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Le Bièvre LPO Coordination Rhône-Alpes Tome 28

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Le Bièvre

LPO Coordination Rhône-Alpes

Tome 28

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Le Bièvre

Revue éditée par la LPO Coordination Rhône-Alpes

Directrice de publication : Marie-Paule de Thiersant

Rédacteur en chef : Julien Girard-Claudon

Comité de rédaction : Jean Abbès, Cyrille Deliry, Thierry Lengagne, Laurence Magaud

Comité de lecture (tout ou partie des articles) : Xavier Birot-Colomb, Cyrille Deliry, Julien Girard-Claudon, François Humbert, Laurence Magaud, Laurent Majorel, Noëmie Marchaland, Vincent Palomares, Serge Risser, Marie-Paule de Thiersant, Stéphane Vincent

Traduction anglaise : Jonathan Jack

Mise en page : Pierre-Yves Croyal

Photo de couverture : grande noctule © Y. Peyrard

Achevé d’imprimer en avril 2016 : Imprimerie Chirat Dépôt légal : avril 2016 Imprimé sur papier recyclé 100 % avec des encres à base végétale.

ISSN 0223-7741

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Le BièvreTome 28

LPO Coordination Rhône-AlpesMaison Rhodanienne de l’Environnement

32 rue Sainte Hélène 69002 LYON

Tél : 04 72 77 19 84

[email protected] http://rhone-alpes.lpo.fr/

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Édito

La LPO en Rhône-Alpes se positionne dans le paysage des asso-ciations environnementales comme un acteur majeur de la dif-

fusion de la connaissance naturaliste sur la région.

Pour ne parler que des oiseaux, le CORA fut précurseur en publiant dès 1977, l’atlas des oiseaux nicheurs de Rhône-Alpes, suivi en 2003 du second atlas actualisé des Oiseaux nicheurs. En 2008, grâce aux mêmes forces bénévoles, la Liste Rouge des Vertébrés Terrestres de la région Rhône-Alpes est éditée.

Depuis cette époque, les vecteurs de diffusion de la connaissance se sont multipliés  : sites internet, réseaux sociaux, bases de don-nées, plateforme de porter à connaissance des données et de par-tage des analyses.

Successivement en 2014 et 2015, la LPO Rhône-Alpes publie deux atlas régionaux d’une nouvelle génération : les chauves-souris puis les amphibiens et reptiles. Ces deux ouvrages ont été produits tou-jours grâce au formidable travail de recueil des données fait par des bénévoles et des salariés mais aussi le grand public en s’appuyant sur les nouveaux outils informatiques qui permettent la saisie et le traitement temps réel d’une grande quantité d’informations.

Ces deux derniers atlas sont toujours publiés en version papier, car rien ne remplacera jamais la beauté d’un livre. Conscient toutefois qu’il faut mettre à disposition de tous les décideurs et aménageurs les informations pour une meilleure prise en compte des enjeux de la biodiversité dans les projets, cette connaissance est aussi diffu-sée sur le site  : http://faunerhonealpes.org/, où vous trouverez la majorité de l’atlas des chauves-souris.

La revue le Bièvre suit aussi cette même trajectoire. Le sommaire du N°28 reflète la diversité des actions et études conduites en Rhône-Alpes par des bénévoles ou des salariés : études et suivi d’espèces, listes rouges… Il est toujours publié en version papier, mais est dis-ponible en version électronique sur le site rhone-alpes.lpo.fr.

La Région est maintenant composée de l’Auvergne et de Rhône-Alpes. La LPO est présente sur tout ce territoire. Elle continuera de mener les actions de connaissance, de protection et de sensibilisa-tion en faveur de la biodiversité et de piloter ses bases de données naturalistes riches aujourd’hui de plus de 7 millions de données. Tout cela est réalisé grâce à ses forces vives : adhérents (7200), sym-pathisants, bénévoles, volontaires en services civiques, stagiaires et salariés, tous passionnés de nature

Marie-Paule de Thiersant Présidente de la LPO Coordination Rhône-Alpes

Édito

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RÉVISION DES LISTES ROUGES DES AMPHIBIENS, CHIROPTÈRES ET REPTILES EN RHÔNE-ALPES

Julien GIRARD-CLAUDON, coordinateur régional adjoint, LPO Coordination Rhône-Alpes1

RÉSUMÉLes listes rouges des Amphibiens, Chauves-souris et Reptiles en Rhône-Alpes ont été mises à jour en 2015. Les résultats sont présentés dans l’article. Globalement les statuts de conservation sont meilleurs que lors de l’évaluation de 2008 mais ces chan-gements s’expliquent par une amélioration des connaissances sur ces espèces et non une réelle amélioration de l’état de conser-vation. Les menaces pesant sur les popu-lations rhônalpines sont les mêmes qu’en 2008.

ABSTRACTThe Red Data lists for amphibians, bats and reptiles in the Rhône-Alps region were updated on 2015. The results are given in this article. Overall, their conser-vation status is better than in the 2008 assessment, but these changes can be explained by improvements in our knowl-edge of these species and not a real im-provement in their conservation status. The threats facing the populations of these species in the Rhône-Alps region are the same as in 2008.

1. julien. [email protected]

Molosse de cestoni Tadarida teniotis © Y. Peyrard

Le Bièvre - Tome 28

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Espèces évaluées

Espèces disparues

EX espèces éteintes au niveau mondial (extinct)

EW espèces éteintes à l’état sauvage (extinct in the wild)

RE espèces disparues de la région étudiée mais présente ailleurs (regionally extinct)

Espèces menacées

CR espèces en danger critique d’extinction (critically endangered)

EN espèces en danger de disparition (endangered)

VU espèces vulnérables (vulnerable)

NT

espèces « quasi-menacées », catégorie regroupant les espèces proches de remplir les seuils quantitatifs propres aux espèces menacées et qui pourraient le devenir si des mesures spécifiques de conservation ne sont pas prises (near threatened)

LC espèces présentant un faible risque de disparation (least concern)

DDespèces pour lesquelles les meilleures données disponibles ne permettent pas d’évaluer leur risque de disparition (data deficient)

Espèces non évaluéesNA espèces pour lesquelles la méthodologie n’est pas applicable

(exemple : espèces introduites) (not applicable)

NE espèces non encore confrontées à la méthodologie (not evaluated)

Les listes rouges ont été mises en place par l’Union internationale pour la conser-vation de la nature (UICN) dans le but d’évaluer l’état de conservation des taxons étudiés. Il s’agit principalement d’un outil visant à alerter sur le statut de menace des espèces.

La méthodologie mondiale définie par l’UICN s’appuie sur cinq critères d’éva-luation (UICN, 2012). Ils reposent sur dif-férents facteurs biologiques associés au risque d’extinction, comme la taille de la population de l’espèce, son taux de dé-clin, son aire de répartition et son degré de fragmentation. En confrontant la si-tuation de chaque espèce aux différents seuils quantitatifs fixés pour chacun des cinq critères, on détermine la catégorie dans laquelle placer l’espèce en fonction des données disponibles.

La méthodologie définit 11 catégories présentées dans la figure ci-dessous  ; trois correspondant à un statut menacé.

LISTES ROUGES RÉGIONALES

L’UICN réalise des listes rouges aux échelles mondiale et nationale et a pro-posé une méthodologie pour conduire une évaluation à l’échelle régionale (UICN, 2011).

En Rhône-Alpes, une première liste rouge régionale a été publiée en 2008 (De Thiersant & Deliry, 2008) par le CORA Faune sauvage d’après les données dis-ponibles et à dire d’experts.

Tableau 1 : Catégories définies par l’UICN

Figure 1 : Couverture de la liste rouge de 2008

Révision des listes rouges des Amphibiens, Chiroptères et Reptiles en Rhône-Alpes

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Nom français Nom latin Statut Critères

Triton ponctué Lissotriton vulgaris EN B(1+2)ab(iii,iv)

Pélobate cultripède Pelobates cultripes EN B(1+2)ab(ii,iii,iv) C2ai

Triton crêté Triturus cristatus EN A4ce

Sonneur à ventre jaune Bombina variegata VU A4ce

Rainette verte Hyla arborea VU A4ce B(1+2)ab(i, ii, iii,iv)

Salamandre noire Salamandra atra VU D2

Crapaud calamite Epidalea calamita NT pr. B2biii

Pélodyte ponctué Pelodytes punctatus NT pr. B2b(iii)

Grenouille rousse Rana temporaria NT pr. A3c

Grenouille verte Pelophylax kl. esculentus DD  

Grenouille verte de Lessona Pelophylax lessonae DD  

Alyte accoucheur Alytes obstetricans LC  

Crapaud commun Bufo bufo LC  

Crapaud épineux Bufo spinosus LC  

Rainette méridionale Hyla meridionalis LC  

Triton alpestre Ichthyosaura alpestris LC  

Triton palmé Lissotriton helveticus LC  

Grenouille agile Rana dalmatina LC  

Salamandre tachetée Salamandra salamandra LC  

Grenouille rieuse Pelophylax ridibundus NA  

Triton crêté d’Italie Triturus carnifex NA  

Grenouille de Graf Pelophylax kl. Grafi NE  

Suite à la publication de l’atlas des Chauves-souris de Rhône-Alpes (Groupe Chiroptères de la LPO Rhône-Alpes, 2014), et dans le cadre de la réalisation de l’atlas des Amphibiens et Reptiles de Rhône-Alpes (GHRA – LPO Rhône-Alpes, 2015), une révision des statuts de ces taxons a été entreprise. Ce travail s’est basé sur l’ensemble des données mobili-sées pour les atlas et l’évaluation a été ré-alisée grâce à la méthodologie de l’UICN. Il a été labellisé par l’UICN le 21 mai 2015 et validé par le Conseil scientifique régio-nal de protection de la nature (CSRPN) le 26 mai 2015.

Les résultats de l’évaluation de 2015 sont présentés dans les tableaux ci-contre. Ils précisent pour chacune des espèces, le statut qui a été attribué et les critères le justifiant. La méthodologie de l’UICN les explicite. Les éléments justifiant les cri-tères sont listés à la fin de l’article. Des fiches synthétiques de présentation des résultats sont consultables sur http://fau-nerhonealpes.org

Tableau 2 : Liste rouge des Amphibiens de Rhône-Alpes (statuts et critères évalués en 2015)

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Nom français Nom latin Statut Critères

Psammodrome d’Edwards Psammodromus edwarsianus CR B1ab(iii)

Cistude d’Europe Emys orbicularis EN B(1+2)ab(iii)

Lézard ocellé Timon lepidus EN B2ab(ii, iii, iv)

Vipère péliade Vipera berus EN B2ab(iii)

Seps strié Chalcides striatus NT pr. A2c pr. B(1+2)biii

Coronelle lisse Coronella austriaca NT pr. B2b(iii,iv)

Lézard agile Lacerta agilis NT pr. B2b(iii)

Couleuvre à échelons Rhinechis scalaris NT pr. A2c

Lézard vivipare Zootoca vivipara NT pr. A3b

Orvet fragile Anguis fragilis LC  

Coronelle girondine Coronella girondica LC  

Couleuvre verte et jaune Hierophis viridiflavus LC  

Lézard vert occidental Lacerta bilineata LC  

Couleuvre de Montpellier Malpolon monspessulanus LC  

Couleuvre vipérine Natrix maura LC  

Couleuvre à collier Natrix natrix LC  

Lézard catalan Podarcis liolepis LC  

Lézard des murailles Podarcis muralis LC  

Vipère aspic Vipera aspis LC  

Couleuvre d’Esculape Zamenis longissimus LC  

Tarente de Maurétanie Tarentola mauritanica NA  

Tortue de Floride Trachemys scripta NA  

Tableau 3 : Liste rouge des Reptiles de Rhône-Alpes (statuts et critères évalués en 2015)

Pélodyte ponctué Pelodytes punctatus © A. Movia

Révision des listes rouges des Amphibiens, Chiroptères et Reptiles en Rhône-Alpes

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Nom français Nom latin Statut Critères

Minioptère de Schreibers Miniopterus schreibersii EN B2ab(iii)

Petit Murin Myotis blythii EN B2ab(iii)

Murin de Capaccini Myotis capaccinii EN B(1+2)ab(iii)

Rhinolophe euryale Rhinolophus euryale EN B2ab(iv)

Grand rhinolophe Rhinolophus ferrumequinum EN B2ab(iv)

Murin de Bechstein Myotis bechsteinii VU C1

Sérotine de Nilsson Eptesicus nilssonii NT pr. B2b(iii)

Murin d’Alcathoé Myotis alcathoe NT pr. B2b(iii)

Murin de Brandt Myotis brandtii NT pr. B2b(iii)

Murin à oreilles échancrées Myotis emarginatus NT pr. A4c B2b(iii)

Grand Murin Myotis myotis NT B2b(iii)

Noctule de Leisler Nyctalus leisleri NT pr. A3c

Noctule commune Nyctalus noctula NT pr. B2b(iii)

Pipistrelle de Nathusius Pipistrellus nathusii NT pr. B2b(iii)

Pipistrelle pygmée Pipistrellus pygmaeus NT pr. B2b(iii)

Oreillard montagnard Plecotus macrobullaris NT pr. B2b(iii)

Petit rhinolophe Rhinolophus hipposideros NT pr. B2b(iii,iv)

Grande Noctule Nyctalus lasiopterus DD  

Sérotine bicolore Vespertilio murinus DD  

Barbastelle d’Europe Barbastella barbastellus LC  

Sérotine commune Eptesicus serotinus LC  

Vespère de Savi Hypsugo savii LC  

Murin de Daubenton Myotis daubentonii LC  

Murin à moustaches Myotis mystacinus LC  

Murin de Natterer Myotis nattereri LC  

Pipistrelle de Kuhl Pipistrellus kuhlii LC  

Pipistrelle commune Pipistrellus pipistrellus LC  

Oreillard roux Plecotus auritus LC  

Oreillard gris Plecotus austriacus LC  

Molosse de Cestoni Tadarida teniotis LC  

Tableau 4 : Liste rouge des Chauves-souris de Rhône-Alpes (statuts et critères évalués en 2015)

Colonie de reproduction de barbastelle d’Europe Barbastella barbastellus © Y. Peyrard

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Amphibiens Reptiles Chauves-souris

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Amphibiens Reptiles Chauves-souris

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Amphibiens Reptiles Chauves-souris

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espèces en danger de disparition

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espèces "quasi-menacées"

espèces pour lesquelles les meilleuresdonnées disponibles ne permettent pasd'évaluer le statut de conservation

espèces présentant un faible risque de disparition

EVOLUTION DES STATUTS

Les graphiques ci-après permettent de vi-sualiser l’évolution de la distribution des statuts entre les évaluations de 2008 et de 2015.

De manière générale, la part d’espèces menacées a diminué entre les deux éva-luations et ce pour les trois groupes.

Ce changement de statut n’est pas le reflet d’une amélioration de l’état de

conservation des espèces concernées (à l’exception de la cistude d’Europe) mais plutôt celui d’une amélioration des connaissances sur la répartition des es-pèces évaluées et sur la taille de leur po-pulation. En effet, pour plusieurs espèces, la taille des populations a vraisemblable-ment été sous-évaluée ce qui a conduit à surévaluer leur statut de menace.

Figure 2 : Évolution de la répartition des statuts de menace entre 2008 et 2015 par groupe d’espèces

Révision des listes rouges des Amphibiens, Chiroptères et Reptiles en Rhône-Alpes

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Nom français Statut Critères Précisions

Triton ponctué EN B(1+2)ab(iii,iv)

Zone d’occurrence 522km², zone d’occupation 24 km², 3 stations, dégradation de l’habitat au sein des stations connues, disparition de stations

Pélobate cultripède EN B(1+2)ab(ii,iii,iv) C2ai

Zone d’occurrence 707 km², zone d’occupation 24 km², sévèrement fragmentée (plusieurs dizaines de kilomètres entre les stations), disparation récente de plusieurs stations

Triton crêté EN A4ce

Disparition en 20 ans de plus de la moitié des stations connues en Isère, contraction de son aire de répartition dans l’Est de la région, arrivée du triton crêté d’Italie

Sonneur à ventre jaune VU A4ce

Sur 30 ans (20 passé, 10 futur), diminution des populations estimée à plus de 30% (drainage zone humide, artificialisation des milieux, compétition avec grenouille rieuse)

Rainette verte VU A4ce B(1+2)ab(i, ii, iii,iv)

Contraction de la zone d’occupation de plus de 30% (disparition de stations dans la partie alpine de la région, et contraction sur l’Isle Crémieu) - zone d’occurrence = 16561 km², zone d’occupation = 1224 km² - 2 à 3 noyaux de populations déconnectés

Salamandre noire VU D2Population estimée à moins de 1000 individus dans une seule station, pas d’observation depuis 2000

Crapaud calamite NT pr. B2biiiAire d’occupation = 2292 km², disparition de populations dans certains secteurs (Rhône notamment)

Pélodyte ponctué NT pr. B2b(iii)Zone d’occupation 916 km², disparition de plusieurs stations dans le nord de la région (urbanisation, drainage de zones humides)

Grenouille rousse NT pr. A3c

Sur les 60 années à venir, diminution de pratiquement 30% de la surface d’habitats favorables d’après un travail de modélisation présenté dans l’atlas

Grenouille verte DD   Manque d’informations pour évaluer son statut

Grenouille verte de Lessona DD  

Manque d’informations pour évaluer son statut, vraisemblablement menacée par l’arrivée de la grenouille rieuse

Crapaud commun LC  

Cette espèce est présente sur la partie nord de la région. Des sous-populations semblent diminuer localement mais les éléments disponibles ne conduisent pas à lui attribuer un statut de menace.

Crapaud épineux LC  

Cette espèce décrite récemment, semble être largement distribuée sur la région. Les connaissances sont parcellaires mais rien ne laisse entrevoir un statut de conservation défavorable.

DÉTAILS DES CRITÈRES DE NOTATION

Le tableau suivant liste pour les espèces menacées et quasiment menacées, les élé-ments justifiant les critères retenus lors de l’évaluation.

Tableau 5 : Détail des critères de notation pour les Amphibiens

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Espèces Statut Critères Précisions

Psammodrome d’Edwards CR B1ab(iii)

Zone d’occurrence 94 km², populations sévèrement fragmentées au sein de l’aire de présence, et diminution de l’étendue et de la qualité de l’habitat (déprise agricole et urbanisation)

Cistude d’Europe EN B(1+2)ab(iii)Zone d’occurrence 7800 km² zone d’occupation 256 km², sévèrement fragmentée, déclin de la qualité de son habitat (zones humides et sites de ponte)

Lézard ocellé EN B2ab(ii, iii, iv)

Zone d’occupation : 416 km², populations sévèrement fragmentées au sein de son aire de présence, disparition récente de plusieurs stations entrainant une contraction et une fragmentation de son aire de répartition

Vipère péliade EN B2ab(iii)Zone d’occupation 200 km², sévèrement fragmentée, déclin de la qualité de son habitat (fermeture des milieux notamment)

Seps strié NT pr. A2c pr. B(1+2)biii

La fermeture des milieux a été très importante dans le sud de la région (déprise agricole) et de nombreux secteurs naturels ont été urbanisés ce qui a très probablement fortement contraint la zone d’occupation de cette espèces très liées aux prairies.

Coronelle lisse NT pr. B2b(iii,iv) Zone d’occupation 1392 km² et dégradation de la qualité de l’habitat

Lézard agile NT pr. B2b(iii) Zone d’occupation 596 km², dégradation des milieux semi-ouverts fermetures ou exploitation)

Couleuvre à échelons NT pr. A2c

Sur 30 ans, diminution de son habitat probablement supérieure à 30% (déprise agricole et fermeture des milieux, urbanisation)

Lézard vivipare NT pr. A3b

Diminution de plus de 50% de la surface d’habitats favorable sur 60 ans d’après un travail de modélisation à paraitre dans l’atlas régional, réalisé avec l’Université de Lyon, minoré par précaution

Tableau 6 : Détail des critères de notation pour les Reptiles

Sonneur à ventre jaune Bombina variegata © B. Tranchand

Révision des listes rouges des Amphibiens, Chiroptères et Reptiles en Rhône-Alpes

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Espèces Statuts Critères Précisions

Minioptère de Schreibers EN B2ab(iii)

Surface d’occupation 8km² (2 colonies d’hivernage et 2 colonies de parturition), déclin de la qualité de l’habitat par l’intensification des pratiques agricoles, artificialisation des milieux et dérangement du milieu souterrain

Petit Murin EN B2ab(iii)

Surface d’occupation 52km², population sévèrement fragmentée (noyau alpin séparé de celui du sud de la région) et déclin de la qualité de l’habitat (disparition des prairies)

Murin de Capaccini EN B(1+2)ab(iii)

zone d’occurrence 2472 km² zone d’occupation 12 km², 3 colonies de parturition, dérangement régulier dans plusieurs cavités et diminution de la surface de ripisylves

Rhinolophe euryale EN B2ab(iv)

Zone d’occurrence 10881 km² zone d’occupation 12 km², seulement 1 gîte d’hivernage et 3 colonies de reproduction, dégradation des milieux favorables à la chasse (ripisylves notamment) et aux gîtes (rénovation des bâtiments et dérangement en milieu souterrain)

Grand rhinolophe EN B2ab(iv)Surface d’occupation 100km², population fragmentée en plusieurs noyaux, disparition récente de plusieurs colonies

Murin de Bechstein VU C1

Moins de 10 000 individus et déclin estimé à au moins 10% en 3 générations en raison de l’intensification des pratiques sylvicoles et de l’exploitation du bois énergie

Sérotine de Nilsson NT pr. B2b(iii)

Zone d’occupation 384 km², l’artificialisation des zones d’altitude (domaines skiables et traitements antiparasitaires des cheptels) réduit probablement la ressource alimentaire

Murin d’Alcathoé NT pr. B2b(iii)

Zone d’occupation 460 km² et diminution probable de la qualité de l’habitat par diminution du nombre d’arbres sénescents en forêt et intensification de l’exploitation de certains peuplements

Murin de Brandt NT pr. B2b(iii)Zone d’occupation 512 km² et diminution de la qualité de l’habitat forestier (intensification des pratiques)

Murin à oreilles échancrées NT pr. A4c - pr.

B2b(iii)

Diminution des milieux favorables à la chasse (ripisylve notamment) par la destruction et l’exploitation des ripisylves. Les gîtes de reproduction, essentiellement situés en milieu bâti subissent la pression des rénovations.

Grand Murin NT B2b(iii)

Surface d’occupation 48 km² et diminution du nombre de gîtes favorables à la reproduction par rénovation des bâtiments notamment mais également dérangement en milieu souterrain

Noctule de Leisler NT pr. A3cRéduction supposée dans le futur sur la base de l’exploitation forestière (ressources en gîtes et qualité de l’habitat)

Noctule commune NT pr. B2b(iii) Zone d’occupation 1268 km² et diminution probable de la ressource en gîte (arbre à cavité)

Pipistrelle de Nathusius NT pr. B2b(iii) Zone d’occupation 1536 km² et diminution probable

de la ressource en gîte (arbre à cavité)

Pipistrelle pygmée NT pr. B2b(iii)Zone d’occupation 1324 km², diminution probable de la ressource en gîte (arbre à cavité) et réduction des ripisylves

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Oreillard montagnard NT pr. B2b(iii)

Zone d’occupation 228 km² et diminution probable de qualité des milieux de chasse artificialisation des zones d’altitude domaines skiables et traitements antiparasitaires des cheptels qui réduit probablement la ressource alimentaire

Petit rhinolophe NT pr. B2b(iii,iv)

Zone d’occupation 712 km², diminution des milieux favorables à l’espèce pour la chasse et pour les gîtes (rénovation des bâtiments, dérangement en milieu souterrain)

Grande noctule DD  Trop peu d’informations disponibles pour une évaluation objective de son statut (aucun gîte connu par exemple2)

Sérotine bicolore DD  

Trop peu d’informations disponibles (1 seul gîte estival connu) pour une évaluation objective de son statut et amélioration des connaissances récentes liée à de nouvelles méthodes d’études (détection acoustique)

REMERCIEMENTS

De très nombreuses personnes ont contribué à ces évaluations, elles en sont toutes remerciées :

▶ révision de la liste rouge chauves-souris : Myrtille Bérenger, Jean-François Desmet, Gérard Issartel, Loren Kubarek, Nicolas Lorenzini, Jean-Claude Louis, Robin Letscher, Michaël Sol, Olivier Sousbie, Stéphane Vincent

▶ révision des listes rouges amphi-biens et reptiles : Hugo Cayuela, Romain Chazal, Christophe D’Adamo, Cyrille Deliry, Jean-François Desmet, Baptiste Doutau, Rémi Duguet, Nicolas Dupieux, Benoit Feuvrier, Rémi Fonters, Stéphane Gardien, Jean-Luc Grossi, Christine Gur, Thierry Lengagne, Luc Mery, André Miquet, Alexandre Movia, Olivier Peyronel, Ludivine Quay, Raphaë Quesadal, Alexandre Roux, Emmanuel Vericel.

Nous remercions également tous les ob-servateurs nous ayant transmis leurs don-nées. Celles-ci ont été prises en compte pour réaliser ces évaluations. 

BIBLIOGRAPHIE

De Thiersant M.P. & Deliry C. (coord.) (2008) Liste Rouge des Vertébrés Terrestres de la région Rhône- Alpes.  CORA Faune Sauvage : 263 pp. 

Groupe Chiroptères de la LPO Rhône-Alpes (2014) Les chauves-souris de Rhône-Alpes, LPO Rhône-Alpes, Lyon, 480 p

GHRA – LPO Rhône-Alpes. (2015). Les Amphibiens et Reptiles de Rhône-Alpes. LPO Coordination Rhône-Alpes, Lyon, 448 pp.

