880). En marge, on trouve celui du célèbre cheikh Klidled el A\hari, mort en go5 de l'hégire 1499-1500) : il

fut terminé en go3 (1497-1498).

Outre les versions allemandes, anglaise et latine citées plus haut, et celle publiée par De Hammer1 que je n'ai pas eue sous les yeux, il existe deux traductions fran-çaises : l'une, par de Sacy, qui aurait rendu celle-ci inutile, si ce n'était sa ra-reté 2 et l'absence de commentaire, rem-

1. Constantinopolis und der Bosporos, Pest ,

1822,2 vol. in-8°, t. I, p. 40g.

2. El le se trouve à la suite de l'Exposition de

la foi musulmane de Pir Al i Berkév i , traduite

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I N T R O D U C T I O N XVII

placé par de rares notes. La seconde, par J.-B. Albengo, publiée à Jérusalem en 1872, est encore plus rare, et je ne puis l'apprécier, n'ayant pas réussi d me la procurer.

par Garcin de Tassy, Paris, 1822, in-8" p. 123-

148. Elle ne contient pas non plus les vers reje-

tés par Ralfs.

Alger-Mustapha, 1 " janvier 1894.

- g g g g *

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B I B L I O G R A P H I E

DES

O U V R A G E S C I T É S D A N S L E C O M M E N T A I R E

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A b o u T c m â m Habib et Tay i , Diwan. Le Qaire, 1292 hég, in-8°.

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Alf laila oua la'ila (Mille et une Nuits). Le Qaire, I3O2 hég., 4 vol. in-8°.

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Arnold, Septem Moallakat, carmina antiquissima Arabum. Leipzig, i85o, in-40.

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XX BIBLIOGRAPHIE DES OUVRAGES

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C a r m o l y , Itinéraires de la Terre-Sainte des XIII", xiv", xv°, xvi" et xvii" siècles. Bruxel les ,

1847, in-8°.

Cassel , Literatur und Symbolik. Le ipzig ,

1884, in-8°.

Causs in de Perceval , Essai sur l'histoire des

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C I T É S D A N S L E C O M M E N T A I R E X X I

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1847.

C h e ï k h o , Medjani 7 Adab. Bcyrout , 10vol . in- i2 ,

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1889, in-12.

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Dugat, Histoire des philosophes et théologiens musulmans. Paris, 1878, in-8°.

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Erdmann, Muliammed's Geburt und Abraliali's Untergang. Kasan, 1843, in-8°.

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XXII BIBLIOGRAPHIE DES OUVRAGES

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CITÉS DANS LE COMMENTAIRE XXIII

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Kosegarten, Chrestomathia arabica. Leipzig, 1828, in-8».

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XXIV BIBLIOGRAPHIE DES OUVRAGES

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Pihan, Étude critique et philologique sur le voyage nocturne de Mahomet. Paris, 18^7, in-8».

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Recueil d'itinéraires et voyages dans l'Asie cen-trale et l'extrême Orient (t. VII de la 1 " série

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CITÉS DANS LE COMMENTAIRE XXV

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Traject i ad R h e n u m , 1727, in-12.

Renan, Vie de Jésus. Par is , 1892, in-8».

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in-8».

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Rosenmûl ler , Institutiones ad fundamenta lin-

guœ arabica?. L e i p z i g , 1818, in-8».

Rosenzweig , Joseph und Suteïcha, liistorisch-

romantisches Gedicht. V i e n n e , 1824, in-8".

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Saadi , Gulistan ou le parterre de roses, trad. par

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LA BORDAH 2

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X X V I B I B L I O G R A P H I E D E S O U V R A G E S

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med. Par is , in-40 , s- d-

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hég. , in-4 0 .

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darum in Arabia felici. Harderovici G e l r o -

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Sefer ben ham Melek ve han Naçir. Varsovie ,

1884, in-8».

S i k e , Evangelium Infantiœ, sive Liber apocry-

phus de Infantia Servatoris. T r a j e c t i ad Rhe-

n u m , 1697, in-12.

Siouff i , Études sur la religion des Soubbas ou

Sabéens. Par is , 1880, in-8°.

De S lane , Le Divan d'Amrol Kais. Par is , 1827,

in-40.

Eth T h a ' a l e b i , Yetimat ed dahr. D a m a s , 4 vol.

in-8°, I3O2-I3O3 hég.

T h é v e n o t , Récit d'un voyage fait au Levant.

R o u e n , 1665, in-40.

T h i l o , Codex apocryphus Novi Testamenti, Leip-

zig, I832, in-8°.

T i s c h e n d o r f , Evangelia apocrypha. Le ipz ig ,

1853, in-8».

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CITÉS DANS LE COMMENTAIRE XXVII

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Wcil , Biblische Legenden der Muselmcenner. Francfort sur le Main, 1845, in-12.

Wcisslovits, Prin; und Derwisch. Munich, 1890, in-8°.

Westermann, Philostratorum et Callistratî opéra. Paris, 1849, gr. in-8°.

Wolff, Der Dichter Zohair nach Abulfaradsch von Ispalian, in-8», s. 1. n. d.

Wright, Early Christianity in Arabia. Londres 1855, in-8».

Wiistcnfeld, Das Leben Muliammed's ;Sirat er Rc-soul) nach Muhammed ibn Ishdk. Gœttingen, i858-5g, 2 vol. in-8».

Jacut's Geographisches Wœrterbuch.

Leipzig, 6 vol. in-8», 1866-70. Das geographische Wœrterbuch

des Abu 'Obeid Allah b. 'Abd el Afif el Bekri. Gœttingen, 1876,

2 vol. in-8». Synaxarium das ist Heiligen-Ka-

lender der Coptisclien Christen. Gotha, 1879, in-8».

Ez Zaouzeni Cher h el Mçfallaqdt. Alexandrie, 1 2 9 2 , h é g . , in-8".

Zeitschrift der deutschen morgenlœndischen Gesellschaft, t. VIII et t. IX, ,85 4 , i855. Leip-zig, in-8».

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XXVIII B I B L I O G R A P H I E

Zoega, Catalogus codicum manuscriptorum qui in MuseoBorgiano Velitris asservantur. Rome, 1810, in-f°.

Zotenberg, Notice sur le livre de Barlaam et Joasaph. Paris, 1886, in-8°.

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LA BORDAH DU

C H E I K H EL B O U S I R I

-H#f

_ i. Est-ce le souvenir des voisins de Dçou Salam qui fait couler de tes yeux des larmes mêlées de sang?

Co mme le fait observer Ibn 'Achour , le poète dédouble ici sa pe r sonne et s 'adresse l u i - m ê m e la parole . Le m ê m e c o m m e n -tateur cite un vers d 'E l Bera ' i , « le m a r -tyr de l ' a m o u r ».

« Est-ce au souvenir d 'E l Bàn et d 'E l Ban, ou à cause du changemen t de voi-sins que, t 'a r rè tant sur leur terr i toire , tu lais couler sans in te r rup t ion des tor rents de larmes sur tes joues ? »

LA BORDAH

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2 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

Q u a n t aux larmes mêlées de sang, il en est souvent ques t ion dans la l i t térature arabe. Ainsi , dans un vers du seigneur de Ha leb , Se'if ed daoulah :

Son sang a coulé dans ses larmes : com-bien de t emps encore le trai teras-tu dure-m e n t ?

(Et Tha 'a leb i , Yetimat ed dahr, t. I, p. 21 ; Dieterici , Mntanabbi und Seïfud daula, p. 107.)

E l Bàd jour i rappel le à ce p ropos deux vers d ' u n poète a n o n y m e :

« Je me suis rappelé les jours et les nui ts passés par nous , et mes la rmes ont coulé à ce souveni r . »

« U n jour du t emps écoulé peut- i l nous revenir , et puis- je r e tourner au pays de la b ien-a imée ? »

Cette compara i son a été développée par ' O m a r ben E l Fà redh dans un modèle d ' u n mauvais goût achevé [Diwdn, t. I , p . 158).

« O n m'a dit : T e s la rmes coulent rouges . J 'ai r épondu : El les ont apparu ainsi par l 'effet de la violence de ma passion qui cependant est faible. »

« J 'ai égorgé pour l 'hôte de l 'appar i t ion une vict ime dans ma paupière assoupie , et mes la rmes ont passé sur le sang qui était sur ma joue. »

Dzou Salam, que le poète m e n t i o n n e ici au hasard , est une localité çituée entre

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3 LA BORDAH DU CHEIKH E L BOUSIRI

La Mekke et Médine : elle t ire son n o m d 'un arbuste épineux (salam) qui y croît en abondance .

Dans son panégyr ique de Màlek ben T a o u q , Abou T e m â m a un début sem-blable (.Diwdn p. 134) :

« Salue le campemen t p r in tan ie r de Sel ma à Dzou Salam, sur lequel les jours et le t emps passé ont laissé leurs m a r q u e s . »

Ce thème était f r é q u e m m e n t employé par les poètes arabes, m ê m e d 'Occ iden t . Le vizir Fa th b. K h a q â n cite dans son Matmah ce vers du vizir Abou Dja ' far ben El Lemâni :

« P o u r q u o i , mes très chers amis, ne toucher ions nous pas (comme on touche la pierre noire) les campemen t s de Selma à Dzou Salam ? »

Le même au teur , décrivant la prospé-rité de Séville sous El Mo ' t amed A l a Al-lah, dit : « Celui qui s'y plairait ferait apparaî t re en la décrivant les jours de Dzou Salam » (Qaldid cl Iqidn, p. 4).

2. Est-ce le vent qui souffle de Kdzhi-mah, ou l'éclair qui brille dans les ténè-bres, du côté d'Idham ?

Le vent qui souffle de Kazh imab sem-ble^ appor te r au poète le p a r f u m de sa maîtresse imaginaire . Ainsi , dans un vers de la Mo allaqah d ' I m r o u ' l Qaïs (éd. Ar-nold, v. 8, p. 4) ;

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4 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

« Q u a n d elles se levaient, elles répan-daient l 'odeur du musc : c 'était c o m m e le souffle de la brise appor tan t le p a r f u m de la giroflée. »

Le premier hémis t iche d 'E l Bousir i parai t imité d 'un vers de Nâb ighah Dzo-byàni (Six divans, éd. Ah lward t , X X I I I , 9 ' P- 2 5 ) -

La men t ion de l 'éclair est un lieu com-m u n dans la poésie arabe. J 'en citerai seu-lement deux des plus anciens exemples e m p r u n t é s à I m r o u ' l Qa'is :

« M o n ami , vois - tu l 'éclair don t je te mon t re la lueur , pareil à deux mains en m o u v e m e n t au mil ieu d 'un nuage en touré d ' une c o u r o n n e » (Mo'allaqah, v. 70).

« Viens avec moi contempler l 'éclair don t je vois bri l ler la lumière , i l luminan t un nuage au sommet d ' une mon tagne dépoui l lée . »

« Pa r ins tants , sa clarté s 'arrête et par ins tants elle s'élève, inégale c o m m e la marche d 'un boi teux à la jambe cassée p o u r la seconde fois. »

« Il en sort des lueur s rapides , c o m m e les ma ins de celui qui a gagné un lot, auprès du joueur qui agite les sorts . »

(.Diwdn, éd. de Slane, p. 28.) Quelques-uns a t t r ibuen t cette pièce à Abou Daoud el Ayâdi . C'est ainsi q u ' u n e pièce du Diwàn de

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5 LA BORDAH DU CHEIKH E L BOUSIRI

O m a r ben E l Fà redh commence par une in ter rogat ion semblable .

« Es t -ce la cour te lueur qui brille sur la plaine durcie , ou bien vois-je une lampe sur les hau teurs du Nedjd »

(Divan t. I I , p . 38 ; Grangere t de la Grange, Anthologie arabe, p. 44.)

Il existe p lus ieurs endroi t s por tan t le n o m d ' I d h a m : c'est celui d 'une mon tagne et d 'une rivière appar tenan t aux Achdjà et aux Djoha ina , dans l e T i h a m a , où se réfu-gièrent , suivant la t radi t ion, E l Modad et l e s D jo rhomi t e s qui fu ren t chassés de la Mekke. Cet endroi t a souvent été men-t ionné par les poètes, en t re aut res Nàbi-ghah D z o b y à n i e t O m a y a benAbou ' s Sait I d h a m , et c'est celui don t il s 'agit ici' est aussi le n o m de la vallée où est si tuée Médine : en a m o n t , près du barrage, on 1 appelle Ech Chazhah ; près de la" ville El Qanâh ; jusqu 'à la mer , I d h â m . li s 'appl ique aussi à une mon tagne de Mé-dine (cf. E l H a m d â n i , I, , 7 I > , 7 9 ; E 1 B e k n Modjem, p. 110 -111; Yaqout , Modjem I, 3o5).

C'est celle qui est rappelée par Salâ-mah ben Djendel :

demeure d 'Asmà, sur les hau t eu r s d Idham, entre les terra ins sab lonneux de Q a w et de Ma ' soub »

Et par E t Toghra ï , dans le Lamiat el Adjem.

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6 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

Je désire aller de nui t vers la t r ibu éta-blie à I d h a m , que défendent les a rchers de la t r ibu de T h o ' a l .

(Lamiat el'Adjem, éd. P a r e a u , v . 17; Es Safadi , El Ghaïth el Mosdjem fi cher h Lamiat el 'Adjem, t. I, p. 33o.)

Kàzh imah désigne une station sur la rou te de Médine à Basra, à trois journées de cette dern ière ville : elle est citée par I m r o u ' l Qa'is et E l Ba ' i th ; mais ici, il est ques t ion d 'une autre Kàzh imah , près de La Mekke, où , suivant une t rad i t ion attr i-buée à Sa'd ben Iyâs, le P rophè t e aura i t , dans sa jeunesse, fait paî tre les chameaux (El Bekri , Mo'djem, p. 475).

3. Qu'ont donc tes yeux à verser des pleurs, quand tu les avertis de cesser, et pourquoi, lorsque tu dis à ton cœur : Prends le dessus, continue-t-il à être éperdu ?

Imi ta t ion d 'un vers d ' I m r o u ' l Qaïs (Mo allaqah, v. 5) :

Mes amis , a r rê tant près de moi leurs m o n t u r e s me disaient : Ne te laisse pas m o u r i r de chagr in , aie bon courage .

4. L'amoureuxpense-t-il pouvoir dissi-muler sa passion, quand elle se manifeste par des larmes et un cœur brillant ?

Ce vers paraî t imité d 'un passage d ' E t Tan ta r ân i (v. 10) :

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7 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

J'ai long temps caché m o n a m o u r dans mon c œ u r mais l ' abondance de mes pleurs a r endu m o n secret évident c o m m e une lampe (De Sacy,Chrestomathie arabe, t. 11, p. 159 du texte arabe).

5. Si ce n'était l'amour, tu ne répandrais pas de pleurs sur les traces d'un campe-ment : le souvenir de ce saule musqué et de ce point de repère ne te causerait pas d'insomnie.

D'après El Azhar i , El Bdn (le saule musqué) et El 'Alam (le poin t de repère) seraient une localité et une mon tagne du Hid jàz où aurai t habité la maîtresse ima-ginaire du poète. L 'op in ion d 'aut res com-menta teurs , qui expl iquent ces deux mots par deux métaphores représentant le par -fum et la beauté de la f emme dont il s 'agit, me paraît préférable. Le bdn ou saule musqué (Hyperanthera morunga) est fré-q u e m m e n t employé par les poètes anté — et post is lamiques pour représenter la flexi-bilité de la taille. Dans son traité int i tulé Amsel Ochchâq (le compagnon des Amou-reux), Ch e r e f ed din R â m i cite un vers arabe de Sa'adi, où la flexibilité du saule musqué est opposée à la ra ideur du cyprès :

« O rameau de saule m u s q u é , quelle est cette con tenance si tu veux faire le contra i re de ce que fait le cyprès , en te balançant dans ta marche ? »

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8 I.A BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

{'Anis el'Ochchâq, t rad . H u a r t , p. 85.) Es Soyout i a célébré le bdn dans des

vers publ iés par H u m b e r t [Anthologie arabe, p. 27, note) et par Kosegarten (Chrestomathia arabica, p. 173) :

« Ne vois-tu pas le bàn l ' empor ter sur tous les arbres par la flexibilité de ses r ameaux ? »

« Il annonce fidèlement la joyeuse nou-velle de l ' approche du p r in t emps : il est fier de sa robe cendrée et de sa pelisse grisâtre . »

* 6. Et le souvenir des tentes et de celles qui les habitaient ne t'aurait pas donné un extérieur affligé et misérable.

Ce vers, considéré c o m m e apocryphe , m a n q u e dans les édi t ions de Boulaq et de B o m b a y .

7. Comment nierais-tu ton amour, alors que la maladie et tes larmes prêtent contre toi un témoignage sincère ?

8. Et que la passion a écrit le chagrin et l'affliction sur tes joues.

Pales comme le buphthalmum et rouges comme le 'anem ?

Pâles à cause de la souffrance, rouges à cause de la pass ion.

Suivant Ibn 'Achour (p. 112), le behdr (buph tha lmum) est u n e plante à fleur

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jaune qui croît au p r in t emps et qu ' on appelle aussi "ardr ( b u p h t h a l m u m silves-tre). U n aut re c o m m e n t a t e u r dit que c'est la fleur appelée dans le Maghreb nerdies (narcisse). E c h Cher ich i , dans son com-mentaire des Séances de Har i r i , en fait une fleur b lanche et jaune que K h o s r o u A n o u -ch i rwan compara î t à une topaze en tourée de perles et montée sur une émeraude ce qui r épondra i t à notre marguer i te Ces expressions se re t rouvent dans le vers sui-vant d un pocte a n o n y m e :

« Q u e de topazes, au milieu de perles montées sur des tiges d ' émeraude ' » '

Le poète El Qastali décrit ainsi le behar:

« Il répand une fine odeur de musc - il est mervei l leusement co lo-" • --merveil le de la créat ion. »

Le anem est un a rbre du H id j àz don t les f ru i t s rouges servent souvent de t e rme de compara ison p o u r désigner sur tout les doigts des femmes arabes teints de henné a leur extrémité . Ainsi dans un vers de Nab ighah Dzobyânt (VII , v. •

« Avec une main teinte de henné déli-cate, don t les doigts ressemblent au anem, qu on pourra i t p resque lier tant ils sont flexibles. «

9. Oui, [j'aime, et) limage de l'objet adore m est apparue pendant la nuit et m'a

LA IÎORDAH O

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tenu éveillé : l'amour a mêlé les dou-leurs aux délices.

El Bad jou r i cite ici un vers d 'un poète a n o n y m e : « L ' image de celle que j 'aime m'est apparue en dépit des précaut ions des malvei l lants , mais le cr ieur du mat in a tou t à coup élevé la voix ».

O n peut en r app roche r ces vers du roi de S é v i l l e , E l M o ' t a m e d 'Ala A l l ah : « Son image a offert à la mienne sa joue et son sein, j'ai m o r d u à la p o m m e (de celui-ci) et cueilli la rose (de celle-là).

« Si elle l 'avait pu, elle serait venue me voir pendan t la veille (en réalité), mais le r ideau de l ' é lo ignement , voilà ce qui nous séparai t . »

(Fath ibn Khaqân ,Qaldïd el 'Iqidn p. i o.) Daoud el Antâki a consacré un chapi t re

du Te\iin el Asoudq (t. I I , p. 52-^4) à ces appar i t ions .

' O m a r ben E l Fâ redh a souvent e m -ployé cette image, par exemple (Din'dn, t. I, p. 148-149)' . . . .

« Si son appar i t ion ne me visitait pas pendan t mon sommei l , je mour ra i s , et je ne puis la voir avec ma prunel le .

« C'étai t une imaginat ion mensongère que l 'appar i t ion de son image, à cause de sa ressemblance , p o u r ce qui n'est vision ni dans le sommei l , ni dans la réalité. »

10. O toi qui me blâmes pour un amour

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digne d'un ' Od^rite, sois indulgent — et si tu étais juste, tu ne me ferais pas de reproches.

C'est une fo rmule habi tuel le chez les poètes arabes de r épond re à un pré tendu dét racteur qui joue le m ê m e rôle que le laidengier dans la poésie f rançaise dn moyen âge. Cf. J ean roy , Les Origines de la poesie lyrique, p. 98.

C'est encore la m ê m e idée qu 'on r e n -contre dans le poème d ' E t T a n t a r â n i (v. n ) .

« Celui qui me b lâme de ma passion pour une belle aux yeux noi rs est in jus te , car tel est l ' o rd re que m 'a imposé le Sei-gneur qui nous ouvre sa misér icorde . »

(De Sacy, Chrestomathie arabe, t. I I , p. 159 du texte a rabe . )

Dans la pièce de vers citée plus haut O m a r ben E l F â r e d h a encore traité ce

sujet : (I, p. 170-174). « T o n visage a été p o u r moi un argu-

ment p o u r r o m p r e avec celui qui te cri-t iquait et ce n'est p lus le m o m e n t de se querel ler à cause de toi.

« Après m 'avoi r blâmé, il s 'est excusé ; bien mieux il est devenu un de mes auxi-liaires.

« • • • H a vu que mon oreille réf rac ta i re était sourde à la honte et aux consei l lers t rompeurs , et qu' i l était imposs ib le de me blâmer .

« Q u e de fois il a désiré me faire o u -

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1 2 LA BORDAH DU CHEIKH E L BOUSIRI

blier ton a m o u r et me dir iger vers une aut re , mais c o m m e n t changerai- je l 'affec-t ion que je te por te ?

« . . . J 'ai re fusé de r ien en tendre , saut de résister au consei l ler qui me d e m a n -dait que lque chose de cont ra i re à ma na tu re

« Il se plaisait à me b lâmer à cause de toi, c o m m e si ma r u p t u r e lui eût paru de la m a n n e , et m o n oubl i du miel . »

O n t rouve la m ê m e pensée développée a i l leurs :

« O toi qui b lâmes l ' amant , p o u r igno-rer complè t emen t ce qu ' i l peut a t te indre , puisses-tu ne réuss i r nu l l emen t .

« T u te fa t igues inu t i l emen t à d o n n e r des consei ls à celui qui est décidé à ne teni r compte ni du b o n h e u r , ni du succès.

« Cesse, ou puisses-tu pér i r , laisse celui don t de g rands yeux ont déchi ré les en -t ra i l les .

« Avant de donne r des conseils , tu étais l 'ami par excellence ; mais as-tu jamais vu que la pass ion s ' a ccommodâ t des d o n n e u r s de consei ls?

« Si ton but est de me ré fo rmer , je ne veux pas corr iger les penchan t s de m o n c œ u r pour l ' amour .

« Q u e pré tendent mes cr i t iques en bla-m a n t celui qui drapé dans ses_ désordres a su t rouver le repos et en jouit ? »

1 Din'dn, t. I I , p. 43-45, Grangere t de

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la Gi "ange, Anthologie arabe, p . 45-46.) Un chapi t re de l 'Anthologie e ro t ique

de Daoud el Antàk i [Te\iin el Asouàq, t. I I , p. 54-5 5) est consacré aux reproches des dé t rac teurs de l ' amour et à l eur r é fu -tation par de nombreuses c i ta t ions de poètes.

Il y a dans le texte u n jeu de mots in -t raduis ible en f rançais entre mad^iratan (amour) et Od\rii (Odzrite) qui dér ivent de la m ê m e racine ['a dç r). Les 'Odzr i tes étaient une t r ibu yéméni te célèbre p o u r l ' a rdeur de sa passion : les h o m m e s n 'y arr ivaient pas à l 'âge de t rente ans et mou-raient d ' a m o u r (cf. P e r r o n . Femmes ara-bes avant et après l'islamisme, p. 41 3-42 1 ). Les Mille et Une Nuits (éd. H a b i c h t , t. V I I I , p. i g5) citent l ' anecdote su ivante relative à un h o m m e de cette t r ibu :

« On raconte qu ' i l existait, chez les Benou Odzra un h o m m e c h a r m a n t qui n'avait pas cessé u n seul jour d 'être amou-reux. Il arr iva qu ' i l a ima une belle f e m m e de cette t r ibu . P e n d a n t p lus ieurs jours , il lui envoya des messages, mais cont inue l -lement elle le dédaignai t et se dé tou rna i t de lui. Ses procédés cruels ne firent que s 'accroître, te l lement que l ' h o m m e tomba gravement malade : il était t o u j o u r s affai-bli et a m o u r e u x ; sa passion se révéla et sa s i tuat ion fut connue , en m ê m e t emps que son a rdeur redoubla i t . Les f emmes

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des deux familles suppliaient cons tam-ment celle qu'il aimait d'aller le voir, mais elle refusa jusqu'à ce qu'il fut à la mor t . On le lui annonça : alors elle s 'a-doucit et le favorisa d 'une visite. E n la voyant, les yeux du malade versèrent des larmes, et il récita ces vers :

« Je t'en conjure , quand mon cercueil passera près de toi, porté sur les épaules de quatre hommes ,

« N e suivras-tu pas le brancard pour saluer le tombeau d 'un mor t confié à la fosse ?

« Elle pleura et lui répondit : Je ne croyais pas cjue tu en étais réduit là : par Dieu, je te viendrai en aide et je t 'accor-derai mes faveurs. Alors les yeux du mouran t se remplirent de larmes et il p rononça ces vers :

« Elle' s'est approchée, mais l 'ombre de la mor t était entre elle et moi : elle est venue s 'unir à moi quand c'était inutile.

