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UNIVERSITÉ DE PAU ET DES PAYS DE L’ADOUR *École Doctorale 481Sciences Sociales et Humanités * LABORATOIRE SET - UMR 5603 CNRS Soutenance de thèse pour l’obtention du grade de Docteur en géographie LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET CONSERVATION Présentée et soutenue publiquement par : Leticia Nathalie SELLO MADOUNGOU Sous la direction de Jean-Yves PUYO et Xavier ARNAULD DE SARTRE Composition du jury : Bernard CHARLERY DE LA MASSELIERE (PR. Université de Toulouse 2) Rapporteur Luc CAMBREZY (DR. Université de Paris 8) Rapporteur Jean-Marc ZANINETTI (PR. Université d’Orléans) Examinateur Vincent BERDOULAY (PR. Université de Pau et des Pays de l’Adour) Examinateur Jean-Yves PUYO, Directeur (PR. Université de Pau et des Pays de l’Adour) Directeur Xavier ARNAULD DE SARTRE (CR. Centre national de la recherche scientifique) Directeur Pau, le 05 Décembre 2013

LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

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Page 1: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

UNIVERSITÉ DE PAU ET DES

PAYS DE L’ADOUR *École Doctorale 481Sciences Sociales et

Humanités *

LABORATOIRE SET - UMR 5603 CNRS

Soutenance de thèse pour l’obtention du grade de

Docteur en géographie

LE MONDE RURAL GABONAIS – ENTRE

PRODUCTION ET CONSERVATION

Présentée et soutenue publiquement par :

Leticia Nathalie SELLO MADOUNGOU

Sous la direction de Jean-Yves PUYO et Xavier ARNAULD DE SARTRE

Composition du jury :

Bernard CHARLERY DE LA MASSELIERE (PR. Université de Toulouse 2) Rapporteur

Luc CAMBREZY (DR. Université de Paris 8) Rapporteur

Jean-Marc ZANINETTI (PR. Université d’Orléans) Examinateur

Vincent BERDOULAY (PR. Université de Pau et des Pays de l’Adour) Examinateur

Jean-Yves PUYO, Directeur (PR. Université de Pau et des Pays de l’Adour) Directeur

Xavier ARNAULD DE SARTRE (CR. Centre national de la recherche scientifique) Directeur

Pau, le 05 Décembre 2013

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

1

Dédicace

À

-Lilya Dadiva Nzé, ma fille, née durant cette aventure,

-Marceline Moughola, ma mère,

-David Madoungou Sombella, mon père qui m’a précocement quitté,

-Alphonsine Ngonga, ma meilleure amie,

- Ivan-Cédric Nzé, mon chéri.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

2

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

3

Remerciements

Au terme de ces quatre années qui m’ont permis d’élaborer ce travail, je tiens à remercier un

certains nombre de personnes physiques et morales.

Je tiens en premier à remercier du fond du cœur mon directeur Xavier Arnauld de Sartre

d’avoir accepté de diriger ce travail et de m’avoir fait confiance malgré le fait que j’étais

enceinte au début de cette aventure. Je voudrais lui témoigner ma grande gratitude pour ses

efforts qu’il n’a jamais ménagés pour l’aboutissement de ce travail, pour sa disponibilité, ses

conseils, sa rigueur, sa patience, ses orientations, et ses relectures qui ont été d’un grand

apport pour la rédaction de cette thèse.

Je remercie également mon directeur Jean-Yves Puyo pour avoir accepté de diriger ma thèse,

pour sa relecture et ses annotations.

Au laboratoire Sociétés Environnement Territoire (SET), je remercie ses membres qui m’ont

accueilli et ont permis le bon déroulement de ma thèse durant ces quatre années.

Que Monique Morales soit aussi remercier pour toutes les cartes qu’elle a faites pour moi.

J’adresse également mes remerciements à Noël Ovono Edzang pour ses conseils et ses

orientations. Je n’oublierai pas le laboratoire CERGEP et ses membres, ainsi que les

enseignants du département de Géographie de l’Université Omar Bongo, qui m’ont souvent

chaleureusement accueilli lors de mes séjours au Gabon.

Mes études ont pu se faire grâce à mes bourses d’études. Je remercie ainsi vivement, le

gouvernement gabonais qui a soutenu financièrement ma scolarité du collège jusqu’à cette

thèse doctorale.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

4

Sur le terrain, j’ai obtenu les informations grâces aux administrations, institutions et

populations locales de ma zone d’étude. Ces informations ont été très précieuses pour la

rédaction de mon travail. Qu’elles trouvent ici ma profonde gratitude.

De même, mes remerciements vont à l’endroit de toutes les personnes qui ont facilité mon

séjour sur le terrain :

- Jean François Odzagha qui a été disponible pour m’aider sur le terrain (Makokou) ;

-Judicaëlle Madoungou qui m’a accompagné sur le terrain ;

-La famille Ndolo qui a facilité mon hébergement à la Lopé ;

-La famille Boudoungou pour l’hébergement à Libreville.

J’adresse enfin toute ma reconnaissance et mes remerciements à tous mes parents et amis :

-Ma grand-mère Antoinette Bissalo (Iya) qui m’a inscrite à l’école à 6 ans ;

-Mes tantes Paulette Poumba, Florence Bicka, Annie Michelle Bicka, Alida Virginie Nongo et

Edmonde Nzengué.

-La famille Toussa qui a toujours été présente dans ma scolarité depuis la classe du CM 1.

-Les familles Khouilla, Cubwa, Tiwinot, Boussougou, Bigoundou, qui m’ont soutenu et

encouragé dans ce long parcours.

-Mes frères et sœurs : Franz, Andrelle, Joe, Mastelle, Auxilia, Chirley, Bibiche, Sabrina,

Mamita, Armand, Sarah, Ferly, Maeva, Yowane, Stephane, Kévine, Mano, Tomi, Marcilya,

Anaëlle, Priscille, Dana, et Naomie.

-Mes amis (ies) de Koulamoutou, Libreville, Paris, Bordeaux, Pau, Lyon et Nantes.

Page 6: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

5

Sigles et abréviations

ANPN : Agence Nationale des Pars Nationaux

CARPE : Central Africa Regional Program for Environment

CEMAC : Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale

CIRMF : Centre International de Recherche Médicale de Franceville

COMIFAC : Commission des Forêts de l’Afrique Centrale

DACEFI : Développement d’Alternatives Communautaires à l’Exploitation Forestière

Illégale

DGS : Direction Générale des Statistiques

ECOFAC : Écosystèmes fragilisés en Afrique Centrale

FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

FIDA : Fonds International de Développement Agricole

FC : Forêt Communautaire

FCFA : Franc de la Communauté Financière Africaine

GIC : Groupes d’Initiatives Communes

IGAD : Institut Gabonais d’Appui au Développement

MAEDR : Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et Développement Rural

MEA : Millenium Ecosystem Assessment

MEF : Ministère des Eaux et Forêts

OIBT : Organisation Internationale des Bois Tropicaux

OMF : Observatoire Mondial des Forêts

ONG : Organisation Non Gouvernementale

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

6

PFBC : Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo

PIB : Produit Intérieur Brut

PFNL : Produit Forestier Non Ligneux

PGG : Permis Gré à Gré

PME : Petite et Moyenne Entreprise

PSE : Paiement pour Services Environnementaux

PSFE : Programme Sectoriel Forêts et Environnement

RAPAC : Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale

RCA : République Centrafricaine

RDC : République Démocratique du Congo

REDD : Réduction des Émissions dues au Déboisement et à la Dégradation

RGPH : Recensement Générale de la Population et de l’Habitat

SE : Service Environnemental

SETRAG : Société d’Exploitation du Transgabonais

SNBG : Société Nationale de Bois du Gabon

TBE : Tableau de Bord de l’Économie

UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture

WCS : Wildlife Conservation Society (Société pour la Conservation de la Vie sauvage)

WRI : World Ressources Institute (Institut des Ressources Mondiales)

WWF : World Wide Fund (Fonds mondial pour la nature)

Page 8: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

7

Sommaire

Dédicace .................................................................................................................................................. 1

Remerciems ............................................................................................................................................ 3

Sigles et abréviations ............................................................................................................................. 5

Sommaire ............................................................................................................................................... 7

Introduction générale ............................................................................................................................ 9

Première partie : Les activités de production et de conservation dans les pays du Sud et au

Gabon ................................................................................................................................................... 25

Chapitre I : Produire et conserver dans les pays du Sud ............................................................. 27

1. La production, historique, évolution et répercussions dans les pays du Sud ............................. 28

2. La conservation, historique, évolution et répercussions dans le monde tropical ....................... 41

3. Les polémiques actuelles sur la conservation ............................................................................ 71

Chapitre II : Étude du monde rural gabonais .............................................................................. 79

1. Aperçu historique du monde rural gabonais .............................................................................. 79

2. L’économie villageoise ............................................................................................................. 92

3. Des espaces ruraux en perpétuelle crise .................................................................................... 96

4. Quelques actions du gouvernement visant à redynamiser le monde rural ............................... 107

Chapitre III : Production et conservation au Gabon face à la problématique du

développement durable ................................................................................................................. 113

1. Les principales activités de production dans les milieux ruraux et leurs impacts ................... 114

2. Historique de la conservation et son évolution au Gabon ....................................................... 119

3. Les activités et les acteurs de conservation au Gabon ............................................................. 133

4. Les débats actuels sur la conservation des ressources naturelles ............................................ 153

Conclusion de la première partie ................................................................................................. 165

Deuxième partie : La survie des villages gabonais ......................................................................... 167

Chapitre IV : Description de la zone d'étude .............................................................................. 169

1. Choix de la zone d’étude ......................................................................................................... 174

2. Atouts et difficultés rencontrés dans les villages ..................................................................... 189

Page 9: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

8

3. Lopé ......................................................................................................................................... 208

Chapitre V : À quoi servent les villages gabonais ? ................................................................... 223

1. Exode rural et structure de la population des villages ............................................................. 226

2. Les activités économiques des villages ................................................................................... 247

3. Les villages comme lieux favoris de la tradition ..................................................................... 262

Conclusion de la deuxième partie ................................................................................................ 271

Troisième partie : Crises et mutations des espaces forestiers périphériques aux parcs nationaux

............................................................................................................................................................. 273

Chapitre VI : Analyse des tensions existantes aux périphéries des parcs nationaux de la zone

étudiée ............................................................................................................................................. 275

1. Conflits Homme-faune ............................................................................................................ 276

2. Conflits entre villageois et agents des parcs nationaux ........................................................... 290

3. Conflits entre villageois et exploitants forestiers .................................................................... 299

4. Les impacts des conflits sur le développement rural et sur la gestion des ressources ............. 304

Chapitre VII : Les forêts communautaires comme solution à la résolution des conflits dans le

monde rural gabonais ................................................................................................................... 315

1. Les forêts communautaires, un nouveau mode de gestion rationnelle à la portée des ruraux . 316

2. Tensions dans le projet DACEFI ............................................................................................. 338

3. Bilan des activités DACEFI .................................................................................................... 341

4. Handicaps à l’obtention d’une forêt communautaire .............................................................. 346

Conclusion de la troisième partie ................................................................................................. 355

Conclusion générale ...................................................................................................................... 357

Bibliographie .................................................................................................................................. 367

Table des illustrations ....................................................................................................................... 381

Liste des annexes ................................................................................................................................. 381

Liste des cartes .................................................................................................................................... 381

Liste des photos ................................................................................................................................... 382

Liste des planches ................................................................................................................................ 382

Liste des tableaux ................................................................................................................................ 383

Annexe 1 : Organigramme de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux ..................................... 383

Annexe 2 : Informations sur les PFNL ............................................................................................ 386

Annexe 3 : Lettre de revendication du village Kazamabika .......................................................... 388

Annexe 4 : Lettre de revendication du village Makoghé ............................................................... 389

Annexe 5 : Lettre de revendication du village Mikongo ................................................................ 390

Table des matières ............................................................................................................................. 403

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

9

Introduction générale

Le développement durable, fondé sur l’articulation entre dynamisme économique,

préservation de l’environnement et équité sociale, est devenu au cours des trois dernières

décennies un concept clé de la stabilisation et de l’émergence d’un pays. C’est

particulièrement le cas du Gabon qui a mis la conservation au cœur de ses politiques

stratégiques au travers d’un projet appelé « Gabon vert », c’est-à-dire un Gabon qui respecte,

protège et préserve sa biodiversité.

Mais dans ces pays en développement comme le Gabon, les politiques de conservation sont

confrontées à des problèmes majeurs. La richesse repose encore sur l’exploitation des milieux

naturels et l’extraction des ressources primaires, telles que le bois et le pétrole. Comme la

pauvreté des populations, en particulier rurales, est forte, toute limitation à une politique

extractive risque d’y engendrer des conséquences immédiates – et négatives. Là plus

qu’ailleurs, la tension entre politiques de production et politiques de conservation est

cruciale ; là plus qu’ailleurs, les populations locales sont directement impactées par les

politiques de production et les politiques de conservation. Si la recherche d’une alliance entre

ces deux types de politiques est recherchée dans le cadre du développement durable, en réalité

ces politiques se contredisent, ce qui a des conséquences immédiates pour les populations

locales qui ne sont que rarement prises en compte.

De ce fait, le Paiement pour Services Environnementaux (PSE) apparaît comme un moyen

pour inciter l’application des politiques environnementales dans les pays tropicaux en général,

et dans les pays du bassin du Congo en particulier. C’est une notion, apparue au début des

années 1990 dans la littérature scientifique, et qui s’est institutionnalisée au début des années

2000 au travers du Millenium ecosystem assesment, ce rapport sur l’état de l’environnement

au tournant du millénaire réalisé sous l’égide des Nations unies. Le PSE consiste à

dédommager ceux qui fournissent les services environnementaux. Ce qui permettrait

Page 11: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

10

d’occasionner un développement local. En effet, les services environnementaux « reposent

sur l’idée que les ressources naturelles et les aménités rurales sont des substrats potentiels

pour mener des actions de développement économique » (Aznar, 2002 : 122). Mais, « la

difficulté de prendre en compte les services environnementaux dans la gestion forestière est

qu’ils ne font rarement l’objet de transactions monétaires. Par exemple, celui qui protège la

forêt, et donc son carbone et sa biodiversité, ne reçoit aucun paiement pour cela,

contrairement à celui qui va abattre un arbre et vendre les planches » (Lescuyer et al., 2009 :

132). Comme l’approche du PSE dans ces pays d’Afrique centrale est récente, alors son

application n’est pas aboutie. Or, dans la sous-région, plusieurs acteurs s’intéressent

davantage au PSE, parce qu’ils y voient une solution adéquate pour assurer la conservation de

la biodiversité tout en apportant le développement social et économique.

Certes, les préoccupations environnementales et les solutions suggérées varient selon les pays

et les régions géographiques (Le Prestre, 2008) ; mais l’impact des politiques

environnementales pour des pays plus industrialisés et ceux dépendant de l’extraction de leurs

ressources naturelles n’est pas le même. « Les conflits qu’engendrent les solutions proposées

aux problèmes d’environnement proviennent donc des inégalités qu’elles reflètent ou qu’elles

pourraient créer. En d’autres termes, elles soulèvent des questions de justice distributive :

comment le fardeau devrait-il être reparti ? Qui devrait profiter de ces mesures ? » (Le

Prestre, op.cit. : 8). Ceci fait apparaître des tensions jugées « inévitables et normales ».

Les préoccupations environnementales remettent principalement en cause le fondement des

États-nations modernes, créés sur le développement économique et la souveraineté nationale.

« Les préoccupations environnementales remettent en question des choix de société antérieurs

ou la notion même de développement, fondement de la construction nationale de nombreux

États récents. Elles soulèvent aussi des conflits de juridiction entre unités administratives ou

entre administrations nationales et agents d’exécution de projets. Au niveau international, des

conflits apparaissent parmi les organisations internationales, les organisations non

gouvernementales et les États, et entre tous ces acteurs » (Ibid. : 9). Cependant, « les conflits

accompagnent aussi les solutions envisagées puisque celles-ci influencent la distribution des

valeurs, du pouvoir ou de la richesse » (Idem).

Cela explique que la conservation peut avoir des effets aussi problématiques que les excès de

production. En 1992, une étude d’anthropologues menée par Serge Bahuchet diligentée par la

Commission européenne sur les populations dites indigènes des forêts denses humides, le

Page 12: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

11

montre bien. Ainsi son rapport publié en 1994 montra qu’ « il n’y a pas de forêt vierge»1, et

que « l’homme traditionnel ne saurait être considéré comme un destructeur d’une

hypothétique nature vierge qu’il conviendrait de protéger contre lui » (Bahuchet et de Maret,

1994 : 12). De plus, les peuples forestiers peuvent percevoir la création des parcs nationaux

ou des réserves naturelles comme « une catastrophe plus grave que l’ouverture d’un chantier

forestier ou similaire à la construction d’un barrage » (Ibid. : 42). Parce que durant des

générations ils sont restés libres sur leurs territoires dans lesquels ils tiraient leurs moyens

d’existence, avec la création des aires protégées ils se trouvent être privés de leurs territoires,

voire, délogés. Or la permanence de ces activités dans le temps suffit à montrer que ces

activités traditionnelles sont conciliables avec la conservation du couvert forestier. En effet,

les pratiques de défriche sur brûlis que pratiquent les peuples des forêts tropicales sont

respectueuses des milieux tant qu’elles ne sont pas intensifiées ; mais lorsqu’il y a

intensification, la production est difficile et peut générer beaucoup de dégâts si celles-ci ne

sont pas maîtrisées (Mazoyer et Roudart, 1997).

Ce sont ces contradictions entre développement et conservation, et leurs impacts sur les

populations locales, qui nous ont conduit à choisir d’étudier le monde rural gabonais, entre

production et conservation.

Le monde rural gabonais offre cependant des caractéristiques rares. Le Gabon est un pays

fortement urbanisé (avec plus de 80 % de la très faible population2 du pays vivant en ville), ce

qui fait qu’une grande partie du territoire est presque vide d’Hommes. Il demeure cependant

des zones habitées dans les mondes ruraux qui sont affectées par de profonds changements

liés à la généralisation des politiques de conservation qu’il nous parait pertinent d’analyser.

Ce sont ces phénomènes que nous avons étudiés dans quelques villages de la province de

l’Ogooué-Ivindo situés à la périphérie des parcs nationaux de la Lopé, l’Ivindo et de Mwagné

(cf. carte ci-après).

1 Tel fut le préambule de leur rapport.

2 148

ème population mondiale.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

12

Carte 1 : Les trois parcs nationaux de la zone d’étude

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

13

Des quatre parcs nationaux présents sur le territoire ogivin, il n’y a que trois (Lopé, Ivindo et

Mwagné) qui sont proches des villages, c’est la raison pour laquelle nous les avons retenus.

Quant au parc de Minkébé (aussi localisé dans la province), il n’y a presque aucun village

proche de cette vaste étendue forestière, excepté quelques Pygmées Baka.

Parler du monde rural gabonais amène tout d’abord à présenter quelques difficultés

auxquelles le chercheur est souvent confronté. Les termes habituellement utilisés entraînent

des difficultés de définition, car, « la notion de ruralité est parfois marquée par l’héritage de

représentations anciennes du « monde rural » dans l’imaginaire commun » (Gauvrit et Mora,

2009: 15). En effet, s’il n’est pas facile de définir ce qu’on entend par « rural », il est aussi

difficile de délimiter ou de circonscrire ce milieu. Les questions souvent posées sont par

exemple : où commence le monde rural ? Ou encore, existe-t-il réellement une ligne de

démarcation entre milieu rural et milieu urbain ?

Par opposition à la ville, le monde rural est souvent considéré comme étant l’« univers » de

tout ce qui se démarque de la modernité, à savoir construction, limitation ou absence de

plusieurs services, etc. Dans le dictionnaire de géographie et de l’espace des sociétés, le rural

est l’ensemble « d’espaces dont la faible densité de peuplement laisse une large place au

champ et à la forêt dans l’utilisation des sols, mais pas nécessairement à l’agriculture dans

l’économie comme la société » (Lévy et Lussault, 2003 : 807). Mais pour Grawitz (1999 :

362), le rural se définit comme « l'ensemble des problèmes du peuplement agricole et de

l'écologie agraire ». Et quand il lui confère une dimension sociologique, il renchérit en disant

que le rural « qualifie les hommes au service de la terre, conscients de leur communauté

d'intérêt et de comportement »3. Dans tous les cas, le rural fait référence à tous les

phénomènes liés aux campagnes (exode rurale, population rurale, agriculture, etc.).

C’est aussi le lieu où l’activité dominante sinon principale est le travail de la terre. Cette

considération du monde rural trouve tout son sens dans les pays en voie de développement,

dont le Gabon, où il existe encore un grand fossé entre espaces ruraux et espaces urbains. En

effet, dans la plupart de ces pays, la distinction entre ces espaces ne nécessite pas beaucoup

« d’efforts ». À la différence des pays du Nord où les campagnes peuvent être des lieux de

3http://www.memoireonline.com/01/12/5192/m_Enclavement-et-developpement-des-zones-rurales-d-Afrique-

subsaharienne-recherche-bibliographiqu6.html

Page 15: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

14

production non agricole et de résidence, dans les campagnes du Sud, et notamment en

Afrique, l’agriculture est quasiment la seule activité que pratique la population active. Même

au sein des pays du Sud, on observe quelques particularités qui distinguent les « mondes

ruraux », car ces derniers ne présentent pas tous les mêmes caractéristiques. Ainsi, selon le

niveau de développement d’un pays ou de sa richesse économique, on peut observer différents

types de milieux ruraux, avec des conditions de vie de populations bien particulières. En effet,

« l’hétérogénéité des situations du monde rural rend souvent difficile la recherche de

dénominateurs communs » (Bernier, 1997 : 10). La diversité des milieux ruraux résulte ainsi

de la multiplicité des cultures, des pratiques agricoles, des techniques modernes, des situations

socio-économiques et environnementales rencontrées, qui influencent aussi ces milieux. C’est

pour cette raison qu’espaces ruraux et agricultures doivent se conjuguer au pluriel, même si

actuellement ils tendent vers une uniformisation dans les pays du Sud (Idem). C’est ce qui

permet d’avoir « des régions rurales en voie d’industrialisation voire d’urbanisation rapide

(certaines campagnes dans l’Est de la Chine), des territoires agricoles prospères (les vastes

deltas rizicoles de l’Asie du Sud-est ou le Kerala où l’on enregistre aussi un taux de

scolarisation élevé) et des espaces ruraux moins avancées (la plupart des campagnes

africaines de la zone sahélo-soudanienne) » (Ibid : 98). C’est dans cette dernière catégorie

que le monde rural gabonais peut s’insérer.

Perçue souvent comme un rapport de dominé à dominant, la relation ville-campagne est

cependant un peu plus complexe qu’il n’apparaît. D’une part, parce que les campagnes

peuvent nourrir les villes et les villes favoriser le développement du monde rural. Mais d’autre

part, parce que les citadins se reconnaissent dans le monde rural où ils ont leurs origines et

parfois leurs familles. Enfin parce que la frontière entre rural et urbain est parfois floue. En

effet, « les espaces ruraux connaissent de rapides transformations qui font l’objet

d’appréciations divergentes. D’un côté, la frontière urbain-rural est devenue poreuse. [….].

De l’autre côté, les définitions traditionnelles de la campagne paraissent caduques » (Gauvrit

et Mora, op.cit : 6). C’est pourquoi nous avons jugé utile de définir le concept rural, tout en

considérant sa conception tant dans les pays développées que dans les pays du Sud.

Que doit-on considérer comme faisant partie du monde rural ? Les termes ou concepts utilisés

habituellement trouvent-ils leur sens au Gabon ? Répondre à ces préoccupations revient à voir

les termes qui sont les plus usités au Gabon. Le substantif « village » est souvent employé par

les gabonais pour identifier le milieu rural. Selon les besoins politiques, il existe également

Page 16: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

15

toute une diversité de termes faisant allusion au monde rural, à savoir : canton, district,

département. Cela correspond aux découpages administratifs du territoire.

Le problème de définition entraîne également celui de délimitation, voire de circonscription.

Parfois, c’est seulement la présence de quelques nouvelles bâtisses modernes, d’une école ou

d’un petit dispensaire qui permet de faire la différence entre ce qui était considéré comme

appartenant « purement » au rural de ce que les politiques ou les individus considèrent comme

faisant partie de l’urbain. Mais de façon générale, les milieux ruraux gabonais souffrent

d’énormes carences (problèmes d’eau, de routes, d’écoles, etc.). C’est bien cela le propre du

monde rural gabonais. C’est un monde « oublié » qui ne profite pas souvent du

développement et de l’urbanisation qui ont cours dans le pays.

En effet, la démarcation entre ce qui est considéré comme rural de ce qui est urbain se

manifeste à tous les niveaux : tant sur les plans économique, social qu’au niveau de

l’urbanisme voire de la démographie. Les espaces ruraux sont complètement privés d’une

réelle évolution. Tout est « précaire » et presque vides d’Hommes. Les biens publics (pompe

hydraulique, groupe électrogène, dispensaire, école) quand ils existent dans un village sont

très élémentaires voire défaillants.

C’est à croire qu’ici rural rime avec précarité, sous-développement et traditionnel. Mais si on

compare dans certaines localités gabonaises ce que sont aujourd’hui les milieux ruraux par

rapport à ce qu’ils étaient hier, on peut affirmer qu’il y a effectivement une évolution, même

si elle est parfois faible. On remarque donc que la majorité sinon tous les villages ont connu et

connaissent encore de nombreux changements. C’est ainsi que l’on peut voir la présence de la

modernité un peu partout à des échelles variables bien sur. En effet, électricité, architecture,

commerces, outillage, matériel, équipements ménagers, etc. sont autant présents en ville qu’au

village. On peut presque y observer ce que Nicole Mathieu (1974) a qualifié, pour l’Europe,

d’une urbanisation des campagnes : « À partir des années 1960 et dans le même temps que la

croissance des villes prend une accélération sans précédent, que commence une période de

croissance des emplois, de la consommation et des niveaux de vie, un nouveau modèle

d’analyse devient dominat : l’urbanisation des campagnes » (Mathieu, 1985 : 38). Mais

beaucoup reste encore à faire dans ces milieux, ce qui traduit au Gabon un énorme écart entre

ville et village. C’est dans ce sens que le groupe de la banque africaine de développement

(2011 : 8) affirmait au sujet de la république gabonaise que « les disparités dans la répartition

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

16

des richesses demeurent fortes […] et de fortes disparités subsistent entre milieu urbain

(94%) et rural (45%) », concernant par exemple le taux national d’accès à l’eau potable.

Avec le processus d’urbanisation qui prend des proportions importantes au Gabon, est

considéré comme milieu urbain toute entité regroupant au moins 1 000 habitants. C’est le

critère administratif qui prime. On relevait donc en 2006, 32 villes pour le Gabon (Garandeau,

2010). Certaines agglomérations de moins de 1 000 habitants peuvent cependant être

considérées comme urbaines. Même si les normes d’urbanisme ne sont pas toujours tout à fait

respectées et que de nombreuses carences sont remarquées, les politiques n’hésitent pas à

faire d’un espace habitable un « centre urbain ». Cependant plusieurs villes au Gabon ont le

caractère de « ville rurale », car plusieurs d’entre elles sont presque sous-développées. Ces

villes n’ont essentiellement que quelques services publics (administrations surtout, quelques

écoles et en général un centre hospitalier). Il n’y a presque pas d’activités industrielles et la

grande partie de la population active fait de l’agriculture. De ce fait, le monde rural est défini

par défaut comme regroupant tout ce qui ne relèverait pas de l’espace urbain.

Les villages périphériques aux parcs nationaux que nous étudierons comme l’ensemble du

monde rural gabonais évoluent dans une dynamique qui montre d’un côté, des activités de

production (forestière, minière et agricole), puis d’un autre, des activités de conservation

(parcs nationaux et autres réserves). L’objet de notre étude est de voir si ces activités

entraînent un développement des localités rurales dans lesquelles elles se pratiquent et si elles

sont rentables pour l’économie du pays. Ceci pose le problème du devenir du monde rural

gabonais qui depuis plusieurs années connaît des difficultés et dont les solutions apportées

jusqu’ici ne contribuent pas souvent à son développement.

De l’époque précoloniale à nos jours, l’économie gabonaise est extractive et repose

fondamentale sur la richesse du sol (bois) et celle du sous-sol (pétrole, mines). Par ailleurs, les

milieux ruraux gabonais se caractérisent par l’exubérance de leur forêt. En effet, le Gabon

constitue au sein de la cuvette du bassin du Congo le deuxième pays forestier important après

la République Démocratique du Congo (RDC), car plus de 80 % de la superficie totale du

territoire national (267 667 km²) est couverte de forêt. Cette forêt y est très variée avec plus de

400 essences forestières dont soixante sont commercialisables. La forêt représente également

la première richesse du pays avant le pétrole. Actuellement, « la filière bois représente à

peine 3,5% du PIB et 10% des exportations mais demeure le premier pourvoyeur d’emploi du

secteur privé (22%) » (Groupe de la banque africaine du développement, op, cit.: 2).

Page 18: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

17

Si le Gabon peut être considéré comme un pays aidé par la nature avec son fort potentiel

forestier, animal et minier, sur le plan démographique il n’en est pas ainsi. Le Gabon donne

l’impression d’un espace presque vide. En parlant de l’espace Gabon-Congo, Sautter (1966 :

987) déclare qu’il symbolise la « portion la plus déprimée d’une aire du sous-développement

à l’échelle de l’Afrique ». Le Gabon se singularise en effet sur le plan humain par une

démographie inférieure aux autres pays africains. Son sous-peuplement s’observe au niveau

des densités régionales faibles ainsi qu’une population inégalement répartie. Par rapport aux

autre pays de l’Afrique centrale, en 2005, le Gabon a la densité moyenne la plus faible (5,28

hab/km²)4, alors que les pays tels que le Rwanda, São tomé et Principe et le Cameroun ont

respectivement 361,54 hab/km², 156,84 hab/km² et 36,31 hab/km²5. De même, à l’intérieur du

pays la densité moyenne de population varie d’une province à une autre. Ce sont les provinces

de l’Estuaire, l’Ogooué-Maritime et du Haut-Ogooué qui ont des densités les plus importantes

du pays, parce qu’elles concentrent plus de personnes profitant des avancées sociales,

économiques et culturelles dans ces provinces. Par conséquent, dans une province, la densité

augmente quand il y a une ville importante ; c’est dire que la densité démographique est

tributaire du taux d’urbanisation d’un lieu.

« Lié en partie au milieu naturel, ce déficit humain s’est aggravé dans le passé par les

contacts des hommes avec l’extérieur. Certains aspects de l’histoire du Gabon en portent une

part de responsabilité » (Bouquerel, op.cit. : 30). Les milieux ruraux gabonais connaissent

tous un déficit humain.

La forêt constitue un des plus grands facteurs déterminants de l’évolution de l’homme sur le

territoire gabonais. Il est établi que les populations habitant les zones forestières sont exposées

à plusieurs pathologies, mais tirent par contre de ces milieux leur nourriture. En dehors des

conditions naturelles, l’agriculture nécessite une importante main-d’œuvre tant elle est peu

mécanisée. Le problème que suscite la main-d’œuvre agricole au Gabon est une situation

ancienne que « subissent » continuellement les milieux ruraux. En effet, dès le début de

l’exploitation forestière, les campagnes se sont vidées de leur population active au profit des

chantiers forestiers (Pourtier, 1989). Puis, l’apparition et la primauté du pétrole et des mines

4http://www.observatoire-comifac.net/knowledgebase.php?sup_dom=socioeconomic&dom=human_population

5 En 2013, les estimations des densités de populations pour les mêmes pays donnent : Gabon (6,1hab/km²),

Rwanda (456,1 hbt/km²), Sao tomé (186,6hbt/km²) et le Cameroun (43,2 hbt/km²), disponible sur

http://www.statistiques-mondiales.com/afrique.htm

Page 19: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

18

n’ont fait qu’accentuer le déséquilibre humain sur l’ensemble du territoire national. Ce sont

désormais les centres urbains économiquement importants qui attirent plus de populations

(Libreville, Franceville, Port-Gentil). La conséquence immédiate de ce phénomène est la

« désertification » des campagnes au profit des villes. « Les deux seules villes importantes,

Libreville, capitale administrative, et Port-Gentil, capitale économique, situées sur

l’Atlantique, sont très excentrées par rapport au reste du pays. Dans l’attrait prioritaire

qu’elles exercent sur la majorité des immigrants, elles contribuent à accentuer le déséquilibre

démographique au profit du seul bas-Gabon côtier » (Bouet, 1978 : 377). La situation

demeure la même aujourd’hui.

L’impact de ce déséquilibre démographique s’est bien fait ressentir sur l’activité agricole : la

démographie des milieux ruraux n’a pas cessé de décroître. Ceci constitue l’une des

difficultés importantes du monde rural gabonais que nous nous proposons d’analyser dans

notre travail.

Cette étude comporte un double intérêt. Premièrement, au-delà des études faites sur le monde

rural gabonais, il s’agira pour nous de mettre en exergue les quelques raisons qui justifient

l’existence actuelle des villages, et ce, malgré les difficultés qu’ils rencontrent et qui les

paralysent énormément. Galley (2010) montre dans son étude que le monde rural gabonais

n’assure plus son rôle nourricier depuis quatre décennies. En effet, il ne parvient plus à nourrir

les populations comme il essayait de le faire dans les années 1960, à cause d’une production

agricole qui demeure très faible, malgré toutes les opérations initiées par l’État pour essayer

de relancer ce secteur agricole. Ainsi, « on note donc que les campagnes traditionnelles ne

sont plus porteuses d’espoir, sont de plus en plus dépeuplées, parfois au profit d’autres

campagnes à activités agricoles nouvelles et plus valorisantes; et par conséquent, même le

renouvellement des populations, par la procréation, ne peut être assuré par les vieillards

restés sur place. Il va de soi que l’activité productive de ce secteur économique ralentisse et

décroisse notablement » (Galley, op.cit.: 268). On observe cependant de plus en plus la

mutation des activités agricoles vers les périphéries des centres urbains comme Libreville.

Comme le souligne Galley, « La ville est désormais appelée à remplir à la fois sa fonction

urbaine et celle abandonnée par le monde rural : pourvoir aux besoins alimentaires des

populations. Avec la crise alimentaire de ces dernières années, le phénomène tend à devenir

une préoccupation permanente d'alimentation et un véritable mode de subsistance. Il y a

comme un phénomène de migration des territoires agricoles de l'intérieur vers les centres

Page 20: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

19

urbains » (Galley, op.cit. : 123). De plus, « les périphéries des villes gabonaises et notamment

celle de Libreville, représentent à ce jour les nouvelles zones d'installation et d’activités

agricoles des populations déracinées venues des milieux ruraux. Elles sont par ailleurs

devenues, en termes fonciers, un vaste champ de concurrence entre les terres de culture et les

parcelles à bâtir » : (Ibid. : 124). Ainsi, le transfert de la main-d’œuvre agricole de même que

les travaux champêtres vers les villes ont dévitalisé les villages qui continuent tout de même à

exister. L’intérêt est de savoir ce que représentent actuellement les villages pour les Gabonais.

Deuxièmement, au-delà des avantages qui résulteraient de l’application des politiques

environnementales dans le pays, nous voulons étudier l’impact de la conservation de la nature

sur des villages durement touchés par l’économie extractive, voir aussi l’impact de cette

production sur les milieux villageois.

Depuis plusieurs décennies, l’exode rural prend de proportions plus qu’inquiétantes. En effet,

les villes minières et pétrolières ainsi que, surtout, la capitale du pays, ne cessent de voir leurs

effectifs s’agrandir. La recherche de l’emploi et le désir d’améliorer les conditions de vie

motivent considérablement la population active rurale. De ce fait, les milieux ruraux se

vident. Les villages deviennent ainsi exsangues du fait que leur survie est du seul fait d’une

population âgée associée à quelques enfants. On assiste en conséquence à la disparition, à

l’éclatement, au déplacement voire au regroupement de certains villages. L’ensemble des

territoires ruraux du pays présente presque tous les mêmes soucis : des dispensaires mal ou

presque non équipés, l’absence d’écoles bien organisées, un mauvais état du réseau routier,

l’absence de politiques agricoles « efficaces », etc. sont autant de problèmes auxquels sont

confrontés les sociétés rurales.

Or, la faiblesse du peuplement du monde rural rend facile l’implantation de politiques de

conservation, de même que ces politiques accentuent l’exode rural. Il est en effet plus facile

d’implanter un parc national dans une zone peu peuplée, alors que la limitation des activités

économiques dans ces zones provoque un important exode rural. Avec les politiques

environnementales qui deviennent de plus en plus présentes dans le pays, les milieux ruraux

sont davantage sollicités pour favoriser la conservation. C’est dans cette optique que les treize

parcs nationaux ont été créés en 2002.

Face aux activités de production qui, d’un côté, ont toujours occupé les territoires ruraux

depuis plusieurs décennies, et d’un autre, les activités de conservation qui sont de plus en plus

Page 21: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

20

présentes dans ces mêmes territoires, l’on est tenté de se demander s’il existe encore des

territoires susceptibles d’accueillir ces populations rurales : c’est presque la continuité, du

monde rural qui devient un défi pour le chercheur, tant les raisons qui concourent à son

extinction sont nombreuses. Ce monde rural gabonais, objet de notre étude, évolue dans un

milieu forestier ; c’est pourquoi il nous incombe de voir les avantages et inconvénients

qu’apporte cette forêt « exubérante » sur les milieux ruraux gabonais. Le bénéfice des espaces

forestiers est d’abord pour les ruraux parce qu’ils leur permettent de construire, de se nourrir

et d’entreprendre leurs activités. Ces espaces sont aussi bénéfiques pour l’économie du pays, à

travers l’exploitation forestière qui y est faite.

Mais les espaces forestiers ne présentent pas que des faits positifs. En effet, à cause de

l’abondance de la forêt, vu que plusieurs villages sont situés en forêt profonde, les ruraux sont

confrontés à de nombreuses pathologies. De même, la faune locale, dont plusieurs « bêtes

féroces », menace encore la vie des paysans. La forêt gabonaise apporte également un plus à

la résolution des changements climatiques locaux et régionaux à travers le stockage de

carbone. « Les forêts du Gabon constituent un important réservoir de carbone qui

emmagasine entre 0,94 et 5,24 giga tonnes de carbone » (Maloba Makanga, 2011 : 46). Et,

annuellement, il capte 70 millions de tonnes de CO2 (WWW-Gabon)6.

Face à cette problématique, quelques questions essentielles méritent d’être posées. Quels

impacts les activités de production et de conservation ont-elles sur le développement du

monde rural gabonais ? Quelles sont les fonctions assurées de nos jours par les villages

gabonais ? Quels sont les conflits présents dans le monde rural gabonais, et quelles en sont

leurs origines ? Enfin, existe-t-il des solutions à ces conflits ? Les réponses à ces

interrogations nous ont amené à formuler les trois hypothèses suivantes :

Hypothèse 1 : Les activités de production et de conservation impactent fortement les

villages et ne favorisent pas le développement rural. Ainsi, le paiement pour service

environnemental se présente comme une « solution future » pour aider les populations

locales à améliorer leurs conditions de vie.

Hypothèse 2 : Malgré les difficultés rencontrées par les villages gabonais, en

particulier de nature démographique, ils restent un lieu de vie pour certaines tranches

d’âges, un lieu de production agricole (même sous développée) et un lieu de tradition

et de culture.

