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1 Cycle de conférence s du Conseil d’État (section du rapport et des études) Entretiens sur l’Europe Huitième conférence : Le droit européen de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ? Dossier du participant Mercredi 19 octobre 2016 (17h30 – 19h30) Conseil d’État Salle d’Assemblée générale Le droit européen de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ? Le modérateur : Bruno Lasserre Président de la section de l’intérieur du Conseil d’État, ancien président de l’Autorité de la concurrence Les intervenants : Thierry Breton, Président-directeur général du groupe Atos, ancien ministre Olivier Guersent, Directeur général Stabilité financière, services financiers et Union des marchés de capitaux (FISMA) à la Commission européenne Andreas Schwab, Député au Parlement européen Présentation du cycle Le 6 e cycle de conférences du Conseil d’État porte sur l’avenir de l’Europe à la lumière des défis auxquels elle doit faire face. Plus de 60 ans après la déclaration Schuman et la création de la Communauté économique européenne, toutes les enquêtes d’opinion attestent qu’en dépit de réussites éclatantes, avec notamment la réunification du continent et l’intégration des démocraties de l’Europe de l’Est, les peuples s’éloignent de l’Union, perçue comme trop bureaucratique et distante. Le « non », lors du référendum en 2005, de la France et de la Hollande, puis le rejet par l’Irlande du traité de Lisbonne en 2008 lors d’une première consultation ont eu déjà valeur d’avertissement. Le vote spectaculaire des britanniques, qui ont choisi le 23 juin de quitter l’Union, est un électrochoc lourd de conséquences encore difficiles à mesurer. Et pourtant, l’Union est plus que jamais nécessaire pour faire face aux nouveaux enjeux de la globalisation. Elle est devenue un acteur majeur de la régulation économique mondiale, notamment dans les négociations commerciales internationales et le droit de la concurrence, permettant ainsi de défendre les intérêts vitaux des États et d’incarner une vision européenne. L’Union joue également un rôle essentiel dans l’aide au développement et dans la recherche d’un nouveau modèle de croissance plus équilibré, afin de mettre en œuvre l’indispensable transition énergétique et de parvenir à une économie sociale de marché alliant l’exigence de compétitivité avec un haut niveau de solidarité. Aujourd’hui l’Union continue d’ailleurs de jouir d’un grand prestige à l’extérieur de ses frontières, comme en témoignent les demandes d’adhésion ou de partenariat qui ont conduit à définir une nouvelle politique de voisinage. La société civile internationale, les ONG et les défenseurs des droits de l’Homme comptent sur l’Union pour peser en faveur d’un monde plus juste. Le rayonnement de la jurisprudence de la CJUE et de la CEDH contribue à faire de notre continent celui d’une certaine idée des droits de l’Homme. L’Union est dans une certaine mesure victime de son succès et de son attractivité. Elle a grandi très vite et les élargissements successifs

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Cycle de conférences du Conseil d’État (section du rapport et des études) Entretiens sur l’Europe

Huitième conférence :

Le droit européen de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?

Dossier du participant

Mercredi 19 octobre 2016

(17h30 – 19h30)

Conseil d’État Salle

d’Assemblée générale

Le droit européen

de la concurrence est-il adapté

à l’économie mondialisée ?

 

Le modérateur :

Bruno Lasserre Président de la section de l’intérieur du Conseil d’État, ancien président de l’Autorité de la concurrence

Les intervenants :

Thierry Breton, Président-directeur général du groupe Atos, ancien ministre

Olivier Guersent, Directeur général Stabilité financière, services financiers et Union des marchés de capitaux (FISMA) à la Commission européenne

Andreas Schwab, Député au Parlement européen 

Présentation du cycle Le  6e  cycle  de  conférences  du  Conseil  d’État porte sur  l’avenir de  l’Europe à  la  lumière des défis auxquels elle doit faire face. 

Plus de 60 ans après la déclaration Schuman et la  création  de  la  Communauté  économique européenne,  toutes  les  enquêtes  d’opinion attestent  qu’en  dépit  de  réussites  éclatantes, avec notamment  la  réunification du continent et l’intégration des démocraties de l’Europe de l’Est, les peuples s’éloignent de l’Union, perçue comme  trop  bureaucratique  et  distante.  Le « non »,  lors  du  référendum  en  2005,  de  la France  et  de  la  Hollande,  puis  le  rejet  par l’Irlande  du  traité  de  Lisbonne  en  2008  lors d’une première consultation ont eu déjà valeur d’avertissement.  Le  vote  spectaculaire  des britanniques, qui ont choisi le 23 juin de quitter l’Union,  est  un  électrochoc  lourd  de conséquences encore difficiles à mesurer. 

Et  pourtant,  l’Union  est  plus  que  jamais nécessaire pour faire face aux nouveaux enjeux de  la globalisation. Elle est devenue un acteur majeur de la régulation économique mondiale, 

notamment  dans  les  négociations commerciales  internationales et  le droit de  la concurrence, permettant ainsi de défendre  les intérêts  vitaux  des  États  et  d’incarner  une vision européenne. L’Union joue également un rôle essentiel dans l’aide au développement et dans  la  recherche  d’un  nouveau  modèle  de croissance  plus  équilibré,  afin  de  mettre  en œuvre  l’indispensable  transition  énergétique et  de  parvenir  à  une  économie  sociale  de marché alliant l’exigence de compétitivité avec un haut niveau de solidarité.  

Aujourd’hui l’Union continue d’ailleurs de jouir d’un  grand  prestige  à  l’extérieur  de  ses frontières,  comme  en  témoignent  les demandes  d’adhésion  ou  de  partenariat  qui ont conduit à définir une nouvelle politique de voisinage.  La  société  civile  internationale,  les ONG et  les défenseurs des droits de  l’Homme comptent  sur  l’Union  pour  peser  en  faveur d’un monde plus  juste.  Le  rayonnement de  la jurisprudence  de  la  CJUE  et  de  la  CEDH contribue à faire de notre continent celui d’une certaine idée des droits de l’Homme.  

L’Union est dans une certaine mesure victime de  son  succès  et  de  son  attractivité.  Elle  a grandi très vite et les élargissements successifs 

Conférence du 19 octobre 2016 – Le droit de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?  

ont  conduit  à  une  complexification  de  son architecture  et  à  une  Europe  à  plusieurs vitesses.  Malgré  les  réformes  successives donnant davantage de poids et de légitimité au Parlement  européen,  et  associant  davantage les  parlements  nationaux,  le  sentiment d’appartenance  à  la  Nation  demeure primordial et les concepts de citoyenneté et de démocratie  européennes  restent  largement abstraits.  

Enfin,  la  création  de  la  zone  euro  a  changé profondément  la  nature  de  l’Union.  Si  elle  a permis de doter les États membres qui en font partie de l’une des monnaies les plus fortes du monde  et  a  rendu  irréversible  une  approche communautaire  des  questions  budgétaires  et économiques, elle a aggravé  le risque de  faire de  l’Union  le  bouc  émissaire  d’opinions publiques  lasses  des  efforts  demandés  pour restaurer  la  compétitivité  et  retrouver  une croissance  durable.  À  la  suite  de  la  crise économique  et  financière  de  2008,  face  à  la nécessité  de  conjurer  le  risque  des  dettes souveraines,  le  rôle  de  la  Banque  centrale européenne  s’est  considérablement  accru.  La question  est  posée  d’une  plus  grande convergence  fiscale, économique et  sociale et de la gouvernance de la zone euro. 