« Puis il poussa un soupir et mouru t . La femme se jeta sur son cadavre en pleurant et en l 'embrassant puis s'éva-nouit . Au bout de trois jours elle mouru t :

• elle fut enterrée dans le même tombeau, comme elle l'avait r ecommandé par ces vers :

« Nous étions sur la terre dans une vie aisée, faisant l 'ornement de la t r ibu, de la maison et du pays.

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LA BORDAH DU C H E I K H E L BOUSIRI l 5

« Le sort nous a séparés, la fo r tune nous a écartés, mais le l inceul nous r éu -nira dans le sein de la terre. »

Cette anecdote est rappor tée d ' une façon plus cour te dans l 'édit ion du Qai re (t. II , p. i g 3). La Chres toma th ie de Kosegar ten donne (p. 141-151) un long extrait tiré du Kitdb Asoudq el'Achoudq (Le livre des marchés des amours ) du cheikh E l Bi qà i, relatif à un poète Odzri te , Djemil ben Ma 'mer , et à ses

amours .

11. Puisse ce que j'éprouve retomber sur toi! mon secret n'est pas cache' aux malveillants et ma souffrance n'est pas près de cesser.

12. Tu m'as donné d'excellents con-seils, mais je ne les ai pas écoutés, car l'amoureux est sourd aux critiques.

Déjà Imrou ' l Qais avait dit dans ce sens (Moallaqah, v. 42-43) :

« Les er reurs des h o m m e s sur l ' amour se sont dissipées, mais jamais m o n c œ u r ne renoncera à t ' a imer aveuglément .

« Q u e de fois j'ai repoussé un dét rac-teur acharné contre toi, consei l ler peu mesuré dans son blâme ! »

On peut aussi en rapprocher un pas-sage du Diwdn de Motanabbi (éd. Diete-rici, t. I, p. 38-39).

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6 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

« J 'ai b lâmé les aman t s jusqu 'à ce que j'ai goûté à l ' amour : alors je me suis é tonné de voir m o u r i r ceux qui n ' a i m e n t pas.

« J 'a i excusé les amants , j'ai r econnu les fautes que j 'avais commises en les blâ-mant , après avoir éprouvé ce qu ' i ls res-sentent .

« O toi qui me blâmes, j 'étais d ' abord c o m m e toi avant d 'avoir souffert et d 'ê tre devenu un a m o u r e u x absorbé dans la pass ion .

« A son début , l ' amour n'est q u ' u n bat-tement de c œ u r ; q u a n d il est bien établi , c'est une p réoccupa t ion d o m i n a n t e . »

i 3. Je suspectais les avis, mêlés de re-proches, de mes cheveux blancs, et cepen-dant, en fait de conseils, la vieillesse est plus qu'autre chose à l'abri du soupçon.

Les cheveux blancs et les inf i rmi tés de la vieillesse qui avertissaient l ' au teur de changer de condui te lui étaient suspects c o m m e les amis qui le conseil laient : c'est cette pensée qu ' i l va développer , ou p lu tô t délayer , dans- les vers qui sui -vent.

Peu t -ê t re , dans celui-ci, fait-il a l lus ion au hadi th cité par Ibn A c h o u r : « Celui dont la tête b lanch i ra dans l ' i s lam, cette b lancheur sera pour lui u n e lumière pour le jour de la résurrec t ion . »

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17 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

On peut en r approcher un vers de Nà-bighah Dzobyàni [Divan, X V I I , 8).

« Alors que je blâmais mes cheveux blancs et que je me disais : Ne serai-je jamais sage? P o u r t a n t la vieillesse doit avoir de la réserve. »

14. Mon dme, qui me pousse au mal, ne profitait pas, dans son ignorance, des avertissements de mes cheveux blancs et de ma décrépitude,

un vers du poète Sauf t dous , cité par Zaojfcéni dans son t o m -menta i re de la Mô'alldqah de Zjahàtr (v. 74)- . . \ V A >

« Le vieillard ne^penonse pa$>'à son caractère, tant que ht terre d e M t o m b e ne lui apparaî t pas. »

1 5 .Et n'avait pas préparé par de bon-nes actions, un accueil hospitalier d l'étranger qui s'est installé sans éclat sur ma tête. ,

Les cheveux blancs sont l 'hôte en ques-t ion. Peu t -ê t re , malgré la banali té de ce début , c o m m u n à beaucoup de poètes arabes et qui rappelle celui de la pièce de Racan :

Tircis, il faut songer à faire la retraite,

faut-i l voir ici une al lusion à la vie d 'E l

L A B O R D A H 3 *

U n e pensée analo,

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8 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

Bousir i avant son accident . C e p e n d a n t ces expressions peuvent se p rendre au figuré et s ' en tendre de l 'abime des pas-sions d 'où il n 'est sorti qu 'en suivant la voie spir i tuel le .

U n poète de Bossandj , ville du Khoras -sàn, Abou A h m e d el Yemâmi , a dit dans le m ê m e sens :

« Je m'écrie, ma in tenan t que la vieil-lesse, en pâlissant mes joues, a dénudé mes dents noi res et chancelantes :

« Qu ' i l est triste d 'ê t re vieux, quand on sent encore la passion boui l l i r dans le cœur , c o m m e u n vase sur le feu. »

Barbier de Meynard , Tableau litté-raire du Khorassan, p. 41-42.)

Le second hémis t iche a été plagié d 'un vers de Motanabb i (éd. Dieterici , t. I, p. 52).

« Un hôte est descendu sans éclat sur ma tête, mais le sabre agit mieux qu'el le (la vieillesse) quand il s 'abat sur les t ou -pets de cheveux. »

Le c o m m e n t a t e u r de Motanabb i , E l O u a h i d i , cite à ce p ropos un vers d ' un poète a n o n y m e :

« Salut et b ienvenue à l 'hôte (la vieil-lesse) qui a r r ive! — je r e c o m m a n d e à Dieu l 'ami (la jeunesse) qu i s'en va. »

Yahya ben Zeyàd, l 'oncle du p remier Khal i fe abbaside, Abou ' l A b b a s es Sàf-fah, avait dit dans le m ê m e sens ;

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59 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

« Q u a n d j'ai vu apparaî t re au sommet de ma tête la b lancheur de ma vieillesse, je lui ai dit : Sois la b ienvenue.

« Si j 'avais pensé qu 'en m'abs tenant de la saluer, elle s 'é loignerai t , j 'aurais désiré qu'el le s 'é loignât . »

(.Hamasa, t. I, p. 498-499.)

16. Si j'avais jprévu que je dusse si peu l'honorer, j'aurais dissimulé, à l'aide du katam, le secret (de son arrivée) qu'elle m'a montré.

C'est-à-dire qu 'en te ignant en noi r ses cheveux blancs, il eût du mo ins évité le blâme qui s 'at tache à une vieillesse débau -chée. Il y a encore ici un jeu de mots in t raduis ibles entre Katamto (j'ai caché) et Katam, n o m d 'une plante t inctor ia le , assimilée par que lques -uns au troène. Les Arabes citaient p roverb ia lement , c o m m e deux étrangetés : un vieil lard qui se ra-jeunit , un jeune h o m m e qui se vieillit.

Ces trois vers ont une propr ié té toute par t icul ière , s'il faut en croire El Bâd-jouri qui donne sér ieusement la recette suivante : Si que lqu 'un est d o m i n é par ses passions qui l ' empêchent de se repen-tir et s'il est impuissant à lut ter contre elle, il doit écrire ces vers le vendredi , après la fin de la prière, effacer l 'encre en t r empan t le papier dans de l 'eau de rose et boire cette eau ; après quoi il restera

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2 0 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

assis, t ou rné dans la direct ion de la Mekke, jusqu 'à ce qu ' i l fasse la prière de l 'asr (quatre heures de l ' après midi) et celle du coucher du soleil, en louant Dieu et en répétant de t emps à autre ces vers. L 'ef-fet sera, paraît-il , infail l ible.

17. Qui donc m'aidera à retirer de ses égarements mon dme opiniâtre, comme on retient par la bride un cheval fou-gueux ?

U n c o m m e n t a t e u r cite à ce sujet un hadi th du Prophè te : « La guerre sainte la p lus mér i to i re est celle qu 'on fait à ses pass ions . » L o r s q u e les c o m p a g n o n s de M o h a m m e d revenaient d ' une expédi t ion, ils disaient : « N o u s venons de la guerre sainte secondaire vers la guerre "sainte supér ieure . »

18. Ne cherche pas à briser sa concu-piscence par les péchés, car l'aliment ne fait qu'augmenter l'appétit insatiable.

C'es t -à-di re : Ne crois pas qu 'en lui accordant des sat isfact ions partielles, tu pour ras te rendre maî t re de ta passion ; au contra i re , elle ne fera que s 'accroître.

19. Ldme ressemble à un enfant : si tu le négliges, il grandit suspendu au sein maternel; mais si tu le sèvres, il se passe de lait.

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l.A BORDAH DO CHEIKH EL BOUSIRI 2 1

C'est la pensée expr imée dans un vers d 'Abou Dolaf :

« L ' âme est avide, si tu la laisses aller à son avidité ; si tu la rédtiis à peu de chose, elle s'en contente .

Le mot nefs se t radui t tantôt par sensualité, tantôt par âme : il signifie en général dans ce poème l 'âme en proie aux désirs sensuels .

20. Ecarte de ton dme sa passion et garde-toi qu'elle la domine; en effet, lors-qu'elle est la maîtresse, elle tue d'un coup, ou du moins elle déshonore.

O n t rouve la m ê m e pensée dans un vers du khalife omayade H i c h â m ben A b d el Melik, cité par Ibn A c h o u r (p. 38):

« Si tu ne résistes pas aux pass ions , elles te pousse ron t à des choses où ta ré -puta t ion aura à souffr i r .

21. Veille sur elle, car dans sa con-duite elle ressemble à une brebis : si elle trouve un pâturage qui lui plaît, ne l'y abandonne pas.

Jeu de mots sur saimah, brebis, et to-simi, a b a n d o n n e , dérivés tous deux d e la m ê m e racine (sou m). Sur de semblables jeux de mots appelés tadjnis khatt, jeu d 'écr i ture , cf. une note de M. Barbier de Meynard , Tableau littéraire du Kho-rassan, p. 55, note 9, et les au t eu r s cités.

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2 2 LA BORDAH DU CHEIKH EL BOUSIRI

22. Que de fois elle a trouvé agréables des délices meurtrières pour l'homme, ignorant que la meilleure nourriture peut être empoisonnée !

23. Crains les pièges de la faim et de la satiété : souvent la misère est plus dan-gereuse que la replétion.

Celui qui vit dans l ' abondance , expli-que le commenta i r e , n 'est guère exposé qu 'à oubl ier Dieu : celui qui m a n q u e de tout est tenté de le maud i re et de le b lasphémer . On t rouve l 'applicat ion de cette maxime dans des vers d 'un poète de Bokhàra , Abou ' l Hasan M o h a m m e d ben A h m e d E l I f r iqi el Motayam :

« Ma f e m m e me reprochai t de ne plus p r i e r ; je lui ai dit : Dérobe- to i à ma vue, je te r épud ie .

« N o n , certes, je ne prierai pas Dieu tant que je serai pauvre

« Mais moi , pou rquo i prierai- je? Suis-je pu i s san t? Ai-je un palais, des chevaux, de r iches vêtements et des ce in tures d 'o r?

« Ai-je des servi teurs beaux c o m m e la pleine lune , des esclaves belles et nobles?

« Pr ie r , quand je ne possède pas un seul pouce de terre, ce serait pure hypocr is ie .

« ... Q u e Dieu me tire de ma misère et je le prierai tant que l 'éclair bri l lera dans la nue .

« Mais, de la part d 'un h o m m e pauvre ,

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I.A BORDAH DU CHEIKH El. BOUSIRI I 17

les prières ne sont que de vaines paroles dépourvues de sincérité. »

(El Tha'alebi : Yatimat eddahr, t. IV, p. 8 1 - 8 2 ; Barbier de Meynard, Tableau littéraire du Khorassan, p. 109-1 11.)

C e vers d 'El Bousiri et le suivant, ré-cités à l 'aube, ont, parait-il, la vertu de ramener le calme dans les cœurs troublés.

24. Laisse couler les larmes de l'œil saturé de fautes : attache-toi à l'asile du repentir.

2 5. Résiste à la passion et à Satan : lutte contre eux, et quand même ils te donne-raient des conseils sages (en apparence), sois défiant.

Timeo Danaos et dona ferentes.

(Virgile).

Deux vers cités par Ibn 'Achour déve-loppent la pensée renfermée dans le pre-mier hémistiche :

« Si la sensualité t'invite quelque jour au plaisir et que tu aies le moyen de lui résister,

« Résiste à son charme, tant que tu pourras, car il est ton ennemi et la résis-tance est ton amie. »

26. Ne cède à aucun d'eux, soit adver-

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I.A BORDAH DU C H E I K H El. BOUSIRI I 17

saire, soit arbitre, car tu connais la ruse de l'adversaire et de l'arbitre.

Une tradition attribue au Prophète une maxime dont s'est inspiré E l Bousiri : « T o n pire ennemi est ton âme qui vit entre tes flancs. »

27. Je demande pardon à Dieu de par-ler sans agir : c'est comme si je rattachais une généalogie à un homme sans enfants.

La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère? (Racine)

U n poète cité par E l Bàdjouri disait : « Celui qui a la connaissance de la

vérité et qui ne la pratique pas, sera puni avant les adorateurs des idoles. »

D'après quelques commentateurs, ce vers ferait al lusion aux Chrétiens et aux Juifs, à qui leurs livres sacrés auraient annoncé la mission de M o h a m m e d , mais qui auraient altéré sciemment les passa-ges où il est question du Prophète.

28. Je t'ai recommandé la vertu, et moi-même, je n'obéis pas à mes recom-mandations : je ne suis pas vertueux. A quoi bon te dire : Pratique le bien ?

A b o u ' l A s o u a d ed Douali a dit dans le même sens :

« O toi qui instruis les autres, n'y a-il personne pour t'instruire to i-même?

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I.A BORDAH DU CHEIKH El. BOUSIRI I 17

« T u prescris le remède convenable au malade et à l 'infirme et toi-même tu es malade !

« C o m m e n c e par ton âme, tire-la de son égarement; quand tu y seras parvenu, alors tu seras un (bon) médecin. »

C'est la même pensée que nous trou-vons exprimée dans un vers d'une satire de Marie-Joseph Chénier :

Donneurs de bons avis, gardez-les donc pour [vous !

2q. Je n'ai pas préparé avant la mort line provision de bonnes œuvres suréro-gatoires : je n'ai fait de prières ni prati-qué de jeûnes que ce qui était strictement obligatoire.

« Les pratiques religieuses des M u s u l -mans se divisent en deux classes : les devoirs obligatoires (fardix) et les actes surérogatoires (ouddjib). Les premiers comprennent les cinq prières, le jeûne du Ramadhân, les ablutions, l 'aumône légale et le pèlerinage à L a Mekke. L e s seconds sont les prières, les jeûnes et autres bonnes œuvres supplémentaires.

Le Qorân dit : « Amassez vous un via-tique (pour l'autre monde), or le meil leur est la crainte de Dieu. » On reconnaît ici l 'imitation du verset de saint Luc : « Facite vobis sacculos qui non vete-

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rascunt , t h e s a u r u m non deficientem in cœlis » (XII , 33)._

Dans une des pièces qui datent de l 'épo-que de sa convers ion , Lebid disait :

« Ainsi que les bonnes act ions qu ' i l a préparées pour lui servir de t émoins et mér i te r le pa rdon de celui qui est clair-voyant » [Diwdn, I I I , 7).

Il disait déjà, dans une pièce datée de l ' époque pa ïenne :

<i L ' h o m m e a-t-il au t re chose que ce qu ' i l s'est bâti pendan t sa vie, alors qu 'on jette des pierres sur sa fosse » iDin>àn XL , 60).

De même , le poète et théologien espa-gnol , A b o u 'Abdal lah M o h a m m e d El K h a c h n i , dans u n e pièce de vers com-posée à son re tour de l ' I r aq :

« M o n frère , le m o n d e est un lieu de sépara t ion , une d e m e u r e d ' e r reur qui nous avertit de nous qui t te r .

« Mon frère , fais tes provis ions avant d 'hab i te r la tombe et de croiser tes jam-bes pour jusqu 'à la r é su r rec t ion . »

(Edh Dhabb i , Baghyat el moltamis, p. 92.)

Un poète a n o n y m e , cité dans les Mille et une Nuits (éd. du Qaire , t. I, p. 187) a expr imé la m ê m e idée.

« Si tu n'es pas m u n i d ' u n e provis ion de crainte de Dieu et qu ' après la mor t tu rencont res q u e l q u ' u n qui en ait amassé,

« T u te repent i ras de n 'avoir pas été

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c o m m e lui et de n'avoir pas fait c o m m e lui tes préparatifs. »

Cette maxime est d'ai l leurs antérieure au christ ianisme : elle forme, chez les B o u d d h i s t e s , la morale d 'une légende dans un livre qui a pour base l 'histoire du B o u d d h a S a k y a - M o u n i transformé depuis en saint Joasaph chez les C h r é -tiens.

« O n raconte que les habitants d'une ville amenaient un étranger ignorant de leurs usages et le prenaient pour roi, lui confiant l 'administrat ion de leurs affaires p o u r un an, tandis que, dans son i g n o -rance, il s ' imaginait que cette autorité durerait toujours . Mais c'était leur cou-tume de ne laisser leurs rois au pouvoir que pendant une année, puis ils le dé-trônaient, alors que celui qui régnait sur eux, se figurait, dans l ' ignorance de leurs usages, que sa royauté se prolongerai t infiniment. A u bout d 'une année, pen-dant qu' i l menait la plus agréable vie, ils l 'expulsaient du mil ieu d'eux et de leur vil le, nu et dépoui l lé de tout. 11 tombait dans le malheur , la détresse et la misère, car il n'avait pas cru qu'on le priverait jamais de la royauté et que celle-ci tournerait à son désavantage et ne lui causerait que de la tristesse et du chagrin. Il arriva que les gens de cette vi l le, en procédant de la sorte, prirent un h o m m e

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habile, doué d ' intel l igence et de sagesse, conna issan t les choses d'ici bas, et l 'établi-rent roi . Se voyant é t ranger au mil ieu d 'eux, il n 'en pri t aucun p o u r ami , mais il chercha pa rmi eux u n h o m m e au cou -rant de leurs usages pour lui faire c o n -naî t re les affaires de la ville et de ses habi tants . Il con t inua jusqu 'à ce qu ' i l eut t rouvé que lqu ' un qu' i l in terrogea, qui lui révéla le secret de ce peuple , le mi t sur ses gardes et lui conseil la d ' examiner les t résors qui étaient à sa disposi t ion et d 'en met t re en sûreté ce qu ' i l pour ra i t , à l ' endroi t vers lequel on l 'expulserai t : a lors il se trouiverait dans l ' abondance , grâce à ses prévis ions . Le roi suivit ce conseil et échappa par là à la pénible si-tuat ion où il aura i t été » (Kitdb Bilauhar oua Boud'asf, éd. de B o m b a y , p. 5 i - 5 2 ). La parabole est assez claire pour se pas -ser de commenta i r e s . U n e version arabe abrégée a été publ iée par H o m m e l 1 Die aelteste arabische Barlaam-Version, p. 38) et t radui te par Rehatsek (Book of King's Son, p. 137-1 38); u n autre texte arabe par M. Zo tenberg [Notice sur le livre de Barlaam, p. 90-91) qui a d o n n é également le texte grec cor respondan t [ibid., p. 117!. Un r eman iemen t arabe par Ibn ' A r a b c h a h , dans le Fakihat cl Kho-lafa a été t radui t par C a r d o n n e {Mélan-ges de littérature orientale, t. 1, p. 68).

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Le texte hébreu se t rouve dans le Sefer ben Hammelek, éd. de Varsovie, p . 58). 11 a été t radui t par Weis s lowi tz (Prin^ und Denvisch, p. 89). Il a été traité de nouveau par un Juif du n o m de B a h y a ben Joseph , dans un traité de mora le écrit en arabe : ce passage a été publ ié par M . Zo tenberg (op. laud., p. 90-91). D. J u a n Manue l l ' inséra dans son recueil in t i tu lé Le comte Lucanor (éd. G a y a n g o s Ex . X L I X , p . 420) et t radui t par P u y -busque (Ex. XLIX) . Ce conte a été m o -difié au m o y e n âge dans la compi la t ion des Gesta Romanorum (éd. Oes ter ley , n° 74. p. 38g-3gi et notes p. 723-724). O n peut en r app roche r la max ime at t r i -buée à 'Ali :

« L ' h o m m e , après la mor t , n 'a d 'au t re demeure à habi ter que celle qu ' i l s 'est construi te avant la mor t . »

Le r app rochemen t cur ieux , fait par M. Cassel, de ce récit avec les paroles d 'un roi d 'Adiabène , M o n o b a z , r a p p o r -tées par le T a l m u d , est aussi à s ignaler {Aus Literatur und Symbolik, p. 177).

3o. J'ai péché en ne suivant pas l'exemple de celui qui passait les nuits à prier, à tel point que ses pieds enflés le faisaient souffrir.

O n appelle Sonnah, dans la l angue théo-logique, les bonnes œuvres qui méri tent

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une récompense à celui qui les pra t ique , sans que celui qui s 'en abstient soit pas-sible d 'un châ t iment (Cf. Reland, De religione Mohammedica, p. 6g).

L ' a u t e u r fait a l lusion à la légende sui-vante : M o h a m m e d récitait chaque nui t le Q o r à n , debou t , pendan t six ou sept heures , au poin t que ses pieds enflés le faisaient souff r i r . Dieu lui envoya par Gabriel cette révélation : « N o u s ne t 'avons pas révélé le Q o r â n p o u r être une cause de souf f rance p o u r toi, mais bien un aver t i ssement pour celui qui craint Dieu » (Sourate XX, 1-2) .

U n e t radi t ion, a t t r ibuée à A ïchah , rap-por te que le P r o p h è t e resta une nuit si l ong temps à pr ier debout que ses pieds en f l è ren t .—Que fais-tu l à ? l u i demanda- t -elle ; ne sais-tu pas que tes péchés passés et fu tu r s te sont p a r d o n n é s ? — N e suis-je pas un servi teur reconnaissant ? répliqua-t- i l .

C'est ainsi que, d 'après Hégés ippe cité par S . J é r ô m e , Jacques , f rère de J é sus -Chr is t , priait si l ong temps que ses genoux s 'étaient durc is c o m m e ceux d 'un cha -meau (De viris illustribus, ch . 11) : la m ê m e légende existe dans l 'h is to i re apos-tol ique du P s e u d o Abdias , 1. VI , ch . v (Migne, Dictionnaire des apocryphes, t. I I , col 279 et note 327).

31. Epuisé par la faim, il serra sa cein-

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ture et replia sur des pierres ses flancs à la peau délicate.

D'après E l Bokhâr i (t. I I I , p. 21), cet événement arr iva dans le mois de chaouâ l de la qua t r i ème année de l 'hégire (mars-avril 626 ap. J . -C.) , que lque temps avant la bataille du Fossé, pendan t que l 'on creusait cette l igne de défense . Depuis trois jours , M o h a m m e d et ses c o m p a -gnons n 'avaient pris aucune nou r r i t u r e .

A cette aventure se ra t tache un récit qui n'est qu ' une imita t ion évidente du miracle de la mul t ip l ica t ion des pains , tel qu'i l est raconté dans Marc (ch. vi, vers. 38-44). Djàber ben Abd Allah, voyant souffr i r le P rophè te , alla t rouver sa f emme et lui dit de préparer un peu de pâte d 'orge et de faire rôt ir une chèvre. Pu i s il vint chercher M o h a m m e d , lui annonçan t qu' i l avait de la n o u r r i t u r e pour deux ou t rois pe rsonnes . Mais le P rophè te , au grand effroi de Djàber , in-vita tous les Ansàrs et tous les M o h â d j e -riens, et, arr ivé à la demeure du t rad i -t ionniste , il se mit à casser le pain d 'o rge et à en d is t r ibuer à chacun des morceaux t rempés dans la sauce, si bien que tous furen t rassasiés et que même il en resta. Il y avait là p lus de mille pe rsonnes (Ibn Achour , p. 5o-51).

32. Lorsque les hautes montagnes s'of

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friront à lui (changées) en or pour le tenter, quelle grandeur d'âme il montra !

Suivant u n e t rad i t ion rappor tée par E t T i r m i d z i , Dieu , pour éprouver son P ro -phète , lui aurai t offert de changer en or la mon tagne d ' E l B a t h a près de La Mekke; mais il répondi t : « N o n , ô m o n Dieu ; tan tô t j'ai fa im et tantôt je suis rassasié : dans ce cas, je remercie m o n S e i g n e u r ; q u a n d j'ai fa im, je m 'adresse à lui . » D 'après u n e autre légende, citée par El Bàd jou r i et Ibn 'Achour , Djebra'il (Ga-briel) serait venu dire à M o h a m m e d : « Dieu te salue et te p ropose ceci : Veux-tu que ces m o n t a g n e s dev iennent d 'or et d 'a rgent et t ' a ccompagnen t pa r tou t où tu seras? » —• Le P r o p h è t e baissa la tète un ins tant et r épondi t : «Djebra'il , le monde est la demeure de celui qui n 'en a pas, la forteresse de qu i conque n 'en a p a s ; l ' h o m m e sans intell igence amasse seul de pareil les r ichesses. » — L 'ange répl i -qua : « O M o h a m m e d , que Dieu t 'affer-misse dans cette f e rme parole ! »

On reconna î t ici une imi ta t ion de la tenta t ion du Chr is t : Gabrie l remplace Satan .