UICN (2012). Catégories et Critères de la Liste rouge de l’UICN : Version 3.1 Deuxième édition. Gland, Suisse et Cambridge, Royaume-Uni : UICN. vi + 32pp. Originalement publié en tant que IUCN Red List Categories and Criteria: Version 3.1 Second edition. (Gland, Switzerland and Cambridge, UK: IUCN, 2012)

UICN France (2011). Guide pratique pour la réalisation de Listes rouges régionales des espèces menacées - Méthodologie de l’UICN & démarche d’élaboration. Paris, France

2. En date de l’évaluation

Tableau 7 : Détail des critères de notation pour les Chauves-souris

Révision des listes rouges des Amphibiens, Chiroptères et Reptiles en Rhône-Alpes

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MISE À JOUR DES STATUTS DE CONSERVATION DES ESPÈCES VERTÉBRÉES TERRESTRES DU DÉPARTEMENT DE L’ISÈRE

1. LPO Isère, 5 place Bir Hakeim 38000 Grenoble - [email protected]

Audrey THIERY, volontaire en service civique, LPO Isère1

Anaëlle ATAMANIUK, chargée d’études faune spécialisée base de données et SIG, LPO Isère1

Rémi FONTERS, chargé de missions faune, LPO Isère1

RÉSUMÉLes statuts de conservation, définis par les listes rouges de l’Union internationale pour la conservation de la nature, indiquent le risque de disparition des espèces sur une zone géographique donnée, et sont un outil d’alerte sur l’état de la biodiversité. La troi-sième version de ces statuts a été établie pour 326 espèces de vertébrés terrestres présentes en Isère, et il apparaît que près d’un quart des espèces évaluées sont me-nacées de disparition en Isère. Bien que la situation semble s’améliorer pour certaines espèces, notamment certaines faisant l’objet de plans de conservation, d’autres restent très menacées et seront en passe de dispa-raître si aucune mesure n’est prise. Par la suite, ces statuts serviront de base de ré-flexion lors de l’élaboration des priorités de conservation au niveau départemental.

ABSTRACTConservation statuses, as defined by the IUCN Red Data lists, indicate species which are in danger of disappearing from a given geographical area. They give out warning signals on the state of its biodi-versity. The third version of these status-es has been established for 326 species of terrestrial vertebrates present in the Isère department (France). From this it appears that nearly a quarter of the spe-cies studied in this department are un-der threat. Although the situation seems to be improving for some species, nota-bly those which benefit from conserva-tion programmes, others remain under serious threat and risk disappearing al-together if no measures are undertaken. These statuses will then serve as a basis for elaborating conservation priorities at the departmental level.

Figure 1 : Bouquetin © A. Gagne

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INTRODUCTION

Afin de mieux connaître les espèces et les espaces qui nous entourent, les protéger et les gérer de manière efficace, il est né-cessaire de disposer des outils adéquats. En développant les listes rouges des es-pèces menacées et en définissant des ca-tégories et des critères applicables à tous les taxons, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a dé-veloppé un outil de référence pour éva-luer le risque de disparition des espèces (UICN 2001). Ces dernières décennies, des réflexions ont eu lieu en Rhône-Alpes et en Isère à ce sujet, et plusieurs listes rouges régionales (De Thiersant et Deliry 2008) et départementales (Deliry et Loose 1996a, Deliry et Loose 1996b, Loose et al. 2008) ont déjà été publiées. C’est donc un travail qui a déjà fait ses preuves, et c’est dans cette continuité qu’en 2015 la LPO Isère a coordonné la mise à jour de la 3ème version des statuts de conservation de la faune vertébrée terrestre de l’Isère. En partenariat avec le Département de l’Isère et avec l’aide de nombreuses autres structures départementales ou

régionales (réseau patrimoine naturel de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) Isère, Conservatoire d’espaces naturels, Fédération des chas-seurs, Office national de la chasse et de la faune sauvage, Parcs naturels, spécia-listes indépendants), elle s’est attelée à passer en revue plus de 300 espèces de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens et de reptiles présentes et se reproduisant en Isère, pour évaluer leurs risques de disparition à l’échelle du département. La méthodologie utilisée et une synthèse des résultats obtenus sont présentés ici.

MÉTHODOLOGIE

La méthode utilisée pour établir les sta-tuts de conservation de la faune verté-brée terrestre en Isère est celle proposée par l’UICN France, qui a publié un guide présentant la démarche d’élaboration des listes rouges régionales applicable à l’échelle des régions administratives françaises (UICN France 2011). Cette dé-marche consiste dans un premier temps à appliquer aux populations de la ré-gion considérée les 5 grands critères

Figure 2 : Grenouille rousse - classée en « quasi menacé » et dont le statut s’est dégradé depuis 2008 © H. Coffre

Mise à jour des statuts de conservation des espèces vertébrées terrestre du département de l’Isère

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d’évaluation définis par l’UICN. Ceux-ci prennent en compte la répartition géogra-phique de l’espèce, le nombre d’individus matures, l’existence d’une fragmentation de la population ou encore l’identification de menaces pesant sur leur habitat. Cette évaluation se fait sur un pas de temps de 10 ans ou 3 générations (la plus longue des 2 durées est retenue). Cependant, notre évaluation s’effectuant non pas à l’échelle d’une région mais d’un dé-partement, certains seuils ne sont plus adaptés. C’est le cas notamment du cri-tère « répartition géographique »  : avec une zone d’occurrence (aire de réparti-tion) inférieure à 20 000 km², les espèces sont classées en « vulnérable ». Sachant que l’Isère a une superficie de 7431 km², toutes les espèces évaluées seraient me-nacées de disparition sur ce critère. Mais au lieu de modifier les valeurs de ces seuils (ce qui avait été fait en 1996), il a été décidé de procéder comme en 2008 et de les enlever de la grille d’évaluation (figure 2).

Une fois cette première étape réalisée, il est nécessaire de procéder ensuite à l’adaptation régionale proprement dite proposée par l’UICN. Celle-ci consiste à prendre en compte les flux de popula-tions entre les régions limitrophes, en évaluant l’immigration possible de repro-ducteurs ainsi que la situation des popu-lations extra-départementales.

À l’issue de cette évaluation, chaque es-pèce se retrouve classée dans l’une des 8 catégories définies par l’UICN et retenues pour notre travail :

▶ Disparue au niveau régional (RE)  : regroupe les espèces qui ne sont plus présentes dans le département mais qui peuvent subsister ailleurs.

▶ En danger critique d’extinction (CR), en danger d’extinction (EN) et vulné-rable (VU)  : rassemblent les espèces menacées de disparition à des degrés plus ou moins élevés.

▶ Quasi menacée (NT)  : correspond aux espèces qui ne sont pas menacées mais qui sont proches de remplir les critères.

▶ Préoccupation mineure (LC)  : concerne les espèces ayant un faible risque de disparition.

▶ Données insuffisantes (DD)  : s’ap-plique aux espèces pour lesquelles nous ne disposons pas d’assez d’infor-mations pour appliquer les critères.

▶ Non applicable (NA)  : regroupe les espèces qui ne sont pas concernées par ce classement (les espèces introduites, visiteuses, reproductrices occasion-nelles ou régulières mais depuis moins de 10 ans).

Les données utilisées lors de cette éva-luation proviennent en grande partie de la base de données de Faune-Isère (www. faune-isere.org), le portail collabo-ratif de science participative sur la bio-diversité en Isère, qui compte à ce jour plus de 1 400 000 observations. À celles-ci s’ajoutent les données sur l’évolution des effectifs des populations obtenues grâce aux actions menées par la LPO Isère et les naturalistes isérois, comme les suivis STOC (suivi temporel des oiseaux com-muns) réalisés annuellement depuis 2001 ou les suivis des oiseaux des prairies de fauche. Les surfaces des zones d’occu-pation et des zones d’occurrence ont été estimées en cartographiant les aires de répartition par un système d’information géographique. Enfin, ces données ont pu être complétées par des recherches bibliographiques et par la sollicitation du monde naturaliste départemental et régional.

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Synthèse des critères d'évaluation

A1.

A2.

A3. Réduction prévue ou supposée dans le futur

A4.

B. Répartition géographique

B1. Zone d'occurrence < 100 km² - -

B2. Zone d'occupation < 10 km² < 500 km² < 2 000 km²

(a) ≤ 5 ≤ 10

(b)

(c)

C. Petite population et déclin

Nombre individus matures < 250 < 2 500 -

C1. Déclin continu estimé

C2. Déclin continu

< 50 < 250 < 1 000

% individus dans une sous-pop 95 - 100% 100%

(b)

D. Population très petite ou restreinte géographiquement

D1. Nombre individus matures < 50 < 250 < 1 000

D2.- -

Indiquant une probabilité d'extinction dans la nature

En danger critique (CR)

En danger (EN)

Vulnérable(VU)

A. Réduction de la population (sur plus longue des 2 durées : 10 ans ou 3 générations)

Réduction constatée ou supposée dans le passé quand les causes ont cessé

≥ 90 % ≥ 70 % ≥ 50 %

Réduction constatée ou supposée dans le passé quand les causes n'ont pas cessé

≥ 80 % ≥ 50 % ≥ 30 %

≥ 80 % ≥ 50 % ≥ 30 %

Réduction constatée ou supposée passée et avenir quand les causes n'ont pas cessé

≥ 80 % ≥ 50 % ≥ 30 %

en se basant sur : (a) observation directe, (b) indice d'abondance, (c) réduction des zones d'occurrence ou d'occupation et/ou de la qualité de l'habitat, (d) niveaux d'exploitations, (e) autres menaces

ET au moins 2 des 3 conditions :

Sévèrement fragmentée OU nb localités '=1

Déclin continu de : (i) zones d'occurrence ou (ii) d'occupation, (iii) superficie et/ou qualité de l'habitat,(iv) nb de localités ou sous-pop, (v) nb individus matures

Fluctuations extrêmes de : (i) zones d'occurrence ou (ii) d'occupation, (ii) nb de localités ou sous-pop, (iv) nb individus matures

ET sous-critères C1 ou C2 : 25 % en 3 ans ou 1 génération

20 % en 5 ans ou 2 générations

10 % en 10 ans ou 3 générations

ET une des 3 conditions :

(a) (i) Nb individus matures dans chaque sous-pop

(a) (ii) 90 - 100 %

Fluctuations extrêmes nb individus matures

Zone d'occupation restreinte OUnb localités limité et susceptible d'être affecté à l'avenir

< 20 km² ou ≤ 5 localités

E. Analyse quantitative (sur 100 maximum)

≥ 50 % sur 10 ans ou 3

générations

≥ 20 % sur 20 ans ou 5

générations

≥ 10 % sur 100 ans

Figure 2 : Synthèse des critères et sous-critères d’évaluation et valeurs des seuils utilisés. Les valeurs seuils de la zone d’occurrence des catégories « vulnérable » et « en danger » (critère B) et le nombre d’individus matures de la catégorie « vulnérable » (critère C) ont été enlevés.

Mise à jour des statuts de conservation des espèces vertébrées terrestre du département de l’Isère

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RE CR EN VU NT LC DD NA

MAMMIFERES Toutes espèces 1 2 5 6 14 41 14 9 92 13 14%

Chiroptères - 1 3 3 8 10 4 1 30 7 23%

Autres ordres 1 1 2 3 6 32 9 8 62 6 10%

OISEAUX Toutes espèces 17 15 19 19 28 79 4 19 200 53 27%

2 3 2 3 - 6 - 1 17 8 47%

1 - 1 3 - 2 - 3 10 4 40%

- - - - - 2 - - 2 0 0%

- - - - - 1 - - 1 0 0%

Charadriiformes 1 2 3 2 - - - 3 11 7 64%

1 - 4 - - 1 - 1 7 4 57%

- - - 1 1 2 - 1 5 1 20%

- - 1 1 1 - - 1 4 2 50%

- - - - - 1 - - 1 0 0%

Galliformes 1 - - 2 2 - 1 5 11 2 18%

4 1 - - 1 2 - - 8 1 13%

6 9 7 3 21 54 2 4 106 19 18%

1 - 1 - - 4 1 - 7 1 14%

- - - - - 2 - - 2 0 0%

Strigiformes - - - 4 2 2 - - 8 4 50%

REPTILES Toutes espèces 1 1 1 - 2 9 - 2 16 2 13%

1 1 - - 2 9 - 1 14 1 7%

- - 1 - - - - 1 2 1 50%

AMPHIBIENS Toutes espèces - 1 1 4 2 4 4 2 18 6 33%

Anoures - - 1 3 2 1 4 2 13 4 31%

Urodèles - 1 - 1 - 3 - - 5 2 40%

TOTAL 18 17 21 29 46 133 22 32 326 67 21%

Nombre espèces évaluées

Nombre espèces

menacées

% espèces menacées

Accipitriformes

Anseriformes

Apodiformes

Caprimulgiformes

Ciconiiformes

Columbiformes

Coraciiformes

Cuculiformes

Gruiformes

Passeriformes

Piciformes

Podicipediformes

Squamates

Testudines

RÉSULTATS

Les nouveaux statuts de conservationAu total, 326 taxons de la faune vertébrée terrestre ont été évalués  : 92 mammi-fères, 200 oiseaux, 18 amphibiens et 16 reptiles. Les 3 catégories « vulnérable », « en danger » et « en danger critique », qui correspondent aux espèces mena-cées de disparition, rassemblent 23 % des espèces évaluées, tous taxons confon-dus (figure 3). Les catégories « quasi me-nacé » et « données insuffisantes », qui regroupent des espèces potentiellement menacées, ou qui risquent de le devenir, rassemblent 21  % des espèces. Ce sont donc au total 141 espèces qui présentent un statut de conservation défavorable en Isère.

En considérant les différents groupes, ce sont 33 % des amphibiens, 27 % des oi-seaux, 14  % des mammifères (23  % des chiroptères et 10  % des autres mammi-fères) et 13 % des reptiles qui sont mena-cés de disparaître du département (figure 3).

En s’intéressant d’un peu plus près aux oi-seaux, il apparaît que certains ordres sont plus menacés que d’autres (figure 3). Le cas le plus préoccupant est celui des cha-radriiformes (limicoles, goélands, etc.). Sur les 11 espèces évaluées, près des deux-tiers sont menacés de disparition (comme le vanneau huppé Vanellus vanel-lus et le courlis cendré Numenius arquata), et les autres sont soit déjà disparues (gui-fette noire Chlidonias niger), soit en « non applicable ». Également, les trois-quarts des strigiformes (rapaces nocturnes) et

Figure 3 : Nombre d’espèces classées dans chacune des catégories et pourcentage d’espèces menacées, pour chaque grand groupe et chaque ordre.

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Statut inchangé Moins menacées Plus menacées Autres

MAMMIFERES 50 15 3 24

Chiroptères 11 10 - 9

Autres ordres 39 5 3 15

OISEAUX 120 20 30 30

REPTILES 15 1 - -

AMPHIBIENS 11 2 1 4

TOTAL 196 38 34 58

des coraciiformes (huppe fasciée Upupa epops, guêpier d’Europe Merops apiaster, etc.) ont un statut défavorable, avec la moitié des espèces effectivement mena-cées de disparition.

Évolution des statuts depuis la dernière mise à jour en 2008Une comparaison a été faite entre les sta-tuts de 2015 et ceux de la dernière liste rouge départementale de 2008 (Loose et al. 2008). Sur les 326 espèces évaluées, 60 % ont le même statut de conservation qu’en 2008. Près de 12  % sont considé-rés comme moins menacés, mais 10  % ont un risque de disparition plus élevé. La colonne « autres » représente 20  % des espèces et comprend les espèces nou-vellement évaluées ou classées, celles qui sont sorties ou entrées dans la catégorie « données insuffisantes » (figure 4).

Pour les mammifères (hors chiroptères), cette tendance se confirme  : près des deux-tiers des espèces ont le même statut qu’en 2008. Environ 8 % des espèces ont vu leur statut s’améliorer (comme le cas-tor d’Eurasie Castor fiber), et seulement 5 % sont considérés comme plus menacés qu’avant (bouquetin des Alpes Capra ibex, hérisson d’Europe Erinaceus europaeus et campagnol fouisseur Arvicola scherman). Huit espèces pour lesquelles les données

étaient jugées insuffisantes pour l’évalua-tion en 2008 sont maintenant classées, mais à l’inverse 4 espèces qui avaient un statut de risque de disparition sont pas-sées dans la catégorie « données insuf-fisantes ». Cette situation peut paraître assez étonnante  ; mais lors de cette ré-évaluation trop de questions se posent encore, et il n’est pas possible d’appliquer de manière consensuelle les critères. Globalement, le statut des chiroptères est meilleur en 2015 qu’en 2008. En effet, un tiers des espèces est considéré comme moins menacé qu’en 2008. Un autre tiers a gardé le même statut qu’en 2008, et au-cune espèce n’a un statut de menace plus élevé. Enfin, notons que le rhinolophe euryale (Rhinolophus euryale) était consi-déré disparu du département en 2008 et a cette fois-ci été classé « en danger cri-tique d’extinction ».

Sur les 16 espèces de reptiles, une seule a changé de statut : la coronelle girondine (Coronella girondica), dont le statut s’est amélioré en passant de « en danger cri-tique » à « quasi menacé ». Plus de 60 % des amphibiens (11 espèces) ont un statut inchangé. Deux espèces ont vu leur situa-tion s’améliorer (triton crêté Triturus cris-tatus et sonneur à ventre jaune Bombina variegata), mais une espèce a vu son sta-tut se dégrader (grenouille rousse Rana temporaria).

Figure 4 : Évolution des statuts des espèces pour les différents taxons par rapport à la liste rouge départementale de 2008.

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Concernant les oiseaux, 60 % des espèces ont le même statut qu’en 2008, 10 % ont vu leur statut s’améliorer, mais 15 % ont été classés dans une catégorie de menace plus élevée. Six espèces pour lesquelles les données étaient insuffisantes sont maintenant classées. Et fait intéressant, 3 espèces qui étaient considérées dispa-rues du département en 2008 sont à nou-veau considérées nicheuses régulières en Isère (sterne pierregarin Sterna hirundo, pic mar Dendrocopos medius et pipit rous-seline Anthus campestris).

DISCUSSION

En regardant sur quels critères les es-pèces sont le plus souvent classées comme menacées, il apparaît qu’une des principales menaces qui pèsent sur ces espèces est la disparition ou la dégrada-tion de leur habitat. Et cela est en particu-lier très marqué pour les zones humides. Nous constatons par exemple que les amphibiens, très liés à ces milieux, sont les plus en danger, avec un tiers des es-pèces qui est menacé de disparition. La problématique de la restriction de la zone de répartition, ainsi que sa fragmenta-tion, sont également des critères souvent avancés.

Concernant l’évolution des statuts depuis la dernière liste rouge, nous notons qu’il y a presque autant d’espèces dont le sta-tut s’est amélioré que d’espèces ayant un statut plus défavorable. L’amélioration des statuts de conservation peut être le résultat positif d’actions de protection ou de sauvegarde. Par exemple, le son-neur à ventre jaune, le triton crêté ou la coronelle girondine ont fait l’objet de re-cherches approfondies, et des actions de conservations ont pu être mises en place en Isère (Réserves, ENS, plans d’actions, etc.) pour sauver les populations. Mais ce phénomène peut également s’expliquer par la progression des méthodes et des

efforts de prospections menés sur les es-pèces ces dernières années, aboutissant à une amélioration des connaissances et à une évaluation plus juste de leur risque de disparition (qui était peut-être jusque là sur-estimé). Cela est le cas pour les chiroptères, dont les méthodes de détec-tion (notamment acoustiques) et d’en-registrement ont beaucoup progressé depuis la dernière évaluation.

Bien que depuis 2008, aucune espèce n’ait disparu du département, certaines sont malheureusement en passe de le devenir, comme le milan royal (Milvus mil-vus) ou le râle des genêts (Crex crex) pour lesquels la situation est vraiment critique. Et bien que 4 espèces soient revenues en Isère, l’aggravation du statut de conserva-tion de plus de 30 autres, et cela malgré cette amélioration des connaissances, indique un réel danger qui pèse sur ces espèces.

CONCLUSION

Les résultats encourageants obtenus pour certaines espèces faisant l’objet de programmes de sauvegarde nous incitent à poursuivre nos efforts en ce sens. À l’in-verse, le constat de la dégradation du statut de plus d’une trentaine d’espèces nous alerte sur les menaces qui pèsent sur ces dernières ainsi que sur les mi-lieux. Ces résultats mettent également en lumière le manque de connaissances qui subsiste pour la vingtaine d’espèces clas-sées en « données insuffisantes », dont un grand nombre de micromammifères.

Cette liste des statuts de conservation va être diffusée et mise à disposition de tous les acteurs locaux de la conservation de la biodiversité  : naturalistes, gestion-naires d’espaces naturels, collectivités, associations naturalistes, etc. Ces sta-tuts pourront entre autre servir d’argu-ments lors de la définition des priorités de conservation, ou lors de l’élaboration

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des plans d’actions pour les espèces prio-ritaires. Il sera possible alors de proposer des mesures de gestion et de conserva-tion adaptées.

La liste complète des statuts des 326 es-pèces est disponible sur le site de la LPO Isère (isere.lpo.fr).

BIBLIOGRAPHIE

Deliry L. et Loose D. 1996a - Guide des es-pèces menacées en Isère. - CORA Isère & Conseil général de l’Isère, Grenoble  : 23 pp.

Deliry L. et Loose D. 1996b - Les listes rouges du département de l’Isère  : présen-tation de la méthodologie et des résultats. Rapport. - CORA Isère : 14 pp.

De Thiersant M.P. et Deliry C. 2008 - Liste rouge des vertébrés terrestres de la région Rhône-Alpes. - CORA Faune sauvage & Rhône-Alpes, Lyon : 263 pp.

Loose D., Taupiac J.M., Noblet J.F. et Callec A. 2008 - Protégeons la faune sauvage de l’Isère. Liste rouge des vertébrés de l’Isère - LPO Isère & Conseil général de l’Isère, Grenoble : 43 pp.

UICN 2001 - Catégories et critères de l’UICN pour la liste rouge. Version 3.1. - Commission de la sauvegarde des es-pèces de l’UICN. UICN, Gland, Suisse et Cambridge, Royaume-Uni : ii + 32 pp.

UICN France 2011 - Guide pratique pour la réalisation de listes rouges régionales des espèces menacées - Méthodologie de l’UICN & démarche d’élaboration. Paris, France  : 56 pp.

Mise à jour des statuts de conservation des espèces vertébrées terrestre du département de l’Isère

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1. [email protected]

RÉSUMÉLe chat domestique, Felis catus (Linnaeus, 1758) est une espèce invasive, un redoutable prédateur et un animal de compagnie qui ne dépend pas de la disponibilité des proies pour survivre. Ces trois aspects associés à l’impor-tante densité de chats font de sa prédation sur la faune sauvage, un facteur important dans le fonctionnement des écosystèmes, qui peut entraîner localement le déclin d’espèces indigènes.

La présente étude a eu lieu en Haute-Savoie dans la commune de Feigères. Toutes les proies ramenées au domicile par 44 chats domestiques ont été identifiées sur une du-rée de 3 mois. Un total de 163 proies ont été tuées (86 micromammifères, 69 oiseaux, 8 reptiles) pour une moyenne de 3,7 proies par chat. Neuf espèces d’oiseaux ont été identi-fiées, parmi lesquelles le moineau domestique (58 %) est le plus représentée devant le merle noir (13  %). Le moineau domestique est pla-cé en première position car il est commensal de l’homme et vit dans toutes sortes de zones modifiées par celui-ci, notamment les jardins. L’extrapolation des résultats à l’échelle de la commune montre que 2068 proies dont 878 oiseaux ont été potentiellement tuées sur trois mois entre mi-avril et mi-juillet.

Le suivi télémétrique réalisé sur une durée de cinq semaines sur cinq chats, a permis de dé-montrer que les chats sont inactifs la majeur partie du temps (77 %) et que leurs périodes d’activité privilégiées sont l’aube et le crépus-cule, lorsque les températures sont les plus basses de la journée. Le domaine vital des chats est relativement petit, ils n’effectuent pas de grandes distances et occupent principale-ment leur foyer ainsi que le jardin attenant à celui-ci.

ABSTRACTThe domestic cat Felix catus (Linn. 1758) is an invasive species, a formidable pred-ator and a pet which is not dependent on the availability of prey for its survival. These three elements, plus the high den-sity of cats, make its preying on wildlife a major factor in the functioning of ecosys-tems. This can lead to a decline in indig-enous species locally.

The present study took place in the Haute-Savoie department (France), in the commune of Feigères. All the prey brought home by 44 domestic cats were identified over a period of 3 months. There were 163 prey items in all (86 small mammals, 69 birds and 8 reptiles) for an average of 3.7 prey items per cat. 9 spe-cies of bird were identified, among which the House Sparow was the most numer-ous (58  %) followed by Blackbird (13  %). The House Sparrow came first because it is closely associated with man and lives in all sorts of places modified by him, nota-bly gardens. Extrapolating the results to the scale of the commune produces 2068 prey items including 878 birds which were potentially killed over the three-month period from mid-April to mid-July.

Radiotracking carried out on 5 cats over 5 weeks showed that cats are inactive most (77  %) of the time. Their preferred peri-ods of activity are dawn and dusk when the day temperatures are at their lowest. The cats’ territories are relatively small, not covering large distances, and main-ly occupy their homes and the adjacent gardens.