L’Union  doit  aussi  faire  face  à  de  nouveaux défis  pour  assurer  la  sécurité  du  continent. Bien que  les traités aient posé  les bases d’une politique étrangère et de sécurité commune, et malgré  la  création d’un Haut  représentant de l’Union  pour  les  affaires  étrangères  et  la politique de sécurité, l’Europe n’est pas encore parvenue à s’approprier la place qui lui revient au  sein  du  concert  des  grandes  puissances. Plus  fondamentalement  encore,  l’Union  est fragilisée  par  le  sentiment  diffus  qu’elle  n’est pas en mesure de véritablement contrôler ses frontières extérieures, problème rendu encore plus aigu par  la  récente crise migratoire. Pour rester  une  terre  d’asile  fidèle  à  sa  vocation sans  enclencher  une  spirale  dangereuse  qui conduirait  à une  remise  en  cause du principe fondamental  de  la  libre  circulation  des personnes  et  des marchandises  dans  l’espace européen,  l’Union doit  trouver  les moyens de démontrer aux opinions publiques qu’elle a  la capacité, en partenariat avec les États, de gérer l’espace  Schengen  et  de  rendre  le  dispositif « Dublin » plus efficace. 

Il s’agit donc pour le Conseil d’État, en conviant des  personnalités  nationales  et  européennes reconnues  pour  leurs  compétences,  de s’interroger  sur  les  moyens  pour  l’Union  de faire  face  à  ces  nouveaux  défis  afin  de continuer à  incarner au 21e  siècle, dans notre monde  globalisé,  un  idéal  européen  plus  que jamais nécessaire.

Organisés  par  la  section  du  rapport  et  des études  sur  une  durée  de  deux  années,  les Entretiens  sur  l’Europe abordent  trois  thèmes principaux : 

‐  La  première  série  de  conférences  porte  sur l’architecture  de  l’Europe  et  traitera  des institutions  nécessaires  à  une  Europe différenciée :  la gouvernance de  la  zone euro, les  convergences  possibles  entre  États membres dans les domaines sociaux et fiscaux, ainsi que la question de la capacité de l’Union à gérer ses frontières. 

‐ La deuxième série de conférences concernera les  politiques  de  l’Union :  poids  et rayonnement  de  l’Union  dans  un  monde globalisé,  l’Europe  commerciale, l’enseignement et la recherche, le rôle du droit dans  la  compétitivité  économique  de l’Union ou encore la place dévolue au service public. 

‐ La troisième et dernière série de conférences sera consacrée à la question souvent débattue de  l’identité  de  l’Europe,  en  approfondissant les concepts de démocratie et de  citoyenneté européenne  et  la  définition  des  valeurs communes à l’Union. 

 

Présentation de la conférence :   

Le droit européen de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?

 

La  politique  de  la  concurrence  de  l’Union  est elle adaptée aux défis de la mondialisation ?  La politique de concurrence de  l’Union repose sur des fondements économiques et éthiques. Dans une économie de marché,  le choix de  la libre  concurrence  est  supposé  encourager l’adaptation de  l’offre à  la demande,  inciter à l’innovation  et  aux  gains  de  productivité  et profiter aux consommateurs. Mais  le choix de la  concurrence  est  aussi  celui  d’un  modèle social  et  politique :  en  garantissant  la  liberté d’initiative et d’entreprendre et en permettant la diffusion du pouvoir économique,  il protège l’équilibre démocratique de la société. Les  règles  européennes  de  concurrence,  qui ont  joué un rôle essentiel dans  la construction européenne en accompagnant la réalisation du marché  commun  et  en  rendant  impossible  le retour  au  nationalisme  économique,  n’ont cessé d’être critiquées par les défenseurs de la souveraineté  nationale  et  du  dirigisme 

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Conférence du 19 octobre 2016 – Le droit de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?  

économique. Aujourd’hui,  le débat central est celui  de  la  place  de  l’Europe  dans  la mondialisation  et  de  la  nécessité  ou  non d’adapter  la  politique  européenne  de concurrence  afin  de  défendre  les  intérêts stratégiques de l’Union. Élément  moteur  de  l’intégration communautaire,  la  politique  européenne  en matière  de  concurrence  tire  sa  force  d’un corps de  règles uniformes et d’un  système de gouvernance  efficace  (I).  Emblématique  de l’Union,  la  politique  européenne  de concurrence est au cœur du débat sur la place de  l’Europe  dans  la  mondialisation  (II).  Avec l’accélération  de  la  globalisation,  la  politique de  la  concurrence  doit  s’inscrire  dans  une stratégie  d’ensemble  pour  défendre  la compétitivité de l’Union sur le marché mondial et  promouvoir  l’harmonisation  des  règles  à l’échelle internationale (III).  I‐  Élément  moteur  de  l’intégration communautaire,  la  politique  européenne  en matière  de  concurrence  tire  sa  force  d’un corps de  règles uniformes et d’un  système de gouvernance efficace.  Les pères  fondateurs de  l’Europe  avaient une grande  méfiance  envers  le  nationalisme économique  considéré,  comme  l’une  des principales causes des deux conflits mondiaux, en  raison  notamment  du  rôle  joué  par  les grands  conglomérats  industriels 1 .  Dans  le contexte de la guerre froide, le choix de la libre concurrence  avait    aussi  une  dimension idéologique :  il  s’agissait  de  défendre l’économie  de  marché  et  la  démocratie  en luttant contre une trop forte concentration des moyens de production. Enfin  et  surtout, dans l’esprit  des  rédacteurs  des  traités,  il  fallait éviter que  les opérateurs économiques ou  les autorités  publiques  ne  réintroduisent  des obstacles  aux  échanges.  Les  règles  de  la concurrence ont une  fonction  intégrationniste au service de l’unification du marché intérieur. L’article  3  du  traité  de  Rome2  disposait  déjà que « l’action de la Communauté comporte un régime  assurant que  la  concurrence n’est pas faussée  dans  le  marché  commun ».  Et  à  la différence  de  la  plupart  des  régimes 

1 Jean Monnet, Mémoires,  Le  Livre  de  Poche,  Paris,  pp. 511‐514 ;  v.  également  Déclaration  Schuman  du  9  mai 1950 : « A  l’opposé d’un  cartel  international  tendant  à  la répartition  et  à  l’exploitation  des marchés  nationaux  par des pratiques  restrictives et  le maintien de profits  élevés, l’organisation  projetée  assurera  la  fusion  des marchés  et l’extension de la production » (…). 2 Traité  de  Rome,  Art.  3 :  « Aux  fins  énoncées  à  l'article précédent,  l'action de  la Communauté comporte, dans  les conditions et selon les rythmes prévus par le présent traité : (…)  f)  l'établissement  d'un  régime  assurant  que  la concurrence  n'est  pas  faussée  dans  le  marché  commun (…) ».

« antitrust » en vigueur, notamment aux États‐Unis, les règles de concurrence concernent non seulement  les  entreprises 3   mais  aussi  les autorités  publiques,  afin  de  lutter  contre  les pratiques  susceptibles  de  cloisonner  les marchés nationaux.  La  politique  européenne  de  la  concurrence repose  ainsi  depuis  l’origine  sur  un  corps  de règles  uniforme  d’application  directe. S’agissant  des  entreprises,  deux  types  de pratiques  anticoncurrentielles  sont  prohibés : les  ententes  et  l’abus  de position  dominante. Aux  termes  de  l’article  101  du  TFUE4,  toute entente entre entreprises qui  a pour effet ou pour  objet  de  restreindre  la  concurrence  est interdite et nulle de plein droit.  La  rigueur de cette prohibition est  toutefois atténuée par  la possibilité d’exempter des ententes présentant un bilan positif. L’article 102 du TFUE5  stipule que  l’abus  de  position  dominante  étant incompatible  avec  le  marché  intérieur,  il  est interdit.  Il  se  manifeste  par  des comportements  de  l’entreprise  dominante visant,  directement  ou  indirectement,  à l’éviction  des  concurrents,  qu’il  s’agisse,  par exemple,  de  refuser  de  fournir  à  ceux‐ci  un produit nécessaire à  leur activité, ou  l’accès à une « infrastructure essentielle », ou encore de soumettre une telle fourniture ou un tel accès à des conditions ou des délais déraisonnables6. Sont  également  prohibés  les  comportements intervenant  dans  le  cadre  des  relations verticales  de  l’entreprise  dominante  ayant pour  effet  de  rendre  captive  sa  clientèle 7 . S’ajoute  aux  dispositions  répressives  un  volet structurel  avec  le  contrôle  préalable  des concentrations. Absent des traités, ce dispositif a été introduit par voie règlementaire8. 