33. La détresse oit il était ne faisait qu'affermir son détachement des biens de ce monde : la nécessité ne peut rien con-tre l'énergie.

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Le P rophè t e disait souvent : La néces-sité est ma gloire. 'Aïchah rappor t e que f r é q u e m m e n t les femmes de M o h a m m e d passaient un mois sans a l lumer de feu, vivant de dattes et d 'eau.

34. Comment pourrait-elle attirer vers ce monde celui sans lequel ce même monde ne serait pas sorti du néant ?

U n e t radi t ion cite cette parole de Dieu à Moha mmed : « Sans toi je n ' au ra i s pas créé les sphères célestes. »

E l Bàdjour i r appor te , d 'après E l Bai-haqi , qu 'Adam pria Dieu de lui pa rdon-ner en cons idéra t ion de M o h a m m e d don t il avait vu le n o m dans la fo rmule écrite sur les mon tan t s du t rône divin : Il n 'y a de Dieu que Dieu, et M o h a m m e d est le p rophè te de Dieu. Le Se igneur lui dit : Je te p a r d o n n e : sans lui je ne t ' aura is pas créé. — El Bàd jour i con t inue son rai-sonnemen t de cette maniè re : L 'exis tence d 'Adam n'a d 'au t re motif que celle du P rophè te : or Adam est le père du genre huma in pour lequel Dieu a créé la terre , les plantes, les an imaux , le soleil, la lune, etc., il s 'ensuit que , sans le P r o -phète, toutes ces choses n 'eussent poin t existé.

35. Mohammed est le seigneur des deux mondes, des deux races ( hommes

1.1 BORDAH .

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et génies) et des deux nations, les Arabes et les étrangers.

Suivant une t radi t ion , le P rophè t e aurai t dit : Je suis le seigneur des fils d ' A d a m . — D'après une autre , il aurai t dit : Je suis le premier des Arabes , Sohaïb le p remier des Grecs, Se lmàn le premier des Pe r sans , Belàl le p remier des A b y s -sins . Ce dernier était un esclave é th io-pien qui embrassa de bonne heure l ' i s lamisme : il fut le p remier m u e d d i n . A u j o u r d ' h u i encore , c'est le pa t ron des nègres d 'Algér ie qui célèbrent sa fête. Q u a n t à Se lmân , d 'après son propre récit, r eprodui t par Ibn Ishaq (Sirat er Resoul, t. I, p . 104 et suiv . ) , il était le fils d ' un Dihqàn de la p rovince d ' I spahân qui ab jura la rel igion du feu pour se faire chré t ien . 11 pra t iqua le chr i s t ian isme jus-q u ' a u m o m e n t où il eut connaissance de la miss ion de M o h a m m e d ; alors il se rendi t en Arab ie où il fu t vendu c o m m e esclave et ne recouvra sa l iberté qu ' ap rès les batailles de Bedr et d ' O h o d . Ayant adopté l ' is lam, il donna à M o h a m m e d , à la j ou rnée d 'E l K h a n d a q (le Fossé), le con-seil de creuser un fossé pour protéger ses t roupes : c'est a lors qu ' a r r iva le miracle des ét incelles.

36. C'est lui, notre Prophète, qui or-donne et qui défend : nul n'est plus véri-

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clique que lui, dans ses négations et ses affirmations.

O u at t r ibue à M o h a m m e d , p o u r qui , d 'ai l leurs, la poésie fu t t o u j o u r s lettre close, le vers suivant :

« Je suis le P r o p h è t e et poin t u n m e n -teur : je suis le (petit-) fils de 'Abd el Mot ta l ib . »

37. C'est lui l'ami (de Dieu) en l'inter-cession de qui l'on peut espérer contre toutes les terreurs subites.

Le P rophè te disait : « Je suis le p remie r des intercesseurs et le p remier de ceux dont l ' in tercession est agréée, et je n'en tire pas vani té ». Cette t radi t ion est p lus développée dans la Chifadu q a d h i ' l y à d h : Des c o m p a g n o n s du P r o p h è t e étaient assis à l ' a t tendre : M o h a m m e d sort i t , s ' approcha d 'eux, les entendi t causer et écouta leur conversa t ion . L ' u n d 'eux disait : Il est é tonnan t que Dieu ait choisi parmi son peuple Ih r ah im p o u r ami . — Ce n'est pas plus é tonnan t que l 'entre-tien de Dieu avec Mousa p o u r interlocu-teur, dit un autre . U n t ro is ième repr i t : Et ' Isa (Jésus), le verbe et le souffle de D i e u ? — Et Adam, que Dieu a choisi ? — Alors le P rophè te vint à eux et leur dit : J 'ai en tendu votre conversa t ion et votre é tonnement de ce que Dieu a choisi Ibrahim pour ami, et c'est ainsi — Moïse

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est le confident de Dieu, et c'est ainsi — Isa le souffle de Dieu, et c'est ainsi . —

Q u a n t à moi , je suis l 'ami de Dieu et je n 'en tire pas vanité ; — c'est moi qui , au jour de la r ésur rec t ion , por terai l 'é tendard de la louange divine, et je ne m 'en enor-gueillis pas ; — c'est moi le premier in-tercesseur et le p remier excusé, et je n ' en suis pas plus vain ; — c'est moi qui le p remie r f rappera i à la porte du Parad i s : Dieu m 'ouv r i r a et me fera entrer avec les c royants pauvres , et je n 'en ai pas d ' o r -gueil . Je suis le plus h o n o r é pa rmi les anc iennes et les dern iè res généra t ions et je n 'en tire pas vani té .

38. Il a appelé les hommes vers Dieu, et ceux qui s'attachent à lui sont attachés par un câble qu'on ne rompt pas.

La m ê m e idée est expr imée dans le Qoràn (Sour I I , v. 257) : « . . . Celui qu i croi ra en Dieu aura saisi une anse solide et qui ne p o u r r a être br isée. »

39. Il a surpassé les Prophètes par ses qualités physiques et morales, et ils ne l'approchent pas en science ni en magna-nimité.

D'après Abou ' l Féda (Vie de Moham-med, p. 114) et Ibn H i c h à m [Sirat er Resoul, I, 198), le P r o p h è t e était de taille m o y e n n e , il avait la tête grosse, le visage

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assez rempl i , blanc et rose, les yeux noirs , les cheveux assez lisses et teints d ' o rd i -naire avec du Katam et du h e n n é ; ses mains et ses pieds étaient rudes ; sa char-pente v igoureuse , sa démarche légère : il avait entre les épaules le sceau de la P rophé t ie , c 'es t -à-dire une excroissance de la grosseur d 'un œuf .

U n dicton popula i re en Algérie té-moigne ainsi de la supér ior i té de M o h a m -med sur les autres P rophè te s qui l 'ont précédé :

No t re Seigneur Ib r ah im est l 'ami de Dieu ;

Notre Seigneur Mousa est l ' in te r locu-teur de Dieu ;

Notre Seigneur 'Isa est le souffle de Dieu ;

Notre Seigneur M o h a m m e d est l 'apô-tre de Dieu.

40. Tous demandent à l'envoyé de Dieu de puiser à l'océan (de sa science) ou de boire à lapluie continue^de ses bienfaits).

41. Ils se tiennent près de lui à leur rang comme les points (diacrit iques du livre) de la science et les voyelles (du livre) de la sagesse.

C o m p a r a i s o n tirée de l 'aspect de l 'écri-ture arabe où les points d iacr i t iques ser-vant à d is t inguer plusieurs lettres et les

J,A BORDAH 4*

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signes servant de voyelles se placent au -dessus ou au-dessous de la ligne. Le poète veut dire que les aut res prophè tes jouent , vis-à-vis de M o h a m m e d , un rôle secon-daire c o m m e celui des points et des voyelles par r appor t au corps de l 'écri ture.

42. C'est lui, dont l'intérieur et l'exté-rieur ayant été rendus parfaits, fut ensuite choisi pour ami par le Créateur des hommes.

Ce vers est encore à rapprocher du passage de Marc (I, 21) au m o m e n t du bap tême de Jésus : « E t vox facta est de cœlis : T u es F i l ius meus dilectus, in te complacu i . »

43. Personne n'a de vertus pareilles aux siennes : il possède sans partage l'essence de la beauté.

44. A l'exception des prétentions émises par les Chrétiens au sujet de leur pro-phète, accorde et décerne à Mohammed toutes les louanges que tu voudras.

On a vu que M o h a m m e d s'est efforcé, dans bien des circonstances, d'imiter le fon-da teur du chr i s t ian isme : toutefois , il ne pouvai t se dire, c o m m e lui, fils de D i e u ; aussi rejet te-t- i l la fausseté de cette p ré -tent ion, non sur Jésus qui fu t , d 'après lui , un p rophè te o r thodoxe , mais sur ses pa r -

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t isans. Aussi , dit-il dans le Qoràn (.Sour. I I I , 179,). « Convient- i l que l ' h o m m e à qui Dieu a donné le Livre (l 'Evangile) et la sagesse, dise aux h o m m e s : Soyez mes adora teurs en même temps que ceux de Dieu ?» — Et dans un autre passage (Sour. V, 1 16-117) : « Dieu dit a lors à Jésus : As-tu jamais dit aux h o m m e s : P renez pour Dieux moi et ma mère à côté du Dieu un ique? — Pa r ta gloire, non . C o m m e n t donc aurais-je pu dire ce qui n 'est pas vrai?. . . Je ne leur ai dit que ce que tu m'as o r d o n n é de leur dire : Adorez Dieu, m o n Seigneur et le vôtre. » Sur l ' idée que les M u s u l m a n s se font de Jé sus c o m m e Messie, on peut consul te r Ge-rock, Versuch, p. 80-89.

45. Accorde à sa personne toute la noblesse- possible; reconnais à sa puis-sance toute la grandeur qu'il te plaira,

46. Car il n'y a pas de bornes aux mérites du Prophète, et celui qui parle de lui ne peut s'expliquer clairement.

T a n t M o h a m m e d est au -des sus de toute descr ip t ion .

47. Si ses miracles, par leur grandeur, étaient en rapport avec son haut rang l'invocation de son nom rendrait la vie aux os desséchés.

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Une t radi t ion r appor t e q u ' u n jour un h o m m e alla t rouver le P rophè t e et lui dit : Ma tille est tombée dans une rivière. M o h a m m e d part i t avec lui et appela : U n e telle! réponds-moi avec l ape rmiss ion de Dieu très haut . — Me voici, dit la jeune fille. — T e s parents se sont confiés à Dieu, et, si tu veux, tu reviendras avec eux. — N o n , répondit-el le , j'ai t rouvé que Dieu valait mieux .

48. Par affection pour nous, il nous a épargné les choses auxquelles l'intelli-gence ne peut atteindre ; nous ne sommes ni dans le doute ni dans l'erreur.

O n t rouve dans les hadi th les paroles suivantes du P r o p h è t e : « Par lez aux h o m m e s dans la mesure de leurs intel-l igences. — Ne dites pas aux h o m m e s des choses que leurs intel l igences ne peu -vent pas c o m p r e n d r e . — Voulez-vous que Dieu et son envoyé soient traités de men-teurs ? » Al lus ion aux mystères que les Chré t i ens doivent accepter sans les c o m -prendre . C'est la ré fu ta t ion du « Credo quia a b s u r d u m » de Ter tu l l i en , a r g u m e n t repris d 'une façon si s ingul ière par le vieux Copte d iscutant avec A h m e d ben T o u -loun . « La preuve de la vérité du chr i s -t ianisme, dit-il, je la t rouve dans ses e r reurs et ses cont rad ic t ions qui r é p u -gnent à la ra ison et révol tent l 'esprit ,

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LA BORDAH DU CHEIXH EL BOUSIRI 41

tant elles sont inadmissibles et confuses » (Mas'oudi , Prairies d'or, t. J I , ch. xxxi, p. 386 et suiv.). On sait que Boccace a fait d 'un r a i sonnement semblable le motif de la convers ion du Juif A b r a h a m , dans le second conte de la p remiè re journée de son De'came'ron. Sur les vers ions de ce conte, on peut consul ter D u n l o p - L i e -brecht , Geschichte der Prosa-dichtungen, p. 220 et note 290; L a n d a u , Die Quellen des Dekameron, p. 188.

49. Les hommes sont impuissants à com-prendre son sens intime : près de lui et loin de lui, on ne voit que des gens incapables de s'exprimer.

D'après un c o m m e n t a t e u r , les gens rap-prochés du P rophè te sont les adeptes des doctr ines mys t iques opposés aux éloi-gnés, ou profanes et gens du siècle.

50. C'est comme le soleil qui, de loin, semble petit aux veux, et aveugle ceux qui sont près de lui.

Cette idée est déjà expr imée dans deux vers du Diwdn d 'Abou ' l A l a el Ma'arr i

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pet i te ; la faute, dans cette appréc ia t ion , est à l 'œil , non à l 'étoile. »

L 'édi t ion de B o m b a y ajoute seule les deux vers suivants :

5o b i s . Les intelligences des hommes sont éblouies devant son essence et l'in-terprétation qu'ils en donnent ressemble d celle des songes.

5 o t e r . Je n'ai jamais rien vu d'intelli-gible loin ou près de sa réalité.

5 i . Comment ici-bas arriverait-il à sa connaissance réelle un peuple endormi, à qui ses rêves suffisent ?

Allus ion à un hadi th : Les h o m m e s sont endormis , ils ne s 'éveillent que q u a n d ils meuren t . — On l 'expl ique aussi dans le sens mys t ique : Il y a des gens qu i n ' a r r iveron t pas à la connaissance de la Vérité Eternel le , parce que , dans ce m o n d e , leur âme sensuelle fo rme, entre eux et la Vérité, un voile pareil à celui que le sommei l déploie entre le d o r m e u r et le m o n d e de la réali té.

S ' appuyan t sur l ' autor i té d 'Ech C h a -féi, un c o m m e n t a t e u r nous averti t à ce p r o p o s qu' i l y a qua t re manières de dor -mir : sur le dos, c'est celle des p r o p h è t e s ; sur le côté droi t , celle des théologiens et des gens pieux ; sur le côté gauche , celle

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des m o n a r q u e s ; sur le visage, celle des démons .

52. La somme de notions se borne à ceci: Mohammed était un homme, la meilleure des créatures de Dieu.

53. Tous les miracles qu'ont faits les prophètes vénérables viennent unique-ment de ce qu'il les éclairait de sa lu-mière.

Cette pensée a été développée dans les vers suivants d 'un a n o n y m e cité par Ibn A c h o u r (p. j5) :

« T o u s les miracles a t t r ibués aux p r o -phètes qui l 'ont précédé ont été surpassés par un plus mervei l leux.

« Le bâton changé en serpent (par Moïse) n'est pas p lus su rp renan t que la plainte du chameau ou la marche des arbres .

« Faire jaillir (comme Moïse) une source d 'eau d ' u n rocher , n 'est pas plus extraordinai re que l 'eau qui coulait de sa main . »

On peut en r approcher le tableau tracé par le Persan Djâmi , au c o m m e n c e m e n t de son poème sur Yousof e tZou le ikha , de la supérior i té de M o h a m m e d sur les au-tres prophè tes (cf. Rosenzweig , Joseph und Suleicha, p. 12).

Un hadi th a t t r ibué à M o h a m m e d lui

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fait dire : « La première chose que Dieu a créée a été ma lumière . »

54. C'est le soleil de l'excellence : eux n'en sont que les étoiles, dont la lueur n'apparaît aux hommes que dans les té-nèbres.

C'es t -à -d i re que les aut res prophè tes s 'effacent devant lui c o m m e les étoiles devant le soleil.

Ce vers paraît imité d 'un passage de Nàb ighah Dzobyàn i ( I I I , 9-10) ad resséau roi de H i r a h , E n N o ' m à n :

« Ne vois-tu pas que Dieu t 'a donné un degré de puissance tel que tu aperçois , au-dessous de toi, les rois s 'agiter vaine-men t ?

« Ca r tu es le soleil et les rois sont les étoiles : q u a n d il se lève, aucune étoile ne se m o n t r e plus . »

U n prédécesseur d ' E n N o ' m â n , 'Amr ben H i n d , avait été loué dans les mêmes te rmes :

« C'est le soleil qui assiste au jour du b o n h e u r et qui l ' empor te sur toute lu -mière : les rois ne sont que les étoiles ».

Que lques copies a jou ten t le vers sui-vant :

54bis. Quand il apparut dans l'existence sa direction s'étendit à tous les mondes et il ressuscita toutes les nations.

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55. Quelle est admirable la personne du Prophète, ornée de qualités morales et joignant la gaité à la beauté !

Jeu de mots in t raduis ib le entre Khalq (personne) et Kholoq (qualités morales) .

Les quali tés du P rophè t e ont été dé-crites en détail par El Bokhâr i Sahih, t. I I , p. I 7 3 - I 7 5 . ' '

56. On eût dit une fleur pour la délica-tesse, la pleine lune pour l'éclat, la mer pour la générosité, le temps pour la gran-deur des projets.

57. Seul, il semble, au milieu de sa gloire, lorsqu'on l'approche, entouré d'une armée et d'un cortège.

Le qâdhi lyàdh , dans sa Chifa, r ap -porte , d 'après Mos 'ab ben A b d Allah, que, lorsque l ' imâm Mâlek ment ionna i t le P rophè te , sa couleur changeai t et il se courbai t tel lement que ses audi teurs en étaient pén ib lement impress ionnés . Un jour, on le ques t ionna à ce sujet et il ré-pondi t : Si vous voyiez ce que je vois vous ne me feriez pas un grief de ce que vous voyez en moi .

58. On croit voir une perle (ses dents dans une coquille faite des deux mines de son éloquence et de son sourire (ses lè-vres).

LA BORDAH 5

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Suivant une tradition, lorsque le P r o -phète souriait, il montrait des dents brillantes comme l'éclair.

59. Il n'y a pas de parfum qui vaille la poussière qui couvre ses membres : heu-reux celui qui en respire l'odeur et l'em-brasse !

Cette faculté du Prophète d 'embaumer tout ce qui approchait son corps a d o n n é lieu au récit suivant. D'après le Maoud-hib el Ladounya, la femme de 'Otbah ben Farqad es Selmi disait : N o u s étions chez 'Otbah quatre femmes, cha-cune préoccupée d'être plus parfumée que ses compagnes. Notre mari ne se servait pas de parfums, mais frottait simplement sa barbe avec de la graisse et pourtant il répandait une meilleure odeur qu'aucune de nous. Quand il allait trouver les gens, ceux-ci disaient : « N o u s n'avons jamais rien senti de plus par-fumé que 'Otbah. » — U n jour je lui demandai : « N o u s nous donnons beau-coup de mal pour être parfumées, et ce-pendant tu l'es plus que nous : d'où cela vient-il ? » — Il me répondit : «J'avais été atteint d e l à gale au temps de Mohammed et je m'en plaignis à lui. Il me fit dépouiller et asseoir devant lui, puis il cracha dans sa main et me frotta le dos et le ventre. Dès lors ce parfum

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s 'attacha à moi (Ibn 'Achour , p . 77). On peu t comparer à cette légende la

maxime orientale : « Peu de chose est le p a r f u m du sandal et du tagara. Le plus délicieux p a r f u m est celui qu 'exha len t les h o m m e s de b i e n ; il e m b a u m e jus-qu ' aux Dieux » (.Dhammapada, ch. iv, v. 56).

D 'après El Azhar i , Dieu a interdi t à la terre de dét ru i re les corps des P rophè te s . La poussière ne fait que les recouvr i r et prend leur p a r f u m de sainteté.

Ce dernier p h é n o m è n e est expliqué de la manière suivante par El Bàd jour i . S ' appuyant sur le hadi th suivant : « Le tombeau est la p remière des s tat ions de l 'autre vie, soit (pour le juste) une des portes du Paradis , soit (pour le méchant) une des fosses de l 'enfer », il établit que le tombeau d 'un P rophè t e ne peut être que l 'un des premiers . Il est nature l , en conséquence , qu' i l répande un p a r f u m délicieux.

60. L'excellence de sa nature est prou-vée par les circonstances de sa naissance : Quel magnifique commencement ! Quelle magnifique fin !

La naissance des fonda teurs de rel i -gion fut t ou jour s , au dire de leurs sec-tateurs, accompagnée de prodiges qui devaient les annoncer au monde . Ainsi

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pour le B o u d d h a (Bodhisattva) Sakya-Mouni . « Dans le monde , la terre éprouva un grand ébran lement très effrayant et faisant f r i s sonner les pores . Les ins t ru -ments de mus ique des h o m m e s et des Dieux, sans être touchés , se firent en-tendre d ' eux-mêmes . Au même instant , dans les t rois mille g rands mil l iers de rég ions du monde , tous les divers a rbres de la saison se couvr i ren t d 'une p r o f u -sion de fleurs et de f ru i t s purs . Du haut des d e u x se fit en tendre le b ru i t des nuages . Pu i s , du ciel dégagé des nuages , se miren t à t omber doucemen t en pluie légère, avec la couleur du pays des Dieux, des fleurs, des vê tements , des parures et des poudres odoran tes mêlées ensemble . Des brises caressantes et pa r fumées des odeurs les plus suaves se miren t à souff ler . . . . Aussi tôt la naissance du Bod-dhisatva, tous les êtres fu ren t rempl i s de b ien-ê t re et de la plus g rande joie. La passion, la haine, l ' ignorance, l 'orguei l , la tristesse, l ' abat tement , la crainte, le désir , l 'envie, la jalousie fu ren t tous éloignés, et les actes qui ne v iennent pas de la vertu fu ren t abandonnés . » Rgya tch'er rolpa, t rad . F o u c a u x , ch. vu, p. 90-91. La vers ion sanscri te donne les m ê m e s détails que la vers ion t ibétaine : Lalita-Vistara, t rad . F o u c a u x , I r e partie, p . 5 i -52. O n les t rouve également dans la ver-

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sion chinoise : TheFo-slio-hing tsan-king t rad. Beal, Oxford , 1883, in-8°, str. 21-35, p. 4-6.

U n e t radi t ion d 'As ie -Mineure r appor t e qu 'au m o m e n t où Apo l lon ios de T y a n e vint au m o n d e , la foudre t omba sur terre , puis , r emon tan t aussi tôt , s ' évanoui t dans les airs (Phi los t ra te , Vie <i'Apollo-nios de Tyane, liv. I, ch. v). De m ê m e les anges annoncen t la venue du Chr i s t (Luc I I , 13-15).

E n men t ionnan t les mervei l les qui accompagnèren t la concept ion du Pro-phète , Abou No ' a im raconte que les an i -maux par lèrent cette nui t - là . — On sait que chez les chrét iens , une t radi t ion sem-blable pré tend que, pendan t la nui t de Noël , à l 'heure de minui t , les an imaux domest iques possèdent le don de la pa-r o l e . C h e z les païens , au contra i re , c 'était considéré c o m m e de funeste augure : on se rappelle , en effet, les vers de Virgile citant parmi les présages funestes qui a n n o n -cèrent la mor t de César :

Pecudesque locutae Infandura

M o h a m m e d naqui t le 12 de Rabi 'e l aouel 5 j 3 de J . -C . L ' au teu r du Chifa es Sodour r appor te que lorsque Dieu voulu t créer le P r o p h è t e , il o r d o n n a à Dj ibra i l de lui appor te r de l 'argile qui formai t le

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centre et l 'éclat de la terre . L 'envoyé des-cendit au mil ieu des anges du Pa rad i s et pri t la poignée de terre qui devait servir à f o r m e r M o h a m m e d , sur l ' emplacement de son tombeau . Pu i s il la mélangea avec l 'eau du T e s n i m , une des sources des fleuves du Parad i s , elle devint c o m m e u n e perle très b lanche qui lançait des rayons . Alors les anges la p romenè ren t au tou r du T r ô n e et du Siège de Dieu, dans les cieux et sur la terre, sur les m o n -tagnes et dans les mers , et tous , ainsi que les aut res créatures , r e connu ren t not re Se igneur M o h a m m e d , avant m ê m e de reconnaî t re A d a m . M o h a m m e d aura i t donc existé an té r i eu remen t à tous les h o m m e s .

La légende suivante m o n t r e un essai d ' imi ta t ion du mystère de l ' Inca rna t ion , rédui t aux p ropor t ions d 'un miracle. D 'après le Maoudhib el Ladounya, quand Dieu vou lu t créer M o h a m m e d dans le sein de sa mère A m i n a , une nui t de ven-dredi de redjeb , il o r d o n n a à R i d h o u â n , le gardien de l 'Eden , d 'ouvr i r le Paradis , et une p roc lamat ion fut faite dans les cieux et sur la terre : « La lumière secrète et cachée qui doit fo rmer le P r o p h è t e a été fixée cette nui t dans le sein de sa mère où s 'accompli t sa créat ion et d 'où il sor t i ra vers les h o m m e s , c o m m e mes-sager et p r o p h è t e . »

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61. Ce jour où les Perses comprirent qu'ils étaient avertis de l'arrivée des mal-heurs et des châtiments.

Jeu de mots entre tafarrasa, deviner , comprendre , et El Faraso, les Perses .