6 http://www.gabon-nature.com/pdf/Dossier_de_presse.pdf

Page 22: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

21

Hypothèse 3 : les conflits présents dans le monde rural sont la conséquence d’une

absence de prise en compte, dans la gestion politique gabonaise, des spécificités

rurales, en particulier dans sa politique environnementale et foncière. De ce fait, les

forêts communautaires sont une résolution aux problèmes fonciers constatés.

L’analyse de ces hypothèses nous a amené à structurer notre étude en trois parties. Dans la

première partie constituée de trois chapitres, nous analyserons les concepts de production et

de conservation tant dans les pays développés que dans les pays du Sud, puis particulièrement

au Gabon. La description du monde rural gabonais nous sera aussi nécessaire pour voir

décrire et analyser cet espace, à savoir ses aspects économiques, démographiques et sociaux.

Dans la deuxième partie composée de deux chapitres, nous analyserons les activités de

production et de conservation qui impactent le développement du monde rural gabonais, en

étudiant plus particulièrement quelques zones rurales. C’est dans cette partie que nous

chercherons à expliquer les modalités et les raisons du maintien d’un monde rural. Enfin, dans

la troisième partie, nous analyserons les conflits présents dans le monde rural, leurs causes et

les propositions susceptibles d’être avancées afin d’essayer de les résoudre.

Notre travail est fondé à la fois sur des monographies villageoises et sur l’étude des

dynamiques à l’échelle globale et nationale (c'est-à-dire le fonctionnement du marché

international de production et conservation, et son adaptation au Gabon). Ainsi, la

méthodologie employée repose sur une démarche combinant trois temps différents : sur

l’observation des faits dans un premier temps, puis sur la description de ces faits dans un

deuxième temps, et, enfin, dans un troisième, sur leur explication. Pour une bonne analyse du

sujet, cette démarche a favorisé la recherche documentaire ainsi que notre présence sur le

terrain. Un complément à la démarche entreprise est donné dans le chapitre IV en rapport

avec la collecte des données sur le terrain. Ainsi, s’agissant de :

1) La recherche documentaire : nous nous sommes intéressé aux documents généraux

afin de comprendre les concepts étudiés ainsi que les phénomènes globaux observés

tant à l’échelle mondiale qu’à l’échelle nationale. Cela a été utile pour la première

partie de cette étude. De même, les documents spécifiques, analysant les différents

problèmes que nous traitons, nous ont été indispensables pour les deux dernières

parties. Ainsi, cette recherche documentaire nous a conduit :

Page 23: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

22

a) Dans les bibliothèques et les centres de documentation. Nous nous sommes

rendus dans plusieurs centres de documentation énoncés dans la note ci-

dessous7.

b) Sur le web : les documents électroniques que nous avons trouvés nous ont été

aussi d’un grand apport. Certains d’entre eux étaient « généraux » et d’autres

plus « spécialisés » et moins grand public.

2) Notre présence sur le terrain pour être au contact avec les différents acteurs

(populations, conservateurs, etc.), pour visiter plusieurs sites (parcs nationaux,

villages, champs) et pour observer les faits à décrire, a nécessité un séjour de neuf

mois au Gabon, reparti en deux périodes. La première (décembre 2010 – juin 2011) a

permis de constater la « réalité » du terrain afin d’élaborer notre problématique de

thèse, et de tester les hypothèses antérieurement formulées. Nous avons consacré la

seconde période (juillet 2012 – octobre 2012) à l’étude de l’évolution de notre terrain

d’étude, afin de faire émerger conclusions et propositions.

Au cours de cette collecte des données, nous avons rencontré quelques difficultés que nous

tenons à mentionner. La faiblesse d’informations du secteur agricole gabonais était fréquente.

En effet, il existe de réelles difficultés à trouver des statistiques fiables sur l’agriculture au

Gabon en général et sur la province de l’Ogooué-Ivindo, en particulier. Même le Ministère de

l’agriculture, de l’élevage et du développement rural dispose de très peu de données sur

l’agriculture ; d’ailleurs, cette carence en données statistiques reste le problème

habituellement rencontré dans nombre de ministères et administrations gabonais. Ainsi, il est

difficile de faire des estimations précises sur l’agriculture et sur les actifs agricoles, surtout en

ce qui concerne l’agriculture traditionnelle. À noter que pour sa part, l’agriculture maraîchère

dispose toutefois de quelques statistiques. Ces carences en statistiques sont dues au fait que

7 - En France, à la bibliothèque de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), au Centre d’Études des

Mondes Africains (CEMAF) et au centre de document REGARDS de l’Université de Bordeaux 3.

- Au Gabon, aux bibliothèques du département de Géographie de l’Université Omar Bongo (UOB), du Centre

d'Etudes et de Recherche en Géosciences Politiques et Prospective de l'Afrique Subsaharienne (CERGEP), du

Réseau d’Aires Protégées d’Afrique Centrale (RAPAC), de l’école des Eaux et Forêts, de Brainforest, de

l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN), du WCS (siège national de Libreville), du WCS (la Lopé), du

Développement d’Alternatives Communautaires à l’Exploitation Forestière Illégale (DACEFI, Makokou).

Page 24: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

23

l’agriculture n’a toujours pas réussi à occuper une place importante dans l’économie

nationale. Son apport au PIB national est estimé à 6,7 % en 2010. Et ce en dépit des

investissements importants de l’État pour tenter d’améliorer et dynamiser ce secteur, il reste

sous-développé, à l’exemple de ses données statistiques. Une autre difficulté rencontrée était

le tri des données sur internet, ce qui n’a pas toujours été chose facile.

Nous avons dû pallier à ces difficultés en faisant un important travail de terrain afin de nous

constituer nos propres bases de données et de nous rendre compte de la situation locale. C’est

ce travail que nous allons présenter maintenant.

Page 25: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

24

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

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Première partie : Les activités de

production et de conservation dans les pays

du Sud et au Gabon

La première partie de notre travail se propose d’analyser le monde rural gabonais dans sa

globalité. Pour cela, nous mettrons en exergue les concepts de production et de conservation.

Il s’agira de définir ces concepts tout en évoquant leur perception, et l’évolution de cette

dernière aussi bien dans les pays dits « développés » que dans les pays « du Sud ».

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

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Chapitre I : Produire et conserver dans les

pays du Sud

Le monde rural gabonais est pris dans une tension entre conservation et production. Cette

affirmation, qui fonde notre thèse, demande pour être démontrée non seulement que l’on

s’attache à décrire les faits, mais aussi à définir ce que nous entendons par « production » et

« conservation ». Dans l’absolu, ces deux termes peuvent être appréhendés de manière simple.

La production, telle que nous l’entendrons ici, concerne la transformation d’éléments du

milieu naturel en biens utilisables par l’homme. La conservation, au contraire, peut être vue

comme la volonté d’intervenir minimalement dans les milieux pour laisser s’y développer les

dynamiques des écosystèmes.

Derrière cette apparente simplicité se cache une complexité fortement liée à la manière dont

ces dimensions de l’activité humaine se sont institutionnalisées, en particulier en Occident.

Dans ce chapitre, nous ne chercherons cependant pas à analyser la production ni la

conservation dans leur globalité, pas plus que nous ne chercherons à en retracer la genèse

historique. En analysant quelques événements saillants, nous nous pencherons sur la façon

dont les institutions humaines ont impacté la production et la conservation, et comment celles-

ci ont en retour influencé ces institutions. Cela impliquera de s’interroger sur la manière dont

la production et la conservation sont devenues des sphères autonomes en Occident. Cela est

nécessaire pour comprendre l’influence que ces notions ont pu avoir sur le Gabon

contemporain qui y était profondément étranger8.

8 L’Occident, et en particulier la France, a en effet influencé les pays africains. C’est justement le système

dominant axé sur l’économie, le politique, le vestimentaire, le droit, l’éducation, etc., voire la culture occidentale

moderne qui tend à prendre le dessous sur les autres.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

28

Le but n’est donc pas de faire des sociétés occidentales une référence, mais de voir comment

elles ont donné leurs formes aux sphères de la production et de la conservation. C’est fort de

ce détour par l’Europe que nous pourrons nous concentrer sur les pays tropicaux dans lesquels

nous passerons un peu plus de temps afin de mieux « contextualiser » le cas gabonais. En

prenant en compte non seulement l’émergence de ces éléments structurants de la réalité, mais

aussi leurs dimensions économiques, sociales et politiques, nous pourrons comprendre

comment elles façonnent le monde rural gabonais et ses sociétés dites traditionnelles.

Avant de commencer notre argumentaire sur les deux concepts clés de notre travail que sont

la production et la conservation, nous jugeons utile d’expliquer l’utilisation du substantif

« Occident » auquel nous faisons référence. L’ordre actuel des nations qui présente d’un côté

des pays à économie faible et d’un autre côté des pays à économie de marché où domine le

capitalisme trouve son origine dans « les dynamiques économiques mondiales » (Braudel,

1985). Ainsi, le « modèle économique européen » s’est démarqué, grâce à la révolution

industrielle anglaise en dominant tous les continents et leurs économies. Sa domination se fera

ressentir aussi sur tous les autres aspects. C’est donc en référence à cet espace géographique,

aux mouvements qu’il a connus et à leur impact sur le reste du monde, dont les pays

tropicaux, que nous parlerons de l’Occident ou du « monde occidental ».

1. La production, historique, évolution et répercussions dans les

pays du Sud

La production, entendue comme transformation de biens naturels en bien utilisables par

l’homme, n’a pas connu la même histoire ni eu les mêmes impacts sur les sociétés et leurs

économies dans les différents endroits du monde. Il est aussi évident que nous ne pouvons

dresser de façon exhaustive de par le monde un historique de la production, qui constitue un

concept très large et complexe. Notre objectif est d’évoquer des phénomènes significatifs qui

peuvent nous aider à analyser cette dimension. Comment s’est construite l’économie

occidentale pour influencer aujourd’hui l’économie mondiale et plus particulièrement les pays

tropicaux ? En plus des faits précédemment évoqués qui montrent la domination de

l’économie occidentale, nous verrons plus amplement comme elle influence l’économie

mondiale.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

29

1.1. La production et les révolutions agricoles

La production, telle que nous l’entendons, est principalement une activité agricole. Au cours

des derniers siècles, celle-ci a connu, sous l’influence de l’Occident, différentes révolutions

qui l’ont profondément modifiée. Nous nous fondons principalement, pour cette partie, sur

l’ouvrage de Mazoyer et Roudart (1997).

La première révolution agricole de l’époque moderne intervient en Europe avec le

développement de l’industrie dans les pays développés au milieu du XIXe siècle (et dès les

années 1750 pour le Royaume-Uni). Les prairies artificielles et les cultures sarclées (pomme

de terre, betterave) remplacèrent les jachères. De nouvelles machines performantes pour

l’agriculture furent créées ainsi que de nouveaux modes de transports aptes à transporter sur

des longues distances des produits, des amendements agricoles et engrais minéraux. Après

avoir touché l’Europe, les pays dits neufs comme les États-Unis, le Canada, l’Argentine ou

l’Afrique du Sud furent concernés et purent augmenter massivement leurs productions. Ainsi,

le perfectionnement des transports, avec l’arrivée des bateaux à vapeur transocéaniques ou les

chemins de fer transcontinentaux, a permis à ces pays d’écouler à bas prix bon nombre de

leurs productions (laines, huiles, céréales) dans les pays européens. Aussi, la présence des

denrées alimentaires peu coûteuses dans certains pays d’Europe qui représentaient durant

cette période le marché important a-t-elle entraîné une crise agricole. Ainsi plusieurs pays

européens comme le Royaume-Uni ont connu une diminution de productions des produits

périssables, un exode rural, une disparition des petits producteurs et une réduction de la main-

d’œuvre, tandis que d’autres pays comme la France ont mieux résisté à cette mondialisation et

profité de cette situation pour plus se spécialiser dans certaines productions (vin, produits

laitiers, céréales).

La deuxième révolution agricole des temps modernes apparaît dans la première moitié du XXe

siècle. Là aussi le développement de l’industrie a eu un impact considérable sur la production

agricole. La deuxième révolution industrielle et la deuxième révolution agricole sont

profondément liées. Si la généralisation et l’amélioration de la motorisation, la grande

mécanisation et la « chimisation » en sont les bases techniques, cette révolution « [...] a reposé

aussi sur la sélection de variété de plantes et de races d’animaux domestiques tout à la fois

adaptées à ces nouveaux moyens de production industriels et capables de les rentabiliser »

(Mazoyer et Roudart, 1997 : 377). On assista ainsi à l’essor de la production agricole.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

30

La venue et le développement de la motorisation ont permis une plus grande spécialisation

des cultures agricoles en favorisant aussi leurs rentabilités. C’est après notamment la Seconde

Guerre mondiale (1945) que la motomécanisation (motorisation et mécanisation) a pris un

essor considérable dans les pays développés. De plus, l’accroissement des superficies

agricoles et d’élevage a été possible grâce au développement de la chimie dans le domaine

agricole ainsi que de la sélection génétique, occasionnant ainsi une augmentation très sensible

des rendements.

1.2. Bref aperçu de la production dans un système de civilisation occidental

L’Occident est considéré comme une zone géographique regroupant au départ les pays

européens et puis englobant au fil du temps l’Amérique (du Nord et du Sud), l’Australie, la

Nouvelle Zélande. Ainsi, lorsque nous parlons de civilisation occidentale, dans un premier

temps, c’est avec le souci de la distinguer du reste du monde, dont les pays sous-développés.

Mais cette approche est rapidement intenable tant cette civilisation influence le reste du

monde. Or le système capitaliste impacte profondément la sphère de la production. C’est en

effet, l’économie de marché qui organise et oriente la production, et commande la

consommation.

1.2.1. La production dans la civilisation occidentale

Influencée par la mécanisation, la production a été dans le monde occidental créatrice d’un

marché prônant un libéralisme où tout s’écoulerait librement et rapidement. Au travers des

crises importantes que l’Occident a connues (dont celle des années1930), on peut constater les

péripéties de la production et les rôles qu’elle a tenus dans la révolution industrielle.

La production s’est transformée en prenant appui sur les changements sociaux et politiques, et

entrainant à son tour des changements économiques. Elle ne saurait être vue en dehors des

modifications (générant des guerres, des crises économiques, sociales, politiques, et des

perturbations de tout genre) du XIXe siècle qu’a connu la civilisation occidentale (Polanyi,

1983). Ainsi, par exemple, « les remous de la Révolution française [renforcèrent] la marée

montante de la Révolution industrielle pour faire du commerce pacifique un intérêt

universel » (Ibid. : 26). Les sociétés occidentales du XIXe et début XX

e siècles reposaient sur

un système dans lequel le marché autorégulateur constitue son socle et sa matrice. Ce qui

présume que par exemple la terre, le travail et la monnaie deviennent des marchandises

Page 32: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

31

puisqu’ils génèrent des revenus issus d’une vente. Ces derniers sont considérés comme des

biens utiles à la production, au même titre que tous les autres biens qu’on retrouve sur le

marché. Les prix régulent désormais ce qui est produit puis vendu sur le marché. L’économie

de marché veut donc transformer tout marché isolé, en transformant profondément les

modalités de fonctionnement. Or cette économie naît d’un système dans lequel l’économie

libérale se révèle être à long terme un processus qui se détruit lui-même et détruit également

les sociétés (Polanyi, 1983).

Ces sociétés occidentales se trouvent ainsi bouleversées par les changements qu’entraîne

l’économie de marché. En effet la considération du travail comme un bien ou une

marchandise désorganise la société qui l’a toujours considéré et c’est ce qu’il est la capacité

de l’être humain à transformer.

1.2.2. La production dans l’économie de marché

Toujours en référence à la civilisation occidentale, la production au sens général du terme a

suscité de nombreux et nouveaux outils qui, augmentant les volumes produits, en ont

profondément transformé les logiques de fonctionnement et la place dans la société. La

recherche constante d’innovations a joué un rôle prépondérant dans l’économie de marché,

générant les révolutions industrielles. Ainsi, « [...] au cœur de la Révolution industrielle du

XVIIIe siècle, on constate une amélioration presque miraculeuse des instruments de

production, accompagnée d’une dislocation catastrophique de la vie du peuple » (Polanyi, op.

cit. : 59). En effet, le progrès de la production n’a pas toujours eu des effets positifs sur les

populations.

Dans l’économie de marché, toute la production est destinée à être vendue sur le marché, car

c’est de cette vente que doivent résulter tous les revenus. Mais le marché va au-delà des

productions : il englobe les services, les outils de productions (dont la terre) et la main-

d’œuvre. Le travail a en effet rapidement été considéré comme une marchandise à vendre sur

le marché. En effet, la division de travail favorisée par les échanges et une spécialisation

importante contrainte par la spéculation du marché a permis aux individus de se spécialiser

dans la production des biens qu’il fallait obligatoirement et formellement échanger sur le

marché afin d’obtenir des biens qu’ils ne produisaient pas, mais dont ils avaient besoin. La

société connut ainsi un bouleversement face aux changements qu’exigeait alors ce système

économique. Réduire en effet tout en marchandise pour être commercialisée entraîne une

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

32

modification du fonctionnement des sociétés non confrontées au marché (Sahins, 1976). Les

sociétés occidentales se trouvent ainsi être conduites par un système économique qui va les

marquer profondément. Ces sociétés deviennent dans le même temps des sociétés de marché

et des sociétés de consommation.

Dans cette économie de marché, le marché en soi occupe donc une place dominante et la

monnaie joue le rôle de pouvoir d’achat. Ceci a influencé l’organisation de la société

occidentale. Les rapports sociaux se trouvent ainsi être insérés dans le système économique

qui favorise l’existence d’une société de marché pour que l’économie de marché fonctionne.

Ces sociétés occidentales du XIXe siècle voient se développer le commerce favorisé par

l’industrialisation. Le commerce au travers des échanges devenant plus qu’important a amené

les grandes puissances européennes à échanger entre elles. Même lorsqu’il y avait des

conflits, il fallait continuer les activités commerciales et industrielles. C’est dire que ces

activités qui imposaient de produire davantage pour faire face aux échanges occupaient une

place importante dans les sociétés occidentales dans lesquelles l’économie de marché

dominait. Le milieu du XIXe siècle voit donc l’avènement du libéralisme pour la société

occidentale en général. Ce système balisait déjà la route pour un autre système économique

plus évolué qu’est le capitalisme.

1.2.3. La production dans le système capitaliste

Il existe une distinction entre l’économie de marché et le capitalisme (Braudel, 1985). En

effet, c’est principalement l’action de l’État qui fait prospérer le capitalisme. C’est pour quoi

nous avons choisi de « contextualiser » la production dans l’économie de marché, puis dans le

capitalisme. Comme nous l’avons déjà dit, ce sont les moyens de production, leur distribution

et la propriété privée, qui donnent un sens au capitalisme. Né et employé en Allemagne au

XIXe siècle notamment par Engels (socialiste allemand) ou Max Weber (sociologue et

historien), le capitalisme est un système économique qui se caractérise fondamentalement par

l’accumulation des richesses (revenus), la recherche du profit, le développement de la

propriété privée : le capitalisme est un concept bien complexe qui combine à la fois

l’économie, la politique et la sociologie9.

9 À ce sujet, Perroux disait dans ses écrits que le « capitalisme est un mot de combat ».

Page 34: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

33

La mise en place du système capitaliste dans la civilisation occidentale au travers d’une

industrialisation poussée (de telle sorte que l’on parle de capitalisme industriel) a occasionné

une paupérisation extrême des conditions de vies surtout chez les ouvriers et d’autres paysans

qui se retrouvèrent sans terre. Il y eut également des crises de surproduction (notamment celle

de 1825 qui a singulièrement touché l’Angleterre ; celle de 1929). Tout cela accentua

davantage la misère au point que l’État dut intervenir10

pour réguler les choses et favoriser

une amélioration des conditions de vie. La régulation de l’État consiste en effet à inciter

l’investissement tout en évitant les situations de crises (petites et grandes) et à encourager les

échanges mondiaux. C’est également par l’entremise de l’action de l’État que l’accent fut mis

sur les spécificités des modes de production au niveau national.

C’est avec le capitalisme que le commerce mondial s’accentua et prit des proportions

inquiétantes. En effet, la concurrence fait non seulement que les sociétés produisent davantage

pour les écouler sur le marché international, ce qui a entraîné des crises économiques, mais

aussi que celles qui ne peuvent être compétitives se mettent à l’écart. C’est le capitalisme

marqué par le développement de la consommation de masse dans les sociétés qui fait,

qu’aujourd’hui, l’on observe une subdivision des pays en fonction de leur niveau économique

d’abord ; cette domination se doublant (et trouvant son origine) dans une domination

politique.

Le capitalisme est non seulement un système de production, mais aussi une idéologie qui

prône le libéralisme, l’émergence de liberté dans tous les domaines de la vie. Cette idéologie a

impacté tous les aspects de la vie et s’est même souvent trouvée associée aux systèmes

démocratiques modernes. Vue sous cet angle, la civilisation occidentale devint de facto la

« civilisation de référence » pour toutes les autres dans lesquelles influait déjà le système

capitaliste. Après l’Europe du XIXe

siècle, ce sont les pays en développement qui souffrent

aujourd’hui du capitalisme, mais à la différence de l’Europe, ils n’en maîtrisent pas les règles

du jeu et ne peuvent externaliser sur d’autres pays les impacts négatifs de leur système de

développement.

10

L’intervention de l’État dans l’économie pour contraindre une régularisation en vue d’assurer l’équilibre social

surtout chez les plus défavorisés (les ouvriers notamment) marque le « néo-capitalisme ».

Page 35: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

34

1.3. La production dans les sociétés tropicales

Ce bref aperçu de la production dans les sociétés occidentales et le contexte économique dans

lequel elle a évolué permet de revenir sur les pays tropicaux qui nous intéressent, et plus

particulièrement, sur les peuples des forêts étudiés par Marshall Sahlins (1976). Bien que la

production dans ces pays n’ait pas connu les mêmes trajectoires que dans les pays

occidentaux, elle a été profondément bouleversée par la colonisation.

1.3.1. La production dans l’économie des peuples forestiers tropicaux

Contrairement à l’opinion générale qui considérait que pendant le Paléolithique la production

des peuples des forêts était très faible, de sorte que ces peuples primitifs ne jouissaient que

d’une économie précaire du « strict minimum », les peuples des forêts, quoi qu’étant

majoritairement chasseurs et cueilleurs, parvenaient tout de même à répondre aisément à leurs

besoins quotidiens (Sahlins, 1976). Leur économie était plutôt « une économie d’abondance »

dans laquelle la « rareté » n’existait pas. En effet, selon Sahlins, la rareté est le produit de

l’économie de marché. Même s’ils n’avaient pas une technologie avancée, ces peuples

forestiers vivaient « confortablement » selon leur époque ; ils connaissaient leur

environnement et « les saisons d’abondance » ou non, et en fonction de cela, ils prenaient des

mesures de sorte qu’ils ne manquaient de rien dans leurs huttes.

De plus, contrairement à ce que déclarait Lowie11

en 1946 sur les chasseurs qui « [...] doivent

travailler beaucoup plus durement pour vivre que les cultivateurs et les éleveurs », ces

derniers déterminent, selon les circonstances (saisons, environnement), le moment et le lieu

idéaux pour chasser. Et donc y consacrent peu de temps.

De notre temps moderne, on observe d’un côté des peuples forestiers vivant dans un

environnement présentant de « bonnes conditions naturelles » et favorisant ainsi leur « bien-

être », et de l’autre, ceux qui habitent dans un milieu peu propice. Dans tous les cas, les

peuples de la forêt luttent quel que soit leur « environnement économique ». Pour les peuples

forestiers que sont des chasseurs-collecteurs, il existe néanmoins une « abondance

matérielle » qui réside « [...] sur la simplicité des procédés techniques et sur le caractère

démocratique de la propriété des moyens de production » (Sahlins, op. cit. : 48) et sur le fait

11

Cité par Sahlins, op.cit. : 44

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

35

que « la division du travail est simple également, le plus souvent une division du travail par

sexe. À cela s’ajoute la généreuse coutume du partage, pour laquelle les chasseurs sont à

juste titre renommés, de sorte que tout le monde participe généralement à la prospérité

générale, telle qu’elle se présente » (Ibid. : 49).

Ainsi les chasseurs-cueilleurs ne consacraient pas plus de temps à se procurer leur nourriture

que les premiers agriculteurs. Parce qu’ils ne connaissent aucune inquiétude quant à leur

survie, qu’ils disposent de beaucoup de temps de loisirs. On ne peut toutefois pas nier le fait

que certains d’entre eux connaissent des difficultés pour se nourrir, surtout si le milieu naturel

ne le permet pas. Cette manière d’être et de faire chez ces chasseurs ne diffère pas vraiment

de ce qu’on peut voir chez les chasseurs-cueilleurs contemporains. En effet, « nous avons vu

que les activités de subsistance, chez les chasseurs, ont un caractère intermittent, un jour on

travaille, le lendemain on chôme ; et les chasseurs contemporains tout au moins ont tendance

à consacrer ce jour de congé à se reposer, à faire un sommeil dans la journée. Dans les

environnements tropicaux où vivent nombre de derniers peuples chasseurs, le ramassage est

moins aléatoire que la chasse. C’est pourquoi les femmes qui font la collecte travaillent à un

rythme plus régulier que les hommes, et ce sont elles qui procurent l’essentiel de la

nourriture » (Ibid. : 77). De même, bien que leur « système économique » puisse paraître

improductif, ces chasseurs trouvent en la « mobilité » et en la « modération » le moyen de

générer « un haut rendement » à leur pratique de production aux techniques sommaires.

Dans les forêts tropicales en dehors des chasseurs-cueilleurs, vivent également d’autres

peuples forestiers que sont des agriculteurs. C’est essentiellement la culture sur brûlis que

pratiquent ces agriculteurs. Nous verrons plus loin en quoi elle consiste et comment elle a

évolué dans le temps et dans l’espace. De façon générale la production issue de cette pratique

agricole est faible. En effet, « les témoignages les plus probants de cette sous-exploitation des

ressources productives émanent des sociétés agricoles, et de celles, plus particulièrement, qui

pratiquent la culture sur brûlis » (Sahlins, op. cit. : 83). Parce qu’il existe une sous-

exploitation de la main-d’œuvre qu’on observe aussi un déséquilibre dans la division du

travail par sexe pour ainsi aboutir à une faible production.

Bien qu’il ait été constaté de façon générale une diversité de formes de sous-production selon

les cultures, les sociétés et les types d’organisations, « les économies primitives » ne sont pour

autant pas des « économies de misère » (Sahlins, 1976). Il est vrai que parler d’« économie »

dans les sociétés primitives ne cadre pas avec la manière dont elle est perçue aujourd’hui dans

Page 37: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

36

la société moderne, ce qui permet de dire que structuralement l’économie primitive n’existe

pas (Ibid.). Mais si on tient compte de leur « organisation domestique » ou des « composantes

sociales du travail » on peut alors en parler. Car, « de par sa composition, la maisonnée forme

une sorte d’économie réduite qui, confrontée à la progression et à la diversification

techniques de la production, est même susceptible d’expansion : dans certains types de

famille étendue, la combinaison des éléments nucléaires préfigure l’organisation sociale

d’une réalité économique complexe » (Ibid. : 122). C’est une « économie domestique »

limitée par une technologie simple et c’est également cette dernière qui conditionne « le mode

domestique de production ». Dans une telle économie, c’est une augmentation du temps de

travail par chaque producteur, par exemple, qui peut ainsi entraîner une intensification de la

production pour couvrir les besoins alimentaires de la maisonnée. Mais cette intensification

est fonction de plusieurs paramètres pour être atteinte : une plus grande coordination sociale

dont dépend souvent l’économie domestique primitive qu’est le clan, la parenté, etc. qui ont

aussi besoin de structurer le temps de travail pour arriver à une intensification de la

production, afin que les besoins de tous soient satisfaits.

De même, dans les sociétés primitives des forêts, il s’agissait d’une économie non monétaire

et la valeur qu’ont les échanges est tout à fait différente de celle des sociétés occidentales.

Dans cette économie, les échanges représentent « [...] la distribution des produits finis au sein

du groupe, et non pas, comme l’échange marchand, à l’acquisition des moyens de production

» (Sahlins, op. cit. : 239) Ainsi les transactions se fondent-elles sur la « réciprocité12

» et la

« redistribution13

». Cette illustration ainsi faite de l’économie primitive n’est pas exhaustive,

elle peut différer d’un endroit à l’autre. Toutefois, de façon générale on observe ce schéma et

dans la majorité des cas réciprocité et redistribution peuvent se confondre. Par ailleurs,

suivant les sociétés on peut assister à une typologie et à une variabilité de redistribution et de

réciprocité.

De plus, dans l’économie des sociétés primitives, s’observait un « commerce primitif » qui a

permis à certaines contrées d’exister. En effet, le commerce au travers de l’importation du

taro ou du sagou venant des districts de Buakap et de Busama a permis à certains villages du

sud du Golfe de Huon de demeurer (Sahlins, 1976). Au point que Hogbin (1951 : 94)14

12

C’est lorsque deux groupes se donnent mutuellement des biens. 13

Il s’agit pour le chef d’un groupe de procéder à la collecte de biens auprès des membres du dit groupe, puis de

les redistribuer à chacun. 14

Cité par Sahlins, op.cit. : 306

Page 38: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

37

déclare que « Sans le commerce, la population méridionale [les potiers] ne pouvait guère

survivre dans son environnement actuel ». En plus, le commerce dans nombre des villages de

ce golfe disposait des « taux d’échanges relativement constants », de telle sorte que « dans

tous les villages où se pratique coutumièrement l’échange des tapis d’écorce, des bourses

et/ou des pots, un tapis d’écorce « vaut » quatre bourses, lesquelles valent un petit pot »

(Sahlins, op. cit. : 307). La manière de commercer change aussi selon l’environnement et la

culture. Mais dans certaines sociétés telles que les sociétés mélanésiennes, le « principe de

marché » est presque absent.

Cette évocation de la production et de l’économie chez les peuples primitifs des forêts comme

les chasseurs-cueilleurs et les agriculteurs des sociétés néolithiques a permis de voir la

manière dont s’organisait la « vie économique » en ce temps. Il existe encore de nos jours

plusieurs ressemblances avec les peuples des forêts tropicales qui se caractérisent par la

chasse et la cueillette d’une part, et par l’agriculture d’autre part. Ainsi, dans les lignes qui

suivent nous accordons une attention particulière à l’agriculture telle que pratiquée

aujourd’hui et à son évolution.

1.3.2. L’agriculture et les systèmes agraires des sociétés tropicales

L’apparition des premiers systèmes de culture et d’élevage marque la fin de la Préhistoire et

l’entrée dans le Néolithique. Ainsi, l’agriculture pratiquée au Néolithique s’est faite sous deux

formes principales : les systèmes d’élevage pastoral qui se sont développés un peu partout

dans le monde, notamment dans les milieux d’abondance (herbes dans lesquels on peut

facilement pâturer, milieux de steppes et de savanes par exemple en Eurasie septentrionale, en

Asie centrale, au Proche-Orient ou au Sahara) et les systèmes de cultures sur abattis-brûlis qui

subsistent encore aujourd’hui dans les forêts d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.

Puis par la suite, les changements de systèmes de cultures qui vont tour à tour apparaître ci et

là seront la résultante de l’adaptation des nouvelles manières de cultiver en fonction des

exigences climatiques des différents milieux. C’est le cas des régions arides avec les systèmes

agraires hydrauliques ou des régions intertropicales parfois peu arrosées dans lesquels le

déboisement a conduit à des systèmes de savanes très variés, dans lesquels on trouve des

systèmes de cultures avec houe sans élevage, ou systèmes de cultures avec pâturage et

élevage, etc. C’est aussi le cas des régions tempérés d’Europe où des systèmes post-forestiers

ont été transformés en d’autres systèmes (systèmes de céréaliculture pluviale à jachère

Page 39: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

38

associés à l’élevage et au pâturage, systèmes à jachère et culture attelée lourde, systèmes de

cultures céréalières et fourragères sans jachère et enfin les systèmes motorisés, mécanisés,

fertilisés à l’aide d’engrais minéraux et spécialisés aujourd’hui)15

. Tous ces systèmes sont dus

aux différentes révolutions agricoles survenues.

Toutefois, de façon générale, tous les systèmes de cultures ont été confrontés au fur et à

mesure aux difficultés que leur occasionnait le marché mondial. De plus, la révolution du XIXe

siècle, celle des transports, n’a fait que créer les inégalités dans ces systèmes, tout en

permettant une augmentation considérable de la production. Au point qu’on parle de crise

agraire générale, puis que la productivité ainsi que les revenus qui en résultent présentaient

déjà des écarts importants. De plus, la deuxième révolution agricole du XXe siècle,

caractérisée par la motorisation, mécanisation, fertilisation minérale et la sélection de même

que la spéculation, n’a fait qu’agrandir les écarts entre les agriculteurs à travers

l’augmentation de la production. En effet, ce sont plus ceux qui étaient moins équipés et

moins productifs qui ont été d’emblée disqualifiés par le système, parce qu’ils ne pouvaient

faire face à la concurrence. De même, leurs revenus se sont complètement effondrés face à la

crise. Si donc dans les pays développés, des dizaines de millions de petits et moyens

producteurs ont été éliminés à cause de la crise du début du XXe siècle, comment pouvaient

s’en sortir les agriculteurs sous-équipés des pays en développement ? Ils ont été à leur tour

confrontés à la crise et complètement mis à l’écart. Ce qui a entraîné de lourdes conséquences

pour ces paysans et leurs milieux. « Exode agricole, chômage, pauvreté rurale et urbaine »

(Mazoyer et Roudart, op. cit. : 18) sont ainsi ces lourdes conséquences observées dans les

pays du Sud.

1.3.2.1. Une production généralement faible

La productivité, comprise comme le rapport entre la production et les facteurs de production

(capital et travail) dans les systèmes agraires, est un très bon indicateur de l’efficacité des

systèmes de production – et des problèmes qui se posent dans les différents contextes.

D’abord, c’est un grand espace qui au départ est défriché pour recevoir les cultures ; mais à la

fin, il ne reste qu’un petit espace cultivable, car les racines et souches non extraites du sol et

les arbres qui n’ont pas été abattus font qu’une importante superficie ne peut pas recevoir de

15

L’ensemble des systèmes cités a été mentionné dans les pages 17 et 18 de l’histoire des agricultures du monde

de Mazoyer et Roudart.

Page 40: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

39

semences. Aussi, l’important travail entrepris pour cultiver n’occasionne qu’à un faible espace

de cultures. Ce sont en général des systèmes qui demandent beaucoup de travail et nécessitent

de gros efforts pour une faible productivité.

De plus, les cultures sur abattis-brûlis sont temporaires, de courte durée. Pour qu’il y ait une

bonne production, il faut que le temps de reconstitution de la jachère soit respecté, c’est-à-dire

vingt à trente ans, voire plus. Une longue reconstitution de la biomasse permet le

renouvellement de la fertilité du sol. Ainsi, lors du débroussaillage, le boisement ainsi

reconstitué permettra aux agriculteurs de défricher que partiellement, c’est-à-dire que leur but

est de parvenir à une éclaircie et de brûler ensuite pour obtenir beaucoup de cendres

bénéfiques aux plantes. De même, le ou les sarclage(s) qui interviendra (ont) au cours du

développement des cultures leur permettra (ont) davantage de bénéficier de la matière

organique qui en résulte. Ce n’est que dans ces conditions qu’une bonne production peut être

assurée et que les agriculteurs peuvent espérer obtenir de meilleurs rendements. Ainsi est-on

sûr de pouvoir perpétuer le cycle de « bonnes » productions, d’année en année, tout en

assurant une la rotation annuelle des cultures. Étant donné que la fertilité des sols des milieux

boisés dans lesquels se pratique l’abattis-brûlis dépend des conditions climatiques et

écologiques de ces milieux, cela nécessite que les agriculteurs usent de méthodes pour obtenir

une production. Une longue jachère est ainsi l’une des méthodes à s’imposer.

Enfin, lorsque le reboisement spontané de la jachère n’a duré que très peu de temps, c’est-à-

dire moins de dix ans au minimum, le défrichement de cet espace nécessite que les

cultivateurs entreprennent un débroussaillement complet et sur un plus grand espace, pour

peut-être pouvoir arriver à une meilleure production. Dans beaucoup de cas, on est face à un

système agraire post-forestier. En effet, le type de groupement végétal obtenu correspond plus

à une savane qu’à une forêt secondaire.

D’importants problèmes de fertilité des sols se posent par la suite ; lorsque le temps de jachère

aura été long, les cendres ainsi obtenues constitueront l’atout des premières cultures de base

mises en terre. Les cultures secondaires, qui seront plus tard ensemencées, ne bénéficieront

que d’une faible fertilité résiliente. Il est vrai que ces agriculteurs n’accordent que très peu de

valeur à ces cultures secondaires qui ne sont là que juste pour dépanner. Ce sont par contre les

cultures principales, dites de base qui, dans le cas de faibles rendements, vont faire le grand

malheur d’une famille. Si la durée des jachères diminuent davantage, c’est-à-dire se retrouve

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

40

en dessous de dix ans ou même moins de six ans, il faudrait que les agriculteurs repensent à

un autre moyen que le brûlis pour fertiliser leurs sols.

1.3.2.2. La déforestation, une des conséquences immédiates des cultures sur abattis-

brûlis

La déforestation est l’une des résultantes des systèmes agraires abattis-brûlis. Le fait qu’une

forte densité d’agriculteurs soit amenée au travers des rotations de cultures à rechercher

davantage des parcelles cultivables favorise les actions de déforestation. De plus, la

diminution des temps de jachère poussant alors les cultivateurs à défricher de plus vastes

espaces conduit aussi à favoriser la déforestation. Sans oublier qu’il y a des milieux très

fragiles dans lesquels les actions de déboisement ou de déforestation sont très dangereuses. En

effet, « Le déboisement entraîne en général non seulement une réduction de la fertilité du sol,

mais encore l’apparition ou l’aggravation de l’érosion et, dans certains cas, un assèchement

du climat. Ces phénomènes sont très variables, plus ou moins marqués et plus ou moins

graves selon les milieux » (Roudart et Mazoyer, op. cit. : 121).

La déforestation est commune aux pratiques agricoles. Elle favorise des conséquences

écologiques et climatiques, qui varient d’un milieu à l’autre. L’appauvrissement du sol

occasionnant une réduction de la fertilité est l’une des conséquences immédiates de la

déforestation dans le domaine de l’agriculture. En effet, surtout dans les zones les plus

chaudes, on observe une diminution de quantité de cendres après le brûlis et d’humus dans le

sol pour des courtes jachères. Les milieux déboisés favorisent de même l’érosion des sols, les

pluies tombant directement sur le sol dénudé sans aucun effet « d’amortissement » d’une

couverture végétale (« l’effet splach »). Cela favorise de même le ruissellement superficiel

des eaux de pluie, aboutissant dans certaines zones à fortes précipitations à des inondations.

Mais dans d’autres milieux boisés, l’érosion peut favoriser « les dépôts d’alluvions et de

colluvions qui se forment au bas des pentes et dans les vallées [et] peuvent aussi contribuer à

élargir et à enrichir les terres cultivables » (Mazoyer et Roudart, op. cit. : 122).