3 V. Traité de Rome, Art. 85 et 86.  4 TFUE,  Art.  101 :  «  1.  Sont  incompatibles  avec  le marché intérieur  et  interdits  tous  accords  entre  entreprises,  toutes décisions  d'associations  d'entreprises  et  toutes  pratiques concertées,  qui  sont  susceptibles  d'affecter  le  commerce entre  États membres  et  qui  ont  pour  objet  ou  pour  effet d'empêcher,  de  restreindre  ou  de  fausser  le  jeu  de  la concurrence  à  l'intérieur  du  marché  intérieur  (…)  2.  Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls  de  plein  droit.  3.  Toutefois,  les  dispositions  du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables (…)». 5 TFUE,  Article  102 :  « Est  incompatible  avec  le  marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres  est  susceptible  d'en  être  affecté,  le  fait pour  une  ou  plusieurs  entreprises  d'exploiter  de  façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui‐ci (…) ». 6 CJCE, 14 février 1978, aff. 27/76, United Brands, CJCE, 13 

février 1979, aff. 85/76, Hoffmann‐La Roche, CJCE, 26 novembre 1998, aff. C‐7/97, Bronner. 7  V.  les  affaires  Microsoft  et  Intel :  décision  de  la 

Commission C(2004)900 dans  l’affaire COMP/3/37.792 du 24 mars 2004 et IP/04/382 du 24 mars 2004, IP/09/ 745 du 13 mai 2009. 8 Règlement  n°4064/89  remplacé  aujourd’hui  par  le 

règlement n°139/2004.

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Conférence du 19 octobre 2016 – Le droit de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?  

L’interdiction de principe des  aides d’État par l’article 107 du TFUE est destinée à prémunir le marché  commun  contre  tout interventionnisme  qui  fausserait  la concurrence9. La  jurisprudence a fait prévaloir une conception large de l’aide d’État. Outre les conditions habituelles relatives à l’impact sur le commerce entre États membres et à  l’atteinte à  la concurrence,  l’applicabilité de  l’article 107 du  TFUE  suppose  que  soient  satisfaites  trois autres  conditions  relatives  respectivement  à l’origine publique de l’aide, à l’avantage qu’elle procure et à son caractère sélectif. L’encadrement  européen  des  aides  d’État  est aussi dans une certaine mesure un  instrument de  politique  économique  car  l’interdiction  de principe  des  aides  d’État  est  tempérée  par  la possibilité  d’exemptions  permettant  de prendre en compte des objectifs plus  larges

10. Le  Conseil  de  l’Union  peut  prendre  tous règlements  utiles  pour  fixer  les  catégories d’aides exemptées, la Commission européenne étant  ensuite  chargée  de  les  mettre  en œuvre11.  La  Commission  européenne  a  ainsi adopté un grand nombre de  lignes directrices spécifiant les catégories d’aides autorisées afin de  concilier  politique  de  concurrence  et considérations relevant d’autres politiques, en mettant  en  balance  la  poursuite  de  l’intérêt général  et  la  nécessaire  limitation  de  la distorsion de concurrence

12.  La  politique  de  la  concurrence  relève  de  la compétence  exclusive  de  l’Union  en  vertu  de l’article  3  du  TFUE 13 .  Les  règlements  ou directives  utiles  en  vue  de  l'application  des principes  du  droit  de  la  concurrence  sont établis  par  le Conseil  de  l’Union,  statuant  sur proposition  de  la  Commission  européenne  et après  consultation  du  Parlement  européen14. Mais  à  l’intérieur  de  ce  cadre  règlementaire, qui  se  caractérise  d’ailleurs  par  une  grande stabilité,  l’efficacité  du  système  de gouvernance  communautaire  en  matière  de concurrence  repose  sur  les  pouvoirs importants  de  deux  institutions :  la Commission européenne et  la Cour de  justice de l’Union européenne (CJUE). Les décisions de la  première,  les  arrêts  de  la  seconde  ont progressivement dessiné  les contours du droit européen de la concurrence. 

9 TFUE, Art. 107 al.1. 10 TFUE, Art. 107, al. 2 et 3.

11 TFUE, Art. 109 et art 108, al. 4.

12 Les  lignes  directrices  adoptées  par  la  Commission 

spécifient  les  investissements  éligibles  au  soutien  public, l’intensité  d’aide  maximale  des  projets  pouvant  être approuvés  ainsi  que  d’autres  conditions  auxquelles  est soumise la concession de l’aide (…). 13 TFUE,  Art  3 :  « 1.  L'Union  dispose  d'une  compétence 

exclusive dans les domaines suivants: a) l'union douanière; b) l'établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur, (…) ». 14 TFUE, Art. 103 à 109.

La  puissante  direction  générale  de  la concurrence  (DG  COMP)  cumule  à  la  fois  un pouvoir  de  règlementation  et  des  fonctions d’instruction et de  répression.  La Commission européenne  dispose  ainsi  d’importants moyens pour mettre en œuvre les interdictions énoncées aux articles 101 et 102 du TFUE, qu’il s’agisse de ses larges pouvoirs d’enquête ou de la possibilité d’infliger des sanctions financières pouvant  s’élever  jusqu’à  10%  du  chiffre d’affaires mondial des entreprises concernées. La  procédure  de  contrôle  préalable  des concentrations  ou  des  aides  d’État15   relève également  de  la  Commission  européenne.  Le système  repose  sur  une  obligation  de notification  à  la  Commission  européenne  des concentrations  et  des  aides  d’État16,  qui  ne peuvent  être  mises  en  œuvre  en  l’absence d’autorisation  de  la  part  de  celle‐ci.  La jurisprudence  de  la  CJUE  a  joué  un  rôle essentiel pour préciser  le droit européen de  la concurrence et garantir que les pratiques de la Commission  obéissent  à  des  critères  objectifs et  soient  respectueuses  des  droits  de  la défense

17. La  lutte  contre  les  pratiques anticoncurrentielles  exige  une  coopération étroite  entre  les  autorités  et  juridictions nationales et  les  institutions communautaires. Dès  les années 90, des dispositions sont prises pour préciser  le cadre de cette coopération18. Un  progrès  décisif  intervient  avec  l’entrée  en vigueur  du  règlement  1/2003 19   qui  clarifie l’articulation entre  les  règles  communautaires et  les  droits  nationaux  en  matière  de concurrence  et  rationalise  la  répartition  des compétences entre la Commission européenne et les autorités de concurrence nationales. Afin de  préserver  l’efficacité  du  contrôle  ex  ante des concentrations, un règlement spécifique a été  adopté  pour  préciser  les  critères  qui définissent les concentrations communautaires dont  le  contrôle  continue  de  relever  de  la Commission  européenne 20 .  Le  réseau européen de concurrence ainsi constitué a fait la preuve de  son  efficacité.21  L'uniformisation des  règles  de  fond  et  la  décentralisation  de 

15 Règlement n°4064/89 précité.

16 Sauf concernant les aides d’État, les mesures couvertes par le règlement général d’exemption par catégorie ou les aides de minimis. 17 Cyril Nourissat,  Blandine  de  Clavière‐Bonnamour,  Droit 

de  la  concurrence  –  Libertés  de  circulation,  Hypercours Dalloz, 4

e éd., 2013, p. 259.

18 Ibid., pp. 259‐260.

19 Règlement  (CE)  n°1/2003  du  Conseil  du  16  décembre 

2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité. 20 Règlement  (CE)  n°139/2004  du  Conseil  du  20  janvier 

2004  relatif  au  contrôle  des  concentrations  entre entreprises. 21 Bruno  Lasserre,  « Dix  ans  après :  quel  avenir  pour  le 

Réseau Européen de  la Concurrence », Concurrences, n°4‐2014, pp. 74‐82.