62. Pendant la nuit, le pavillon de Kesra se fendit — c'est ainsi que la

famille de Kesra devait être divisee. Les Arabes d o n n e n t à tous les pr inces

Sassanides le n o m général deKes ra (Khos -rou , Chosroès) . De m ê m e , ils appelaient Nedjàch i (Nëgouch) , les rois d 'Abys -s in ie ; Qaïsar (César), les empereu r s de Cons tan t inop le ; T o b b a ' , les rois du Y é m e n ; K h à n e t K h a q â n , ceux des T u r k s ; F a g h f o u r , ceux de la C h i n e ; Qaàn , ceux des Moghols ; Raï (radja), ceux de l ' I nde ; etc. Le Kesra cité ici est K h o s r o u Anou-ch i rwàn (Chosroès le généreux) qui régna de 531 à 578 après J . - C .

Le palais men t ionné dans ce vers est appelé Tak-Kes ra et s 'élevait à Ctés iphon (El Madaïn des Arabes). Il en existe en -core des restes considérables , entre au t res la façade, comparée par un voyageur à la P o r t e - N o i r e de Trêves . El le "a 284 pieds de long et est recouver te de marbre

Le poète El Bohtor i (Divan, t. I p. 109) a ainsi dépeint ce m o n u m e n t :

_« On dirait que l ' Iouàn (nom du pa-villon) par sa merveil leuse const ruct ion

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est une masse qui se dresse sur le flanc d ' u n e mon tagne ,

« O ù il semble , à cause de la désolat ion, que soir et mat in se tient

« Q u e l q u ' u n qui se lamente sur la sé-para t ion d 'amis bien chers , ou sur l ' aban-don d ' une f e m m e .

« Les nui ts (le sort) ont bouleversé sa fo r tune : Jup i t e r (la planète) y a passé la nui t , et c'est un astre défavorable .

« Il a m o n t r é de l 'hosti l i té ,et le palais a eu à souffr ir de l ' in imit ié de la fo r tune . »

U n e part ie de ce palais était un témoi-gnage de la justice de Chos roès . « U n a m b a s s a d e u r , envoyé par l ' empereur grec, visita l ' I ouàn et en admi ra la magni-ficence. Cependan t , il r emarqua une irré-gular i té dans la place qui était devant le palais et fit observer que cette place aurai t dû avoir une fo rme carrée. On lui r acon ta ceci : U n e vieille f e m m e avait sa maison là où vous r emarquez ce d é f a u t ; le roi n 'ayant pu , malgré ses instances et ses promesses , dé te rminer cette f emme à ven-dre sa maison , n'a pas voulu employer la violence p o u r l'y cont ra indre , et telle est la cause de l ' i r régular i té qui vous a cho-q u é . — Certes , s 'écria le Grec, cette i r ré-gular i té est plus belle que la symétr ie » (Mas'oudi , Prairies d'or, t. I I , ch . xxiv, p. 95). Ce récit se re t rouve plus ou moins modifié dans E c h C h i r o u â n i , Ne/hat el

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Yemen, p. 18, reprodui t par Rosenmùl -ler, Institutiones, p . 394-396; Cf. aussi Ibn Nobata , Serh el Oïoun, p . 27, r ep ro -duit par Ibn 'Achour , p . 86, et le Mos-tafref d 'E l Ibchihi , cité par Che ïkho , Medjdni 'l adab, t. I I , p . 180. Le même-trait, avec une conc lus ion ana logue , est a t t r ibué à E l Mo' tas im, roi d 'Almér ia , au xie siècle de not re ère, E l Maqqar i , Nef h ettib,éd. du Qaire , 4 V. in-40, ï 3 ° 4 hég. t. I I , p. 226-227; Dozy, Recherches sur l'Espagne, 3e éd. Leyde 1881, 2 v. in-12, t. I, p. 245-246.—Ces textes sont à ajou-ter à ceux qu 'a réun is M. Ris te lhuber , Une fable de Florian.

Le présage du déch i rement de la dynas-tie sassanide s 'accompli t ; K h o s r o u ' P a r -viz, petit-fils de K h o s r o u A n o u c h i r w à n , fut assassiné par son fils C h i r o u y e h (Siroès des Grecs, Qabàd II des Arabes) qui m o u r u t de la peste peu après : son successeur , Ardch i r III (Artaxerxès III) ne régna qu 'un an et m o u r u t encore en -fant . Deux reines et un pr ince se succé-dèrent en trois ans au mil ieu des guerres civiles ; enfin, le dernier roi sassanide, Yezdedgerd I I I , don t les t roupes fu ren t deux fois vaincues par les Arabes à Qadé-siah et à Nehavend , fut assassiné dans le Sedjestàn au momen t où il allait chercher un asile en Chine .

LA BORDAH 5

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5 4 l a b o r d a h d u CHEIKH EL b o u s i r i

63 .De regret, le feu éteignit sa flamme, et de chagrin, le fleuve oublia sa source.

Il s 'agit du feu sacré des Persans que les Guèbres adoren t encore a u j o u r d ' h u i et qui s 'éteignit la nui t de la naissance du Prophè te . Que lques commen ta t eu r s pen-sent que le fleuve dont il est ques t ion est le T i g r e , d 'au t res que c'est l ' E u p h r a t e . Mas 'oudi men t ionne à la m ê m e époque de g randes inonda t ions en Perse .

64. Sdouah s'affligea de la perte de son lac, et l'homme altéré qui descendait s'y abreuver dut revenir avec dépit.

Sâouah est u n e ville de Perse entre Rey (Rhagès) et H a m a d à n (Ecbatane), à égale dis tance de l 'une et de l 'autre . Su i -vant une t radi t ion persane, elle aurai t été bâtie par le roi f a b u l e u x T a h o u m o u r z . E n l'an 617 de l 'hégire elle fut dé t ru i te par les Mogho l s qui massacrèrent toute sa popu la t ion et incendièrent sa b ib l io thè-que , la p lus vaste du m o n d e . Dans les env i rons , on mont ra i t le tombeau du p ro -phète Samuel que les t radi t ions juives placent au contra i re à R a m a h (Yaqout, Modjem, t. I I I , p. 24 ; Barbier de Mey-nard , Dictionnaire géographique de la Perse, p. 298-299).

Le vers arabe renfe rme un jeu de mots entre Sda, être affligé, et Sdouah.

Les m ê m e s prodiges ont été racontés

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par Abou ' l féda (Vie de Mohammed, p. 3). Dans la nui t de la naissance du P rophè te , le palais de Kesra t r embla ; qua torze de ses tours s 'écroulèrent , le feu sacré des Pe r sans s 'éteignit , ce qui n'était pas arrivé depuis mille ans, le lac de Sàouah se dessécha.

65. On eût dit que, de chagrin, le feu avait pris l'humidité de l'eau, et l'eau, l'embrasement dufeu.

Ce vers a m p h i g o u r i q u e signifie que le feu semblait s 'être éteint en versant des larmes de tristesse et l 'eau consumée au feu de ses regrets.

66. Les génies poussèrent des cris ; les lumières brillèrent et la vérité se ma-nifesta par des signes et par des paroles.

Le Sirat er Resoul (t. T, p. 102) men-t ionne un autre prodige , év idemment imité de la. Salutation angélique. A m i n a h la mère de M o h a m m e d était enceinte de lui , lo r squ 'un esprit lui apparu t , lui annonça la destinée de son fils, le nom qu'il por tera i t et l 'exhorta à le placer sous la protect ion du Dieu u n i q u e . Ce sont les mêmes idées et presque les mêmes termes que ceux qu 'on rencont re dans l 'évangile de Luc , lorsque l 'ange dit à J o s e p h : « Par ie t (Maria) au tem fi l ium, et vocabis n o m e n ejus J e sum : ipse en im

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sa lvum l'aciat p o p u l u m s u u m a peccatis eo rum (I, 21), et dans la Salutation an-gélique (Luc , I, 3o-33). E t a i t angélus ci (Mariae) : Ne t imeas, Maria , invenisti en im grat iam apud D e u m . Ecce conci-pies in u tero , et paries filium et vocabis n o m e n ejus J e s u m . H i c e r i t m a g n u s et Fi l ius Al t iss imi vocabi tur et dabit i 11 i D o m i n u s Deus sedem David patr is e j u s : et regnabit in d o m o Jacob in a e t e r n u m , et regni ejus non erit finis. »

De m ê m e la mère d 'Apol lon ios de T y a n e vit, pendan t sa grossesse, le dieu égypt ien Pro tée lui a n n o n ç a n t qu' i l naî-trait d'elle (Phi los t ra te , Vie d'Apollonios, liv. I, ch. iv). Mayà-Dévî , mère du Boud-d h a S a k y a m o u n i est avertie par un songe de sa mi racu leuse concept ion (Rgya tch'er roi pa, ch . vi, p. 61-63; Lalita-Vistara, ch . vi, p. 56).

' O t h m â n ben El 'As rappor te les p a r o -les suivantes de sa mère Fâ t imah : J 'é tais auprès d ' A m i n a h lorsqu 'el le enfanta le P r o p h è t e de Dieu. Q u a n d l ' hémorrag ie se déclara, je vis les étoiles s ' approcher te l lement que je cra ignis qu 'e l les ne t o m -bassent sur ma tête. Pendan t l ' accou-chemen t , il sortit d'elle une lumière qui i l lumina la maison où n o u s ét ions : je ne voyais que de la lumière . Pu i s j'en-tendis une voix qui criait sur la monta-gne d 'E l H a d j o u n :

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«Je l 'affirme : aucune f e m m e d e s h o m -mes n 'a eu un tils aussi i l lustre, aucune f emme du genre h u m a i n n 'a enfanté de fils

« C o m m e celui que vient de met t re au m o n d e cette f e m m e des Benou Z o h r a h , éclatant , i l lustre , à l 'abri du blâme des t r ibus , g lor ieux. »

D 'après le Sirat er Resoul (t. I, p. 77) la lumière qu ' aperçu t A m i n a h était si vive qu 'on pouvai t d i s t inguer de La Mekke le château de Bostra en Syrie .

Cette lumière mervei l leuse et cette an-nonce faite par des êtres su rna tu re l s sont encore des e m p r u n t s au chr is t ianisme. « Et pastores e r a n t i n r eg ioneeàdem vigi-lantes, et cus todientes vigilias noctis su-per gregem s u u m . E t e c c e a n g e l u s D o m i n i stetit juxta illos, et claritas Dei c i r cum-fus i t i l los , et t i m u e r u n t t imoré magno . . . . Et subi to facta est cum angelo m u l t i t u d o militiœ cœlestis l audan t i um D e u m » (Luc, II , 8-9, 13).

L 'évangile a p o c r y p h e de l 'En fance , qui a été très r é p a n d u chez les Musul-mans et qui ne n o u s est arr ivé que dans la vers ion arabe, r appor t e (ch. ni) que la caverne où accoucha Mar ie « était toute resplendissante d ' une clarté qui su rpas -sait celle d ' une infinité de flambeaux et qui brillait p lus que le soleil à midi » (Sike,Evangelium Infantiae, p. 6; T h i l o ,

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Codex apocryphus, p. 66 -68 ; t rad . par Brune t , Les Evangiles apocryphes, p. 62 ; Mignc, Dictionnaire des Apocryphes, 1.1, col. 984). Le Prote'vangile de Jacques le Mineur men t ionne également la lumière qui i l lumina la caverne (Thilo, Codex apocryplnis, ch. xix, p. 246 ; B rune t ,Les Evangiles apocryphes, p. i 2 8 ; M i g n e , Dictionnaire des Apocryphes, t. I, col . 1022).

Le c o m m e n t a t e u r El Bàd jour i cite ce vers q u ' E l ' A b b à s aurai t adressé à sa s œ u r A m i n a h :

« L o r s q u e tu accouchas , la ter re fut éclairée à l 'Or ien t , et le m o n d e fut i l lu-miné de ton éclat. »

La lumiè re mervei l leuse est aussi , an t é r i eu remen t au Chr i s t , un des p ro -diges qui accompagnèren t la naissance du B o u d d h a : « T o u t e s les sp lendeurs du soleil, de la lune, d ' I n d r a , de B r a h m a et des gard iens du monde , fu ren t éclip-sées. U n e lumière de cent mille cou -leurs , d 'un contact ex t rêmement agréable et p rodu i san t le bien être dans le corps et l 'esprit des êtres, se répandi t de toutes parts du m o n d e supér ieur sur toutes les régions des trois mille g rands mil l iers de mondes qu'el le rempl i t » (Rgya tch'er roi pa, ch. vu , p. 90-91, Lalita-Vistara, ch . VII, p. 80; Fo-sho-hing-tsan-king 1 str. 26, p. 5-6 .

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67. Aveugles et sourds, ils n'ont pas entendu la manifestation de la bonne nouvelle, et ils n'ont pas vu la lueur étin-celante de l'avertissement,

68. Après que leurs devins avaient prédit aux populations que leur fausse croyance ne subsisterait pas.

Ce vers fait a l lus ion aux prophét ies de Ch iqq et de Sat ih . Les écr ivains arabes racontent q u ' u n des T o b b a ' du Yémen , don t Causs in de Perceval place l ' époque vers le mil ieu du 111e siècle ap. J . - C . (?), eut un songe qui l 'effraya. Le lende-main , il d e m a n d a conseil à ses cour t i -sans et se décida à in te r roger les devins, se p rome t t an t de ne croire qu ' à celui qui aura i t connaissance de ce rêve sans qu ' i l le lui eût raconté . Deux seuls r empl i r en t cette condi t ion : C h i q q et Sat ih . Le dernier qui se n o m m a i t aussi Rabi 'ah ben Rabi 'ah dit au pr ince qu ' i l avait vu un feu, sor tant des ténèbres , s 'é tendant sur la côte et dévorant c e , q u ' i l r encon -trait : c'était l 'empire des É th iop iens qui devait se subs t i tuer à celui des H i m y a -rites, du re r soixante-dix a n s e t ê t r e détrui t par S e i f i b n Dzou' l Yézen. Celui-ci de-vait à son tour être remplacé par un P r o -phète, issu des fils de Ghàleb ben F ih r ben Mâlek. Ch iqq , in ter rogé séparément , fit la même réponse (Sirater Resoul, t. I,

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p. 9 - 1 2 ; Causs in de Perceval , Essai sur l'histoire des Arabes, t. I, p. 96-97).

D 'après les t radi t ions , Satih aurai t vécu trois cents ou mille ans et serait m o r t l ' année de la naissance du P rophè te . Sui-vant d 'au t res , lors des prodiges annoncés plus hau t , le roi de Perse K h o s r o u in ter -rogea N o ' m â n , fils d ' E l Mondz i r , ro i de H i r a h , qui lui envoya A b d el Mesih (le servi teur du Messie), fils de A m a . Ce lu i -ci conseil la au roi de Perse de s 'adresser à son oncle qui habi tai t en Syrie et se n o m m a i t Sat ih . Ce fut A b d el Mesih qui fu t chargé de ce message. Au premier abord , Satih ne paru t pas l 'avoir en tendu : son neveu lui récita une prière en vers pour le t irer de son indifférence. Le de-vin rép l iqua alors en prose r imée ; Abd el Mesih, mon té sur un chameau alerte est venu vers Satih sur le bord de la tombe . — Le roi des fils de Sassàn l'a envoyé à cause de la secousse de l ' i o u à n et de l 'ext inct ion du feu — et des songes du Mobed (prêtre du feu). — Il a vu des chameaux fu r i eux — qui poussaient des chevaux arabes — traversant le T ig re — et se r épandan t dans le pays. — A b d e l Mesih, quand se sera mult ipl iée la récita-t ion, — quand aura apparu le maî t re du bâton, — q u a n d le feu des Perses sera éteint , — q u a n d l 'é tang d e S a m a o u a h aura débordé , — la Syrie ne sera plus la Syrie

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p o u r Sat ih . —- Il régnera des rois et des reines (sassanides) — un n o m b r e égal à celui des créneaux (écroulés) — et tout ce qui doit ar r iver ar r ivera . » P u i s il m o u -rut (Abou' l féda, Vie de Mohammed, p. 4-5 ; E l Ibchih i , Mostatref, t. I I , p. 99-100). F r ey t ag (.Arabum pr'overbia, t. I, p. 160, liv. I I , p. 38) cite ce p rove rbe de Satih : Le mys tè re a cessé.

U n e aut re légende, v is iblement imitée de la t rad i t ion chré t ienne stir la P r é s e n -tation de Jésus au T e m p l e , fait jouer à Satih le rôle du vieillard S iméon . É t o n n é des prodiges qui annoncè ren t la venue de M o h a m m e d , il se serait fait t r a n s p o r t e r a La Mekke et aurai t prédi t la dest inée de l ' enfant . « Le noni qu ' i l por te dans le P e n t a t e u q u e et l 'Évang i l e est connu : on l 'appellera A h m e d (le Paraclet) dans lec ie l , M o h a m m e d sur la terre et Abou ' l Qâsem dans le Pa rad i s (El Bokhàr i , cité par Des-vergers , Vie de Mohammed, note 7, p. 102). Le Sirat er Resoul lui subst i tue A b d el Mot ta leb qui , dès la naissance de son petit-fils, l 'aurai t por té au tour de la Ka 'abah et aurai t remercié Dieu de sa nais-sance. Satih ne m o u r a n t pas avant d 'avoir vu le P r o p h è t e , rappelle le vieillard Si-méon « Et ecce h o m o erat in Je rusa lem, cui n o m e n S imeon , et h o m o iste jus tus , et t imora tus , expectans conso la t ionem Israël, et Spir i tus Sanctus erat in eo. E t

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r e sponsum acceperat a Spiri tu Sancto non v i s u r u m se m o r t e m , nisi p r ius vide-rit C h r i s t u m D o m i n i . Et venit in spi r i tu in t e m p l u m . E t c u m induceren t pue -r u m J e s u m parentes e jus ut facerent s e c u n d u m c o n s u e t u d i n e m legis pro eo ; et ipse accepit e u m in u lnas suas, et bene-dixit D e u m , et dixi t . . . » (Luc, I I , 25-28). L ' É v a n g i l e apoc ryphe de l ' enfance ra-conte aussi la présenta t ion au T e m p l e , et c'est de là que ce récit a passé aux m u s u l m a n s (Sike, Evangelium infantiœ, p. 14 -16 ; T h i l o , Codex apocryphus, ch. vi, p. 71 ; Brune t , Les Evangiles apo-cryphes, p. 64; Migne, Dictionnaire des apocryphes, I, col. 986).

De m ê m e , dans la légende du B o u d d h a , l ' e rmite Asi ta , averti par des prodiges de la naissance de Sakyamoun i , vient de l ' H i m a l a y a à Kapi lavastou p o u r le voir et l ' adorer , et lui prédi t ses hautes desti-nées (Rgya tch'errol pa, ch. VII, p. io3-110, Lalita-Vistara, ch. VII, p. 91-102, Fo-sho-hing-tsan-king, s tr . 69-113, p. 12-18.)

69. Et ils avaient déjà vu à Vhori^on les étoiles tomber à terre, comme leurs idoles.

D'après le commen ta i r e d 'El Bàdjour i , la nui t de la naissance d 'un P rophè te , les d é m o n s cherchen t à se r approcher des

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cieux qui sont ouverts , p o u r saisir que l -ques entre t iens des anges et les faire servir à leurs maléfices. Lo r sque Jésus vint sur la terre , ils fu ren t expulsés de trois cieux : à la naissance de M o h a m -med, on fit encore meil leure garde. Cette c royance s 'appuie sur que lques passages du Qoràn : les étoiles filantes sont des feux que les anges font p leuvoir sur les démons . « N o u s les dé tendons de l 'a t -teinte de tout d é m o n repoussé à coups de pierres, à mo ins qu ' i l ne s 'en glisse fu r t i -vement pour écouter et alors, il est at teint par un trait de feu visible à tous » (Qo-ràn, Soura te XV, 17-18). « N o u s avons orné le ciel le p lus p roche d 'un o rnemen t d 'étoiles, qui servent de garde cont re tout démon rebelle, afin qu ' i ls ne v iennent pas raconter ce qui se passe dans l ' assem-blée subl ime, car ils seraient repoussés et livrés à un suppl ice p e r m a n e n t . Celui qui s ' approchera i t jusqu 'à saisir à la déro-bée que lques paroles est at teint d 'un dard flamboyant » [Qoràn, Soura te X X X V I I , b -10) .Peu t -ê t re faut-i l r a p p r o c h e r c e der-nier verset de la t radi t ion qui fait garder le Pa rad i s terrestre par un ché rub in a rmé d 'un glaive de flamme [Genèse, I I I , 24).

Il est fait a l lusion à cette c royance que les étoiles filantes servent à repousser les démons , dans un vers des Mille et une Nuits (éd. de Hab ich t , t. I I I , p. 72)-:

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Si un h o m m e essaie de surprendre une œillade comme un Satan qui épie, elle le consume par une étoile.

L 'aventure des démons essayant de s ' introduire dans le ciel, la nuit de la nais-sance de Mohammed , est rapportée par une légende arabe qui met en scène un devin qui aurait aussi annoncé la venue du Prophè te : Khater ben Màlek. Lahb ben Mâlek el Lahbi dit un jour à Moham-med, alors qu'i l était question de divina-tion : C'est nous qui les premiers avons connu la défense du ciel et la déroute des démons empêchés de surprendre nos se-crets par la chute des étoiles. Nous étions réunis chez u n de nos devins appelé Kha-ter ben Mâlek : il était très vieux et avait dépassé cent quatre-vingts ans. C'était le devin le plus savant. Nous lui dîmes : Khater , connais- tu ces étoiles qui sont jetées? Nous en sommes effrayés et nous craignons que quelque mal n'en résulte pour nous . Il nous répondit : Venez à moi au point du jour — et je vous informerai de l 'affaire, — si elle marque du bien ou du mal, — si c'est pour quelqu 'un ou pour Khater . — Nous le quit tâmes pour ce jour-là, mais le lendemain, dès l 'aurore, nous revînmes le t rouver . Il était debout sur ses pieds et regardait dans le ciel avec ses yeux. Nous l 'appelâmes : Kha te r ! Khater ! Il nous lit signe de nous taire,

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nous obéîmes. Une immense étoile tomba du ciel et le devin cria en élevant la vo ix : Elle l'a at teint! elle l'a at teint! Le chât iment s'est saisi de lui. — La pu-nition l'a vite f rappé. — Sa flamme l'a brûlé. — La riposte l 'écarté. — Dans quel piteux état il est ! — Le souci l'agite. — Sa perte recommence! — Ses liens sont rompus ! — Sa conduite est corrigée ! — Puis il se tut longtemps et dit : T r i b u des Benou Qahtàn , — je vais vous appren-dre la vérité claire. — J 'en jure par la Ka'abah et les piliers, — par la ville qui protège le voile, — les audacieux génies auront été empêchés d 'écouter — par un feu lancé par la main d 'un être puissant, — à cause de la mission d 'un h o m m e considérable — chargé d 'apporter la ré-vélation et la dist inction, —• la direction et la démarcat ion du Qoràn . — Les ido-lâtres ne pourront rien contre lui. — Kha-ter, lui dis-je, tu ment ionnes des événe-ments graves : que vois-tu pour ton peu-ple?—"il reprit : Je vois pour mon peuple ce que je vois pour moi-même, — il servira le meilleur des Prophètes h u -mains, — dont la preuve est pareille aux rayons du soleil, — envoyé à La Mekke, demeure du bruit — avec une révélation claire, sans voiles. — Khater , lui deman-dai-je, d 'où est-il? — Par l'existence et la vie, il est de Qoraïch, — il n'y a pas de

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légèreté dans son autor i té — ni de souil-lu re dans son caractère . — Il sera à la tête d ' une armée, et quel le a rmée ! — Des gens de Q a h t à n et de na t ions d i v e r s e s . — N o u s lui d îmes : Exp l ique -nous de quel Qora ïch i te il v iendra . — Pa r la maison aux pil iers ! (la Ka 'abah) — il appar t ien-dra à la l ignée de H a c h e m , — u n e famille d ' h o m m e s m a g n a n i m e s ; —i l sera envoyé avec la sagesse, — il ex te rminera les mé-chan ts . — Il t e rmina ainsi : Voilà l 'ex-pl icat ion que m 'a donnée le chef des génies : Dieu est le p lus g r a n d ! — La Vérité est venue et est apparue , — la con -naissance s'est retirée des génies. — Pu i s il se tut et s ' évanoui t . Il ne revint à lui qu ' au bout de t rois heures et dit : Il n 'y a de Dieu que Dieu et M o h a m m e d est le P r o p h è t e de Dieu. P u i s i l - m o u r u t » (Ibn 'Achour , p. 91).

Q u a n t à la chu te des idoles, u n e t radi-tion rappor tée par le m ê m e c o m m e n t a -teur (p. 92) pré tend qu 'à la naissance du P rophè te , les-idoles de toutes les na t ions fu ren t abat tues . Déjà, dans l'Évangile de l'Enfance, les idoles d ' E g y p t e tomben t et se br isent après que l 'une d'elles a a n -noncé la miss ion du Chr i s t , l o r sque celui-ci arr ive dans ce pays avec sa fa-mille, fuyan t la persécut ion d ' H é r o d e (Sike, Evangelium infantiœ, p. 2 2 - 2 6 ; T h i l o , Codex apocryphus, p. 7 4 ; Migne,

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Dictionnaire des apocryphes, t. I, col . 987-988; Brune t , Les Evangiles apocry-phes, p. 66-67, évangile du Pseudo-Mat -hieu ap. T i schendor f , Evangelia apocry-plia, en. xxm, p. 8b ; un f ragment copte ap. Zoega ,Catalogus codicum copticorum, p. 223). U n miracle semblable est r ap -porté dans YHistoire de la Nativité de Marie, à l 'occasion de son séjour en Egypte (Thilo, Codex apocryphus, p. 399-400 ; Migne, Dictionnaire des apocry-phes, t. I, col. 1078; Brune t , Les Evan-giles apocryphes, p. 206-207).