Le sens que prend la production apparaît donc profondément contingenté selon les périodes

historiques et selon les sociétés. La vision selon laquelle la production est indépendante des

autres composantes de la société (le social par exemple), liée à l’accumulation des richesses et

au commerce à grande échelle, est particulière au capitalisme dans les pays occidentaux et

dans les sociétés qui sont sous leur dépendance. Mais la production n’a pas toujours été

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

41

entendue dans ce sens : elle peut représenter pour les sociétés de chasseur-cueilleurs une

simple composante de la vie matérielle à laquelle on consacre le temps nécessaire pour

parvenir à la subsistance. Ces sociétés, en se transformant par l’agriculture, peuvent changer

radicalement leurs rapports aux milieux sans toutefois entrer dans l’économie capitaliste. La

production prend donc un sens profondément différent selon les sociétés.

2. La conservation, historique, évolution et répercussions dans le

monde tropical

L’hypothèse que nous développerons dans cette partie est la suivante : de la même façon que

l’autonomisation de la sphère de la production a été le produit d’une certaine période de

l’histoire de l’Occident (Sahlins, 1972 ; Polanyi, 1944), l’autonomisation de l’environnement

dans les politiques de conservation en est une plus récente, née là encore en Occident et qui

s’étend dans les pays du Sud de la même manière que le capitalisme a pu le faire à une

certaine période. Or, de la même manière que l’autonomisation de la sphère de la production a

posé des problèmes, l’autonomisation de l’environnement peut conduire à des exagérations

surtout si elle se produit sans prise en compte des populations rurales.

2.1. Vision de la nature et de sa conservation dans les pays occidentaux

Les conceptions de la nature et de ses rapports avec l’homme sont multiples et diffèrent selon

les cultures et les milieux. Avant d’évoquer la conservation dans le monde tropical, nous

illustrerons la manière de gérer des espaces naturels dans le monde occidental. Il existe, en

Occident, une grande diversité quant aux visions de la nature. Mais en termes de protection de

la nature, la matrice commune à bien des conceptions trouve son origine en Amérique du

Nord.

Les recherches de Stéphane Héritier (2009) permettent d’illustrer nos propos. Il existe au

Canada une tradition ancienne engagée relative à la protection de la nature, qui s’est

manifestée peu de temps après la création du premier parc national étatsunien (Yellowstone,

créé en 1872). De sorte qu’en 2006, on relève quarante trois parcs pour une superficie de plus

de 245 000 km². Mais il faut dire que la stratégie canadienne de créer des aires protégées

repose sur un fondement solide amorcé dès 1885, date de la promulgation de la loi sur les

Parcs nationaux. Une agence nationale, Parcs Canada, a pour une mission d’appliquer les

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

42

dispositions prises pour sauvegarder l’environnement. Un débat a cependant fait jour, très tôt

en Amérique du Nord, entre préservation et conservation. Pour les uns, une aire protégée doit

être préservée de toute intervention, voire de présence humaine. Pour les autres, la

conservation implique que certaines activités y soient interdites, mais que d’autres peuvent

être autorisées. Pour les décideurs canadiens, la conception de la conservation a eu peu d’écho

jusque dans les années 1950.

Cela n’a cependant pas résolu les tensions entre production et conservation, qui est

constitutive de la création des parcs nationaux canadiens. Les ressources forestières, minières

contenues dans les réserves, permirent à l’activité économique de se développer dans le pays.

En outre, « La construction de la ligne du chemin de fer par la compagnie du Pacifique

Canadien fut à l’origine de la création et de la mise en tourisme des premiers parcs

nationaux canadiens. Ainsi furent créés les parcs connus aujourd’hui sous le nom de Bannf,

Yoho, Glacier, pour ne citer que les plus anciens » (Héritier, 2009 : 96-97). Les parcs

nationaux participèrent au développement du Canada en favorisant l’activité économique par

l’intermédiaire des compagnies ferroviaires. Mais tout en voulant associer la protection des

aires protégées à l’activité économique, on observe des années 1930 aux années 1960 des

positions contradictoires dans le choix des activités à proscrire ou à encourager dans les aires

protégées. Par exemple, les activités minières sont prohibées dans les réserves tandis que les

activités forestières et touristiques y sont permises, voire incitées.

Toutefois, il y eût un renversement de tendance après les années 1960, qui permit de faire

significativement évoluer la vision canadienne sur les aires protégées. Favorisée par les

mouvements politiques d’une part, et sociaux, d’autre part, favorables à la protection de

l’environnement, l’État fédéral canadien reconsidéra les espaces protégés comme étant des

« espaces de nature sauvage » dans lesquels plus aucune activité économique ne serait

autorisée si ce n’est le tourisme. Ainsi, le passage du développement économique au

développement durable posa des interrogations et favorisa des oppositions et des tensions, de

telle sorte qu’il eût trois groupes de pensées. Le premier considéra qu’il était nécessaire

d’encourager l’activité économique pour le développement économique de la communauté;

le second prônait l’interdiction absolue de l’activité économique dans les aires protégées pour

assurer la pérennité des écosystèmes. Enfin, le dernier groupe prit une position intermédiaire,

en se déclarant favorable à l’activité économique tout en favorisant la protection de

l’environnement.

Page 44: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

43

Dans les années 1970, la vision canadienne pour la protection des espaces protégées fut claire

et plaça le développement durable au centre de la régulation de l’environnement. Aussi, dans

les années 1980, « les parcs nationaux canadiens se sont dotés de plans de gestions précis

fondés sur l’examen approfondi des ressources et des menaces propres à chaque parc »

(Héritier, op. cit. : 99). Ceci plaça les questions environnementales au cœur des « affaires

nationales ». Les espaces protégées du Canada montrent qu’il s’agit d’un réseau d’aires

protégées bien pensé dont la maturité s’est manifestée au fil du temps de manière à ce qu’il

s’inscrive dans une volonté politique de gérer raisonnablement la nature et de favoriser

l’économie nationale. Il symbolise également pour la population un patrimoine national. De

plus, la volonté de mettre 12 % du territoire canadien en réserve montre bien l’intérêt national

vis-à-vis de la protection de l’environnement et du grand enjeu politique que cela représente.

Les plans de gestions dont sont dotés les parcs nationaux canadiens illustrent la maturité de

l’État fédéral canadien à anticiper des solutions à d’éventuelles difficultés qui peuvent être

rencontrées sur le terrain. Ces plans de gestions ont été établis au bénéfice de toutes les parties

(la population, les acteurs économiques, les conservateurs et l’administration). Aussi, les

tensions observées, notamment dans le parc de Banff dans les domaines du foncier,

l’immobilier ou de l’économie, avaient-elles des solutions anticipées dans le but de maintenir

l’ordre et la paix dans ce milieu. Ainsi le « bon gouvernement » dont font preuve les

responsables locaux de Parcs Canada constitue un exemple à suivre surtout pour les régions

dans lesquels l’établissement des Parcs nationaux a suscité des tensions et continue de les

alimenter.

Enfin, pour finir avec l’exemple du Canada, les plans de gestions de ses parcs sont

« complets » car ils tiennent compte aussi bien des besoins de la société que de ceux de

l’économie et de l’environnement. Mais la force d’une telle œuvre réside dans le fait qu’il

existe des textes législatifs veillant à la stricte application de ces plans. Ainsi, la restauration

de « l’intégrité écologique », notion chère à la politique de protection, vise particulièrement le

développement durable des écosystèmes. En effet, « cette situation est le résultat d’une

longue lutte entre les partisans du développement économique et ceux de la protection de la

nature » (Héritier, op. cit. : 102). Donc la vision du peuple canadien sur la conservation de la

nature, qui repose sur une longue histoire, a permis aujourd’hui d’aboutir à une « gestion

raisonnée et proactive » de leurs écosystèmes. Alors que plusieurs pays sont encore entrain de

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

44

lutter sur ce qui qu’il faut plutôt promouvoir entre conservation et développement, le Canada

lui, a d’autres batailles.

2.2. De l’origine de la culture conservationniste occidentale des espaces aux

politiques environnementales dans les pays tropicaux

Les écosystèmes naturels sont globalement fragiles, mais ceux des pays tropicaux le sont plus

encore. Ces milieux sont fragilisés principalement du fait du déboisement. La FAO estime que

les forêts tropicales perdent environ chaque année 17 millions d’hectares16

à cause de la

déforestation. Suite à cela, les pensées politiques, éthiques voire personnelles qui partent de ce

constat sont diverses, d’autres sont inspirées par différentes visions des rapports hommes /

milieux. De plus, le plus souvent, ces conceptions sont à l’opposé de celles des populations

locales, qui pourtant ont intérêt à protéger leurs milieux parce qu’elles en tirent leur

subsistance. Les peuples des pays tropicaux ont cependant d’autres préoccupations telles que

l’amélioration des conditions de vie et les difficultés que génère la pauvreté à surmonter. La

considération des préoccupations environnementales qui impose l’application de ces

politiques ne peut être efficace si les problèmes de ces populations ne sont pas pris en compte

et résolus.

Ainsi, étant donné que ce sont les paysages ruraux qui sont les plus convoités pour accomplir

des actions de conservation environnementale, les ruraux des pays tropicaux se voient

notamment obligés de gérer désormais leurs espaces en prenant en compte les injonctions

environnementales. Après avoir été des espaces consacrés à une exploitation intensive au nom

de la production, ces espaces courent le risque de devenir des espaces de préservation

excessive. Parcs, réserves etc. sont alors imposés dans les milieux ruraux avec de fortes

restrictions, parfois au détriment des populations locales. Ce fut le cas de l’implantation des

aires protégées en Asie du Sud-Est, et au Vietnam en particulier, qui a eu des enjeux pour les

populations locales. Elles se sont vues en effet marginalisées à cause des politiques de

conservation dont le but était d’atténuer la forte pression humaine sur les ressources

naturelles, de les sédentariser et de favoriser leur intégration socio-économique dans le

16

http://www.fao.org/ag/againfo/programmes/fr/lead/toolbox/Grazing/Deforest.htm

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

45

territoire nationale. En effet, il y a eu « de principaux changements socio-économiques qui se

sont produits dans cette région depuis la mise en place du parc : sédentarisation et

modification de l’accès au foncier, transformation des moyens de subsistance, ainsi que

l’augmentation et l’intensification des liens avec l’extérieur (de la région) » (Dévy et

Tremblay, 2008 : paragraphe 21). Même si l’objectif était de sauver les ressources naturelles

dans un environnement très peuplé, mais le parc national Bi Doup-Núi Bà a aussi contribué à

bouleverser le milieu de vie de ces populations et à modifier leurs traditions, repères et

ressources.

Les pays occidentaux par contre ont un autre regard sur la protection de l’environnement.

Pour eux, l’idée du bien-être rime avec le développement et toute la technologie qu’ils ont

jusque là connue. En effet, leur développement touche tous les aspects de la vie : économie,

politique, culture, sociale. De telle sorte qu’ils façonnent même certains milieux « naturels »

pour se récréer, se divertir, faire du tourisme. Tout va dans le sens du développement

économique. C’est dans ce contexte que Rossi déclare : « C’est parce que nos sociétés sont

moins directement dépendantes de la nature « sauvage » pour leur développement et leur vie

économique que nous pouvons lui trouver d’autres finalités et d’autres utilisations » (Rossi,

2000 : 18). Mais dans les pays « du Sud » à l’instar des pays tropicaux, les choses ne sont pas

perçues et vécues de la sorte. Les rapports de l’homme au milieu naturel ne sont pas

médiatisés par la technologie comme ils peuvent l’être dans les pays dits du Nord. Il existe

alors des rapports hommes - milieux que seuls eux-mêmes sont capables de définir et de

conserver.

2.2.1. Les objectifs généraux de la conservation dans les pays tropicaux

Avant d’analyser les grands objectifs sur la conservation des ressources naturelles dans les

pays tropicaux, il est judicieux d’avoir un bref aperçu des milieux naturels de ces pays. Les

forêts tropicales se trouvent majoritairement dans quatre ensembles biogéographiques,

constitués de l’Afrique continentale, Madagascar et les quelques îles, ce qui forme

l’Afrotropical ; puis l’Australie, la Nouvelle-Guinée et les îles pacifiques qui forment

l’Australien ; l’Inde, le Sri Lanka, l’Asie continentale, et l’Asie du Sud-Est formant

l’Indomalayan ; et enfin, le Neotropical qui regroupe l’Amérique du Sud, l’Amérique

Centrale et les Petites Antilles. Mais on peut retrouver des forêts tropicales dans d’autres

parties du monde autres que les pays tropicaux comme dans les régions tempérées (États-

Unis, ex URSS). Néanmoins, lorsqu’on parle souvent des forêts tropicales, on fait beaucoup

Page 47: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

46

plus allusion à ces importantes biocénoses humides des pays tropicaux très divers qui ont

quasiment des caractéristiques identiques. Le climat est notamment l’une des caractéristiques

importantes des forêts tropicales. Le climat tropical ou subtropical en référence aux

températures plus élevées, est marqué par une température constante moyenne, autour de

25° C toute l’année, et par des saisons d’hiver et d’été très pluvieuses ; mais un temps très sec

domine le reste du temps. À l’intérieur de ce climat « global », on trouve de spécificités

climatiques, telles que le climat équatorial, le climat de mousson tropical ou le climat tropical

de savane. L’expression climacique de la couverture végétale est calquée sur ces

caractéristiques ; d’où par exemple les zones marquées par les forêts tropicales humides.

Ces petites différences contenues dans le climat tropical font que l’on rencontre également

une diversité de ressources notamment végétales et des écosystèmes parfois différents. Mais

dans tous les cas, les forêts tropicales se distinguent des autres forêts d’une façon générale,

par une importante végétation très stratifiée et très divergente. La stratification végétale

comprend des grands arbres, de la canopée, du sous-étage, de la couche d’arbrisseaux et du

tapis forestier. Elle bénéficie aussi d’une quantité énergétique solaire favorable à la

photosynthèse des plantes. Ce qui permet aux plantes de fixer le carbone ; c’est le premier

rôle de production des écosystèmes primaires. En effet, les forêts tropicales ont l’avantage par

rapport aux autres types de végétations d’emmagasiner plus de carbone (De Wasseige et al.,

2009).

2.2.1.1. L’arrêt de la dégradation de l’environnement naturel de la planète

L’environnement global connaitrait des perturbations telles que des transformations profondes

pourraient y être apportées, à une ampleur telle que nombre de fondements sur lesquels

reposent nos civilisations pourraient être remis en cause. L’environnement se présente en

effet, comme un milieu de vie conditionné par plusieurs éléments naturels (biologie, chimie,

physique), sociaux, culturels et économiques, agissant sur les êtres vivants. Si des événements

catastrophiques ont toujours touché les hommes vivant sur terre (inondations, tremblements

de terre, tsunamis, sécheresse, désertification) le risque que ces événements se développent à

grande échelle et à un rythme de plus en plus soutenu est grand. Toutes ces situations

interpellent l’opinion internationale, dans le but de trouver des solutions aux problèmes

environnementaux qui surviennent tout en expliquant en amont les causes qui ont mis en route

ces conséquences.

Page 48: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

47

Le Millenium ecosystem assessment (évaluation des écosystèmes pour le millénaire) a

regroupé plus de 1300 scientifiques de 95 pays, de 2001 à 2005, pour un programme

d’évaluation qui devait faire le point sur la dégradation de la biodiversité et des services

écosystémiques. Fondé sur le même principe que le GIEC, il a conclu comme ce dernier sur

l’existence d’une très forte et rapide dégradation des écosystèmes naturels du fait de l’action

anthropique (Millenium Assessment, 2005). Dans les milieux ruraux, les excès de la

production sont souvent mis en cause : exploitation abusive et incontrôlée des terres

cultivables engendrant l’appauvrissement des sols, le développement de l’érosion ;

surpâturage non maîtrisé ; déforestation ; mais aussi urbanisation, avec une conversion de

l’usage de ces espaces. Ainsi, les conséquences que génèrent ces actions au travers des

catastrophes citées plus haut se répercutent à tous les niveaux. La conservation et le respect

des écosystèmes deviennent notamment les solutions envisagées pour protéger

l’environnement. La reconnaissance officielle de la dégradation de l’environnement à une

grande échelle a donné une légitimité nouvelle aux objectifs de conservation, qui ont pu

devenir un outil central des politiques de conservation de la nature promues par les

Conférences internationales.

2.2.1.2. Vers un équilibre climatique

Les forêts tropicales humides participent « directement » par la fixation du dioxyde de

carbone mais aussi indirectement (par leur déforestation, ne libérant ce même élément stocké)

à la stabilité du climat Le dioxyde de carbone étant le facteur dominant du réchauffement

climatique, ces forêts sont donc indispensables pour préserver le climat mondial en luttant

contre ce réchauffement. Toutefois, l’action de ces forêts se manifeste aussi aux échelles

régionale et locale par leur impact sur les microclimats, par la présence des pluies et par la

régulation des températures.

De plus, par leur transpiration et donc le rejet d’eau dans l’atmosphère, les forêts tropicales

humides participent ainsi de maintien et à la régulation du cycle de l’eau. Le rejet d’eau

découlant de la photosynthèse participe aussi à la formation de nuages de pluie qui à son tour,

re précipite sur ces mêmes forêts. C’est pourquoi, en Amazonie par exemple, « 50 à 80 % de

l’humidité demeure dans le cycle de l’eau de son propre écosystème » (USGS)17

. Aussi la

17

United States Geological Survey (Institut d’études géologiques des Etats-Unis)

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

48

préservation de la nature est-elle de même bénéfique au cycle de l’eau, la déforestation de ces

forêts diminuant l’humidité atmosphérique.

2.2.2. Principaux acteurs de la conservation dans le monde tropical

Les acteurs de la conservation dans le monde tropicale sont multiples. On distingue les

organismes internationaux, les organisations non gouvernementales, les organismes privés, les

collectivités locales ou les populations, chacun d’eux avec ses actions et ses obligations.

2.2.2.1. Les organismes internationaux et leurs actions dans les pays tropicaux

Avant d’évoquer les organismes internationaux qui interviennent et agissent dans les

politiques environnementales tropicales, nous passons en revue quelques principales

conventions internationales qui les ont mises en route.

Nous avons vu que c’est sous l’égide des Nations-Unies que se met en place un cadre pour

promouvoir les organismes internationaux et des actions en faveur de la conservation des

ressources tropicales. En effet, pour atteindre le développement durable, les forêts tropicales

furent retenues comme pouvant jouer un rôle fondamental. Ainsi, parmi les huit objectifs

arrêtés par les États des Nations-Unies, aussi appelés « objectifs du Millénaire pour le

développement », les forêts tropicales, plus directement liées aux objectifs no 1 et n

o 7,

peuvent contribuer à lutter contre la pauvreté et la faim, tout en favorisant le maintien d’un

environnement « soutenable ».

La conservation des forêts tropicales va donc entrer dans le plan d’action du Sommet Mondial

du Développement Durable (SMDD) de Johannesburg de 2002 par cette assertion finale du

sommet : « [elle] est un objectif essentiel du développement durable » et « un moyen critique

d’éliminer la pauvreté, de réduire sensiblement le déboisement, de faire cesser la perte de

diversité biologique des forêts et la dégradation des sols et des ressources naturelles et

d’améliorer la sécurité alimentaire et l’accès à une eau salubre et à des sources d’énergies

abordables »18

. D’où autant de défis à relever pour les politiques environnementales

tropicales.

18

Livre blanc sur les forêts tropicales humides, p. 17

Page 50: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

49

Sur le plan international, certains départements des Nations Unies œuvrent au travers des

principes et actions « convergents » pour sauvegarder l’immense patrimonial naturel qui va

au-delà des limites nationales que sont les forêts tropicales. Parmi ces départements de l’ONU

figurent la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) qui

porte un intérêt sur les questions forestières. Elle a donc un comité qui s’occupe de la rubrique

forêts, appelé Comité19

des forêts de la FAO. On l’appelle COFO. Il y a aussi l’UNESCO

(Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture) à travers la

Convention20

du patrimoine mondial de 1972 réunit dans un même document « la protection

de la nature et la préservation des biens culturels ». Elle intègre dans son champ la

conservation des écosystèmes. C’est dans cette optique que plusieurs sites naturels et aires

protégées dans le monde tropical furent placés sous la protection de l’UNESCO et considérés

comme patrimoine mondial. Toutefois, la finalité de l’UNESCO n’est pas la préservation de

l’environnement et la lutte pour les équilibres globaux, mais la préservation d’environnements

exceptionnels.

C’est plutôt particulièrement au Forum des Nations unies sur les forêts (FNUF) crée en 2000 et

au COFO que les problématiques sur les forêts et notamment sur les forêts tropicales sont

soulevées et traitées. De plus, la convention sur le commerce international des espèces de

faune et de flore menacées d’extinction (CITES) lutte également en faveur de la gestion de la

biodiversité tropicale, par la réglementation commerciale de quelques espèces de bois. C’est

dans ce sens que fut adopté un accord international sur les bois tropicaux (AIBT) en 1996. Le

but de cet accord est de favoriser la dominance des bois vendus sur le marché issus des forêts

gérées durablement. Ce qui permit la mise en place d’une Organisation internationale des bois

tropicaux (OIBT) dans le but de perpétuer les forêts tropicales.

On observe donc une gamme d’intervenants et institutions intergouvernementaux qui

s’intéressent aux questions forestières ; et comme les milieux terrestres tropicaux abritent les

plus riches espèces notamment de la flore, on retrouve alors leurs représentants dans nombre

19

C’est un comité qui fut établi en 1971 suite à la première conférence de la FAO en 1945 au cours de laquelle

les questions forestières furent abordées. L’objectif principal du comité de forêts est « d’examiner

périodiquement les problèmes forestiers de caractère international et de donner des avis au Directeur général

sur le programme de travail à moyen et long termes de l’Organisation dans le domaine de la foresterie, ainsi

que sur l’exécution dudit programme », D’après la FAO. 20

Cette convention naît de l’association de deux mouvements qui étaient au départ distincts, respectivement

défendant les sites culturels menacés et la conservation de la nature. De façon générale, la convention stipule

qu’il faut préserver l’équilibre existant entre l’homme et la nature car ils sont en interaction.

Page 51: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

50

de pays tropicaux. Ainsi, le Programme des Nations unies sur le développement (PNUD), le

Programme des Nations unies sur l’environnement (PNUE), des organismes de recherches

internationaux tels que le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), l’Union

internationale des instituts de recherche forestière (IUFRO), sans oublier les institutions

financières comme la Banque mondiale, le Fond international de développement agricole

(FIDA), ou l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), etc. sont autant

d’institutions internationales qui traitent tous des problèmes de forêts, mais chacune d’elle a

une fonction différente.

Ces institutions intergouvernementales se heurtent néanmoins à des « chevauchements

juridiques et institutionnels » au point que sur le terrain on n’observe pas un grand

changement. Le « système forestier international » tel qu’il existe aujourd’hui est d’une

complexité telle que son efficacité s’en trouve remise en cause (Smouts, 2001). De plus, les

positions des acteurs qui interviennent dans les questions forestières sont souvent opposées,

par rapport au lien fait entre l’activité économique des pays tropicaux et l’exploitation des

ressources forestières. Effectivement, « les positions des acteurs impliqués dans ce débat

apparaissent souvent divergentes, voire contradictoires, notamment en ce qui concerne la

nature même des aspects économiques des forêts à mettre en valeur au moyen de l’éventail

des instruments des politiques forestières. Schématiquement, le jeu des acteurs peut être

résumé ainsi » (Guéneau, 2004). En conséquence, les uns (les gouvernements des pays

tropicaux) justifient l’exploitation des ressources naturelles qui occasionne leur

développement économique, les autres (les pays développés) mettent plutôt l’accent sur la

conservation de ces ressources. « Face à l’absence d'objectifs partagés par les catégories

d'acteurs sur la valorisation économique des forêts tropicales, force est de s’interroger sur

les différentes options de valorisation économique des forêts tropicales » (Idem). Et même,

les sociétés forestières, les ONG écologistes, les populations forestières, les autorités locales,

ont des opinions divergentes sur le débat.

Par ailleurs, « les organisations de coopération bilatérales et multilatérales cherchent à

promouvoir le développement durable et à mettre en œuvre les recommandations issues des

négociations internationales, comme les sommets de Rio et de Johannesburg, notamment à

l’aide d’incitations financières » (Guéneau, 2004). Mais l’incitation financière doit être au

départ marquée par une valorisation économique des biens et services forestiers issus des

forêts tropicales, et des marchés doivent être multipliés pour soutenir la gestion durable des

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

51

ressources forestières tropicales. De plus, lutter contre la pauvreté des populations locales fait

partie des prérogatives des acteurs du système international forestier parce que cela évitera

aux populations de prélever de façon anarchique les ressources forestières. Il existe toutefois

des limites à ces actions. Ce sont des populations économiquement faibles qui continuent de

dépendre en majorité de leurs forêts. Ainsi, l’absence de politiques efficaces de lutte contre la

pauvreté fragilise davantage les politiques environnementales qui sont en vigueur dans les

pays tropicaux.

Pour rendre plus efficaces les décisions internationales prises à l’endroit des forêts tropicales,

des initiatives régionales et locales naissent. C’est par exemple le cas des pays du Bassin du

Congo qui travaillent ensemble en favorisant des partenariats entre le public et le privé pour

aboutir à une gestion durable de leurs forêts, s’appuyant ainsi sur les décisions prises lors du

Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en 2002. C’est le cas du

partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC). C’est un partenariat international qui a

été lancé en septembre 2002, il rassemble les dix pays membres de la commission des forêts

d’Afrique centrale (COMIFAC). Ce partenariat regroupe aussi les délégués des institutions de

recherche, les adhérents du secteur privé, les agences des pays donateurs, des ONG et les

organisations internationales. Son objectif est d’apporter un appui technique à travers ses

membres pour faciliter les actions de la COMIFAC qui est l’organe régional dont la mission

est d’orienter et d’harmoniser les politiques forestières et environnementales dans la région.

Cette mission vise principalement à conserver et gérer durablement les écosystèmes forestiers

du bassin du Congo.

Depuis quelques temps, on observe un engouement de la part des dirigeants de l’Afrique

Centrale par rapport à leurs forêts21

. En février 2005 notamment, a lieu à Brazzaville, le

Sommet des chefs d’États d’Afrique centrale sur les traces de la COMIFAC22

. À cet effet, ces

chefs d’États ont tenu à montrer leur engagement quant à la préservation de leurs

écosystèmes, au point de parler désormais de la Commission des forêts d’Afrique Centrale

21

Il s’agit des forêts appartenant au Bassin du Congo, qui abrite une importante biodiversité. 22

La Conférence des Ministres des Forêts de l’Afrique Centrale.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

52

(COMIFAC). De même en Amérique latine au travers de l’Organisation pour le traité de

coopération amazonien (OTCA)23

ou en Asie du sud-est à travers l’appui du gouvernement

japonais des initiatives identiques sont fréquentes.

Par ailleurs, encourager le développement des coopérations entre pays du Sud est l’optique

choisie par les pays tropicaux pour ainsi défendre plus efficacement une même cause : la

gestion durable de leurs ressources. C’est dans cette perspective que c’est tenu du 29 Mai au 3

Juin 2011 à Brazzaville le Sommet des trois bassins forestiers tropicaux que sont l’Amazonie,

le Bornéo-Mékong et le Congo. Durant ce sommet, l’accent a été mis sur la nécessité pour ces

pays de favoriser un cadre leur permettant de travailler, d’échanger des informations et

d’inciter une coopération entre eux, afin d’obtenir des résultats plus concrets, palpables par

rapport à la gestion durable de leurs forêts. De plus, les chefs d’États des pays tropicaux qui

étaient présents ou leurs représentants24

n’ont pas manqué de montrer le bénéfice de la gestion

durable des forêts tropicales pour les pays tropicaux eux-mêmes. Ils ont également attiré

l’attention des pays développés sur leur responsabilité face aux changements climatiques.

2.2.2.2. Les organisations non gouvernementales dans le monde tropical

Dans ce paragraphe, nous présenterons d’abord les interventions des ONG internationales,

puis les actions des ONG nationales dans le monde tropical.

2.2.2.2.1. Les ONG internationales dans le monde tropical

Le concept d’ONG ne possède pas « une définition unanimement reconnue » (Chartier, 2002)

et guère plus de « catégorie juridique » par opposition aux organisations internationales qui

sont définies dans le droit international (Ryfman, 2004). Le terme ONG prend en compte

plusieurs « organisations de nature diverse ». Malgré cette diversité d’organisations, on peut

retenir qu’une ONG est « [un] organisme privé indépendant à but non lucratif, à caractère

associatif et d’utilité nationale ou internationale et dont sa création ne relève pas d’un accord

intergouvernemental ou d’un gouvernement » (Chartier, 2002 : 3). C’est à la fin du XIXe

23

Cette coopération naît en 1995 à Lima faisant suite au Traité de coopération amazonienne (TCA) de 1978.

L’OCTA se donne comme objectif de favoriser le développement durable des espaces des pays comme la

Bolivie, le Brésil, le Pérou, la Surinam et le Venezuela, pays qui avaient préalablement signé le Traité. 24

En effet plus de 18 pays étaient présents à ce sommet, d’après : http://www.redd-

services.info/fr/content/sommet-des-trois-bassins-forestiers-tropicaux

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

53

siècle, début XXe siècle qu’apparaissent les ONG, mais le concept a été utilisé pour la

première fois en 1945 avec l’établissement de la Charte des Nations Unies, « […] remplaçant

ainsi le terme d’association internationale utilisé jusque-là » (Ryfman, 2004). Toutefois, les

ONG internationales très reconnues en matière de conservation tels que la Wildlife

conservation society (WCS), le World Wildlife Fund (WWF), Conservation international ou

Greenpeace, ou d’autres représentations dont l’objectif commun est la conservation de la

nature ont un impact considérable dans l’évolution des politiques environnementales. C’est en

Amérique du Nord ou en Europe occidentale que se trouvent en effet les ONG très puissantes

et très actives qui agissent sur le plan international parce qu’elles reproduisent les

problématiques environnementales des lieux d’où elles sont issues.

Ces ONG se repartissent en trois groupes, celles qui interviennent nationalement et d’autres

qui ont des activités internationales ponctuelles ; celles qui sont spécifiquement

internationales mais agissent tout de même dans les nations comme Greenpeace ou le WWF ;

celles qui interviennent dans la recherche et le conseil politique (WRI). Nombre d’entre elles

ont atteint leur hégémonie grâce aussi à leur expertise fournie aux gouvernements (WWF,

UICN, WRI) (Le Prestre, 2008). « Bien que leur présence soit très visible et qu’elles soient

les premières à revendiquer un rôle considérable, l’influence véritable des ONGE est difficile

à appréhender et varie en fonction de leur nature, de la question traitée, des tactiques

utilisées et des forums où s’exerce leur action » (Le Prestre, op. cit. : 107). Leur influence est

donc plus limitée (Arts, 1998)25

parce qu’elles sont confrontées à plusieurs obstacles tels que

le fait qu’elles sont obligées de faire alliance avec des États et que ce sont ces derniers qui

définissent leurs modes d’interventions.

Mais, quelques actions positives de ces ONG peuvent être citées. L’UICN qui est l’ONG

« emblématique » parmi toutes les autres, a notamment significativement influencé le fait que

« la définition de la conservation soit élargie aux questions de développement des populations

du Sud dans certaines conventions, comme celle de la conservation de la nature et des

ressources naturelles en Afrique » (Chartier et Ollitrault, 2005: 96). C’est aussi à elle qu’on

peut attribuer la paternité du développement durable (Le Prestre, op. cit.). C’est dire que

l’action des ONG « conservationnistes » est capitale. Ce sont elles qui ont en effet ont permis

25

Cité par Le Prestre, op.cit. : 112

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

54

que la dimension sociale soit désormais prise en compte dans les politiques de conservation

qui autrefois étaient « très rudes », car elles n’envisageaient que « la préservation pure ».

Toutefois, ces ONG n’agissent pas de façon isolée pour faire évoluer les politiques

environnementales, elles agissent en coalition avec d’autres différents types d’acteurs.

Dans plusieurs pays tropicaux, ces acteurs internationaux de la conservation ont plusieurs

partenariats et travaillent en synergie avec le public tout comme le privé. Beaucoup d’entre

elles sont si « puissantes » qu’elles agissent tant sur les scènes nationales qu’internationales ;

aussi, leur impact sur les politiques mondiales forestières et environnementales (dont les

zones tropicales) est très important. Pour illustrer l’implication et l’influence des ONG

internationales dans une zone appartenant au monde tropical, nous pouvons nous appuyer sur

l’analyse faite par Denis Chartier sur l’action de Greenpace en Amazonie, en prenant toutefois

certaines précautions : il demeure en effet « périlleux » de monter en généralité une seule

étude de cas. Il existe en effet un amalgame au sein du substantif « ONG » qui tend à prendre

en compte aussi bien les organisations non gouvernementales qui sont liées aux

gouvernements et dépendent d’elles et celles qui sont « juridiquement reconnues comme ONG

mais représentantes d’entreprises commerciales associées pour défendre un secteur industriel

particulier » (Chartier, 2005: 104). Mais dans tous les cas, Greenpeace est un bel exemple

pour montrer l’influence des ONG internationales sur les politiques forestières, même si, en

ce qui concerne les forêts tropicales elle est parfois confrontée à des contestations de la part

des autres ONG, lors des discours internationaux (Chartier, 2005).

Greenpeace s’est effectivement singularisé à partir de ses travaux sur les forêts primaires à

protéger, et particulièrement sur les forêts tropicales humides amazoniennes, auxquelles elle

consacre nombre de ses campagnes depuis le milieu des années 1990 jusqu’à nos jours. Dans

cette action, elle a deux batailles. D’abord, elle incite les gouvernements à s’engager dans une

« éco-certification », c’est-à-dire une politique qui permettra la cessation de « l’exploitation et

le commerce illégal des produits issus des forêts anciennes », ce qui amènera les

gouvernements à financer la conservation des forêts primaires. Ensuite, sa deuxième mission

est de favoriser au travers de la sensibilisation un moyen qui permet de se faire « des opinions

publiques » pour « influencer les principaux décideurs des politiques forestières ». Mais pour

y arriver cette ONG use de « discours manichéens » pour attirer l’attention sur « les

problèmes » mais sans parfois montrer « leur complexité » (Chartier, 2005). C’est par

exemple le cas avec l’emploi du substantif « forêt » dans ses travaux défini comme étant « des

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

55

forêts qui se sont établies grâce aux événements naturels et qui sont très peu touchés par

l’homme » (Greenpeace, 1991 : 1)26

. Cette démarche utilisée par l’ONG a pour principe de

montrer que l’état actuel des forêts est l’œuvre destructrice de l’homme. Or, cette manière de

faire ne tient pas en compte plusieurs paramètres tels que le processus de « coévolution » au

fil du temps, et fait qu’une ONG aussi importante et forte dans ses discours utilise « des

représentations simplistes » pour diffuser des phénomènes qui lui tiennent à cœur. De plus, il

a été démontré à travers « les travaux sur les peuples des forêts tropicales » notamment de

(Balée, 2005 ; Bahuchet et al., 2001)27

que l’homme peut être à l’origine d’un écosystème.

Donc ne plus le considérer seulement comme un « destructeur » mais aussi comme « un

créateur » permettrait de faire l’analyse sous un autre angle. Mais, si Greenpeace s’organise

tout comme une multinationale, et que la nature de ses discours est notamment ciblée sur un

public précis, comment ne pas s’interroger sur son influence sur les politiques forestières ?

Parce qu’étant peu influentes, d’autres organisations qui aimeraient aborder la question

autrement en tenant compte de « l’action anthropique » notamment manquent de crédibilité

auprès des bailleurs.

Toutefois, on peut tout de même percevoir l’action de l’ONG sur la forêt amazonienne.

L’enjeu de la déforestation a ainsi amené des ONG à l’instar de Greenpeace à s’intéresser à

cette zone. D’après un travail qu’elle a mené pendant trois ans, Greenpeace démontre que

« l'élevage bovin est responsable à 80 % de la destruction de la forêt amazonienne »28

. Ce

rapport fait donc passer le Brésil comme le quatrième pays émetteur des gaz à effet de serre

au travers de ses activités économiques « anarchiques », car il possède un grand « cheptel

commercial au monde ». Donc par ce rapport de Greenpeace il montre que « 90 % de la

déforestation annuelle en Amazonie est illégale » et résulte de « l’exploitation forestière

commerciale » (Greenpeace, 1998).

Pour mieux agir contre cette exploitation, afin d’obtenir des résultats attendus, Greenpeace a

travaillé avec « des groupes locaux brésiliens». Ainsi, par exemple pour protéger le mahogany

au travers de « la labellisation FSC (Forest Stewardship Council) », avec l’aide locale

Greenpeace a fait une contre-campagne face aux entreprises du bois. Notons que c’est le

marché anglais qui est le premier consommateur mondial du mahogany (Padua, 1997) et donc

26

Cité par Chartier, 2005 : 107 27

Idem. 28

D’après En Amazonie : http://www.greenpeace.org/france/fr/campagnes/forets/fiches-thematiques/en-

amazonie/

Page 57: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

56

l’action de Greenpeace était aussi de contraindre ce marché anglais. Cette contre-campagne a

eu un effet positif et s’est même étendue à l’ensemble de l’Europe. Ceci a donc permis au

gouvernement brésilien de publié dès 1996 « un moratoire de deux ans sur le permis

d’exploitation pour le mahogany et le virola en Amazonie (moratoire prolongé par la suite) »

(Chartier, op. cit. : 109). Finalement en 2000 l’action de Greenpeace commence à montrer des

signes positifs notamment avec le gouvernement anglais qui est contraint de garantir que do-

rénavant dans ses marchés, il ne fera usage que « des produits certifiés issus d’une gestion

durable ». Et en 2002, « le mahogany a aussi été protégé par son inscription en Annexe II de

la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore

sauvages menacées d’extinction) » (Idem). De plus l’influence de cette ONG a été perçue non

seulement sur les programmes politiques nationaux ou internationaux, mais aussi sur quelques

multinationales qui ont été amenées à « changer de politique » à « la demande des

consommateurs ». Ainsi, Ikéa qui est un groupe, qui occupe la première place dans

l’ameublement a pris l’engagement de n’utiliser que le bois provenant « des forêts gérées

durablement et certifiées par le FSC ». De même, le groupe Lapeyre, leader de la revente du

bois amazonien dans le marché européen a pris le même engagement en 2000 (Chartier,

2005).

Toutefois, c’est lorsque Greenpeace emploi ses « discours et propositions manichéens »

qu’elle est discréditée. Mais pourtant lorsqu’il s’est agit d’aider les populations de Porto de

Moz pour la création de la plus grande réserve extractiviste amazonienne, Greenpeace leur a

apporté son aide pour qu’elle soit reconnue par le gouvernement. En effet, sur le terrain

Greenpeace a fait preuve de soutien pour aider ces communautés locales « pour communiquer

et défendre leur projet en toute sûreté » (Chartier, op. cit. : 114). Même si la « représentation

divergente » que ces communautés et Greenpeace ont respectivement de cette réserve, fait que

pour les premiers cette réserve leur permet « de sortir de l’isolement » et de pénétrer dans la

« société de consommation », pour le deuxième, c’est-à-dire Greenpeace, cette réserve est

« une solution optimale de la préservation de la forêt ». On voit bien là que ces « acteurs

environnementaux » n’ont pas les mêmes priorités. De façon générale les ONG se définissent

par la rivalité.