PRÉDATION DU CHAT DOMESTIQUE, FELIS CATUS (LINNAEUS, 1758) SUR LA FAUNE SAUVAGE, DANS UNE COMMUNE PÉRI-URBAINE DE HAUTE-SAVOIE (74)

Marius VUAGNAT-KOLTER, Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève - Travail de diplôme1

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INTRODUCTION

Le chat domestique, animal de l’ordre des carnivores et de la famille des félins figure dans la liste des « 100 espèces exo-tiques envahissantes parmi les plus né-fastes au monde » (Lowe et al. 2007). Il est la seconde espèce envahissante affec-tant le plus d’espèces d’oiseaux menacés (199 espèces) derrière le rat, Rattus rat-tus Linnaeus, 1758 (236 espèces) selon BirdLifeInternational (2013). Son intro-duction dans les milieux insulaires, s’est soldée par de véritables catastrophes écologiques, il a en effet causé l’extinction de 33 espèces d’oiseaux (Lever, 1994).

Le chat domestique est présent dans tous les continents sauf l’Antarctique. Les effectifs des populations de prédateurs sauvages dépendent de la disponibilité des proies contrairement aux chats dont le nombre est maintenu au-dessus de la capacité de charge naturelle étant donné

qu’ils sont nourris et soignés par leur pro-priétaire. Bien qu’ils soient domestiques, les chats restent des chasseurs, non pas par nécessité mais par instinct. Alors que les prédateurs sont actifs la nuit, le chat peut être actif le jour et la nuit. De plus, il ne se cache pas des humains ce qui lui permet de chasser autant dans des mi-lieux naturels que dans des espaces an-thropisés (Dauphiné & Cooper, 2009).

Son statut à la fois d’espèce exotique envahissante, d’animal domestique, et de prédateur en fait une espèce préda-trice redoutable partout où elle se trouve lorsqu’elle a la possibilité d’attraper des proies. En conséquence, la prédation du chat domestique peut être un facteur im-portant dans le fonctionnement des éco-systèmes et peut contribuer localement au déclin d’espèces indigènes (Medina et al., 2011).

Figure 1 : Chat ayant tué un moineau domestique © Marius VUAGNAT-KOLTER

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MATÉRIEL & MÉTHODE

Site d’étudeL’étude a été conduite dans la commune péri-urbaine de Feigères (46.11° N, 6.08° E ; altitude : 453-680 m) qui s’étend sur 760 hectares au Nord du département de la Haute-Savoie, à 1,5 kilomètre de la fron-tière avec la Suisse. Son territoire est pour la majeure partie, dédié à l’agriculture (62,75 %). A cet espace cultivé, s’ajoutent les surfaces boisées, les vergers et autres espaces naturels (24,16 %), les zones ur-baines (11,97 %) et les zones à urbaniser (1,13 %) (Cachat & Lachat, 2013).

EnquêteLa prédation des chats a été estimée par le biais de questionnaires complétés par 30 propriétaires possédant au total 44 chats (22 mâles, 22 femelles). Il a été de-mandé de noter les proies ramenées par chaque individu pendant une période de trois mois ( mi-avril à mi-juillet) en préci-sant le groupe faunistique (oiseau ; mam-mifère  ; reptile  ; amphibien). Pour les oiseaux, l’identification de l’espèce était requise si celle-ci était reconnaissable. Cette méthode permet d’avoir une indica-tion sur le minimum de proies tuées. En effet, toutes les proies ne sont pas rame-nées au domicile, certaines sont mangées ou abandonnées à l’endroit où elles ont été chassées. De plus, lorsque les pro-priétaires sont absents, ils ne voient pas les proies que le chat ramène. Enfin, il est probable que certains participants omettent de noter des proies.

Des informations complémentaires concernant le chat, ses conditions d’éle-vage et son historique de chasse ont été relevées pour les 37 chats dont il était possible d’assurer que les proies leurs ap-partenaient. Lorsqu’il y a plusieurs chats dans un même foyer, il n’est pas toujours possible d’associer une proie à un chat. Ces données ont été mises en relation

avec le bilan de prédation pour identifier les facteurs influençant la prédation.

Radio télémétrieCinq chats domestiques ont été équipés d’un collier émetteur « Series M1920 » de la marque Advanced Telemetry System (ATS). Chaque collier pèse 38 grammes et est équipé d’un senseur d’activité. Le récepteur utilisé est le modèle « R2000 » de la marque ATS dont la gamme de fré-quence se situe entre 438 et 439.999 Mhz. Le suivi télémétrique a été réalisé sur 5 semaines de sorte à avoir 72 points de localisation par chat couvrant 6 cycles de 24 heures. Pour cela, chaque jour, par pé-riode de 6 heures, soit le matin (06h- 12h), l’ après-midi ( 12h-18), le soir ( 18h-00h) ou la nuit ( 00h-06h), 3 localisations par chat ont été relevées, à raison de 1 localisation par tranche de deux heures. Il a été déci-dé de s’approcher au plus près de l’ani-mal à l’aide du signal émis par les colliers jusqu’à l’observation visuelle quand cela est possible. Cela permet d’avoir une lo-calisation très précise, et de savoir s’ils sont au repos ou en activité. Les informa-tions collectées pour chaque localisation sont  : le type de surface, la phase (acti-vité ou repos), la période de la journée, la tranche horaire ainsi que la météo-rologie (beau, nuageux, couvert, pluie). Les résultats attendus de cette méthode sont, le taux d’activité du chat, son do-maine vital, son utilisation de l’espace no-tamment lorsqu’il est actif, ses périodes d’activités dans un cycle de 24 heures et l’influence de la météorologie vis-à-vis de son activité.

Estimation du nombre de chat dans la communeLe nombre de chats a été déterminé sur une surface quasi continue (séparée par des routes) de 4,22 ha de type UB (zone urbaine de type pavillonnaire). La déter-mination a été réalisée en effectuant du

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porte à porte. Vingt-neuf chats ont été dénombrés. Ce résultat a été extrapolé à la surface de 81,33 ha de type UA (centre dense du chef-lieu et noyaux identitaires des hameaux) et UB que compte la com-mune de Feigères (Cachat&Lachat, 2013). Les dénominations des types de zone sont celles adoptées par le PLU (Plan local d’urbanisme). Les zones UA et UB corres-pondent aux espaces bâtis à dominante habitation. On peut donc estimer qu’il y a 559 chats domestiques à Feigères soit une densité de 6,87 chats par hectare en zone UA et UB et de 0,80 chat par hectare sur l’ensemble de la commune.

RÉSULTATS & ANALYSE

PrédationSur les 37 chats dont les propriétaires ont pu définir si le chat avait tué une proie ou non, 8 (22 %) n’en ont ramené aucune. Le plus grand nombre de proies tuées par un seul chat est de 24 (10 oiseaux et 14 micromammifères). Les 8 chats (22  %) qui ont tué le plus d’animaux (≥ 6 proies), sont responsables de la mort de 94 proies (58 % du nombre total). Une minorité de chats est responsable de la majorité des proies tuées.

Nom français Nom latin Nombre (part)

Moineau domestique Passer domesticus (Linnaeus, 1758) 40 (57.97%)

Merle noir Turdus merula (Linnaeus, 1758) 9 (13.04%)

Mésange indéterminée Parus sp. 4 (5.8%)

Fauvette à tête noire Sylvia atricapilla (Linnaeus, 1758) 3 (4.35%)

Rougequeue noire Phoenicurus ochruros (S. G. Gmelin, 1774) 3 (4.35%)

Hirondelle rustique Hirundo rustica (Linnaeus, 1758) 1 (1.45%)

Mésange bleue Parus caeruleus (Linnaeus, 1758) 1 (1.45%)

Rougegorge familier Erithacus rubecula (Linnaeus, 1758) 1 (1.45%)

Tourterelle turque Streptopelia decaocto (Frivaldszky, 1838) 1 (1.45%)

Verdier d’Europe Carduelis chloris (Linnaeus, 1758) 1 (1.45%)

Oiseau indéterminé. - 5 (7.25%)

TOTAL 69 (100%)

mammifères (%) oiseaux (%) reptiles (%) amphibiens (%)

présente étude 53 42 5 0

Barratt, 1998 65 27 7 1

Calver et al., 2007 55 22 23*

Flux, 2007 58 40 2 <1

Kays & DeWan, 2004 86 14 0 0

Woods et al., 2003 69 24 1 4

Churcher & Lawton, 1987 49 27 0 0

Tschanz et al., 2011 80 11 0 0

van Heezik et al., 2010 35 37 8 <1

Tableau 1 : Les différentes espèces d’oiseaux atteintes

Tableau 2 : Proportion des différents groupes faunistiques atteints selon plusieurs études

Remarque : La somme des parts de chaque étude n’est pas forcement égal à 100 %, du fait que certaines proies n’ont pu être déterminées ou que d’autres groupes faunistiques ont été pris en compte.

* 23 correspond à la part de reptiles et d’amphibiens.

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Les différences entre chats sont difficiles à expliquer, aucune tendance fiable ne ressort en établissant des relations entre le nombre de proies et l’âge, la condition physique ou la fréquence de nourris-sage. Les facteurs les plus déterminants semblent être tout de même l’âge et la condition physique qui vont souvent de pair. Un jeune chat avec une bonne condi-tion physique chasse plus qu’un chat âgé maigre ou gros.

Les micromammifères sont le groupe faunistique le plus chassé (53 %), devant les oiseaux (42 %) et les reptiles (5 %). En se basant sur ces données, le nombre moyen de proies par chat sur les 3 mois de l’étude est de 3,7 (écart type,σ= 4,96). Concernant les moyennes par groupe faunistique, elles sont de : 1, 57 (σ =2,28) pour les oiseaux, 1,95 (σ=3,18) pour les micromammifères et 0,18 (σ=0,5) pour les reptiles. Neuf espèces d’oiseaux ont été atteintes dont le moineau domestique (Passer domesticus) qui représente 58 % des proies. Le détail des espèces d’oi-seaux atteintes est listé dans le tableau 1.

Les mammifères sont donc les proies les plus représentés comme dans la majorité des autres études (moyenne des autres études  : 61  %, cf. tableau 2). Ils repré-sentent dans la quasi-totalité des cas, plus de la moitié des proies dénombrées. En revanche, la part d’oiseaux (42 %) est plus élevée dans la présente étude que dans les autres (moyenne : 27 %). La part de reptiles et d’amphibiens varie forte-ment selon les études du fait des diffé-rents contextes.

En extrapolant le bilan de prédation à l’échelle de la commune, les chats do-mestiques ont tué sur une période de trois mois entre mi-avril et mi-juillet 2014, 2068 proies. Parmi elles on retrouve 878 oiseaux, 1090 micromammifères et 100 reptiles. Ces chiffres laissent supposer que le chat domestique peut entraîner le déclin de certaines espèces.

ComportementLes domaines vitaux correspondent gé-néralement à de petites surfaces, ex-cepté pour un chat qui a un domaine vital de 3,36 ha, bien plus grand que celui des autres chats (0,32 ha ; 0,17 ha : 0,13 ha  ; 0,06 ha). C’est l’animal le plus jeune (4 ans) des cinq individus suivis qui a le plus grand domaine vital, il est donc pos-sible que celui-ci diminue avec l’âge. De plus, son foyer n’est pas situé dans un lotissement, la densité de chats dans les surfaces attenantes (surfaces agricoles) est donc plus faible. Il peut avoir un ter-ritoire plus grand, ou du moins occupé une zone qui n’est pas défendue active-ment par un congénère. Le domaine vital des autres chats s’étend principalement dans la parcelle du propriétaire, d’ailleurs plus celle-ci est grande, plus le domaine vital est grand. Cela renforce l’idée que la densité de chats influence la taille du do-maine vital.

On remarque que les chats passent entre 65 et 79 % de leur temps dans leur mai-son ou à moins de 3 mètres de celle-ci. Seul un individu est à l’extérieur la ma-jorité de son temps (72 %). Tous ont été localisés dans des jardins ou dans des haies alors que les autres surfaces, à sa-voir les prairies, les cultures (blé et maïs), les routes, les bas-côtés et les chemins agricoles ont été parcourues seulement par un ou deux individus au maximum. Cette occupation de l’espace s’explique par le fait que les chats n’ont pas besoin de se déplacer contrairement aux es-pèces sauvages contraintes de parcourir des distances, parfois importantes, pour se nourrir.

La moyenne du taux d’activité des 5 chats s’élève à 23 % (σ=13,25). L’écart type est important du fait des différences impor-tantes de données entre un chat et les quatre autres (24 points de pourcen-tage de différence au minimum). Si l’on ne prend pas en compte les données du

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plus actif, le taux d’activité moyen des quatre autres chats descend à 17,25  % avec un écart-type plus petit (σ=3,69). On remarque donc qu’avec un échantillon de cette taille (N=5) il est difficile d’être représentatif de la réalité et de tirer des conclusions.

Les chats sont inactifs la majeur partie du temps et concentre leur activité à l’aube et au crépuscule. Entre 6 heures et 8 heures le chat est particulièrement actif (15 % de son activité journalière), puis son activité s’atténue fortement, elle est mini-male sur la tranche horaire 10 heures -12 heures (0,6  %). On peut en déduire que le chat est actif en début de journée, au lever du soleil quand la température n’est pas élevée. Entre la tranche horaire 10 heures - 12 heures et celle de 18 heures - 20 heures, la part d’activité du chat aug-mente, elle passe de 0,6 % à 9,2 %. Cela peut être lié une nouvelle fois à la tem-pérature qui diminue. Entre la tranche 18 heures - 20 heures et 22 heures - minuit, la part d’activité s’élève de 9,2 % à 25,6 % puis elle diminue jusqu’à la tranche 4 heures - 6 heures qui représente 2,8 % de sa part d’activité journalière. Le chat do-mestique présente donc un pic d’activité en fin de soirée entre 22 heures et mi-nuit, lorsque la température est vraisem-blablement plus basse que le reste de la journée. Ces résultats sont valables uni-quement pour la période estivale.

Pendant leur phase active, les 5 chats oc-cupent en majorité les jardins. Les sur-faces herbeuses (prairie, bas-côté) sont utilisées lorsque celle-ci sont fauchées, il est alors plus facile pour les chats de se déplacer et de repérer des micromammi-fères. Les routes font également parties des surfaces utilisées par 3 chats, ils n’y exercent pas une activité de chasse mais s’en servent pour se déplacer. Les chats occupent les haies notamment pour chasser car elles sont favorables à l’avi-faune (perchoirs, lieu de nidification et de nourrissage).

Le nombre de données concernant chaque type de météo n’étant pas égal il est difficile de traiter ces données. Selon les observations, lorsque le temps est en-soleillé, donc que la température est éle-vée, les chats cherchent de l’ombre pour se reposer. Quand le temps est pluvieux les chats ont tendance à se mettre à l’abri. Ils préfèrent donc un temps nuageux ou couvert. Il semble que ce ne soit pas tant la météorologie qui influence leur activité mais plutôt la température.

DISCUSSION

Etant donné les résultats de cette étude sur le bilan de prédation des chats do-mestiques, il est important de prendre des mesures pour diminuer leur pression de prédation notamment sur les oiseaux. Il est difficile de mettre en œuvre des me-sures concernant cet animal du fait de son statut particulier d’animal domes-tique. Il ne peut pas être régulé comme n’importe quelle espèce exotiques enva-hissante du fait qu’il appartient à un être humain qui lui porte un fort attachement émotionnel. Le problème de la mise en œuvre de mesures est donc plus social que technique.

Bien que le chat semble intouchable, voi-ci quelques propositions qui prennent en compte les résultats de cette étude. L’ensemble de ces mesures a pour but d’être appliqué de manière volontaire par les propriétaires.

Premièrement une bonne communica-tion sur le sujet est primordiale. Les pro-priétaires doivent être conscients de la menace que leur chat représente et ils doivent savoir pourquoi leur animal peut poser problème.

La stérilisation des chats non desti-né à l’élevage félin devrait être obliga-toire. Cela permettrait à long terme de diminuer leur nombre. Bien souvent les personnes ont des chats de manière opportuniste, puisque en effet on leur

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a proposé un ou plusieurs chatons. Il y aurait donc moins de nouveaux proprié-taires de chats chaque année. Bien que ce travail ne traite pas des chats harets, cette mesure pourrait également s’appli-quer pour eux. Les mairies pourraient organiser des campagnes de capture de chats pour les stériliser.

Limiter le nombre de chats par foyer permettrait de limiter leur densité et donc la prédation qu’ils exercent. Ceci ne doit pas être pris comme une punition pour les propriétaires, c’est pourquoi la sensibilisation sur le problème est pri-mordiale. Un nombre maximal de deux chats semble acceptable et réduirait déjà largement la population totale de chats domestiques.

Les chats devraient être contraints à res-ter à l’intérieur lorsqu’ils sont le plus ac-tifs. L’étude a montré que les chats sont le plus actifs le matin entre 6 heures et 8 heures et le soir entre 18h et minuit. Les propriétaires devront donc être vigilants à ce que leur chat reste à l’intérieur. Cela suppose une attention particulière qui est difficile à adopter et à respecter. De plus, les chats reporterait peut être à un autre moment leur activité.

L’étude a montré que le chat chasse, bien que son domaine vital soit petit et qu’il occupe principalement son jardin en condition extérieur. Une des solu-tions envisagée est de restreindre son rayon d’action en l’attachant à une laisse de quelques mètres lorsqu’il est dehors. Cette mesure nécessite inévitablement que le chat porte un collier. En plus de limiter sa prédation, le chat est plus en sécurité. Effectivement, cela diminue les risques d’accidents, de blessures, d’em-poisonnements, mais également de transmission de maladies par des congé-nères ou par des parasites.

Hormis le fait de prendre des mesures directes sur les chats, il est vivement conseillé de protéger les oiseaux au sein de son jardin. Les nichoirs ainsi que

les mangeoires doivent être installés hors de portée des chats.

Afin d’évaluer l’efficacité des deux me-sures relatives au fait d’empêcher le chat de sortir à certain moment et de lui mettre une laisse, des tests doivent être réalisés. Le bilan de prédation devrait être effectué sur un échantillon de chats en appliquant une mesure sur une certaine période puis sans l’appliquer pendant la même durée. Les comparaisons permet-tront d’évaluer l’efficacité. De plus, cela permettra d’évaluer l’acceptation par les propriétaires après avoir testé la mesure. Il n’existe pas une solution miracle pour réduire la prédation des chats, mais plu-sieurs pistes, qui doivent être communi-quées aux propriétaires de chat ainsi qu’à toute personne intéressée par le sujet.

CONCLUSION

La densité sur le territoire communal du chat, animal domestique, qualifié d’es-pèce invasive, est très élevée. Le bilan de prédation à cette échelle est important et peut supposer la diminution d’effectif des espèces atteintes. Bien qu’il s’agisse dans l’ensemble d’espèces communes non me-nacées, il est important de les prendre en compte avant qu’elles ne le deviennent. L’analyse de leur comportement a permis d’identifier que le chat occupe principale-ment son foyer ainsi que son jardin, qu’il n’effectue en général pas de grandes dis-tances et que ses périodes d’activité privi-légiée se situent en début de matinée et pendant la soirée.

A partir de la problématique et des résul-tats obtenus, des propositions de me-sures ont été explicitées. Il en ressort plusieurs pistes dont certaines doivent être testées pour en vérifier l’efficacité. Le principal obstacle à l’application de ces mesures est l’acceptabilité par les propriétaires qui considèrent leur chat comme une espèce faisant partie de la nature mais aussi de leur famille. Pour eux, il est difficile de prendre des mesures

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contraignantes pour leur chat afin de di-minuer sa prédation. Pour augmenter les chances d’adoption des mesures par les propriétaires, une campagne de sensibili-sation adaptée doit être menée afin d’ex-pliquer clairement au public les causes et conséquences de la problématique.

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier particulièrement Monsieur Claude Fischer, enseignant HES et référant hepia, ainsi que monsieur Xavier Birot-Colomb, chargé d’études à la LPO et conseiller scientifique, pour leurs remarques, leurs conseils, et leurs suivis du déroulement du travail.

Merci à la LPO74 pour m’avoir accueilli au sein de leur organisme, à l’hepia pour le prêt du matériel et à Monsieur Yves Hausser, enseignant HES, pour le finance-ment des colliers émetteurs.

Merci à mes parents, Corinne et Jean-Claude, ma sœur, Pauline, mon beau-frère, Raphaël, mon amie, Océane, mes tantes, Anne-Marie et Odile, mon ca-marade, Barth Book pour leur soutien et leur aide.

Merci à toutes les personnes qui ont bien voulu participer à l’enquête et en particu-lier à Madame Coste et à Madame Luthier qui ont accepté d’équiper leurs chats d’un collier émetteur.

RÉFÉRENCES

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Calver, M., Thomas S., Bradley, S., McCutcheon, H. (2007) Reducing the rate of predation on wildlife by pet cats : the efficacy and practicability of collar-mounted pounce protectors.Biol.Conserv.137 : 341-348.Churcher, P.B. & Lawton, J.H. (1987) Predation by domestic cats in an English village. Journal of Zoology, London, 212 : 439-455.Dauphine, N., & Cooper, R.J. (2009) Impacts of free-ranging domestic cats (Feliscatus) on birds in the United States  : a review of re-cent research with conservation and mana-gement recommendations. Pages 205-219 in Proceedings of the Fourth International Partners in Flight Conference  : Tundra to Tropics. T. Rich, chair. McAllen, Texas, USA.Kays R.W. & DeWan A.A. (2004) Ecological impact of inside/outside house cats around a suburbannature preserve. AnimConserv 7 : 273-83.Lever, C. (1994) Naturalized animals. T & A.D. Poyser Natural History, London in Nogales, M., A. Martin, B. R. Tershy, C. J. Donlan, D. Veitch, N. Puerta, B. Wood, and J. Alsonso. (2004). A review of feral cat eradication on islands. Conservation Biology 18 : 310-319.Lowe, S., Browne, M. &Boudjelas, S. (2007). 100 of the World’s Worst Invasive Alien Species  : a Selection from The Global Invasive Species Database (Invasive Species Specialist Group, International Union for Conservation of Nature).Medina, F., Bonnaud, E., Vidal, E., Tershy, B, Zavaleta, E., Donlan C.J., Keitt, B., Le Corre, M., Horwath, S., Nogales, M. (2011) A glo-bal review of the impacts of invasive cats on island endangered vertebrates. Global Change BiologyTschanz, B., Hegglin, D., Gloor, S., Bontadina, F. (2011) Hunters and non-hunters : skewed predation rate by domestic cats in a rural village.Eur.J.Wildl.Res.57, 597-602.Van Heezik, Y., Smyth, A., Adams, A., Gordon J. (2010) Do domestic cats impose an un-sustainable harvest on urban bird popula-tions ? BiolConserv 143 : 121-30.Woods, M., McDonald, R.A. and Harris, S. (2003) Predation of wildlife by domestic cats in Great Britain, Mammal Review, volume 33, No. 2, 174-188.

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LE MOINEAU SOULCIE (PETRONIA PETRONIA) DANS LE DÉPARTEMENT DE LA LOIRE

1. [email protected]

Patrick BALLUET, LPO Loire1

RÉSUMÉLe moineau soulcie Petronia petronia est une espèce rare en Rhône-Alpes et en France. La limite nord de l’espèce en France passe par le département de la Loire, et elle est ici précisée. Deux périodes sont étudiées, celle antérieure à l’an 2000 et celle posté-rieure à cette même année. Peu de chan-gement sont notés quant à la répartition ancienne ou plus récente de l’espèce dans le département. Quatre secteurs distincts sont fréquentés. L’espèce niche ici soit dans des murs de pierre soit dans des tubes métal-lique horizontaux, support de lignes élec-triques. Certaines exigences écologiques de l’espèces sont reprécisées. Une estimation des populations est proposée, entre 30 et 70 couples. Des pistes sont proposées, quant à la recherche de la nidification de l’espèce sur des poteaux métalliques creux et aus-si en ce qui concerne une éventuelle cam-pagne de pose de nichoirs, parallèlement à une réflexion sur des mesures pérennes re-latives à la gestion des milieux.

ABSTRACTThe Rock Sparrow Petronia petronia is a scarce species in both Rhône-Alpes and France. The northern limit of the species in France passes through the Loire de-partment. This limit clearly defined here. Two periods are under study, one before year 2000 and one after. Few changes in the occuped area have been noted be-tween those two periods of time. Four separate areas are used by the birds. Rock Sparrow nest here in stone walls or in horizontal metal tubular supports of electrical power lines. Some ecological re-quirements of the species are detailed. An estimation of this small population is given, between 30 and 70 pairs. Some propositions are made concerning study of the nesting behaviour of the species in hollow metal tubes and a possible pro-gram of installing nestboxes alongside considering long-term measures to man-age its habitat.

Tube métallique et moineau soulcie. Burdignes (Loire) 2010. © G. Allemand

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Les prospections réalisées dans le cadre de la réactualisation de l’atlas des oiseaux nicheurs de France ( 2009-2012) ont per-mis aux ornithologues de la LPO Loire de contacter le moineau soulcie non seu-lement sur des secteurs où il était an-ciennement connu, mais aussi dans de nouvelles localités. Un point sur le statut de l’espèce en Loire s’imposait donc.

DONNÉES ANCIENNES, ANTÉRIEURES À L’AN 2000

Sur les 93 données de l’espèce re-cueillies en Loire avant le 31/07/2011, seulement 13 l’ont été avant l’année 2000. Elles concernent déjà 3 secteurs bien distincts. Le premier se situe sur St-Maurice-en-Gourgois où R. Faure ob-serve l’espèce le 26 juillet 1975. La se-conde observation, très proche, a été réalisée sur la commune de Périgneux sans que le lieu-dit ait été précisé. Dix autres données concernent le secteur

sud Pilat avec 3 données sur Pélussin/Doizieux, 2 données sur Malleval et 5 données sur Saint-Appolinard (LEBRETON 1980 et comm. pers.). Enfin, la nidifica-tion est notée à Marlhes en 1978 (Obs. H. Coquillart). On verra plus loin que 2 de ces 3 secteurs sont toujours occupés. Ces 13 données concernent la période de reproduction, c’est à dire le printemps. On peut leur ajouter la mention de l’es-pèce dans la plaine du Forez, à Grézieux le Fromental, dans les années 1990 (J.P. Meilland comm. pers.). L’ensemble des observations anciennes est visible sur la figure 1.