U n e autre légende du m ê m e genre se t rouve dans le r oman de la Conquête de l'Égypte a t t r ibué faussement à E l O u à -qidi. ,Le père de Moqaouqas , souverain de l 'Egypte , Ra'ï l ben Qa tmaous , avait construi t à 'Ain Chems (Héliopolis) un temple immense où il avait placé des statues creuses dont le visage était t o u r n é vers les différents pays voisins de l 'Egy-pte. El les por ta ient cette inscr ip t ion en copte : Lorsque ces images t o u r n e r o n t leur face vers le Hid jàz , le règne des Arabes sera proche. U n jour que M o -qaouqas était à la chasse — ceci se pas-sait à l ' époque de l 'hégire — il alla à 'Ain C h e m s et entendi t un brui t venant des statues : elles tourna ien t leur face vers le Hid jàz : il fut convaincu de la fin de son pouvoi r et de la chute de sa

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grandeur (Hamaker , Liber de expugna-tione Memphidis, p. 8). Le m ê m e récit est r eprodui t p lus loin avec quelques varian-tes : la scène se passe à Deïr Bàl is ; le cons t ruc teu r des s tatues est appelé Terià-nos [ibid; p. 40) : dans Es Sakhàou i (Toh fat el albdb p. 15), il est n o m m é A z h î o u s .

70. Jusqu'à ce qu'au matin, les démons s'enfuirent loin de la route de la révé-lation, précipités sur les traces l'un de Vautre.

Ce c h e m i n du ciel est appelé route de la révélation parce que c'est lui que sui -vait l 'ange Gabr ie l q u a n d il appor ta i t au P r o p h è t e la parole divine.

« Ouahi » révélat ion, s 'entend dans le sens le plus énerg ique du mot , c 'es t -à-d i re que , non seu lement le fonds , mais l 'expression e l l e -même vient de Dieu. Les théologiens reconnaissent deux m o -des d ' insp i ra t ion de ce genre : ouahi \hdhir, révélat ion externe et ouahi bàtin, révéla t ion in terne . Dans le p remier cas, c 'est Djebra'il (Gabriel) qui sert d ' in te r -m é d i a i r e ; dans le second. Dieu c o m m u -nique d i rec tement sa vo lonté à l ' inspi ré . Ce genre de révélat ion est opposé à celui appelé ilhàm dans lequel l ' inspi ra t ion , mais non l 'express ion, vient de Dieu (cf. Noeldekc, Geschichte des Qorans, p. 1G .

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71. Leur fuite ressemblait à celle des guerriers d'Abrahah ou d'une armée devant les pierres qu'il (le Prophète) lança de ses deux mains,

D'après les récits arabes, Abrahah su r -n o m m é El A c h r a m (le balafré), s 'étant rendu indépendant dans le Yémen avec l 'a rmée é th iopienne qui l 'avait conquis , s 'occupa d'y rétablir le chr i s t ian isme persécuté par le dernier roi indigène , Dzou Noouàs . L'église qu ' i l avait bâtie à Sana'a ayant été souillée par deux Qoraïchi tes , Abrahah marcha avec une armée contre La Mekkc pour dé t ru i re la Ka'abah. Il était mon té sur un é léphant blanc n o m m é M a h m o u d , d 'où vint à ses soldats le nom de Compagnons de l'élé-phant. Cet an imal refusa , à p lus ieurs re-prises, de se dir iger vers la ville sainte que ses habi tants avaient tous abandonnée , à l 'exception de 'Abd el Mot ta leb, l 'aïeul de M o h a m m e d , qui fut bien trai té par le conquéran t abyssin. Mais, avant que les t roupes de celui-ci eussent pu péné-trer dans La Mekke, il s 'éleva, suivant la légende, un orage épouvantab le , et Dieu envoya des oiseaux n o m m é s abdbil, sem-blables à des hi rondel les , t enant chacun dans le bec et entre les pattes trois p ier -res de sidjil (mélange de gravier et d'argile) qu' i ls laissèrent t omber sur les É th iop iens . Ceux-ci en fu ren t t r anspe r -

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ces. A b r a h a h dut bat t re en retraite : il revint dans le Yémen les doigts mut i lés , les ar t icula t ions coupées et laissa le t rône à son fils Y a k s o u m . O n a cru voir dans ce récit l 'explicat ion popula i re d 'une épi-démie de petite vérole qui aurai t décimé l ' a rmée é th iop ienne . Cet événement ar-riva l ' année m ê m e de la naissance du P r o p h è t e qui en a conservé le souvenir dans la CV e Soura te du Q o r â n , in t i tu lée Y Éléphant : « i . As-tu vu c o m m e n t le Se jgneur a traité les C o m p a g n o n s de l ' É l é p h a n t ? — 2. N'a- t - i l pas dérouté leurs s t r a t a g è m e s ? — 3. N'a-t-il pas en-voyé cont re eux les oiseaux abâbi l — 4. qui leur lançaient des pierres por tan t des marques impr imées au c i e l ?— 5. Il les a r e n d u s semblables à de la balle don t le grain a été mangé (cf. les textes arabes, Mas 'oud i , T a b a r i , E n Noueï r i r assem-blés par Schu l t ens , Historia imperii vetustissimi Ioctanidarum ; Ibn H i c h à m , Sirat er Résout, t. I, p . 1 3 - 1 4 ; Ibn Khal-d o u n , Kitdb el Iber, t. I I , p. 60 et suiv.; T h . W r i g h t , Early Christianity in Ara-bia, ch . V I - V I I , P T 86-101 ; Causs in de Perceval , Essai sur Vhistoire des Arabes avant l'islamisme, t. I ; Noeldeke, Ge-schichte der Perser, p. 178-180, et les disser ta t ions de Georg , De Aethiopum

'imperio in Arabia felici et d ' E r d m a n n , Mohammed's Geburt, etc.).

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La seconde partie du vers rappelle un épisode de l 'h is toire du P rophè te . A la bataille de Bedr , il ramassa une poignée de sable et de cailloux qu' i l lança cont re les Qora'ichites païens : ceux-ci fu ren t mis en déroute . Le verset 11 de la t ro is ième Sourate fait al lusion à cet événement . « Dans ces deux t roupes qui en v inrent aux mains, l 'une combat tan t dans la voie de Dieu, l 'autre infidèle, il y avait un signe pour vous. Les infidèles semblaient voir de leurs yeux deux fois au tan t d 'en-nemis , mais c'est Dieu qui appuyai t de son secours celui qu'i l voulait » (cf. aussi Soura te V I I I , v. 9 ; Ibn Hichàrn , Sirat er Iiesoul, t. I, p. 332 ; Bokhâr i , Sahih t. I I I , p. 2-10. Abou ' l féda , Vie de Mohammed, p. 49). Le m ê m e fait se re-nouvela au combat de H o n a ï n .

72. D'un mouvement—après qu'elles eurent loué Dieu dans leur prison — pareil à celui de Jonas s'élançant des entrailles qui l'avaient englouti. '

Le poète compare ici au p rophè te Jonas louant Dieu dans le ventre du poisson avant d 'en sort ir , les cail loux enfe rmés dans les deux mains du P r o p h è t e c o m m e dans une pr i son , avant d 'être jetés con t re les païens. Il y a aussi un jeu de mo t s entre tesbili « louange » et le s u r n o m par lequel les Musu lmans dés ignent le p ro -

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phète J o n a s : Younes el Mosabbih (le nageur) . La légende de ce personnage a été e m p r u n t é e sans al térat ion par le Q o r â n à la Bible, cf. Soura te X X X V I I , v. i 39-144: « E t J o n a s fut aussi un de nos envoyés . — Il se retira sur un vaisseau chargé . — On jeta le sort , et il fut con-d a m n é . — Le poisson l 'avala ; or il avait encou ru notre b lâme. — E t s'il n 'avait po in t célébré nos louanges , — il serait resté dans le ventre du poisson jusqu 'au jour où les h o m m e s seraient ressuscités. »

Q u a n t au fait b izarre de cai l loux p ro -c lamant la l ouange de Dieu , non seule-men t dans les ma ins du P rophè te , mais aussi dans celles d 'Abou Bekr , de O m a r et de ' O t h m â n , il est sé r ieusement affirmé par les c o m m e n t a t e u r s c o m m e Ibn M a r -zouq , Ibn A c h o u r , etc. d 'après l ' autor i té , incontes tée , s inon incontes table , de té-mo ins au r i cu la i r e s , tels q u ' A n a s , par exemple , qui aurai t en tendu de ses p ro -pres oreil les cette pr ière mi racu leuse .

y3. A son appel, les arbres vinrent se prosterner en s'avançant vers lui sur un tronc dépourvu de pieds.

Le Sirat er Resoul (t. I, p. 113) rap-por te qu 'un jour le P r o p h è t e s 'étant éloi-gné de La Mekke avant sa miss ion , il en tendi t les a rbres le saluer en disant : Salut , P rophè t e de Dieu. Ibn A c h o u r

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et El Badjour i racontent d i f fé remment l 'aventure. U n Arabe demanda un jour à M o h a m m e d une preuve de sa miss ion : sur un ordre divin, le P rophè t e dit à un arbre : L 'envoyé de Dieu t 'appel le . Aussi-tôt il s 'ébranla à droite et à gauche , en avant et en arr ière, jusqu 'à ce qu ' i l arra-cha de terre ses racines. Il ar r iva jusqu 'à M o h a m m e d et lui dit : Salut , envoyé de Dieu. L 'Arabe repri t : O r d o n n e - l u i de revenir à sa place ; — ce qui fu t fait à l ' ins tant .

Ce récit est imité d 'une légende chré-t ienne rapportée par Sozomène (Histoire ecclésiastique, liv. V, ch . xxi), d ' après laquelle Joseph , fuyan t en Egypte , avec Marie et Jésus , la persécut ion d ' H é r o d e , rencont ra , près d 'ent rer à He rmopo l i s , un perséa qui se p ros te rna jusqu 'à terre devant le Chr is t et l ' adora . ÛÉvangile de l'Enfance cont ient aussi cette t radi t ion , mais avec des var iantes qui la rappro-chent d ' un aut re trai t relatif à M o h a m -med, dont il sera quest ion plus loin. L 'Histoire de la Nativité de Marie rem-place le perséa par un pa lmier . A la voix de Jésus fuyant en Égyptc , il aurai t in-cliné vers Marie ses rameaux chargés de frui ts . E n récompense , une des branches de l 'arbre obéissant fut t ranspor tée et plantée dans le Paradis (Thi lo, Codex apocryplius, p. 3g5-3q-/~, Migne, Diction-

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naire des apocryphes, t . I, col. 1076 : Brunet ,LesEvangiles apocryphes, n. 204-205).

Le vers r en fe rme un jeu de mots sur le doub le sens de sàq qui signifie t ronc d ' a rb re et jambe. Un vers cité dans les Mille et Une Nuits (éd. de Beyrout , t. I, p . 410) présente un jeu de mots sem-blable.

A u t o u r des tiges (m. à m. des jambes) des r ameaux , l 'eau ressemblai t à des an-neaux de chevilles et les fleurs parais-saient des couronnes .

74. Ils semblaient tracer, comme avec une plume, des lignes pour les lettres merveilleuses qu'écrivaient leurs rameaux sur le milieu de la route.

Que lques commen ta t eu r s ont pris ce vers à la lettre et p ré tendent que les mots tracés par les b ranches étaient la profes-sion de foi m u s u l m a n e : Il n 'y a de Dieu que Dieu et M o h a m m e d est l ' envoyé de Dieu . D ' a u t r e s , parmi lesquels Ibn A c h o u r , y voient s implement une image

c o m m e dans ce vers de la Moallaqah de Lebid (v. 8).

Les tor rents ont mis à découvert les débr is des habi ta t ions , pareils à des lignes d 'écr i ture que la p l u m e vient de retou-cher .

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7 5. Miracle pareil à celui du nuage qui, partout où il (le Prophète) allait, le proté-geait contre le soleil brûlant de midi.

La première trace d ' une t radi t ion ana -logue se rencont re dans la Bible [Exode, X I I I , 2). Dieu, pour cacher son peuple et le guider, à sa sortie d 'Égypte , envoie le jour une colonne de nuée, et la nui t , une colonne de feu. Les t radi t ions arabes rap-portent que lorsque Sa lomon ht le pèle-r inage de La Mekke, il fu t t ranspor té , lui et tout son peuple , sur un tapis magique tissé par les d j inns , pendan t que les oi-seaux, volant par dessus, garant issaient les pèlerins de l ' a rdeur du soleil (Cf. Weil , Biblische Legenden, p. 243-246). Suivant l 'h is tor ien grec Evag re ( l . I I , 1), un prodige semblable a n n o n ç a à Gensé-ric l 'élévation au t rône d 'Or i en t de Mar -cien, fait p r i sonnier après l 'expédit ion malheureuse d 'Aspar contre les Vandales (431 ). U n aigle vint abri ter de ses ailes le fu tu r empereur endormi au soleil . Le même miracle eut lieu p o u r un des plus célèbres généraux ouahabi tes , 'Abd Allah, devenu plus tard souverain du Djebel C h ô m e r , après avoir été a t taqué dans le Ouadi S inhàn par des Bédouins Anazah qui l avaient laissé pour mor t sur le champ de bataille (cf. Palgrave, Une année de voyage dans l Arabie centrale, Par i s , 1866, 2 v. in-8°, p. 112-113).

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U n e t radi t ion semblable existait au Pé-rou : dès que le premier Inca, Manco-Capac , eut at teint l 'âge de six ou sept ans et commença de pa rcour i r les champs , un aigle royal s ' approcha de lui et ne le qui t ta plus : il p lanai t au-dessus de sa tète c o m m e p o u r le garant i r du soleil (Oliva, Histoire du Pérou, ch. îv, p. 34-35).

Suivant le Sirat er Resoul (t. I, p. 11 5) et Mas 'oudi (Prairies d'or, t. I, p. 146-147), A b o u T â l e b , l 'oncle du P rophè te , l 'ayant amené avec lui , à l 'âge de douze ans, dans un de ses voyages en Syrie , a r -riva près de la cellule d 'un moine appelé Bah i rah ou Boha ï r ah (assimilé au Sergios des Grecs) . Celui-ci étant sorti pour faire préparer un repas à la caravane, s 'aperçut q u ' u n nuage abri tai t M o h a m m e d au mi-lieu des siens et que les r ameaux de l 'ar-bre sous lequel il s'était arrêté , s ' incl i-na ient devant lui pour mieux le protéger : il examina l ' enfant avec a t ten t ion et re-c o n n u t en lui les signes de sa miss ion. Il l ' in ter rogea et, les réponses qu' i l reçut conf i rman t ses prévisions, il r e c o m m a n d a à Abou Tâ leb de veiller sur son neveu et de se méfier des tentatives des Ju i fs con-tre lui.

Ibn H i c h à m (t, I, p. 119-120) rappor te aussi ce miracle d ' une manière un peu différente pour la fo rme, mais constante

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quant au fond. M o h a m m e d , âgé de vingt-cinq ans et au service de Khad id jah , faisait un voyage en Syrie, en compagnie d 'un autre serviteur n o m m é Maïsarah . Il s'assit sous un arbre, ce qui donna l 'occasion à un prêtre d ' annoncer qu' i l deviendrai t Prophète . Lors de leur re tour , Maïsarah aperçut deux anges qui abri ta ient de leurs ailes M o h a m m e d monté sur son chameau . Ces deux circonstances rappor tées à Kha-didjah la dé te rminèren t à le p r end re pour mar i . Aboul ' féda (Vie de Mohammed, p. 11) cite aussi ce miracle (Cf. égale-ment E r d m a n et W u s t e n f e l d , Zeitschrift der deutschen morgenlœndischen Gesell-schaft, t. V I I I , p. 557; t. IX, p . 744).

De même, dans la légende du B o u d d h a , celui-ci, médi tan t à l ' ombre d 'un d j a m b o u (pommier rose), con t inue d 'être abri té par cet arbre , bien que, le soleil ayant avancé dans le ciel, l ' ombre de tous les autres se soit déplacée [Rgya teli'er roi pa, ch. xi, p. 128-120; Lalita Vistara, ch. xi, p. 121-123).

76. J'en jure par la lune fendue, elle ressemble à son cœur sous ce rapport, et un tel serment est véritable.

Le poète fait al lusion à deux événe-ments de la vie du Prophè te . Les Qora i -chites demanda ien t à M o h a m m e d une preuve de sa mission : la lune se fendit en

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leur présence, mais ils restèrent insen-sibles à ce prodige au sujet duque l dieu envoya la révélat ion suivante (Sourate L I V , v. i-3) :« L 'heu re approcha et la lune se fendi t . — Mais les infidèles, voyant ce miracle , se dé tournen t en disant : c'est une magie perpétuel le . E t ils ont traité cet aver t i ssement de mensonge . » Il s 'agit , c o m m e on le voit dans le Qorân , des signes de l ' approche du jugement d e r n i e r ; les commen ta t eu r s , p renan t le p remier verset au pied de la lettre, ont in-venté l 'h is toire de la lune fendue , racon-tée avec de g rands détails (il s 'agit du roi Hab ib , au lieu des Qoraïchites) dans une légende arabe d 'Espagne : Leyenda del milagro de la Lima (Ilobles, Leyendas moriscas, I I , 257-265). C'est cette lune fendue qui est devenue plus tard le crois-sant , symbole de l ' i s lam.

De m ê m e que la lune , la poi t r ine de M o h a m m e d fut fendue pendan t son en -fance, mais par des anges. Voici, d 'après Ibn 'Asakir , Abou No 'a ïm et Abou Ya'la, cités par Ibn Achour (p. 100), le récit qu' i l en fait l u i -même : « J 'é tais chez les Benou Sa'ad ben Bekr . U n jour que je me t rouvais avec des c o m p a g n o n s dans l ' intér ieur d ' u n oued , je rencont ra i trois é t rangers por tant u n e écuelle d 'o r pleine de neige. Ils m ' e m m e n è r e n t à l 'écart des enfants qui se sauvèrent en toute hâte

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vers le campement ; puis l 'un d 'eux me renversa, me coucha doucement à terre et me fendit la poi t r ine jusqu 'au bas du ventre, tandis que je le regardais fa i re sans souffr i r : il enleva mes entrai l les, les lava avec soin dans la neige et les remi t à leur place. Le second é t ranger se leva et dit à son compagnon : Écarte-toi , puis il plongea sa main dans ma poi t r ine , en retira m o n cœur , t ou jou r s sous mes yeux, l 'ouvri t , en tira un morceau noi r qu' i l je ta ; puis, avec ses mains , il fit des signes à droite et à gauche comme pour p r end re quelque chose et aussitôt un sceau lumi-neux apparut . Il me scella m o n cœur qui fu t rempli des lumières de.la prophét ie , le remit à sa place; depuis , j'ai t ou jou r s senti le froid de ce sceau. Le t rois ième dit alors : Retire-toi , et passant sa main sur ma poi-tr ine ouverte , il la ferma complè tement . » Le Sirat er Resoul (t. I, p. io5) e t A b o u ' l -féda racontent la même légende avec quelques variantes. U n aut re récit, fondé sur l 'autori té d 'Abou H o r a ï r a h , parle seulement de deux anges dont l ' un aurait enlevé du c œ u r de M o h a m m e d cette par-tie noire qui est comme la tache or ig i -nelle de tous les h o m m e s . Les t r ad i t ion-nistes ne sont pas d 'accord sur l 'époque de ce miracle . Mas 'oudi (Prairies d'or, t . IV, p. i3o) le place dans la qua t r i ème année de M o h a m m e d . Même, d 'après les

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deux vers suivants cités par E l Bàd jour i , cette opéra t ion , v ra iment mervei l leuse, aurai t eu lieu quatre fois :

La poi t r ine de l 'Élu fu t fendue, a lors qu'i l était chez les Benou Sa'd,

De même, lorsqu ' i l eut dix ans, puis la nui t du mïràdj (l 'ascension) et lors de sa miss ion .

Peu t -ê t r e n 'est-ce çjue l 'applicat ion d ' une in terpré ta t ion li t térale d 'un pas-sage des P s a u m e s (vulg. L, 4) : « Ampl iu s lava me ab iniqui ta te mea et a peccato meo m u n d a me. » S. T i m o t h é e l ' anachorè te , dont l 'église é th iopienne célèbre la com-mémora t ion le 23 de tahsâs , aurai t été l 'objet d ' un miracle semblable . P e n d a n t sa péni tence, un ange vint le voir lo r s -qu ' i l était malade : il lui passa la main sur le ventre, lui ouvr i t le côté, puis , après l 'avoir remis à sa place, il fe rma le corps et dit à T i m o t h é e : T e voilà guér i , garde-toi de pécher de nouveau . Cf. W u s t e n -feld, Synaxarium, p. 194 ; Zotenberg , Catalogue des manuscrits éthiopiens, p._ 169. Tou te fo i s les t rad i t ions p o p u -laires r en fe rmen t de n o m b r e u x exemples de contes de ce genre, et m ê m e dès l ' an-t iquité, elle a t t r ibuai t des exploits ana lo-gues aux sorcières de Thessa l ie : ainsi dans Apulée (L'âne d'or, liv. I, t. f , p . 14) l ' aventure de Socrate et d 'Ar i s tomène .

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77. (J'en jure) par ce que la grotte ren-fermait d'excellent et de noble, alors que les veux de tous les infidèles étaient aveu-gles,

78. Alors que la Vérité et le Véridique étaient ensemble dans l'antre; et cepen-dant les infidèles disaient : Il n'y a per-sonne dans la caverne.

La Vérité est M o h a m m e d ; le Vér idique IES Siddiq) est Abou Bekr qui l 'accom-pagnait et devint p lus tard son beau-père . Il reçut ce s u r n o m pour avoir aff irmé aux M u s u l m a n s hési tants la réalité de l 'ascension du P rophè t e (Mi'rddj) qui vi-sita les sept cieux en si peu de temps que l 'eau d 'un vase qui boui l lonnai t , lors de-son départ sur Boraq, n'était pas encore r épandue à son re tour . Le n o m d ' E s Sid-diq fut aussi por té par Yousof et A y o u b (Joseph et Job).

79. Et qu'ils ne crurent pas que le pi-geon volait autour de la meilleure des créatures : ils ne crurent pas que l'arai-gnée avait tissé sa toile pour la protéger.

Le fait don t parle le poète arr iva , d i t -on, lors de l 'hégire (la fuite) du P rophè te . Resté sans appui à La Mekke après la mor t de son oncle Abou Tà leb , M o h a m m e d , dont que lques part isans s 'étaient déjà réfugiés, qui en Abyssinie , qui à Médine ,

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résolut de gagner à son tour cette der-nière ville où un parti considérable s 'était déclaré en sa faveur . P o u r échapper aux Qora ich i tes qui pouvaient vouloir le gar-der c o m m e otage, il d i ss imula son projet , et, u n e nui t , il s ' enfui t fu r t ivement avec Abou Bekr , laissant A l i couché à sa place dans son lit, pour t r o m p e r les espions. T o u s deux suivirent d ' abord la rou te du Sud , et, à une l ieue de La Mekke, se ca-chèren t dans une grot te creusée dans la m o n t a g n e d ' E t h T h a o u r . Ils y res tèrent t ro is jours , nou r r i s par u n berger du n o m de 'Amir ben F o h a ï r a b , af f ranchi d 'Abou Bekr . L e u r s ennemis ayant perdu leurs traces, les fugit ifs par t i rent sur deux c h a m e a u x et ar r ivèrent en sûreté à Mé-dine (Sirat er Rèsoul, I, 328-329) . Te l est le fait réel auquel les t radi t ionnis tes a jou tè ren t des détails fabuleux, sans doute sous l ' inf luence d 'un récit ana logue , indi-q u é s o m m a i r e m e n t dans Y Evangile de l Enfance (ch. xxiv), mais développé dans des t rad i t ions popula i res c o m m e celles qu 'a r ecue i l l i e sThéveno t [Voyage au Le-vant, t . I, liv. I I , ch . vm).

« D a n s un grand jardin près du Cai re , il y a un gros sycomore fort vieux, qui po r t e toutefois des f ru i t s tous les ans : on dit que la Vierge, passant par là avec son fils Jésus et voyant que des gens l a p o u r -suivoient , ce hguier s 'ent r 'ouvr i t , et la

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Vierge étant entrée dedans , il se r e fe rma : puis ces gens étant passés, il se rouvr i t et resta ainsi t ou jou r s vert jusqu 'à l 'année i65b que le morceau qui s'étoit séparé du t ronc fut r o m p u . »

U n miracle semblable est raconté par l ' hégoumène russe Daniel qui , visita la Pa les t inecn 1106-1 107. Sainte El i sabeth , fuyan t avec son fils S . Jean-Bapt i s te la persécut ion d 'Hé rode , se déroba aux sol-dats qui les poursu iva ient , en en t ran t dans une montagne qui s 'ouvri t p o u r leur d o n -ner asile ! Itinéraires russes en Orient, t . I, p. 5 i ) . E n 1400, le pèler in russe Gre thénios vit aussi la montage où eut lieu le miracle .