2.2.2.2.2. Les ONG nationales

D’abord développées en Occident, les ONG sont apparues dans les pays du Sud où elles se

sont multipliées à partir des années 1990 (Demenet, 2001). Et aujourd’hui « pas moins de

Page 58: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

57

50 000 ONG seraient présentes dans les pays du Sud » (Canovas, 2008). De sorte qu’on parle

d’ « ONG du Sud ». Mais cette dénomination révèle d’une complexité qui s’est manifestée au

fil du temps pour aujourd’hui illustrer deux catégories. L’une composée uniquement

« jusqu’au début des années 1990 [des] ONG "intermédiaires" qui faisaient office d’"ONG

d’appui" » (Ryfman, 2004 : 54). L’autre catégorie est par contre composée « [des]

organisations locales, dont l’action est de portée nationale, [qui] sont venues se greffer » à

l’appellation d’ONG du Sud (Ibid.). Ces deux catégories se distinguent ainsi par « leur

provenance » (Canovas, 2008). Ce sont également des ONG qui naissent à cause « de besoins

concrets concernant une population donnée ou un secteur d’activité » (Canovas, 2008 : 105).

Les ONG dont « l’action est de portée internationale sont des antennes locales d’ONG du

Nord financées principalement par ces dernières auxquelles elles se rattachent ainsi que par

des bailleurs de fonds internationaux. Pour ces grandes ONG occidentales, l’idée est de se

développer dans un "monde multipolaire" ; ce développement se faisant en partie par

nécessité » (Zufferey, 2011 : 8). C’est à cette catégorie que se rattachent nombre d’ONG

internationales que nous avons analysées plus haut. Et c’est également dans ce cadre que

beaucoup d’entre elles agissent dans les pays du Sud, à l’instar des pays tropicaux. Mais il y a

aussi de l’autre côté, « celles dont l’action est de portée uniquement locale. Il s’agit alors

d’organisations associatives émanant de la société civile locale et faisant appel à des

bailleurs de fonds locaux. Dans ce cas, ce sont des structures relativement indépendantes par

rapport aux protagonistes du Nord » (Idem). C’est sur ce deuxième groupe que nous allons

cette fois nous focaliser. Mais il arrive aussi que nombre d’ONG locales ou nationales

reçoivent des aides financières provenant des bailleurs de fonds des pays développés. Le

problème de financement est en effet le problème récurrent des ONG du Sud ce qui les rend

dépendantes (Zufferey, 2011). Sauf quelques unes de ces ONG dans certaines régions du Sud

parviennent à trouver des fonds locaux « auprès de donateurs locaux (riches entrepreneurs,

propriétaires terriens, commerçants, professions libérales, classes moyennes émergentes,

entreprises) » (Ryfman, op.cit.: 55).

Cet ensemble d’acteurs agissant loin du cadre de l’État et du commerce forme la société

civile. Lorsqu’on parle en effet de société civile on voit d’abord les ONG et les mouvements

populaires (Zufferey, op.cit.). Toutefois ce substantif se réfère à une hétérogénéité d’acteurs

qui se présentent comme des contre-pouvoirs des gouvernements. Ainsi, la multitude des

conceptions sur la société civile permet d’illustrer quelques représentations de la société

Page 59: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

58

civile : « les définitions sont multiples : associations, tiers secteur, acteurs non étatiques,

organisations non gouvernementales, secteur non lucratif » (Planche, 2007 : 8). Mais la

Banque mondiale a élargi sa définition à un ensemble représentatif d’acteurs. On peut

toutefois considérer que la société civile est un « ensemble des individus et des groupes,

organisés ou non, qui agissent de manière concertée dans les domaines social, politique et

économique, et auxquels s’appliquent des règles et des lois formelles ou informelles. »

(Brodhag et al., 2009 : 209). Toutefois, la plupart du temps il se crée des partenariats entre

l’État, le secteur privé et la société civile (Zufferey, op.cit). Ce qui fait que « les ONG du Sud

reçoivent environ dix milliards de dollars par l’intermédiaire des gouvernements, des organes

de l’ONU, des fondation privées et des ONG internationales » (Premchander, 2005 : 15).

Ce constat fait sur l’ensemble des ONG du Sud est également valable pour les ONG locales

ou nationales environnementales se trouvant dans les pays tropicaux. Pour recevoir un

quelconque financement ces ONG doivent remplir certaines conditions et c’est surtout dans

les domaines de « l’égalité des sexes ou à la préservation de l’environnement » que l’on

constate plusieurs conditionnalités de financement (Demenet, 2001). C’est pourquoi plusieurs

ONG du Sud (internationales, locales ou nationales) spécifient leurs champs d’actions

beaucoup plus vers l’aide au développement. Mais, actuellement ce sont plutôt « la

préservation de l’environnement et la défense des droits humains [qui] prennent de

l’importance » (Ryfman, 2004). Ce sont plus précisément les ONG nationales agissant dans le

domaine de la protection de la nature qui nous intéresse.

Cet exemple de Greenpeace longuement cité précédemment a montré l’influence que peut

avoir une ONG internationale importante dans les décisions gouvernementales ou

internationales ou encore auprès des acteurs économiques. Mais les défaillances que l’on peut

observer au sein des ONG internationales montrent aussi leurs contradictions sur les

politiques forestières tropicales (Chartier, 2005). Ainsi, il y a besoin d’efficacité de la part

d’autres acteurs environnementaux que sont les ONG nationales, pour que des politiques

efficaces soient adoptées dans le monde tropical, en vue de meilleurs résultats.

Il est clair que les ONG internationales de grande envergure présentes dans les pays du Sud

dont le financement, les performances ainsi que l’expérience sont de qualité, soient plus

influents sur le terrain. Leurs actions sont notamment nettement visibles, contrairement à

celles des ONG nationales. Greenpeace en est un exemple. « Grâce à sa grande maîtrise des

outils de communication contemporains, grâce aux importants moyens de transport dont elle

Page 60: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

59

dispose, grâce à la cohésion du groupe et à l’internationalisation de ses activités,

l’organisation peut agir simultanément, à tout moment et n’importe où sur la Terre »

(Chartier, op. cit. : 4). Avec l’apport des ONG internationales expérimentées, les ONG

nationales dans les pays tropicaux en dépit des difficultés auxquels elles sont confrontées

procèdent à la sensibilisation, à l’éducation et à la formation des concitoyens dans le domaine

de l’environnement.

2.2.2.3. Les autres acteurs de la conservation (administrations publiques, les entreprises

privés et les populations locales)

Dans cette partie, nous évoquerons trois autres types d’acteurs différents qui agissent aussi

pour protéger l’environnement. Le fait que nous les avons regroupés dans cette partie ne

signifie pas qu’elles œuvrent de la même manière. Mais nous avons juste voulu différentier

leurs actions des ONG (nationales et internationales), pour voir si elles sont significatives.

2.2.2.3.1. Les administrations publiques

Les administrations publiques sont celles qui agissent au compte des gouvernements et donc

des pays dans lesquels elles sont. L’INSEE les définit comme étant l’« ensemble des unités

institutionnelles dont la fonction principale est de produire des services non marchands ou

d’effectuer des opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales. Elles tirent

la majeure partie de leurs ressources de contributions obligatoires. Le secteur des

administrations publiques comprend les administrations publiques centrales, les

administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale »29

.Il peut

toutefois exister des différenciations dans l’organisation étatique de chaque pays du monde

tropical, mais tous les pays tropicaux rencontrent cependant presque les mêmes problèmes

environnementaux.

En effet, il a été remarqué que la déforestation accrue que connaissent les pays tropicaux est

un « facteur historique » qui résulte du « non respect des lois du secteur forestier et de la

faible gouvernance vis-à-vis des ressources forestières » (Blaser, FAO et OIBT, 2010 : 8).

Faire donc appliquer ces lois et instaurer leurs gouvernances est le principal défi des

29

http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/administrations-publiques.

Page 61: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

60

administrations des pays tropicaux. Ainsi, les gouvernements des pays tropicaux font face aux

« délits forestiers » qui se manifestent par « l’ignorance des règles et des règlements aux

pratiques frauduleuses, en passant par l’abus de pouvoir et l’exploitation et le commerce

illégaux des produits » (Idem : 4). C’est pour cette raison que ces gouvernements participent à

plusieurs activités (forums et processus internationaux) dans l’optique de trouver des solutions

au non respect des lois forestières et à leur gouvernance, sans lesquelles les politiques

environnementales auront du mal à avoir du succès dans le monde tropicale. Mais ces lois ne

sont pas identiques dans l’ensemble des pays tropicaux. Nous voyons dans le tableau ci-après

l’état de ces lois dans les différentes régions tropicales.

Tableau 1 : Évaluation conjointe des principaux éléments contribuant au manque de

conformité aux lois forestières dans les cinq régions

Afrique

Centrale

Afrique de

l’Ouest

Bassin

amazonien

Méso amerique Asie du Sud

Est

Incohérences des

politiques/ cadre

législatif

Identifié comme

obstacle

important

Identifié-

comme

obstacle

important

Les politiques

et le cadre

législatif

doivent être

harmonisés

Identifié comme

obstacle

important

Identifié comme

obstacle

important

Capacité

d’application

insuffisante

Capacité limitée

(formation,

financements)

Identifié

comme

obstacle

important

Les institutions

doivent être

renforcées

Identifié comme

obstacle

important

Manque de

surveillance

indépendante,

carence de

financements

Manque de

données,

d’informations,

de connaissances

Informations

généralement

non disponibles

Identifié

comme

obstacle

important

Identifié

comme qualité

requise

importante

pour la GFD

Manque

d’informations

surtout au

niveau

communautaire

Identifié comme

obstacle

important

Corruption Mentionné par

certains pays

Identifié

comme

obstacle

important

Non identifié

en tant que

problème

Mentionné par

certains pays

Interférence

politique

reconnue

Distorsion du

marché

Considéré

comme

problème par

les exportateurs

de bois

Problème au

niveau régional

Non identifié

en tant que

problème

Approche

régionale

nécessaire

Non identifié en

tant que

problème

Source : FAO et OIBT, 2010

Ce tableau montre que chaque région du monde tropical a ses menaces et ses défis. Ainsi, en

ce qui concerne l’Amazonie, ce sont le problème foncier (propriété et utilisation du sol) et la

déforestation qui, produisant une « insécurité juridique », sont des handicaps au respect des

lois forestières. En effet « les restrictions d’accès aux ressources forestières imposées par la

Page 62: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

61

législation favorisent les comportements illicites » (Blaser, FAO et OIBT, 2010 : 12). En

Afrique centrale par contre le non respect des lois forestières se manifeste chez tous les

acteurs de la société (administrations, populations, sociétés). Mais il existe une forte

différence entre les pays d’Afrique centrale qui sont beaucoup plus portés vers l’exploitation

forestière à cause de l’importance des ressources forestières et ceux à « couvert forestier peu

réduit », par rapport à la « conformité aux lois forestières ». Dans les pays où la forêt est peu

dense, la pression démographique favorise une forte exploitation forestière illégale. Il y existe

également une absence d’organisation dans les branches du gouvernement (législatif, exécutif

et judiciaire). De façon générale, dans les pays d’Afrique centrale, les hommes politiques sont

très peu engagés dans les politiques forestières.

Il est vrai que ces dernières années, face aux enjeux climatiques, les gouvernements des pays

tropicaux font des efforts considérables pour rendre concrètes les politiques

environnementales et pour matérialiser les accords et conventions qu’ils ont conclus à

l’international. Il y a cependant de gros handicaps de tout ordre qui entravent le respect à

l’environnement. C’est pourquoi, les ONG revendiquent un « renouveau cosmopolitique de la

politique et de l’État » (Beck, 2003 : 13) en devenant elles-mêmes « les principaux

promoteurs d’un abandon nécessaire de l’optique nationale » (Chartier, 2005a : 333). En

effet lorsqu’elles sensibilisent et dénoncent, les ONG contribuent à l’établissement « d’un

renouveau de la politique » auprès de tous les acteurs de la société (individus, gouvernements,

entrepreneurs commerciaux). Ainsi le défi des ONG devient de penser le monde en

considérant la singularité.

L’absence de volonté politique dans plusieurs de ces pays tropicaux se présente aussi être un

réel handicap à l’application des lois forestières ainsi qu’à leur gouvernance. Ainsi, les cadres

législatif et institutionnel incohérents et faibles, la corruption observée dans le secteur privé

tout comme dans les institutions gouvernementales, les anomalies du marché des produits

ligneux, ainsi que l’absence d’informations concernant les ressources forestières, sont autant

de problèmes qui limitent l’avancée des politiques environnementales dans les pays tropicaux.

Devant ces problèmes les gouvernements des pays tropicaux doivent agir au plus vite afin

d’éviter toutes les conséquences que cela génère dans le social, l’économie et dans

l’environnement.

Page 63: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

62

2.2.2.3.2. Les entreprises privées

Les gouvernements sont les principaux propriétaires des forêts dans la majorité des pays

tropicaux. Ainsi, pour que des entreprises privées entreprennent des activités d’exploitation de

bois, il faudrait qu’elles disposent des concessions. En effet, dans plusieurs tropicaux,

l’exploitation de bois se présente comme une importante source de revenus, c’est pour cela

que les gouvernements « continuent à accorder d'importantes concessions en deçà de leur

prix de marché » (Butler, op.cit). Ainsi, une étude faite par (FAO, WRI, 2005) montre que les

petites et moyennes entreprises (PME) forestières dans les pays tropicaux sont « les plus gros

employeurs dans le secteur du commerce national et international des produits de bois »

(Molnar et al., 2005 : 11). En Inde par exemple, ces PME représentent 95 % des activités

forestières (Saigal and Bose 2003) et en Ouganda, la grande majorité des PME forestières sont

des micro-entreprises, ainsi le total de ces PME s’élève à 511 530 (Auren and Krassowska,

2003). Cela montre la place importante qu’occupe l’activité forestière dans nombre de pays

tropicaux. Elle reste capitale pour l’économie locale et nationale. Mais la foresterie est

également utile à l’économie mondiale où elle participe à 2 % dans le PIB mondial et révèle

3 % du commerce international (Butler, op.cit.).

Les entreprises forestières sont confrontées à deux contraintes auxquelles elles doivent faire

face : les lois forestières locales qu’elles doivent respecter, et les contraintes que leur impose

le marché international (« exigences croissantes en matière de traçabilité, nouveaux marchés

"verts"… ») (Guéneau, 2004). C’est pour quoi les entreprises forestières participent aussi aux

politiques environnementales qui ont cours dans les pays dans lesquels elles sont implantées.

C’est aussi aux gouvernements de ces pays de veiller à ceux que ces acteurs respectent les lois

et politiques arrêtés pour la protection des forêts.

Si pour les gouvernements des pays tropicaux, le développement économique au travers des

ressources forestières est très important, pour les pays développés par contre, conserver les

biens et services écologiques issus des forêts tropicales est essentiel. Toutefois les enjeux

économiques entravent la gestion durable des forêts tropicales. C’est pour cette raison que

l’Aménagement durable des forêts de production (ADF) est l’outil pour permettre aux

différents acteurs qui ont des intérêts opposés de parvenir à gérer durablement les espaces

forestiers tropicaux. « Pourtant, force est de constater que cet outil peine à percer dans les

pays tropicaux. L’une des raisons évoquées concerne la prise en charge du coût de

l’aménagement par l’exploitant privé, dans des pays où les systèmes de gouvernance sont

Page 64: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

63

faibles, où la concurrence avec des opérateurs parfois peu scrupuleux est posée et où les

risques de l’investisseur sont élevés » (Guéneau, op.cit.). Mais les décisions prises par les

gouvernements des pays tropicaux notamment à Rio de Janeiro sur le développement durable

des forêts tropicales ont obligé ces gouvernements à mettre en place des réformes forestières.

En effet, l’une des actions de ces reformes est d’ « améliorer le rôle de la fiscalité comme

instrument de la gestion durable des forêts tropicales » (Idem). Ces réformes ont toutefois

favorisés des débats importants, car le « coût des externalités environnementales » mis en

place par l’ADF peut plutôt favoriser le développement de l’exploitation illégale des bois des

forêts non aménagés au détriment des bois des forêts sous aménagement.

Dans cet ordre d’idées, l’organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) pour atteindre

l’ADF dans les pays membres tropicaux, avait appuyé une étude « sur la gestion des forêts de

production de bois » depuis 1987, mais elle va élargir au fil du temps la portée de son étude

qui visera tous les objectifs par rapport à la GDF30

(Blaser, et al., 2001). Parmi les 65 pays

tropicaux dans lesquels se trouvent la grande majorité des forêts tropicales fermées31

, 33 sont

membres de l’OIBT et l’ensemble de leur superficie représente 85 % de la superficie totale

des 65 pays tropicaux réunis. Ainsi, dans certains pays, « la production de produits certifiés »

ainsi que sa valeur élevée permettrait dans un premier de temps de bénéficier de cette mesure

et dans un second d’ « assurer un avenir viable au secteur des bois tropicaux provenant de

forêts naturelles» (Blaser et al., 2001 : 29). De plus sur le marché des consommateurs de

nouvelles législations sont élaborées et appliquées pour donner la crédibilité aux produits

ligneux des forêts sous-aménagement. Malgré la divergence des données dans les estimations,

constatée à la FAO ou au PNUE-WCMC, mais dont les conclusions sont plus ou moins

convergentes, l’OIBT considère que « Dans l’ensemble, on estime que 131 millions

d’hectares du DFP (domaine forestier permanent)32

de production en forêt naturelle font

30

L’OIBT (2005) considère que la DGF est un « processus consistant à aménager des terres forestières

permanentes en vue d’un ou de plusieurs objectifs de gestion clairement définis concernant la production

soutenue de produits et services forestiers désirés sans excessivement porter atteinte à leurs valeurs intrinsèques

et leur productivité future et sans entraîner trop d’effets préjudiciables à l’environnement physique et social. ».

Dans cette définition, l’OIBT ne tient pas compte des forêts localisées dans les aires protégées intégrales. 31

L’OIBT définit une forêt fermée comme « une forêt dont le couvert arboré couvre 60 % ou plus de la surface

au sol, projeté verticalement ». 32

Pour l’OIBT les pays doivent constituer un domaine forestier permanent qu’elle définit comme étant les

catégories de terres (publiques ou privées) qui « comprennent des terres affectées à la production de bois et

autres produits forestiers, à la protection des sols et de l’eau et à la conservation de la diversité biologique, ainsi

que des terres qui ont pour objectif de remplir une combinaison de ces fonctions ». En effet, ces terres « doivent

être garanties par la loi et conservées sous couvert forestier permanent ». Ainsi, l’OIBT distingue deux types de

DFP : le DFP de production qui prend en compte les forêts naturelles et les forêts plantées quantifiées

distinctement ; et le DFP de protection est « la superficie de forêt située à l’intérieur des aires protégées

Page 65: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

64

l’objet de plans d’aménagement, soit 35 millions d’hectares de plus depuis 2005» (Idem)). Il

est donc constaté qu’entre 2005 et 2010 le DFP de production a augmenté sa superficie de

production en forêt naturelle dans chaque région des pays tropicaux. Ce qui signifie que dans

ces régions la superficie de forêt certifiée a augmenté, montrant une progression de 63 %.

C’est notamment en Afrique que cette hausse s’est faite le plus remarquer avec une forêt

certifiée passant de 1,48 million à 4,63 millions d’hectares, ce qui a triplé la superficie.

Toutefois cette hausse constatée n’exclut pas le fait que dans certains pays comme la Bolivie

ou le Mexique la surface de forêt certifiée a diminué.

Quant au DFP de protection, « en 2010, la superficie estimée du DFP de protection dotée de

plans d’aménagement forestier (51,9 millions d’hectares) est nettement plus élevée que

l’estimation de 2005 (17,8 millions d’hectares) » (Ibid.: 31). Par ailleurs, les concepts de

REDD ou mieux REDD+ qui en 2005 étaient encore balbutiants dans les débats en ce qui

concerne les forêts tropicales, se voient dorénavant constituer des programmes englobant des

actions en faveur du développement, dans le but que les forêts tropicales jouent leur rôle

d’atténuateur et d’adaptateur du changement climatique.

Même si la politique internationale concernant la gestion des forêts tropicales a largement

évolué (OIBT, 2011) au point que l’on observe des efforts afin d’aboutir à la GDF dans le

monde tropical, il subsiste encore de gros handicaps pour que cette GDF soit au point. En

effet, certains pays membres de l’OIBT (tels que RDC, Cambodge, Guatemala) connaissent

encore des difficultés d’ordre institutionnel pour aboutir à une GDF. Force est de constater

que dans nombre de pays tropicaux l’exploitation illégale des ressources forestières reste

encore dominante en dépit des lois forestières qui existent. En effet, « une forme

particulièrement importante de corruption concerne l’allocation des droits d’utilisation des

forêts, notamment pour les licences d’exploitation forestière et l’octroi des concessions. De

plus, les fonctionnaires chargés de faire respecter les lois étant peu ou irrégulièrement payés,

ils pourraient être tentés d’arrondir leurs fins de mois de façon illicite. Des pouvoirs

discrétionnaires excessifs et le manque de mécanismes pour la résolution des différends et des

conflits peuvent aussi conduire à la corruption » (Blaser, FAO et OIBT, 2010 : 11).

désignées, où la production de bois et autres formes d’exploitation des ressources telles que l’exploitation

minière ou la chasse commerciale ne constituent pas des affectations légales des terres ».

Page 66: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

65

2.2.2.3.3. Les populations locales, l’exemple des EFC

Les populations locales participent aussi à la protection de l’environnement. Autrefois exclues

ou moyennement inclues, les populations locales forestières avec la contribution des ONG ont

été ces derniers temps amplement sollicitées.

Les peuples forestiers dépendent majoritairement des biens et services des forêts. Ils les

consomment puis vendent les produits forestiers pour subvenir à leurs besoins. En outre, les

populations forestières peuvent bénéficier de « quelques retombées » dues aux activités

forestières. Dans la même optique, à cause de ces activités elles peuvent aussi profiter des

biens publics (routes, infrastructures). Tout comme les autorités locales, elles peuvent parfois

percevoir « une partie des redevances forestières versées par les entreprises » (Guéneau,

op.cit.). Depuis des temps immémoriaux, les populations forestières participent à

l’aménagement et à la protection des forêts. Avec les réformes foncières ainsi que « les

transferts de compétences aux échelons locaux » qui ont eu lieu depuis un moment, nombre

de ces populations se voient devenir propriétaires de multiples petites entreprises forestières

dont elles-mêmes sont les exploitants. C’est dans cet ordre que dans les pays tropicaux

apparaissent les Entreprises forestières communautaires (EFC). Ces EFC sont en effet une

sorte de PME en expansion dans ces pays. Les EFC sont ainsi « une source principale ou

complémentaire de revenus pour des millions de personnes habitant les massifs forestiers »

(OIBT, 2007). Elles emploient donc plusieurs personnes en les aidant à améliorer leurs

conditions de vie.

Les EFC montrent aujourd’hui plusieurs « atouts incomparables » dans le monde rural

tropical, même si elles sont confrontées à des difficultés qui limitent leurs actions (Molnar et

al., 2005). Ces EFC favorisent ainsi la gestion communautaire des forêts. Cette gestion

encourage d’une part l’économie rurale et d’autre part la conservation des forêts.

Contrairement à l’industrie privée, la gestion communautaire des forets à travers ces

entreprises produit plusieurs biens et services environnementaux. Elle assure notamment la

création d’emplois, et favorise la cohésion, l’équité et même l’investissement sociaux, utiles

au développement rural. Parce que les populations forestières voient les valeurs économiques

des ressources forestières qu’elles se présentent aussi comme des acteurs importants à la

préservation des forêts dans les milieux à forte biodiversité. « C'est ainsi que nombre d'entre

elles visent à développer des liens de marché et des lignes de production pour les essences

dites secondaires dans un souci de préserver sur le long terme la biodiversité et la santé

Page 67: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

66

écologique de leurs forêts » (Molnar et al., 2005 : 63). Pour y arriver, elles font référence à

leurs connaissances traditionnelles. La plupart des activités des EFC se focalisent de 10 à

50 % sur l’exploitation du bois et des produits non ligneux. Mais pour les des anciennes EFC,

elles ont su diversifier leurs activités (Idem).

La contribution des EFC dans la conservation de la biodiversité dans les pays tropicaux est

importante. Parce qu’elles multiplient les meilleures manières de protéger leurs ressources

forestières que par exemple « elles s’investissent pour réduire les risques de feux de forêt »

(Molnar et al., op.cit.: 8). Elles sont encouragées dans leur processus par l’OIBT sous la

demande de l’Accord international sur les bois tropicaux. Dans ce sens, « L’organisme The

Rights and Resources Initiative (RRI) est une nouvelle coalition mondiale d’organismes

communautaires, de conservation et de recherche ayant pour vocation de favoriser les

réformes des régimes fonciers appliqués aux forêts et celles des politiques publiques et

commerciales qui s’y rattachent, cela dans l’intérêt du développement social et de la

conservation de la nature » (OIBT, 2007). Enfin, l’action des EFC dans les pays tropicaux

engendre des avantages sociaux et environnementaux. Ce sont alors des partenaires de la

gestion environnementale à considérer. Elles reçoivent des aides techniques et financières

extérieurs, de l’Etat, des ONG et des bailleurs de fonds internationaux et donc sont soumises à

certaines contraintes de leur part. Mais dans les pays où il n’existe pas encore de véritables

révisions du foncier ou dans lesquels les politiques ne favorisent pas la gestion

communautaire forestière, les EFC ont du mal à émerger. Dans le tableau qui suit nous

pouvons apprécier l’apport des EFC par région en matière de conservation.

Tableau 2 : Comparaison entre les superficies forestières conservées par les

communautés et les aires publiques protégées Région Forêts

conservées par

des

communautésa

(’000 ha)

Superficies

forestières en

2000b

(FAO/

WCMC)

(’000 ha)

Forêts dans

des aires

publiques

protégéesb

(’000 ha)

Pourcentages

de forêts

conservées par

des

communautés

Pourcentage

de forêts dans

des aires

publiques

protégées

Afrique 33 650 76 5,7 11,7 Asie 156 548 50 28,5 9,1 Amérique du sud 155 886 168 17,5 19 Mexique/Amérique

centrale 26 60 12 30 12

Monde 370 3 869 479 9,7 12,4 Sources :

Molnar et al., 2005

FAO, 2001 ; statistiques pour le Mexique/ l’Amérique centrale extrapolées à partir des données pour l’Amérique du

Nord

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

67

Comparablement aux investissements des bailleurs de fonds internationaux et des

gouvernements, les communautés d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique investissent

considérablement dans les aires protégées. Si dans certains pays tropicaux, les EFC se

développent malgré quelques difficultés et parviennent même à lutter contre l’exploitation

illicite (Molnar et al., 2005), dans d’autres par contre, ils sont confrontés à d’énormes

difficultés tant financières que techniques et foncières. Dans d’autres cas la pauvreté continue

de grandir en milieux ruraux fragilisant ainsi les populations rurales ainsi que leur

environnement.

2.2.3. La conservation dans les sociétés tropicales

Généralement lorsqu’on parle d’aire protégée, on fait allusion à un espace biologique donné,

délimité, ayant un statut bien particulier, qui se singularise par sa qualité de faune ou de flore

aquatique ou non, susceptible de favoriser le tourisme naturel. Elle entre ainsi dans la liste des

territoires hautement surveillés de l’État. Pour l’UICN (1994 : 95), une aire protégée est une

« portion de terre et/ou de mer vouée spécialement à la protection et au maintien de la

biodiversité biologique, ainsi que des ressources naturelles et culturelles associées, et gérées

par des moyens efficaces, juridiques ou autres ». Mais cette définition ainsi donnée est

incomplète et ne montre pas tous les aspects que devrait prendre en compte une aire protégée

(Héritier et Laslaz, 2008). Dans cette définition on ne voit pas son appartenance à un

territoire, il n’est pas clairement mentionné les contextes politiques et culturels, ainsi que

touristique. Or ce dernier a été l’un des arguments qui a favorisé la création des premiers

parcs nationaux américains tels que Yellowstone.

Ces mêmes auteurs donnent néanmoins une définition à l’aire protégée qui pourrait satisfaire

même le géographe : « Une étendue délimitée, bornée (les limites sont matérialisées sur le

terrain), pouvant comporter plusieurs « zones » indiquant un gradient de mise en valeur et au

sein desquelles les pouvoirs publics décrètent des mesures de protection (paysages,

patrimoine sous diverses formes, faune, flore dans leur globalité ou autour d’une espèce en

particulier), en s’appuyant sur des législations et des réglementations, parfois spécifiques à

chaque "zone" » (Héritier et Laslaz, op. cit. : 14). Par là, ils montrent que la création d’un

espace protégé résulte d’un choix politique déterminant une politique publique

d’aménagement du territoire. C’est un concept qui fait intervenir plusieurs disciplines qui

traitent de l’espace (la géographie, l’écologie), des disciplines qui étudient la société et son

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

68

organisation (le droit, la sociologie, l’anthropologie, l’histoire) et d’autres sciences

biologiques.

Cependant la conception de l’aire protégée a évolué dans le temps et dans l’espace. En 2003,

un directeur33

en charge du recensement des aires protégées pour le compte des Nations unies

affirmait : « les aires protégées semblent être un phénomène nouveau du point de vue

historique. Il se trouve cependant que le souci de protéger et de préserver des régions à

ressources uniques et des sites sacrés a suscité l'enthousiasme humain depuis des millénaires.

En 252 BC, l’empereur Asoka en Inde a établi des aires protégées pour mammifères, oiseaux,

poissons et forêts. C’est le premier cas connu de protection financé par l’État ». Mais depuis

l’Antiquité les connaissances déjà acquises en biologie en ce temps là renseignaient sur la

faiblesse de certaines espèces animales et végétales. En somme, l’évolution du concept vient

de l’écologie évolutive (1949) qui a hérité des fondements philosophiques, culturels,

scientifiques, religieux, et même spirituels de plusieurs civilisations du monde, depuis les

temps ancestraux.

Selon la diversité des politiques écologiques, sont nées également une diversité de

dénominations d’aires protégées suivant les buts de gestion. Ainsi on dénombre plus de

100 000 aires protégées dans le monde depuis la création du parc national de Yellowstone en

1872 (UICN). C’est ce qui a conduit l’UICN à standardiser une classification des aires

protégées à laquelle se référeraient tous les pays. « Cette classification sert de nombreux

objectifs, parmi lesquels : •faciliter la planification des aires protégées, •encourager les

gouvernements à développer un éventail d’objectifs de gestion adaptés aux conditions

nationales et locales, •faciliter les comparaisons entre pays, •réglementer les activités en

fonction des objectifs de gestion de l’aire protégée »34

. En conséquence, selon le « degré de

naturalité » sont établies plusieurs catégories d’aires protégées (Héritier et Laslaz, 2008).

L’UICN en retient six en 1994 :

- Catégorie I : Réserve naturelle intégrale/Zone de nature sauvage : aire protégée

gérée principalement à des fins scientifiques ou de protection des ressources sauvages,

- Catégorie II : Parc national : aire protégée gérée principalement dans le but de

protéger les écosystèmes et à des fins récréatives ;

33

« Stuart Chape, directeur de la compilation des listes des aires protégées des Nations unies dans son discours

lors de l’ouverture du Congrès de Durban le 8 septembre 2003, in Rapport de la Commission Mondiale des

Parcs 2003 (CMP) », cité par Wafo Tabopda, 2008. 34

http://www.uicn.fr/IMG/pdf/Espaces_proteges-Partie-7.pdf

Page 70: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

69

- Catégorie III : Monument naturel ; aire protégée gérée principalement dans le but

de préserver des éléments naturels spécifiques ;

- Catégorie IV : Aire de gestion des habitats ou espèces ; aire protégée gérée

principalement à des fins de conservation, avec intention au niveau de la gestion ;

- Catégorie V : Paysage terrestre ou marin protégé : aire protégée gérée

principalement dans le but d’assurer la conservation de paysages terrestres ou marins et à

des fins récréatives ;

- Catégorie VI : Aire protégée de ressources naturelles gérées : aire protégée gérée

principalement à des fins d’utilisation durable des écosystèmes naturels.

Ce sont ces catégories d’aires protégées qui permettent d’établir d’autres types de

conservation telles que les réserves de chasse, les réserves de faune, les réserves forestières,

les forêts classées, les sites protégés, les réserves écologiques, les refuges fauniques, les zones

d’exploitation contrôlée (ZEC), etc., selon les objectifs de gestion à atteindre. Parmi les types

d’aires protégées existants, les parcs nationaux ont toujours occupé une place particulière

(Héritier et Laslaz, 2008). Tout comme l’aire protégée, les parcs nationaux ont aussi une

définition limitée.

« À la différence d‘autres formes d’aires protégées, les pars nationaux méritent leur épithète

dans la mesure où ils disposent, en quelque sorte, d’un supplément d’âme. En raison de la

place qu’ils occupent dans la construction des États ou du rôle que ces derniers leur

assignent, certains parcs sont considérés comme de véritables icônes d’un territoire national,

soit parce que les parcs servent à la préservation d’espèces désormais rares, telles que les

tigres du parc national de Virachey (332 500 ha, Cambodge), les chimpanzés du parc

national de Gombe (52 000 ha, Tanzanie), l’antilope du Tibet ou le panda en Chine (G.

Giroir), ou les ongulés sauvages alpins spécifiques comme les paysages de plaine dans les

Pays d’Europe Centrale et Orientale ou en Russie, des paysages culturels tels que ceux

représentés par les moai de l’Île de Pâques » (Ibid.: 20). De même, contrairement aux autres

aires protégées, les parcs nationaux disposent d’un « statut plus précis », même si là aussi on

peut remarquer des incertitudes dans la gestion de la nature.

Le parc national étant une sous-catégorie des aires protégées : « il désigne généralement un

espace jouissant d’une protection forte, dans lequel aucun établissement humain n’est

autorisé et aucune activité n’est permise, à l’exception du tourisme et de la recherche

scientifique » (Ibid.: 34). Telle est la « définition générique » que donne l’UICN en 1994. Or

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

70

en 1992, l’UICN encourageait à chaque pays de convertir au moins 10 % de sa forêt en parc

national ou en d’autres formes d’aires protégées (Costanza Torri, 2005). C’est pourquoi en

1997 le WWF s’évertua à démonter et à exiger à toutes les nations réunies la prise en compte

immédiate de la création des parcs nationaux dans chaque pays comme « une ordonnance

prescrite » à suivre. Ainsi en 1998 un accord35

appelé WWF-World Bank Alliance for Forest

Conservation and Sustainable Use, fut conclu entre le WWF et la Banque mondiale. Cet

accord a davantage favorisé la diffusion de l’établissement des parcs nationaux dans le

monde, mais dont la véritable internationalisation s’est faite à partir des années 1970. Or,

entre 1870 et 1930, le parc national a été spécifique à l’Amérique du Nord (Héritier et Laslaz,

2008).

C’est donc face à « l’institutionnalisation des politiques internationales d’environnement et à

la globalisation des approches de l’écologie scientifique» (Héritier et Laslaz, op. cit. : 41) que

de nombreuses aires protégées à l’instar des parcs nationaux naîtront dans plusieurs pays

sous-développés dont les pays tropicaux. Toutefois, plusieurs pays tropicaux dont les pays

d’Afrique subsaharienne ont vu naître dans leurs territoires des parcs nationaux à partir des

années 1930 sous l’impulsion des administrations coloniales. Mais l’institutionnalisation des

politiques environnementales à l’aide des conventions et accords signés lors des

assemblements internationaux, n’a fait qu’ajouter des nouveaux parcs nationaux à ceux qui

existaient déjà dans certains de ces pays d’une part, et a permis de créer de nouveaux parcs

dans les pays qui n’en disposaient pas d’autre part.

L’acceptabilité des aires protégées par les populations locales a toujours été un point délicat

de cette politique : en effet, ces aires limitent les droits des populations (et des propriétaires)

sur les surfaces classées. Les conflits en Europe ont été nombreux et continuent à faire

l’actualité de la presse. Dans les pays du Sud, et plus particulièrement les pays tropicaux, la

situation peut être bien pire dans la mesure où ces parcs touchent des populations nombreuses

et entièrement dépendantes d’activités extractives. Cela peut provoquer d’importants

bouleversements sociaux.

35

Costanza Torri (2005 : 22) décrit par trois objectifs à atteindre l’accord conclut entre les deux : « 1. promouvoir

l’établissement d’un réseau d’aires protégées écologiquement représentatif couvrant au moins 10 % des

différents types de forêts existant au monde d’ici l’an 2000 ; 2. établir 50 millions de nouvelles aires forestières

protégées dans les pays d’intervention de la Banque ; 3. mettre 200 millions d’hectares de forêts de production

sous aménagement durable, certifié de manière indépendante, d’ici 2005 ».

Page 72: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

71

Dans les parcs nationaux, qui sont une catégorie plus restrictive d’aire protégée, les

gouvernements ont procédé à la délocalisation des populations locales pour la création des

parcs nationaux. Ainsi, les Mongondow ont été expulsé du parc national Dumoga-Bonc de

Sulawesi, en Indonésie pour gagner les coteaux (Costanza Torri, 2005). « Les derniers

représentants du peuple aborigène Sri-lankais, les Védas, ont été expulsés du parc national

Madura Osa, lors du démarrage du programme de développement du Mahaweli. Alors qu’ils

réclamaient la reconnaissance de leurs droits territoriaux depuis au moins 1970, les Védas

ont été obligés d’abandonner leurs terres après l’inscription du parc au Journal Officiel en

1983. Les Védas, qui vivaient traditionnellement de chasse, de cueillette et complétaient leur

subsistance par l’essartage, eurent le plus grand mal à s’adapter à une vie sédentaire »

(Ibid. : 26). Dans le même ordre d’idées, au Rwanda, Ouganda ou en République

Démocratique du Congo (RDC), les pygmées Batwa furent délogés de leurs territoires pour la

création des parcs nationaux en vue de protéger les gorilles des montagnes.

Ces expulsions ont été souvent faites dans des conditions catastrophiques, sans indulgence ni

mesures atténuantes pour les populations présentes. C’est parfois pour montrer à ces « peuples

indigènes » qu’ils doivent changer de comportement, de mode de vie, qu’ils doivent

désormais respecter la nature que de telles actions sont menées. On n’oublie cependant que

ces peuples qui habitent ces milieux que nous trouvons aujourd’hui « naturels » et qui doivent

être protégés pour telle ou autre raison existent parce que justement ces peuples les ont

conservés. Comment ? Dans tous les cas c’est de notre société dite « civilisée » qui au travers

de la nouvelle technologie détruit plusieurs milliers d’hectares de forêt au nom du

développement. Alors que les peuples des forêts entretiennent d’autres liens avec la nature

que nous ne connaissons pas toujours, même si, ils tirent d’elle leur existence (habitation,

alimentation, etc.).

3. Les polémiques actuelles sur la conservation

Autour des discussions faites sur la conservation et même sur la production, nous exposons le

rapport entre développement et protection des ressources naturelles, de façon générale, puis

comment se présente ce rapport dans les pays tropicaux en particulier. En dernier ressort, nous

analysons la problématique autour du développement durable, dans le monde et dans les pays

du Sud.

Page 73: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

72

3.1. Débat sur croissance économique et protection de la biodiversité

La prise en considération de la protection des ressources naturelles pour le développement

économique est une préoccupation qui a accompagné la modernité depuis le XVIIIe siècle.