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leur  traitement  ont  permis  de  garantir  la cohérence  sur  le  territoire  de  l’Union  des réponses  données    aux  stratégies  des multinationales.   La  politique  de  concurrence  européenne protège  les  intérêts  de  consommateurs  en garantissant  l’ouverture  du marché  unique  et en veillant à ce que les entreprises, quelle que soit  leur  nationalité,  soient  assujetties  aux mêmes  règles. Cela  lui  confère une puissance normative  qui,  en  raison  de  la  contrainte qu’elle exerce  sur  les  entreprises  et  les États, est au cœur du débat sur  la place de  l’Europe dans la mondialisation.  II  Emblématique  de  l’Union,  la  politique européenne  de  concurrence  est  au  cœur  du débat  sur  la  place  de  l’Europe  dans  la mondialisation.  En  raison  de  l’étendue  de  son  champ d’application et de ses répercussions sur  la vie économique,  la  politique  de  concurrence  a toujours été un enjeu majeur du débat public au sein de  l’Union. Ainsi,  l’interprétation  large de  la  notion  « d’entreprises »  par  la  Cour  de Justice 22   qui  étend  l’emprise  des  règles concernant  les  ententes  ou  les  abus  de position dominante aussi bien à une profession libérale  qu’à  une  société multinationale  ou  à une entreprise publique du secteur marchand, a  alimenté  les  critiques  de  tous  ceux  qui craignent  que  l’ouverture  à  la  concurrence fragilise  les  services publics et plus  largement que  le  mode  de  vie  et  les  préférences collectives23 des Européens soient sacrifiés sur l’autel de la mondialisation. Prenant en compte les  résistances  du  corps  social  et  politique, l’Union,  sans  remettre  en  cause  les  principes inscrits  dans  les  traités,  a  su  faire  preuve  de réalisme  et  de  flexibilité.  De  nombreuses exemptions  ont  été  introduites  pour  tenir compte  de  la  sensibilité  des  États  et  des opinions publiques. D’abord,  les  activités  se  rattachant directement  à  l’exercice  de  prérogatives  de puissance  publique24  ou  à  but  exclusivement social,  tels  que  les  régimes  obligatoires  de sécurité  sociale,  n’entrent  pas  dans  le  champ 

22 CJCE, 23 avril 1991, aff. C‐41/90, Höfner et Elser. Toute 

entité exerçant une activité économique ou  commerciale constitue  une  entreprise  au  sens  des  art.  101  et  102  du TFUE.  23

 Sur  la  défense  des  préférences  collectives  des européens, v. dossier du participant, Conseil d’État, Cycle des  Entretiens  sur  l’Europe,  conférence  6,  Le  poids  de l’Union  dans  les  négociations  commerciales internationales, p. 8. 24 Aurélien Antoine, Prérogatives de puissance publique et 

droit de la concurrence, tome 26, LGDJ, 2009.

des dispositions applicables aux entreprises25. Ensuite,  les traités prévoient pour  les secteurs sensibles,  soit une  exemption  comme dans  le domaine  des  matériels  militaires26,  soit  des aménagements  pour  prendre  en  compte  des exigences spécifiques comme dans les secteurs agricole27   ou  culturel28.  Enfin,  s’agissant  du sujet  éminemment  conflictuel des  entreprises ayant des missions de service public, le Conseil s’est  efforcé  de  trouver  un  compromis équilibré.  Elles  sont  assujetties  aux  règles  de concurrence dans  les  limites compatibles avec l’accomplissement  de  leurs missions  d’intérêt général

29.  En  parallèle,  à  partir  des  années 1990, dans le cadre de la réalisation du marché intérieur, des directives sectorielles ont ouvert progressivement  à  la  concurrence  des domaines  stratégiques  (transports,  énergie, télécommunications,  service postaux),  tout en garantissant  le  maintien  d’un  « service universel »

30 .  Cette  évolution  s’est accompagnée  de  la  création  d’autorités nationales  de  régulation  sectorielle  chargées de  définir  les  règles  nécessaires  à  la construction  progressive  d’un  marché permettant  l’émergence de nouveaux acteurs, en  lieu  et  place  de  l’ancien  monopole31.  Ce système  décentralisé,  illustration  du  principe de  subsidiarité,  a  contribué  à  faciliter l’acceptation  par  les  opinions  publiques  de l’ouverture  à  la  concurrence  des  secteurs 

25 CJCE, Arrêt du 23 avril 1991, Hoefner et Elser, C‐41/90, 

puis,  par  exemple,  arrêts  du  17  février  1993,  Poucet  et Pistre, C‐159/91 et C‐160/91, du 26 mars 1996, Garcia, C‐238/94,  et  du  16  mars  2004,  AOK  Bundesverband,  C‐264/01, C‐306/01, C‐354/01 et C‐235/01. 26 TFUE, article 346 : « 1. Les dispositions des traités ne font pas  obstacle  aux  règles  ci‐après:  (…)  b)  tout  État membre peut  prendre  les  mesures  qu'il  estime  nécessaires  à  la protection  des  intérêts  essentiels  de  sa  sécurité  et  qui  se rapportent  à  la  production  ou  au  commerce  d'armes,  de munitions et de matériel de guerre; ces mesures ne doivent pas altérer  les conditions de  la concurrence dans  le marché intérieur en ce qui concerne  les produits non destinés à des fins spécifiquem nt militaires » (…). e27 TFUE, Art. 42.

28 TFUE, Art.107 : « (…)   3. Peuvent être considérées comme 

compatibles  avec  le  marché  intérieur:  (…)  d)  les  aides destinées  à  promouvoir  la  culture  et  la  conservation  du patrimoine,  quand  elles  n'altèrent  pas  les  conditions  des échanges et de la concurrence dans l'Union dans une mesure contraire à l'intérêt commun, (…) ». 29 TFUE, Art. 106.

30 Livre vert de  la Commission européenne sur  les services 

d'intérêt  général  du  21 mai  2003,  COM(2003)  270  final, Point  50 :  « La  notion  de  service  universel  porte  sur  un ensemble  d'exigences  d'intérêt  général  dont  l'objectif  est de  veiller  à  ce  que  certains  services  soient  mis  à  la disposition de tous les consommateurs et utilisateurs sur la totalité du  territoire d'un État membre,  indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable ». 31 Jean‐Ludovic  Silicani,  « Quelle  concurrence  pour  les 

infrastructures ? »,  Revue  mensuelle  du  Jurisclasseur, Energie,  Environnement,  Infrastructures  août‐septembre 2016, p. 1.

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protégés en permettant de prendre en compte les  spécificités  économiques  et  juridiques nationales dans la mise en œuvre des objectifs communautaires. La jurisprudence de la CJUE a clarifié  les  conditions  de  financement  des services d’intérêt général et des obligations de service  public 32 .  Enfin,  pour  rassurer  les citoyens et  les États attachés à  la défense des services publics,  le traité de Lisbonne a ajouté un protocole  sur  les  services d’intérêt général qui  conforte  leur  protection  au  niveau européen33.  Le contrôle des concentrations et, plus encore, l’encadrement  européen  des  aides  d’État  ont souvent  été  critiqués  comme  illustrant  la « naïveté européenne » face à ses concurrents sur  le marché mondial. En  ce qui  concerne  le contrôle des concentrations, depuis 1989, date à laquelle le règlement fusions a été adopté

34, la Commission européenne en a interdit moins d’une  par  an  en moyenne  alors  qu’elle  en  a autorisé  plusieurs  milliers.  Et  si  les  fusions majeures  qui  auraient  abouti  à  créer  un monopole  ont  été  assorties  de  conditions, celles‐ci n’ont pas empêché  la constitution de « champions européens » de taille mondiale

35. Surtout,  le  champ  territorial  de  la  politique européenne  de  concurrence  ne  se  limite  pas aux  frontières de  l’Union.  La  jurisprudence de la CJUE se fonde sur le critère de l’effet sur les échanges intra‐européens36. Le droit européen de  la  concurrence  s’applique  par  conséquent aux entreprises étrangères ou  implantées hors de  l’Union dès  lors  que  leurs  comportements sont susceptibles d’affecter les échanges entre États‐membres  et  que  leurs  effets  peuvent ainsi être  localisés au sein de  l’Union. L’Union dispose donc d’instruments  juridiques adaptés à  la mondialisation  économique,  garantissant que  les  règles  applicables  aux  entreprises européennes  le  soient  également  aux  firmes transnationales.  A  plusieurs  reprises 37 ,  la Commission  européenne  a  ainsi  opposé  son veto  à  des  fusions  entre  multinationales américaines qui auraient conduit à des abus de 

32 CJCE,  7  février  1995,  Aff  240/83,  Adbhu ;  CJCE,  22 

novembre  2001,  Aff.  C‐53/00,  Ferring ;  CJCE,  24  juillet 2003, Aff. C‐280/00, Altmark Trans. 33 Protocole n°26 sur les services d’intérêt général.