Des détails, c o m m e celui de l 'araignée, se t rouvent dans une légende juive rap-portée par I shaq Khalo , d 'Aragon , qui vi-vait à la fin du xiue siècle, dans l 'ouvrage inti tulé Les chemins de Jérusalem : « Rabbi N a k h o u m , cra ignant la persécut ion des R o m a i n s , se serait enfu i de Guinzo où il habitait . Il aperçut tout à coup p lus ieurs soldats qui avaient o rdre de se saisir de lui . Il se cacha p r o m p t e m e n t dans u n e caverne qui se t rouvai t là. Aussi tôt , Dieu o rdonna q u ' u n e araignée vînt faire sa toile qui cacha l 'entrée de la caverne. Les soldats étant venus auprès virent cette toile d 'araignée et s 'é loignèrent en se di -sant : Il ne peut pas être entré ici, car

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cette toile serait r o m p u e : che rchons - l e ai l leurs. E t ils s 'en al lèrent » (Carmoly , Itinéraires de la Terre-Sainte, p. 246). La m ê m e légende est appl iquée à David par des écrivains r abb in iques an té r i eu-r emen t au xiie siècle, et fait part ie d 'un apologue dest iné à p rouver l 'ut i l i té de la guêpe , de l 'ara ignée et du fou . David, poursu iv i par Satil, se cache dans u n e caverne à l 'entrée de laquel le une ara ignée file sa toile, et il échappe c o m m e N a -k h o u m et M o h a m m e d .

La légende m u s u l m a n e ne le cède en r ien aux précédentes p o u r le mervei l leux. D 'après E l Bàd jou r i , le P rophè t e plaça sa tête sur le g i ron d 'Abou Bekr : auprès se t rouvai t un t rou rempl i de vipères et de serpents . Cra ignan t pour M o h a m m e d , son disciple plaça son pied sur l 'ouver-ture : m o r d u par ces repti les, il ne fit pas un m o u v e m e n t , mais la dou leur lui a r ra -cha des larmes qui t ombèren t sur le vi-sage de son c o m p a g n o n . Celui -c i s 'éveilla et lui d e m a n d a : Abou Bekr , p o u r q u o i p l e u r e s - t u ? — C'est que je suis m o r d u par des serpents . — M o h a m m e d cracha aussi tôt su r lui et la dou leu r s 'évanoui t . Mais le poison resté dans le corps du pre-mier Khal i fe devait hâter sa mor t . Des c o m m e n t a t e u r s r acon ten t aussi q u ' u n in -dividu expert dans l 'art du Qidfah (art de reconnaî t re les traces) découvr i t la piste

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du fugit if . « Avec lui était une t roupe de Qoraîchi tes qui n 'avaient pu d is t inguer ce que lui avait dû voir sur la roche et r emarque r sur la pierre dure et un ie , quo ique leurs yeux fussent bons, qu ' i l s eussent été préservés de toute inf luence mal igne et qu ' aucun obstacle ne dû t s 'op-poser à leur clairvoyance » (* 'as 'oudi , Prairiesd'or, t. I I I , p . 343-344). Mais, ar -rivés à l 'entrée, ils t rouvèren t qu'el le était masquée par une toile d 'ara ignée et un nid de co lombes rempl i d 'œufs . Jugean t , à cette vue, que personne n 'avait pu y pénétrer , les Qora ïchi tes se re t i rèrent et abandonnè ren t leur poursu i te .

On t rouve dans l ' hag iographie m u s u l -mane diverses appl ica t ions de ce mirac le . Ainsi , à p ropos de C h à h - Z e n d e h , don t on mont re le tombeau entre Merakend e t S a m a r q a n d , dans le T u r k i s t â n . Ce per-sonnage, descendant de A b b â s , aurai t eu au VIIIC siècle la tête coupée , mais il l 'aurait saisie au vol et se serait caché avec elle dans un pui ts : une araignée en recouvri t l 'ouver ture avec sa toile et les infidèles fu ren t dé tou rnés d'y regarder (Khorochkine , Itinéraire de l'Asie cen-trale, ch. V I I I , p. 209, dans le Recueil d'Itinéraires).

U n au teur chrét ien du moyen âge, H a y t o n d ' A r m é n i e , fait de Djenguiz Khan le héros d ' une aventure semblable . Serré

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de près par ses ennemis , « il se mist en un bu issonne t qui estoit là près. Les en -nemis qui o ren t eu la victoire, commen-cèrent à cerchier fui tes . Si c o m m e ilz vou lo ien t cerchier y cellui buisson ou Cangu i s Kaan estoit atapis, si vint un oisel qui a n o m duc qui s'assist su r cellui buisson. E t quand eulx qui quero ien t Canguis Kaan l ' empereur virent cellui oiseau seoir sur cellui bu isson , ouque l estoit muss iez Cangu i s Kaan , ils pensè-ren t que nul h o m m e n'estoit là, et s 'en par t i ren t , d isans s ' aucuns fus t cy, cestui oisil ne se feust po in t assis cy. Cu idans que nulz ne fus t en cellui bu isson , si s 'en par t i rent sans le a u c u n e m e n t cerchier en cellui bu issonne t (Relation, ap. L. de Bac-ker, L'extrême Orient an moyen âge, p. 166).

80. La protection de Dieu lui tint lieu d'une double cotte de mailles ou d'une

forteresse élevée.

81. Jamais je n'ai eu à souffrir du des-tin et jamais je n'ai eu à chercher un refuge près du Prophète, sans trouver toujours che\ lui une protection invin-cible,

82 .Et jamais je ne lui ai demandé les biens des deux mondes sans obtenir une

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marque de générosité de la meilleure main qui ait été baisée.

83. Ne nie pas la révélation qu'il reçut en songe : son cœur était éveillé quand ses yeux dormaient.

Le P rophè te disait, d 'après une t rad i -tion : « Mes yeux dormaien t , mais m o n cœur ne dormai t pas. »

Le Maouàhib el Ladounya classe a insi les modes de révélat ion divine au P r o -phète : i° par les s o n g e s ; 2° par u n e inspira t ion de Gabriel dans le c œ u r de M o h a m m e d ; 3° par Gabriel , sous l 'appa-rence de Dihyah ben Khal i fah el Kelbi ; 4° par le son (l 'une cloche ; 5° par Gabrie l sous sa vraie f o r m e (ce qui n 'ar r iva que-deux fois) ; 6° par une révélat ion dans le ciel ; 70 par Dieu l u i - m ê m e mais derr ière voile ; 8° par Dieu immédia tement , (cf. Nœldeke , Geschiclite des Qorans, p. 1 5-17). De Sacy (p. 138) croit qu' i l s 'agit dans ce vers du mi ' r âd j : mais il en sera quest ion plus lo in .

Ce vers et les cinq suivants sont placés après le v. 72 dans l 'édi t ion de Faizul lah-bhai.

84. Cela arriva lorsqu'il eut atteint l'âge de la prophétie, et l'on ne peut lui refuser aucun des avantages de l'dge parfait.

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D'après les commenta teu r s , l 'âge de la prophét ie est fixé à quaran te ans.

85. Dieu soit béni! aucune révélation ne peut s'acquérir (par des moyens humains) et aucun Prophète ne peut être taxé d'imposture.

Ce vers m a n q u e dans la t raduct ion de S . de Sacy.

86. Que de malades n'a-t-il pas guéris par l'attouchement de sa main et que de malheureux il a tirés des liens de la démence.

A l ' imi ta t ion de J é s u s - C h r i s t qui , suivant les évangiles canon iques guéri t par son contact un lépreux (Matthieu, V I I I , 2-4; Marc , I , 40-42; Luc , V, 12-14), la belle-mère de l 'apôtre P ie r re (Mat-th ieu , V I I I , 14-15 ; Marc, I, 3o-3i ; Luc , IV, 38-39), des muets , des boiteux, des aveugles et des malades (Matthieu, XV, 3o ; Luc , IV, 41), un sourd et muet (Marc, V I I , 32-33), la f e m m e hémor rho ïdes se (Luc, V I I I , 45); une hyd rop ique (Luc, XIV, 4), et ressuscita la fille de Jaïre (Luc, V I I I , 54) etc. , M o h a m m e d accompl i t des miracles de ce genre : au combat d ' O h o d , il remit en place l 'œil de Qa tàdah , ' qu i avait été a r raché de son orbi te , et ce fu t depuis le mei l leur et le plus beau de ses yeux (El Bâd jour i , p. 5 4 : E l Azhar i ,

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p. 54: Ibn 'Achour , p. 108); M o h a m m e d ben H a b i b s 'étant brûlé la main alla t rouver le P rophè te qui la f rot ta et aus-sitôt elle fu t guérie (El Bàdjour i , ibid). Un h o m m e étant tombé d ' u n toit s'était brisé le pied : M o h a m m e d n 'eu t qu 'à toucher le m e m b r e f rac turé qui fu t guér i sur le c h a m p (El Azhar i , ibid). U n e aut re fois, une f emme lui amena un enfant malade : il lui passa la main sur la tète, et aussi tôt , il fut rétabli (El Azhar i , ibid.). A la journée de Bedr , Mo 'aou id ' ben Afra , ayant eu la main coupée par Abou Djahl le chef des Qora'ichites, la présenta au P rophè te qui cracha sur elle et la recolla (Ibn A c h o u r , p . 108). 11 guéri t de la même façon en soufflant des-sus, l 'épaule de Khab ib ben Yasar qui avait été f endue en cette rencont re (El Bàd jour i , p. 54 ; Ibn A c h o u r , p. 1 o8i.

Pare i l l ement , Apol lon ios de T y a n e ressuscita à R o m e une jeune fille mor te (Philostrate , Vie d'Apollonios de Tyane, 1. IV, ch. 4 5) . !

D 'après les Soubbas ou Mandaï tes du Bas E u p h r a t e , Yahio (S. Jean-Baptiste) rendi t la vue aux aveugles, fit marche r les para ly t iques et guéri t d ' au t res mala -des en jetant sur eux que lques gout tes d 'eau (Sioufh, Etudes sur la religion des Soubbas ou Sabe'ens, ch. I, p. 8-9).

Q u a n t au miracle rappor té dans le LA BORDAH

5

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second hémist iche, il a son point de départ dans cette croyance que certaines maladies proviennent d 'une possession du démon . Au rappor t d ' I bn 'Abbâs, une femme amena un jour son fils démonia -que au P rophè te : celui-ci lui frot ta la po i t r ine ; il en sortit c o m m e un serpent noir et l ' enfant guér i t . Cette t radi t ion est vis iblement imitée de l 'un des pas-sages où Jésus-Chris t accompli t des mira-cles semblables : « Vespere autem facto, ob tu le run t ei mul tos daemonia habentes , et ejiciebat spir i tus verbo, et omnes maie habentes curavit,» (Matthieu, V I I I , 16); cf. les d é m o n s chassés du corps de deux h o m m e s dans un t roupeau de porcs (Matthieu V I I I , 28-33; Luc , V I I I , 27-34 où il n'est quest ion que d 'un seul pos-sédé); un muet possédé recouvrant la pa-role (Matthieu, IX, 13), un autre et de plus aveugle, également guéri (Matthieu, X I I , 22) ; un enfant délivré, alors que les disci-ples de Jésus-Chr is t avaient échoué (Mat-thieu, XVI I , 14-19; Luc , IX, 38-44); l e

démon iaque guéri dans la Synagogue de C a p h a r n a u m (Luc, IV, 33-35); p lus ieurs f emmes , entre autres Marie-Magdele ine

' qui fut débarrassée de sept d é m o n s (Luc, V I I I , 2). L 'évangile apocryphe de l 'enfance cite des miracles pareils : un enfant est guéri en plaçant sur sa tête un des linges de Jésus et les démons sortent

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de sa bouche sous la fo rme de corbeaux et de serpents ; une f emme d é m o n i a q u e est également délivrée ; l 'esprit mal in qui, sous la fo rme d 'un serpent , s 'était emparé d ' une autre f e m m e est chassé par l 'at tou-chement de Jésus e n f a n t ; l 'eau dans laquelle il a été lavé guéri t une jeune tille démon iaque ; J u d a s Iscariote est débarrassé par le contact de Jésus , de Satan qui sort de lui sous la f o r m e d ' u n chien noi r (Sike, Evangelium infantiœ, p. 22-26, 32-34, 38-40, 96-110, T h i l o , Codex apocryplius, ch . x-xi , p. 74-76; ch. xiv. p. 78 ; ch. xvi, p. 80 ; ch. x x x m -xxxiv, p. 104-108; ch . xxxv, p. 108; Migne. Dictionnaire des Apocryphes, t. I, col. 087, 989-991, 999-1001 ; B r u -net, les Evangiles 'apocryphes, p. 66-67, 69-71, 83-86).

87. Sa prière a rendu la fertilité à l'année stérile, au point que, dans les temps sombres, elle brillait comme l'étoile au front d'un cheval.

D'après El Bokhàr i et d ' au t res t radi t ion-nistes, une année stérile désolait l 'Arabie du vivant de M o h a m m e d . Un vendred i , comme celui-ci p rononça i t en chaire la Kho tbah , un Arabe se leva et lui dit : « P rophè te de Dieu, nos t r oupeaux ont péri et nos familles sont affamées, I m -plore Dieu pour nous et demande- lu i de

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l 'eau ». M o h a m m e d leva les bras au ciel : Les nuages fond i ren t et il n était pas des-cendu de chaire que l 'eau dégouttai t le long de sa ba rbe . La pluie tomba ce jour-là, le l endemain , le sur lendemain jus-qu ' au vendred i su ivant . Alors ce m ê m e Arabe , ou un aut re , dit au P rophè t e : « Les cons t ruc t ions s 'écroulent et nos t roupeaux sont noyés ». M o h a m m e d leva encore les bras au ciel en disant : « Sei-gneur , réunis les eaux vers nous , mais non cont re nous . » Il n 'avait pas baissé les ma ins que le beau temps reparaissai t (Ib n A c h o u r , p . i op).

E l Bousi r i a d 'a i l leurs traité ce sujet avec p lus de déve loppement dans son au t re poème int i tulé la Ham\iah.

« Il pria p o u r les créa tures lorsqu 'e l les fu ren t surpr ises par une année stérile.

« Alors , pendan t sept jours, des nuages épais leur versèrent de la pluie.

« Les gens v inrent se p la indre à lui de leurs maux et d ' une abondance d 'eau qui leur faisait souff r i r la cherté des v ivres . »

88. Parmi nuage charge de pluie, on eut cru qu'elle avait fait des torrents une mer, ou Vinondation de Arim.

La r u p t u r e de la d igue de Mareb qui retenai t les eaux du r o y a u m e de Saba et les employai t à ferti l iser le pays, est

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connue sous le n o m de Se'il el Arim par les Arabes qui racontent à son sujet des légendes don t voici le résumé. La d igue avait cessé d 'être en t re tenue et se dégra-dait peu à peu, sous le règne de A m r ben A m i r . U n e devineresse, Zhar i la t el Kheir , eut diverses visions qui a n n o n -cèrent le désastre : su r son consei l , le roi alla examiner la digue el vit u n rat, g ros c o m m e un sanglier , en a r racher des blocs énormes . Sûr du ma lheur , Ami r le dissi-mula jusqu 'à ce qu ' i l eût vendu ses biens grâce à u n subte r fuge , puis se mit en rou te vers le N o r d , exemple suivi par un g rand n o m b r e de t r ibus yéméni tes . Le Qoràn rappor te cet événement dans la XXXIV e Soura te (Sourate de Saba, v. 14 et suiv.j : Les gens de Saba avaient un signe dans leur rés idence ; deux jardins à droi te et à gauche . Mangez (leur d îmes -nous) de la n o u r r i t u r e que vous donne votre Seigneur , et remerc iez- le . Vous avez un pays excellent et un maître misé-r icordieux. i5 . Mais ils se d é t o u r n è r e n t (de la voie droi te) : N o u s envoyâmes con-tre eux l ' i nonda t ion des digues et nous changeâmes leurs deux jardins en deux autres où il n 'y avait que des f ru i t s sau -vages, ceux de l 'arak et du t amar in et quelques misérables f ru i t s du lo tus sau-vage. Cf. les textes rassemblés par Rei -ske, De Arabum epochd ; Primœ linaœ

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p. 166-173; Schul tens , Imperium Iocta-nidarum ; De Sacy, Mémoires sur les antiquités de la Perse et l'histoire des Arabes, p . 628-647, R u h l e von Lilien-s tern , Zur Geschichte der Araber, p. 197-217, Desvergers , Arabie, p. 60-64 ; Caus -sin de Perceval , Essai sur l'histoire des Arabes, t. I, p. 84-86.

* 89. Lorsque le lit du torrent se plai-gnit de cet événement, il lui dit : Asseç, coule sur les collines et les hauteurs.

Ce vers, ainsi que les suivants , jus-qu ' au 98e, m a n q u e dans l 'édi t ion de Ral fs et la t raduc t ion de Sacy. E l Azhar i et El Bàd jour i ne les ont pas non p lus a d m i s dans leur texte, de m ê m e l 'édi teur de B o m b a y ( jusqu 'au 97=). Ils ont été a jou tés par un poète de Fas, s'il faut en cro i re Abou A l i E l Gharna t i , le com-men ta t eu r de la Maqsourah d ' I bn H a z m .

* 90. La terre, par la permission de son Créateur, prodigua aux hommes et aux bétes la nourriture qu'elle a en dépôt.

* 91. Elle se revêtit d'étoffes de bro-card et enroula des turbans [de verdure) autour des sommets des collines et des hauteurs.

* 92. Les palmiers élevés montrèrent

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leurs grappes pareilles au behdr et au anem sur les joues.

* 93. Le fléau de la famine s'éloigna des hommes, et l'âme du lâche et de l'avare

fut portée à la générosité.

" 94. Si tu veux encore des signes du Prophète, j'ai réuni ensemble les plus glo-rieux.

* 95. Dis à celui qui insiste pour que je devance mes prédécesseurs dans le pané-gyrique de Mohammed : ce sont là des présents auxquels je ne saurais atteindre.

* 96. Ne me demande pas : A quel prix as-tic obtenu cette prérogative? L'on ne demande pas : Combien ? quand il s'agit de la grâce de Dieu.

* 97. Si ce n'était le secours divin, l'en-treprise serait au-dessus du possible et l'homme éloquent ressemblerait au muet.

* 98. Laisse-moi poursuivre ma descrip-tion des miracles du Prophète qui bril-lèrent comme le feu de l'hospitalité, sui-tes montagnes.

Le mot aiàt signifie à la fois signes, miracles et versets du Q o r à n . Le poète joue sur ces diverses accept ions .

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C'était la c o u t u m e , chez les anciens Arabes, pour qui l 'hospi tal i té était une des pr incipales ve r tus , d ' a l lumer , sur les mon tagnes et su r les poin ts élevés, des feux qui servaient à guider vers leurs c ampemen t s les voyageurs égarés. Il est fait souvent al lusion à cette c o u t u m e dans les vers des poètes, cf . ma Poésie arabe anté islamique, p. 22-24.

99. La beauté des perles augmente quand elles sont enfilées en collier, mais isolées, elles ne perdent rien de leur prix.

100. Cependant, je n'espère pas arriver dans un panégyrique jusqu'à l'excellence des dispositions innées et des qualités morales du Prophète.

101. Ce sont les marques de la vérité, venant du Miséricordieux, créées, et pour-tant éternelles en tant que qualités de Celui dont l'éternité est l'attribut ;

Ces vers sont inspirés par divers pas-sages du Qoràn (Sourate XI I I , v. 1). « Voici les Signes du l ivre, et ce qui a été envoyé d'en haut est la vérité m ê m e : cependan t le plus g rand n o m b r e ne croi t pas. »

Le poète paraî t faire ici une dis t inct ion dans les versets du Q o r à n , créés en tant que versets ou soura tes dans leur fo rme

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extérieure, mais non pour leur sens qu i , étant une émana t ion de la Vérité absolue , lui est coéternel . Cette doct r ine qui sem-ble établir l 'existence d 'a t t r ibuts de Dieu en dehors de Dieu lu i -même a été c o m -bat tue éne rg iquement par les mo' tazél i tes don t la défaite a amené la décadence de l ' islam (cf. Dugat , Histoire des philoso-phes et des théologiens musulmans, p. 48-56,82-120). On pour ra i t r é sumer l 'opi-n ion d 'E l Bousi r i en disant qu 'au poin t de vue de l 'expression, les versets du Q o r â n sont con t ingen t s , et pour le fond , absolus .

102. Des signes non restreints dans les limites du temps et qui nous parlent de la résurrection, de 'Ad, et de Irem.

Jeu de mots entre Madd (résurrection) et 'Ad.

La résurrec t ion des mor t s est un dogme e m p r u n t é aux chré t iens par M o h a m m e d et il en est f r é q u e m m e n t ques t ion dans le Q o r â n . Ainsi , pa r exemple , Soura te I I I , v. 102 : « Au jour de la résur rec t ion , il y aura des visages blancs et des visages noirs . Dieu dira à ces de rn ie r s : N'est-ce pas vous qui , après avoir c ru , devîntes inf idèles? — io3 . Ceux dont les visages seront blancs éprouveron t la misér icorde de Dieu et en jou i ront é te rne l lement . » — Sour . XVII , 5 2. Ils disent : Est-ce que

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lorsque nous serons devenus os et cen-dres, nous serons relevés sous une f o r m e nouvel le? — 53 Dis l e u r : Ou i , quand m e m e vous seriez devenus p ier re ou fer, ou telle au t re chose de celles qui para is -sent impossibles à votre espri t . Ils répon-dron t : E t qu i nous fera revenir à la vie? Dis : Celui qui vous a créés la p remière fois. — Alors , ils secoueront la tête et te d e m a n d e r o n t : Q u a n d cela aura-t-il lieu ? Dis : Il se peut que cela ne soit pas pro-cha inemen t . — 54 Le jour où Dieu vous appel lera (de vos tombeaux) , vous lui r épondrez en le louan t : il vous semblera n 'y avoir d e m e u r é que très peu de temps .

La légende de A d , à laquel le se ratta-che celle du palais d ' I r em est une des plus célèbres en Arabie . El le a d 'a i l leurs t rouvé place dans le Q o r â n , adaptée par M o h a m -med à son système d 'ense ignement . ' Les écr ivains or ien taux compten t d 'o rd ina i re deux r o y a u m e s Adites, tous deux dét ru i t s par une ca tas t rophe . Su r les p r e m i e r s Adi tes , qui étaient établis dans le sud de 1 Arabie , régna C h e d d â d ben Ad qui se m o n t r a infidèle ainsi que son peuple. Voici c o m m e n t El Ibch ih i , dans le Mos-tatrcf, r é s u m e son histoire : « Dieu leur avait d o n n é une taille démesurée et une telle force, qu ' i l s disaient : Qu i est p lus tort que nous ? — Dieu très hau t a dit : N'ont-i ls pas vu que Dieu en créa de p lus

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forts qu 'eux? Il leur envoya H o u d le pro-phète qui leur prêcha le repent ir . C h e d -dâd lui dit : Si je crois en Dieu, que trou-verai-je près de lui? — L e prophète ré-pondit : Il te donnera dans l 'autre vie u n paradis construi t en or, en rubis , en per-les et en toute espèce de pierres précieu-ses. Gheddâd repri t : J 'en bâtirai un pa-reil, je n'ai pas besoin d ' invoquer le Dieu que tu prêches. Il o r d o n n a à mille chels d 'ent re les Djebbâr (Zes puissants), peuple de 'Ad, de partir à la recherche d 'une terre é tendue, abondan te en eau, d ' un air excellent, éloignée des montagnes pour y cons t ru i re une ville d 'or . Ces chefs par t i rent , chacun e m m e n a n t mille h o m -mes avec lui : ils pa rcouru ren t la terre jus-qu 'à ce qu' i ls arr ivèrent à la montagne^ de Aden où ils virent un pays é tendu el d 'un

climat excellent. Cette contrée leur p lu t ; ils o rdonnè ren t aux géomètres et aux ar-chitectes de tracer une ville carrée : chaque côté ayant dix parasanges. Ils creusèrent les fondemen t s jusqu 'à l 'eau et bâ t i rent les fondat ions en pierre d 'onyx du Yé-men, jusqu 'à ce qu' i ls arr ivèrent à la sur-face de la terre. Pu i s ils cons t ru is i rent au tour un mur haut de 5oo coudées : ils le revêtirent de plaques d 'argent doré , dont l 'œil ne pouvait suppor ter l'éclat au soleil levant. Cheddàd ht extraire de l 'or de toutes les mines du monde , le prit pour

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sa construction, ne laissa quoi que ce soit entre les mains de personne sans l 'enlever et s 'empara des trésors cachés : puis, il bâtit à l ' intérieur de la ville son palais suivant le nombre de chefs de son em-pire : chaque palais reposait sur des co-lonnes de toute sorte d 'émeraudes et de rubis unis par l 'or. La longueur de chaque colonne était de 100 coudées. Il fit couler dans cette ville des fleuves et des ruis-seaux pour arroser le palais et les habita-t ions. Le sol était de pierreries et d 'hya-cinthes. Il fit revêtir le palais de plaques d or et d 'argent et plaça sur les bords des rivières des arbres dont les troncs étaient d 'or , les feuilles et les fruits de toute sorte d 'émeraudes , de rubis et de perles. Les murailles furent , par son ordre, ointes de musc et d 'ambre et il établit pour lui un jardin magnif ique où il mit des arbres d 'émeraudes, de rubis et de métaux de tout genre : il y fit venir toutes les espè-ces d oiseaux harmonieux, aux accents mélodieux et d 'autres animaux. E n ma-tière de défense, il établit au tour de la ville cent mille tours qui devaient la nro-teger. Quand la construct ion fut te rmi-née, il fit enlever en Orient et en Occident les tentures et les draperies de toutes sortes de soieries pour orner son palais et ses galeries : il o rdonna de prendre tous les vases d 'or et d 'argent . Quand tout fut

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t e rminé , Cheddâd sortit du H a d h r a m a o u t avec tous les gens de son r o y a u m e et se dir igea vers la"ville d ' I r e m a u x colonnes . En l 'apercevant , il dit : Je suis arr ivé à ce que H o u d m 'annonça i t après la mor t et je le possède. Mais quand il voulut y en t re r , Dieu très hau t o r d o n n a à un ange de pousser cont re les Adites un cri de colère . E n un clin d 'œil , l 'ange de la mor t se saisit de leurs vies et ils t ombèren t gisants la face contre terre . Pu i s Dieu fit dispa-raître cette ville des regards des h o m m e s : toutefois , dans le pays où elle a été bâtie, on aperçoi t pendan t la nui t des masses d 'or , d 'a rgent et de pierres précieuses qui bri l lent c o m m e des lampes : l o r squ 'on y arr ive, on ne t rouve plus rien (t. I I , p. 169).