Ainsi au travers de quelques exemples apparus dans le monde occidental, on verra comment

le respect de l’environnement peut être possible tout en maintenant l’économie.

Pour la croissance économique, l’épuisement des ressources naturelles est une idée

inquiétante qui se trouvait déjà au centre des problématiques économiques au XVIIIe

siècle,

même si au XIXe siècle l’apparition du capitalisme industriel avec ses avantages reprendra le

dessus pour ainsi éloigner la pensée économique des dangers qu’elle court, si elle ne tient pas

en compte la dimension environnementale. Ainsi, fût constaté durant plus d’un siècle que le

questionnement sur les ressources naturelles fut « écarté » ou relégué au second plan par les

économistes lors du développement du capitalisme industriel (Flam, 2010). En effet, pour

l’école néoclassique (ou école marginaliste) par exemple la production industrielle résulte du

capital et du travail qui sont des facteurs remplaçables, de sorte que la croissance économique

est « le simple résultat de la double augmentation de la population et du stock de capital »

(Ibid. : 2). Cette pensée36

laisse croire qu’il n’y a aucune entrave à la croissance économique.

Ce qui laisse aussi croire à « la vision d’une croissance économique perpétuelle et non

limitée… » (Ibid. : 11). Or vers à la fin du XVIIIe siècle, les Classiques tels que Robert Malthus

percevaient déjà l’augmentation de la population comme un handicap pour la croissance

économique par la « rareté des ressources naturelles » qu’elle occasionne. Dans ce sens, il

affirma dans son Essai sur le principe de population (1798) que « le choc de la progression

arithmétique des subsistances et de la croissance géométrique de ceux qui veulent subsister

paraît inévitable » (Ibid. : 5). C’est pourquoi l’idée d’équilibrer les ressources et ce qui est

nécessaire aux hommes pour subsister était prônée par l’économie des Classiques.

36

Cette pensée est nouvelle et révolutionnaire, car les physiocrates au XVIIe

siècle avant les partisans de l’Ecole

néoclassique considéraient que c’est plutôt la terre qui est le facteur limitatif insubstituable de la croissance

économique, car elle est l’unique source de richesse. A cette époque, la terre est considérée comme l’ensemble

des ressources naturelles puisque l’économie était presque entièrement agricole et reposait essentiellement sur

l’agriculture qui générait la véritable production. Ce qui permettait d’établir et de garder le lien entre l’économie

et les ressources naturelles. Par conséquent l’homme avait obligation de préserver et de maintenir les ressources

naturelles afin d’assurer la continuité de ses activités économiques.

Page 74: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

73

Les analyses faites par les Classiques convergent en ce sens que le questionnement sur

l’épuisement des ressources naturelles a été au cœur des débats économiques. Plusieurs

solutions ont été alors élaborées, mais elles ne sont toutefois pas parvenues à résoudre le

problème posé, plutôt à le « déplacer dans le temps », comme avec l’analyse de David

Ricardo sur le développement du commerce international et le progrès technique comme

principale solution pour retarder « l’état stationnaire de l’économie ». Il l’expose dans son

« principe des avantages comparatifs » (Flam, 2010).

Toutefois, parce que n’intégrant pas la dimension environnementale, l’école marginaliste37

n’a pas pris en compte le fait que si la population devient le facteur limitatif de la croissance,

donc que la production augmente en même tant que la population et le capital avec, cela peut

présenter des limites. Cette pensée néoclassique va permettre durant le XXe

siècle, de mettre

complètement de côté la problématique environnementale. Mais c’est après le bilan fait sur

les « Trente glorieuses », période durant laquelle la majorité des pays développés connurent

une forte croissance économique et démographique, que les ressources naturelles seront

reconsidérées en économie. Ainsi, « à la fin du XXe siècle cependant, les premières

conséquences – dramatiques – d’une approche considérant la croissance économique comme

déconnecté de son "milieu naturel" ont obligé à reconsidérer notre manière de voir » (Flam,

op.cit.: 14). C’est en effet The Limits to Growth, aussi appelé le rapport Meadows en 1972 qui

montra « le gaspillage des ressources naturelles » ainsi que la pollution accrue durant cette

période. Ceci amena les pays développés à voir les dangers d’une croissance économique

incontrôlée générant des « coûts sociaux et environnementaux » quoi qu’étant bénéfiques à la

base.

L’idée de décroissance va ainsi conduire à formuler des thèses parfois opposées comme en

France. En 2007, la décroissance favorisée par la dominance de la pensée écologique en

France surtout à la gauche, permettra de mettre au centre des débats politiques la conciliation

entre croissance économique et environnement. Ainsi d’un côté on aura la thèse de

« croissance verte, durable ou encore soutenable » chez les « acteurs dominants » et de l’autre

la thèse qui lui est contraire la « décroissance soutenable » chez les « objecteurs de

37

La position des néoclassiques quant aux ressources naturelles ne montre nullement qu’ils ne traitent pas de la

question environnementale, toutefois ils considèrent « les ressources naturelles marchandes comme des stocks

dont la gestion, ainsi que tout autre bien s’optimise ».

Page 75: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

74

croissance ». Cette dernière reposant sur cinq principes indépendants (« culturaliste », « les

annales d’Ivan Illich », « la deep ecology », « la crise de sens » et « la bioéconomie » ont pour

substance que « la décroissance est un élément essentiel d’un avenir meilleur » (Flam, op. cit.

: 19).

C’est plutôt avec l’apport du GIEC et la prise en compte croissante de l’écologie dans les

débats politiques nationaux que l’environnement sera plus reconsidéré dans les débats

économiques. C’est à la suite de cela qu’est né un nouvel outil de croissance économique

plaçant la question environnementale au centre de ses enjeux. Ainsi, les décideurs publics ont

été conduits à « développer des instruments de régulation » pour protéger l’environnement.

Mais la mise en place de politiques environnementales « efficaces » se heurte à des difficultés

telles que les externalités. C’est en effet Alfred Marshall38

qui fut le premier à réfléchir là-

dessus. On parle d’externalité « lorsque l’acte de production ou de consommation d’un agent

influe positivement ou négativement sur l’utilité d’un autre sans que cette interaction ne

transite pas par le marché. La pollution est l’exemple type d’un effet externe négatif : elle

entraîne des coûts pour les victimes sans que le marché intègre spontanément ces derniers

dans le coût de production global des pollueurs » (Flam, op. cit. : 21). Mais c’est plutôt avec

Arthur C. Pigou, successeur de Marshall, dans The Economics of Welfare (1920) qu’une

proposition sur l’internalisation des effets externes au travers d’ « un système de taxation ou

de subvention portant aujourd’hui son nom » sera faite (Idem). Ce qui permettrait au pollueur

de verser une indemnisation aux victimes de la pollution. C’est une sorte de compensation de

dommage. Néanmoins en pratique ce principe est difficilement applicable, dans la mesure où

il faut parvenir d’abord à « identifier précisément les victimes », ensuite « faire une évaluation

précise du coût social », « voir l’ampleur et la durée du dommage », et « s’entendre sur

l’usage à faire du produit de la taxe pigouvienne ». Ces points montrent donc la complexité de

mettre en œuvre une politique environnementale efficace par le principe de Pigou39

.

38

Dans Principes d’économie politique (1890), New York, Gordon and Breach, 1971 39

Ce dernier a été principalement critiqué par Ronald H. Coase qui considère plutôt que l’externalisation des

effets négatifs ne suffit pour montrer le « dysfonctionnement du marché ». Il faut par contre selon lui « rétablir le

marché en accordant des titres de propriétés sur la source de l’externalité et laisser les négociations s’effectuer

librement entre les parties ». Il l’expose dans “The Problem of the Social Coast”, in The Journal of and

Economics, 1960, vol.1, p.1-44. Evoqué par Flam, op.cit. :22

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

75

Par ailleurs, l’engagement des politiques publiques à favoriser l’émergence de la question

environnementale afin de mettre un terme aux faiblesses du marché par le développement de

plusieurs instruments jugés plus efficaces, dont quelques uns ont été précédemment

mentionné, a favorisé des « controverses théoriques » avec des conditions d’efficacité diverse

et finalement peu agissantes. De même, «les désaccords pratiques sont rarement de simples

conflits entre, par exemple, les partisans de la croissance économique et partisans de

politiques de conservation… » (Le Prestre, 2008 : 8). C’est pourquoi, « un nouveau modèle de

développement » qui protège « les grands équilibres naturels et sociaux » par la « croissance

verte » est à construire. Le développement de ce concept conduirait à une « éco-démocratie »,

dans laquelle les dérives économiques ainsi que la « préservation des équilibres naturels »

seront associés. Ainsi, Fitoussi et Laurent montrent dans leur essai La nouvelle écologie

politique de Septembre 2008, que pour mieux traiter de la question environnementale en

économie, il faut s’éloigner du débat longuement entretenu qui consistait à opposer « les

adeptes d’un libéralisme strict » qui considèrent que le marché lui-même va s’en sortir pour

arriver au développer durable pour vu que « la puissance publique » n’entrave pas son

fonctionnement, aux « tenants de la décroissance » qui à leur tour considèrent qu’il faut

réduire les stocks afin que « l’état stationnaire » auquel on sera parvenu favorise la survie de

la planète.

De plus, le « PIB vert » permettrait aussi de participer à « la construction d’un nouveau

modèle de mesure économique ». Pour cela il faut que plusieurs services statistiques de l’État

travaillent ensemble pour aboutir à une « nouvelle nomenclature » qui mettrait en évidence

« un nouveau modèle de mesure économique ». Le PIB tel que habituellement perçu présente

des insuffisances parce qu’il ne tient pas en compte des difficultés que les populations

rencontrent actuellement. Reconnu comme étant le dénonciateur des réussites économiques et

de l’amélioration social, le PIB présente des limites, c’est pourquoi la prise en compte du PIB

vert permet que soit désormais privilégié en statistique le bien-être des populations en

référence à la soutenabilité plutôt que la production économique.

Dans le même sens, toujours pour aboutir à la croissance verte, en France le ministre de

l’Ecologie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire a mis en place le 5

Février 2009 le Conseil économique pour le développement durable (CEDD). L’objectif

principal de ce conseil est de déterminer les nouveaux supports « d’une nouvelle croissance

écologique dans les secteurs économiques. Ce qui prendra en compte tous les problèmes liés à

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

76

l’environnement. Toutefois, « les nouvelles technologies de l’environnement (NTE, capital

environnement) » sur lesquelles repose le nouvel modèle économique, considérés comme un

pilier additionnel, utile au couple NTIC-capital ne suffisent pas pour favoriser la croissance

verte. Mais pour y arriver il faut tenir compte des « enjeux beaucoup plus larges ».Nous

voyons par là le défi à relever face aux problèmes environnementaux que nous connaissons

par rapport à la croissance économique. C’est pour quoi la croissance verte connaît un certain

succès dans le monde politique et économique actuel.

3.2. La problématique du développement durable

À cause des critiques des ONG sur le capitalisme ainsi que leur perception des problèmes

environnementaux qu’elles ont considérablement impacté les discours internationaux. C’est

de cette manière qu’a été érigé le développement durable. « Le développement durable se

présente en effet à la fois comme une notion moderne et comme une notion qui fait la critique

de la modernité » (Arnauld de Sartre et Berdoulay, 2011 : 8). Car, c’est aussi grâce aux

critiques sur la modernité que cette notion a pu être construite. Ainsi, ONG et développement

durable sont mutuellement dépendants (Chartier et Ollitrault, 2009). En effet, l’histoire du

développement durable est liée à celle des ONG environnementales. Car l’apport des idées de

ces ONG a été d’une importance capitale dans les définitions que l’on peut aujourd’hui

donner à la notion du développement durable. « C’est ensuite grâce à l’implication d’ONG

conservationnistes internationales, comme le WWF et l’UICN, que la notion a pu être codifiée

pour la première fois, avant de s’imposer comme un référentiel de politiques publiques et un

justificatif d’actions collectives » (Ibid. : 93). De la même façon, plusieurs ONG existent

grâce au développement durable qui leur a permis d’obtenir « un nouvel espace politique »

pour mieux traiter de leurs préoccupations environnementales. Mais cet impact reste réduit et

partiel (Chartier et Ollitrault, 2009). Par exemple toute définition « radicale» du

développement durable comme avec le « concept d’écodéveloppement » a été proscrite, parce

que cela portait préjudice à l’économie libérale, et parce que la codification du développement

durable telle que présente aujourd’hui dans le monde a été faite non par les ONG

environnementalistes, mais par les ONG conservationnistes.

En effet, dans le mouvement anglo-saxon, la différence entre ces deux types d’ONG est très

prononcée. D’abord les conservationnistes résultent d’une ancienne coutume anglo-saxonne

qui consiste à conserver la nature et de la préserver de toute activité humaine. Ensuite, vint à

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

77

la fin des années soixante « une deuxième vague de mobilisation environnementale » qui sont

les environnementalistes ; ces derniers par contre prônent l’intégration des politiques de

protection de la nature d’avec la gestion des populations locales à la gestion des écosystèmes.

L’histoire du développement durable a donc été profilée au fil du temps avec l’aide des

organisations mondiales environnementales telles que l’UICN qui est la plus représentative de

toutes. Depuis les années 1960 notamment, elle est présente « dans toutes les manifestations

où environnement et développement ont été associées de façon significative… » (Ibid. : 95).

Par exemple en 1962 lors du premier congrès des parcs, l’UICN a favorisé le fait que la

conservation soit considérée dans les débats, car le développement en dépend essentiellement,

et que les agences internationales tiennent désormais compte dans leurs travaux des analyses

écologiques.

De même le développement durable trouve ses origines dans « l’environnementalisme

tropical », dans la tradition historique des politiques préservant la nature dans les pays du Sud,

dans l’écologie évolutive, ou dans les « discours environnementalistes » qui étaient en vogue

dans les années soixante, dont les principaux arguments tournaient autour de « la crise

démographique » et de « la crise écologique globale » (Chartier et Ollitrault, op.cit.). Mais

avant le sommet de Rio en 1992, on assiste à deux définitions de développement durable qui

se contredisent. La première qui met l’accent sur le fait qu’on doit délimiter la quantité à

produire pour le respect de la biodiversité et l’autre qui met plutôt en relief le développement

comme moyen de lutte contre la pauvreté et permettrait par la suite de sauvegarder les

écosystèmes, ce qui n’est pas vrai. Bien au contraire on assiste au fil du temps à des inégalités

énormes, où des écarts entre pauvres et riches sont croissants et les écosystèmes en perpétuel

danger.

Dans la pratique, les politiques publiques des États n’arrivent pas toujours à traduire le

développement durable, faute de définition des logiques de ces politiques. De plus, les États

ne s’approprient pas souvent le concept mais cherchent par contre à le faire implanter

(Arnauld de Sartre et Berdoulay, 2011). Pour certains auteurs, le développement durable

apparaît comme un outil dont se servent les Occidentaux qui en sont les initiateurs pour

dissimiler leurs propres idéologies, dans le but de préserver leur dominance sur les pays du

Sud (Rist, 1996). Ces situations ne favorisent pas l’efficacité du développement durable dans

les politiques publiques où les droits des populations locales peuvent être lésés. Cela nécessite

ainsi des consensus « importants » qui aboutissent à des compromis et à des solutions

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

78

partielles dont l’absence peut entraîner des sabotages aux politiques prises, à la violence des

mesures arrêtées et même au mépris des autorités par ceux qui s’y opposent (Le Prestre 2008).

Or, pour le développement durable deux consensus sont indispensables : « un consensus

national et un consensus par les acteurs externes ».

Conclusion du chapitre I

Au terme du chapitre, il convient de retenir que l’environnement est une des principales

préoccupations contemporaines. Toutefois malgré les enjeux environnementaux, ces dernières

n’ont pas la supériorité sur la multitude des dossiers à traiter (Smouts, 2001). Ne pouvant nier

l’impact des conséquences des activités humaines sur les milieux naturels, les problématiques

environnementales présentent néanmoins des problèmes dus à la manière dont elles ont été

construites au départ. Ceci impacte négativement les résultats à atteindre en matière de

conservation naturelle pour le bien de la planète.

Au regard de l’analyse précédemment faite, on a remarqué qu’il y a eu excès dans la

production au moment où elle est devenue autonome et indépendante du reste de la société

(Polanyi, 1983). Ainsi, l’autonomisation de la production a eu des effets néfastes sur le social

notamment en milieu tropical (Sahlins, 1972) ou sur l’environnement (Mazoyer et Roudart,

1997). Toutefois, la conservation suit la même tendance. Idée intéressante au départ et

nécessaire pour lutter contre les excès du mode de production capitaliste que nous venons de

démontrer dans la première partie, elle aussi devient envahissante quand elle exclut les

populations. Ainsi le développement durable pourrait être une idée intéressante pour relier les

deux éléments (production et conservation), mais son utilisation à bon escient est encore loin

d’être garantie.

Page 80: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

79

Chapitre II : Étude du monde rural

gabonais

Le Gabon, une ancienne colonie française dévient indépendante en 1960 et en 1990 entre en

démocratie après un long règne de monopartisme. À la différence de certains pays avec

lesquels il partage ses frontières et d’autres pays africains, le Gabon connaît une « stabilité »

politique et une économie notablement dominée par les ressources naturelles du sous-sol

(pétrole et manganèse) et du sol (bois) qui attirent de nombreux immigrants. Par contre, le

manque de diversité de son économie constitue un handicap pour l’agriculture, pilier de

l’économie rurale qui connaît depuis des décennies des difficultés et entraîne inéluctablement

le sous-développement du monde rural gabonais. Les problèmes que connaît ce monde rural

amènent à analyser différents points.

1. Aperçu historique du monde rural gabonais

L’histoire du Gabon étant peu connue avant le XVe siècle (Bouquerel, 1970), nous amène à

nous focaliser sur les faits historiques connus avant la période coloniale. Ceci ne veut pas dire

qu’il n’existait pas avant ce siècle. Car « pointes de lance, flèches en pierre taillée, haches

polies et débris de poteries attestent l’ancienneté d’une implantation humaine » (Ibid. : 40).

L’époque coloniale sera essentiellement celle marquée par la France.

1.1. Le monde rural gabonais pendant les périodes précoloniale et coloniale

L’histoire du Gabon au cours des périodes précoloniale et coloniale est aussi celui du monde

rural gabonais. Il ne s’agit pas pour nous de faire l’histoire du Gabon, mais au travers des

périodes précoloniales et coloniales, nous cherchons à faire ressortir l’état du monde rural

gabonais.

Page 81: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

80

1.1.1. L’ère précoloniale

Quelques sources actuelles sur lesquels s’appuient certains chercheurs gabonais, telle que

l’ouvrage d’Oslisly et Peyrot (2008), permettent de parler de la préhistoire du Gabon actuel.

Mais nous nous appuierons sur le découpage fait par Metegue N’nah (2006) lorsqu’il parle

des grandes périodes de l’histoire du Gabon pour illustrer l’histoire précoloniale de l’espace

qui aujourd’hui fait partie du territoire gabonais. Cette dernière s’articule autour de trois

grandes phases. La première phase prend compte de la préhistoire au VIIIe siècle avant Jésus

Christ au cours de laquelle l’homme apparut et fut essentiellement nomade, en utilisant

d’abord la pierre taillée, par la suite la pierre polie. Puis, la deuxième phase est celle qui va du

VIIIe siècle avant Jésus à 1470. Cette phase correspond à la période antique essentiellement

marquée « par la propagation de l’industrie du fer, par la pratique de l’agriculture et

l’apparition de l’organisation villageoise » (Metegue N’nah, 2006 : 12). Enfin la troisième

phase englobant l’ère précoloniale est celle correspondant à la création du Gabon par les

Européens et à l’influence occidentale sur les populations qui peuplent l’espace gabonais et

qui constitueront, au fil des ans la société gabonaise et son économie. Cette phase de l’histoire

précoloniale qui est la plus décrite est celle sur laquelle nous nous fonderons.

Au cours du XVe siècle ou peut-être avant a existé un royaume bantou du Loango qui

englobait le sud du Gabon ainsi que la côte, dirigé probablement par « une confédération de

chefferies » (Bouquerel, 1970 : 40). Ce qui montre une organisation territoriale plus

importante à cette époque là. Cependant avant ce siècle l’étude de Metegue N’nal (2006)

montre qu’il y avait toute une organisation qui permettait aux habitants des villages surtout les

hommes de veiller sur le village. Car le territoire s’érigeait par exemple en « villages-États ».

De même la convivialité que connaissaient les habitants d’un même village faisait que le

gibier rapporté de la chasse par un chasseur pouvait être partagé par tous les habitants du

village. De la même manière par l’établissement des chefs ils savaient régler leurs différents.

Mais lorsque Vennetier (1980) évoque le royaume de Loango avec sa capitale Boali, d’après

les récits sur lesquels il s’est appuyé, il montre cependant que ce royaume n’était qu’ « un très

gros village » qui compterait 1500 habitants.

Découvertes par les marins portugais en 1472, les côtes gabonaises vont accueillir plusieurs

comptoirs. Ces Portugais étant basés à São Tomé dans le Golfe de Guinée qui connaissait à

cette période une croissance économique au travers de la culture de la canne à sucre, amena

Page 82: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

81

les Portugais à rechercher une main-d’œuvre en Afrique. Et donc « les côtes gabonaises

furent seulement un terrain de recherche et d’exploitation » (Reynard, 1955 : 415) pour

développer leur commerce. Ainsi les Portugais « échangent des marchandises contre de

l’ivoire, de la cire et du miel, de l’huile de palme et des esclaves » (Pourtier, 1989 : 46). Ils

trouvèrent en effet au Gabon un appui favorable à cette quête d’hommes : l’esclavage qui y

existait déjà (Pourtier, op.cit: 46). En effet, « l’esclavage est une institution partout répandue,

que les guerres tribales ont développée considérablement. Des villages entiers peuvent être

tributaires d’autres villages et les captifs de case, incorporés à la famille du vainqueur, sont

considérés comme des domestiques, en général, d’ailleurs, assez bien traités » (Bouquerel,

1970 : 41). Mais c’est plutôt avec « le développement agricole et minier du Nouveau Monde

qu'une autre conception apparut : celle de l'esclave-marchandise, notion correspondant à une

économie qui n'est déjà plus 1’"économie de manoir" du Moyen Age » (Reynard, op.cit.: 415).

C’est nouvelle forme d’esclavage aussi appelée Traite des noirs marqua profondément le

Gabon.

Cette traite fut en effet importante dans le Sud du Gabon comme dans les villes de Chiloango,

Mayumba, parce qu’elles étaient plus en contact avec les Portugais que leurs habitants furent

le plus sollicités (Idem). Puis au XVIe siècle, les missionnaires jésuites ainsi que des

commerçants portugais s’installèrent sur les côtes gabonaises. Ils vont ainsi se tourner vers les

populations locales chez qui ils trouveront des esclaves pour leurs plantations d’orangers, de

cocotiers, de bananiers ou de manioc. Les Hollandais vont également à leur tour vouloir

s’installer au XVIIe siècle à l’Estuaire même s’ils sont repoussés par les M’pongwé.

Organisé en chefferies ou en royaumes en ce qui concerne quelques tribus, le territoire

Gabonais avant l’établissement des coloniaux était prédominé par des villages qui occupaient

une place prépondérante. L’armature et la morphologie des villages à l’époque précoloniale

n’ont pas vraiment changé par rapport à ce que l’on observe aujourd’hui. En effet « les

villages, bâtis près des rivières ou des chemins, devaient avoir déjà l’aspect linéaire qu’ils

présentent de nos jours. Les cases, rectangulaires, soudées les unes aux autres, précédaient

des jardins où les bananeraies abritaient des cultures de piment ou de patate douce. Parfois

le village était fortifié à ses extrémités par des fortins en rondeaux de musango. On pouvait de

là surveiller le chemin ou le fleuve par où l’ennemi était censé venir » (Bouquerel, op. cit. :

42). Durant cette même époque, en dehors de quelques noms des lieux dont quelques uns ont

été déformés dans les langues du Sud du Gabon particulièrement le vili, comme autres

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

82

souvenirs des marins portugais ou brésiliens au Gabon figurent certaines nouvelles plantes,

des fruits ou des plantes à tubercules qui furent introduits dans les villages gabonais, ou

certaines danses qui ont une origine lusitanienne (Reynard, 1955).

Ainsi, dans la forêt où se trouvaient les villages, on pouvait observer une organisation dans les

activités des ruraux. C’étaient aux femmes que revenait principalement la pratique de

l’agriculture ainsi que son entretien sur le terroir. C’était une agriculture sur brûlis qui se

pratiquait. À cela s’ajoutait la cueillette des fruits ou des autres produits forestiers non

ligneux. Ces derniers venaient compléter les repas. En effet, dans la forêt le moment favori

pour la cueillette des fruits était Février et Mars. Ainsi, durant cette période on pouvait

assister au « déplacement d’une partie du village » (Bouquerel, op.cit.: 42). Alors durant ce

temps, des campements provisoires pouvaient être construits pour permettre aux femmes de

remplir leurs paniers. Du côté des hommes par contre, les activités principales étaient la pêche

et la chasse. Eux aussi à certaines époques de l’année pouvaient quitter le village pour

entreprendre leurs activités dans la forêt. Ainsi, ils établissaient aussi des campements dans la

forêt pour leur permettre de sécher du poisson ou pour faire de la chasse. Le séchage du

poisson et de la viande se faisaient de façon rudimentaire et constituaient un important mode

de conservation.

« Le nomadisme agricole de ces sociétés primitives était caractérisé par une grande mobilité

des villages, abandonnés tous les quatre ou cinq ans » (Ibid. : 43). Les populations

villageoises seront donc en perpétuels déplacements, de sorte qu’on parle de grandes

migrations que le Gabon a connues jusqu’à la fin du XXe siècle. Toutefois, le contact avec les

Européens va entraîner de bouleversements sociaux. Ainsi la structuration des villages de

même que leurs modes de vie traditionnels vont changer de façon progressive.

Les peuples de la côte vont être profondément influencés par les Européens à partir de la fin

du XVIe siècle au point qu’au XIX

e siècle ces peuples qui seront les guides des premiers

navigateurs Européens vers l’intérieur du pays trouveront que les habitants de ces contrées

sont différents d’eux, dans les habitudes comme dans le vestimentaire (Gaulme, 1988). Or,

« d’après les descriptions faites par les Hollandais vers 1600 et reprises ensuite, les habitants

des côtes gabonaises avaient le corps peint en rouge, des vêtements d’écorce ou de fibre

végétale tressée (pagnes et, pour les femmes, carrés sur le pubis), des scarifications

nombreuses et des ornements et bijoux de toutes sortes : labrets, pendants d’oreilles, plumes

dans les cheveux, anneaux aux bras et aux jambes » (Gaulme, op.cit.: 30). Le contact avec les

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

83

Européens ont considérablement changé les habitudes et les comportements des ruraux

Gabonais, partant des côtes et progressivement vers l’intérieur du pays.

De même, durant la période précoloniale, l’économie des villages reposait sur un « système

de troc » dont l’origine est très lointaine. Mais ce système fut diversifié et bouleversé avec la

traite des Noirs à laquelle s’ajoutait la traite de marchandises (Bouquerel, 1970). En effet, afin

d’obtenir quelques produits venus d’Europe, plusieurs villages pratiquèrent le commerce des

hommes et le butin était partagé entre tribus. Ainsi, « au Cap Lopez, sous les yeux de Paul du

Chaillu, "un jeune homme fut cédé pour une barrique de rhum de cent litres environ, quelques

aunes de cotonnades et bon nombre de perles" » (Ibid. : 45). Lors de leurs transactions, le sel

et la poudre constituaient la monnaie d’échange (Idem). Ce n’était plus que produit contre

produit qui était échangé, mais on pouvait dorénavant échanger homme contre produit ou vice

versa.

1.1.2. L’ère coloniale

« Dès le XVIIe siècle, sans doute, on arrivait à un équilibre où les Européens étaient intégrés

dans la vie côtière au Gabon et dans le Cap Lopez au même titre qu’à Loango, dont les

relations commerciales étaient cependant beaucoup plus marquées avec l’Europe » (Gaulme,

op.cit.: 75). Jusque là, ce sont beaucoup plus les villages situés près des côtes qui ont eu des

contacts directs avec les Européens, même si l’exploration se poursuivra par la suite au reste

du pays. Mais c’est surtout « avec l’implantation française au Gabon et à l’époque coloniale

que l’intérieur du pays s’ouvre à la prospection des négociants, à l’établissement de leurs

comptoirs, entraînant la désagrégation progressive des économies anciennes » (Ibid. : 47).

L’ère coloniale est essentiellement marquée par les rapports existants entre le Gabon et la

France. Car de tous les Européens arrivées sur les côtes gabonaises, les Français sont ceux qui

ont su établir les liens les plus durables avec les Gabonais.

C’était par rivalité avec les Anglais que les Français eurent une nouvelle politique pour

s’établir sur les côtes africaines : à partir des années 1840 fut fondé un comptoir au Gabon.

C’était également pour développer leur commerce. À cela s’ajoute la mission humaine par le

fait qu’à partir de l’Estuaire du Gabon qui s’avérait être l’endroit le plus favorable les français

lutteraient contre la traite négrière et de plus ils « civiliseraient » « des populations demeurées

"sauvage" par l’action des missions chrétiennes » (Pourtier, 1989 : 58). Ainsi par

l’intermédiaire de Bouët-Willaumez le processus d’établissement de la France sur la terre

Page 85: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

84

gabonaise fut accéléré. A partir de 1839 et des années après des traités furent signés entre

Bouët-Willaumez et quelques rois ou chefs de terres (le roi Kowerapont-chombo, chef de la

rive gauche ; le roi Dowe : chef de la rive droite du fleuve). De sorte que le roi Dowe dit

Louis « cédait en toute propriété aux représentants de la France "le terrain de l’ancien

village de son père pour y élever une bâtisse ou fortification qui leur plaira" » (Bouquerel,

op. cit. : 48). Signalons que de l’Estuaire à ses alentours plusieurs traités furent signés avec

des responsables de territoires pour marquer la propriété française. Il n’y avait pas un seul

grand chef. Ceci montre que les villageois reconnaissaient seule l’autorité de leur chef, mais

au-delà des limites de leur village ou territoire ce dernier ne pouvait plus agir.

Durant la période coloniale, plusieurs explorations furent entreprises dans le but de découvrir

le pays. Au cours de ces explorations « des traités d’amitié » furent signés à l’intérieur du

pays au nom de la France. C’est le plus grand fleuve gabonais, l’Ogooué qui permit

l’exploration du Gabon et l’introduction dans la forêt. Compiègne en 1874 ou Savorgnan de

Brazza en 1876, qui figurent ainsi parmi les explorateurs découvrirent les autres contrées du

Gabon. Ces traités et explorations permirent en effet l’établissement de postes militaires sur

les principaux axes de circulation à l’intérieur du pays. Avec la création de Libreville en 1850

en référence aux premiers esclaves libérés, « le capitaine Parent avait dressé le plan du

village, d’une rigoureuse géométrie » (Pourtier, 1989 : 53). Avant cela il n’y avait aucun plan

dans ce village.

« Depuis 1860, un commissaire-adjoint de la Marine remplissait les fonctions administratives

et judiciaires à Libreville avec le titre de "commandant particulier du Gabon" » (Bouquerel,

op. cit. : 48). Toutefois cette organisation administrative sera bouleversée par une organisation

territoriale avec les voyages de Brazza notamment au Congo. Ainsi, en 1883 un Commissariat

de l’Ouest africain englobant le Gabon ainsi que le Congo fut crée. En 1888 les deux colonies

Gabon et Congo qui au départ étaient autonomes furent unifiés et en 1910 fut crée l’A.E.F.

(Afrique Equatoriale Française).

Ensuite dans l’intérieur du pays des concessions sont données aux sociétés françaises avec

plusieurs privilèges (Bouquerel, 1970). C’est également là que l’exploitation forestière se

développa. Ainsi, « les produits de cueillette perdirent de ce fait une grande partie de leur

intérêt et le portage dut abandonner aux chantiers forestiers une grande partie des effectifs

recrutés par les traitants » (Ibid. : 52). Dans la même période, la traite négrière diminuant

progressivement permit aux produits manufacturés de se répandre au Gabon.

Page 86: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

85

1.2. De l’Indépendance à aujourd’hui

Plusieurs raisons modifièrent les rapports entre le Gabon et la France ; parmi elles figure la

contribution des combattants gabonais auprès des Français lors des deux guerres mondiales.

Ceci leur permis d’avoir de l’expérience dans le combat et aussi de favoriser une prise de

réflexion concernant le système colonial. Celui-ci fut alors remis en cause par les « anciens

combattants » dès leur retour des batailles. C’était une situation vécue dans plusieurs pays

africains dans lesquels des soldats avaient combattus avec la France. Leurs revendications

étaient soutenues par les premiers intellectuels africains. Ainsi, « pour se conformer à cette

évolution, le général de Gaulle, chef de la France Libre, convoqua en 1944 la Conférence

franco-africaine de Brazzaville et engagea des réformes destinées à atténuer la violence des

rapports entres colonisateurs et colonisés. Cette conférence marquait un premier pas vers

l’autonomie de l’AEF et par voie de conséquence vers celle du Gabon » (Ratanga-Atoz,

2004). Les événements qui suivront auront comme optique d’aboutir à l’indépendance du

Gabon qui le devint le 17 Août 1960. Cette indépendance s’est passée pacifiquement pour la

France, et cela peut expliquer les liens étroits entre les deux pays, contrairement aux autres

colonies. De même, cette indépendance n’était pas radicale.

Bien qu’il devint indépendant, la France continua à assurer son assistance technique au Gabon

au travers des accords de coopération précédemment signés. Il est vrai que les Gabonais

occupèrent progressivement les postes occupés autrefois par les Français, mais ces derniers

par l’entremise de leurs entreprises « omniprésentes et toutes puissantes dans tous les secteurs

de l’économie» (Metegue N’nah, 2006 : 161), contribuèrent « à tenir fermement le pays dans

une étroite dépendance et à peser lourdement sur son évolution » (Idem). Ceci entraîna

plusieurs malaises dus au fait que les Gabonais accédant à peine à l’indépendance n’avaient

pas encore l’expérience dans les responsabilités, et le développement du pays ne représentait

pas un intérêt général. De plus, sur le plan politique se fut une phase d’expérimentation de

gouvernance nationale au cours de laquelle le Gabon sous la première république (1960-1967)

connût des crises.

Toutefois, quelques avancées furent remarquées pendant la première république avec le

président Léon Mba. Par exemple sur le plan social la législation héritée des colonisateurs

connut une avancée et permit aux Gabonais d’améliorer leur niveau de vie tout en scolarisant

leurs enfants (garçons et filles en plus grand nombre). Ce qui valut un taux de scolarisation de

Page 87: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

86

plus de 80 % (Metegue N’nah, 2006). De plus, le pays eut une bonne couverture sanitaire

avec des hôpitaux « correctement ravitaillés en médicaments » dans lesquels les soins étaient

gratuits.

Le Gabon indépendant, en dépit des difficultés rencontrées, connut une progression

significative de même sur le plan économique. Durant cette période l’exploitation du bois

connut une expansion. De plus, à partir de 1961-1962, de nouvelles perspectives prometteuses

pour l’économie gabonaise s’annonçaient notamment avec l’exploitation de l’uranium et du

manganèse. Durant les années qui suivirent c’est le pétrole qui fut découvert puis exploité et

pris par la suite le dessus sur l’économie nationale en apportant d’importantes devises. Cette

expansion économique permit à l’activité agricole de connaître malheureusement une phase

de marginalisation entre 1960-1976. Si durant les périodes précoloniale et coloniale les

Gabonais parvenaient à être autosuffisants sur le plan agricole, durant la période post

coloniale l’agriculture a connu des difficultés.

Sous l’action des colonisateurs, les pays africains ont plus favorisé une agriculture

exportatrice avec les cultures comme le café, le cacao, le caoutchouc, etc., afin d’obtenir des

devises pour les caisses des gouvernements (Dufumier, 2007). C’est principalement le cas du

Gabon à la période postcoloniale. Ainsi, l’agriculture vivrière mise à l’arrière-plan, jusqu’à

lors, ne permet guère de nourrir les populations rurales et urbaines devenues de plus en plus

nombreuses.

1.3. La délimitation du monde rural gabonais

C’est l’État qui a favorisé l’organisation spatiale aujourd’hui observée au Gabon. Il a tenu

compte des activités économiques (exploitation forestière, minière et pétrolière) pour

organiser et construire son espace. C’est ainsi que le phénomène d’urbanisation s’est étendu à

l’ensemble du pays et a profondément vidé d’hommes les villages (Pourtier, 1984). Toutefois,

la population gabonaise se partage aujourd’hui un territoire qui se subdivise en neuf provinces

dans lesquelles on retrouve cinquante communes, cinquante départements, 152 cantons, vingt-

six districts et 3 483 villages et regroupements de villages. Avec quarante ethnies rassemblées

en neuf groupes ethnolinguistiques (Onkra, 2004: 20).

Le Gabon qui ne disposait encore que des postes créés en 1883 pour assurer l’organisation et

le développement du commerce français, vit son espace se transformer grâce à « la convention

Page 88: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

87

du 5 février puis l’Actes général de Berlin du 26 février 1885 [qui] marquent un tournant

dans l’histoire de l’Afrique centrale » (Pourtier, 1989 : 92). C’est ainsi qu’une délimitation de

son espace fut possible grâce aux frontières, même si dans l’ensemble le découpage des

frontières en Afrique lors de cette conférence de Berlin s’est fait de façon aléatoire. Ce fut

donc exactement en 1909 que des circonscriptions et subdivisions furent mirent en place la

première fois pour délimiter le territoire gabonais. Ainsi pendant la colonisation « tous les

postes deviennent dès lors des "chefs-lieu", ceux de subdivisions étant subordonnés à ceux de

circonscriptions qui eux-mêmes assurent le relais du chef-lieu de la colonie » (Ibid. : 17). En

fait le maintien ou non d’un poste était fonction du contexte humain. « De même quinze des

actuelles préfectures se retrouvèrent déjà dans la liste des postes » (Garandeau, 2010 : 28).

Le nombre élevé de postes (dont en tout une cinquantaine en 1909) sur l’étendue du territoire

gabonais était en même temps un avantage et un handicap. Avantage parce qu’au travers de

ces postes les colonisateurs français avaient la vision sur tout le pays et étaient suffisants pour

encadrer la population qui n’était pas nombreuse. Mais malgré ce nombre de postes,

l’enclavement des milieux dû au problème de circulation avec une carence de voies de

communications et de télécommunication limitait leur « rayonnement », car les postes étaient

distants les uns des autres de nombreux jours de marche.