34 Règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 

1989, modifié par  règlement  (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997. 35 Parmi lesquels : Air France‐KLM (2004), GDF‐Suez (2006), 

EDF‐British  Energy  (2008),  BNP‐Fortis  (2009),  ou  encore Alstom‐Areva  et  Schneider‐Areva  (2010),  cf  Joaquin Almunia, « La concurrence ne nuit pas à la compétitivité », Le Monde, 25 janvier 2011. 36 CJCE, 27 septembre 1988, Aff. 89/85, Ahlström.

37 Décision  de  la  Commission  C(97)2598  dans  l’affaire 

IV/M.877  du  30  juillet  1997  sur  la  fusion  Boeing  et McDonnel  Douglas  et  décision  de  la  Commission C(2001)1746 dans l’affaire COMP/M.2220 du 3 juillet 2001 sur l’interdiction de l’acquisition de Honeywell par GE.

position dominante sur  le marché commun ou subordonné  son  accord  à  des  engagements contraignants  pour  garantir  le  respect  des règles  européennes.  Si  ces  décisions spectaculaires  ont  évidemment  provoqué  des tensions  avec  les  États‐Unis  accusant  l’Union de protectionnisme déguisé, elles n’en ont pas moins été appliquées. En  raison de  la  taille et de  l’importance  du  marché  unique,  aucune multinationale ne peut prendre  le  risque d’en être  exclue.  La  Commission  s’est  d’ailleurs dotée des moyens de surveiller  le  respect des engagements pris en n’hésitant pas à prendre des mesures  correctives,  assorties  d’amendes qui  peuvent  être  considérables  en  cas  de manquement

38.   L’encadrement  des  aides  d’État  est  plus vulnérable  à  la  critique,  car  il  s’agit  d’un particularisme du droit de  l’Union,  ce  type de contrôle ne faisant généralement pas partie du droit de  la concurrence  tel que  le connaissent les  pays  développés.  Face  à  des  concurrents qui  n’hésitent  pas  à  subventionner  leurs entreprises  ou  à  leur  attribuer  des  marchés publics dans des conditions préférentielles, ce dispositif  européen  est  donc  régulièrement accusé  de  créer  un  handicap  concurrentiel pour  les  entreprises  européennes  sur  le marché mondial même  si  des  règles  voisines existent  dans  le  cadre  de  l’OMC.  L’Union  sait d’ailleurs  se  montrer  réaliste  et  prendre  en compte les circonstances exceptionnelles et les intérêts  stratégiques  européens.  La  réactivité de l’Union en 2008, alors que la crise financière mondiale  mettait  en  péril  la  solvabilité  des banques  européennes,  et  que  le  risque  était grand  que  les  États  réagissent  en  ordre dispersé, en est l’illustration. Confrontée à une menace  systémique pour  le  système  financier européen,  l’Union a autorisé39 en urgence  les États membres  à  accorder  leur  garantie  et  à mettre en place des plans de  capitalisation et des facilités de trésorerie, sous réserve que ces dispositifs soient temporaires, et respectent les lignes directrices fixées par la Commission pour éviter  les  distorsions  de  concurrence.  Ce dispositif adopté en 2008

40 a été actualisé en 2010 et en 2013 pour poursuivre  l’adaptation du  cadre  juridique à  l’évolution du marché et prendre en compte  la politique de  la BCE et  la création d’une union bancaire. En clarifiant  les 

38 V.  Les  affaires  Microsoft :  décision  de  la  Commission 

C(2004)900  dans  l’affaire  COMP/3/37.792  du  24  mars 2004,  décision  de  la  Commission  C(2009)10033  dans l’affaire COMP/39.530 du 16 décembre 2009, décision de la Commission C(2013)1210 dans l’affaire COMP/39.530 du 6 mars 2013. 39 Sur le fondement de l’article 87 TCE b) et c), dispositions 

reprises à l’art 107 du TFUE. 40 Commission  européenne,  2008/C  270/02  et  2013/C 

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conditions d’application des  règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans  le  contexte  de  la  crise  financière,  ce dispositif  a puissamment  contribué  à  rassurer les investisseurs.  A  l’heure  de  la  globalisation  et  de  la montée des puissances  émergentes,  la politique de  la concurrence  de  l’Union  est  confrontée  à  de nouveaux  défis.  Afin  de  convaincre  des citoyens  européens  sceptiques,  elle  doit démontrer  sa  capacité  à  préserver  la compétitivité de l’Union sur le marché mondial et à exporter ses règles pour les faire respecter au‐delà de ses frontières.  III‐  Avec  l’accélération  de  la  globalisation,  la politique de la concurrence doit s’inscrire dans une  stratégie  d’ensemble  pour  défendre  la compétitivité de l’Union sur le marché mondial et  promouvoir  l’harmonisation  des  règles  à l’échelle internationale.  La politique de concurrence doit être articulée avec  les autres politiques communautaires qui ont  pour  objectif  d’accroître  la  compétitivité de  l’Union  sur  le  marché  mondial.  Il  est  en effet indispensable pour lutter contre l’érosion du  soutien  politique  et  social  en  faveur  du marché  unique41   et  le  risque  de  retour  au nationalisme  économique,  de  convaincre  les citoyens  européens  que  la  politique  de concurrence  contribue  à  la  croissance  et  à  la création  d’emplois. 42   Par  exemple,  si  la politique de  concurrence ne peut  à elle  seule suppléer  l’absence  d’harmonisation  fiscale  au sein de  l’Union, elle peut contribuer utilement à  limiter  les  effets  pervers  de  la  course  au « moins  disant  fiscal »,  en  garantissant  une concurrence  fiscale  loyale  sur  le  territoire  de l’Union.  Le  scandale  provoqué  par  les révélations du « Luxleaks »

43 sur  l’ampleur des avantages  fiscaux  sélectifs  accordés  par certains États aux multinationales pour qu’elles s’implantent  sur  leur  territoire,  risquait d’affaiblir  dangereusement  la  crédibilité  de  la politique européenne de concurrence dans  les opinions  publiques.  Il  démontrait  en  effet  les 

41 Même  si  selon  les  enquêtes  d’opinion  menées  par  la 

Commission,  les citoyens européens ont une appréciation plutôt positive de la politique de concurrence s’agissant de la  protection  des  consommateurs,  cf.  Commission européenne, Eurobaromètre flash 403, Les perceptions des citoyens à  l’égard de  la politique de  la concurrence, mars 2015. 42 Mario Monti,  Rapport  au  Président  de  la  Commission 

européenne,  Une  nouvelle  stratégie  pour  le  marché unique, 9 mai 2010. 43 « Luxleaks » est le nom du scandale financier révélant le 

contenu  de  centaines  d'accords  fiscaux  très  avantageux conclus  avec  le  fisc  luxembourgeois  par  des  cabinets d'audit  pour  le  compte  de  nombreux  clients internationaux.