Les contes arabes , en effet, sont r em-plis d 'aventures d ' ind iv idus qui , ent rés par hasard dans la ville d ' I r e m , sont inca-pables de la re t rouver quand ils cher-chent à y pénét rer de nouveau .

Cette légende, an té r ieure à M o h a m m e d , est sans doute une var iante du récit ba-bylonien sur la t ou r de Babel : on la re-t rouve d 'a i l leurs dans les t rad i t ions m a n -dai tes qui y font pénétrer S a l o m o n , grâce à l 'oiseau ti^kholo et qui a t t r ibue à Ched-dâd le trait de la flèche lancée cont re le ciel et r e tombant ensanglantée sur la terre (cf. S i o u É t u d e s sur la religion des Soubbas

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ch. xxix, p. I 53-1 56, et le même trait rap-por té à P h a r a o n , dans VÉgypte de Mur-tadi,Jils du Gaphiphe, t rad . par P . Vattier p. 267-269). Le Qoràn a insisté sur le caractère rel igieux de cette légende en y in t rodu i san t H o u d , un des trois cent soi-xante p rophè tes imaginai res qui aura ient précédé la venue de M o h a m m e d (Sou-rate VII , v. 63-70) : «— N o u s avons envoyé auprès des Adites l 'un d 'ent re eux, H o u d . Celui-ci leur disait de m ê m e : O m o n peuple , adore Dieu et n ' adore poin t d 'au-tres divini tés que lui . Ne cra ignez-vous pas le Se igneur? — Ceux des g rands qui étaient incrédules lui disaient : N o u s voyons que tu es dans une aberra t ion dY'sprit, et en vérité nous c royons que tu n 'es qu 'un impos teu r . — O m o n peuple, leur dit H o u d , ce n'est point de l ' aber ra -tion d 'espr i t : loin de là, je suis l ' envoyé de Dieu, maî t re de l 'univers . — Je vous a n n o n c e les c o m m a n d e m e n t s de Dieu , je suis votre conseil ler s incère et fidèle. — Vous é tonnez-vous de ce que la parole de votre Se igneur vous arr ive par l 'un d 'eux chargé de vous exhor te r? Rappe lez -vous qu ' i l vous a fait succéder au peuple de Noé, qu ' i l vous a d o n n é une taille gigan-tesque. Souvenez-vous des bienfai ts de Dieu afin que vous soyez heureux . — Es-tu venu, lui d i rent- i ls , p o u r n o u s faire adorer un seul Dieu et a b a n d o n n e r les di-

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vinités de nos pères? Fais donc que tes menaces-s 'accomplissent si tu es s incère. — Bientôt , repri t - i l , la vengeance et la colère de Dieu vont fondre sur vous . Dis-pu te rez-vous avec moi sur les n o m s que vous et vos pères avez donnés aux divi-nités au sujet desquelles Dieu ne vous a accordé aucun pouvoi r ? At tendez seule-ment , et moi j 'a t tendrai avec vous . — Pa r l'effet de notre misér icorde , nous sau-vâmes H o u d et ceux qui l 'ont suivi et nous ex te rminâmes jusqu 'au dernier ceux qui avaient traité nos signes de mensonges et qu i ne croyaient pas. » — La légende d ' I r e m a été souvent traitée par les écr i -vains arabes : une de ces recens ions a été publiée par M l l e Groif [Les sept Dormants, p. 50-64 et préface p. 5-6).

Ces p remiers A d i t e s f u r e n t exterminés , t ou jou r s d 'après la t radi t ion , par u n e cata-s t rophe dont j'ai donné les détails légen-daires dans m o n étude sur la légende de L o q m à n [Loqmàn berbère, p. X I I I - X I X , et les au teurs cités en note). L o q m à n et ses successeurs aura ient régné sur les seconds Adites qui fu ren t pare i l lement anéant i s par une tempête , ou , suivant d ' au t res , par lesSabéens o u H i m y a r i t e s . C o m m e l e n o m de—pélasgique chez les Grecs, le nom de — A dite fu t p lus tard, chez les Arabes , employé c o m m e s y n o n y m e d ' an t ique et de gigantesque : il ne faut pas oubl ie r

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cependant qu ' au temps du géographe l tolemee, il existait encore une t r ibu des Uaditae (correct ion de Sprenger) repré-sentant les Adi tes soi -disant détrui ts .

io3 . Ils sont demeurés toujours parmi nous bien supérieurs à tous les miracles des Prophètes qui avaient apparu, mais sans durer.

Les adversaires de M o h a m m e d lui demanda ien t cons t ammen t de p rouver c o m m e ses prédécesseurs , sa miss ion par des miracles . — Le m ê m e fait eut lieu p o u r le chr i s t i an isme naissant (cf. Renan Vie de Jésus, ch . xvi). M o h a m m e d , don t a legende n'était pas encore fo rmée sur

le modèle de celle du Chr is t , répondai t en ci tant c o m m e des prodiges les versets du Q o r a n qu ' i l était imposs ible d ' imi ter (et sur cette pré tent ion justifiée, N œ l -deke, Geschichte des Qorans, p . 43-44) et qui devaient p lus du re r q u ' u n e guér ison surna ture l le .

104. Ils sont précis et ne laissent sub-sister aucun doute dont profite le contra-dicteur : ils n'ont pas besoin d'arbitre (pour les interpréter) .

Cf. ce que dit le Q o r à n (m , 5) : Ceux dont le c œ u r dévie de la vraie rou te cou-rent les métaphores , par envie du désor -dre et par envie de l ' in terpréta t ion ; mais

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I.A BORDAH DU CHEIKH El. BOUSIRI (>q

il n 'y a que Dieu qui en connaisse l ' in-terpré ta t ion .

Dans l 'édi t ion de B o m b a y , ce vers est reporté après le v. 108.

105. Ils ne sont jamais combattus sans que les plus acharnés de leurs ennemis ne se retirent du combat, demandant la paix.

106. Leur éloquence repousse les asser-tions de leur contradicteur, comme le ja-loux la main de celui qui attente à l'hon-neur de son harem.

107. L'abondance de leur sens égale celle des vagues de la mer dont ils sur-passent les perles en beauté et en prix.

U n hadi th du P rophè te dit que chaque verset du Qoràn a un sens in té r ieur (éso-térique) et un sens extér ieur (exotérique). C h a q u e sens in tér ieur en r en fe rme lu i -même plusieurs , allant de sept à soixante-dix.

108. L'on ne peut compter ni énumérer toutes leurs merveilles : si fréquemment qu'on les répète, elles n'excitent pas l'en-nui.

109. L'œil du lecteur en est charmé : Tu as saisi, lui dis-je, la corde qui rat-tache à Dieu : tiens-la bien.

LA BORDAH 5

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La cordc qui rat tache à Dieu, la corde solide est le Qoràn , si l 'on s'en rappor te à la t radi t ion de Ali ben Abou T a l e b . U n jour E l Har i th cl Aouar passa près d ' une mosquée où des gens se lançaient à tout hasard dans le doma ine de la t r ad i -t ion. Il alla t rouver Ali et lui r appor ta le fait. S 'y sont- i ls déjà aventurés? d e m a n d a le Khal i fe — Oui — J 'ai en tendu dire au P rophè t e : Ce sera un sujet de discuss ion. — C o m m e n t y échapper ? Pa r le livre de Dieu (le Qoràn) où est rappor té le passé, où est révélé l 'avenir , où il est statué sur vos rappor t s : c'est le mei l leur guide, c 'est la corde solide qui ra t tache à Dieu (Ibn A c h o u r , p. 121-123).

i i o .Si tu les lis par crainte des flammes de l'enfer, tu refroidis l'ardeur du feu en

y introduisant cette fraîcheur. L'enfe r est ici désigné par une de ses

divis ions « La^ha », c'est le second étage de l 'enfer qui en compte sept dans l 'ordre suivant : i° Djehennem (la géhenne , de l 'hébreu ge'-hinnom) où vont les M u s u l -mans mor t s en état de péché; — i° La\ha, pour les ch ré t i ens ; — 3° Hotamah poul-ies J u i f s ; — 40 Sa'ir, pour les Sabéens, adora teurs des astres; — 5 e Saqar pour les adora teurs du feu et les démons ; — 6 ° D j a -him pour les païens c o m m e les Adites; — 7U Haouyàh pour les athées et les impies ,

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comme P h a r a o n (cf. Sell, The faith of islam, p. 172).

D'après une t radi t ion, la Soura te de la Vache (2e Sourate) et celle de la famille de Imràn (3e Sourate) seront au jour du ju -

gement deux nuages qui é te indront les feux de l 'enfer pour tous ceux qui les a u -ront récitées.

ni. C'est comme le réservoir où de-viennent blancs les visages des pécheurs

ui étaient arrivés noirs comme du char-on. Allus ion à la croyance d 'après laquelle

chaque p rophè te a un réservoir où il doit se désal térer , avec sa nat ion, avant d 'en t rer en paradis . Celui de M o h a m m e d est le plus g rand de t o u s ; d ' u n côté' à l 'autre il y a un mois de marche . Cf. P i r Ali B erkevi, Exposition de la foi mu-sulmane, p. iq .

112. Pour l'équité, c'est comme le Si-rdt, ou la Balance, car en dehors d'eux il n'existe pas de justice che\ les hommes.

Le Siràt est men t ionné p lus ieurs fois dans le Q o r â n avec le sens de droi t che-min (Sour. I, v. 5-6). D i r ige -nous dans la voie droite (Sirdt), la voie de ceux que tu as comblés de b ienfa i t s— (Sour. XXXVI 67) : Si nous voul ions , nous leur ô ter ions la vue, ils s 'élanceraient alors précipitant-

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ment vers le c h e m i n (,Sirdt) mais c o m -ment le ver ront - i l s? — Ailleurs, il a le sens de rou te de l 'enfer (Sour. X X V I I , 23). Dirigez-les vers la route de l 'enfer (Sirdt). Plus ta rd , sous l ' inf luence d ' idées per -sanes, cette voie est devenue le pont que les âmes f ranchissent après la mor t . Su i -vant lAves t a et le Minokh i red , les âmes passent le pon t redoutable d e T c h i n v a t ou T c h a n d o r , les justes seuls peuvent le t ra-verser p o u r aller en paradis (cf. H o v e -lacque, Le Pont des Morts en Perse, Re-vue des traditions populaires, t .VI , 1891, p. 488-489) . L 'existence de ce pont est devenue un article de foi. « O n doit recon-naî t re . . . que le pont Sirât est p lus affilé q u ' u n e épée, qu' i l est dressé au-dessus de l 'enfer , que tous les h o m m e s doivent passer sur ce p o n t ; que les uns (les P ro -phètes) le f r anch i ron t c o m m e l 'écla i r ; les au t res (les gens très pieux) c o m m e un cheval qui c o u r t ; ceux-ci (les gens ver -tueux) c o m m e un cheval qui m a r c h e ; ceux-là se t ra înent le dos chargé de leurs péchés ; d 'au t res enfin t o m b e r o n t et i ront i m m a n q u a b l e m e n t en enfer » (P i r Ali Berkevi, Exposition de la foi musulmane p. 18-19). Les mo' tazél i tes niaient l 'exis-tence de ce pon t (Cf. Sell, The faith of islam p. 167).

La balance est celle dans laquelle, au jugement dernier , Dieu pèsera les act ions

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des h o m m e s [Qoràn, Sou r . XXIII , 104, 10g) « Ceux dont la balance penchera , jouiront de la félicité. Ceux pour qui la balance sera' légère, seront les h o m m e s qui se seront pe rdus e u x - m ê m e s , con-damnés à rester é ternel lement dans la gé-henne . — (Sour . C i l , 5-6) : Celui don t les œuvres pèseront lou rdement dans la balance aura une vie agréable. — Celui don t les œuvres seront légères , au ra pour demeure la Fosse (l'enfer) ». 11 faut croire qu ' « il sera dressé une balance où les h o m m e s et les mauvaises act ions des h o m m e s seront pesées : que ceux dont les bonnes act ions seront moins pe-santes que les mauvaises i ront en enfer , à moins que Dieu ne leur fasse misér i -corde, ou que des prophètes , des saints et des doc teurs n ' in te rcèdent pour eux, ce qui ne peut avoir lieu qu 'à l 'égard de ceux qui sont mor t s avec la foi. Les au -tres ne peuvent par t ic iper à aucune inter-cession ni sortir de l 'enfer ». (Pir Ali Berkev i , Exposition de la foi musul-mane, p. 18).

113. Ne t'étonne pas que l'envieux aille les niant, c'est par affectation d'ignorance, car il est perspicace et in-telligent.

114. L'œil chassieux nie la lumière du LA BORDAH 8*

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soleil, et la bouche malade le goût de Veau.

i i 5. O le meilleur de ceux dont les suppliants viennent assiéger la cour en se hâtant (à pied) ou sur le dos des cha-melles qui laissent des empreintes sur le sol ;

Il s'agit ici de ceux qui font le pèleri-nage de La Mekke à Médine .

116. Toi qui es le plus grand miracle pour l'homme intelligent : toi qui es le plus grand bienfait pour celui qui sait en profiter.

Le premier hémis t iche est sans doute imité de ce vers où El Motenebhi , s 'adres-sant au nègre Kâfour , gouve rneur de l 'Egypte , après avoir été esclave, lui p ro-digue les p lus basses flatteries :

A Dieu appar t i ennen t les miracles et il n 'en est pas c o m m e celui-ci : Je crois , ô Kàfour , cjue tu es son plus grand mi-racle (Diwan, t. I I , p. 878).

117. En une nuit tu as voyagé d'un sanctuaire à l'autre, comme la pleine lune voyage dans l'obscurité des ténèbres.

Il est fait al lusion ici au,m*' Vàdj ou ascension noc tu rne du P rophè te dont il est ques t ion dans le Qorân (Sour. X V I I , 1). « Gloire à celui qui a t ranspor té dans

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la nuit son servi teur , du temple sacré (La Mekke) au temple éloigné (Jérusa-lem). » Les M u s u l m a n s ont longtemps discuté si ce voyage fut réel ou l 'effet d 'une vis ion. 'Àïchah, la f e m m e préférée de M o h a m m e d , et Mo 'aouyah , p lus tard Khal i fe , défendaient cette dern ière opi-n i o n ; néanmoins l ' au t re p réva lu t (Abou ' l féda, Vie de Mohammed, p. 3 i ) .

C'étai t , au moyen âge, l 'occasion de f réquentes a t taques des chrét iens cont re l ' islam et l 'objet de leurs sarcasmes ; cf. en part iculier Bar thé lémy d 'Edesse , Con-futatio Agareni ( M i g n e , Patrologia grœca, t. C IV, Par i s 1860, gr. in-8», col. 1391). Il existe de n o m b r e u x récits de cette ascension : je résumera i celui qui a été publ ié en turk or iental et t radui t par M. Pavet de Cour te i l le : il s ' appuie sur l 'autori té d ' O m m Hàn i , s œ u r de 'Ali. Le P rophè te , qui raconte lui-même son aven-ture , fu t réveillé une nui t par Gabrie l et Michel , accompagnés de 70,000 anges et lui amenan t Boraq , animal plus petit que le mule t , p lus g rand que l 'àne, à figure h u m a i n e , à c roupe de cheval , à queue de vache ou de chameau , mun i de deux ailes qui lui couvraient les p i eds ; en un mot , un mons t r e semblable à celui que décri t Horace au c o m m e n c e m e n t de l 'art poé-t ique :

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Humano capiti cerviccm pictor equinam Jungere si vclit, et varias inducere plumas Undiquc~collatis membris.

Les légendes m u s u l m a n e s n 'on t certai-nemen t pas c o n n u le poème latin, mais peut-être t rouvera i t -on dans le type figuré de Boraq un souvenir du Sphinx (ou plus exactement de la Sphynge) et de Pé-gase. Il y a lieu aussi de r e m a r q u e r le r appor t qui existe entre le n o m de Boraq et la racine sémit ique qui a fourn i le n o m de l 'éclair (barq). Cette m o n t u r e atten-dait depuis qua ran te mille ans l ' h o n n e u r de por te r M o h a m m e d sur une selle d 'éme-raudes vertes. El le le t r anspor ta à Jéru-salem où il salua tous les p rophè te s con-dui ts par A b r a h a m , Moïse et Jésus . Il rempl i t ensui te les fonc t ions d ' I m â m dans la pr ière p rononcée par eux et mon ta au ciel par un escalier de lumière . Après avoir traversé la mer du Kaoucer , su spendue dans l 'espace par l 'effet de là toute puissance divine, le P r o p h è t e et Gabr ie l arr ivèrent au p remier ciel, fait d 'émai l cou leur de tu rquo i ses et long de 5oo ans : il y salua A d a m , et y vit le coq qui compte les heures et fait l 'appel au -quel r éponden t tous les coqs de la terre : il y avait aussi un ange, moit ié feu, moit ié neige, don t la pr ière est prise par les h o m m e s p o u r le rou lemen t du ton-nerre , ensui te la mer blanche de la vie.

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Le second ciel était de perles b lanches , aussi é tendu que le p remie r : le P ro -phète t rouva l 'ange qui règle les parts de toutes les créatures , un autre ayan t soixante-dix tètes, garnies chacune de 70 langues occupées à louer Dieu, puis les deux prophètes Zakarya et Yahya . Dans le t ro is ième ciel, qui était d 'hyacin-the rouge, M o h a m m e d r encon t r a Jacob , Joseph, ' David et Sa lomon . Le qua t r i ème ciel n 'offr i t rien de r emarquab le . Le c in-quième, qui était en or, était habi té par les prophètes Ismaël , I s aac , Aron et L o t h ; non loin de là s 'é tendait une mer de feu réservée pour l 'enfer , M o h a m m e d et Gabriel pénét rèrent ensui te dans le s ixième ciel qui était de perles et où ils t rouvèren t M o ï s e , E d r i s ( H é n o c h ) et Noé. Dans le sept ième ciel, rempli par soixante-dix divis ions d 'anges , habitai t A b r a h a m . Le p rophè te y vit les âmes de ceux qui suivent sa doc t r ine et des anges g igantesques : l 'un ayant soixante-dix têtes, u n autre avec dix mille ailes, etc. Il arr iva au Sidrah (lotus) de la l imite, arbre don t les b ranches sont de perles et d ' émeraudes et du pied duque l sor tent quatre fleuves : le Nil , l ' E u p h r a t e , le Salsabil qui coule dans le Parad i s , et le Kaoucer qui se jette dans la mer du même n o m . A cet endro i t , Gabriel le qui t ta , M o h a m m e d s ' approcha seul du

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t rône de Dieu et s 'entret int avec lui : c est là qu ' i l reçut l ' ins t i tut ion des cinq prières. De là, il redescendi t sur ter re après avoir, suivant quelques t radi t ions visité aussi l 'enfer . U n e légende à peu près semblable pour les détails avait cours chez les M u s u l m a n s d 'Espagne : elle a été t radui te d 'après un manuscr i t en aljamtado par G . Robles (Levendas mo-riscas, t. I I , p. 269-301. Leyenda de la ascension de Mahoma en los cielos). U n e version arabe a été t radui te par le D r Per-ron . Cf. aussi Re inaud , Description des monuments, t. I I , p . 83-87).

118. Tu as passé la nuit à t'élever jus-qu'à ce que tu fusses arrivé à la distance de deux arcs, à un degré auquel nul ne pouvait atteindre ni aspirer.

C'est l 'expression m ê m e du Qorân (Sour, L U I v. 9 ) . « Il était à la dis tance de deux arcs ou p lus près encore. »

1 19. Tous les prophètes et les apôtres de Dieu t'ont fait marcher devant eux comme les serviteurs cèdent le pas à leur maître.

120. Avec eux tu as traversé la voûte celeste au milieu d'un cortège dont tu au-rais été le porte-drapeau.

Allusion à un haditH du p rophè te :

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I.A BORDAH DU CHEIKH El. BOUSIRI I 17

« Au jour de la résurrec t ion, Adam et sa race seront sous mon drapeau et je n 'en serai pas plus fier. »

121. Jusqu'à ce que, ne laissant appro-cher personne plus près de toi, ni au-dessus de toi, à aucun degré où l'on pût s'élever,

122. Tu as rabaissé au-dessous de toi toutes les stations (des prophètes) , quand tu as été appelé comme l'unique et le chef de tous.

Il y a dans le texte un jeu de mots grammat ica l c o m m e les affect ionnent E l Bousi r i et les poètes de la décadence : Khafadha signifie à la fois abaisser et met t re au g é n i t i f — idhafah, act ion d 'at-t irer et rappor t d ' annexion — raf éléva-t ion et act ion de met t re au nominat i f — mofrad, isolé et s ingul ier ; — 'alam, chef et n o m propre ; de sorte que le vers peut aussi se t radui re :

« T u as mis au génitif par rappor t d ' annex ion toutes les s ta t ions , pendan t que tu étais interpellé au nominat i f c o m m e n o m propre s ingul ier . »

Cf. un jeu de mots semblable dans un vers de Sa'adi (Gulistan, t rad. De f r émery , p. 242, note).

123. Pour atteindre à une union (avec

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I l G LA BORDAH D U ' C H E I K H EL BOUSIRI

Dieu) — et quel mystère ! — et à un secret cache — et quel secret !

124. Tu as réuni en toi toute gloire sans partage et tu as traversé sans rival tous les endroits.

Jeu de mots entre ho^ta (tu as réuni) et djo^ta (tu as traversé) qui , dans l 'écri ture arabe, ne diffèrent que par un po in t .

125. Qu'il est glorieux, le rang qui t'a ete accordé! Qu'elles sont magnifiques les faveurs dont tu as été comblé!

U n e t radi t ion a t t r ibuée à Abou H o r a ï -rah rappor te que Dieu dit à M o h a m m e d : Adresse -moi une d e m a n d e ? — Le P r o -phète répondi t : Se igneur , tu as choisi Ib rah im p o u r ami, et tu lui as donné une g rande puissance , — tu as conversé avec Moïse, — tu as donné à David une royauté cons idérable et tu lui as soumis les mon-tagnes, — tu as d o n n é à Sa lomon un r o y a u m e immense , tu lui as accordé l 'au-tori té sur les génies et tu lui as fait don d 'un pouvo i r c o m m e pe r sonne n 'en pos -sédera après lui, — tu as donné à Jésus la conna i ssance de l a T o r a h et de l 'Évangi le ; tu lui as fait guér i r les aveugles et les lé-preux, tu l 'as délivré, lui et" sa mère , de Satan le lapidé qui n'a p lus eu d 'accès auprès d 'eux. Dieu lui répondi t : Je t 'ai choisi p o u r ami , et il écrit dans la T o r a h :

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I.A B O R D A H DU C H E I K H E l . BOUSIRI I 1 7

M o h a m m e d est l 'ami du Misér icord ieux : je t'ai envoyé vers toutes les na t ions et la t ienne aura été la p remière et la dern iè re . . . T u es mon servi teur et m o n apô t r e ; j'ai fait de toi le p remier des P r o p h è t e s par le rang et le de rn ie r par la date de la miss ion . Je t'ai accordé sept dons qui ont m a n q u é à ceux qui t 'ont précédé » i lbn A c h o u r p. 129).

126. Quelle fortune pour nous, Musul-mans! puisque nous trouvons en sa pro-tection un pilier indestructible.

127. Lorsque celui qui nous appelait à l'obéissance fut traité par Dieu de plus noble des Prophètes, nous fûmes, nous, la plus noble des nations.

128. L'annonce de sa mission fit trem-bler les cœurs des ennemis, comme le rugissement du lion fait fuir le troupeau imprévoyant.

129. Sans cesse, il les rencontra sur les champs de bataille jusqu'à ce que les coups de lance les firent ressembler à de la viande sur un étal.

1 3o. Ils préférèrent fuir, mais ils ne laissaient pas de porter envie aux mem-bres des leurs emportés dans l'air par les vautours et les oiseaux de proie.

LA TIORDAH 9

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I 10 I.A BORDAH DU CHEIKH E L BOUSIRI

Jeu de mots entre aclild, m e m b r e s (d'un corps égorgé) et chalet, être enlevé, empor t é .

i 3 i . Les nuits se passaient sans qu'ils en connussent le nombre, quand ce n'était pas les nuits des mois sacrés.