L’inaccessibilité du terrain a donc beaucoup limité l’administration coloniale. Mais la

réorganisation du territoire gabonais amorcée plusieurs fois montre la volonté des coloniaux,

puis les nationaux prenant le relais dès l’indépendance, de favoriser une certaine cohérence de

délimitation spatiale. La délimitation ou la circonscription du territoire gabonais s’est fait

progressivement avec bien sûr « un changement de nomenclature » (Ibid. : 34). Ainsi,

plusieurs raisons ont été prises en compte lors des dénominations des circonscriptions de

l’espace, à savoir administratives surtout (Libreville, Ndjolé), économiques, scolaires

(Tchibanga fut par exemple appelé « ville scolaire »), ecclésiastiques (mission ou église),

ethniques (afin de lutter contre le tribalisme) ou présence d’un marché ou d’un hôpital. Ces

éléments étaient suffisants pour circonscrire l’espace et de le faire passer d’une nomenclature

à une autre. Par exemple l’arrêté du 29 Septembre 1909 du Gouverneur général Merlin permit

une nouvelle réorganisation avec une nouvelle nomenclature. Ainsi, « les villes sont nées d’un

même modèle fonctionnel qui s’expose avec clarté dans leur décor articulé sur les deux

organes qui sont sa raison d’être » (Pourtier, 1980 : 25). Là également plusieurs

modifications apparaîtront tour à tour entre 1934, 1946 et 1975 et feront apparaître deux

niveaux de nomenclatures que nous mentionnons dans le tableau ci-après.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

88

Tableau 3 : Dénominations des niveaux d’encadrement

Premier niveau Deuxième niveau

Circonscription (1909-1934) Subdivision (1909-1946)

Département (1934-1946) ‘‘

Région (1946-1975) District (1946-1975)

Province (1975- ) Département (1975- )

Source : Pourtier, 1980

C’est l’arrêté de 1909 qui montre la première tentative de circonscrire dans son intégrité le

territoire gabonais. Bien que le nombre de changements de termes n’étant pas significatif, il y

a eu tout de même plusieurs modifications dans la délimitation de l’espace. Toutefois, il n’y a

pas toujours eu de prolongement d’action lors de ces réformes administratives, sauf lorsque le

poste passa à la ville. De plus en 1934 les postes de contrôle administratif (PCA) ont été créés

pour constituer un niveau qui s’ajouterait aux deux niveaux précédents. Cependant «les PCA

ont vocation, si l’état des lieux le justifie, à être érigés en unités de deuxième niveau »

(Pourtier, 1989 : 35). Ces PCA connaîtront une autre appellation en 1975, ce seront désormais

des districts.

C’est la colonisation qui a favorisé la naissance des villes gabonaises, excepté les villes

minières (Gamba, Moanda, Mounana) nées après l’Indépendance. Ces villes ne sont pas nées

d’elles-mêmes, elles sont le fruit de l’État. En effet « les villes du Gabon (et généralement

d’Afrique Noire) sont « filles de l’État », comme les villes médiévales d’Europe étaient « filles

du commerce » selon l’expression d’Henri Pirenne » (Pourtier, 1979 : 122). Ainsi, deux

contraintes furent données pour justifier la délimitation de l’espace ; d’un côté il fallait

parvenir à découper l’ensemble du territoire, puis d’un autre maintenir les limites des

frontières avec les autres pays limitrophes. Ainsi, une délimitation équilibrée de l’espace

donnant satisfaction fut réalisée en 1950. En effet, le cadre territorial est resté inchangé depuis

la colonisation même si quelques petites modifications au niveau du vocabulaire quant à la

désignation de certains lieux ont aujourd’hui changé. Ce qui permettra au monde rural

gabonais de se singulariser tel que nous le voyons actuellement.

1.4. Description du monde rural

Au Gabon l’urbanisation est un phénomène très récent qui trouve son origine lors de la

colonisation. C’est ce qui fait dire à Vennetier (1980 : 49) que « la quasi-totalité des villes

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

89

contemporaines sont donc nées de la colonisation : elles ont trouvé leur origine dans un poste

militaire ou administratif, et ont grandi comme chefs-lieux ou capitales, comme ports ou

comme gares ». Ainsi, le reste de l’espace gabonais qui n’a pas pu être urbanisé a gardé son

caractère rural bien que la modernisation ait atteint aussi les villages. Ces derniers ont des

éléments communs que nous détaillons dans la suite.

1.4.1. Un habitat aux caractéristiques communes

Le village est ce qui représente le monde rural gabonais et traduit la vie traditionnelle rurale.

Globalement les villages gabonais ont une même morphologie, même si on peut retrouver

quelques dissemblances. En effet, « à quelques détails près (importance plus grande de la

chasse ou des cultures) la nature gabonaise impose des méthodes de subsistance, d’habitat,

de vêtement, d’industries dont la monotonie a dû, plus d’une fois, lasser mes lecteurs. Le

Gabon possède là, dans une certaine mesure, un élément d’unité » (Deschamps, 1962). Ainsi,

malgré la grande diversité ethnique des traits communs démontre une même culture au sens

large du terme, probablement due à la propagation de la culture bantou lors des migrations qui

ont eu lieu au Gabon jusqu’au XIXe siècle. Mais la culture bantoue est différente de la culture

Pygmée.

Les villages gabonais en particulier bantous peuvent se schématiser en trois parties. La

première comportant la grande cour centrale ; la deuxième partie où se localisent les cases

plus ou moins alignés et la troisième partie est celle de l’arrière des cases où sont observés des

petites bandes de terres de cultures. Cette schématisation peut en effet être différente chez les

Pygmées se trouvant loin des Bantous. Mais pour les Pygmées dont les villages sont proches

des Bantous on retrouve presque le même schéma.

Selon les types de villages que l’on peut observer, on remarque quelques différences dans la

morphologie. D’après l’analyse de Biffot (1964) reposant sur les relevés des plans de villages

de Ndjolé aux limites du nord-est du Gabon, il distingue trois types de villages gabonais. Bien

que l’étude ait été faite en 1964, les villages d’aujourd’hui entrent dans le cadre de ces

typologies. Ainsi, les villages de type I sont des anciens villages dans lesquelles la majorité

des cases ont le même modèle : case-habitation-cuisine. Ici le lieu de préparation se juxtapose

aux lits. Dans cette catégorie les cases sont alignées le long d’une cour centrale dans laquelle

se trouve une seule piste qui permet au village d’être en contact avec l’extérieur. De même les

jardins de case sont presque directement liés aux cuisines et il peut avoir une discontinuité

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

90

entre ces jardins et les champs. Dans les villages de type I marquant l’époque ancienne, les

cases sont essentiellement construits en écorce de bois forestier ou en paille ; elles sont

exigües et parfois sans fenêtres. Il y a aussi communauté des lieux d’aisance. Les liens de

sang ou mariage renforcent la parenté. L’exogamie y est autorisé et non l’inseste et l’adultère.

En un mot les villages de type I sont à l’écart de toute forme de modernisation. Il n’est donc

pas aussi surprenant de ne pas y rencontrer de boutiques.

Le type II, se présente comme la forme « améliorant » les villages de type I. Même dans

l’organisation de l’espace habitable il y a une différence. Ainsi il y a une séparation entre la

case-habitation et la case-cuisine. On observe une séparation nette entre les jardins de cuisine

et la cuisine en elle-même ; et les champs sont éloignés de ces jardins. « Les cases présentent

un ensemble de moins en moins symétriques, signe de relâchement de la solidarité du groupe

et des liens du sang, qui a pour conséquence, l'introduction de l'adultère, de l’esprit

d’initiative, de l’atypicalité » (Biffot, 1964 : 7). Là les villageois vivent différemment ; il peut

avoir présence d’une boutique appartenant à un villageois. Les lieux d’aisance appartiennent à

chaque famille. Les cases dans ce type II ont des fenêtres. L’endogamie a fait son entrée dans

les clans et même l’exogamie y est observée.

Les villages de type III sont par contre la forme la plus répandue montrant ainsi l’évolution du

monde rural gabonais. On y observe des bouleversements dans la manière de construire, dans

les mœurs et habitudes. On observe aussi « le relâchement des liens sociaux, de la solidarité

du groupe et la tendance vers la famille restreinte (père, mère, enfants et grands-parents avec

exclusion des oncles et tantes) : une stratification sociale se dessine. » (Biffot, 1994 : 8). Ici il

y aussi des jardins qui se trouvent à l’arrière des cuisines combinant un mélange de cultures et

d’arbres fruitiers. De nos jours on retrouve beaucoup les villages de type III dans lesquels les

villageois acquièrent une certaine liberté et ne sont plus trop soumis à l’esprit de communauté.

Le schéma général que décrit Vennetier (1980 : 58) dans son ouvrage sur l’Afrique

équatoriale est le suivant : « "les villages" sont les quartiers où l’habitat est en majorité

traditionnel dans sa forme et dans les matériaux utilisés. Un plan en grille, ou radio-

centrique dessine des centaines de « cellules » dans lesquelles sont découpés des lots, ou

concessions ; sur chacune de celles-ci s’élèvent une ou plusieurs "cases" ». Le village tel que

nous le voyons actuellement a subi plusieurs modifications. Ainsi, le type d’habitat est la

résultante immédiate de l’économie d’un village.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

91

1.4.2. La structure agraire

La structure agraire fait partie de l’aménagement et de la gestion des territoires ruraux. Ainsi

les ruraux transforment leur milieu naturel soit pour s’abriter, soit pour produire, ou soit pour

circuler en créant un réseau de chemins en vue de desservir les parcelles ou aller vers les

territoires voisins. On peut ainsi définir la structure agraire comme l’ensemble des

combinaisons qui existe dans un environnement rural, y compris les hommes. Elle prend en

compte l’habitat, la morphologie rurale, le système de culture et l’élevage. Cependant, les

villageois n’associent pas l’élevage à l’agriculture. Les quelques animaux issus du petit bétail

sont élevés pour les cérémonies et parfois pour être commercialisés.

1.4.3. Les paysages ruraux

Les paysages ruraux gabonais sont en général multiformes. En effet, bien que la forêt domine

presque toute l’étendue du territoire, on retrouve des paysages à prégnance forestière, ce qui

donne une certaine homogénéité. À cause des sécheresses saisonnières qui surviennent on

retrouve néanmoins des formations paysagères de types forêt-savane et savane-forêt

(Bouquerel, 1970). À cela s'ajoutent les facteurs anthropiques. « De cette juxtaposition des

milieux végétaux découle une suite de paysages originaux que le survol du Gabon permet de

découvrir, dans l'imbrication des plaines herbeuses et des grandes zones boisées »

(Bouquerel, op.cit: 17). On observe donc deux grands ensembles de types de paysages: les

paysages forestiers et les paysages de savanes.

Les paysages forestiers vus depuis les axes de communication présentent une diversité

d'espèces d'arbres qui se resserrent les uns contre les autres avec des feuillages très contrastés.

Dans la majorité des paysages forestiers, la marque humaine est presque peu visible. D'un

côté on observe des forêts primaires ayant « tous les traits classiques des forêts hombrophiles

et [couvrent] le haut pays, les monts de cristal, le massif du Chaillu, le Mayombé... [et

s'étendent] sur le Moyen-Ogooué, les plateaux du nord et [subsistent] en noyaux au cœur des

interfluves » (Bouquerel, op.cit.: 18-19). Ces forêts qui conduisent aussi à parler de forêt

dense présentent aussi une « richesse infinie » floristique. La grande pénombre que favorisent

ces forêts est un désavantage à leur régénération et au développement du sous-bois.

Les forêts secondaires quant à elles « se [rencontrent] partout sur les lisières du bloc

forestier, dans les vallées, à l'emplacement des anciennes clairières, cultivées dans un

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

92

lointain passé » (Ibid.: 20). Dans les forêts secondaires par contre le sous-bois est « presque

infranchissable ». Dans ce type de forêt les arbres sont très grands et atteignent parfois vingt

mètres de haut.

À l’opposé, « de vastes savanes herbeuses qu’on appelle au Gabon les plaines s’étendent sur

des sols très divers et des régions parfois fortement arrosées » (Ibid. : 22). Il peut aussi

arriver que forêt et savane se mêlent sur de vastes espaces. On rencontre les savanes

notamment à l’est des plateaux Batéké, dans les provinces de la N’gounié et la Nyanga, dans

le littoral et même au sud-est du pays. En définitif, « le changement de terrain est un facteur

plus concluant dans l’évolution du paysage végétal » (Ibid. : 22-23). Une faune diversifiée

selon les cas, l’humidité, les disponibilités en nourriture, ou l’obscurité sont présents dans la

forêt gabonaise. Dans l’ensemble, l’aménagement des paysages ruraux restent l’œuvre de

l’agriculture. Même si dans un milieu donné l’activité agricole n’y est plus, on remarque

toutefois que ce milieu reste longtemps marqué par l’aménagement qui y a été faite.

2. L’économie villageoise

L’économie villageoise s’observe à travers l’économie de l’arrière-cour et l’économie

vivrière, mais il peut exister d’autres sources économiques qui permettent aux villageois de

répondre à leurs besoins.

2.1. L’économie de l’arrière-cour

Au village, derrière chaque cuisine ou chaque cour on observe une diversité de quelques

cultures sur une surface réduite. On peut y voir quelques pieds de cultures vivrières de base,

des légumes particulièrement et parfois quelques arbres fruitiers sont associés. Le sens

premier de l’économie renvoie à toute activité humaine qui consiste à produire, distribuer,

échanger, voir consommer les biens et services. Dans le sens où les foyers villageois

parviennent à répondre à leurs besoins alimentaires nous permet alors de considérer la

pratique de l’agriculture derrière les cases d’économie de l’arrière-cour. C’est un terme que

nous avons emprunté à Biffot (1964).

Cette économie aide beaucoup la famille, surtout lorsqu’il y a des intempéries. Parce que les

pluies ne sont pas souvent prévues que lorsque le ciel s’obscurcit très tôt le matin, les femmes

sont contraintes de rester au village, car le travail en brousse lors de la pluie est souvent

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

93

pénible et dangereux. Ainsi, ces dernières se dirigent vers l’arrière des cuisines pour cueillir

des plantes qui peuvent être cuites rapidement pour le repas. Dans ce cas, l’économie de

l’arrière-cour ou encore comme le dit Biffot « l’économie du village » ou « de l’arrière-

cuisine », est une économie de dépannage. Si les besoins sont importants elle ne saurait y

répondre. C’est également une économie à laquelle se réfèrent toutes les femmes des villages.

Certes elle est moins signifiante, mais elle est efficace à un moment donné.

2.2. L’économie vivrière

Aux confins lointains, c’est-à-dire hors de la périphérie habitable des villages, on observe des

aires cultivées à dimensions variables. C’est là que l’économie rurale se définit

majoritairement. L’économie rurale gabonaise est dominée par l’agriculture familiale et

demeure traditionnelle. Pour ce qui est des cultures vivrières, elles occupent la plus grande

partie des superficies cultivées. En 1967 par exemple, « elles occupaient environ 95 000 ha,

soit 77 % de la superficie cultivée » (Bouquerel, op.cit.: 63). Le reste de la superficie du

champ accueille les autres cultures aux cycles végétatifs courts. Dans les cultures vivrières, le

manioc et la banane plantain qui sont deux cultures de base occupent une place de choix dans

l’agriculture et l’alimentation des ruraux, et des urbains.

Ceci permet de voir que les surfaces cultivées des produits vivriers ont triplé en 2009 et

atteignent 363 hectares (TBE 2010). Cette augmentation de la production vivrière dans

l’ensemble du pays est due à l’augmentation du nombre de stagiaires du MAEDR sur le

territoire national. Ces derniers en effet contribuent à faire promouvoir et à développer

l’agriculture au Gabon. Ainsi, le chiffre d’affaires dérivant des cultures vivrières a connu une

augmentation, 454 millions de FCFA en 2009 contre 414 millions en 2008 (Idem).

Le manioc principalement a connu une forte progression de 8,3 %, en 2009 donc 520 tonnes

contre 480 tonnes en 2008. Occasionnant par la suite une hausse du chiffre d’affaires de 104

millions de FCFA contre 96 millions de FCFA en 2008 (Idem). Cette augmentation de la

production du manioc s’est manifestée sur le terrain par l’augmentation du nombre d’ateliers

de production de pâte de manioc. Au total 25 unités. Ces données manquent cependant de

transparence quand il s’agit de voir la part réservée uniquement à l’agriculture rurale. Les

données statistiques faisant défaut, le plus souvent les informations données sur l’agriculture

englobent aussi bien l’agriculture pratiquée dans les villes et à leurs alentours, que celle des

villages. Ce qui rend disparate les conclusions. Malgré les difficultés des villageois, au travers

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

94

de la commercialisation des produits vivriers, ils reçoivent quelques devises, même si les

conditions d’acheminement vers les centres urbains demeurent un véritable handicape.

2.3. Autres sources économiques

Hormis la pratique de l’agriculture qui demeure jusqu’à ce jour une réelle source

d’approvisionnement en denrées alimentaires et en devises en milieu rural, les villageois

exercent l’artisanat, la foresterie. Le métier d’artisan était quasiment pratiqué partout dans le

monde rural gabonais bien avant la colonisation, car « la plupart des peuples du Gabon

savaient travailler les diverses sortes de matières premières pour les transformer en produits

finis » (Metegue N’nah, 1979 : 40). Toutefois la diversité des domaines dans l’artisanat

entraînait aussi leur maîtrise chez certains paysans. Ainsi, la maîtrise de fabrication des

étoffes revenait surtout aux peuples du sud tels que les Gisir, Punu et mieux Apindji et

Mitsogo qui tissaient remarquablement. Cette entreprise consistait à tisser du raphia. Tout un

génie se manifestait durant ce laborieux travail. La fabrication des étoffes avait plusieurs

usages. Avant la pénétration de l’économie de marché, les étoffes servaient à fabriquer des

moustiquaires ou des vêtements. Mais aujourd’hui avec la modernisation les villageois

préfèrent beaucoup plus les produits industrialisés. Cependant l’utilisation du raphia devient

une mode parce que de nombreux couturiers l’utilisent pour valoriser la culture gabonaise.

C’est ce qui permet encore à quelques paysans sachant encore tisser de fabriquer cette étoffe

et de la commercialiser auprès des modélistes.

Comme autre métier d’artisan apparaît le travail du fer remarquablement entrepris par les

peuples du nord comme les Simba et les Fang surtout. Là aussi les paysans faisaient preuve

d’habileté. Mais aujourd’hui, on ne rencontre presque plus de forgerons dans les villages.

Ceux qui pratiquent encore cette tâche se voient faire payer leurs services aux autres

habitants. Enfin d’autres activités pouvant permettre aux villageois de se faire un peu d’argent

à savoir la fabrication des paniers, des nattes, des tabourets, pillons ou mortiers intéressent

encore quelques uns. La commercialisation de ces objets fabriqués par des artisans villageois

est beaucoup plus bénéfique lorsque ces objets sont vendus dans les milieux urbains où des

citadins ayant la nostalgie de leurs villages s’en procurent. Dans ce cas des commandes

peuvent leur être faites par les citadins.

Par ailleurs, la foresterie bien que n’étant pas généralisée à l’ensemble des paysans, permet à

quelques familles disposant de quelques pieds d’arbres de soit les commercialiser directement

Page 96: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

95

aux sociétés forestières, soit de devenir eux-mêmes des entrepreneurs forestiers. Il s’agit des

PGG (Permis Gré à Gré) ; c’est une source de revenus que l’Etat a initié et voudrait en faire

bénéficier tous les ruraux. C’est aussi dans le but d’inciter les activités forestières au sein des

communautés rurales que les projets sur les Forêts Communautaires (FC) ont été créés. Mais

les FC sont encore à l’état embryonnaire au Gabon. En attendant son développement quelques

paysans continuent de bénéficier de l’article 114 de la Loi n°16-01 du 31 décembre 2001, leur

permettant d’obtenir des PGG afin d’exploiter le bois.

Même s’il existe d’autres moyens pour obtenir de devises afin de subvenir aux besoins de la

famille, l’agriculture demeure la principale activité des ruraux gabonais. C’est pourquoi quand

bien même entreprenant quelques activités telles que citées plus haut, un villageois a toujours

un champ. La carte ci-après permet de voir l’agriculture au Gabon ainsi que les différents flux

de produits observés.

Source : Ovono Edzang, 2004 :31

Carte 2 : L’agriculture au Gabon

Page 97: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

96

3. Des espaces ruraux en perpétuelle crise

Les analyses antérieures comme celle faite par Balandier et Pauvert sur les villages gabonais

en 1952, et même bien avant cette date, montre déjà les crises traversées par ce monde rural.

Ces crises se sont amplifiées au fil du temps en creusant davantage le fossé entre les espaces

rurales et urbains. Nous voyons quelques causes favorisant la continuité de ces crises.

3.1. Le déclin de l’agriculture familiale

Depuis 1975, le secteur agricole est très marginalisé à cause du sous-peuplement gabonais, de

l’exode rural, du manque ou de l’insuffisance des politiques agricoles performantes, etc.

Aujourd’hui encore, le constat est que le secteur agricole ne parvient pas toujours à satisfaire

les besoins alimentaires des populations, et son apport dans l’économie nationale reste

négligeable.

Dans le monde rural, l’économie vivrière repose essentiellement sur les produits vivriers et

leur vente issus de l’agriculture familiale. Les agricultures familiales sont souvent confrontées

à de multiples difficultés parmi lesquelles, l’absence de véritable organisation et gestion de la

production. Dans ce cas l’épargne n’est pas envisagée. La plupart du temps, les paysans

s’acquittent de leurs dettes agricoles à court terme, mais à moyen terme ils ont souvent eu du

mal à rembourser (Devèze, 2004). La survie des agricultures familiales apparaît donc comme

étant une réelle préoccupation. Avec un marché international toujours en mutation il faut que

ces agricultures connaissent une modernisation et une structuration pour mieux s’en sortir.

Défavorisée par la croissance des autres activités, l’agriculture a toujours été le « talon

d’Achille » de l’économie gabonaise. (Pourtier, 1989). Il est vrai qu’il y a eu une incitation à

l’agro-industrie (canne à sucre, palmier à huile, hévéaculture, etc.) dont les résultats ne sont

pas satisfaisants, l’agriculture vivrière a toujours été relégué à l’arrière-plan par les pouvoirs

publics, ce qui met le pays dans un état de dépendance alimentaire important.

3.2. L’exode rural et le vieillissement de la population rurale

En Afrique Centrale, la croissance des villes pose de graves problèmes dont l’exode rural. Par

ailleurs plusieurs études présentent l’immigration comme étant dominant dans le

développement des villes noires (Robequain, 1956). En ce qui concerne le Gabon, l’exode

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

97

rural est très avancé. En effet, « au début de l’installation française, on trouvait encore de

gros villages Fang, comptant jusqu’à 700 ou 800 individus. Ils dépassent rarement cent

aujourd’hui, malgré les essais administratifs de regroupement » (Ibid. : 306). On voit là déjà

un problème de dépeuplement des villages qui se manifeste avant l’indépendance.

Selon les cas étudiés, dans les pays du Sud, il ressort que l’exode rural ne touche pas toutes

les campagnes du Sud. En fait, les campagnes prospères sont celles qui sont plus reliées aux

villes mais celles qui sont éloignées des centres urbains subissent des difficultés énormes.

Elles sont même parfois menacées de « disparition ». À l’opposé, les conditions défavorables

de certaines villes ont entraînées le retour des citadins vers les milieux ruraux urbanisés.

C’était en effet le cas du Cameroun et de la Zambie (Chaléard et Dubresson, 1999). Au

Gabon, l’exode rural touche tous les milieux ruraux, surtout enclavés. « En une vingtaine

d’années, la moitié de la population a réalisé son transfert du village à la ville. Dans le même

temps la productivité de l’agriculture n’a connu aucun progrès sensible, de sorte que le

support alimentaire national est de plus en plus étroit » (Pourtier, 1984 : 448). On remarque

donc une régression nette de la population rurale. En effet, entre 1960 et 1970, elle est passée

de 80 % à 63 % de la population globale. En 2000, elle passe à 20 %. Et, aujourd’hui

plusieurs raisons poussent à croire que la population présente dans les villages s’est davantage

réduite, nous le vérifierons dans la seconde partie. La diminution de la population rurale peut

en effet s’expliquer par deux facteurs. Le premier d’ordre économique fait que le

développement industriel et minier nécessite une main-d’œuvre importante. Ce qui réduit

constamment la main-d’œuvre agricole.

Le second facteur d’ordre sociologique montre que parce que l’économie gabonaise est

beaucoup plus axée sur les activités extractives, les paysans n’ont pas d’attachement

particulier avec la terre, et leur mobilité géographique connue depuis les temps anciens n’est

pas surprenante. Cependant, l’exode rural n’impacte pas de la même manière la structure

démographique rurale. Ainsi, « cet exode rural n’a pas touché indistinctement tous les sexes

et toutes les classes d’âge ; frappant beaucoup les plus jeunes que les personnes âgées et les

hommes que les femmes, il a eu pour conséquence de vieillir la population et d’accroître le

déséquilibre entre les sexes au détriment du dynamisme de l’agriculture » (MAEDR, 2005 :

12). À ce sujet, Balandier et Pauvert (1953 : 27) affirment à propos de l’analyse faite sur les

villages Fang et Punu que « l’exode rural sévit avec une intensité et une gravité qui ont été

signalées. Il est à la base de la dissolution actuelle de la structure traditionnelle ; il opère une

Page 99: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

98

ségrégation sexuelle nette : la masse des hommes jeunes étant portée vers les villes, tandis

que les femmes restent au contraire dans les villages… ». Par ailleurs, le dépeuplement des

zones rurales au profit des zones urbaines accroît également les besoins alimentaires et

contribue à défavoriser la croissance.

3.3. Le mauvais état des infrastructures de transport

Dans l’optique de favoriser l’unité du territoire, ainsi que le développement économique et

social, l’État gabonais a formé plusieurs Plans. Les transports ont souvent constitué une

priorité de ces plans. Ce souci de développer les infrastructures de transport résulte du fait que

le Gabon devenant indépendant devait désormais prendre son destin en main en améliorant les

insuffisances constatées durant l’AEF, où il fut complètement mis à l’écart au profit des autres

pays dont le Congo.

Les voies de « communications, au sens large, représentent la pièce maîtresse de

l’organisation de l’espace, le principal enjeu de la stratégie territoriale de l’État autant

qu’une condition de développement » (Pourtier, 1989 : 125). C’est dans ce sens que le

gouvernement gabonais a décidé d’entreprendre depuis 1960 un vaste programme pour

désenclaver le territoire national. Ce vaste programme d’aménagement de désenclavement

bénéficiant d’une part des bénéfices de l’économie extractive, et d’autre part des emprunts, a

favorisé le lancement des grands travaux dont le réseau ferroviaire reliant Libreville-Owendo

à Franceville. La concentration de l’État sur la construction de la voie ferrée a nécessité un

fort investissement laissant pour compte le développement d’autres voies de transport.

L’État gabonais déploya ses premiers efforts dans l’aménagement des réseaux de

communication fluviaux et terrestres qui « furent longtemps les principaux modes

d’acheminement valorisés pour le déplacement des produits et des hommes » (Ndjambou,

2008 : 209). Le Gabon pourvu d’un réseau fluvio-lagunaire important a permis pendant des

décennies aux populations de communiquer avec le reste du pays. Même si les techniques

utilisées sont traditionnelles et marquent en général le transport par voie d’eau, l’utilisation

notamment de l’hors-bord permet d’aller un peu plus vite. Cependant les formes modernes de

ce type de transport sont actuellement observées chez les sociétés forestières pour le transport

des grumes. Quant au réseau terrestre, il est longtemps resté de très mauvaise qualité. En effet,

les pistes et les routes en latérite sont les principaux caractères de ce réseau. Malgré la volonté

du gouvernement gabonais à développer son réseau routier, « aujourd’hui encore on peut

Page 100: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

99

constater que le réseau routier gabonais est fait, à 94 %, de voies non bitumées » (Madebe,

2004 : 42). En dehors des axes publics généralement de mauvaise qualité, il existe aussi des

routes privées entretenues tant bien que mal.

En dépit des opérations faites sur le réseau de transport, il ressort que les centres urbains ont

du mal à communiquer avec l’arrière-pays. Il est vrai que la problématique des infrastructures

de transport (routes) au Gabon repose sur deux faits essentiels qui ne favorisent pas leur

développement. Le premier est que les raisons naturelles jouent en défaveur du réseau routier.

Le fait que l’on soit en milieu forestier équatorial nécessite de grands travaux pour créer des

routes dans cette immense forêt. À cela s’ajoute une abondance pluviométrique menaçant

continuellement les infrastructures faites au travers de l’érosion occasionnée lors du

ruissellement. Sans oublier les « contraintes écologiques » rencontrées notamment dans les

Monts de Cristal où l’on observe les pentes fortes rendent difficiles les travaux des routes

(Pourtier, 1989). Enfin l’autre raison qui explique la médiocrité des routes gabonaises est

d’ordre démographique. Le fait en effet que la population soit peu nombreuse fait que « le

coût de la construction et de l’entretien d’’une route, ramené au trafic potentiel de voyageurs

ou de marchandises, est très élevé. Bien que des tronçons routiers ne voient passer que

quelques véhicules par jour : leur entretien coûte cher à la collectivité » (Pourtier, op. cit. :

219). Face à cette situation les ruraux notamment sont davantage confrontés aux problèmes de

transports. Aller se faire soigner en ville, ou faire des courses, ou encore aller vendre des

produits agricoles devient de plus en plus difficile pour ces ruraux surtout en saison pluvieuse.

Ceci a contribué au déclin de l’économie villageoise.

Ainsi, l’enclavement de plusieurs milieux ruraux constitue un véritable handicap au

développement rural. C’est pourquoi, « villageois et transporteurs sont unanimes : ils ne

demandent qu’une chose à l’État : de bonnes routes ». (Ibid. : 228). En plus des difficultés

rencontrées, mentionnées plus haut quant à l’essor des infrastructures de transport, il existe

des problèmes d’organisations qui contribuent à l’inefficience de la politique de construction

et de gestion des routes.

C’est donc dans le souci d’améliorer les conditions de déplacements des populations et pour

redonner un nouveau déploiement à l’économie notamment rurale, que le nouveau Président

de la République déclare : « J'ai décidé de lancer la construction de ce qui constitue l'épine

dorsale de notre économie, c'est-à-dire la route Libreville-Franceville, dont le financement

vient d'être acquis, grâce à un partenariat avec des pays émergents qui croient à la capacité

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

100

économique du Gabon de se hisser parmi eux » (Archives du 24/04/2010)40

. Il en est de même

pour l’amélioration du transport maritime. Ainsi des projets montrant de nouveaux chantiers

de routes sur les axes tels que Lalara-Koumameyong-Ovan ou Tchibanga-Mayumba et du

pont de la lagune Banio sont les défis du gouvernement actuel.

3.4. Le déficit de structures de premières nécessités

Comme dans l’ensemble du pays le monde rural connaît des déficiences dans les domaines de

l’éducation, la santé, et même dans la desserte d’eau et d’électricité. C’est pourquoi face aux

préoccupations des populations, l’État met en œuvre une politique sociale en vue d’améliorer

les conditions de vie. Concernant l’éducation, « le système éducatif connaît de nombreux

dysfonctionnements, tant au plan institutionnel qu’à celui des résultats scolaires et

académiques, malgré un taux d’alphabétisation élevé » (TBE, 2010 : 106). Le constat est plus

alarmant dans les villages. On remarque encore de nos jours des enseignants qui refusent de

rejoindre leurs lieux de travail surtout lorsqu’il s’agit des villages très enclavés. Et lorsqu’il

existe une école dans un village ou dans un regroupement de villages, les conditions de travail

sont plutôt difficiles. Le manque de salles de classes, ainsi que le matériel pédagogique sont

en effet les difficultés que rencontre les écoles villageoises. À cela s’ajoute le fait que

plusieurs parents décident de scolariser leurs enfants en ville parce que le manque

d’enseignants, ou leur absence lors de leurs déplacements pour s’approvisionner ou pour

prendre leurs salaires en ville, ou encore le retard enregistré lors de la prise de fonction une

fois affecté, participent à élever davantage le taux d’analphabétisation dans les villages.

Parfois c’est le sous-effectif d’élèves dû à un nombre réduit d’enfants en âge de scolarisation

vivant dans les milieux ruraux qui complique la situation. Le système éducatif des villages ne

comprend que les écoles primaires. Lorsque les enfants sont admis en Sixième, ils rejoignent

les établissements secondaires des centres urbains.

À propos de la santé « le gouvernement prône un meilleur accès aux soins de santé pour

l’ensemble des populations quel que soit le niveau social. Pour ce faire, une opération de

grande envergure a été entreprise. Elle a porté à la fois sur la formation du personnel

soignant et sur la rénovation des équipements et des bâtiments des structures de santé

40

http://www.gabon-services.com/l-actualite/l-actualite/957/les-infrastructures-de-transport-l-heure-de-l-

emergence.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

101

publique » (TBE, 2010 :107). Cependant les actions de rénovations sanitaires concernent

beaucoup plus les hôpitaux urbains. Quelques villages seulement bénéficient de dispensaires

mal ou peu équipés dans lesquels on ne peut trouver que des médicaments de première

nécessité. C’est pourquoi plusieurs paysans préfèrent recourir à la médecine traditionnelle et

ne vont au dispensaire ou dans les hôpitaux urbains que lorsque la maladie devient grave.

Pour ce qui est des affaires sociales, une innovation récente, très avancée permet aux

populations économiquement faibles de bénéficier des allocations familiales et des soins

médicaux à moindre coût. Crée par l’ordonnance n°0022/2007/PR du 21 Août 2007, la Caisse

Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale (CNAMGS) qui conduit cette action

fait preuve de bonne organisation en associant à leurs opérations les ruraux des zones très

enclavées. Quant au problème de l’eau et l’électricité, il se pose actuellement avec beaucoup

d’acuité aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Pour l’instant il n’y a

pas encore de véritables solutions apportées à ce problème.

3.5. Un environnement économique peu propice

L’aspect économique n’est pas le seul à justifier le dépérissement du monde rural gabonais.

Mais son impact sur ce monde est crucial. Parce que les milieux ruraux se vident davantage de

leurs mains valides parties vers d’autres horizons à la recherche d’emplois pouvant changer

leurs conditions de vie, que l’activité agricole aura toujours un manque à gagner, avec une

main-d’œuvre de plus en plus faible.

3.5.1. Une agriculture face à plusieurs concurrents

Il existe un profond déséquilibre entre l’agriculture et les autres secteurs. Le secteur agricole

employant beaucoup d’actifs est marginalisé. Il ne profite pas des fruits de la croissance des

autres secteurs. Ce qui entraîne des conséquences graves dans l’économie. En effet une forte

partie du budget national est orientée vers l’importation des denrées alimentaires (250

milliards de FCFA/an). La faiblesse de l’agriculture gabonaise peut s’expliquer par le fait que

le Gabon n’a pas une véritable coutume agricole. Toutefois, durant l’époque précoloniale et

coloniale, l’agriculture vivrière traditionnelle parvenait presque à nourrir la population. Mais

l’urbanisation apportant une évolution dans les comportements alimentaires et la démographie

galopante des centres urbains ont révélé les insuffisances de cette agriculture.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

102

L’agriculture gabonaise comprend l’agriculture vivrière, le maraîchage et les cultures de

rente. L’agriculture vivrière constitue en effet l’ensemble des produits de base (banane,

igname, taro, patate douce, manioc, etc.) et les cultures à court cycle (arachide, maïs et les

légumes). Le maraîchage par contre tourne autour des produits tels que l’aubergine locale et

violette, le chou, l’amarante, la carotte, etc. Quant aux cultures de rente, ce sont le cacao, le

café, l’hévéa et le sucre qui favorisent les exportations des produits agricoles gabonais vers

l’extérieur. Mais il faut dire que l’ensemble de la production gabonaise nationale ne permet

pas de résoudre les insuffisances alimentaires des ruraux et des urbains, c’est ce qui favorise

l’importation des quantités considérables pour l’alimentation. En conséquence plus de la

moitié des besoins alimentaires des Gabonais sont satisfaits par les produits agricoles

étrangers. Ce sont les bénéfices du pétrole qui apportent une grande part dans l’économie et

permettent ainsi l’importation des produits agricoles.

La concurrence de l’agriculture gabonaise d’avec les autres secteurs d’activités ainsi que les

produits agricoles étrangers participe à maintenir son sous-développement. En effet, le Gabon

dépend à plus de 60 % de l’extérieur pour répondre à ses besoins alimentaires et agricoles. Le

premier pays de la CEMAC qui vient en tête dans l’approvisionnement des marchés gabonais

est le Cameroun (cf. carte 2). La CEMAC est en effet la Communauté Economique et

Monétaire de l’Afrique Centrale. Cette communauté regroupe six pays dont le Gabon.

L’agriculture joue un rôle très important dans les échanges des pays de la CEMAC. En effet,

son apport au PIB de la CEMAC est de 27 % (Douya et al., 2005). Depuis 1999, les taxes

douanières sur les produits agricoles provenant de la zone CEMAC sont quasi inexistantes. À

cet effet, le Cameroun, à cause de sa forte production agricole est le gros fournisseur des pays

de la région. Il détient les trois quarts des exportations intra régionaux. Il est donc très

excédentaire dans les échanges intra régionales. C’est vers le Gabon qu’il exporte le premier.

Ainsi, en 2003, le Gabon a dépensé 13 394 millions de FCFA (Douya et al., op.cit.) dans

l’importation des produits agricoles en provenance du Cameroun. Ceci montre que dans la

région c’est le Gabon qui est un grand consommateur en produits agricoles. Mais en matière

d’exportations intra régionales, le Cameroun est suivi de loin par le Gabon qui exporte

principalement ses produits agricoles vers le Tchad. Ces produits agricoles concernent

essentiellement l’huile de palme, les préparations alimentaires, le sucre, etc.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

103

3.5.2. Le choix des agro-industriels

Les filières agro-industrielles (cultures de rente, élevage) apparaissent à la fin des années

1970, dans le but de disperser les activités économiques sur l’ensemble du territoire national

afin de répondre aux besoins nationaux, et contribuer au développement économique par

l’exportation des produits agro-industriels (Mianzenza, 2001). Certaines des filières agro-

industrielles n’ont toutefois pas pu prospérer jusqu’à ce jour. La dépendance alimentaire du

Gabon vis-à-vis de l’extérieur n’a pas cessé d’interpréter les pouvoirs publics. Plusieurs

tentatives seront alors effectuées dans le but de restaurer le secteur agricole afin de satisfaire

les besoins alimentaires des Gabonais (urbains et ruraux). C’est dans cette optique que vont

naître les différentes interventions de l’Etat.

Face à l’évolution des habitudes alimentaires, la sécurité alimentaire se présentait comme

étant une priorité. C’est donc dans le but de résoudre les problèmes alimentaires des Gabonais

et de réduire les importations des produits vivriers que le gouvernement à décider de mettre

l’accent sur l’agriculture. En effet, durant la période 1960-1975, la production vivrière avait

considérablement chutée de l’ordre de 15 % (Magnagna Nguema, 2005) parce que le secteur

agricole était totalement abandonné. Ainsi, c’est au cours du 3e plan quinquennal (1976-1980)

que le gouvernement gabonais décide de mettre un accent particulier sur l’agriculture, en la

déclarant « priorité des priorités ». Ce plan prendra appui sur l’augmentation des recettes

pétrolières du moment de telle sorte que le budget alloué au département de l’agriculture

grimpa à 4 % contre 1,2 % (1966-1975).

Des projets agro-industriels combinant élevage et cultures verront le jour, parce que l’accent

sera mis sur la modernisation et l’industrialisation de la politique agricole. Mais la politique

agroindustrielle ne favorisera pas le développement des cultures vivrières, mises à l’écart.