limites de  la  compétence exclusive de  l’Union en  matière  de  concurrence  en  l’absence d’harmonisation des règles d’imposition sur les sociétés.  Pour  sortir  de  cette  contradiction apparente,  la  Commission  européenne  a décidé de réagir en lançant plusieurs enquêtes approfondies  sur  des  avantages  fiscaux sélectifs  accordés  à  des  multinationales  en Irlande, Hollande et Luxembourg. Par une série de  décisions  spectaculaires,  elle  a  conclu  que les  « ruling  fiscaux » 44   qui  aboutissent  à réduire  artificiellement  la  charge  d’une entreprise,  sont  illégaux  au  regard  des  règles de  l’UE  en  matières  d’aides  d’État.  Et  elle  a enjoint  aux  États  concernés  de  récupérer l’impôt  non  payé  par  les multinationales  afin de supprimer l’avantage concurrentiel injustifié dont elles ont bénéficié et de  rétablir  l’égalité de  traitement  avec  les  autres  entreprises45. Tout  dernièrement,  la  Commission européenne  a  confirmé  sa  détermination  en imposant  à  l’Irlande  de  récupérer  les  aides illégales  correspondant  aux  avantages  fiscaux indus  accordés  à  Apple  entre  2003  et  2014, pour  un  montant  de  13  milliards  d’euros46. Cette  décision,  qui  a  eu  un  retentissement international,  a  suscité de  vives  réactions  aux États‐Unis, et l’Irlande a annoncé son intention de saisir  la CJUE. L’issue de ce bras de fer sera un  test  pour  la  cohésion  de  l’Union  et  sa crédibilité  face  aux  stratégies  d’optimisation fiscale des multinationales.  De  même,  l’Union  a  pris  conscience  de  la nécessité  de  développer,  en  appui  de  la politique  de  concurrence,  une  politique industrielle  active  encourageant    l’innovation, la  recherche  et  les  investissements  d’avenir. Elle  a  mis  en  place  des  règles  permettant d’assurer  la  compatibilité  de  la  politique industrielle et de recherche avec  le droit de  la concurrence

47.  L’éducation,  la  formation  et  la recherche  sont  d’ailleurs  au  cœur  de  la 

44 Un  « ruling  fiscal »  est  une  pratique  permettant  aux 

entreprises  de  s’adresser  directement  à  l’administration fiscale  pour  obtenir  de  cette  dernière  une  "décision anticipée"  concernant  l’impôt  auquel  elles  seront soumises, décision qui engage l’État. 45 Commission européenne,  communiqués de presse du 7 

octobre  2014  sur  l’enquête  concernant  l’imposition d’Amazon  au  Luxembourg,  du  21  octobre  2015  sur l’illégalité des avantages fiscaux sélectifs accordés à Fiat au Luxembourg et à Starbucks aux Pays‐Bas, du 3 décembre 2015  sur  l’ouverture  d’une  enquête  formelle  sur  le traitement fiscal accordé par le Luxembourg à McDonald’s. 46 Commission européenne, communiqué de presse du 30 

août 2016. 47 Règlement (UE) n°651/2014 de la Commission du 17 juin 

2014  déclarant  certaines  catégorie  d'aides  compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108  du  traité,  publié  au  JOUE  le  26  juin  2014 ; Communication de la Commission (2014/C 198/01) publiée au JOUE du 27 juin 2014 relative à l’encadrement des aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation.

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Conférence du 19 octobre 2016 – Le droit de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?  

stratégie  « Europe  2020 »,  qui  se  traduit  par des  budgets  très  importants  pour  renforcer l’espace  européen  de  la  recherche48 .  Et  le « plan  Junker »,  qui  a  pour  objectif  de compenser  le  déficit  d’investissements  dont souffre l’UE en mobilisant 315 milliards d’euros en  trois  ans,  s’appuie  sur  le  fonds  européen pour  les  investissements  stratégiques  qui  a pour  objectif  explicite  de  remédier  aux défaillances  du  marché 49 .  En  matière  de défense, un débat est en cours sur les moyens de  protéger  les  intérêts  stratégiques européens  en  ayant  notamment  la  possibilité de  soumettre  à  autorisation  les  prises  de contrôle non européennes dans ce secteur50. 

La stratégie européenne pour  la mise en place d’un marché unique numérique est une bonne illustration  de  cette  nécessaire complémentarité  entre  la  politique européenne  de  concurrence  et  les  autres politiques  publiques  pour  faire  face  aux nouveaux enjeux de  la globalisation. Certes,  la Commission  a  déjà  démontré  sa  capacité  à imposer des mesures correctives

51 à des firmes transnationales en position de quasi‐monopole sur  une  technologie  clef,  afin  qu’elles  ne portent pas préjudice aux consommateurs et à l’innovation  en  abusant  de  leur  pouvoir  de marché.  Elle  est  ainsi  déterminée  à  aller  au bout de  son  enquête  fleuve  aux  ramifications multiples  sur  les  abus  de  position  dominante de Google52. Dans  ce  combat,  la  Commission européenne  peut  d’ailleurs  compter  sur  le soutien  politique  du  Conseil  de  l’Union  et  du Parlement  européen53.  De même,  la  récente publication  des  conclusions  préliminaires  de l’enquête  sectorielle  sur  le  commerce électronique54  vient  utilement  compléter  les 

48 V.  dossier  du  participant,  Conseil  d’État,  Cycle  des 

Entretiens  sur  l’Europe,  conférence  7,  Enseignement  et recherche,  l’Europe  continue‐t‐elle  de  former  les  élites mondiales ? p. 7.  49 Règlement (UE) n°2015/1017 du Parlement européen et 

du Conseil du 25 juin 2015 sur le Fonds européen pour les investissements  stratégiques,  la  plateforme  européenne de  conseil  en  investissement  et  le  portail  européen  de projets d’investissement et modifiant  les  règlements  (UE) n°1291/2013 et (UE) n°1316/2013. 50 Jean‐Marie  Guéhenno,  « La  Commission  européenne, 

adversaire  ou  alliée  de  l’industrie  de  défense européenne ? », Revue du Marché  commun  et de  l’Union européenne, 1999, p. 671. 51 V. supra note 6.

52 Commission européenne, Communiqués de presse du 20 

avril  2016  informant  Google  des  griefs  concernant  le système d’exploitation et les applications Android et du 14 juillet 2016 concernant la violation présumée des règles de l’UE par le service de comparaison de prix et les pratiques publicitaires de Google. 53 Le Parlement européen discute d’une résolution appelant 

à démanteler Google, Lemonde.fr, 26 novembre 2014. 54 Pratiques  anticoncurrentielles:  la  Commission  publie  les 

conclusions  préliminaires  de  l’enquête  sectorielle  sur  le commerce électronique, IP/16/3017, 15 septembre 2016.

propositions  législatives destinées à améliorer l’accès des  consommateurs et des entreprises aux biens et aux services numériques. Mais  la lutte  contre  les  pratiques  anticoncurrentielles ne peut évidemment pas à elle seule créer  les conditions  d’une  économie  numérique performante en Europe. Le chantier législatif à mettre  en  œuvre  pour  faire  tomber  les barrières réglementaires et transformer  les 28 marchés nationaux  (ou 27  après  le départ du Royaume‐Uni)  en  un  marché  unique  est considérable 55 .  Une  politique  industrielle ambitieuse est nécessaire pour le déploiement rapide de réseaux à très haut débit, la mise en place d’un écosystème  favorable aux start‐up, le  développement  des moteurs  de  recherche européens  ou  encore  de  l’industrie  du « Cloud »56  afin  de  préserver  l’indépendance stratégique  de  l’Union.  Enfin,  l’affirmation  de la  dimension  externe  de  la  politique  de concurrence  européenne  est  essentielle  pour permettre  à  nos  entreprises  de  rester compétitives  sur  le  marché  mondial.  La politique commerciale commune, qui donne à l’UE en raison de son poids dans  les échanges internationaux le pouvoir d’agir efficacement à l’échelle  mondiale,  est  l’instrument  privilégié pour  promouvoir  les  intérêts  européens  et  la convergence  de  la  règlementation internationale57.  L’UE  a  ainsi  exporté  le  droit européen  de  la  concurrence  dans  les  accords de libre échange conclus avec les États voisins. L’accord  EEE  est  régi  par  des  règles  de concurrence  identiques  à  celles  qui  prévalent dans  l’UE 58 .  Récemment,  un  accord  de coopération en matière de concurrence, dit de « deuxième  génération » a  été  signé  avec  la Suisse 59 .  Des  dispositions  incitant  au rapprochement des règles de concurrence ont été également insérées dans les accords créant une union douanière60 et plus  largement dans 