DONNÉES RÉCENTES, POSTÉRIEURES À L’AN 2000

80 données d’observation ont été recueil-lies depuis l’année 2000 et notamment 52 sur les trois dernières années (2009 à 2011), correspondant à la réactualisa-tion des données pour l’Atlas des oiseaux

Figure 1 : Répartition des données de moineau soulcie dans la Loire, avant 2000

Le moineau soulcie (Petronia petronia) dans le département de la Loire

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nicheurs de France. Cette augmentation du nombre de données ne révèle proba-blement pas une augmentation de l’es-pèce, mais bien plutôt une intensification de la prospection effectuée par nos bé-névoles. Cela dit, dans le contexte actuel de réchauffement climatique, il ne se-rait pas illogique que le soulcie – espèce connue pour ses affinités paléo-xériques (LEBRETON 1975 et 1976) voire paléoxé-romontanes (LEBRETON 1980) – pro-gresse à nouveau vers le nord.

HivernageA partir de l’année 2005, presque chaque hiver, l’espèce est notée à St-Marcellin-en-Forez, le long du ca-nal du Forez, non loin de l’étang Frécon (25 observations). Les groupes notés en 2005 ont compté jusqu’à 120 oiseaux. Les oiseaux fréquentent-ils en hiver des petites falaises de sables et leurs cavi-tés – creusées par l’hirondelle de rivage

ou le guêpier – comme le fait a été relevé dans le Puy-de-Dôme voisin (LALLEMANT 1994, BERNARD 2010) ? C’est possible car de telles falaises - issues de l’exploitation d’argile rouge en carrières - existent dans ce secteur. L’importance de ces groupes d’oiseaux hivernants suggère qu’une po-pulation nicheuse relativement consé-quente nous échappe. Cette population, probablement située dans un triangle Saint-Marcellin-en-Forez, Saint-Bonnet-le-Château, Saint-Maurice-en-Gourgois, pourrait comprendre une trentaine de couples. L’observation ancienne de Périgneux correspondrait bien à cette hypothèse, cependant des migrations saisonnières de plus grande amplitude ont déjà été relevées chez cette espèce (LEBRETON 1975), ce qui conduit à la trouver assez loin de ses sites de nidifica-tion, jusqu’à 150 kilomètres (BARBARO et al., 2003, F. HUMBERT comm. pers.).

Figure 2 : Répartition des données de moineau soulcie dans la Loire, après 2000

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Nidification Secteurs de présence confirméeL’espèce est encore notée à Malleval en 2001, mais elle ne le sera plus par la suite. Ce village semble actuellement déserté. Peut-être les oiseaux se sont-ils déplacés d’une faible distance, l’espèce étant répu-tée pour son instabilité quant au choix de ses sites de nidification, même si tous les auteurs ne s’accordent pas sur ce point (LEBRETON 1976, BARBARO et BOYER, 1999). Deux observations récentes font pencher la balance dans le sens d’un faible déplacement, une à Lupé, l’autre à Bessey. Non loin de là, en 2011, l’espèce est contactée à St-Julien-Molin-Molette, à peu de distance des sites de St-Appolinard où elle avait été notée à la fin des années 1970 (Obs. L. et P. Dubois).

Retrouvée en 2003 à Saint-Maurice-en-Gourgois par Laurent Goujon dans un autre hameau de cette commune très étendue, l’espèce montre ici une cer-taine fidélité à ses sites de prédilection, ce qui n’exclut pas des déplacements de quelques kilomètres. Sur ce secteur, la nidification dans un mur de pierres sera mise en évidence par le même observa-teur en 2009. Rien ne sera noté en 2010, mais l’espèce est retrouvée au même endroit en 2011. En réalité, de récentes études montrent que l’instabilité de l’es-pèce est surtout due à une instabilité dans la composition des couples, les oi-seaux se montrant volontiers polyandres et même polygynes (GRIGGIO et al. 2003 ; GRIGGIO et al. 2004 ; GRIGGIO et VENUTO, 2007).

Nidification Nouveaux secteursEn 2009 l’espèce sera notée à Usson-en-Forez, sans suite là non plus en 2010, mais en 2011 l’espèce est no-tée dans 5 hameaux différents sur cette commune et la nidification y est confir-mée, grâce aux prospections de Stéphane

Durand, Jean-Baptiste Martineau et Emmanuel Véricel.

Cette population est en continuité avec des populations connues, en Haute-Loire, le long de la vallée de la Loire. Les balcons de la Loire – cassure entre les plateaux et le val de Loire – notamment en rive gauche, semblent particulièrement appréciés.

Enfin en 2010, Vincent Palomarès dé-couvre des nicheurs à Burdignes, dans l’extrême sud du département. En tout, dans cette localité, l’espèce semble fré-quenter le bourg principal et au moins deux autres hameaux. Un minimum de 6 couples dont 3 nicheurs certains semble fréquenter cette commune. Un recen-sement exhaustif des hameaux envi-ronnants révèlerait peut-être quelques bonnes surprises. La particularité des couples installés sur la commune de Burdignes est que les nicheurs connus ont choisi des armements de poteaux électriques pour installer leur nid.

Par ailleurs, l’espèce est notée une fois sans suite à Sorbiers mais aussi plus au nord, à Mornand-en-Forez, Cleppé et St-Martin-Lestra. L’ensemble des obser-vations récentes est visible sur la figure 2.

SUPPORT ET STRUCTURE DU NID

Comme l’indique son nom scientifique – Petronia petronia – le moineau soulcie semble lié au rocher et, de fait, nombre de nicheurs fréquentent les vieux murs de pierre, liés aux habitations humaines (GEROUDET 1955 ; DEBRU 1958 et 1961 ; GLAYRE 1970). Mais l’espèce est éga-lement connue pour utiliser des trous dans les falaises de sable (MERIC 1973  ; OLIOSO 1974  ; LALLEMANT 1994), trous fréquemment empruntés à d’autres es-pèces comme l’hirondelle de rivages ou le guêpier d’Europe (BRUGEROLLES 2009  ; BERNARD 2010). Ces falaises semblent d’ailleurs attractives tant pour

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la nidification que pour l’hivernage. Le nid peut également se trouver dans les murs d’une maison en bois comme cela a été montré en Haute-Maurienne (LEBRETON 1976) ou même dans un arbre (DELAMAIN 1929 ; BRUGEROLLES 2009). De façon plus originale, notre oiseau peut également choisir des tubes carrés métalliques pour installer son nid, comme nous l’avons noté à Burdignes et comme BARBARO et BOYER (1999) l’ont noté dans la Drôme et les Alpes de Haute-Provence.

Ces armements sont des profilés hori-zontaux à section carrée creuse , ap-proximativement 10x10 cm, installées au sommet de poteaux en béton, et ser-vant de support aux câbles électriques (voir figure 4). Il s’agit vraisemblable-ment d’habitats de substitution, adoptés par les oiseaux lorsque leur habitat de prédilection –  des trous dans les vieux murs de pierres – vient à disparaître. Les

concepteurs de ces dispositifs n’imagi-naient sans doute pas construire des ni-choirs pour espèces rares !

En Ardèche, sur un site distant d’une trentaine de kilomètres du site de Burdignes, un couple de Moineau soul-cie fréquentant une maison en ruine, avait été localisé par l’auteur, dans le hameau de Romanieux, commune de Saint-Alban- d’Ay, précisément le 23 avril 1985. En revenant sur le même site le 23 juillet 1996, quelques onze années plus tard, pour la prospection dans le cadre de l’atlas Rhône-Alpes de 1995-1997, quelle déception de retrouver la ruine restau-rée, les trous dans les murs conscien-cieusement bouchés  ! Mais, surprise, les oiseaux étaient toujours là, ayant adopté l’habitat de substitution préalablement décrit (voir figure 3). Qui plus est un trans-port de nourriture avait alors été noté, ne laissant aucun doute sur le caractère ni-cheur de ces oiseaux.

L’analyse de la bibliographie révèle que le goût du soulcie pour des nichoirs « pro-fonds » a déjà été relevé, ce aussi bien lorsqu’il niche dans un mur de pierres (LEBRETON 1976) que lorsqu’il choisit un nichoir en bois spécialement conçu à son intention (MINGOZZI 1994 ; GRIGGIO et al. 2003). L’adoption de trous de guêpiers ou

Figure 3 : Moineau soulcie posé sur un armement tubulaire © P. Dubois

Figure 4 : Croquis d’un pylone © Patrick Balluet

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d’hirondelles de rivages indique d’ailleurs clairement ce goût pour les nichoirs à long tunnel d’accès (OLIOSO 1974, MERIC 1973, BERNARD 2010).

On voit donc que ce n’est pas le matériau qui importe, mais bien plus certainement la forme du nid ou plutôt du trou qui y conduit. C’est ainsi que MINGOZZI (comm. pers.) n’a réussi à faire nicher le soulcie en nichoir - à des fins d’études - que lorsqu’il a fabriqué des nichoirs de 50 centimètres de profondeur au minimum, ce qui cor-respond parfaitement à nos propres ob-servations sur les tubes métalliques. J. D. LEBRETON (1976) parvient à la même conclusion par l’examen d’anciens nids dans des murs, tous situés à plus de 50 centimètres de profondeur à l’intérieur du support.

EXIGENCES ÉCOLOGIQUES DE L’ESPÈCE

Tous les auteurs et observateurs ne s’ac-cordent pas sur les exigences de l’espèce quant au choix de ses sites de nidification, mais quelques grandes lignes peuvent néanmoins être dégagées. Le soulcie n’aime pas les milieux trop fermés. Les secteurs forestiers sont donc délaissés au profit de zones plus « ouvertes » com-posées de prairies, cultures, vergers, etc. Ceci semble nécessaire au bon dévelop-pement des gros insectes (orthoptères) dont les soulcies nourrissent leurs jeunes (DEBRU 1961, LEBRETON 1976, BARBARO et BOYER 1999, BRUGEROLLES 2009). La présence de quelques arbres – des frênes par exemple (GLAYRE 1970  ; LEBRETON 1976) ou des noyers (DELAMAIN 1929) – semble cependant nécessaire, mais pas en formations trop denses. De vieux ver-gers, en ceinture de village, semblent idéaux (GUELIN 2007). Un village ou un hameau parait nécessaire à notre oiseau pour installer son nid et, dans ce cas, ce sera plus volontiers une habitation iso-lée qui sera choisie plutôt qu’un lieu plus dense en habitations (LEBRETON 1976).

Mais on ne peut pas exclure qu’il choi-sisse une zone sans maisons ni murs, avec des falaises de sable par exemple, comme c’est le cas ici ou là, de l’Auvergne à l’Espagne.

L’espèce étant « paléo-xérique » voire pa-léoxéromontane (LEBRETON 1980), elle semble rechercher des secteurs où l’en-soleillement est supérieur à 2000h par an (LEBRETON 1975) et où la pluviosité est faible (BERNARD 2010).

L’altitude des sites fréquentés varie entre 346 m (Bessey, près de Malleval) et 985 m (Burdignes). Elle ne semble donc pas être un facteur limitant d’une manière ou d’une autre l’installation de l’espèce. Cependant, à ce jour en Loire, la plupart des données sont situées au-dessus de 800 m, que ce soit à Usson, St-Maurice en Gourgois ou Burdignes.

LIMITE NORD DE LA DISTRIBUTION EN FRANCE

Les données enregistrées dans le cadre de cette étude ne modifient pas fon-damentalement la limite nord de pré-sence de l’espèce dans le Massif Central (GEROUDET 1955) mais elles la pré-cisent. Au cours de l’enquête atlas, la présence de l’espèce a été confirmée dans le Cantal, en Haute-Loire et dans le Puy-de-Dôme (données visio Nature Auvergne). Dans la Loire (figure 2) la pré-sence de l’espèce est confirmée dans le sud-Pilat, mais aussi sur les balcons du fleuve Loire, en rive gauche. Il n’est pas impossible que quelques couples nous échappent encore à quelques dizaines de kilomètres au nord de cette ligne vir-tuelle. Puy-de-Dôme et Loire marquent donc toujours la limite nord du Soulcie dans le massif central, comme il y a 35 ans (LEBRETON 1975). Il est en tous cas confirmé que cette limite ne régresse plus vers le sud depuis 1975, voire de-puis 1929 (DELAMAIN 1929), même si un

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déclin de certaines populations du sud du pays parait établi (BARBARO et BOYER 1999).

ESTIMATION DES POPULATIONS

Pour cette petite population, située en limite de répartition de l’espèce mais connectées aux populations plus méri-dionales, les effectifs semblent faibles mais relativement stables, apparemment régulés par la disponibilité en sites de nidification convenables plutôt que par d’autres facteurs (LEBRETON 1976). En l’état actuel de nos connaissances, on peut les estimer entre un minimum de 30 et un maximum de 70 couples nicheurs pour l’ensemble du département, ce qui est bien davantage que l’estimation de 10 à 20 donnée par BARBARO et al. (2003).

CONCLUSION

En 2011, le moineau soulcie est toujours présent, en tant que nicheur et hiver-nant, dans le département de la Loire. Quatre zones de présence semblent fré-quentées. Une sur les balcons de la Loire ( Saint-Maurice-en-Gourgois) sur la rive gauche du fleuve. Une autre, non loin de là, sur la commune d’ Usson-en-Forez. Dans ce secteur, une prospection des vil-lages et hameaux jusqu’à Apinac, pour-rait révéler d’intéressantes surprises. Une autre zone est notée sur Burdignes, au sud du département où tous les ha-meaux favorables n’ont pas été prospec-tés. Enfin, une quatrième zone existe sur Saint-Julien-Molin-Molette et jusqu’aux environs de Malleval, où l’espèce semble encore présente, tout en ayant déser-té ses anciens bastions. Les hivernants de Saint-Marcellin-en-Forez sont certai-nement nicheurs dans une zone assez proche, qui reste à découvrir à moins que cet hivernage ne concerne les nicheurs de Saint-Maurice-en-Gourgois, voire ceux d’Usson.

Le soulcie semble avoir des exigences

écologiques strictes (espaces ouverts, présence d’orthoptères…) (LEBRETON 1975 et 1976) qui font que l’espèce est rare, notamment au nord de son aire de répartition. LEBRETON (1976) émet par ailleurs l’hypothèse que sa présence dans ses sites les plus « nordiques » soit limitée par l’existence de supports de nids conve-nables. Si cette dernière hypothèses est vérifiée et si cela apparaît nécessaire, il ap-paraît assez simple pour les associations ornithologiques de venir en aide aux soul-cies en installant des nichoirs conformes au modèle de MINGOZZI (dans la Drôme depuis 1998) ou en prenant contact avec les compagnies de distribution d’électri-cité pour privilégier – là où c’est possible – la pose d’armements conformes aux exigences de l’espèce après s’être assu-rée que la reproduction des oiseaux est réussie au sein de ces structures. En effet, il est possible que la température y soit trop élevée lors d’années chaudes.

Dans tous les cas, la recherche des oi-seaux dans ce type de nichoirs originaux pourrait constituer un de nos axes de tra-vail dans les prochaines années.

Cette mesure doit être considérée comme une mesure d’urgence et tempo-raire et doit être conduite parallèlement à des mesures plus pérennes (plantation et taille de muriers par exemple).

Les ornithologues curieux ont donc en-core du pain sur la planche.

REMERCIEMENTS

Il m’est agréable de remercier Jean-Dominique LEBRETON pour les élé-ments et les pistes qu’il m’a indiquées. Merci également à tous les membres de la LPO-Loire et plus généralement aux collaborateurs de Visionature Loire sans qui rien n’aurait été possible.

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HIVERNAGE DE LA BÉCASSINE SOURDE AU PARC DE MIRIBEL-JONAGE (MÉTROPOLE DE LYON)

1. [email protected]

Dominique TISSIER, LPO Rhône1

RÉSUMÉUn suivi de l’hivernage de la Bécassine sourde Lymnocryptes minimus a été réa-lisé pendant 4 hivers successifs au Parc de Miribel-Jonage à Lyon Métropole. Le site étu-dié est une prairie humide récemment amé-nagée en bordure d’étang. Les oiseaux ont été trouvés de début novembre à fin mars avec un effectif allant de 1 à 4 individus, des chiffres plus élevés, jusqu’à 12, ayant été ob-tenus occasionnellement. L’étude a permis de mieux connaître la période de présence de l’espèce en Rhône-Alpes et de relever plusieurs points du comportement des oi-seaux, certes déjà connus par ailleurs, mais pouvant aller vers une meilleure préserva-tion de ce site qu’ils semblent particulière-ment apprécier.

ABSTRACTMonitor the wintering Jack snipe Lymnocryptes minimus was performed for 4 successive winters in “le Parc de Miribel-Jonage” in Lyon Metropole. The study site is a recently converted wet meadow by a lake. The birds were found from early November to late March with a staff of 1 to 4 individuals, higher fig-ures, up to 12, have been obtained occa-sionally. The study to better understand the period of occurrence of the species in Rhône-Alpes and raise several points in the behavior of birds certainly already known elsewhere, but up to a better pres-ervation of this site they seem particularly enjoy.

Figure 1 : Bécassine sourde, Miribel-Jonage, février 2014, © D. & G. TISSIER

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INTRODUCTION

La bécassine sourde Lymnocryptes mini-mus est une espèce très discrète, voire secrète, migratrice et hivernante peu commune en France, et difficile à bien ob-server du fait de son comportement par-ticulier. Le suivi de l’hivernage de l’espèce au Lac des Pêcheurs n°2 dans une par-celle humide du Parc de Miribel-Jonage, dans le département de l’Ain, a été mené par quelques ornithologues de la LPO Rhône durant quatre hivers successifs de novembre 2011 à avril 2015. Cette espèce n’a fait l’objet que de très peu de suivis dans notre région.

DESCRIPTION

La description complète de l’espèce ne sera pas reprise ici. Signalons simplement ce qu’il est nécessaire de savoir pour la suite de cet article.

L’oiseau est très petit, de 17 à 20 centi-mètres de long, dont 4 environ pour le bec, ce qui est à peu près la taille du cheva-lier guignette Actitis hypoleucos, mais bien inférieure à celle d’un merle, bien qu’évi-demment un peu plus haut sur pattes  ! On la compare souvent à la bécassine des marais Gallinago gallinago, mieux connue et souvent observée dans les mêmes mi-lieux : elle est cependant plus petite d’un tiers, avec un bec proportionnellement bien plus petit et des pattes plus courtes. A l’envol, sa courte queue lui donne une silhouette plus ronde, avec un corps plus compact.

Un critère bien visible est la présence de quatre longues raies jaunâtres chamois, très claires, allant de la base du cou aux sus-caudales, qui ressortent nettement du dos brun, même à l’envol. Ce qui ca-ractérise principalement cette espèce, c’est son comportement très particu-lier vis-à-vis d’un observateur humain  : l’oiseau se tapit au sol dès l’approche et devient complètement invisible dans la végétation, même basse et clairsemée,

puis il attend sans bouger pour s’envoler au dernier moment dans un bruissement d’ailes qui fait sursauter l’observateur et ne lui laisse que le temps de voir des rayures claires sur le dos brun. A l’en-vol, il faut, si possible, relever les critères distinctifs.

Cet envol très tardif lui permettant d’éco-nomiser de l’énergie s’explique par le mimétisme étonnant du plumage  ; l’oi-seau préfère se fier à son homochro-mie avec l’environnement immédiat. Ce comportement unique dans l’avifaune du Paléarctique permet donc d’identifier l’espèce à coup sûr. C’est probablement de là que l’oiseau tire son nom, puisqu’il ne semble pas entendre le danger qui s’approche  ! Au Canada et en Louisiane, la bécassine sourde est surnommée « cache-cache » par les habitants franco-phones (in http://fr.wikipedia.org). Cela reste un peu frustrant pour les observa-teurs… Pendant toute cette étude, un seul oiseau a pu être vu posé et photographié.

Les données de l’espèce sont sou-mises à homologation par le Comité d’Homologation Régional depuis 1991.

AIRE DE RÉPARTITION

Monotypique, la bécassine sourde niche dans les marais et tourbières de la taïga en Scandinavie et en Sibérie, jusqu’au nord de l’Asie. Cependant, pendant les périodes migratoires, on peut la voir dans toute l’Europe qu’elle traverse sans point de concentration notable.

Elle était nicheuse autrefois en Allemagne et en Pologne, et même en France où des cas de reproduction ont été signalés en Champagne au XIXè siècle et même un cas au XXè siècle (Ray 1943 in Pinçon 2011).

L’isotherme 2,5  °C marque la limite sep-tentrionale de la zone d’hivernage (Taylor 1983 in http://www.migraction.net).

Les oiseaux hivernent dans le nord de l’Europe occidentale, îles britanniques

Hivernage de la bécassine sourde au Parc de Miribel-Jonage (département du Rhône)

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comprises, dans les régions humides du pourtour méditerranéen, certains allant jusqu’en Afrique tropicale.

En France, les oiseaux hivernent surtout, semble-t-il, dans les régions proches du littoral Mer du Nord-Manche-Atlantique, mais aussi, de façon moins marquée, dans l’intérieur du pays, principalement au nord-ouest d’une ligne Bordeaux-Lille, le long des basses vallées de l’ouest et dans le couloir rhodanien et le Midi (DUBOIS et al. 2008). On manque de données sur les effectifs hivernants, mais une étude des prélèvements cynégétiques donne un nombre d’environ 50 000 oiseaux tués (évaluation de 1998-99 selon TESSON & LERAY 2000). Quelques vidéos diffusées sur internet montrent la facilité avec la-quelle elle peut être tirée lorsqu’un chien d’arrêt l’a détectée : l’oiseau ne bouge pas et peut quasiment être pris à la main !

Nous n’avons qu’une idée très floue des effectifs hivernants qui semblent se ren-forcer lors d’épisodes météorologiques sévères qui peuvent amener des oiseaux plus nordiques dans nos régions.

Deceuninck in Issa & Muller (2015) écrit « Le statut de la bécassine sourde est mal connu en France. Il n’existe aucune estima-tion précise de l’effectif hivernant, ni d’infor-mations relatives à son évolution récente. Depuis les années 1980, un déclin des pré-lèvements par la chasse a été constaté, tout comme la raréfaction de l’espèce dans plu-sieurs régions. »

HABITAT ET ALIMENTATION

L’espèce est présente en hiver dans les marais, les prairies humides, les champs inondés, les mares et fos-sés près des étangs, les tourbières, les queues d’étangs et de lacs, exceptionnel-lement, semble-t-il, sur le littoral même. Elle semble affecter les zones à végéta-tion basse, avec des flaques éparses où elle se nourrit et des zones de végétation plus fournie, petites roselières, cariçaies,

joncs, phragmites en bord d’étangs, gra-minées hautes, où elle peut se réfugier dans des coulées ou des petits tunnels sous les tiges. Elle semble préférer les sols de couleur sombre avec des zones de vase ou de boue nues et des végétaux en décomposition, ce qui lui permet de tirer profit de son mimétisme.

L’oiseau choisit un creux dégagé dans la végétation qui lui permet d’accéder à une couche de terre suffisamment hu-mide ou à une flaque d’au moins un cen-timètre d’eau. La hauteur optimale de la végétation semble comprise entre 50 et 90 centimètres avec une niche pour se tapir et se reposer (Pinçon 2011). Il peut rester plusieurs heures, voire la journée, sur un ou deux mètres carrés de végéta-tion s’il n’est pas dérangé. L’activité diurne semble en effet limitée, les oiseaux pou-vant rester plusieurs heures sans bou-ger. A la tombée de la nuit, les oiseaux picorent sur place ou vont rejoindre des zones de nourrissage plus ou moins éloignées de leur place diurne selon les conditions météorologiques. Les oiseaux sont souvent solitaires, mais les sites fa-vorables peuvent accueillir jusqu’à une dizaine d’oiseaux ayant chacun leur place diurne délimitée.

Plusieurs études ont montré que les bé-cassines sourdes pouvaient rester fidèles à une place diurne pendant plusieurs di-zaines de jours si celle-ci était favorable, se nourrissant essentiellement de pe-tits invertébrés (vers, insectes et leurs larves, araignées, gastéropodes et pe-tits crustacés), capturés en sondant le sol humide ou pris en surface, mais aus-si de particules minérales et de graines (Géroudet 2008) et même de grit (qui favorise la pré-digestion dans le gésier) et de quelques plombs de chasse (Beck & Olivier 1998). Des reprises d’indivi-dus bagués ont montré qu’elles peuvent revenir deux ou trois hivers successifs sur le même site.

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MIGRATION ET PASSAGES MIGRATOIRES EN FRANCE

En France, l’espèce est de passage dans tout le pays, mais la plupart des oiseaux migrent plutôt le long du littoral Mer du Nord-Manche-Atlantique. Le passage postnuptial débute dès août, mais s’étend plutôt de mi-septembre à décembre, avec un pic à la fin octobre. La migration s’ef-fectue de nuit, parfois en petits groupes, semble-t-il (VALLANCE 2007).

Ceux qui stationnent en France peuvent effectuer des mouvements vers le sud-ouest ou au contraire vers le nord-est selon le niveau de la température et d’éventuels épisodes neigeux.

Le passage prénuptial est encore plus discret et semble concerner tout le pays, de fin mars à début avril, plus rarement jusqu’en mai, la migration des oiseaux venant du sud étant très difficile à distin-guer du départ des hivernants régionaux (DUBOIS et al. in supra).

DONNÉES DE LA LPO RHÔNE

Il n’y avait que très peu de données dans les bases avant cette étude, ce qui confir-merait plutôt la discrétion de l’espèce que sa rareté  ! Les premières données du Rhône disponibles dans les anciennes bases concernaient un oiseau à Jonage le 14 mars 1974 (anonyme), deux le 13 janvier 1995 à Miribel et à Meyzieu (ano-nyme), puis un oiseau levé à Décines, près de la roselière du Grand Large, le 28 novembre 1998 par notre regretté ami Alexandre RENAUDIER.