C'es t -à-d i re que les a t taques mult ipl iées des M u s u l m a n s jetaient les païens dans un tel émoi que c'était seu lement dans les mois sacrés, où toute guer re était in ter -dite, qu ' i ls pouva ien t se re t rouver et se r end re compte des c i rcons tances . Les mois sacrés étaient dzou ' lqa 'dah , dzou ' l -h i d j a h , m o h a r r e m qui se suivaient , et r ed jeb q u ' o n n o m m a i t p o u r cette raison red jeb l ' isolé (Cf. Mas'oudi,P/YN'rz'ey d'or, t. I I I , ch . LIX). Cet te sorte de trêve de Dieu remonta i t , suivant la légende, à I b r ah im et Isma' i l , à la suite d ' une pr iè re laite par le p remie r . C 'é ta i t pendan t les t rois mois consécut i fs q u ' o n se rendai t en pèler inage à La Mekke, ce qui expl ique cette t rêve.

i 3 2. La religion semblait un hôte des-cendu dans leur coin' suiv.i de chefs puis-sants et arides de la chair de leurs ennemis,

Jeu de mots en t re qarm chef et qarim, avide.

133. Entraînant une armée montée sur

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I.A BORDAH DU C H E I K H El. BOUSIRI I 17

des coursiers rapides, pareille à une mer orageuse qui lancerait des vagues de héros,

i 34. De tous ceux qui se dévouent à Dieu, comptant sur lui; ils se précipi-taient avec l'intention de détruire et d'a-néantir les infidèles,

3 35- Jusqu'à ce que la foi musulmane, d'étrangère qu'elle était'parmi eux, fût devenue comme leur parente par les liens-du sang,

1 36. Protégée désormais par le meilleur des pères et des maris, sans jamais deve-nir orpheline ni veuve.

I ij- Ils étaient fermes comme des mon-tagnes : interroge sur eux leurs adver-saires et demande-leur ce qu'ils ont vu à chacune des rencontres.

Imi ta t ion d ' u n vers d e ' A n t a r a h [Mo'al-laqah, v. 43).

Fille de Màlek, in ter roge les cavaliers si tu ignores (qui je suis).

II y a aussi un jeu de mots entre mosàdim, adversaire , et mostadam, r en-contre .

138. Demande à Honaïn, demande à Badr, demande à Olwd, périodes de tré-

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1 2 0 T.A BORDAH DU C H E I K H F.L BOUSIRI

pas, plus fatales pour eux qu'une épi-démie.

La batail le de Badr fu t l ivrée le ven -dredi i 7 de r a m a d h â n de l 'an 2 de l 'hégire ( 13 mars 6241. M o h a m m e d , i n fo rmé q u ' u n e caravane de Qora ïch i tes revenait de Syrie , résolut de s 'en empare r . Abou Sofyàn qui l 'escortait avec 3o cavaliers , prévin t les Mekkois qui par t i ren t au-devant d'elle avec 950 h o m m e s d o n t 100 cavaliers. Le P r o p h è t e n 'avait que 3 1 3 h o m m e s , don t deux montés sur des chevaux et dix sur des chameaux . La ba-taille fu t précédée d 'un combat s ingul ier en t re H a m z a h , l 'oncle du P r o p h è t e , Ali ben A b o u T â l e b et 'Oba ïdah , du

côté des M u s u l m a n s , O t b a h ben Rebi ' ah , C h a ï b a h , son f rè re et Ouàl id son fils, du côté des Qora ïch i tes . Ceux-ci fu ren t vain-cus et tués ainsi que 'Oba ïdah . Les m u -su lmans fléchissaient malgré ce présage, lo r sque M o h a m m e d , lançant une po i -gnée de cai l loux (Cf. vers 71), jeta la t e r -reur chez ses ennemis . U n de ceux qui s 'é taient mont rés les p lus acharnés c o n -tre la nouvel le doc t r ine , A b o u Djahl , fu t tué et sa tête por tée au P r o p h è t e : 69 au t res Qora ïch i tes succombèren t pa rmi lesquels le fils d 'Abou Sofyân et le neveu de K h a d i d j a h , p remiè re f e m m e du P rophè t e . L 'onc le de celui-ci, Abbàs, fu t fait p r i sonn ie r ainsi que

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deux de ses neveux dont un f rère de 'Ali. 14 m u s u l m a n s pér i rent . Cette vic-toire, peu impor t an t e par e l le -même, eut cependant un re tent i ssement cons idé -rable, car c'était le p remie r succès mil i -taire rempor té par la foi nouvel le q u ' u n échec aura i t sans doute étouffée (cf. Sirat er Resoul, t. I, p. 427-460; El Bokhàr i , t. I I I , p. 3 - i o : Abou ' l leda, Vie de Mo-hammed p. 47-5o, Kitàb el Aghdni, t. IV, P- 17-37)-

Le combat d ' O h o d eut lieu le samedi 7 de chaouàl de l 'an 3 de l 'hégire <23 mar s 627). P o u r venger la défaite de Badr , Abou Sofyàn se mit à la tête de qoo Qora ïch i t e s don t 200 cavaliers, et par-tit, escorté d"e qu inze f emmes dont H i n d , tille de ' O t b a h , qui exhor ta ien t par leurs vers les pa ïens à venger les mor t s de Badr :

E n avant , fils de Abd ed D à r ! E n avant , guer r ie r s , nos p ro tec t eu r s ! F r a p p e z , "frappez du t r anchan t de

l 'épée! M o h a m m e d , cont re l 'avis de ses par t i -

sans, sort i t à sa r encon t re et vint camper au défilé d ' O h o d . La batai l le c o m m e n ç a par une série d ' engagemen t s dans l 'un desquels , H a m z a h , l 'oncle du P r o p h è t e , fut tué par l 'É th iop ien O u a h c h i , ainsi que Mos 'ab qui portai t l ' enseigne des M u s u l m a n s . Le va inqueur de ce dern ie r

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1 2 2 LA BORDAH DO CHEIKH EL BOUSIRI

crut avoir tué Mohammed lu i -même, ce qui jeta du trouble parmi les fidèles : en même temps, Khàled qui commandai t la cavalerie de l 'armée païenne, profita de la débandade de la réserve des Musu l -mans qui avait quitté son poste pour piller, et prit les ennemis à revers. La confus ion fut extrême : Mohammed reçut un coup de pierre qui lui brisa les dents : les Musu lmans s 'enfui rent . Les femmes des Qoraïchi tes muti lèrent les cadavres des ennemis tués, surtout H ind , femme d 'Abou Sofyân qui avait à venger son père et son" frère tués à Badr. Elle alla, disent les Musu lmans , jusqu'à déchirer avec ses dents le foie de H a m z a h , l 'oncle du Prophète , se fit un collier avec le nez et les oreilles des morts de l 'autre parti au nombre de 72 et célébra la victoire des siens par des vers qui nous sont restés :

Elle est payée la rançon du sang de Badr ; Le combat appelle le combat ; Otbah transperçait mon âme, et mon

frère, et son oncle et mon fils. J'ai guéri mon âme, j'ai tenu mon ser-

ment ; tu as étanché, ô Ouahchi , la soif de ma poi tr ine !

A Ouahch i , ma reconnaissance p o u r l a vie? Oui , jusqu 'à ce que la tombe ait ca-rié mes os.

Plus tard le fils de « la mangeuse de fo ie» , Mo'aouyah devint khalife et fonda

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la dynast ie des O m a y a d e s (Sirat er Resoul, p. 555-638 : E l Bokhâr i , t. I I I , p. 13-18 ; Copp ie r , Le Divan d'A l Hansd p. L X I I I - L X X I I ; Abou ' l féda, Vie de Moham-med, p . 54-60).

Après la prise de La Mekke par les Mu-su lmans , les H a o u à z i n s 'é taient ré fugiés dans la vallée de H o n a i n , à 3 milles de là, et se joignirent aux Benou-Djocham com-mandés par Dora'id ibn S i m m a h , le m ê m e qui , à p lus de quat re-v ingts ans, fu t assas-siné plus tard de sang froid par des Musu l -m a n s appa r t enan t à une aut re t r ibu don t il avait ma in tes fois protégé les femmes . Réunis aux B. T h à q i f , ils méditaient d ' a t t aquer le P rophè te . Celui -c i les prévint . Le 6 de chaouà l de l 'an 8 de l 'hégire (27 janvier 63o), il vint à la tête de 12,000 h o m m e s leur l ivrer batail le. D 'abord les M u s u l m a n s pr i ren t honteu-sement la fuite, ce qui excita les risées du con t ingen t mekkois et de leur chef Abou So tyân , qui avaient été con t ra in t s de se jo indre à M o h a m m e d . Celui-ci renouvela le mirac le de B a d r ; il ht agenoui l le r sa mule Doldol , jeta con t re les ennemis une po ignée de pouss ière qui les mit en dé rou te , mais il échoua au siège de Ta'if où ils s 'étaient ret irés et dut regagner La Mekke sans résul ta ts [Sirat er Resoul, p. 840-876 ; E l Bokhàr i , t. 111, p. 4 3 - 4 4 ; Abou ' l féda, Vie de Mohammed, p. g5-<)8).

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i 3g. Rougissant la blancheur des épées qui s'étaient teintes (de sang) en s'abais-sant sur l'ennemi aux noires touffes de cheveux.

I mi ta t ion d 'un passage de la Moallaqah de A m r ben K o l t h o u n i (v. 24).

(Sache que) nous appor tons au c o m -bat nos é tendards blancs et nous les rem-por tons rouges et h u m i d e s de sang .

140. Ils traçaient des lignes avec leurs lances brunes de Khatt et leurs roseaux (leurs flèches) ne laissaient pas une par-tie du corps sans y marquer un point dia-critique.

II y a ici p lus ieurs jeux de mots : sur Khatt qui signifie trait, écriture, et qui désigne aussi un endro i t où l 'on fabr i -quai t des lances r e n o m m é e s — sur aqlàm qui veut di re à la fois roseaux et p lumes à écrire (cf. le latin calamus) ; sur liarf, lettre et partie du corps.

C o m m e il a été dit p lus hau t , ces com-para i sons de mauvais goû t sont f r é q u e n -tes chez les poètes a rabes .de la décadence . Ainsi un vers d 'Abou ' l Atha ï r , cité par Ibn A c h o u r (p. 147).

T u verrais ce qu 'écr i t la main de la guer re : les s ignes d iacr i t iques que met -tent les glaives, et les po in t s posés par les lances.

On lit encore dans un passage des

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Mille et Une Nuits des vers ana logues : (Ed. du Qaire , t. I, p. 104) :

Il a fait des lances ses p lumes , des cœurs de ses ennemis ses feuil lets sur lesquels il écrit avec leur sang p o u r encre (Ed . de Reyrou t , t. I, p. 229)

Q u a n d il fond sur ses ennemis , il t race sur leur poi t r ine des l ignes d ' éc r i tu re avec les javelines et les lances.

141. Armés de pied en cap, ils ont une marque qui les distingue; c'est ainsi que la rose se distingue de la ronce.

C'est -à-dire que , semblables à leurs ennemis par leurs a rmes , ils s 'en d is t in-guent par leur piété.

142. Le l'Çiit de la victoire t'apporte leur parfum et tu pourrais croire que chaque héros est une fleur en bouton.

Jeu de mots entre kami, héros , et akmdm bou tons .

* 143. Lorsque leur prédicateur se dresse dans la mosquée du combat (pour défier ses adversaires), le plus brave (des ennemis) fait la sourde oreille. ' Ce vers m a n q u e dans l 'édi t ion de Ralfs ,

dans celle de B o m b a y et dans la t r a d u c -t ion de S. de Sacy.

144. Un les prendrait, sur le dos de

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leurs chevaux, pour la végétation d'une colline, inébranlables par leur fermeté d'esprit seule et non grâce à la'solidité de leurs sangles.

Jeu de mots sur ha\m, esprit et ho\om sangles .

145. Leur valeur trouble les cœurs des ennemis, au point qu'ils ne peuvent plus distinguer une troupe d'un troupeau.

Jeu de mots entre bahim, t r oupeau de bétail, et boham, t r oupe de cavaliers.

146. Quiconque est sous la protection du Prophète de Dieu, les lions se taisent quand ils le rencontrent dans le fourré.

Les écr ivains arabes r appor t en t de n o m b r e u s e s anecdotes dans lesquelles le P r o p h è t e sauve ses tidèles des l ions qu ' i l s r e n c o n t r e n t . Suivant El Bokhàr i , Sa f î -nah , u n de ses af f ranchis , échappé d 'un nau f rage , non seu lement ne fut pas dé-voré , mais m ê m e fut remis dans son che-m i n par u n lion qui , en le qu i t tan t , lui rugi t un salut . La m ê m e aventure est racontée avec des var iantes par El Baihàqi dans le Dalaïl en Noboouat (cf. E d Démir i , Haiat el Haiouàn, t. I, p. 4). Ce vers de la Bordait est employé c o m m e amule t te (cf. R e i n a u d , Monumens, t. I I , p. 102).

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147. Tu ne verras pas un ami du Pro-phète qui ne soit secouru par lui, ni un de ses ennemis qu'il n'ait anéanti.

148. Il a placé sa nation sous la pro-tection de sa doctrine, comme le lion s'arrête avec ses petits dans les fourrés.

149. Que de contradicteurs la parole de Dieu a terrassés grâce à lui ! et que de fois ses preuves ont vaincu ses adver-saires !

150. Qu'il te suffise, en fait de mira-cles, de voir, au temps de l'ignorance, tant de science dans un illettré, tant d'in-struction che\ un orphelin.

Dans le Qoràn, M o h a m m e d s'est dé-signé (Sourate V I I , i56) sous le n o m de « nabi ommiy » P r o p h è t e illettré, qu 'on a expl iqué aussi par « P r o p h è t e mekkois » du s u r n o m de La Mekke, Omm el bildd, la mère des villes. Ce pas-sage est un de ceux dont se sont servis ceux qui p ré tendent que M o h a m m e d ne savait ni lire ni écr ire . Mais M. N œ l d e k e (Geschichte des Qoràns, p . 8-12) a fait observer que , par tou t où ommiy est e m -ployé, il est opposé à Ahl el Kitàb (les gens du Livre, Chré t i ens et Juifs) , c'est-à-dire que le, P r o p h è t e recevait la vérité par inspi ra t ion et qu ' i l n 'allait pas la

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chercher dans les l ivres sacrés des aut res re l ig ions avec lesquels il était peu fami -l ier . La ques t ion paraî t devoir rester à jamais inso luble : l 'usage de l 'écr i ture était peu r é p a n d u à cette époque : cepen-dant , il n 'est pas p robab le que des m a r -chands , c o m m e l 'étaient les Qora ïchi tes , c o m m e l'avait été M o h a m m e d , n 'eussent pas fait usage de s ignes que l conques p o u r les besoins de leur commerce , sans pa r -ler bien en tendu de ceux qui , inc l inant vers le chr i s t i an i sme ou le juda ïsme, avaient les Ecr i tu res en syr iaque ou là Bible en h é b r e u .

M o h a m m e d resta o rphe l in de bonne heure : il avait deux mois q u a n d m o u r u t son père ' A b d Allah : il perdi t sa mère A m i n a h à l 'âge de six ans et son aïeul 'Abd el Mot ta leb à hui t ans.

151. Je l'ai servi par mon panégyrique grâce auquel j'espère être absous des

fautes d'une vie passée jusqu'ici dans la poésie et la servitude.

152. Elles m'ont donné un éclat dont je redoute les conséquences, ressemblant par elles, à l'animal qui doit servir de victime.

i 53. Je m abandonnais en elles aux égarements de la jeunesse, et je n'en ai retiré que le péché et le repentir.

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i 54. Combien mon âme a perdu dans son trafic, elle qui n'a pas su troquer les biens de ce monde pour la reli-gion ?

155. Quiconque vend l'éternité pour ce bas monde, reconnaîtra bientôt son erreur dans la vente et la livraison de la marchandise.

Allus ion à ce passage du Qordn (Sour . I I . v. 1 5) : « Ce sont ceux qui ont acheté l'erreur au prix de la vérité : mais leur marché ne leur a point profité : ils man-quent de direction. »

1 56. Cependant, si je commets un pé-ché, mon pacte avec lè Prophète n'est pas dissous, et le lien (qui m 'a t tache à lui) n'est pas rompu.

157. Car j'ai droit à sa protection, puisque je me nomme Mohammed, et il est le plus fidèle aux règles de la pro-tection.

Le qàdhi Iyàdh dans son Ikmal, p re -tend qu ' au jour de la résur rec t ion un cr ieur fera cette p roc lamat ion : « Q u e celui qui s 'appelle M o h a m m e d se lève et qu ' i l entre au Parad i s grâce au méri te du n o m du P r o p h è t e . »

158. Si, dans l'autre monde, il ne

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méprend pas généreusement par la main dis alors : Quelle chute ! '

. 1 Loin de lui de refuser ses bienfaits a celui qui espère, ou de laisser partir sans le defendre, le client qui vient à lui !

. l6°' Depuis que j'applique mes pensées a sa louange, j'ai toujours trouve en lui l auxiliaire le plus dévoué à mon salut.

• fa richesse «e néglige pas la main du misérable, de même la pluie fait ger-mer des fleurs sur les collines.

162. Je ne recherche pas la fleur de ce monde, cueillie par les mains de Zohair en recompense d'avoir loué Harim

I l s agit ici d ' u n des plus célèbres poè-tes a n t é - i s l a m i q u e s , Zoha i r ben Abou Se lma, a u t e u r d ' u n e des mo'a l laqàt . H a r i m ben S inân , don t il est ques t ion avait jure d ' accorder à Zoha i r toutes les d e m a n d e s que celui-ci lui adresserai t et de lui faire un présent , cheval ou esclave c h a q u e fois que le poète le saluerai t ! Auss i Zoha i r , c o n f u s de tant de l ibéra-lité, avait c o u t u m e de dire dans les r é u -n ions ou se t rouvai t son b ienfa i teur • « Je vous sa lue tous , excepté H a r i m , qui' est cependant le mei l leur d 'entre vous »

Le Kitab el Aghâni r appor t e que 'le

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petit-fils de H a r i m , réci tant un jour de-yant le kalife ' O m a r une pièce de vers en l ' h o n n e u r de son père, le pr ince s 'é-cria : « 11 a dit de vous de bien belles choses ! . » — «Mais , dit le fils de H a r i m , n o u s lui fa is ions aussi de beaux p ré -sents ! — Ce que vous lui donn iez , répar-tit ' O m a r , a été dé t ru i t par le t emps , tan-dis que ce qu ' i l vous a d o n n é est i m p é -rissable. « A u s s i H a r i m ben Sînàn est-il n o m m é souvent avec H à r i t h ben 'Aouf dans le Dhvdn de-Zoha'ir qui a été publ ié deux fois : dans les Six Diwans de M. A h l w a r d t , et avec le c o m m e n t a i r e d ' E l A l a i n dans les Primeurs arabes de M. de Landberg . La b iograph ie du poète est d o n n é e dans le Kitab el Aghàni d 'Abou ' l F a r a d j el I sbahân i (t. IX, p. 140-i58) qui a servi de base à l 'é tude de W o l f , Der Dichter Zohair. Cf. aussi le P. Sa lhani , Les poètes arabes chrétiens, Beyrout , 1890, in-8°, p. 5 i o - 5 g 5 .

163. O le plus excellent des êtres créés, vers qui chercherai-je un refuge, si ce n'est vers toi, lorsque arrivera la cata-strophe universelle.

164. O prophète de Dieu, ta gloire ne sera pas diminuée à cause de moi, lorsque le Magnifique apparaîtra sous le nom de Vengeur.

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El Montaqim, le Vengeur , est le qua -t re -v ing t -deuxième des s u r n o m s de Dieu, auxquels co r r e spond chacun des gra ins du chapele t m u s u l m a n qui en compte qua t re -v ingt -d ix-neuf . Cf. ces n o m s dans Re inaud , Monumens musulmans, t. I I , p . 16-24.

165. Car ce monde et l'autre subsistent par ta générosité, et la science de la Ta-blette et de la Plume font partie de ton savoir.

Le poète dés igne la p l u m e avec la-quel le un ange inscri t les ac t ions des h o m m e s dans un livre qui sera p rodu i t au jugement dern ie r . Il en est f r é q u e m m e n t ques t ion dans le Q o r à n . La LXVI II e sou-rate c o m m e n c e ainsi : « J 'en jure par la p l u m e et par ce qu ' i l s écr ivent ». La Table est au sept ième ciel : elle est aussi

l ongue que le ciel et la terre et aussi large que l 'Or ien t et l 'Occ ident : elle por te le n o m de T a b l e sacrée et de T r ô n e p r i m i -tif ; un ange est chargé d 'y écrire en ca-ractères ineffaçables nos ac t ions de cha -que jour . La p lume d o n t l 'ange se sert est si longue q u ' u n cavalier couran t à toute br ide pour ra i t à peine en pa rcour i r la dis tance en cinq cents a n s ; elle a la vertu d 'écr i re e l le-même le passé, le p ré -sent et l 'avenir ». (Re inaud , Monumens musulmans, t. I I , p. 29.)

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166. O mon âme, ne désespère pas à cause de tes fautes énormes : les grands péchés comme les moindres, ont égale-ment place dans le pardon divin.

D'après u n had i th , M o h a m m e d aurai t dit : « Si vous n 'aviez pas péché, Dieu aurai t envoyé à votre place un aut re peu-ple qui aurai t péché, à qui il aurai t par -d o n n é et qu ' i l aurai t fait en t re r dans le Pa rad i s ».*

Les g rands péchés sont au n o m b r e de s e p t , c o m m e les péchés capi taux des chré t iens . Ce sont : i° Associer quel-q u ' u n à Dieu ; 2° F u i r de l ' a rmée ; 3° Dé-sobéir à ses paren ts ; 40 T u e r q u e l q u ' u n i n j u s t e m e n t ; 5° Pi l ler les b iens d 'un vrai c royant ; 6° C o m m e t t r e un adul tè re ; 70 Boire du vin.

167. Peut-être la miséricorde de Dieu, lorsqu'il la départira, sera-t-elle pro-portionnée à la désobéissance.

168. Mon Dieu fais que mon espoir ne soit pas trompé et que mon calcul ne soit pas anéanti.

169. Sois bon dans les deux mondes pour ton serviteur : il a conçu un espoir qui a disparu lorsque les terreurs l'assail-lent.

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170. Fais que les nuages de ta bénédic-tion arrosent continuellement le Prophète,

La bénédic t ion appelée sur le P r o -phète est de r i gueu r chez les M u s u l m a n s Une t rad i t ion a t t r ibuée à 'Ali disait • « Il y a en t re Dieu et celui qui lui d e m a n d e une grâce, un voile qui ne disparaî t que q u a n d 1 h o m m e a béni le P r o p h è t e »

Le dern ie r chapi t re du Mostatref cont ien t qua ran te t rad i t ions sur les mé-rites de la bénédic t ion et de la pr ière en faveur du p rophè te (t. I I , p. 357-35g).

171. Sa famille et les Compagnons ceux qui les ont suivis, et les gens doués de pieté, de pureté et de générosité

Ce vers est rejeté après le suivant , dans fa t r aduc t ion de S. de Sacy.

172 Tant que la brise de l'est cour-bera les rameaux du saule musqué, tant que le chamelier charmera son troupeau par son chant.

Le p remie r hémis t i che est à rappro-cher d 'un vers arabe de Sa 'adi (Gulistdn, t . i f , hist . X X V I I , P . 21) :

L o r s q u e les vents souff lent dans les c h a m p s , ils c o u r b e n t les r ameaux du saule m u s q u é , n o n les roches du res

L ' in f luence du chan t su r les chameaux a ete signalée f r é q u e m m e n t . U n Arabe fit

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I.A B O R D A H D U C H E I K H El. B O U S I R I I 17

endure r la soif à ses c h a m e a u x pendan t dix jours . Ce temps écoulé, il leur per-mit de se di r iger vers l 'eau. A peine y furent- i ls arr ivés que leur c o n d u c t e u r rit en t end re son chant du côté o p p o s é . Au m ê m e ins tant , les c h a m e a u x oubl ian t de boire se t ou rnè ren t vers lui. C o m m e il con t inua i t son chant , ils le r e jo ign i ren t et a b a n d o n n è r e n t l 'eau dont ils é ta ient privés depuis dix jours (Hasan el Bou-rini , Commentaire du Diwdn de Omar ben El Fdredh, t. I I , p. 81; Grange re t de la Grange , Anthologie arabe, p. 123-124).

U n con t empora in de M o h a m m e d , Abou Mihd jân , disait déjà dans son Di-wdn (éd. Àbel , Leiden, 1887, in-8°,VIII , v. 2) :

Et si ce n 'eu t été la tille du doc teur juif , il aurai t s t imulé par son chant nos cha -meaux sur la route de D j o s m â n .

De m ê m e l 'Espagno l Ibn L a b b à n a h , décr ivant la tr istesse de l ' e m b a r q u e m e n t à Séville de la famille d 'E l M o ' t a m e d , dépor tée au Maroc (Fath ibn K h a q â n , Qaldïd el Iqidn, p. 23) :

Les vaisseaux par t i rent , accompagnés de l amenta t ions : on eut dit le chan t par lequel le c o n d u c t e u r fait m a r c h e r ses chameaux .

Cf. aussi Def rémery , Le Gulistan de Saadi, p. 10, note 2; p. 128, note 3, Rei-naud et de Slane, Les séances de Hariri,

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I 10 I.A B O R D A H DU C H E I K H E L B O U S I R I

Par is 1847-1853, 2 v. in-40, t . I I , in t ro-duct ion p. 36 et note 1.

L 'édi t ion de Fa izu l l ah -bha i a jou t e , après le v . 73, le vers su ivant qui m a n -que dans les au t res éd i t ions :

* Dans leur marche, ils effaçaient la trace de leurs prosternations, mais par la apparaissaient (d 'autant mieux i leurs vestiges au milieu de la route.

LE P l ' Y . IMPRIMERIE MARCHESSOU FILS

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