55

 Communication  de  la  Commission  au  Parlement européen,  au  Conseil,  (…),  (2015)192  Stratégie  pour  un marché unique en Europe. 56 Interview  de  Thierry  Breton,  Business,  n°2179,  12 

décembre 2013. 57 V.  dossier  du  participant,  Conseil  d’État,  Cycle  des 

Entretiens  sur  l’Europe,  conférence 6, Le poids de  l’Union dans les négociations commerciales internationales, p.9. 58 L'Espace  économique  européen  (EEE)  a  vu  le  jour  en 

1994  et  a  permis  d'étendre  les  dispositions  de  l'Union européenne  applicables  à  son marché  intérieur  aux  pays membres  de  l'Association  européenne  de  libre‐échange (AELE). 59 Accord du 17 mai 2013 entre la Confédération suisse et l’Union européenne concernant la coopération en matière d’application de  leurs droits de  la concurrence est qualifié de  « deuxième  génération »  parce  qu’il contient  des dispositions  concernant  l'échange  d'éléments  de  preuve obtenus  par  les  autorités  de  concurrence  dans  le  cadre d'enquêtes portant sur une même affaire. 60 V. par exemple, l’accord d’Ankara du 6 mars 1995 créant 

l’union douanière entre l’Union européenne et la Turquie.

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Conférence du 19 octobre 2016 – Le droit de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?  

tous  les  accords  passés  dans  le  cadre  de  la politique européenne du voisinage61.  

Au‐delà de  sa  sphère d’influence économique « naturelle »,  l’UE s’est efforcée depuis 25 ans de  développer  des  accords  bilatéraux  de courtoisie  destinés  à  résoudre  les  difficultés liées  à  l’application  extraterritoriale  du  droit européen de  la concurrence et plus  largement à  définir  des  règles  du  jeu  communes  pour trancher  les  litiges,  conformément  d’ailleurs aux  recommandations de  l’OCDE et de  l’OMC. L’exemple  le plus ancien et  le plus approfondi est celui de l’accord de coopération en matière de contrôle des concentrations qui lie l’Europe aux États‐Unis depuis 199162. Depuis, plusieurs accords de courtoisie ont été signés par l’UE63, notamment  avec  le  Canada,  le  Japon  et  la Corée.  La  Commission  s’efforce  également d’avoir un dialogue approfondi en ce domaine avec  les  autres  puissances  commerciales  que sont  le  Brésil,  la  Chine  et  l’Inde64  et  est  très active  au  sein  du  réseau  international  de coopération  qui  permet  aux  autorités  de concurrence  du  monde  entier  de  partager leurs  bonnes  pratiques 65 .  Mais  il  reste beaucoup à faire pour uniformiser les règles du jeu au niveau mondial et dissiper l’ambivalence des  sentiments  des  citoyens  et  acteurs économiques  européens  à  l’égard  de l’ouverture  du  marché  unique  à  la  libre concurrence.  Beaucoup  estiment  que  les entreprises  européennes  sont  soumises  à  un régime  strict  concernant  les aides d’État alors que leurs concurrents bénéficient  d’un soutien public  sous  forme  de  subventions  ou d’attribution de marchés publics.  L’inquiétude 

61 Sur la base notamment de l’article 8 du traité sur l'Union 

européenne ; « La politique européenne de voisinage (PEV) a été mise en place en 2004 afin d'éviter  l'émergence de nouvelles  lignes  de  division  entre  l'Union  élargie  et  ses voisins, ainsi que pour renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous. Cette politique s'appuie sur  les valeurs qui  sont  celles  de  la  démocratie,  de  l'état  de  droit  et  du respect des Droits de  l'homme, et elle s'applique à 16 des voisins  les  plus  proches  de  l'Union,  à  savoir  l'Algérie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, l'Égypte, la Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Moldavie, la  Palestine,  la  Syrie,  la  Tunisie  et  l'Ukraine »  (fiches techniques  du  Parlement  européen  sur  l’Union européenne). 62 Cf Accord du 31 mars 1999 concernant les arrangements 

administratifs  entre  les  autorités  de  concurrence  des Communautés européennes et des  États‐Unis,  v. Bull. UE 3‐1999, Concurrence, 18/43. 63 « Internationalisation  du  droit  de  la  concurrence », 

Jurisclasseur  Concurrence  ‐  Consommation,  fascicule  52, paragraphe 101. 64 V.  dossier  du  participant,  Conseil  d’État,  Cycle  des 

Entretiens  sur  l’Europe,  conférence 6, Le poids de  l’Union dans les négociations commerciales internationales, p.12. 65 Cf.  « Internationalisation  du  droit  de  la  concurrence », 

art.  cit.,  paragraphe  53.  Le  réseau  international  de coopération  ‐  dénommé  International  Competition Network (ICN) ‐ créé en 2001 compte près de 130 autorités nationales et régionales de la concurrence.

est particulièrement vive pour ce qui concerne la compétitivité de l’industrie européenne dans les  secteurs  stratégiques  (énergie,  transports, défense), dans lesquels l’Europe est accusée de naïveté par rapport à ses concurrents66. A cela s’ajoutent  les  barrières  non  tarifaires  que peuvent  constituer  les  normes  techniques  ou le  non  respect  des  droits  de  propriété intellectuelle  ou  encore  la  crainte  d’une concurrence fiscale déloyale. L’UE a développé beaucoup  d’efforts  pour  lever  ces  obstacles  dans le cadre de l’initiative plurilatérale sur les services  (TISA)  ou  de  la  négociation  des accords préférentiels commerciaux (APC)67, qui ont  comme objectif de progresser en matière de reconnaissance mutuelle des normes. Mais si un accord a été signé avec la Corée du Sud et le Canada, la négociation avec les États‐Unis du Partenariat  transatlantique pour  le  commerce et l’investissement s’est enlisée en raison de la défiance  des  opinions  publiques  des  deux côtés  de  l’Atlantique 68 .  Un  des  points  de blocage réside précisément dans  la difficulté à trouver  un  mécanisme  permettant  d’arbitrer les  litiges.  D’une  façon  plus  générale, l’élaboration  de  règles  internationales  de concurrence  se  heurte  à  l’attachement  des États à  leur  souveraineté et à  la diversité des droits et des intérêts nationaux. La suppression de  la question  de  la  concurrence  de  l’agenda de  l’OMC en 2003, à  la  suite de  l’échec de  la conférence de Cancun,  a  été  le  révélateur de divergences  qui  demeurent  profondes, notamment  entre  les  pays  émergents  et  les pays développés69. 

 

La politique européenne de concurrence a joué un rôle déterminant dans la mise en œuvre du marché  unique.  Elle  a  bénéficié  aux consommateurs  et  a  contribué  en  créant  un environnement  hautement  compétitif  à  faire émerger  des  champions  européens  sur  le marché mondial. Néanmoins,  en dépit de  ces réussites,  sa  légitimité  continue  d’être régulièrement  remise  en  cause  dans  le  débat public. Et avec  la crise économique,  la montée en  puissance  des  thèses  protectionnistes fragilise  l’Union  dans  son  combat  pour uniformiser les règles du commerce mondial et garantir une concurrence loyale. 