Avec le développement de l’ornitholo-gie de terrain, quelques données ap-paraissent ensuite à Miribel-Jonage à partir de 2002 (G. BRUNEAU, S. CHANEL, F.  LE GOUIS, J.M. BELIARD, A. FAURE, A. MELIES, V. PALOMARES), à la gravière de Joux (Arnas) en val de Saône à par-tir de 2007 (F. LE GOUIS, G. CORSAND et al.), très rarement ailleurs avec trois données au marais de Boistray en 2013

(G. CORSAND) et 2014 (E. RIBATTO), une à Saint-Priest en 2014 (G. BRUNEAU) et une à Saint-Andéol-le-Château en 2015 (P.ADLAM).

A noter une donnée d’un oiseau tué par un chasseur à Rontalon en décembre 2012 (F. MONGE fide Th. GAULTIER).

En Rhône-Alpes, les données ne sont pas très nombreuses mais concernent l’ensemble des départements. Il semble y avoir un maximum de données en oc-tobre et novembre, mais également quelques-unes de décembre à mars et même de rares citations en avril et jusqu’à début mai qui se rapportent à des migrateurs.

DESCRIPTION DU SITE

Le Parc de Miribel-Jonage est une vaste zone de 2200 hectares en périphérie de l’agglomération lyonnaise, située entre le canal de Miribel, construit vers 1850, et le canal de Jonage, construit vers 1890, qui sont des aménagements du cours du Rhône se séparant à Jons. Créé en 1968, le SYMALIM (Syndicat Mixte pour l’Aménagement et la gestion du Grand Parc de Miribel-Jonage) acquiert des terrains et aménage de vastes plans d’eau. Initialement dédié au maintien de

Figure 2 : Lac des Pêcheurs n°2 vue du côté sud, au fond le Lac de la Droite et Miribel. Entre les deux lacs, la zone d’hivernage des bécassines sourdes, Miribel-Jonage, mars 2012 © D. TISSIER.

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réservoirs, issus de la nappe phréatique alluviale du Rhône, ainsi qu’à l’exploita-tion de gravières, le Parc est aménagé progressivement en zone de loisirs.

Le Grand Lyon classe le site en « zone inaltérable » en 1991. Puis, en 1993, de grands projets immobiliers sont aban-donnés afin de privilégier les activités de loisirs sous contrôle et de préserver ainsi le côté naturel du site, avec quelques zones interdites aux activités nautiques et l’aménagement d’observatoires pour la faune..

Le Lac des Pêcheurs (n°2) fait partie d’une zone très récemment aménagée ( 2010-11) au nord-est du Grand Parc. Un chemin a été tracé entre ce lac et celui dit de la Droite qui est quasiment bordé par l’autoroute de Genève A42. Cette zone a vite attiré les oiseaux, car sans doute moins fréquentée en week-end par les pêcheurs et les promeneurs. Le Lac des Pêcheurs a la forme d’un rectangle de seulement 400 mètres de long et d’en-viron 150 mètres de large. Entre le plan d’eau et le chemin, au nord, a été plus ou moins aménagée et maintenue en milieu ouvert une zone herbeuse, à touffes as-sez éparses, sur sol humide, mais assez caillouteux. Des petites zones de phrag-mites bordent l’étang par endroits. Par temps humide, des flaques d’eau se for-ment dans des creux de très faible pro-fondeur et semblent être appréciées des bécassines des marais en hiver. Cette bande a une largeur moyenne de moins de 60 mètres. Elle est assez favorable à la bécassine sourde (Géroudet 2008), avec des creux ou petites dépressions entre les touffes de végétation, un sol assez spon-gieux et moussu qui semble constitué essentiellement de terre de remblai rap-portée avec beaucoup de galets, et des petites anses en bord d’étang accessibles aux petits échassiers de rivage et de ma-rais. Le service de maintenance du Grand Parc pratique périodiquement un broyage mécanisé qui évite l’envahissement de la

zone par des saules, le castor d’Eurasie Castor fiber, bien présent, y apportant aussi son concours !

Il faut noter la pose d’une clôture avec fil de fer barbelé(s) en septembre 2012, pour amener très peu de fois le petit trou-peau de bovins souvent présent au lac du Drapeau. Cette clôture a sans doute eu un effet bénéfique pour l’avifaune en limi-tant la pénétration des promeneurs.

OBSERVATIONS RÉALISÉES PENDANT L’ÉTUDE

Le premier contact avec l’espèce sur le site étudié a eu lieu le 27 novembre 2011, deux semaines après une observation à la gravière de Joux à Arnas qui avait incité à la chercher dans cet espace près du Lac des Pêcheurs qui semblait bien propice. Et effectivement, très vite, un oiseau s’est envolé, vers midi, et se reposait à une trentaine de mètres, derrière un rideau de phragmites ! Deux ou trois bécassines des marais s’envolaient aussi, mais avec une distance de fuite bien plus grande, de l’ordre de 20 ou 30 mètres environ et un envol haut et lointain en zig-zag. A chaque visite, cette espèce sera contactée avec les mêmes différences de comportement.

Le tableau n°1 donne le nombre d’oi-seaux détectés par décade et par hiver au Lac des Pêcheurs. La colonne de droite donne le total des oiseaux par décade et la dernière ligne le nombre de passages sur site par hiver.

Le premier hiver a été l’occasion de dé-couvrir la présence de l’espèce sur le site, malgré une première visite un peu tar-dive (troisième décade de novembre). On trouvera plus de détails sur cette sai-son d’étude dans l’Effraie n°32 (ROLLET & TISSIER 2012). Il semble qu’un seul oiseau ait hiverné de fin novembre au moins jusqu’au 25 mars 2012, date du dernier contact. Evidemment, les oiseaux ne sont pas marqués et il n’y a pas de preuve que ce soit le même individu qui soit revu à

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chaque visite, mais c’est fortement pro-bable, d’autant plus que, conformément à l’habitude de l’espèce, l’oiseau a été sou-vent trouvé exactement à la même place ou quasiment, à quelques jours d’inter-valle, si “sa” petite flaque n’était pas trop asséchée.

Le 5 février, pour la journée “100 longues-vues” du centenaire de la LPO, toute la zone était complètement gelée… Aucune trace de bécassine  ! Le 10 mars 2012, deux oiseaux ont été notés, don-née attribuée au passage migratoire d’un éventuel autre individu.

Durant le second hiver, qui a fait l’objet d’un second article dans l’Effraie n°34 (ROLLET & TISSIER 2013), les recherches ont été plus nombreuses (19 visites) avec un premier contact le 22 septembre 2012 malgré un terrain assez sec ce jour-là. Rien en octobre où le sol était très sec tout le mois. Ensuite, de novembre à fin mars, l’effectif semble évoluer entre 2 et 4 oiseaux, sans qu’il n’y ait de lien évident entre la quantité de flaques ou leur niveau d’eau et le nombre d’oiseaux observés.

Le 6 janvier, alors que le temps a été sec toute la semaine précédente, 5 oiseaux

Décades 2011-12 2012-13 2013-14 2014-15 Totalsept.3 1 0 1

oct. 1 0 0 0

oct. 2 0 0

oct. 3

nov. 1 1 1-1 2

nov. 2 3-0 1 4 8

nov. 3 1 0 4 5

déc. 1 1 7 8

déc. 2 1 >2 >3

déc. 3 4 1 5

janv. 1 5 1 6

janv. 2 3 8 0 3

janv. 3 1 2 4 7

fév. 1 0-1 2 4 5-4 12

fév. 2 1 12 13

fév. 3 1 4 >1 >6

mars 1 1 0-3 1 3 8

mars 2 2 2 >1 >5

mars 3 1-0 6 0 0 7

avr. 1 2 2

avr. 2 1 1

avr. 3

mai 1 0

103

Visites 12 19 11 15 57

Tableau 1 : Nombre de bécassines sourdes par décade durant les quatre hivers de suivi à Miribel-Jonage, en italique bleu les visites d’autres participants que l’auteur.

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sont vus dans une petite zone assez cail-louteuse et quasi sèche d’environ 2 à 3 m².

Le 2 mars, aucune bécassine sourde n’est trouvée, mais un hibou des marais Asio flammeus est présent sur le site  ! Il est tentant d’attribuer l’absence des petits échassiers, sans preuve formelle toute-fois, à la présence du rapace nocturne même s’il se nourrit principalement de micromammifères au crépuscule.

Puis le 24 mars, ce sont 6 bécassines sourdes et 9 bécassines des marais qui sont notées dans la parcelle – très humide avec de nombreuses flaques –, après quelques jours d’une météo exécrable.

Le dernier contact (un oiseau) est obtenu le 14 avril 2013 ; rien le 1er mai.

On peut penser que 3 oiseaux au moins ont hiverné de mi-novembre 2012 à mi-mars 2013.

Au cours du troisième hiver, où les visites ont été un peu moins fréquentes, le mois d’octobre est encore particulièrement sec et un seul oiseau est détecté en novembre. Mais le jour du comptage Wetlands du 18 janvier 2014, le terrain est très humide et les observateurs ont la surprise de trou-ver 8 bécassines sourdes  ! Le record du site sera obtenu le 16 février suivant avec pas moins de 12 oiseaux à l’envol  ! C’est ce jour-là qu’un des individus a enfin été repéré avant l’envol, photographié et véri-fié. Les autres passages sur site laissent à penser qu’au moins 4 individus ont hiver-né sur place de début janvier à fin février au moins. A noter la présence d’un hibou des marais le 29 mars, posé dans la par-celle, et, de nouveau, sans aucune bécas-sine sourde !

Enfin, lors du quatrième hiver, le premier oiseau est repéré le 26 octobre malgré un terrain assez sec et avec la présence des vaches. Puis l’effectif est assez fluctuant de 1 à 5 oiseaux, et même aucun lors du comptage Wetlands du 17 janvier 2015,

sans qu’on puisse établir de lien entre l’humidité du sol, la météo et la présence ou l’absence d’oiseaux. Le dernier contact, avec trois individus, est obtenu le 9 mars où, pour la première fois, un oiseau est levé près du Lac des Pêcheurs n°1 situé juste à côté du Lac n°2 mais dont les bor-dures semblent moins favorables. Aucun oiseau n’est trouvé le 21 mars, jour où la parcelle a été quasi entièrement prospec-tée, et sous la pluie !

Toutes ces observations ont été soit déjà homologuées pour certaines par le CHR ou sont en cours d’examen pour d’autres.

L’étude relatée ici, qui ne faisait l’objet d’aucun programme régional ou natio-nal, a totalisé 57 visites et environ 120 heures de recherche. Elle a été me-née par l’auteur, Dominique TISSIER et Olivier ROLLET (LPO Rhône), avec par-fois l’aide de quelques autres bénévoles Nicole CHABANNIER, Guillaume TISSIER, Léa HILAIRE, Alex RENAUDIER †, Gaël FOILLERET, Théo LAURENT. D’autres or-nithologues ont fait des passages occa-sionnels sur le site et ont rapporté leurs données  : Jean-Michel BELIARD, Yann DUBOIS, Fred LE GOUIS, Sorlin CHANEL, Vincent DOURLENS, Axel ROYER, Jean-Paul RULLEAU, Éric BROUTIN, Jonathan JACK, Alain FERRIER, Tom VELLARD, Guilhem SOMMERIA-KLEIN.

DISCUSSION

Dans la majorité des observations, les oiseaux ont été vus dans la même pe-tite zone centrale d’environ 100 mètres sur 60 seulement, soit 0,6 ha ; plus rare-ment, certains individus ont été trouvés dans une partie plus écartée du centre, et, quatre fois seulement, en bordure des phragmites et de l’étang. Au moment de l’approche, les oiseaux ne sont jamais posés dans l’eau des flaques, mais plutôt à une distance de quelques dizaines de centimètres jusqu’à un ou deux mètres du bord d’une flaque.

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D’une semaine à l’autre, on les retrouvait exactement au même endroit quand les conditions de niveau d’humidité sur le sol restaient identiques, parfois au décimètre près. Ce comportement est bien décrit par plusieurs auteurs comme Géroudet ou Pinçon.

Indétectable avant son envol, l’oiseau se dissimulait en général dans une légère dépression entre deux touffes d’herbes d’une hauteur d’environ 20 à 30 centi-mètres. A chaque envol, il ne prenait ja-mais beaucoup d’altitude, moins de 3 ou 4 mètres environ, et ne cherchait jamais à quitter son petit territoire. Au contraire, dès qu’il en atteignait les limites invisibles, il effectuait un virage pour revenir se po-ser, derrière les observateurs ou sur le côté, à l’intérieur de sa zone d’hivernage. Après son envol, il se reposait toujours près de la rive de l’étang, en général en lisière des phragmites. Dans environ 5 % des envols, il a émis un petit cri plaintif, un peu plus aigu que celui de la bécas-sine des marais, une fois un sifflement plus flûté  ; les autres fois, il s’est envolé en silence.

Lors des journées où aucun individu n’a été détecté, par exemple en cas de gel, on peut penser qu’ils n’ont pas été très loin. Peut-être vers la lône du vieux Rhône, dis-tante d’environ 1300 mètres  ? Pedersen (1995, in Pinçon 2011) qui a suivi par té-lémétrie l’hivernage d’un individu dans un réseau de cinq sites éparpillés sur 18 km², au Danemark, pendant 52 jours, a relevé que, lors des périodes de gel, cet oiseau entreprenait des déplacements de moins de cinq kilomètres pour se nourrir et qu’il a survécu grâce aux cours d’eau. A noter qu’une bécassine sourde est ob-servée par Vincent PALOMARES le 14 décembre 2011, dans le même Parc de Miribel-Jonage, mais en fond d’étang des Allivoz, distant de 1600 mètres du Lac des Pêcheurs. Il est probable que certains oi-seaux changent de zone de repos diurne, selon des critères encore mal connus, en

allant par exemple vers cette lône, vers d’autres queues d’étangs du Grand Parc ou vers la prairie humide du Grand Large, voire d’autres zones inconnues.

Le Lac des Pêcheurs semble cependant être une zone très appréciée par l’espèce. Le premier hiver correspond au tout dé-but de la mise en disponibilité du site après aménagement par les services du Grand Parc. Un seul oiseau en a profité. Puis les hivers suivants, le nombre d’in-dividus a augmenté (entre 3 et 5) avec même un effectif maximum, certes occa-sionnel, de 12 oiseaux, rarement consta-té ailleurs et qui confirme tout l’intérêt de cet écosystème pour cette espèce.

A noter que les observateurs se sont at-tachés à ne pas lever deux fois de suite le même oiseau pour limiter son déran-gement, mais que ceci a peut-être entraî-né une sous-estimation des chiffres (en sus de celle occasionnée par la discrétion naturelle de l’espèce, sachant qu’on peut passer à moins d’un mètre, voire vingt centimètres sans rien voir). Les chiffres de la figure n°3 sont donc très probable-ment des minimums.

La figure n°3 reprend l’ensemble des données de bécassines sourdes dans le département du Rhône (nouveau décou-page territorial) et Lyon Métropole, tous sites confondus, le site de Miribel-Jonage fournissant à lui seul 89 % des données du graphe. Il montre que la présence des oiseaux est principalement notée de dé-but novembre à fin mars. Les périodes de passage migratoire sont peu mar-quées, surtout celle du passage postnup-tial d’octobre qui n’apparaît pas. Ceci est sans doute lié, pour une part au mode de prospection et à la discrétion des migra-teurs de passage, et pour une autre part à la sécheresse du terrain lors des mois d’octobre étudiés.

A noter toutefois la date d’observation la plus précoce au 22 septembre 2012 (à Miribel-Jonage, O. ROLLET & D. TISSIER) et

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allant par exemple vers cette lône, vers d’autres queues d’étangs du Grand Parc ou vers la prairie humide du Grand Large, voire d’autres zones inconnues.

Le Lac des Pêcheurs semble cependant être une zone très appréciée par l’espèce. Le premier hiver correspond au tout début de la mise en disponibilité du site après aménagement par les services du Grand Parc. Un seul oiseau en a profité. Puis les hivers suivants, le nombre d’individus a augmenté (entre 3 et 5) avec même un effectif maximum, certes occasionnel, de 12 oiseaux, rarement constaté ailleurs et qui confirme tout l’intérêt de cet écosystème pour cette espèce.

A noter que les observateurs se sont attachés à ne pas lever deux fois de suite le même oiseau pour limiter son dérangement, mais que ceci a peut-être entraîné une sous-estimation des chiffres (en sus de celle occasionnée par la discrétion naturelle de l’espèce, sachant qu’on peut passer à moins d’un mètre, voire vingt centimètres sans rien voir). Les chiffres du tableau n°1 sont donc très probablement des minimums.

Le graphe n°1 reprend l’ensemble des données de bécassines sourdes dans le département du Rhône (nouveau découpage territorial) et Lyon Métropole, tous sites confondus, le site de Miribel-Jonage fournissant à lui seul 89% des données du graphe. Il montre que la présence des oiseaux est principalement notée de début novembre à fin mars. Les périodes de passage migratoire sont peu marquées, surtout celle du passage postnuptial d’octobre qui n’apparaît pas. Ceci est sans doute lié, pour une part au mode de prospection et à la discrétion des migrateurs de passage, et pour une autre part à la sécheresse du terrain lors des mois d’octobre étudiés.A noter toutefois la date d’observation la plus précoce au 22 septembre 2012 (à Miribel-Jonage, O. ROLLET & D. TISSIER) et la plus tardive au 17 avril 2015 (à la gravière de Joux à Arnas, H. POTTIAU).

Graphe n°1 : nombre de Bécassines sourdes par décade dans le Rhône

Six visites au Lac des Pêcheurs ont donné plus de 4 oiseaux : 5 le 6 janvier 2013, 6 le 24 mars 2013, 8 le 18 janvier 2014, 12 le 16 février 2014, 7 le 6 décembre 2014, 5 le 1er février 2015. Ces “pics” peuvent s’expliquer par des mouvements des oiseaux entre le site de Miribel-Jonage et d’autres sites inconnus plus ou moins proches, l’espèce pouvant effectuer de petits déplacements au gré des conditions météorologiques (Géroudet 2008).

Les autres sites du Rhône ayant eu des citations de l’espèce sont : Arnas (gravière de Joux : 7%) et marais de Boistray (3 données), gravière de Bourdelan d’Anse (1 donnée en 2012), Jonage (1 donnée ancienne en1974), Saint-Priest (Parc technologique, 1 donnée non encore soumise au CHR), Rontalon (chasse) et Saint-Andéol-le-Château (un oiseau en prairie humide en 2015). Il est certain que bien des oiseaux échappent à l’observation puisqu’ils ne peuvent être détectés que par une recherche spécifique comme celle qui fait l’objet de cet article ou par hasard !

Pour aller plus loin dans cette étude, une réflexion pourrait être engagée sur un suivi par baguage. En effet, il y a encore beaucoup à apprendre sur cette espèce assez méconnue, du fait de ses mœurs très discrètes,

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11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23

nombre de Bécassines sourdes par décade dans le Rhône

la plus tardive au 17 avril 2015 (à la gra-vière de Joux à Arnas, H. POTTIAU).

Six visites au Lac des Pêcheurs ont donné plus de 4 oiseaux : 5 le 6 janvier 2013, 6 le 24 mars 2013, 8 le 18 janvier 2014, 12 le 16 février 2014, 7 le 6 décembre 2014, 5 le 1er février 2015. Ces “pics” peuvent s’ex-pliquer par des mouvements des oiseaux entre le site de Miribel-Jonage et d’autres sites inconnus plus ou moins proches, l’espèce pouvant effectuer de petits dé-placements au gré des conditions météo-rologiques (Géroudet 2008).

Les autres sites du Rhône ayant eu des ci-tations de l’espèce sont : Arnas (gravière de Joux  : 7  %) et marais de Boistray (3 données), gravière de Bourdelan d’Anse (1 donnée en 2012), Jonage (1 donnée ancienne en 1974), Saint-Priest (Parc technologique, 1 donnée non encore soumise au CHR), Rontalon (chasse) et Saint-Andéol-le-Château (un oiseau en prairie humide en 2015). Il est certain que bien des oiseaux échappent à l’observa-tion puisqu’ils ne peuvent être détectés que par une recherche spécifique comme celle qui fait l’objet de cet article ou par hasard !

Pour aller plus loin dans cette étude, une réflexion pourrait être engagée sur un suivi par baguage. En effet, il y a encore

beaucoup à apprendre sur cette espèce assez méconnue, du fait de ses mœurs très discrètes, aussi bien sur l’origine des oiseaux hivernants que sur les voies de migration et les sites favorables aux haltes migratoires. D’autres études sont en cours ailleurs en France, avec la par-ticipation de l’ONCFS, des Fédérations Départementales de Chasseurs et du MNHN.

CONCLUSION

L’hivernage de la bécassine sourde a été suivi pendant quatre hivers successifs, de fin novembre 2011 à fin mars 2015, dans le Grand Parc de Miribel-Jonage (69). C’est la première fois, à notre connais-sance, qu’un tel suivi a pu être réalisé en Rhône-Alpes.

Compte tenu de l’extrême discrétion des oiseaux non nicheurs, qui ne sont en gé-néral pas comptabilisés dans les recense-ments annuels d’oiseaux d’eau comme le Wetlands, il est clair que l’on manque en-core de données sur leur comportement migratoire et leur hivernage. C’est une des raisons qui ont poussé l’auteur à rédiger cet article, et ainsi apporter une modeste contribution à la connaissance de l’es-pèce, lors de sa période de présence en Rhône-Alpes et des écosystèmes qu’elle

Figure 3 : nombre de bécassines sourdes observées par décade dans le Rhône

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utilise, et, permettre localement dans le Grand Parc, d’améliorer les conditions de sa préservation.

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IMPACT DE LA DENSITÉ DE COUPLES NICHEURS SUR LA COMMUNICATION ACOUSTIQUE CHEZ LA CHEVÊCHE D’ATHÉNA (ATHENE NOCTUA)

1. thierry.lengagne@ univ-lyon1.fr2. mylene.dutour@ univ-lyon1.fr

Thierry LENGAGNE, Chargé de Recherche-HDR, CNRS UMR-CNRS 5023, Laboratoire d’Ecologie des Hydrosystèmes Naturels et Anthropisés, Équipe Ecophysiologie, Comportement, Conservation, Université Lyon 11

Mylène DUTOUR, Doctorante, CNRS UMR-CNRS 5023, Laboratoire d’Ecologie des Hydrosystèmes Naturels et Anthropisés, Équipe Ecophysiologie, Comportement, Conservation, Université Lyon 12

RÉSUMÉChez de nombreuses espèces d’oiseaux les individus sont capables de se reconnaitre à partir de marqueurs individuels spécifiques. Pour les espèces territoriales, ce processus de reconnaissance individuelle permet aux oiseaux d’identifier leurs différents voisins. Ils ajustent alors leur défense territoriale et limitent les réponses vigoureuses unique-ment aux cas où la menace est importante (cas d’un oiseau étranger inconnu cher-chant un territoire). Une étude récente réa-lisée sur le grand-duc d’Europe Bubo bubo en Espagne indique pour la première fois que ce système de reconnaissance n’est pas présent lorsque les oiseaux vivent en forte densité. La chevêche d’Athéna Athene noc-tua, qualifiée d’espèce « super-territoriale » possède des populations aux densités dans l’Ain et dans le Rhône. L’analyse de 128 chants que nous avons enregistrés en zones de faible ou de forte densité a montré que les signatures individuelles disparaissent lorsque la densité des oiseaux est forte. Une réponse virulente à un chant inconnu reste toutefois présente dans les deux situa-tions. Nous avons donc confirmé les résul-tats de la première étude sur le grand-duc d’Europe pour une autre espèce de rapace nocturne, la chevêche d’Athéna. La densité des oiseaux est donc susceptible de modifier les systèmes de communication impliqués dans les comportements territoriaux.

ABSTRACTFor many species of birds, individuals are able to recognise each other from in-dividual specific markers. For territorial species, this process of individual recog-nition enables birds to identify their dif-ferent neighbours. They then adjust the defence of their territory and restrict vig-orous responses to cases where there is a major threat – as in the case of an unknown stranger searching for a ter-ritory. A recent study carried out on the European Eagle Owl (Bubo bubo) in Spain indicates for the first time that their sys-tem of recognition is not present when a high density of birds is present. The Little Owl (Athene noctua) which is described as a « strongly territorial « species, has high-ly variable population densities in the Ain and Rhône departments. Analysis of 128 songs which we recorded in areas of low or high density has shown that individu-al distinctions disappear where there is a high density of birds. An aggressive re-sponse to an unknown song is nonethe-less present in both situations. We have therefore confirmed the resuts of the first study on another species of nocturnal bird of prey. Social context (population density) can therefore modify the system of commnuication involved in territorial behviour.

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INTRODUCTION

Chez de nombreuses espèces animales, la communication acoustique joue un rôle majeur pour la survie et la reproduc-tion. Les signaux acoustiques véhiculent des informations qui peuvent servir par exemple dans la défense du territoire, dans la reconnaissance individuelle ou dans l’évaluation du choix du partenaire.