C’est pourquoi la mise en place d’un 5e plan quinquennal (1984-1988) et des politiques

d’ajustement structurel (1986-1990) seront élaborés pour favoriser l’amélioration des

conditions de vie des ruraux et de leurs cultures. C’est aussi dans cette même période que des

opérations zonales intégrées (OZI) apparaîtront. Mais les finances qui seront octroyées ne

seront pas suffisantes parce que la situation économique se dégradait. Après toutes ces

réformes sur le secteur agricole, il est constaté que le bilan est négatif, car les objectifs n’ont

pas véritablement été atteints. De ce fait, commencera en 1994 le projet d’appui au paysannat

gabonais (APG-FIDA), financé par le fond international pour le développement agricole

(FIDA). Celui-ci présentera également ses limites dès 1998.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

104

À l’instar de l’agriculture, le sous-développement de l’élevage au Gabon causée par l’absence

de tradition d’élevage, et le manque de système de commercialisation du bétail ont favorisé

une forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur. En effet, les effectifs des producteurs issus de

l’élevage industriel et artisanal ne contribuent guère à satisfaire les besoins alimentaires des

Gabonais.

Pour pallier à ce déficit, le gouvernement décide de créer la SIAEB (élevage des poules) en

1977 dans le but d’approvisionner les marchés urbains. Mais le coût élevé de la main-

d’œuvre, les obstacles techniques, et l’éloignement de la SIAEB par rapport aux principaux

centres urbains (Libreville et Port-Gentil) ont entraîné l’inflation du prix du poulet. La

concurrence étant favorable aux poulets importés parce que coûtant moins chers que le poulet

de la SIAEB, a plongé la société dans de grandes difficultés, car toute sa production n’était

plus totalement vendue. Ainsi, les ménages ont substitué la consommation du poulet à celle

du poisson dont le prix du kilogramme est à la portée de tous.

Malgré les efforts accomplis par le gouvernement en vue d’améliorer la SIAEB, elle suspend

ses activités en 2000. De même, la création de la Société Gabonaise d’Elevage (SOGADEL)

en 1977, spécialisée dans l’élevage industriel des bovins, devait permettre de limiter les

importations de viande. Là aussi, les difficultés de fonctionnement que connaît la société suite

à une diminution des aides, à la cherté des produits vétérinaires sur le marché international, la

décroissance du cheptel, etc. ont contribué à réduire l’activité de la SOGADEL. Par ailleurs

l’élevage artisanal connaissant également des problèmes n’a pas pu améliorer sa production.

Cette situation entraîne ainsi une forte dépendance. C’est pourquoi dès la fin de l’année 1994,

l’importation des quantités de viande prend une ampleur considérable. Aujourd’hui encore les

besoins en viande sont loin d’être satisfaits par les efforts des quelques particuliers ou

entreprises d’élevage. De même, la pisciculture qu’elle soit traditionnelle ou industrielle

n’induit pas également une production conséquente. En effet, le ravitaillement pour nourrir les

poissons se bute à des obstacles et l’insuffisance de la formation des initiateurs stagne

l’activité.

Tous les plans et politiques pour améliorer le secteur agricole ont montré leurs défaillances de

telle sorte que le monde rural n’a pas connu une amélioration, et la sécurité alimentaire

devenant de plus en plus problématique. Plusieurs sociétés agro-industrielles telles que la

SIAEB (élevage avicole), AGROGABON (palmier à huile), etc. ont dû fermer. Mais il faut

toutefois dire que pendant cette période de réajustement de l’activité agricole quelques points

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

105

positifs ont été observés. Toutefois, malgré toutes ces activités, l’agriculture n’est pas

parvenue à se développer. On le voit clairement au travers des taux d’importation alimentaires

respectivement constatés au fil du temps. De plus, la faiblesse de l’environnement

institutionnel qui s’est manifestée au travers des projets retenus n’a pas joué en faveur de

l’activité agricole.

3.5.3. Le développement rural en question

Le choix de l’agro-industrie pose le problème du développement rural gabonais. En effet, les

investissements orientés pour faire développer ce secteur n’ont contribué qu’à défavoriser le

développement en milieu rural. Ce développement passait par des projets dont un Plan arrêté

en 1966-1971 consistait d’une part à « créer une classe paysanne à niveau de vie élevé »

(Bouquerel, op. cit. : 68). Ceci ferait que la population paysanne soit stable et que les activités

modernes ne défavorisent pas la production rurale. « Rechercher un équilibre entre les

activités industrielles et commerciales et celles de l’agriculture » (Idem) d’autre part.

Cependant, l’application de ces projets n’a pas permis au monde rural de se développer, bien

au contraire. Même les cultures de rente (cacao, café) qui ont été d’abord choisies par les

puissances coloniales pour permettre aux paysans d’augmenter leurs revenus agricoles et pour

permettre au pays d’exporter, ont eu pour conséquence la diminution des superficies

cultivables des produits vivriers et le redéploiement des actifs agricoles vers ces cultures de

rente.

Pourtier (1989) a montré que les causes structurelles et conjoncturelles mises ensemble ont

favorisé la crise du secteur agricole. Ainsi, bon nombre d’éléments justifient bien cette crise.

En effet « l’archaïsme des techniques de production agricole, l’isolement des villages

demeurés à l’écart des circuits de l’argent sont apparus insupportables à la fraction jeune de

la population, le départ vers les chantiers, les mines, les villes représentant le seul moyen de

pénétrer dans le présent, de devenir acteur du renouveau social » (Pourtier 1984 : 448). Bien

que le développement agricole et rural ait été déclaré par les autorités gabonaises comme étant

« la priorité des priorités » depuis les années 1970, les résultats des projets ne sont pas

concluants. On peut alors se demander s’il n’existe pas à la base une adéquation entre ces

projets de « restauration » et le développement rural ? Penser à l’après-pétrole pour une

économie largement dominée par l’or noir a toujours été une réflexion chez les autorités, d’où

la mise en place de tant de projets agricoles. Cependant la politique de développement des

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

106

agro-industries ayant montré ses limites quant à la résolution des problèmes ruraux montre

que le développement rural ne sera guère favorisé par elles.

Il existe une forte concurrence entre les activités agro-industrielles et l’activité agricole qui

demeure marginalisée, alors que le devenir du monde rural gabonais réside dans le

développement de l’agriculture. Il vrai qu’il serait précoce de dire avec certitude que si les

autorités pensent le « développement autonome » des villages autrement, en incluant le fait

que les villageois eux-mêmes sont capables de penser leur développement en apportant des

ajustements aux insuffisances observées, au lieu de faire d’eux des éternels assistés,

changerait certainement la situation. De même, le désenclavement des milieux ruraux par des

voies de communication de bonne qualité leur permettra de trouver dans le fait de

commercialiser leurs produits et des bénéfices qu’ils en tireront, le moyen de mieux

développer leur production. Il est également vrai qu’en dehors des techniques traditionnelles

la production agricole dans les villages reste faible par le fait que les hommes ne s’impliquent

pas beaucoup dans l’agriculture vivrière. En effet, il a été remarqué que les cultures

commerciales (cacao, café, palmier, hévéa) étaient l’apanage des hommes parce qu’elles

généraient plus de bénéfices que les cultures vivrières. De même, si la commercialisation des

cultures vivrières apporte d’importants bénéfices, alors hommes et femmes trouveront

ensemble en l’agriculture le moyen d’améliorer leurs conditions de vie.

« L’évolution récente montre en revanche que la participation des hommes à la production

est stimulée lorsque les villages ont pleinement accès à l’économie de marché » (Pourtier,

1989 : 302). En effet, « l’ouverture sur le marché, garantie par un transport régulier, et à

condition que les prix payés aux producteurs soient suffisamment rémunérateurs, constitue à

nos yeux le facteur le plus important, le seul susceptible de réduire la distance du village à la

ville et par conséquent d’enrayer l’hémorragie rurale avant qu’elle n’atteigne le seuil

irréversible qui compromettrait tout effort de développement » (Idem). C’est ainsi que

l’économie rurale pourra se développer. De plus, si la commercialisation des produits vivriers

s’avère bénéfique, on pourra même penser au retour des citadins n’ayant pas d’emplois vers

les villages.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

107

4. Quelques actions du gouvernement visant à redynamiser le

monde rural

Plusieurs tentatives ont été effectuées dans le but de restaurer le secteur agricole et les milieux

ruraux. C’est dans cette optique que vont naître les différentes interventions de l’Etat dont

deux sont évoquées ici.

4.1. La politique de décentralisation

La décentralisation est un « système d’organisation des structures administratives de l’Etat

qui accorde des pouvoirs de décision et de gestion à des organes autonomes régionaux ou

locaux (collectivités locales, établissements publics) » (Le petit Larousse 2013 : 310). Cela

occasionne un transfert des compétences administratives de l’Etat vers les collectivités

locales. Depuis la colonisation la décentralisation a été considérée comme étant l’outil qui

pouvait permettre au territoire gabonais de se développer. C’est pour réformer l’Etat et

l’administration dans le but de rendre plus efficace les services publics que la décentralisation

était plus que nécessaire, dans la moitié des années 1990.

C’est au cours de la conférence nationale de 1990 que l’unanimité reconnut « l’excessive

centralisation comme la cause majeure du dysfonctionnement de l’Etat » (Garandeau, 2010 :

63). Ainsi, la décentralisation bien que n’étant pas au centre des problématiques de cette

conférence a toutefois permis d’envisager l’élaboration d’une loi qui permettrait de réduire les

inégalités existantes dans les régions du Gabon. Ceci sera possible grâce au « transfert de

compétences et [à] la promotion du développement local » (Ibid. : 64). Le processus de

décentralisation s’accélérant avec le support des « accords de Paris » ferait que les communes

et les départements bénéficient de « la délocalisation de certains cycles d’enseignement, de

certaines structures sanitaires, sportives et socioculturelles, ainsi que des structures de

protection de l’environnement » (Idem). C’est ainsi que le monde rural pouvait profiter des

avantages de ce processus.

Mais la décentralisation constitua un « vaste chantier d’accompagnement » qui occasionna

plusieurs amendements administratifs au travers de l’établissement de plusieurs lois. Ainsi, la

Loi 15/96 est celle sur laquelle elle s’appuie. Toutefois l’élaboration de cette loi ne suffisait

pas pour entamer le processus de décentralisation. Il fallait aussi que soit mis en place des

Page 109: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

108

textes parallèles tant sur les attributions des collectivités locales, que sur les aspects financiers

ou encore la manière dont le transfert de compétences pourrait être fait, pour ne citer que cela.

C’est dans ce sens que le gouvernement a mis en place trois organismes pour mettre en œuvre

la politique de décentralisation : une Commission nationale de la décentralisation (CND), un

Comité technique de la décentralisation (CTD) et des Commissions provinciales de la

décentralisation (CPD), d’après les articles 223 à 227. Malgré cette organisation, plusieurs

insuffisances ont été observées dans l’application de cette politique. Les acteurs impliqués

s’approprient peu cette politique, les services centraux ont toujours l’exclusivité du pouvoir,

le manque d’expertise dans certaines collectives locales, le problème financier sont autant de

problèmes qui réduisent l’efficacité du processus de décentralisation. À cela s’ajoute un point

central, qui est l’absence de précision autour des textes sur lesquels s’appuie la

décentralisation. Ce sont des textes qui manquent de clarté pour qu’ils soient applicables. En

effet, « dans l’ensemble, la loi est restée assez vague sur le détail des différents contrôles.

Certes, elle renvoie à des textes futurs pour l’organisation de ces contrôles, mais l’impression

qui se dégage à la lecture du titre relatif à la tutelle, « De la tutelle de l’Etat sur les

collectivités locales », est celle d’une grande prudence, comme d’ailleurs dans l’ensemble du

texte » (Garandeau, op. cit. : 97). Même si plusieurs collectivités locales ont vu le jour grâce à

la décentralisation, mais cette dernière est restée très limitée quant à son applicabilité. Plus

d’une décennie d’exécution, la politique de décentralisation révèle un bilan très mitigé.

C’est pourquoi dans l’optique d’amoindrir les disparités existantes entre les villes principales

du Gabon, surtout Libreville et les autres villes de l’intérieur du pays, le gouvernement a

décidé de reprendre la politique des « fêtes tournantes » qui sont célébrées rotativement dans

toutes les provinces, d’après la Loi 15/96 relative à la décentralisation. Mais cette initiative

n’a pas vraiment changé grand-chose dans plusieurs communes rurales. Ces communes sont

presque restées avec leurs mêmes problèmes : chômage, insuffisance des équipements

sanitaires, services administratifs très limités, etc. C’est pourquoi, l’activité agricole devient le

dernier recours pour mettre la famille à l’abri de la misère en attendant qu’une offre d’emploi

se manifeste.

Si la décentralisation est apparue comme le moyen de déposséder du pouvoir le système

monopartisme qui en était « foncièrement centralisateur » afin d’aboutir à un libéralisme

politique au travers du transfert de pouvoir vers les collectivités locales, avec l’arrivée de la

démocratie, il existe néanmoins un large fossé avec la réalité sur le terrain (Ikoghou Mensah,

Page 110: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

109

2009). Toutefois, face à tous ces dysfonctionnements, le gouvernement gabonais a entrepris

un projet de révision de la Loi 15/96 dès 1998. Parmi les modifications apportées à cette loi

en 2000 figurent la suppression des communes rurales, car elles n’ont jamais été mis en place

à cause de plusieurs entraves. Ainsi, ce dysfonctionnement occasionnant une désorganisation

dans l’aménagement du territoire, a fait que le gouvernement dut créer un ministère de la

Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire, institutionnalisé par le décret 7775/PR

du 20 Janvier 2006. Celui-ci a pour mission d’encadrer les activités des collectivités locales

afin de favoriser « la politique de développement et d’aménagement du territoire »

(Garandeau, 2010). C’est dans cette perspective que les communautés rurales succédèrent aux

communes rurales, et qu’une réorganisation spatiale du département fut initiée. En effet, avec

loi précédente (15/96) qui a défini un nombre précis pour les habitants d’un village, plusieurs

villages sont restés en attente de communalisation, ce qui a contribué à consolider leur

précarité. Par conséquent, quelques objectifs liés à ce projet pour la restauration des villages

visaient « à conserver, autant que faire se peut, le village comme élément du patrimoine

culturel auquel la plupart des Gabonais restent attachés (même si plus personne ne veut y

habiter) » ; « À donner une chance de survie aux villages, en les réorganisant en

communautés rurales » (Ibid. : 116). Malgré toutes ces réformes dues à différentes révisions

de loi, le monde rural continue de subir des inégalités qui entravent son développement.

4.2. La restructuration du secteur agricole

Les politiques de réforme de l’agriculture ne vont pas seulement concerner les milieux ruraux,

mais vont également s’étendre aux milieux urbains. Ce sont dans les zones urbaines et dans

leurs périphéries que se développa une agriculture individuelle, parfois de petites et moyennes

entreprises. Des plantes locales et étrangères étaient alors cultivées. Afin de mettre un terme

aux pénuries des produits maraîchers le gouvernement avec l’aide d’Elf-Gabon a entre temps

mis en place la création de projets tels qu’Agripog et l’IGAD. Crée en 1980, Agripog, est une

société agricole située à Port-Gentil. L’institut gabonais d’appui au développement (IGAD),

né quant à lui en 1992, sert à promouvoir et à superviser l’agriculture maraîchère voire

vivrière au Gabon. Ces deux projets ont favorisé l’aménagement et la gestion des territoires

dans les périphéries des villes; Agripog pour le cas de Port-Gentil et l’IGAD pour le reste des

autres villes. Mais les activités de ces acteurs restent majoritairement limitées au monde

urbain.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

110

Si les actions de l’État dans le but de développer le secteur agricole, font que le nombre

d’actifs en ce qui concerne l’agriculture périurbaine est en hausse, de l’autre côté il apparaît

toutefois que le nombre d’actifs ruraux décroît davantage. En effet, le développement de

l’agriculture périurbaine se manifeste aussi par la croissance du nombre d’actifs qui

s’adonnent au travail de la terre. Il existe un nombre important d’agriculteurs périurbains.

Avec les mouvements de populations, l’agriculture gabonaise bénéficie des expériences des

migrants africains. Ainsi, beaucoup d’étrangers se sont spécialisés dans le maraîchage tandis

qu’une grande partie d’agriculteurs nationaux domine l’agriculture vivrière. Les Ouest-

africains (Burkinabé, Maliens) et São-toméens notamment s’en sortent beaucoup mieux dans

le maraîchage à cause de leur expérience agricole acquise dans leurs pays originaires. Ce n’est

véritablement que dans ce domaine que les expatriés participent au travail de la terre et

augmente la production maraîchère des centres urbains, en dehors de l’aspect commercial.

Aux maraîchers étrangers s’ajoutent les agriculteurs nationaux.

Ce constat montre bien la rivalité entre l’agriculture rurale et l’agriculture périurbaine à

l’instar du maraîchage. En effet, l’ambiguïté toujours constatée dans le choix des politiques

agricoles du gouvernement jouent constamment en défaveur du monde rural. Les opérations

lancées récemment pour remettre sur pied les cultures de rente telles que le cacao en

implantant de nouvelles surfaces agricoles dans les provinces comme le Moyen-Ogooué, et de

restaurer les anciennes surfaces cacaoyères, n’aident pas à résoudre le problème de

l’agriculture. Si dans les décennies antérieures, le monde rural a bénéficié de plusieurs

programmes agricoles avec des organismes tels que le APG-FIDA dont les pancartes existent

encore dans certains villages, et qu’il n’y a pas eu des résultats positifs, cela montre bien que

de véritables solutions pouvant résoudre les maux du monde rural gabonais n’ont pas encore

été trouvées ou sont insuffisantes.

Ce rapport fait sur la situation d’élevage (bovin, porcin, poisson) plus haut a amené le

gouvernement à concevoir d’autres projets afin d’améliorer cette activité. Parmi les actions

entreprises par le gouvernement pour développer l’agro-pastoralisme et le monde rural,

figurent le projet d’appui au développement de l’agriculture périurbaine (PADAP). Par

ailleurs, le gouvernement décide de soutenir les petits exploitants agricoles et éleveurs,

individuels ou en associations. À cet effet, l’IGAD s’inscrira dans la même logique que l’Etat.

Mais l’institut n’est pas seul à agir pour améliorer la pisciculture. Il existe également d’autres

services au Ministère de l’économie, des eaux et forêts.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

111

En somme, on assiste à des projets agricoles bien cohérents de part leurs structures mais qui

se révèlent au fil du temps non adaptés aux réalités villageoises. Il n’existe pas un seul

problème dans le monde rural, ou un qui soit dominant. Parce qu’il faut les considérer comme

un tout l’ensemble des difficultés que rencontre les ruraux qu’ainsi un ensemble de solutions

seront également apportées.

Conclusion du chapitre II

Cette présentation globale du monde rural gabonais a permis de montrer les caractéristiques

communes à ce monde. Elle nous permet de fonder l’analyse des terrains que nous avons

étudiés. De la période précoloniale à nos jours, le monde rural gabonais a non seulement

connu une évolution spatiale, politique, vestimentaire et même alimentaire à travers

l’introduction des nouveaux modes de consommation, grâce à l’urbanisation, mais a aussi

subit des bouleversements sociaux (exode rural) et économiques (sous-développement de

l’agriculture) qui le paralyse. Ainsi, malgré les tentatives du gouvernement à favoriser l’essor

de l’agriculture à travers de multiples projets parfois contradictoires, elle demeure sous-

développée et n’occasionne pas le développement rural.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

112

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

113

Chapitre III : Production et conservation au

Gabon face à la problématique du

développement durable

Dans ce chapitre, nous analysons les différentes activités de production entreprises dans le

monde rural gabonais. Les activités sur lesquelles se fonde l’économie gabonaise ont

récemment fait l’objet d’une évaluation qui a montré les limites du système d’exploitation

actuel. Les autorités ont donc pris des mesures dans le but d’une part de favoriser la

diversification de l’économie, et d’autre part d’encourager la pérennité des ressources

naturelles exploitées, à travers une gestion durable. À cet effet, les activités de conservation

amorcées timidement pendant la colonisation, réapparaissent avec force au cours des années

1990 grâce à l’appui des discours internationaux. Depuis lors, des projets et autres activités de

conservation sont menés au Gabon en référence aux décisions prises dans la sous-région en

rapport avec la question. De nombreux acteurs intéressés par la conservation œuvrent

ensemble dans l’objectif d’aboutir à des véritables politiques environnementales qui inciteront

les développements économique, socioculturel et politique. Ainsi, le contexte politique et

institutionnel ayant permis une avancée en politiques de conservation, à travers les réformes

des codes forestier et environnemental, révèle toutefois des insuffisances.

Nous verrons également à travers les discours qui sont faits sur le développement durable,

comment les politiques environnementales sont abordées au Gabon, leurs limites, enjeux,

ainsi que les espoirs qu’elles suscitent auprès des populations locales. Ainsi, à travers le

concept de service environnemental, nous verrons les avantages dont peuvent bénéficier ces

populations, de même que les limites observées. Il s’agira aussi de voir de quoi est fait ce

concept et les contraintes qu’il possède.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

114

1. Les principales activités de production dans les milieux ruraux

et leurs impacts

Les ressources minières (pétrole, manganèse), ainsi que l’exploitation forestière sont les

supports de l’économie gabonaise. Mais la plus importante qui joue un rôle fondamental sur

l’économie, en fonction des variations de prix sur le marché international est le pétrole

(Mianzenza, 2001). Ainsi, ces activités de rente génèrent les revenus publics de l’Etat. Dans

cette économie de rente, la production agricole n’a pas cessé de diminuer faute de main-

d’œuvre agricole suffisante au profit des autres activités économiques. Est présenté ci-après la

contribution de chaque secteur d’activités dans l’économie gabonaise.

Graphique 1 : Répartition du PIB gabonais par secteurs d’activités de 2001 à 2010

Source: Direction Générale de l’Economie (DGE)

Le secteur primaire domine l’économie grâce au pétrole, et connaît un pic en 2008 avec

3 906,30 milliards de FCFA. « En 2008, les cours du baril de pétrole ont atteint des niveaux

très élevés (144,22 dollars le baril au mois de juillet), ce qui a occasionné un cours moyen du

Brent s’élevant à 75,55 dollars le baril en 2008 contre 72,52 dollars le baril en 2007, soit un

relèvement de 4% »41

. Ainsi, la contribution au PIB du secteur primaire n’a pas cessé

d’augmenter de 2001 à 2010. Plus largement, « l’économie du Gabon est fortement

41

http://www.dge.gouv.ga/images/dge/TBE/tbe2008.pdf

0,00

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Secteur primaire

Secteur secondaire

Secteur tertiaire

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

115

dépendante de l’extraction des ressources naturelles pour les marchés

d’exportation »42

. Parce que l’économie repose sur le secteur primaire que nous détaillons

dans les lignes qui suivent les activités qui composent ce secteur. En dehors de l’activité

agricole dont on a longuement parlé dans le chapitre précédent, qui fait partie du secteur

primaire et qui elle aussi est une activité de production qui se pratique à la périphérie des

espaces ruraux, nous mettons plus d’accent dans cette partie sur les activités forestière,

minière et pétrolière.

1.1. L’exploitation forestière et la filière bois

La forêt gabonaise constitue depuis toujours une grande source de prélèvements du bois et de

ses dérivés pour de multiples usages. En dehors du bois commercial exploité formellement, il

existe d’autres manières de se servir du bois et de la forêt. Les populations exploitent les

produits de la forêt (bois, PFNL) de façon informelle soit pour construire, pour la cuisson

(bois de feu et charbon de bois), pour la fabrication des meubles, ou soit pour l’alimentation.

Ainsi, la commercialisation de ces produits par les populations devient depuis un moment une

préoccupation du gouvernement dans l’objectif de mieux structurer la filière bois au Gabon,

afin qu’elle soit bénéfique aussi bien à l’économie gabonaise qu’aux populations (Christy et

al. 2003).

Cependant, pour ce qui est de l’exploitation forestière, elle constitue une forte source de

l’économie gabonaise. En 2010 notamment 600 407 m3 de grumes ont été exportées

principalement vers le marché asiatique (TBE, 2010). Il a été donc remarqué une baisse

d’exploitation de 62,5 % par rapport à 2009 suite à une décision du gouvernement d’interdire

l’exportation de grumes de bois. Nous reviendrons plus loin sur ce point.

Au Gabon l’exploitation du bois commercial remonte à la fin du XIXe siècle lorsque les vertus

de l’Okoumé furent découvertes sur le plan technologique (Edou, 2004). Il y a plus d’un

siècle d’exploitation de bois au Gabon, ce qui ne constitue pas autant une menace pour la

forêt, parce que le bois est une ressource renouvelable. Néanmoins, « au cours des quarante

dernières années, la part de forêt destinée à l'exploitation forestière est passée de moins de 10

% à plus de 50 %, la majeure partie de cette accélération s'étant produite au cours des dix

42

http://www.forestsmonitor.org/en/reports/549968/549987

Page 117: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

116

dernières années (UNEP, 2008) » (Maloba Makanga, 2011 : 44). L’Okoumé est l’essence qui

occupe une place importante dans l’exportation des grumes. C’est ce qui fait dire à Félix

Eboué que « “l’Okoumé richesse” du Gabon a pompé le Gabon »43

. En effet, jusqu’en 1960

l’Okoumé représentait 95 % de la production forestière (Pourtier, 1980). Sa proportion a

cependant considérablement diminué au fil du temps à cause de la valeur des autres essences.

L’exploitation forestière a connu de façon générale deux phases au Gabon : la première qui se

singularise par la dominance de l’Okoumé et la seconde où l’exploitation du bois n’occupe

qu’une place secondaire après l’exploitation des ressources du sous-sol dominant dorénavant

l’économie.

L’exploitation forestière « a profondément marqué l’espace et les hommes et [a] fortement

contribué à la spécification de l’entité Gabon » (Pourtier, 1980 :145). À propos de l’espace, la

demande massive en main-d’œuvre durant la période coloniale ou même avant a favorisé la

migration de plusieurs hommes vers les chantiers forestiers. Ainsi il y eût-il une répartition

inégale de la population dans l’espace. De plus, sur le plan humain, « les chantiers forestiers

furent des lieux de brassage de population, d’initiation à la modernité d’où émergea

précocement une conscience » (Idem). L’exploitation forestière a toutefois été bénéfique pour

l’économie gabonaise après la colonisation qu’avant, car avant son indépendance elle a

beaucoup plus servi aux colons et à l’AEF (Londres, 1929). S’étant libéré des contraintes

douanières de l’AEF, l’indépendance du Gabon a permis que l’activité forestière se répande

dans tout le pays afin de doter en infrastructures routières l’intérieur. De même, le

développement technologique est venu résoudre le problème de la main-d’œuvre.

Par ailleurs, la volonté de l’Etat de « gaboniser » le secteur forestier n’a pas été accompagnée

de résultats positifs parce que ce secteur continue d’être l’apanage des sociétés étrangères et

que les contrats d’exploitation ne sont pas respectés. Les textes stipulaient par exemple que

« tous les permis d’exploitation pour des superficies supérieures à 15 000 hectares prévoient

la transformation d’une partie du bois (la Loi 1/82 fixe un objectif national de 75 pour cent)

par l’intermédiaire d’une entreprise locale. Toutefois, entre 1988 et 1995, le taux de

transformation du bois n’a jamais dépassé les 18 pour cent » (Collomb et al., 2000 : 25).

Cependant il a toujours existé des contrats d’exploitation entre l’État et ces sociétés qui

devraient entraîner des bénéfices pour les deux parties, mais pas à part égale, et des

43

Tiré d’Instructions de Juillet 1941. Braz. G.G. 139, cité par Pourtier 1980 : 145

Page 118: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

117

contraintes telles que le fait de transformer à un pourcentage important le bois localement, soit

72 % en 2012. Cette nouvelle mesure quoique ancienne a entraîné un véritable malaise chez

les sociétés forestières dont les activités connaissent un ralentissement.

1.2. L’exploitation minière

Sur le marché international, le minerai de manganèse présente une valeur importante, ce qui a

largement rehaussé son prix à 64 % contre celui de 2009 (TEB 2010). Quant au minerai de

fer, ce sont les Brésiliens et Australiens qui se partagent plus de la moitié du marché

international de ce minerai, ce qui les a amené à obliger une extraordinaire augmentation des

prix de plus de 63,4 % (idem). En somme, ces variations des prix de manganèse ou de fer sur

le marché international sont à l’avantage du Gabon qui exploite et exporte ces deux minerais.

C’est le manganèse qui constitue le minerai important le plus exploité au Gabon. Sa forte

production de 95 % orientée vers la sidérurgie industrielle fait passer le Gabon pour le second

producteur mondial. « Acteur majeur de l’économie gabonaise, la Compagnie Minière de

l’Ogooué (Comilog) exploite à Moanda, dans la province du Haut-Ogooué, les gisements de

manganèse parmi les plus riches et les plus rentables au monde avec des réserves estimées à

500 millions de tonnes » (TBE, 2010). Ainsi, avec une hausse de production de 60,7 % en

2010, Comilog a augmenté son chiffre d’affaire par l’augmentation des exportations et par la

forte évolution des prix sur le marché.

Même si le manganèse n’a pas toujours eu la même production au cours des années, mais il

continue de bénéficier des avantages du marché international. Ce qui laisse comprendre que

les recettes des exportations de ce minerai sont d’une grande importance pour l’économie

nationale qui en bénéficie déjà depuis quelques décennies. En effet, l’exploitation du

manganèse au Gabon remonte depuis 1962 (Pourtier, 2004). Le manganèse entra ainsi dans

l’ère économique gabonaise marquée par la dominance des produits miniers (aussi uranium

dans la même période, c’est-à-dire 1961) et pétrolier.

On retrouve de nombreux minerais dans plusieurs provinces du Gabon. Bien qu’il existe des

difficultés à faire des prospections en milieu forestier équatorial à cause du milieu naturel,

mais profitant de la connaissance géologique du Gabon et du développement technologique,

quelques recherches ont été faites. Ainsi, « parmi les minerais les plus abondants et qui

pourraient être valorisés dans le futur, on peut retenir le fer de Bélinga, le talc et la barytine

Page 119: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

118

de la Nyanga, le niobium près de Lambaréné » (Pourtier, 2004 : 38). Mais la valorisation des

mines du Gabon ainsi que leur exportation dépendra de la demande du marché.

1.3. L’exploitation pétrolière

L’exploitation pétrolière démarre au Gabon en 1956 dans la province de l’Ogooué-Maritime

où elle se fait encore aujourd’hui. Depuis cette date, elle a procuré d’importants revenus

financiers qui ont contribué à fortifier l’économie nationale. Ainsi, dans les années 1970-1980

on assiste au boom pétrolier gabonais avec une forte production pétrolière nécessitant

d’importantes exportations et profitant des cours du marché international, qui ont ensuite

permis le développement du pays.

D’un côté, le pétrole a fortifié l’économie, d’un autre il a défavorisé la croissance des autres

activités économiques. Ce qui permet de faire cette observation : « le pétrole pèse lourd dans

l’économie nationale. Il compte en chiffres arrondis pour 40 % du produit intérieur brut,

80 % de la valeur des exportations, 60 % des recettes budgétaires de l’État. Les recettes

pétrolières produites par les impôts sur les sociétés, les redevances diverses et les contrats de

partage de production représentent entre 40 et 50 % du PIB pétrolier » (Pourtier, 2004 : 40).

C’est ce qui permet largement de couvrir les dépenses de l’Etat. Cependant le secteur pétrolier

n’induit pas plusieurs emplois directs. Etant donné que le pétrole est exporté à l’état brut à

95 %, le besoin d’une main-d’œuvre importante est limité par le développement

technologique en cours. Par ailleurs, sur le plan environnemental, la production du pétrolière

entraîne de lourdes conséquences. En effet, « les infrastructures destinées à l’exploitation du

gisement de Rabi-Kounga, par exemple, ont provoqué la déforestation de 3 000 ha de forêt.

Près du littoral, l’ouverture de layons pour la sismique porte atteinte aux mangroves »

(Idem). Sans oublier le milieu marin qui subit la pollution due aux fuites d’huile.

1.4. L’influence de la production sur l’économie gabonaise

« La production est à la fois une activité consistant à créer des biens en combinant des

ressources et le résultat de cette activité (la production d’un bien, la production des

entreprises, etc.) »44

. Au Gabon la croissance économique repose essentiellement sur les

44

http://www.universalis.fr/encyclopedie/production-economie/

Page 120: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

119

activités de production des ressources du sous-sol (pétrole et mines) d’abord et des ressources

du sol (bois) ensuite. Ainsi, concernant le secteur primaire sur lequel s’appuie principalement

l’économie gabonaise mis en part l’agriculture dans sa globalité (agriculture, élevage, pêche)

dont la faible production ne participe que de l’ordre 6,7 % au PIB nominal en 2010, c’est

essentiellement le pétrole suivi des mines (manganèse) qui ont favorisé une forte croissance

économique à travers leur production importante. Ainsi, jouissant des cours du marché

mondial, la production du pétrole brut à elle seule a contribué à 84,7 % dans le PIB, quant aux

mines c’est à près de 8 % qu’elles ont participé au PIB nominal, et l’exploitation forestière

que de 0,6 %. Cependant la part des productions notamment forestière et pétrolière dans le

secteur secondaire avec les industries entraîne encore des résultats plus probants.

On observe cependant dans les dernières années une progression dans les secteurs secondaire

et tertiaire (cf. graphique précédent). C’est d’abord l’État puis les populations qui jouissent à

proportion variable et inéquitable des bienfaits des différentes activités de production

entreprises dans les espaces ruraux gabonais. Même si l’activité forestière est en régression

depuis que les ressources minérales et pétrolières ont montré leurs atouts à favoriser la

croissance économique, elle demeure une activité indéniable sur laquelle peut compter

l’économie.

L’exploitation durable du bois est un enjeu pour le Gabon. En effet, la filière bois constitue le

second employeur au Gabon, derrière la fonction publique. Elle crée en effet près de 20 000

emplois directs et indirects. Donc si les parts des contrats sont respectées par les exploitants

forestiers dans le sens de créer davantage d’emplois par la transformation du bois sur place,

plusieurs emplois seront créés. De même, dans le but de pérenniser la forêt gabonaise, source

de nombreuses richesses nationales, suite aux limites souvent observées dans les activités de

production, des activités de conservation sont entreprises à proximité de ces activités de

production. Ainsi est-il important de voir comment les politiques environnementales sont

apparues au Gabon, les acteurs de ces actions ainsi que toute la problématique qu’elles

soulèvent.

2. Historique de la conservation et son évolution au Gabon

L’histoire de la conservation au Gabon prend appui sur « une prise de conscience

environnementale à l’échelle de la planète [qui] a contribué à porter l’attention de la

communauté internationale sur la thématique de la conservation de la biodiversité » (Binot,

Page 121: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

120

2010 : 64). Cependant les premières aires protégées naissent en Afrique durant la période

coloniale. Les puissances coloniales ont en effet crées dans leurs colonies africaines de

nombreuses aires protégées pour diverses raisons (convention, protection de faune et flore).

En Afrique Centrale l’apparition des premières aires protégées date de 1920-1940 et s’est

poursuivie durant la période postcoloniale. Dans les années 1990, la vulgarisation du concept

du développement durable a davantage favorisé la montée des politiques environnementales.

Ce qui a eu des répercussions à l’échelle mondiale. C’est dans cette optique que lors du

sommet de la Terre de Johannesburg le Président gabonais Omar Bongo décide de créer 13

parcs nationaux, mettant 11 % du territoire national en réserve.

2.1. La gestion forestière au Gabon, de la période coloniale à aujourd’hui

Si les Belges ont crée en 1925 dans leur colonie africaine (Congo démocratique) le parc

national Albert, les français de leur côté s’étaient aussi activés pour créer des réserves

intégrales à Madagascar ou encore en Algérie en 1921. Ainsi, après les décrets et principes

arrêtés en 1935 par l’administration coloniale française sur la chasse, puis sur les parcs pour

les animaux concernant les colonies de l’Afrique Occidentale Française (AOF), ils se sont

ensuite poursuivis aux colonies de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) (Obiang Ebanega,

2004).

C’est sous cette lancée que plusieurs aires protégées sont nées au Gabon durant l’ère

coloniale. Parmi les plus anciennes figurent « la réserve forestière de la Mondah (16 février

1951), et la réserve de Lopé-Okanda (26 septembre 1946), et par la réserve totale de faune et

le domaine de chasse de Ndendé, la réserve totale de faune du mont Fouari et la réserve

totale de faune de Nyanga Nord (datant tous du 8 février 1956). Font également partie de ce

patrimoine le domaine de chasse de Ngové-Ndogo, le Parc national du Petit-Loango, la

réserve totale de faune du Petit Bam-Bam, et les deux réserves partielles de Wonga-Wongué

et du Grand Bam-Bam, qui ont tous vu le jour le 17 février 1956. » (Ibid.: 17). On peut bien

observer le patrimoine naturel gabonais hérité de la colonisation française à travers la carte

d’Obiang Ebanega (2004).

Page 122: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

121

À l’Indépendance, les Gabonais n’ont fait que poursuivre et renforcer ce que les colons

avaient déjà fait en matière de « conservation » au Gabon. Bien sûr que les actions de

conservation connaîtront des avancées survenues avec le soutien des discours internationaux

contemporains en matière de gestion environnementale. Ainsi plusieurs aires protégées vont-

elles apparaître tandis que certaines anciennes vont disparaître. Par exemple les réserves de

faune localisées dans les environs de Ndendé ou encore la propriété de chasse du mont Fouari

n’existent plus (Christie, 1997).

Carte 3 : Le réseau d'aires protégées du Gabon en 1960

Page 123: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

122

Deux ans après l’Indépendance, c’est-à-dire en novembre 1962, plusieurs décrets viennent

changer et compléter le réseau d’aires protégées crée précédemment. Ces décrets apportant

des modifications, attribuent à chaque aire protégée un statut « d’aire d’exploitation

rationnelle de faune (AERF) et englobe une (ou plusieurs) réserve de faune et un (ou

plusieurs) domaine de chasse » (Brugière, 1998 : 47). Dans la même période l’AERF de la

Moukalaba voit le jour. De plus, les changements survenus avec le décret du 13 Avril 1971

ont permis d’ajouter aux aires protégées existant la dimension touristique par les particuliers,

à l’exception des aires protégées localisées dans les zones de Ndendé et de Moukalaba

(Obiang Ebanenga, 2004). Un autre décret du 2 octobre de la même année vient classer le site

naturel d’Ipassa en réserve naturelle intégrale et lui accorde un statut de site international

destinée à faire de la recherche scientifique.

D’autres modifications intervenant au travers du décret du 14 Juillet 1972 permettent de

considérer l’AERF de Wonga-Wongué comme une réserve présidentielle. Poursuivant la

même logique des séries des décrets, le domaine de chasse de Lopé-Okanda fera désormais

partie de la réserve de faune de l’Offoué-Okanda lorsqu’au prélude des années 1980 la

brigade de faune de la Lopé est établie. Enfin, les transformations prenant appui sur les

décrets qui apparaîtront par la suite n’auront pour objectif que de consolider le réseau d’aires

protégées. C’est la loi du 25 Juillet 1982 qui s’intitule « Loi d’orientation en matière des Eaux

et Forêts » qui permettra de gérer ces aires protégées en les catégorisant et en spécifiant leurs

objectifs jusqu’à ce qu’apparaisse en 2003 une loi plus récente ou en 2007 une loi spécifique

aux parcs nationaux. Nous présentons sur la carte ci-après un aperçu des aires protégées en

1996, localisées spatialement sur le territoire national.