66 Mario  Monti,  rapport  précité,  p.  100 ;  v.  également, 

Jean‐Marie  Guéhenno,  « La  Commission  européenne, adversaire  ou  alliée  de  l’industrie  de  défense européenne ? », art. cit.,  p. 671. 67 Cf.  dossier  du  participant,  Conseil  d’État,  Cycle  des 

Entretiens  sur  l’Europe,  conférence 6, Le poids de  l’Union dans les négociations commerciales internationales, p. 7. 68 Ibid., p. 8.

69 Cf.  « Internationalisation  du  droit  de  la  concurrence », 

art. cit., paragraphe 55 et suiv.

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Conférence du 19 octobre 2016 – Le droit de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?  

L’Union,  et  c’est  son  honneur,  est  une construction  par  essence  démocratique. L’avenir  de  la  politique  européenne  de concurrence  dépend  donc  avant  tout  de  la capacité  des  institutions  communautaires  et des États, à convaincre  les citoyens européens qu’elle est un  levier efficace pour préserver  la compétitivité  des  entreprises,  les  emplois  et les  préférences  collectives  des  européens  et faire face aux défis de la mondialisation. 

 

 

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Conférence du 19 octobre 2016 – Le droit de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ?  

Biographies des intervenants

Bruno Lasserre Diplômé  de  l’Institut d’études  politiques  de Bordeaux,  ancien  élève de  l’École  nationale d’administration,  Bruno Lasserre entre au Conseil d’État  en  1978. Responsable  du  centre de  documentation (1982‐1984),  il  est 

nommé  commissaire  du  gouvernement  près les formations contentieuses du Conseil d’Etat (1984‐1986). Il rejoint en 1986 le ministère des postes  et  télécommunications,  en  qualité  de directeur de la réglementation générale (1989‐1993),  de  vice‐président  du  Comité  de coordination  des  télécommunications  (1990‐1997) puis de directeur général des postes et télécommunications (1993‐1997). De retour au Conseil d’État en 1998,  il occupe  les  fonctions de  président  de  la  1e chambre  (1999‐2002), de  président adjoint (2002‐2004) de la section du contentieux et de membre du  tribunal des Conflits (2003‐2004). Membre de  l’Autorité de la  concurrence  (ancien  Conseil  de  la concurrence)  depuis  1998,  il  est  nommé président de  l’Autorité en 2004,  fonction qu’il quitte  lorsqu'il  est  nommé  président  de  la section  de  l’intérieur  du  Conseil  d’État  le  30 septembre  2016.  Bruno  Lasserre  est  l’auteur de  plusieurs  rapports  remis  au  Premier ministre  :  L’État  et  les  technologies  de l’information : vers une administration à accès pluriel (2000) et Pour une meilleure qualité de la  réglementation  (2004)  et  d’un  ouvrage consacré  à  La  transparence  administrative (1986,  en  coll.  Avec  Bernard  Stirn  et  Noëlle Lenoir).  Il  a  également  été  membre  de  la Commission pour  la  libération de  la croissance française présidée par  Jacques Attali  (  rapport 300 décisions pour changer la France ‐ 2008). Il est,  depuis  2012,  vice‐président  de l'International Competition Network (ICN).       

Thierry Breton

Diplômé  de  l’Ecole supérieure  d’électricité (Supélec)  et  ancien auditeur  de  l’IHEDN, Thierry Breton débute sa carrière comme professeur d’informatique  et  de mathématiques avant de créer  « Forma  Systems » société  spécialisée  en ingénierie  informatique 

dont  il  est  le  président  directeur  général  de 1981  à  1986,  avant  d’être    nommé  chef  de projet  du  Futuroscope  (1986‐1990)  puis directeur général du groupe CGI (1990‐1993). Il entre ensuite chez Bull comme directeur de  la stratégie  avant  d’être  nommé  directeur général  et  vice‐président  du  Conseil d’administration  (1993‐1997).  Il  est  ensuite Président‐directeur  général  de  Thomson (1997‐2002),  puis  de  France  Télécom  (2002‐2005).  En  2005,  Thierry  Breton  est  nommé ministre  de  l’Économie,  des  finances  et  de l’Industrie (2005‐2007). Professeur à la Harvard Business  School  de  2007‐2009,  il  devient  en 2009 le président directeur général du Groupe Atos,  société  internationale  de  services informatiques et de  technologies numériques. Il  est  élu  président  de  l’Association  nationale des  technologies  en  décembre  2015  et membre  de  l’Académie  nationale  des technologies en décembre 2016. 

Olivier Guersent

Diplômé  de  l'Institut d'Études  Politiques  de Bordeaux  en  1983, Olivier Guersent  rejoint en  1984  le  ministère français  de  l'Économie et  des  Finances  où  il réalise  de  nombreuses enquêtes pour  l'Autorité française  de  la 

concurrence. En 1992, il intègre la Commission Européenne et rejoint la « Merger Task Force » de  la  direction  générale  de  la  concurrence.  Il alterne ensuite pendant 22 ans des postes au cabinet de différents Commissaires européens (successivement  Karel  Van  Miert,  Michel Barnier et Neelie Kroes) et dans les services de la  DG  concurrence  où  il  est  successivement chef d'unité adjoint en charge des cartels, chef d'unité en charge de la politique générale et de la coordination des cas, chef d'unité « contrôle des concentrations », directeur ad interim de la direction  « Transports,  postes  et  autres 

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services » et, à partir de 2009, directeur de  la direction  « lutte  anticartels ».  Il  dirige  le cabinet  de  Michel  Barnier,  commissaire  en charge  du  marché  intérieur  et  des  services, entre 2010 et 2014 puis est nommé directeur général  adjoint  en  charge  des  services financiers  de  2014  à  2015.  Le  1er  septembre 2015, Olivier Guersent a pris  ses  fonctions de directeur  général  au  sein  de  la  direction générale Stabilité financière, services financiers et Union des marchés de capitaux. Il intervient de  manière  régulière  dans  le  cadre  de formations universitaires de troisième cycle. 

Calendrier du cycle (2015-2017)

 

Quelle souveraineté juridique des États et de l’Union ? Mercredi 21 octobre 2015

Quelles institutions pour l’Europe de demain ? Mercredi 16 décembre 2015

Quelle gouvernance pour la zone euro ? Mercredi 10 février 2016

L’Europe des frontières : enjeux et défis Mercredi 30 mars 2016  

Andreas Schwab Faut-il accroître la capacité d’intervention diplomatique et militaire de l’Union ? Mercredi 18 mai 2016

Andreas  Schwab  est docteur en droit, diplômé de  l’Université  de Fribourg,  de  Sciences‐Po Paris et de  l’université du Pays  de  Galles.  Il  a travaillé  en  qualité  de consultant  pour  la Convention  européenne au  département  des affaires  européennes  du 

ministère d’État du Bade‐Wurtemberg. Député au  Parlement  européen  depuis  2004,  il  est  le coordinateur  de  la  commission  du  marché intérieur  et  de  la  protection  des consommateurs  au  sein  du  groupe  du  parti populaire  européen, membre  suppléant  de  la commission  des  affaires  économiques  et monétaires, membre du Bureau du groupe du parti populaire européen et membre suppléant du groupe CDU/CSU au Parlement européen. 

Le poids de l’Union dans les négociations commerciales internationales Mercredi 6 juillet 2016

Enseignement et recherche : l’Europe continue-t-elle de former les élites mondiales ? Mercredi 14 septembre 2016

Le droit européen de la concurrence est-il adapté à l’économie mondialisée ? Mercredi 19 octobre 2016

Quelle place pour les services publics dans l’Union ? Mercredi 7 décembre 2016

Peut-on parler d’une démocratie européenne ? Mercredi 1er février 2017

Quels droits pour les citoyens européens ? Mercredi 8 mars 2017

Quelles sont les valeurs qui définissent l’Union ? Mercredi 26 avril 2017

L’Union européenne dans le monde Mercredi 14 juin 2017