Chez les oiseaux, la communication acoustique joue une place importante et certaines espèces ont particulièrement besoin d’utiliser une signature indivi-duelle, c’ est-à-dire un marqueur acous-tique qui caractérise chaque individu. Il s’agit des espèces coloniales (reconnais-sance entre parents et poussins), des espèces territoriales (identification des différents voisins) et des espèces gré-gaires (établissement d’un réseau de re-lations sociales). Alors que les espèces territoriales semblaient toutes utiliser les signatures individuelles afin de distinguer un oiseau voisin, qui ne nécessite pas une défense du territoire très agressive, d’un oiseau étranger, qui cherche potentiel-lement un territoire pour s’établir, une étude réalisée en 2013 sur le grand-duc

d’Europe (Bubo bubo) en Andalousie a ap-porté des nuances importantes à cette vision. Delgado et al. (2013) ont montré pour la première fois que le contexte so-cial des animaux (la densité des couples) influence la présence de marqueurs indi-viduels dans le chant. Les signaux acous-tiques des animaux vivant en zone de forte densité montrent en effet une atté-nuation de leurs signatures individuelles ce qui laisse supposer que la défense du territoire basée sur les chants du mâle fonctionne probablement de manière dif-férente selon la densité des couples.

L’objectif de notre étude était de détermi-ner dans un premier temps si ces résultats pouvaient être généralisés à une autre espèce de rapace nocturne, la chevêche d’Athéna (Athene noctua), dont les densi-tés de population sont très variables. En effet, cette espèce sédentaire qui occupe son territoire toute l’année, est qualifiée d’espèce « super-territoriale » car elle peut s’agréger dans les zones favorables (Bretagnolle et al. 2001), elle représente donc un bon modèle pour cette étude. Dans un deuxième temps, nous avons cherché à déterminer si ces potentielles modifications des signaux acoustiques

Chevêche d’Athéna (Athene noctua) © C. Maliverney

Impact de la densité de couples nicheurs sur la communication acoustique chez la chevêche d’Athéna (Athene noctua)

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pouvaient influencer le comportement territorial des chouettes. Nous prédisons une différence de la structure des chants et du comportement territorial entre in-dividus vivant dans une zone faiblement peuplée ou inversement dans une zone présentant de fortes densités de chouette chevêche.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Situations géographiques des populations étudiéesPour étudier le système de communi-cation de la chevêche, nous avons dans un premier temps identifié des zones à faible et forte densités. Pour cela, nous avons répertoriés, à l’aide de la technique de la repasse, tous les mâles présents dans deux zones (Monts du Lyonnais dans le Rhône et région de la Dombes dans Ain  ; Fig. 1). Plusieurs sessions de repasses ont été effectuées afin de dé-tecter un maximum d’individu. Le pre-mier secteur s’étale sur une superficie de 52 km². Le milieu dominant est agricole, constitué de cultures fruitières. Les vieux bâtis ainsi que les nombreuses prairies permanentes constituent un milieu pro-pice à la chevêche d’Athéna. Le second

secteur s’étale sur une surface de 225 km². Les grandes cultures céréalières avec quelques prairies caractérisent ce milieu, de vieux bâtis sont également présents. Comme la plupart des rapaces nocturnes, les chevêches vivent en faible densité. Les densités moyennes pour le centre de l’Europe sont comprises entre 0,3 et 0,5 couple au km² et dépassent ra-rement 1,5 couple au km². La totalité du domaine vital étant en moyenne de 15 à 30 hectares (mais l’oiseau passe 80 % de son temps sur une surface de 1 à 6 hec-tares, Etienne 2012), la densité dans la-quelle vivent les chouettes a été estimée à partir d’un disque de 960 m de rayon cen-tré sur le nid (soit environ 3 territoires). Au sein de l’Ain et du Rhône, 9 oiseaux vivent dans des zones de faible densité (0,42 ± 0,15 chouette/km²) et 13 oiseaux appartiennent à des zones de fortes den-sités (1,21 ± 0,18 chouette/km²).

Prise de sonPour déterminer si la signature acous-tique est influencée par la densité de che-vêches, les 22 mâles ont été enregistrés. Puisque les conditions météorologiques influencent la qualité des enregistrements

Figure 1 : Carte des deux zones d’étude. En vert, orange et violet les forêts ; les couleurs pastel : l’altitude.

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(rapport signal/bruit) mais sont égale-ment susceptibles d’influencer les ca-ractéristiques acoustiques des chants (Lengagne et al. 2002), nous avons pris soin de réaliser les enregistrements dans de bonnes conditions météorologiques (temps doux, pas de pluie, pas de vent). La prise de son est réalisée à l’aide d’un micro Beyer M300TG sur une parabole de 70 cm, de micros Sennheiser ME67- K6 et MZW70-1 (avec bonnette anti-vent ar-mée pour K6P/ME67) et d’un enregistreur FOSTEX FR2LE. Seuls les chants des mâles sont pris en compte.

Analyses du sonLes chants sont analysés par ordina-teur à l’aide d’un logiciel pour l’ana-lyse de signaux acoustiques. Le logiciel Avisoft-SASLab (version Mars 2014) a été utilisé afin d’obtenir des sonagrammes (Fig. 2). Pour chaque individu 5 ou 6 chants ont été conservés pour l’analyse des signaux. L’analyse est basée sur la détection automatique de six variables par le logiciel  : la durée du chant (en ms), la fréquence au début du chant (en Hz), la fréquence au milieu du chant (en Hz), la fréquence finale (en Hz), la fré-quence moyenne calculée sur l’ensemble du chant (en Hz) ainsi que le nombre d’harmoniques.

Afin de déceler une différence de structu-ration de chant chez les individus vivant en forte ou en faible densité, une analyse discriminante a été effectuée (cette tech-nique statistique vise à prédire l’apparte-nance à des groupes prédéfinis à partir d’une série de variables prédictives).

Comportement de territorialitéPour répondre à notre seconde question, nous avons diffusés un chant étranger aux 22 chouettes puis nous avons ensuite observés le comportement de territoria-lité de chaque individu (temps de réponse

et nombre de chants émis durant 3 mi-nutes à la suite de la repasse).

Des tests statistiques non-paramétriques de comparaison de moyennes (test de Wilcoxon) ont été réalisés afin de déter-miner s’il existe des différences de ré-ponse selon les densités.

RÉSULTATS

Signature acoustique et densité d’oiseauxSur les 74 chants appartenant aux indi-vidus vivant en forte densité, 39 ont été classés correctement, c’ est-à-dire qu’ils ont été attribué au bon mâle par l’ana-lyse discriminante. Dans la zone présen-tant une faible densité, 40 chants sur 54 ont été bien classés. Cela correspond à un taux de discrimination de 55 % et 74 % pour les individus appartenant respecti-vement aux zones de forte ou faible den-sités (Fig. 3). Ainsi, la discrimination des individus sur une base acoustique est plus complexe lorsqu’ils vivent en forte densité ce qui signifie que les marqueurs acoustiques individuels sont moins stéréotypés.

Figure 2 : Sonagramme d’un chant appartenant à un mâle chevêche vivant dans un milieu à forte densité (Avisoft-Saslab pro). Du bas vers le haut : la fondamentale, puis 6 harmoniques

Impact de la densité de couples nicheurs sur la communication acoustique chez la chevêche d’Athéna (Athene noctua)

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Comportement de territorialité et densité des oiseauxLes tests de comparaisons de moyennes indiquent qu’il n’y a aucune différence si-gnificative pour les quatre variables étu-diées (Tableau 1). Les individus qui vivent en forte densité mettent le même temps de réponse et émettent le même nombre de chant en moyenne suite à la repasse d’un chant étranger à la population.

DISCUSSION

L’espèce est présente en hiver dans L’analyse des 128 chants de chouette che-vêche montre que la structure du chant est plus homogène dans les zones à forte densité : lorsque la densité d’oiseaux est faible, les marqueurs individuels dans les chants sont plus fiables pour reconnaitre les individus. En effet, 3 fois sur 4, un chant

pris au hasard dans le jeu de données peut être attribué sans erreur à l’individu qui l’a émis. Les espèces territoriales peuvent souvent discriminer le signal émis par un voisin d’un autre signal émis par un oi-seau étranger, ils minimisent alors leur réponse envers les mâles voisins, tout en réduisant les coûts associés à la défense du territoire. Ce phénomène correspond à la théorie du « cher ennemi » : dans ce cas tout le monde gagne à rester calme avec ses chers voisins qui ne sont pas à la recherche d’un territoire (Fisher 1954). De plus, chez de nombreuses espèces, la dis-crimination est même plus précise car les oiseaux voisins sont non seulement re-connus individuellement mais aussi asso-ciés à un territoire et une direction. Même voisin, un mâle engendrera une forte ré-ponse si son chant n’est pas émis de son propre territoire. La discrimination des oi-seaux étrangers versus voisins a été mise en évidence chez les mâles de chevêche et montre que la réponse territoriale est plus forte face à un étranger (Hardouin et al. 2006, résultats non présentés).

Notre étude sur la chouette chevêche permet de confirmer les premiers résul-tats de Maria Delgado sur le grand-duc : lorsque la densité des oiseaux est forte, les individus semblent utiliser des voca-lisations très similaires, conduisant à un réseau de communication généralisée et unique. Dans ce type de système les ani-maux seraient moins agressifs, défen-draient seulement les abords immédiats du nid et partageraient probablement les sites de chasse ce qui rendrait moins nécessaire l’existence de marqueurs indi-viduels. De plus, dans un réseau où tout le monde se ressemble, un oiseau étran-ger serait beaucoup plus rapide à dé-tecter par tous. Une étude détaillée des relations sociales dans un contexte de forte densité permettra de valider ces hypothèses.

Nos résultats indiquent aussi que le com-portement territorial des chouettes face à

variables W p-valuetemps de réponse 52.5 0.43

1 min 45.5 0.23

2 min 61.5 0.79

3 min 73.5 0.70

Tableau 1 : Résultats des tests de comparaisons de moyennes pour les réponses comportementales des individus vivant en forte ou faible densité suite à l’émis-sion d’un chant étranger à la population

Figure 3 : Représentation graphique du pourcentage de discrimination en fonction de la densité

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un chant étranger n’est pas affecté par la densité dans laquelle elles vivent. Que ce soit en zone de faible ou de forte densité nous n’avons pas détecté de différence dans l’intensité de la réponse comporte-mentale que nous avons mesurée. Il se-rait maintenant intéressant d’étudier la réponse des oiseaux au chant d’un indi-vidu voisin pour déterminer l’intensité de la réponse selon la densité.

En conclusion, les processus de commu-nication décrits jusqu’à maintenant dans un système simple émetteur-récepteur sont donc probablement plus complexes que ceux envisagés jusqu’à maintenant. En plus des contraintes morphologiques et génétiques, de nombreuses variables environnementales comme le bruit an-thropique (Lengagne et al. 2008), ou les contraintes liées à la propagation du signal (Lengagne et al. 1999) peuvent expliquer la structure des signaux acous-tiques. Il semble maintenant néces-saire de rajouter les contraintes sociales comme la densité des oiseaux présents sur une zone, densité susceptible de mo-difier les comportements territoriaux et les systèmes de communication qui leurs sont associés.

REMERCIEMENTS

Les auteurs tiennent à remercier  : Elsa Pabion, Morgane Revol et Christian Maliverney.

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LA NIDIFICATION DE L’HIRONDELLE DE FENÊTRE (DELICHON URBICUM) EN ARDÈCHE, ANALYSE QUALITATIVE ET QUANTITATIVE DE SA RÉPARTITION

1. [email protected]

Roland DALLARD, Chargé d’études naturalistes, LPO Ardèche1

L’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) est une espèce nicheuse à vaste distribution eurasiatique, commune en France métropo-litaine, dont l’abondance paraît plus élevée dans son aire de répartition méridionale, où se trouve le département de l’Ardèche. Depuis la fin des années 1980, suite à la mise en place de programmes de suivis ho-mogènes, un déclin plus ou moins fort de ses populations a été constaté.

Au cours des années 2012 et 2013, un dé-nombrement exhaustif des nids a été réalisé en Ardèche, parallèlement à l’enquête natio-nale de la LPO visant à effectuer un échan-tillonnage de la population. Environ 12 000 nids entiers et 11 000 nids anciens ont été dénombrés sur le département.

La densité de population de cette hirondelle n’est pas liée complètement à la densité des habitations humaines. Elle niche très peu dans les petits villages et les communes de moins de 100 habitants, devient plus abon-dante dans les communes de 500 à 3 000 habitants et redevient plus rare, propor-tionnellement, dans les communes plus im-portantes. Sa répartition montre un effet

négatif de la latitude, de l’altitude, de la to-pographie (plus sur les plateaux que dans les zones pentues) et de l’occupation du sol (plus en zones agricoles que forestières). L’accès à l’eau semble également jouer un rôle.

En Ardèche, l’hirondelle de fenêtre niche ma-joritairement sous les génoises dont l’usage est nettement plus développé dans le sud du département que dans le nord, où elle niche alors majoritairement sous les passes de toit. Les encoignures de fenêtres sont très peu utilisées ici. Le type d’édifice préfé-rentiellement adopté est la maison à deux étages. Les nombreuses maisons récentes de plain-pied sont peu utilisées, comme les maisons moins fréquentes comportant trois étages et plus.

Ce recensement constitue un état des lieux de la population et de la répartition de l’hi-rondelle de fenêtre en Ardèche qui pourra servir de base à des actualisations ponc-tuelles ou globales ainsi qu’à orienter des mesures de protection et de sensibilisation du public.

RÉSUMÉ

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The House Martin (Delichon urbicum) is a common breeding bird, both in France in general and in the Ardèche in particu-lar. However, a decline has been noted since the end of the 1980s. Because of its breeding biology, the nests of this species are easily counted.

An exhaustive nest count was carried out in the Ardèche by members of the LPO (equivalent to the British RSPB) in the years 2012-2013, alongside a selective na-tional survey.

In this department of 300,000 inhabit-ants, about 12,000 nests, either complete or under construction, were counted.

House Martins are closely associated with human settlements, but not in proportion to their density. They nest very little in small villages and communes of less than 100 inhabitants. They are more abundant in communes of between 500 and 3000 inhabitants and become rare again in the larger communes. Their distribution de-pends also on :

▶ latitude (with a higher density in the south than in the north of the department) ;

▶ altitude (they are commoner in low-lying areas than in mountains) ;

▶ altitudinal amplitude (less common on sloping terrain than on plains or plateaux) ;

▶ land use (commoner in agricultural than in forested areas) ;

▶ nearness to large and accessible areas of open water.

In the Ardèche, the House Martin nests under “génoises” : tiered series of tiles un-der a roof or the top of a gateway, com-mon in Mediterranean regions, which are hence found more frequently in the south than in the north of the department. Here, it nests mostly under eaves. Window sur-rounds are used very little.

This census reveals the status and dis-tribution of the House Martin in the Ardèche. It could serve as a basis for local and general updates, as well as a means of protecting the species and increasing public awareness.

ABSTRACT

Figure 1 : Hirondelle de fenêtre © V. Palomarès

La nidification de l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) en Ardèche, analyse qualitative et quantitative de sa répartition

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INTRODUCTION

L’hirondelle de fenêtre Delichon urbi-cum est une espèce bien répandue et relativement abondante mais dont les populations donnent des signes de dimi-nution assez importante depuis que la science participative permet d’avoir une meilleure vision de l’évolution de ses ef-fectifs. Vivant en étroite symbiose avec l’Homme depuis qu’elle a délaissé les fa-laises pour nicher sur les habitations et autres constructions anthropiques, son observation est relativement aisée dans la mesure où chacun peut noter sa pré-sence ou sa disparition sur un logement, ou le faire à plus vaste échelle en parcou-rant les places, avenues, rues, ruelles et impasses des villes et des villages ainsi qu’en se rendant sur certains sites isolés.

La diminution de ses effectifs est une constante dans le discours des résidents de longue date d’une agglomération don-née, quelle que soit la taille de cette der-nière. En France, depuis la fin des années 80, des comptages réguliers réalisés sous protocole constant confirment scientifi-quement ces impressions. Ainsi, les ana-lyses réalisées suite à la mise en place du programme STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs) géré par le Muséum National d’Histoire Naturelle permettent d’avancer une diminution de l’ordre de 40  % pour ses effectifs en France mé-tropolitaine sur 10 ans entre 1999-2009, tendance qui a été confirmée depuis loca-lement, notamment sur le département de l’Hérault, à un rythme moindre, grâce à la mise en place de suivis annuels spéci-fiques plus approfondis (Patrice Cramm, article à paraître portant sur l’est du dé-partement de l’Hérault, comm. pers.).

Cette chute des effectifs est due proba-blement à un faisceau de causes défavo-rables et notamment la diminution de la ressource alimentaire ou encore la des-truction régulière des nids. En outre, les conditions météorologiques chaotiques

de ces dernières années ont un impact négatif sur le succès reproducteur des hi-rondelles (Laurent Majorel, comm. pers.). En outre, l’espèce rencontre probable-ment des problèmes alimentaires et de survie lors de ses migrations et/ou sur ses sites d’hivernage.

C’est dans ce contexte que le dénombre-ment voulu exhaustif à l’échelle du dépar-tement de l’Ardèche constituera une base de référence pour étudier l’évolution de cette population et orienter d’éventuelles actions de conservation. Cet article pré-sente les résultats de ce recensement et les premières analyses. Le travail de sen-sibilisation effectué lors de ce programme et dans la poursuite de cette action n’est pas rapporté ici.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

L’étude a nécessité très peu de maté-riel  : une paire de jumelles et des fiches de terrain. Elle a par contre nécessité un important temps de travail partagé entre le personnel de la LPO Ardèche, les sta-giaires et les adhérents bénévoles  : soit environ 1 200 heures de terrain pour 53 participants.

Le protocole consistait à parcourir les rues des villes et villages et de noter sur la fiche de terrain le nombre de nids, affecté le plus précisément possible, idéalement à une adresse postale ou à défaut à une rue, un hameau, déterminant ainsi une colonie d’hirondelle localisée. La fiche de terrain permettait aussi de rensei-gner pour chaque localisation le nombre de nids affectés à un type de support (génoise, passe de toit ou cavité), à une position sur l’édifice, à un état de conser-vation et d’occupation.

La totalité des communes du départe-ment de l’Ardèche a été visitée et recen-sée en 2012 et 2013, au cours de la fin du printemps et du début de l’été, saisons de présence des hirondelles. Certaines données proviennent aussi de la saison

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hivernale (la majorité des données sont encore récoltables à cette saison, hormis, bien sûr, le taux d’occupation), mais l’état des nids se détériore parfois rapidement au cours du temps, notamment lors de fortes intempéries.

L’hirondelle de fenêtre était à l’origine une espèce rupestre qui a trouvé des in-térêts à se rapprocher de l’habitat urbain. Il existe cependant en Ardèche des po-pulations dans les falaises calcaires des Gorges de l’Ardèche et de ses affluents, et exceptionnellement en milieux grani-tiques. Cette population marginale n’a pas été prise en compte lors de cet inventaire.

Le recensement d’une espèce bien distri-buée et relativement abondante ne peut être absolument exhaustif. Ainsi, certains nids situés « côté rue » peuvent échap-per à l’observateur par manque d’atten-tion, d’autres nids situés « côté cour » ou « côté jardin » ne peuvent être approchés en cas d’espace fermé. Toutefois, ces manques ne représentent généralement que des effectifs marginaux.

Il est probable que des colonies situées sur des petits hameaux, voire des mai-sons isolées aient pu échapper au recen-sement, de même que certaines autres, situées dans les grandes villes de façon atypique, dans des secteurs périurbains ou industriels. L’inventaire se veut cepen-dant très proche de l’exhaustivité.

Les critères annexes  : support, étage, et parfois ancien nid, n’ont pas toujours été correctement renseignés, mais la don-née de référence, prise avec la même rigueur, est le nombre de nids entiers. C’est sur cette base qu’on peut effectuer les analyses, les comparaisons spatiales et éventuellement temporelles les plus pertinentes.

Le nombre de couples reproducteurs est nécessairement inférieur ou égal au nombre de nids entiers comptés. Les informations complémentaires sur les anciens nids peuvent être considérées comme des indicateurs annexes de l’état de la population à un instant donné.

Figure 2 : Nids et traces de nids d’hirondelles de fenêtres © P. Cramm

La nidification de l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) en Ardèche, analyse qualitative et quantitative de sa répartition

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Nids entiers

Traces de nids

Nids cassés

Ébauches de nids

Nids en construction

101 - 200 nids

51 - 100 nids

11 - 50 nids

1 - 10 nids

0 nid

Nombre de communes

0

20

40

60

80

100

120

RÉSULTATS

Résultats globauxAu cours des années 2012 et 2013, nous avons recensé les nids d’hirondelles de fenêtre sur l’ensemble des 339 com-munes d’Ardèche. Les principaux résul-tats sont présentés dans les graphiques 1 et 2. Le graphique 1 représente la répar-tition du nombre de nids dénombrés par type et le graphique 2 le nombre de nids par commune. En moyenne, 34,5 nids ont été dénombrés par commune et le maxi-mum est de 417.

Répartition des colonies d’hirondellesLa carte ci-après présente les résultats du dénombrement de nids d’hirondelles de fenêtre à l’échelle du département. On peut constater que la répartition n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire.

Les zones les plus peuplées sont d’abord le sud du département avec en particulier le sillon Ardèche-Chassezac. La région de Privas, la vallée du Rhône, la vallée de l’Ey-rieux sont aussi assez attractives. A l’op-posé, la région des Cévennes, le Coiron, les communes des Boutières à l’écart de l’Eyrieux, les communes rurales du Haut-Vivarais apparaissent peu peuplées par cette espèce. Le versant atlantique du plateau ardéchois apparaît plus favorable que le versant cévenol.

Graphique 1 : Répartition des nids dénombrés

Carte 1 : Répartition quantitative des nids d’hirondelles en ArdècheGraphique 2 : Nombre de nids par commune

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Nombre de nids entiers

Nombre d’habitants

0 5000 10000 15000 20000

0

100

200

300

400

500

Nombre de nids entiers

Nombre d’habitants

0 500 1000 1500 2000 2500 3000

0

100

200

300

400

500

Nombre de nids entiers et nombre d’habitants par communeL’hirondelle de fenêtre installant son nid sur les habitations humaines, il semble logique de tester si le nombre de nids entiers dépend du nombre d’habitations (maisons individuelles ou collectives, autres bâtiments). Le nombre d’habitants est pris comme indicateur du nombre d’habitation. Le graphique ci-après repré-sente la corrélation entre le nombre de nids et le nombre d’habitats (résultats du recensement INSEE de 2011).

Les deux séries ne sont pas très corrélées, on peut observer que les plus grandes villes n’accueillent pas nécessairement le plus de nids entiers d’hirondelles.

En excluant de la série les villes de plus de 3 000 habitants, on obtient un nuage de points plus resserré. Le nombre de nids est corrélé positivement au nombre d’ha-bitants (test de corrélation de Spearman : rho = 0.6018553 , p-value <0,05).

Malgré cette relation, les variations lo-cales s’éloignent parfois drastiquement du modèle linéaire. Par exemple, deux villes de taille similaire peuvent avoir des

Graphique 3 : Nombre de nids entiers en fonction du nombre d’habitants de la commune

Graphique 4 : Nombre de nids entiers en fonction du nombre d’habitants de la commune pour les communes de moins de 3 000 habitants)

La nidification de l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) en Ardèche, analyse qualitative et quantitative de sa répartition

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valeurs extrêmes (à l’échelle du départe-ment) : Vallon-Pont-d’Arc, 2 423 habitants, 417 nids entiers (le record) et Davézieux, 2 981 habitants, aucun nid.

Le nombre moyen d’habitants des com-munes n’abritant aucun nid est égal à 293 (ou 261 si l’on exclut Davézieux), ce qui représente des petites communes à l’échelle du département. La rareté des nids entiers d’hirondelles dans les ha-meaux et les petits villages illustre cette constatation. Ce lien sous-tend égale-ment la rareté de cette hirondelle dans les zones les moins peuplées de l’Ar-dèche, les zones d’altitude ou les zones à relief difficile comme les Cévennes, une partie des Boutières et du Haut-Vivarais.

Communes les plus favorables aux hirondellesLa taille de commune la plus favorable aux hirondelles peut être donnée par la valeur moyenne des 50 communes abri-tant le plus de nids pour 100 habitants  : 540 habitants, soit des communes petites à moyennes.

L’hirondelle de fenêtre ne justifie pas plei-nement son appellation « d’hirondelle urbaine (Delichon urbicum) ». C’est plutôt une espèce de gros villages mais qui évite les grandes agglomérations. Ce nom était peut-être plus adapté dans le passé, mais aujourd’hui, elle ne trouve probablement pas dans les villes des conditions favo-rables au maintien de ses colonies (boue pour la construction des nids, insectes pour l’alimentation).

La carte montre les zones où les hiron-delles ont les plus fortes densités par rap-port aux nombre d’habitants.

Le sillon Ardèche-Chassezac apparaît à nouveau comme le secteur à fort enjeux, suivi par le bassin versant atlantique de la Loire qui se démarque ici avec un im-portant nombre de nids d’hirondelles par habitant. Les trois communes les plus

densément colonisées par des nids d’hi-rondelle de fenêtre sont Vernon (59,8 nids aux 100 habitants), Lanas (54,8) et Cellier-du-Luc (45,5). Un lien pour-rait être recherché entre le caractère agricole traditionnel de certaines com-munes et la répartition actuelle de cette espèce  : Cellier-du-Luc, Issarlès, Saint-Basile, Saint-Jeure-d’Andaure ou encore Berrias-et-Casteljau.

Carte 2 : Nombre de nids entiers d’hirondelles pour 100 habitants

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Nombre de nids

Altitude (m)

0 300 600 900 1200 1500

0

100

200

300

400

500

600

700

800

ANALYSE DES CARACTÉRISTIQUES DU PEUPLEMENT D’HIRONDELLE DE FENÊTRE SELON PLUSIEURS VARIABLES

Facteurs influençant la réparti-tion des hirondellesAltitude

Il apparaît que le nombre de nids entiers d’hirondelle de fenêtre par commune décroît avec l’altitude. Cette relation est significative (test de corrélation de Spearman’s, rho = -0.4124579 , p<0,05).

Distance par rapport au point d’eau

Nous avons comparé l’attractivité de 170 communes dont le chef-lieu se situe à moins de 500 m d’un point d’eau signifi-catif (cours pérenne accessible, étang), par rapport à celle de 169 communes ne présentant pas cet avantage.

Les communes dont le chef-lieu est situé à moins de 500 m d’un point d’eau signi-ficatif accueillent en moyenne 7,16 nids pour 100 habitants dans les communes alors que les autres en accueillent 3,3. Nous pouvons en déduire que les com-munes dont le chef-lieu est proche d’un point d’eau sont plus de deux fois plus attractives pour les hirondelles que les

communes dont le chef-lieu est situé à plus forte distance d’un point d’eau.

Autres facteurs pouvant influencer la répartition d’hirondelles

D’autres facteurs pourraient être pris en compte pour expliquer les différentes abondances de l’espèce  : occupation du sol, type de pratiques agricoles, type d’urbanisme…

Ces analyses nécessiteraient la prise en compte de variables démographiques et de statistiques agricoles qui dépassent le cadre de cette étude.

Graphique 5 : Répartition des nids en fonction de l’altitude

Figure 2 : En milieu rural les hirondelles sont mieux acceptées et favorisées par les habitants  : ici un filet a été posé pour éviter les salissures sur la terrasse © R. Dallard

La nidification de l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) en Ardèche, analyse qualitative et quantitative de sa répartition

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Caractéristiques des localisa-tions des nids et des colonies d’hirondellesNature des supports des nids d’hirondelles

Cette analyse est établie sur les types de support lorsque cette donnée a été ren-seignée. Nous avons pris en compte tous les types de nids, qu’ils soient entiers, en construction, cassés ou à l’état de traces. L’analyse porte sur 12 414 nids.

La disposition des nids sous les génoises est largement dominante en Ardèche. Viennent ensuite les nids installés sous le rebord de toit, directement contre le mur de la maison. Les nids en cavités sont es-sentiellement des nids insérés dans des génoises sans fond. Il reste 16 colonies qui étaient indépendantes des types « gé-noise » ou « passe de toiture ».

Sans spécifier le type de support qui peut être une génoise, le rebord du toit ou sous des arcades, nous avons noté 26 églises porteuses de nids d’hirondelles.

Dans la catégorie autre, nous avons re-groupé des nids sous des terrasses, des arches ou dans les encoignures de fe-nêtres, situation quasi inexistante en

Ardèche, alors qu’elle est très observée dans d’autres régions.

Pour analyser cette préférence ardé-choise des hirondelles sur les génoises, il serait intéressant de quantifier la disponi-bilité de ce support par rapports à toutes les offres possibles. A ce jour, il n’existe pas de statistiques sur ce sujet.

La carte 5, établie sur les données dispo-nibles en termes de nombre de colonies, met en relation les 2 types de supports majoritaires « génoise » ou « passe de toiture », avec leur localisation géogra-phique. Cela illustre essentiellement le fait que les maisons avec génoises sont majoritaires dans le sud de l’Ardèche, où se trouvent les populations les plus impor-tantes d’hirondelles. Dans les zones d’alti-tude et dans le Haut-Vivarais, les colonies sont majoritairement sous les passes de toit, car les maisons avec des génoises sont peu nombreuses ou absentes. Les hirondelles s’adaptent donc à l’architec-ture des constructions humaines.

Nombre de colonies

Nombre de nids

En génoise 1 385 10 287

Sous passe de toiture 288 1 763

En cavité 5 80

Posé sur le support (poutre, fil) 16 47

Sur une église 26273

(dont 57 en génoise)

Autres 2 21

Carte 3 : Répartition des types de support de nid

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Nombre de colonies

Nombre d’étages

0

100

200

300

400

500

600

700

800

0 1 1,5 2 2,5 3 4 5

Répartition des colonies d’hirondelles en fonction de la hauteur des habitations

La hauteur d’implantation des colonies d’hirondelles de fenêtre a été rapportée au nombre d’étages de chaque habita-tion. L’analyse porte sur 1 378 adresses où cette information a été renseignée.

Le graphe ci-après montre une préfé-rence pour les immeubles de 2 étages, puis pour ceux à 1 étage. Ce type d’im-meuble correspond bien aux maisons des rues et des places des centres de villages. Les maisons à 1 étage, correspondant à l’habitat pavillonnaire, sont moins sou-vent colonisées par cette espèce même si elles sont aussi nombreuses, si ce n’est plus. Viennent ensuite les immeubles à 3 étages, moins colonisés car vraisembla-blement moins nombreux. Ce doit être encore plus vrai pour les immeubles de 4 et 5 étages.

L’hirondelle de fenêtre semble éviter, peut-être pour des raisons de sécurité, les maisons de plain-pied qui sont pour-tant nombreuses. Ce type d’habitat peu attractif est peut-être une raison de la désaffection de l’hirondelle pour l’habitat pavillonnaire.

Au terme de l’enquête, il apparaît que d’autres variables auraient pu apporter des informations intéressantes. La préfé-rence des hirondelles de fenêtre en ma-tière de support, tel que le type de façade, crépie ou en pierre apparente, offrant gé-néralement un réel choix à l’espèce. Une analyse plus fine de la répartition des hirondelles en fonction de l’habitat hu-main serait intéressante à mener avec des statistiques précises sur le nombre d’immeubles présents en Ardèche dans chaque catégorie.

CONCLUSION

Malgré de nombreuses imperfections dans la récolte des données, nous avons pu grâce à la participation de nombreux adhérents réaliser un inventaire exhaus-tif de populations d’une espèce commune d’oiseau à l’échelle d’un département. Ce type d’inventaire est habituellement pos-sible sur des espèces rares ou sur des en-sembles de faible superficie. Bien que le nombre de nids entiers est vraisembla-blement toujours supérieur au nombre de couples d’hirondelles présentes une année donnée, nous avons là une me-sure reflétant la réalité de la popula-tion d’hirondelle de fenêtre nichant en Ardèche au cours des premières années du XXIème siècle. Celle-ci se situe autour de 12 000 couples pour un département de moyenne montagne de 5 529 km² et de 320  000 habitants. En utilisant le même protocole Patrice Cramm a inventorié 39  000 couples d’hirondelles de fenêtre pour le département de l’Hérault. Ces in-ventaires localisés peuvent donner une idée de ce que peut être la population globale française.

Les variables prises en compte pour analyser la répartition de l’espèce sur le département ne sont pas exaustives, d’autres analyses pourraient être réali-sées (occupation du sol…).

Graphique 6 : Nombre de colonies en fonction de la hauteur du bâtiment (nombre d’étages)

La nidification de l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) en Ardèche, analyse qualitative et quantitative de sa répartition

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Le fichier d’inventaire complet comporte toutes les adresses postales où ont été noté les nids d’hirondelles qu’il sera aisé de contrôler notamment sur les sites les plus importants. Il pourra être réutilisé ultérieurement et comparée à des recen-sements globaux ou partiels sur des sec-teurs échantillons.

Ce recensement a été aussi l’occasion d’effectuer une sensibilisation auprès du grand public, par l’intermédiaire d’une brochure d’information distribué aux habitants, notamment ceux dont les maisons accueillaient l’espèce. Cette brochure ciblait en particulier les des-tructions directes de nids sur lesquels chaque citoyen est en mesure d’agir en adoptant et diffusant des comporte-ments responsables et présentait des solutions aux problèmes de cohabitation avec l’espèce. Parallèlement des anima-tions pédagogiques ont été à cette occa-sion prodiguées dans certaines écoles du département ainsi qu’une sensibilisation des pouvoir public et institutions pour trouver des solutions en cas de travaux sur des colonies d’hirondelles. Nous es-pérons que ce travail qui nous a mobili-sés sur deux années pourra contribuer à la connaissance de l’espèce et être utile à sa conservation.

REMERCIEMENTS

La LPO Ardèche remercie en premier lieu le Département de l’Ardèche ainsi que le groupe Léa Nature pour leur soutien fi-nancier qui a permis le bon déroulement de l’étude.

Il m’est agréable de remercier Patrice Cramm et Julien Girard-Claudon pour leurs nombreux conseils et pour leur re-lecture attentive du document. Mes re-merciements vont également à Florian Veau pour l’aide apportée à la réalisation de la cartographie. Ils vont enfin à tous les observateurs qui ont donné de leur temps et de leurs compétences :

Antoine Joëlle, Ariagno Didier, Astier Marie-Paule, Bachelard Matthieu, Bauvet Corinne, Bellamy Fabien, Bertoli Pascale, Bonnefond Fanny, Bourgeois Marie, Castioni Michel, Cocatre Damien, Compère Sandra, Coulet Monique, Dabin Philippe, Darnaud Sébastien, De Benedittis Jean-Louis, Demongeot Rodolphe, Dunand Vincent, Dupuy Emilie, Duroure Nicolas, Fayolle Rolande, Felix Louis, Hostache Charlotte, Jerphanion Pierre, Jourdan Abel, Laborie Joris, Ladet Alain, Lafond Célestine, Laville Gabin, Léonard Michèle, Longeray Annick, Mantellier Jean-Christophe, Mellal Juana, Michau Daniel, Michaud Pascal, Moine Dimitri, Mourier Sonia, Ponson Catherine, Ponson Denis, Putz Olivier, Raoux Bruno, Rollier Clara, Salvador Rémy, Suel Marc-Antoine, Tampon-Lajarriette Maryse, Tourre Christophe, Tourre Ghislaine, Valentin Sébastien, Vernet Marielle, Vulic Lara, Irène Yung

BIBLIOGRAPHIE

Alves D., Seriot J., Les hirondelles - Description, moeurs, observation, protec-tion, mythologie…

Cramm P. (2003). L’Hirondelle de fenêtre Delichon urbica dans le département de l’Hérault et son voisinage : bilan du recen-sement 2001. Revue Meridionalis 3 & 4  : 52-56

Issa N. (2015) l’Hirondelle de fenêtre Delichon urbicum in Issa N. & Muller Y. coord (2015) Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidification et présence hivernale. LPO/SEOF/MNHN. Delachaux et Niestlé, Paris : 870-873

Jiguet F. (2011). 100 espèces oiseaux communs nicheurs de France. MNHN. Delachaux et Niestlé, Paris : 74-75

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SUIVI DE L’OCCUPATION DE GÎTES DE NOCTULE COMMUNE NYCTALUS NOCTULA EN PÉRIODE DE TRANSIT AUTOMNAL À TASSIN-LA-DEMI-LUNE

Mathilde BRUNEL, chargée d’études faune, FRAPNA Rhône1

Édouard RIBATTO, chargé de mission faune, FRAPNA Rhône2

RÉSUMÉLes connaissances sur la biologie de la noctule commune Nyctalus noctula en Rhône-Alpes et dans le département du Rhône sont encore lacunaires. Il apparais-sait indispensable de mener un effort de recherche et de suivi de gîtes de l’espèce, notamment en période de transit automnal. Dans ce contexte, un suivi télémétrique (VHF) en 2013 et en 2015 sur trois individus mâles adultes a été mené. Il a été complété par des comptages en sortie de gîte, ainsi que par un suivi par piège photo/vidéo sur l’un des gîtes. L’individu suivi en 2013 a occupé un gîte arboricole pendant 9 jours consécu-tifs, du 24 au 29 juin. Les 2 individus suivis en 2015 ont chacun occupé un arbre-gîte, du 21 août au 5 septembre pour le premier individu, jusqu’au 7 septembre pour le se-cond, soit 17 jours de suivi.

Les observations réalisées lors de ce suivi contribuent à l’amélioration des connais-sances sur la biologie de l’espèce et par-ticipent à la définition des axes de conservation en sa faveur.

ABSTRACTThe knowledge about the biology of the common noctule (Nyctalus noctula) in the Rhône-Alpes region and in the Rhône ter-ritory are still little. It is important to ex-plore areas, in particular autumnal transit areas. In 2013 and 2015, a telemetric study was thus carried out on three adult males, accompanied by counts at the exit of the roost using photo/video on one area. In 2013 the bat was in a tree-dwelling roost during six consecutive days , from June 24 to June 29. In 2015 the both bats used a tree hole roost for at least 18 to 20 days : from August 21 to September 5 for the first male, until September 7 for the second one.

The way to manage and protect habitat is now better known thanks to these obser-vations which have improved the knowl-edge about this species and its biology.

1. [email protected]. [email protected]

Suivi de l’occupation de gîtes de noctule commune Nyctalus noctula en périodes estivale et de transit automnal dans le Rhône

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INTRODUCTION

La noctule commune Nyctalus noctula est l’une des trois espèces de noc-tules présentes en France et en région Rhône-Alpes. Espèce de haut vol chas-sant en plein ciel, elle s’est bien adaptée à la vie urbaine pourvu qu’elle y trouve ses proies de prédilection. On la ren-contre dans les mêmes types de gîtes aussi bien en été qu’en hiver : cavités ar-boricoles, bâtis et cavités souterraines plus à la marge. La noctule commune est considérée comme une espèce réelle-ment migratrice, même si une partie des populations européennes montre une tendance sédentaire (Arthur & Lemaire 2009). La migration ne concerne que les femelles, celles-ci hivernent dans la partie sud de l’Europe et partent se reproduire en Russie et dans les pays baltes.

En Rhône-Alpes, des pans entiers de la biologie de l’espèce demeurent incon-nus. Si l’espèce se reproduit au moins sur la moitié nord de la région, la com-position des populations entre indivi-dus sédentaires et migrateurs reste à établir (Groupe Chiroptères de la LPO Rhône-Alpes 2014). À ce titre, l’effort de recherche et de suivi des gîtes ne doit pas se concentrer uniquement sur les colonies de reproduction. L’étude et la conservation des gîtes de mâles sont tout aussi importantes à l’échelle de la popula-tion, c’est ici tout l’enjeu sur lequel repose cette étude.

Les contacts de l’espèce sont fréquents sur l’agglomération Lyonnaise en période d’activité mais très peu de gîtes sont connus dans le département. Avant 2013, l’information la plus probante concerne un groupe de platanes du centre-ville de Villeurbanne occupés par une dizaine d’individus en période de transit autom-nal et printanier.

Cette présente étude initiée par la FRAPNA Rhône et soutenue par le Grand Lyon, a pour objectifs de :

▶ découvrir un réseau d’ arbres-gîtes de noctule commune sur tout ou partie de son cycle biologique,

▶ améliorer les connaissances sur l’es-pèce sur les périodes traditionnelle-ment moins étudiées (distance du(es) gîte(s) aux terrains de chasse, fidélité à un gîte unique ou changements ré-guliers, gîte en colonie ou individus isolés, …),

▶ orienter les mesures de conservation de l’espèce et de ses habitats, notam-ment vis à vis de la problématique des abattages et des élagages, fréquents en contexte périurbain.

Pour parvenir à ces objectifs, il a été déci-dé de s’appuyer sur la technique de la ra-diotélémétrie, associée à des comptages en sortie de gîte et à un piégeage photo/vidéo.

MÉTHODE ET MATÉRIEL

Capture et équipementDes noctules communes ont été captu-rées à plusieurs reprises par le passé sur des rivières en contexte périurbain sur l’ouest de l’agglomération (bassin versant de l’Yzeron). Plusieurs séances de capture ont donc été conduites sur ces secteurs en 2013 et en 2015 dans le but de cap-turer à nouveau cette espèce et réaliser des suivis télémétriques de recherche de gîtes.

Figure 1 : Individu équipé d’un émetteur © M. Brunel

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Un même site de capture a permis la cap-ture et l’équipement d’individus le 21 juin 2013 et le 20 août 2015. Ce site est situé à la confluence de deux ruisseaux traver-sant des secteurs boisés dans un contexte périurbain. Le dispositif de filets était ins-tallé au-dessus des ruisseaux et dans les sous-bois aux abords.

Une fois les prises de mesures réalisées sur les individus capturés (sexe, identifi-cation du statut reproducteur, mesure de l’ avant-bras, poids), certains des in-dividus capturés ont été équipés d’un micro-émetteur radio (durée de vie de 90 jours) fixé par colle en 2013 et par collier en 2015.

Suivi télémétriqueCe suivi télémétrique est réalisé dans le but d’identifier les arbres-gîtes occupés. Il est poursuivi dans la durée, quotidienne-ment en journée voire tous les 2 à 3 jours.

Pour ce faire, à l’aide d’une antenne et d’un récepteur radio, le secteur est parcouru en journée en faisant des arrêts réguliers

sur des points stratégiques (points hauts, entrées de vallons, etc.) afin de détecter la présence des individus équipés grâce aux signaux émis par l’émetteur.

Quelques soirées de comptage en sor-tie de gîte ont été réalisées afin d’iden-tifier ou de confirmer la cavité occupée, de connaître les heures de sortie et de compter le nombre d’individus sortant.

En 2015, nous avons testé durant 1 se-maine la pose d’un piège photo/vidéo (Buschnell Trophy Cam HD) dirigé en face du trou d’envol. Cette technique présente plusieurs intérêts : elle a l’avantage d’être moins coûteuse en moyens humains, per-met une estimation plus fine du nombre d’individus au gîte, l’obtention d’informa-tions durant toute une nuit (en particulier sur le retour des individus au gîte et les allers-retours effectués dans la nuit), ainsi qu’une meilleure perception du compor-tement des individus au gîte.

RÉSULTATS

Résultats 2013Le 21 juin 2013, un mâle adulte équipé, individu A, nous permet de trouver un premier arbre-gîte 3 jours plus tard dans le centre ville de Tassin-la-Demi-Lune si-tué à 1,6 kilomètre du site de capture. L’arbre est un grand hêtre d’environ 50 centimètres de diamètre qui se situe dans un jardin d’une résidence en coproprié-té. Le gîte est à seulement 3 mètres de haut dans une loge de pic épeiche. Faute d’avoir pu obtenir une autorisation, nous n’avons pu réaliser de suivi précis du gîte en dehors des contrôles à distance de l’émetteur. L’individu équipé a occupé le même gîte durant 9 jours consécutifs. Le dixième jour, le signal de l’émetteur pro-vient d’un arbre à une cinquantaine de mètres du site de capture. Un contrôle de nuit nous indiquera que l’individu a per-du l’émetteur qui est resté coincé dans un arbre.

Figure 2 : Installation du piège photo vidéo © E. Ribatto

Suivi de l’occupation de gîtes de noctule commune Nyctalus noctula en périodes estivale et de transit automnal dans le Rhône

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Résultats 2015Le 20 août 2015, ce sont 3 mâles adultes de noctule commune qui ont été capturés sur le même site qu’en 2013. Deux d’entre eux ont été équipés d’un émetteur fixé avec un collier permettant une tenue de l’émetteur plus longue. Le collier est fixé avec un fil chirurgical garantissant ainsi que l’émetteur finisse par tomber au bout de plusieurs semaines.

Le suivi télémétrique diurne a conduit à trouver l’ arbre-gîte de chacun des 2

individus équipés dès le lendemain de la capture. Le tableau 1 présente les carac-téristiques de ces deux arbres-gîtes.

En complément au suivi télémétrique et aux comptages en sortie de gîte, un piège-photo/caméra a été mis en place à partir du 29 août pendant 1 semaine sur un des deux gîtes.

Individu B Individu C

Milieutaillis-sous-futaie en bord de ruisseau, composé de jeunes érables, peupliers et robiniers

chênaie-charmaie au sous-bois clair

Distance au site de capture env. 200 m. env. 850 m.

Essence robinier faux-acacia robinia pseudoacacia chêne

Hauteur de l’arbre 20-25 m. 20-25 m.

Diamètre 35 cm. 60 cm.

Type

gîte non localisé

trou de pic avec cavité remontante sur charpentière

de diamètre 20 cm.

Hauteur env. 20 m.

Exposition nord-ouest

Figure 3 : Arbre-gîte de l’individu B © M. Brunel Figure 4 : Gîte de l’individu C © E. Ribatto

Tableau 1 : Caractéristiques des sites, arbres-gîtes et gîtes en 2015

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Effectifs aux gîtesLe gîte de l’individu B n’ayant pu être lo-calisé précisément, le nombre d’individus au gîte n’a pu être estimé précisément.

Au minimum 2 individus (dont l’individu équipé) ont été repérés en sortie de gîte de l’individu C. En raison de l’obscurité du sous-bois, il devient rapidement diffi-cile d’observer plus de 2 individus sortir de la cavité. L’analyse des séquences vi-déos enregistrées par la caméra confirme ce minimum observé puisqu’un deuxième individu non équipé d’un émetteur sera vu fréquentant le gîte en cours de nuit.

Heures de sortiePour l’individu B, sur les 4 comptages ré-alisés, les sorties de gîte se sont produites respectivement 9 min avant le coucher du soleil puis 30 min, 18 min et 1 min après le coucher du soleil.

Dans l’ arbre-gîte de l’individu C, les heures de sortie observées avaient sys-tématiquement lieu dans la première demi-heure après le coucher du soleil

Observations au gîte et en sortieIl a systématiquement été entendu de nombreux cris sociaux, pendant environ une demie-heure avant la sortie de gîte des 2 noctules.

Par plusieurs fois (par observation directe et visualisation de séquences vidéos), un individu de noctule commune occupant

l’ arbre-gîte de l’individu C, a été observé en train de s’agiter vivement à l’intérieur de la cavité arboricole. Ces observations avaient lieu, pour certaines, avant la sor-tie de gîte (18 min avant le coucher du so-leil le 27/08  ; 3 min après le coucher du soleil le 29/08  ; 4 à 11 minutes après le coucher du soleil le 30/08)  ; ainsi qu’au cours de la nuit (agitation d’un individu non équipé de 21h19 à 21h37 et de l’indi-vidu équipé de 22h38 à 23h31 le 29/08 et à 5h28 le 30/08).

Comportement de chasseLors de 3 comptages en sortie de gîte, l’individu B a été observé en activité de chasse d’abord à proximité du gîte (par-fois pendant env. 40 min.). Lors d’un comptage toutefois, à peine sorti du gîte, l’individu est parti loin, direction sud-est par rapport à l’ arbre-gîte.

Lors d’un comptage, l’individu C a chassé dans un premier temps dans le secteur (15 min. env.). Des contrôles ponctuels au cours de 3 nuits ont montré que l’indivi-du n’était plus dans le secteur respective-ment 17, 43 et 46 min. après le coucher du soleil.

Localisation des sites

DISCUSSION

Ces premiers résultats d’étude confir-ment l’utilisation par l’espèce des coulées vertes de l’ouest de Lyon pour la chasse et le transit.

date de capture

nombre de gîtes occupés

date début suivi

départ de l’individu fidélité au gîte

Individu B 20/08/15 1 21/08/15 entre le 07 et le 10/09/2015

17 à 20 jours consécutifs

Individu C 20/08/15 1 21/08/15 05/09/15 15 jours consécutifs

Tableau 2 : Utilisation des gîtes en 2015

Suivi de l’occupation de gîtes de noctule commune Nyctalus noctula en périodes estivale et de transit automnal dans le Rhône

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Ils viennent conforter l’attrait fort des gîtes arboricoles, au moins en début de période de transit automnal et en pé-riode estivale, pour l’espèce. Alors que les arbres-gîtes cités dans la littérature, notamment en Rhône-Alpes (Groupe Chiroptères de la LPO Rhône-Alpes 2014), étaient majoritairement des platanes, cette étude vient enrichir les connais-sances sur les essences pouvant être utilisées.

Le suivi dans la durée fait ici ressortir des informations intéressantes  : le mâle sui-vi en 2013 a occupé un même gîte pen-dant au moins 9 jours consécutifs en période estivale  ; les 2 mâles suivis fine-ment en 2015 étaient isolés ou en effectif très faible (2 individus au plus observés) en gîte, et sont revenus pendant 17 jours au minimum dans le même arbre. Par contre, les 2 individus ne sont pas reve-nus dans leur arbre respectif au début du mois de septembre (avec au min. 2 jours

d’intervalle entre les 2 individus) et ne semblent pas être restés dans le secteur par la suite. Le départ vers des sites de re-groupement automnal puis hivernal dans d’autres types de gîtes ou de lieux consti-tue une hypothèse vraisemblable.

En effet, 3 groupes différents ont été ob-servés sur l’agglomération à partir de sep-tembre. Jusqu’à 13 individus sont repérés un 23 septembre 2011 dans un platane du centre ville de Villeurbanne. Au moins 25 individus sortent d’une cavité de pla-tane venant d’être abattu au Parc de la Tête d’Or le 13 novembre 2014, dont 4 individus récupérés par les agents de la ville sont des mâles. Au moins 3 individus, mais peut être plus, sont observés à l’en-doscope sur un autre chantier d’abattage le 19 novembre 2014 sur la commune d’Ecully (ouest de l’agglomération).

Les résultats de cette étude mettent éga-lement en évidence la faible distance des gîtes par rapport au site de capture

Figure 5 : Localisation des sites

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(respectivement 200, 850 et 1 600 m.) pour une espèce capable d’aller chasser jusqu’à plus de 10 km d’après la bibliogra-phie. De plus, l’émetteur de l’individu re-trouvé dans un arbre à environ 50 mètres du site de capture lors du suivi 2013 lui a très probablement servi de gîte, diurne ou nocturne.

Les individus équipés en 2015 sont sor-tis relativement tôt sur chacune des nuits suivies, entre 9 minutes avant le coucher du soleil et au plus tard 30 minutes après son coucher.

Leur comportement de chasse est variable selon les nuits. Les 2 individus équipés en 2015 avaient souvent tendance à chasser à proximité du gîte après la sortie de gîte, puis à disparaître complètement des en-virons. Ces observations semblent simi-laires à celles d’Arthur et Lemaire (2009) qui décrivent une zone de quelques cen-taines de mètres de diamètre sur laquelle s’attardent les noctules, puis changent de secteur et disparaissent dans la nuit. D’après ces mêmes auteurs, ce compor-tement est mené par plusieurs noctules qui se regroupent. Lors de la capture de 2015, les 3 mâles chassaient ensemble, les ultrasons émis lors de la capture de l’un semblent avoir attiré les autres dans les filets.

CONCLUSION

Chez les individus mâles suivis, les ré-sultats montrent une fidélité au gîte sur la période étudiée, occupé par un ou quelques individus. Dans un contexte périurbain, les coulées vertes jouent ici un rôle essentiel pour l’offre en gîtes, en sites de chasse et de déplacement pour l’espèce, qu’il est primordial de conserver et de protéger.

Compte-tenu de ces résultats, l’enjeu fort consiste à mener une démarche de conservation globale du patrimoine ar-boré dans le Grand Lyon  : boisements, mais aussi haies, alignements d’arbres et

arbres isolés.

La prise en compte des espèces arbori-coles protégées lors de l’abattage d’arbres est de plus en plus fréquente. L’expertise en amont ou durant le projet permet aux chiroptérologues de proposer des me-sures d’évitement sur les arbres identi-fiés comme sensibles (arbres à cavités)  : l’adaptation des périodes de coupes ou encore la conservation d’une partie de l’arbre sur pied. Si ce type de mesures se systématise, il ne fait nul doute que la noc-tule commune sera une des principales espèces à bénéficier de ces changements.

Aussi, il serait intéressant d’engager un travail sur les gîtes dans le cadre des do-cuments d’urbanisme des collectivités, en identifiant et préservant les arbres et ali-gnements d’arbres, ce qui permettrait la pérennisation de nombreux gîtes.

Grâce au soutien de la métropole, cette étude devrait se poursuivre dans les an-nées à venir car de nombreuses questions restent en suspens et la gestion de la pro-blématique des abattages doit pouvoir reposer sur plus de données, de même que la mise en œuvre d’une politique de conservation des arbres à cavités.

BIBLIOGRAPHIE

Arthur L. & Lemaire M. 2009. - Les chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. Biotope, MNHN.

Arthur L. et Lemaire M. 2005 – Les chauves-souris maîtresses de la nuit – Delachaux et Niestlé, Paris : 272 pp.

Groupe Chiroptères de la LPO Rhône-Alpes, 2014 – Les chauves-souris de Rhône-Alpes. LPO Rhône-Alpes, Lyon : 480 pp.

Suivi de l’occupation de gîtes de noctule commune Nyctalus noctula en périodes estivale et de transit automnal dans le Rhône

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DÉCOUVERTE D’UNE POPULATION REPRODUCTRICE DE GRANDE NOCTULE (NYCTALUS LASIOPTERUS) DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE

La grande noctule (Nyctalus lasiopterus) est la plus grande chauve-souris d’Europe et aussi l’une des plus méconnues. Il s’agit d’une espèce de haut-vol, capturée excep-tionnellement par les chiroptérologues dans leurs filets, et dont les émissions acoustiques, partiellement audibles par l’oreille humaine, sont en recouvrement avec d’autres espèces ce qui rend son identification certaine ardue (Barataud, 2012).

En France, l’espèce a été contactée sur plusieurs sites mais sa reproduction n’est connue que dans deux secteurs du mas-sif central ( Dubourg-Savage, comm. pers. ; Beucher, comm. pers.).

En Rhône-Alpes, lors de la publication de l’atlas des chauves-souris (Groupe chiroptères de la LPO Rhône-Alpes, 2014), moins d’une trentaine de données étaient connues et trois secteurs de présence ré-gulière sont actuellement identifiés :

▶ Les monts du Lyonnais,

▶ Les monts du Forez (Robert, comm. pers., données ne figurant pas sur la carte ci-dessous),

▶ Les massifs montagneux du Haut Vivarais.

Dans le cadre du projet d’extension de l’emprise de la carrière « Val du Rossand » située dans les monts du Lyonnais, l’entre-prise Bonnefoy Beton Carrières Industrie (BBCI) a déposé une demande de déroga-tion pour la destruction d’espèces proté-gées, au titre de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Parmi les mesures proposées par l’entreprise, une mesure d’accompagnement avait pour objectif de contribuer à une étude sur la grande noctule dans le cadre du plan régional d’actions en faveur des chauves-souris. En effet, des observations à la tombée de la nuit ont été faites dans le cadre des inventaires de terrain préalable à la rédaction du dossier de demande de dé-rogation. Les premières données de l’es-pèce avaient par ailleurs été collectées dans le secteur en 2007 ( Chico-Sarro, Ribatto, 2011).

Le secteur de Saint-Laurent-de-Chamousset, dans les monts du Lyonnais et à proximité immédiate de la carrière ci-tée précédemment, est visé dans la pré-sente étude.

1. julien. [email protected]. [email protected]

Julien GIRARD-CLAUDON, coordinateur régional adjoint, LPO Coordination Rhône-Alpes1

Edouard RIBATTO, chargé de mission faune, FRAPNA Rhône2

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Les opérations de terrain ont été conduites au cours de deux saisons es-tivales (2014 et 2015) en combinant des observations visuelles et acoustiques (détecteur d’ultrasons) et mobilisant plus d’une centaine de journées.hommes de prospections. L’objectif était dans un pre-mier temps, de localiser des arbres-gîtes occupés, en identifiant les provenances et directions prises par les chauves-souris en début et fin de nuit.

Ainsi, le 29 juin 2015 au matin, un pre-mier arbre-gîte a été localisé. Occupé par plusieurs femelles allaitantes et des jeunes, 4 adultes y ont été équipées de

micro-émetteurs radio le soir même afin de suivre quotidiennement leurs déplace-ments. Seuls deux individus ont pu être suivis de manière satisfaisante permet-tant la localisation de 4 autres arbres-gîtes à moins de 1,4 kilomètre du premier.

Cette étude apporte des éléments nou-veaux pour la région Rhône-Alpes et la France, puisqu’il s’agit de la première preuve de reproduction de l’espèce dans la région et du troisième site français.

Le suivi télémétrique a mis en évidence une fréquence élevée de changement de gîtes et confirme le comportement de fusion-fission noté en Auvergne (Beucher,

Figure 1 : Données de grande noctule dans la région (extrait de Groupe Chiroptères de la LPO Rhône-Alpes, 2014)

Découverte d’une population reproductrice de grande noctule (Nyctalus lasiopterus) dans le département du Rhône

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comm. pers.). Les gîtes étaient occupés par des groupes de petites tailles (11 in-dividus au maximum) et plusieurs gîtes étaient occupés simultanément (obser-vations visuelle et résultant des suivis télémétriques).

L’étude de cette population de grande noctule sera poursuivie dans les années à venir afin de comprendre plus en détail le fonctionnement de cette population (ré-seau d’ arbres-gîtes, type d’arbres utilisés, comportement saisonnier etc.).

REMERCIEMENTS

La LPO Coordination Rhône-Alpes re-mercie l’ensemble des participants à l’étude  : Bérenger Myrtille, Beretz Manuelle, Carravieri Irene, Chico-Sarro Pierre, Croce Clara, D’Adamo Christophe, Dallard Mélanie, Defernez Lucie, Fournier Nathalie, Gaultier Thierry, Girard-Claudon Julien, Guillaume Magali, Higoa Mélanie, Lisambert Hélène, Lorenzini Nicolas, Masset Pierre, Mathian Martine, Pouchoy Chantal, Raspail Loic, Robert Loïc, Thepaud Erwan, Vericel Emmanuel, Vericel Jo. La LPO remercie particulière-ment la FRAPNA Rhône, Edouard Ribatto, Mathilde Brunel et Emilie Müller respec-tivement salariés et stagiaire. En dernier

lieu, la LPO remercie Guilhem Vaton, vo-lontaire en service civique en 2015 qui a réalisé un travail très important sur le terrain. Tous ces naturalistes se sont très fortement investis dans l’étude et leur participation a été essentielle pour la réussite de celle-ci… Repartir sur le ter-rain le matin après avoir dormi quelques heures seulement demande une grande motivation !

Ce travail n’aurait pu être réalisé sans le soutien financier de l’entreprise BBCI.

RÉFÉRENCES

Barataud M. (2012) Ecologie acoustique des chiroptères d’Europe, identification des es-pèces, étude de leurs habitats et comporte-ments de chasse. Biotope, Mèze ; Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (collec-tion inventaire et biodiversité), 344 p.

Chico-Sarro P., Ribatto E. (2011). Inventaire complémentaire des chiroptères et synthèse des inventaires 2005, 2007, 2010, du val-lon du Rossand ENS n°29 . FRAPNA Rhône, Villeurbanne. 17 p.

Groupe chiroptères de la LPO Rhône-Alpes (2014) Les chauves-souris de Rhône-Alpes, LPO Coordination Rhône-Alpes, Lyon, 484 p.

Figure 2 : Milieux fréquentés par la grande noctule dans le Rhône © J. Girard-Claudon

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UTILISATION DE LA CHRONOPHOTOGRAPHIE POUR LE SUIVI DE GÎTES À CHIROPTÈRES

CONTEXTE

Le minioptère de Schreibers, Miniopterus schreibersii (Kuhl, 1817), figure parmi les plus menacées des 34 espèces de chauves-souris de France métropolitaine. Cette espèce, classée vulnérable au ni-veau national et en danger dans la région rhônalpine est strictement cavernicole. Elle est fortement grégaire, très peu de cavités abritent donc la grande majorité des effectifs en été comme en hiver. Les périodes de transit printanier et autom-nal voient une dispersion plus importante et des fluctuations temporelles d’effectifs marquées pour un site donné.

La galerie du Pont des Pierres (Montanges, Ain) est intégrée dans une réserve na-turelle régionale (RNR) depuis le 8 juil-let 2009, succédant au statut de réserve naturelle volontaire (RNV) obtenu le 9 décembre 19972. La motivation essen-tielle du classement était l’hivernage du minioptère, jusqu’à 3000 individus s’y rassemblaient. Depuis 2003, la galerie est devenue progressivement un site de transit automnal et printanier pour cette espèce, suite à la désertion du groupe d’hivernants. Le suivi des effectifs, initié dès 1972, devient alors difficile à mettre en œuvre à cause de la mobilité des indivi-dus entre sites. En effet, leur présence ne peut être significative que sur quelques

jours. Aussi, la volonté accrue de la LPO Rhône-Alpes, gestionnaire de la RNR, de réduire au maximum tout dérangement en milieu souterrain, l’incite à limiter les comptages à vue et à mettre en place des techniques de suivi non intrusives. Rappelons enfin que les accès à la gale-rie sont munis de protections physiques adaptées empêchant une fréquentation non désirée et interdite par la réglemen-tation de la RNR.

MISE EN ŒUVRE DU SUIVI

A l’automne 2015, nous avons testé l’utilisation d’un piège photographique infrarouge3 pour suivre le transit des mi-nioptères. Ce test est issu des constata-tions suivantes sur l’espèce et pour la galerie :

▶ Avec un comptage mensuel, l’effec-tif observé ne correspond pas forcé-ment au meilleur effectif transitant par la galerie avant de rejoindre le site d’hivernage ;

▶ La présence d’observateurs, même aguerris au meilleur comportement à adopter pour limiter au maximum le dérangement sur les chauves-souris, n’exclue pas un effet négatif de pertur-bation pouvant aussi impacter une ré-installation hivernale dans le tunnel ;

1. [email protected]. Voir le Bièvre n°21, année 2006, pour une présentation générale de la réserve naturelle.3. La LPO Coordination Rhône-Alpes remercie EDF qui a financé l’acquisition du matériel

Robin LETSCHER, conservateur de la réserve naturelle régionale de la galerie du Pont des Pierres, LPO Coordination Rhône-Alpes1

Utilisation de la chronophotographie sur le suivi de gîtes à Chiroptères

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▶ Les caractéristiques topographiques de la galerie induisent le passage des observateurs à moins de 4 mètres des minioptères ;

▶ Ces mêmes caractéristiques per-mettent l’utilisation d’un piège pho-tographique presqu’à l’aplomb des endroits de stationnement des groupes de minioptères ;

▶ Cette espèce forme des essaims à des endroits précis et habituels, contrai-rement aux rhinolophes plus dispersés et au positionnement plus aléatoire.

Le test a été réalisé entre le 20 octobre et le 18 novembre 2015, entre deux comp-tages. Le piège photographique a été

placé au sol légèrement décalé de la verti-cale de l’essaim pour éviter les déjections. La prise de vue infrarouge est obligatoire et l’appareil a été programmé en mode chronophotographique (prises de vues à intervalles réguliers). Une photo a été prise chaque heure entre 13h et 21h, quotidiennement. Les objectifs secon-daires de cette programmation étaient :

▶ d’observer le créneau horaire d’envol crépusculaire (vers 18h a priori),

▶ de voir si des individus demeuraient dans la galerie en soirée et si des dépla-cements en journée étaient observés.

Clichés pris par l’appareil photo © Robin Letscher

1 : lors de la pose2 : effectif important (mais pas maximum)3 et 4 : le même jour à 13h puis 17h

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RÉSULTATS

Le jour de pose, 134 minioptères étaient dénombrés dans la galerie dont 80 re-groupés sur le lieu du test. Le 18 no-vembre, au moment de l’enlèvement du matériel, seuls 25 minioptères étaient encore présents. Le suivi « traditionnel » aurait donc retenu 134 individus en tran-sit automnal pour 2015. L’analyse des photos révèle alors quelques résultats intéressants.

Le premier constat doit interpeler les ob-servateurs et tout usager des milieux sou-terrains abritant des chauves-souris. Le 20 octobre, deux chiroptérologues réali-saient le comptage en utilisant des lampes filtrées en lumière rouge (en vigueur ici depuis 2009) et posaient promptement l’appareil photo, déjà paramétré et activé, sous l’essaim de 80 individus sans provo-quer le moindre envol ni constater de vols dans la galerie par la suite. Cependant, l’image prise dans l’heure suivante ne ré-vèlera aucun minioptère au plafond  ! Il faudra deux jours pour qu’ils réoccupent quotidiennement le lieu du test. Qu’en serait-il de visites répétées ?

Les 260 images obtenues n’ont pas été analysées pour la rédaction de cette note : la qualité et le cadrage seront à amé-liorer, revenant sur cela en conclusion. Cependant, nous pouvons observer une augmentation de la taille du groupe entre le 23 et le 31 octobre pour atteindre envi-ron 350 individus jusqu’au 9 novembre. Il s’en suit une décroissance progressive de l’effectif jusqu’aux 25 minioptères comp-tés le 20 novembre, uniquement pré-sents sur le lieu du test. Rappelons que le comptage d’octobre n’aurait fait retenir que 134 individus comme meilleur effec-tif pour la période de transit automnal en 2015…

Concernant l’activité des animaux, nous constatons l’envol quotidien entre 17h et 18h et leur départ du site. Néanmoins, environ 10  % des minioptères sont tou-jours présents à 20h, parfois rejoints par

d’autres individus dans la tranche horaire 19-20h. Enfin, dans les séries d’images prises en après-midis, nous remarquons d’une part la mobilité d’individus dans le groupe et parfois une fluctuation de l’effectif. Rien n’est figé, même en repos diurne…

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Le premier objectif, atteint selon nous, était d’obtenir des données sur l’évolu-tion des effectifs de minioptère en tran-sit dans la galerie du Pont des Pierres, sans interagir physiquement et donc sans dérangement. Les enregistreurs acoustiques apporteraient d’autres infor-mations (notion d’activité mais pas d’ef-fectifs). Ce test ouvre ainsi la perspective de mettre en place le suivi chronophoto-graphique de façon durable et de réduire à une prospection automnale et une prin-tanière pour dénombrer les autres es-pèces en transit.

Le dispositif doit être amélioré en plaçant trois à quatre pièges photographiques in-frarouge pour couvrir les principaux lieux de repos du minioptère dans la galerie. Des supports fixes sont à installer pour obtenir un cadrage et des réglages opti-maux, identiques entre sessions de sui-vis. Des repères et mensurations doivent permettre d’accélérer le traitement des images a posteriori pour estimer les effec-tifs. Le réglage chronologique est à affiner pour un bon compromis entre les don-nées souhaitées et le temps d’analyse des images.

Enfin, cette technique est à tester pour d’autres sites et espèces dans un contexte de risque de dérangement lié aux comp-tages ou de dénombrement à vue peu précis... Nous pensons notamment à cer-taines colonies de reproduction, aussi en bâtiments, dès lors que les essaims soient peu mobiles dans leur gîte. Aussi, la fréquentation (humaine) du site est à considérer pour sécuriser le matériel lais-sé en place.

Utilisation de la chronophotographie sur le suivi de gîtes à Chiroptères

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UNE GLARÉOLE À AILES NOIRES DE PASSAGE EN ISÈRE

Joli cadeau pour ce lundi 10 août !

Les vacances sont finies, le travail a repris, une envie soudaine… vite un peu d’obser-vation en plaine !

Sans trop réfléchir et presque par habi-tude, je prends la direction de la zone hu-mide de Chèvre noire en plaine de Bièvre, à proximité de l’aéroport de Grenoble.

A peine arrivé au lieu dit, je me rends vite compte qu’il y a déjà une belle diversité aviaire  : combattants variés, bécasseaux

variables, bécasseau minute, bécassine des marais, etc.

Après avoir longuement observé les dif-férentes espèces de limicoles présentes sur le site, je m’installe confortablement les jumelles vissées sur les yeux et ob-serve les alentours à l’affut du moindre mouvement.

Emerveillé devant ce magnifique spec-tacle, les heures passent et les minutes grondent ; Oups bientôt 20h ! Il est temps de rentrer.

1. [email protected]

Jérémie LUCAS, naturaliste1

Glaréole à ailes noires © J. Lucas

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Je commence à ranger mon matériel d’ob-servation dans la voiture quand des cris de martinets, arrivés de nulle part comme à leur habitude, me font lever la tête :

1, 2, 3…puis 10 qui arrivent !

« Whaou, je crois que j’ai vu un gros martinet ! »

Là, juste au dessus de moi, une jeune gla-réole vole avec les martinets qui sont déjà en train de reprendre de l’altitude ; tandis que l’oiseau descend progressivement et prend la direction d’un labour adjacent. Je le perds rapidement de vue derrière du maïs.

Retrouvé quelques instants plus tard, posé dans un chaume, je tente une ap-proche depuis une piste carrossable. L’individu parait fatigué. Après quelques clichés, je décide d’en rester là pour ce soir, on verra demain matin.

Le lendemain, aux aurores, je retrouve Nicolas Biron qui, en arrivant sur le site voit l’oiseau voler et se reposer à proxi-mité de la route.

Après une heure passée ensemble à l’observer aller et venir dans le chaume pour se nourrir, il faut malheureusement repartir.

« Ailes  noires  ou  à  collier  ?...  cette  gla-réole fait parler »

Identifiée, dans un premier temps, comme une jeune glaréole « à col-lier », elle sera revue plus tard dans la

journée par Guillaume Bruneau qui lève-ra le doute sur son identité, il s’agit en fait d’une « ailes noires ».

Merci à Yves Kayser, Paul Dufour, Vincent Palomares et al. pour leurs commentaires avisés et la précision des critères de dé-termination (en plus des critères habi-tuels, notons la narine plus large et moins allongée qu’une glaréole à collier !).

Cette donnée semble constituer la pre-mière mention rhonalpine de l’espèce. Une fiche d’homologation nationale a été renseignée mais l’examen ne semble pas terminé en date d‘écriture de cette note.

Une Glaréole à ailes noires de passage en Isère

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Tous les articles proposés sont soumis au Comité de lecture. Le plus grand soin devra être apporté à la rédaction et à la qualité des documents fournis et accompagnant l’article. Une attention particu-lière sera portée à la communication avec les au-teurs pendant la préparation de l’édition.

Sujets des articlesCette revue traite des sujets touchant à l’étude et à la protection des vertébrés terrestres sauvages (oiseaux, mammifères, amphibiens, reptiles) et de leurs milieux, dans la région Rhône-Alpes ou en lien avec celle-ci (exemple d’une population d’oi-seaux la fréquentant à une période de l’année). Les articles les plus courts pourront être présentés sous forme de notes. La revue pourra aussi traiter de manière plus limitée d’informations d’actualité sur la LPO Rhône-Alpes et la région.

Présentation des articlesLes articles sont transmis selon un format nu-mérique de traitement de texte standard (.doc, .docx, .odt, .rtf). Les abréviations autres qu’usuelles sont à éviter et seront, si incontour-nables, détaillées lors de leur première citation dans le texte. Les articles seront accompagnés d’un résumé en français (obligatoire) et si possible de son équivalent en anglais. Ils ne présenteront de préférence pas plus de trois parties principales et chacune au plus trois sous-parties. Le plan clas-sique : « introduction, matériel et méthodes, ré-sultats, discussion, conclusion, remerciements, références bibliographiques » est proposé aux auteurs. Il est préférable de se contenter de 2 ni-veaux de titre, exceptionnellement 3.

Les règles typographiques qui prévalent sont celles du français : les signes de ponctuation simples sont suivis d’un espace, les signes de ponctuation double ou plus sont précédés et sui-vis d’un espace. Par convention, nous ne mettons aucune majuscule aux noms d’espèces.

Les références bibliographiques sont groupées à la fin du texte dans l’ordre alphabétique des noms d’auteurs, sous la forme suivante avec la source (ouvrage, revue ou titre internet) mise en italique :

Blondel J. et Isenmann P. 1991 - Guide des Oiseaux de Camargue. - Delachaux & Niestlé, Neuchâtel, Paris : 344 pp.

Lustrat P. 1997 - Le chat sauvage en Forêt de Fontainebleau. - Bull. Assoc. Amis For. Fontainebleau, 2 : 24-25.

Olioso G. et Cheylan G. 1991 - Outarde canepe-tière. - in Yeatman-Berthelot D. et Jarry G. 1991 - Atlas des Oiseaux de France en hiver. - Société Ornithologique de France, Paris : 210-211.

UICN 2010 - IUCN Red List of Threatened Species. Version 2009.2. - www.iucnredlist.org, consulté le 22 février 2010.

Les rappels dans le texte doivent se faire ainsi : « Lustrat (1997) signale la présence de… tout comme dans la région (Blondel et Isenmann 1997, Géroudet 1957, Bernard et al. 2007) ».

Les termes en latin ou en langue étrangère doivent figurer en italique.

Taille des articlesLes articles devront être composés au maximum de 20000 caractères (espaces compris) et les notes de 7000 caractères (espaces compris).

IllustrationsLes dessins ou photographies sont à joindre se-lon un format numérique usuel (.jpg, .gif, .tif). Leur dimension devra être suffisante pour supporter une impression correcte (au moins 3 à 5 millions de pixels pour une photographie). Une photogra-phie est bienvenue pour accompagner le titre de l’article.

Les graphiques ou autres illustrations scientifiques insérés dans le texte au format word doivent obli-gatoirement être accompagnés de leur équivalent sous forme de fichiers image (.jpg ou autre) aux noms facilement identifiables. Les tableaux au for-mat word simples, insérés dans le document, sont suffisants car récupérables en l’état. Attention à leur taille, nous travaillons dans un schéma deux colonnes par page entière.

Les illustrations sont numérotées dans leur ordre d’apparition dans l’article, accompagnées d’un titre, éventuellement d’un commentaire résumé. L’auteur des photographies et une légende doit accompagner tout document concerné.

Les illustrations seront placées dans le texte infor-matique à l’endroit souhaité au niveau des titres et légendes adaptés. Elles pourront être compres-sées dans le texte de travail, mais devront être sys-tématiquement accompagnées de leur équivalent original et de bon format pour travail et impres-sion. Les supports papier ne sont pas recevables.

Épreuves et tirés à partUn document au format pdf de la présentation fi-nale de l’article, « épreuve » sera transmis à chaque auteur « principal ». Il disposera alors d’une se-maine pour retourner les corrections ultimes à traiter, sans rajout ni modification par rapport au texte initial. L’article final publié sera transmis au format pdf à chaque auteur « principal » et vaudra « tiré à part ». La distribution aux autres auteurs se fera sous sa responsabilité.

INSTRUCTIONS AUX AUTEURS

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Prédation du chat domestique, Felis catus (Linnaeus, 1758) sur la faune sauvage, dans une commune péri-urbaine de Haute-Savoie (74) M. Vuagnat-Kolter

Mise à jour des statuts de conservation des espèces vertébrées terrestres du département de l’Isère A. Thiery, A. Atamaniuk et R. Fonters

Le moineau soulcie (Petronia petronia) dans le département de la Loire P. Balluet

Hivernage de la bécassine sourde au Parc de Miribel-Jonage (métropole de Lyon) D. Tissier

Impact de la densité de couples nicheurs sur la communication acoustique chez la chevêche d’Athéna (Athene noctua) T. Lengagne et M. Dutour

Révision des listes rouges des Amphibiens, Chiroptères et Reptiles en Rhône-Alpes J. Girard-Claudon

Suivi de l’occupation de gîtes de noctule commune Nyctalus noctula en période de transit automnal à Tassin-la-Demi-Lune M. Brunel et E. Ribatto

La nidification de l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) en Ardèche, analyse qualitative et quantitative de sa répartition R. Dallard

Découverte d’une population reproductrice de grande noctule (Nyctalus lasiopterus) dans le département du Rhône J. Girard-Claudon et E. Ribatto

Utilisation de la chronophotographie sur le suivi de gîtes à Chiroptères R. Letscher

Une Glaréole à ailes noires de passage en Isère J. Lucas

LPO Rhône-AlpesMaison Rhodanienne de l’Environnement32, rue Sainte Hélène 69002 LyonTél. 04 72 77 19 84 - [email protected] internet : http:// rhone-alpes.lpo.fr

* Signature provisoire : le nom de la Région sera fixé par décret en Conseil d’Etat avant le 1er octobre 2016, après avis du Conseil Régional.