Page 124: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

123

Source : Brugière, 1998 : 48

Ce réseau d’aires protégées au Gabon montre une avancée significative en matière de

conservation. Cependant des insuffisances occasionnant des critiques quant à la gestion de ces

aires protégées ont été révélées. En effet, « les réserves fonctionnent avec des moyens limités

en hommes comme en matériel. La plupart d’entre elles ne sont pas dotées de brigades, et

celles qui ont la chance d’en être pourvues ne disposent pas d’un effectif de plus d’une

poignée d’individus » (Obiang Ebanenga, 2004 : 28). Les situations variant d’une aire

protégée à une autre selon l’activité économique dominante des localités ont parfois perturbé

les contextes sociaux et économiques des aires protégées. Par exemple le complexe d’aires

protégées de Gamba connaît une situation particulière : « la ville de Gamba connaît quelques

Carte 4 : Aires protégées existantes et proposées au Gabon en 1996

Page 125: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

124

bouleversements occasionnés par l’activité pétrolière. Notamment un mouvement d’exode

rural, qui attire les habitants du secteur et ceux des régions plus lointaines vers le bassin

d’emploi suscité par le pétrole » (Idem). Avec l’aide des ONG internationales telles que le

WWF et le WCS, des solutions vont être proposées et appliquées afin d’assurer la pérennité

des aires protégées.

Jusque dans les années 1990, le statut de parc national, bien qu’existant dans la législation

gabonaise, n’était assigné à aucune aire protégée. Le cas du Gabon fut une exception par

rapport aux autres pays africains dont les aires protégées héritées de la colonisation furent

considérées comme des parcs nationaux. C’est dans cette perspective que l’UICN, au travers

de son rapport de 1990, a suggéré que soient créées une dizaine d’autres aires protégées et a

également proposé que certaines aires protégées aient le statut de parc national. Treize ans

après cette proposition de création d’autres aires protégées, treize aires protégées bénéficient

au total du statut de parcs nationaux. La création de ces aires protégées repose sur des décrets

et articles de la Loi 16/93 du 29 mai 1993 relative à la protection et à l'amélioration de

l'environnement. Le réseau des parcs nationaux gabonais se traduit actuellement comme suit :

Page 126: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

125

2.2. Les politiques environnementales gabonaises

En 1959, le Générale de Gaulle déclare que : « quand nous nous sommes installés dans les

colonies, nous avions la perspective d’exploiter les matières premières qui dormaient jusque-

là. Mais aujourd’hui (la colonisation) est devenu(e) pour la métropole, non plus une source

de richesse, mais une cause d’appauvrissement et de ralentissement… Le profit a cessé de

compenser les coûts » (Peyrefitte, 1994 : 57). Dans ce sens, l’analyse de Bouquerel (1970),

montre qu’en dehors de l’importance de la traite négrière qui a profondément marqué le

Gabon, le développement du trafic de l’ébène et de l’ivoire n’était pas en reste. En effet, « en

1850, le lieutenant de vaisseau Bouet-Willaumez énumérait les produits du Gabon les plus

Carte 5 : Nouveau réseau des aires protégées

Page 127: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

126

recherchés “… l’ivoire, un des plus beaux de la côte, mais qui devient de jour en en jour plus

rare ; le bois d’ébène qui se trouve en grande abondance sur les bords du Gabon même et des

rivières voisines ; puis le bois de santal ou bois de teinture rouge qui vient avec une

abondance encore plus remarquable dans cette contrée ; aussi un peu de cire et de gomme

copal" » (Ibid. : 47). Ceci montre que l’exploitation des ressources était déjà intense à cette

période, sans en assurer un usage durable.

Pour eux, les ressources exploitées (animales et floristiques) ne devaient jamais s’épuiser.

Elles devaient à la limite se renouveler d’elles-mêmes. Telle fut le mythe qui se rependit dans

la sphère des colons français à l’égard de leurs colonies d’Afrique occidentale et équatoriale

françaises (Puyo, 2001). Cette pensée de l’inépuisabilité des ressources a favorisé

l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles durant 1900-1940. Près d’un demi-siècle,

les colons ont passé du temps à dévaster la biodiversité, encouragé par le processus de

colonisation et par la méconnaissance des questions de gestion environnementale. « Dès

l’après-guerre, un grand nombre de rapports de recherche ont souligné l’ampleur, dans les

forêts tropicales, des dommages associées aux opérations d’exploitation » (Ibid. : 482). Ainsi

les travaux d’André Aubréville45

illustrent « l’inexorable dégradation des forêts tropicales

africaines » (Idem). Cependant, la crise de 1929 qui impacta considérablement le marché des

bois exotiques a permis de mettre progressivement fin au mythe colonial. Dès lors quelques

projets aménagistes vont timidement naître pour sécuriser l’avenir de la biodiversité.

2.2.1. Les cadres législatif et institutionnel de la gestion des ressources

naturelles au Gabon

L’administration coloniale n’a pas réussi à mettre en place une vraie politique de protection et

de renouvellement de la biodiversité au Gabon. En effet, « la politique d’aménagement du

territoire forestier gabonais qui devait consister à gérer le temps (il faut cinquante et cent ans

à un arbre pour se trouver à un stade d’exploitabilité) est jusqu’à preuve du contraire

inexistante » (Genissieux, op.cit.), jusqu’en 1960. Mais ce n’est qu’après son Indépendance

que le Gabon va établir un cadre institutionnel et législatif en vue de résoudre les problèmes

45

Cité par Puyo, 2001 : 482

Page 128: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

127

environnementaux de la période coloniale. Il va ainsi s’inspirer des conventions

internationales ainsi que de protocoles à l’issue desquels des lois et décrets seront pris et

appliqués. Mais c’est d’abord le cadre politique gabonais qui va favoriser la gestion

environnementale nationale. En effet, l’importance de cette gestion est fonction de sa

contribution dans l’économie. Etant donné que l’exploitation forestière est bénéfique, la

conservation durable des ressources naturelles pour maintenir sinon améliorer le

développement économique et social s’imposait. Ainsi, la réflexion portée sur l’exploitation

globale des ressources naturelles gabonaises sans nuire à l’environnement et aux écosystèmes,

a amené le gouvernement à certifier sa volonté politique en matière de conservation. De plus,

faisant suite à la conception du feu président gabonais sur les questions environnementales

particulièrement capitales pour le Gabon, le nouveau président poursuit cette logique au

travers de l’un des axes constituant son triptyque économique avec le concept de « Gabon

vert ».

Dans le but de matérialiser cette volonté politique, le gouvernement gabonais a mis en place

des instruments juridiques. Ce sont ces instruments juridiques accompagnés de décrets et

arrêtés qui forment l’ensemble des ordonnances législatives internes sur lesquelles se fondent

les politiques environnementales, inspirées de la réglementation coloniale. Le cadre juridique

gabonais sur les questions environnementales comprend alors des accords multilatéraux en

rapport avec l’environnement qui a pour sigle AME46

, ainsi que des textes nationaux. Ce

corpus juridique a beaucoup évolué surtout à partir de la Conférence des Nations Unies sur

l’Environnement et le Développement (CNUED) de Rio de Janeiro en 1992. De plus, les

instances internationales, les colloques ou autres actions en relation avec l’environnement ont

contribué à mettre en place et à consolider le cadre juridique gabonais. Pour l’instant on

évalue à 500 le nombre des instruments internationaux (organismes) qui traitent de

l’environnement, dont 323 concernent les instruments régionaux (Ndong Biyo’o et al., 2010).

Les AME traitent de divers thèmes dont, la désertification et la protection des écosystèmes,

les pollutions marines, le vivant, l’air, les déchets et substances dangereuses, etc.

Ainsi, comme nous l’avons déjà dit dans la section plus haut, la Loi n°1/82 du 22 Juillet

appelée Loi d’orientation en matière des Eaux et Forêts a longtemps été considérée comme

46

On considérerait ces accords comme le nœud fondamental des politiques de conservation au Gabon, sans

lequel elles ne peuvent pas exister.

Page 129: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

128

étant la référence de la politique gabonaise concernant la gestion environnementale. Mais elle

s’est notamment inscrite dans une vision développementaliste (Rossatanga-Rignault, 1999).

De plus, par l’intermédiaire de cette loi, apparaissent les différentes zones d’exploitation

forestière dont, le Domaine Forestier Non Permanent (DFNP) et le Domaine Forestier

Permanent (DFP). Dans le premier domaine, il s’agit des forêts protégées qui contiennent les

terres destinées à l’agriculture et autres formes d’utilisation. Le second domaine quant à lui,

est celui des forêts classées qui prennent en compte les concessions forestières et les aires

protégées. C’est également cette loi qui confère à l’Etat l’appropriation exclusive du sol et des

forêts.

Après cette loi, d’autres lois concernant plusieurs domaines ayant trait à la nature sont

successivement crées dans le but de mieux assurer la gestion environnementale au Gabon.

Nous en illustrons cinq ici :

1) Dans le domaine de la pêche : c’est la loi n°9/84 qui en est la référence. Elle

établit une zone économique spécifique de 200 miles marins qui permettra de

protéger les ressources halieutiques contre toute prédation. Elle est complétée par

la loi n°015/2005 soutenant le Code des Pêches et de l’Aquaculture. Celle-ci

stipule clairement les principes de gestion constante des ressources halieutiques et

des écosystèmes marins.

2) Dans le domaine de l’environnement : c’est la loi no 16/93 du 26 Août 1993 qui est

le référent. Elle aussi appelée le Code de l’environnement. Elle renseigne sur la

protection de l’environnement et son amélioration ; de même que sur les multiples

sortes de pollutions et nuisances.

3) Dans le domaine de forêt : c’est la loi no 16/2001 du 31 Décembre 2001 qui est le

repère, c’est le Code Forestier. Elle « met en exergue l’aménagement des

ressources, la mise en place des forêts communautaires et la réorganisation de

l’exploitation des ressources, notamment forestières à travers la création de

nouveau types de permis » (Ndong Biyo’o et al., 2010 : 36).

4) Dans le domaine de la conservation de la biodiversité : c’est la loi no 003/2007 du

27 Août 2007 relative aux parcs nationaux. Cette dernière fait le détail de tout ce

qui concerne les parcs nationaux dans leur gestion, aussi bien l’aspect financier

que le cadre institutionnel.

Page 130: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

129

5) Dans le domaine de l’agriculture : c’est la loi no 0022/2008 du 10 Décembre 2008

considérée comme Code agricole qui supervise les activités agricoles. Dans le

même sens elle est suivie de la loi no 0023/2008 du 10 Décembre 2008.

Cependant, c’est la Loi no 16/93 qui fait immédiatement suite à la Loi n

o 1/82. Elle se présente

en effet comme une amélioration de cette dernière, parce qu’elle incorpore dans l’ensemble la

problématique environnementale pour la première fois. Par ailleurs, les autres lois précitées

apparaissent constamment lorsque des insuffisances sont constatées dans les lois antérieures.

À propos de ces lois, on observe une absence de précisions « fondamentales » qui les

fragilisent ; nous le verrons plus tard avec la loi concernant les parcs nationaux dans la

troisième partie de notre analyse. Toutefois, « malgré les indépendances, les conceptions

africaines endogènes concernant la conservation de la nature et de ses ressources n’ont pas

sinon peu inspiré les politiques et lois forestières » (Ndinga, 2005 : 77). Dans l’ensemble, ces

lois s’inspirant majoritairement de la « pensée occidentale » (Bahuchet et al., 2000) montrent

une inadéquation avec les traditions environnementales locales du milieu sur lequel elles se

veulent appliquer. « Un transfert des outils juridiques des pays extérieurs vers les pays

d’Afrique centrale » (Ndinga, 2005 : 79) est le constat général observé dans les pays du

Bassin du Congo par rapport aux textes juridiques environnementaux, reléguant ainsi les

règles du droit coutumier au second plan. Ceci est notamment la raison de certains conflits

entre acteurs.

Pour ce qui est du cadre institutionnel, afin de mieux coordonner les actions de conservation,

le gouvernement a mis en place depuis son indépendance plusieurs centres de recherche et

instituts. On peut en citer : l’Institut de Recherches Agronomiques et Forestières (IRAF) ;

l’Institut de Recherche en Ecologie Tropicale (IRET) ; l’Institut de Pharmacie et de

Médecines Traditionnelles (IPHAMETRA) ; la Station d’Etudes des Gorilles et Chimpanzés

du Centre International de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF) ; etc. Mais sinon ce

sont les administrations publiques traitant des questions de biodiversité qui globalement en

sont les gestionnaires. Elles apparaissent en effet graduellement selon les besoins que

nécessite la conservation, et délèguent la plupart du temps le pouvoir à d’autres acteurs en

référence aux accords et coopérations signées.

Page 131: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

130

2.2.2. Avancée des politiques nationales conservationnistes

Les politiques conservationnistes gabonaises ont connu une certaine évolution, grâce aux

conférences, sommets et autres instances internationales auxquels le gouvernement gabonais a

participé. C’est aussi grâce aux programmes et projets internationaux ou sous-régionaux

auxquels il a pris part qui lui ont permis de faire évoluer les politiques conservationnistes.

Enfin, grâce aux ratifications qu’il a signées, le Gabon s’est engagé dans la conservation

durable du domaine forestier. Quelques exemples nous permettront de le constater.

2.2.2.1. La révision de quelques codes

Suite aux limites constatées dans la législation en rapport avec la gestion environnementale

dont plusieurs textes étaient très vieux, les réalités actuelles imposaient des nouveaux textes

de lois qui favoriseraient l’avancée des politiques de conservation au Gabon. Cette tâche

consistait en effet à réviser quelques codes, celui du secteur forestier et celui de

l’environnement.

En ce qui concerne le secteur forestier, l’exploitation forestière qui y est faite, se fait suivant

la Loi 1/82 du 22 Juillet. De plus, l’article 26 de cette loi déclare que toute exploitation

forestière obéit à un cahier de charges dans lequel se trouvent des closes globales et

individuelles de la réglementation. Les modalités de ce cahier de charges ont été fixées par le

décret no 1206/PR/MEFPE du 30 Août 1993. Ce décret présente toutefois des insuffisances. Il

ne détermine pas en effet les contours du plan d’exploitation auquel il fait allusion. Or,

d’autres décrets allant dans le même sens que celui-ci seront progressivement pris dans ce

cahier de charges. Nous en citons quelques uns.

Le décret no 1209/PRMEFPE du 30 Août 1993 détermine les zones d’exploitation de la forêt ;

le décret no 1285/PR/MEFPE du 27 Septembre 1993 définit le diamètre minimum

d’exploitation des bois d’œuvre ; le décret no 559/PR/MEFPE du 12 Juillet 1994 est relatif à

la réglementation des coupes familiales ; le décret no 664/PR/MEFPE du 22 Juillet 1994 est

relatif à la réglementation de la commercialisation du bois en République Gabonaise. Cet

ensemble de lois constituant le cadre juridique régissant l’exploitation forestière (comment

elle doit se faire), ainsi que la commercialisation des produits forestiers, révèle de nombreuses

limites. En effet l’une des insuffisances très marquée est l’absence de définition cohérente au

sujet des plans d’exploitations et plans d’exécution. On constate en effet un non respect du

Page 132: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

131

diamètre minimum qu’une grume exploitable doit avoir, absence de surveillance en vue de

minimiser les dégâts lors des abattages, non respect des animaux protégés entièrement ou

partiellement dans les concessions forestières, etc.

Ces carences limitant clairement les actions de conservation ont conduit le gouvernement à

procéder à la révision du code forestier. À cet effet, de nouvelles lois et nouveaux décrets

apparurent pour favoriser l’aménagement durable des forêts gabonaises. Ainsi, le nouveau

code forestier s’articule autour de la Loi no 16-01 du 31 décembre 2001 sous l’impulsion

unanime des deux chambres parlementaires (le Sénat et l’Assemblée Nationale). Ce code a

pour but de mettre fin à toute forme d’anarchie précédemment observée dans le secteur

forestier. Car, disposant de deux titres dont le second et le plus important s’intitule « Gestion

durable des ressources forestières », ce code forestier, à travers les dix chapitres qui

composent ce titre explicite comment cette gestion peut être atteinte. Ce code favorise

également l’introduction des populations dans la gestion environnementale à travers la notion

de forêts communautaires dont il donne amplement les indications en privilégiant les droits

d’usages coutumiers.

Quant au code de l’environnement c’est la Loi 16/93 du 26 août 1993 relative à la protection

et à l’amélioration de l’environnement sur laquelle il se fonde. Cette loi vient pour améliorer

la Loi 1/82. Cette loi qui constitue la référence du code de l’environnement vient mettre en

exergue la préoccupation environnementale, en déterminant les grands principes utiles pour

protéger et améliorer l’environnement gabonais. Pour ce faire, le code de l’environnement

avant toute chose a tenu à expliquer dans les articles 2 et 3 l’environnement. Mais dans

l’article 1 il a d’abord tenu à détailler les grands principes qui sont au nombre de cinq

constituant les objectifs de la Loi 16/93.

Le gouvernement procède par la suite à la révision du code de l’environnement en prenant de

nouveaux décrets pour tenir compte des réalités qu’imposaient chaque période, afin de mieux

assurer la conservation. En conséquence, cinq décrets furent pris durant l’année 2005 pour

consolider la Loi 16/93 :

1. Décret no 539 du 15 juillet 2005 réglementant les études d’impact sur

l’environnement,

2. Décret no 541 du 15 juillet 2005 réglementant l’élimination des déchets,

3. Décret no 542 du 15 juillet 2005 réglementant le déversement de certains produits dans

les eaux superficielles, souterraines et marines,

Page 133: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

132

4. Décret no 543 du 15 juillet 2005 fixant le régime juridique des installations classées,

5. Décret no 545 du 15 juillet 2005 réglementant la récupération des huiles usagées.

L’adoption de ces décrets peut s’expliquer par quelques raisons : les exigences des discours

internationaux, la création du réseau des parcs nationaux dont le fonctionnement ne pouvait

plus se contenter de l’ancienne loi et les difficultés économiques et sociales. C’est pourquoi la

Loi no 03/2007 du 27 Août 2007 sera promulguée à l’avantage des parcs nationaux. Toutefois,

ces avancées au travers de la révision des codes forestier et environnemental ne parviennent

pas toujours à résoudre tous les conflits et manquements que peuvent susciter la non

application entière des textes ou la défaillance que ces derniers peuvent présenter.

2.2.2.2. L’intégration de la dimension conservatrice dans les programmes nationaux

Deux projets importants ayant une dimension internationale viennent appuyer la conservation

au Gabon. C’est d’une part le projet de l’Union Européenne concentré sur la Lopé illustré par

ECOFAC, d’autre part le projet Forêt et Environnement (PEF) qui rassemblait les acteurs du

WWF-Gabon et jouissait des coopérations allemande et française. Il orientait la moitié de ses

activités vers le complexe de Gamba et l’AERF de Sette-Cama. Le gouvernement gabonais a

bénéficié d’un prêt de la Banque Mondiale pour financer ce projet. Ceci pour essentiellement

aboutir à l’amélioration de son secteur forestier par l’intermédiaire « d’un renforcement

institutionnel et d’un appui à la formation, à la recherche et à la conservation forestière »

(Brugière, 1998 : 53). La mise en exécution de ces deux projets avait également comme but

de réaliser des activités d’écodéveloppement à la périphérie de ces aires protégées. A ce

propos, l’orientation était tournée vers l’écotourisme, une manière d’associer conservation et

développement dans l’optique de générer des revenus.

Bien que récent au Gabon, l’écotourisme devient un élément fondamental que devraient

dorénavant intégrer tous les projets qui permettront aux populations de voir en la conservation

une activité bénéfique et non comme « une série coercitive d’interdictions » (Idem). Mais sur

le terrain on observe des limites. Mais, dans la globalité, ces deux projets ont permis

d’observer sur le terrain quelques points positifs notamment au complexe de Gamba. Avec

l’appui d’un important matériel, les brigades de surveillance du complexe sont parvenues à

arrêter l’exploitation forestière dans la zone. Quant à l’écotourisme entrepris au nord de la

Lopé, il a vu ses activités diminuer davantage ces dernières années.

Page 134: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

133

Nous donnons quelques détails sur ECOFAC à la Lopé. Le projet ECOFAC (Ecosystèmes

Forestiers en Afrique Centrale) a démarré en 1992 avec le financement de l’Union

européenne. Ce projet englobait sept pays de la sous-région. L’objectif du projet était de

contribuer à la gestion des aires protégées qui entraînerait le développement des populations

habitant proches de ces aires protégées. Ce projet « [privilégiait] une approche régionale de

conservation et d’exploitation durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale »

(Nguinguiri, op. cit. : 5). À la Lopé, le projet employait près d’une cinquantaine de personnes

provenant particulièrement des villages périphériques au Parc. Le tourisme était l’une des

activités qui occupait les personnes travaillant dans ce projet. De plus, le projet ECOFAC a

bénéficié pendant une année des installations et des résultats de la station de recherche du

CIRFM. C’est avec cette contribution de la station de recherche que les éco-gardes

d’ECOFAC furent formés (Angoué, 1999).

De même, le volet tourisme sur lequel travaillait le projet « a suscité la reprise du Lopé Hôtel

par un particulier, structure qui dépend du tourisme organisé par ECOFAC et qui a rouverte

en Janvier 1995 » (Angoué, op. cit. : 194). Mais le projet ECOFAC à son terme n’a pas atteint

tous les objectifs visés tels que la création d’emplois durables et l’écotourisme n’a réellement

pas été promue. Si ECOFAC a mis en valeur le Parc national de la Lopé au Gabon et à

l’extérieur, il a tout même laissé un malaise chez les populations habitants autour du Parc.

Pour elles, ECOFAC n’a pas tenu ses promesses. C’est ce qui justifie le scepticisme de ces

populations par rapport à d’autres projets. La venue d’ECOFAC V dénommé cette fois

(Ecosystèmes Fragilisés d’Afrique Centrale) qui a démarré quelques-unes de ses activités, à

savoir la formation des personnes issues des sept pays membres du RAPAC en 2011,

permettra-t-elle de relancer l’écotourisme et de favoriser le développement des localités ?

3. Les activités et les acteurs de conservation au Gabon

Comme vu plus haut, le présent cadre législatif et institutionnel gabonais a été mis en place

dans le but de permettre une gestion raisonnable de la biodiversité forestière. Mais l’aspect

financier limite considérablement les actions de l’administration de tutelle dans l’optique de

les globaliser à une grande échelle. « À ce titre une part importante des superficies

répertoriées sous convention provisoire d’aménagement n’a jamais véritablement concrétisé

l’engagement vers la gestion durable. » (De Wasseige et al. 2008 : 73). Néanmoins,

l’aménagement durable des ressources forestières a connu quelques avancées.

Page 135: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

134

3.1. Les activités de conservation au Gabon

Ci-après quelques activités de conservation et de gestion durable ayant retenu notre attention.

3.1.1. Les aires protégées

Mis progressivement en place depuis l’administration coloniale, le réseau d’aires protégées

s’est développé pour occuper actuellement près de 14 % du territoire dont 11 % représentant

les parcs nationaux. Cela a été manifeste grâce à l’apport d’une législation raffermie,

influencée par les instances internationales. Par exemple, « en 1987, le Gabon a inscrit trois

sites (Loango, Setté Cama, Wonga-Wongué) au titre de la Convention de Ramsar sur les

zones humides » (Rabenkongo, 2004 : 15). Il existe alors une diversité des aires protégées. On

peut l’observer sur le tableau ci-après.

Tableau 4 : Typologie des aires protégées au Gabon

Type d’aire protégée Objectif de protection Modes de valorisation Restrictions

Réserve naturelle

intégrale

Protection absolue Sol, eau, flore, faune Autorisé aux

chercheurs, agents des

Eaux et Forêt

Réserve de biosphère Protection absolue Sol, eau, flore, faune Autorisé aux

chercheurs, agents des

Eaux et Forêt

Parc national Protection absolue Flore, faune, paysage Tourisme organisé et

réglementé

Réserve de faune Protection absolue Flore, faune, paysage Accès réglementé

Jardin botanique et

zoologique

Protection absolue Exhibition animaux

vivants

Accès réglementé

Sanctuaire Protection absolue Espèces animales ou

végétales

Accès réglementé

Domaine de chasse Protection absolue Faune Limite d’abattage Source : adapté du Code forestier du Gabon

3 617 038 hectares représentent la superficie totale des aires protégées au Gabon dont 2 467

131 hectares pour les parcs nationaux. La protection absolue signifie que des mesures de

protection très exigeantes seront prises contre toute pression humaine. De même, cela

protégerait les aires protégées des pressions économiques qui ont toujours été une entrave à

leur gestion. Les aires protégées jouent un important rôle dans la conservation des ressources

naturelles. C’est pour cette raison que lors de la Convention sur la Diversité Biologique les

nations s’engagèrent à mettre en place un important réseau d’aires protégées pour mieux

Page 136: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

135

conserver l’ensemble des ressources animales et végétales, ainsi que des milieux (De

Wasseige et al., 2008). Grâce à ces aires protégées la conservation peut être envisagée

puisque, plus de sept millions d’hectares sont en cours d’aménagement (Madingou, 2008). Or,

« le Gabon présente le taux de couverture forestière le plus élevé d’Afrique et la forêt

recouvre plus des trois-quarts du pays. La diversité biologique de ce milieu n’est pas encore

totalement évaluée et de nouvelles espèces régulièrement découvertes » (Brugière, op.cit. :

45). Mais globalement, le projet régional47

dans lequel s’inscrit le réseau des aires protégées,

« entend appuyer à terme, un réseau de près de 10 millions d’hectares de parcs nationaux et

d’aires protégées, efficacement gérées, et de près de 20 millions de concessions forestières

aménagées » (Tchoba, 2005 : 151). Ces aires protégées ont toutes le même objectif de

protection mais elles ont des restrictions différentes.

Si l’UICN (1994) ne considère pas les domaines de chasse comme étant les aires protégées au

point de ne pas les inscrire sur sa liste mondiale des aires protégées, cependant pour le Gabon,

avec leurs modes de valorisation, ils font en font partie comme les autres. Ces domaines

« constituent des aires protégées à part entière dans la mesure où les dispositions de

protection des milieux valables pour les réserves de faune y sont intégralement applicables »

(Ibid. : 47). L’ensemble des aires protégées gabonaises sont confrontées à des perturbations de

deux ordres : le fait que d’un côté, les ressources soient exploitées commercialement perturbe

la gestion durable de ces ressources, puisque la législation permettant cette activité n’est pas

appliquée. De même, de l’autre côté, le braconnage occasionné par la vente de la viande de

brousse qui se développe davantage faute de systèmes de surveillance véritables contribue à

compliquer le processus de politiques de conservation.

De toutes les aires protégées, ce sont les parcs nationaux qui sont les plus importantes, car

leur superficie représente aujourd’hui 11 % du territoire48

. Et, le reste du territoire érigé en

aires protégées revient aux jardins zoologiques, sanctuaires animal et végétal, les réserves de

faunes et domaines de chasse, comme nous l’avons vu dans le tableau ci-dessus. De plus, les

textes des articles tels que 27, 28, 32 de la Loi 1/82 ont permis d’étendre la superficie des

aires protégées au travers la création des stations de recherche scientifique, des monuments

47

Il s’agit du projet régional du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo. 48

En Juin 2013, un quatorzième parc national est créé dans la province du Haut-Ogooué (parc de Lekeye). Le

gouvernement gabonais souhaiterait augmenter la superficie des aires protégées pour qu’elle représente 17 % du

territoire national et soit un patrimoine protégé pour les générations futures.

Page 137: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

136

naturels, des stations piscicoles, etc. (Tchoba, op.cit.). Toutes bénéficient d’une protection

législative.

Au sujet des aires protégées, la législation en vigueur à travers son article 29 stipule que toute

activité dangereuse qui viendrait à modifier la structure initiale du paysage, de la flore, de la

faune ou d’un écosystème, en favorisant le déséquilibre écologique est proscrite ; sauf si un

« organisme légalement compétent » (art.29) en juge autrement. Cette considération trouve

son origine à l’époque coloniale (Duplaquet, 1936)49

. Dans le même ordre d’idées, cela a été

renforcé par les lois 16/01 et 003/2007. Sauf que sur le terrain, il n’en est pas toujours ainsi.

Toutefois, grâce aux révisions de lois, les agents de la conservation agissent dans le sens de

parvenir à une protection absolue des aires protégées. Les parcs nationaux sont actuellement

gérés par l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN). C’est cette institution étatique qui

est chargée de mettre en place la politique environnementale du gouvernement dans ces parcs,

prenant principalement appui sur la loi relative aux parcs nationaux (la Loi 003/2007).

En général dans les parcs nationaux, la conservation de la biodiversité est privilégiée et

l’écotourisme a plus de mal à se développer. Le tableau de bord de l’économie ne présente pas

des recettes provenant de l’écotourisme. Serait-elle une activité peu productrice ? De même,

dans l’optique d’apporter un plus au processus de conservation, l’Etat gabonais a mis en place

la protection de la faune. Pour cela, il a établi une classification des espèces qui sont

totalement protégées ou non. Le tableau ci-après permet de voir cette catégorisation.

Tableau 5 : Espèces animales protégées

Espèces intégralement protégées Espèces partiellement intégrées

Aigle couronné Bongo

Aigle pêcheur Buffle de forêt

Céphalophe à patte blanche Céphalophe noir à dos jaune

Céphalophe de Grimm (Ntsa) Chat doré

Cercopithèque à queue de soleil Crocodile du Nil

Chevrotain aquatique Crocodile nain

Chimpanzé Drill

Cob Defassa Eléphant

Cob des roseaux Faux gavial (crocodile à long museau)

Daman des arbres Guib harnaché

Galago d’Allen Hylochère

Galago de Demidoff Ibis sacré

Galago élégant Ibis tantale

49

Cité par Tchoba, 2005 : 134 ; il dit que : « dans une réserve en effet, telle qu’on la conçoit à l’heure actuelle,

toute action de l’homme devrait être proscrite ou à peu près. » (Duplaquet L., Une tournée forestière au Gabon,

in Revue des Eaux et Forêts, vol.3, n°74, 1936 : 206).

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

137

Gorille Jabiru du Sénégal

Hippopotame Mandrill

Lamantin Perroquet gris à queue rouge

Oryctérope Potamochère

Pangolin géant Python de Seba

Panthère Serval et servalin

Pélican gris Sitatunga

Potto de Boshman Spatule d’Afrique

Potto de Calabar Tortue luth

Varan du Nil

Vautour palmiste

3.1.2. Le reboisement

Le reboisement peut être défini comme étant la « plantation de forêts sur des terrains qui

étaient autrefois occupés par des forêts mais qui ont ensuite été transformés pour être utilisés

à des fins diverses »50

. Aussi synonyme de reforestation, le reboisement consiste en

sylviculture à favoriser la restauration d’un espace déboisé et d’assurer son équilibre naturel

en plantant des arbres. Au Gabon, cette action a été sollicitée pour redonner vie aux milieux

qui ont été soit surexploités, soit brûlés, ou soit détruits dans le but de contribuer à la

protection de l’environnement.

Pour l’OIBT (1999), le reboisement est « la réinstallation d'arbres et de végétaux du sous-

étage sur un site immédiatement après l'enlèvement du couvert forestier naturel ». Quant à la

FAO, c’est « le rétablissement des forêts au terme d'un état temporaire (d'une durée

inférieure à dix ans) où la canopée a été inférieure à 10 %, sous l'effet de perturbations

anthropiques ou naturelles ». Au Gabon, le reboisement commence à partir des années 1930,

mais à titre expérimental à cause de la faiblesse financière. Après une suspension entre 1939

et 1945, les activités de reboisement reprennent « en 1946 avec comme réalisation une

plantation d'Okoumé de 300 ha mise en place dans la Forêt de la Mondah et un arboretum de

5 ha à Sibang (Nimbot, 2005). En 1957, une taxe de reboisement et un fond forestier

Gabonais de reboisement sont institués sur la vente des bois exportés, afin de financer les

opérations sylvicoles » (Minko Mi Obame, 2009 : 8). Afin d’appuyer les actions de

reboisement déjà entamées, le gouvernement avec l’apport du Fonds d'Aide et de Coopéra-

50

Source: Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire MA Glossary Traduit par GreenFacts, consulté sur

http://www.greenfacts.org/fr/glossaire/pqrs/reboisement.htm

Page 139: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

138

ration, et soutenu par l’ordonnance du 12 février 1965 qui favorisa la création de la Société

Technique de la Forêt d'Okoumé (STFO), va permettre à d’autres plantations de voir le jour.

Il s’agit notamment du reboisement dans les brigades de Mvoum, Haut Como, Mbiné,

Bakouma, etc. Sans trop s’appesantir sur l’histoire du reboisement au Gabon, il y a eu

plusieurs rebondissements dans la politique du reboisement. Par exemple la disparition de

STFO, puis la reprise des activités en 1975 par la Direction du reboisement travaillant sous la

surveillance de la Direction Générale des Eaux et Forêts. De même, les différents appuis

techniques comme avec le CIRAD-Forêt, sans oublier les difficultés financières que vont

entraîner les coûts de reboisement51

, vont beaucoup impacter cette activité.

C’est l’Okoumé qui a le plus bénéficié des activités de reboisement. En effet, « de 1930 à

1999 des plantations d'environ 30 000 hectares ont été réalisées au Gabon dans les provinces

de l'Estuaire, du Moyen-Ogooué et du Haut-Ogooué (DIARF, 1993). L'essence la plus utilisée

est l'Okoumé couvrant environ 29 000 hectares. Parallèlement, il existe approximativement

600 hectares d'essences exotiques (Pins, Eucalyptus, ...) et 400 hectares d'essences indigènes

(DIARF52

, 1993). Les plantations d'okoumé sont localisées dans les massifs de Bokoué (10

819 hectares dont le dispositif expérimental d'Ekouk sur 1000 hectares), Mvoum (8596

hectares), Nkoulounga (4176 hectares), Haut-Como (2887 hectares), Mbiné (1112 hectares)

et Mondah (1120 hectares) » (Mapaga et al., 2000a). La Direction du reboisement à travers

des projets ainsi que les concessionnaires, sont les principaux acteurs du reboisement au

Gabon.

Cependant, bien que les nouveaux codes forestier et de l’environnement stipulent clairement

la nécessité du reboisement, les actions sont plus difficiles à mettre en place. De plus, les

entreprises forestières en dépit des contrats qu’elles ont signés pour assurer et maintenir le

reboisement, et en dépit des contraintes que leur imposent ces différents codes, n’intègrent pas

le reboisement dans les devoirs à remplir. Un responsable de l’aménagement dans l’entreprise

forestière française, Rougier, affirme que «la non prise en compte par les opérateurs

forestiers de l'activité de reboisement est surtout liée à l'absence d'une culture de reboisement

des acteurs » (Mapaga et al., op. cit. : 29). Ils sont beaucoup plus préoccupés par l’exploita-

51

« Les coûts par hectare de plantation sont évalués en 1992, à 803 000 FCFA et à 316 000 F CFA

respectivement pour la méthode « coupe à blanc » et celle de « sous couvert» (Koumba et al., 1998) », cité par

Minko Mi Obame, 2009 : 8 52

Direction des Inventaires, des Aménagements et de la Régénération des Forêts

Page 140: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

139

tion forestière. L’observation générale observée chez les concessionnaires montre ainsi que le

reboisement qu’ils devraient faire est malheureusement non respecté. Même si quelques-uns

d’entre eux essaient de se démarquer, beaucoup reste encore à faire dans ce domaine.

3.1.3. L’aménagement des concessions forestières

Malgré la non efficacité des concessionnaires dans la politique de reboisement, d’autres

acteurs s’efforcent d’appliquer la politique d’aménagement des concessions forestières

prévues. C’est la Direction Générale des Eaux et Forêts, à travers la DIARF et les services

provinciaux des Eaux et Forêts à savoir les brigades, inspections et cantonnements, qui

examine et suit l’aménagement forestier au Gabon. Ce dernier se fait à travers un Plan

d’Aménagement (PA), qui représente un document présentant les objectifs fixés à l’endroit

d’un massif forestier. L’établissement des concessions forestières est contemporain de la

colonisation. Elle consiste à l’attribution à un exploitant forestier d’un territoire à exploiter.

Les concessions forestières ainsi que les permis d’exploitation sont alloués par décret ou par

arrêté. Elles font l’objet de politiques de développement durable.

Après une très longue période durant laquelle la gestion forestière était quasi exclusivement

l’affaire de l’Etat, en Afrique centrale en général et au Gabon en particulier, une nouvelle

situation s’impose dans les années 1970, surtout avec l’Assemblée Générale de l’UICN en

1975 à Nsele, durant laquelle la conservation des forêts tropicales fut reconnue et encouragée.

Ainsi, les années 1980 favoriseront la mise en place de nombreux programmes dans le but

d’encourager la conservation en réglementant particulièrement l’exploitation forestière. À cet

effet, les concessionnaires commencèrent à jouer un rôle fondamental dans la gestion

forestière gabonaise dans les années 1990, en dehors des populations locales qui seront

sollicitées dans l’implication de cette gestion forestière.

Ainsi, les devoirs des concessionnaires au Gabon vont inclure plusieurs responsabilités et vont

croître selon le temps. Parmi ces responsabilités figurent les responsabilités techniques qui

leur permettent de préparer des « plans d’aménagement suivis de directives et de normes, de

la gestion des assiettes de coupe, etc. » (Yanggen et al, 2010 : 86). Il y a également des

responsabilités environnementales qui entraînent le respect des animaux dans les lieux de

production, des responsabilités sociales qui les obligeraient à créer des emplois. Aussi, des

responsabilités qui les amèneraient à fournir des biens et services aux populations ainsi

qu’aux administrations locales. Enfin, des responsabilités qui les conduiraient à contribuer

Page 141: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

140

aux projets locaux, à verser des taxes et frais tels que le prévoit la loi. Et, des responsabilités

économiques qui les amèneraient à créer et à entretenir des routes, ou à mettre en place des

unités de transformation.

Cependant, ces responsabilités sont légèrement prises en compte au Gabon par les

concessionnaires. Ne respectant pas totalement la loi soutenant ces obligations, les

concessionnaires entrent parfois dans des compromis avec les administrations et populations

locales, ou même entrent en conflit avec ces dernières. Ainsi, les responsabilités sociales et

économiques ne sont pas remplies. Le tiers n’est même pas fait. Faute d’assumer des

responsabilités économiques par la quasi absence des unités de production notamment, la

décision présidentielle de 2010 à propos de la transformation du bois sur place conformément

à la loi y relative, a profondément surpris et mis mal à l’aise les concessionnaires habitués à

faire ce qu’ils voulaient.

3.1.4. La certification du bois

« Au Gabon, dès 2002, la certification forestière a été conduite chez Rougier par un bureau

d’audit indépendant et professionnel (DNV-France) selon le référentiel hollandais Keurhout

accompagné d’une vérification du Système de Management Environnement selon la norme

ISO 14001 » (Tadjuidje, 2009 : 6). La certification du bois forestier est aussi en effet un autre

moyen qu’utilise le marché pour encourager une bonne gestion des forêts. Or, « la

certification environnementale des forêts est une vieille pratique qui date de 1941 aux Etats-

Unis (Bouslah, Lafrance et Maurais, 2004) » (Tadjuidje, op. cit. : 4). La certification a pour

principal objectif de montrer qu’un lien peut exister entre la préservation et la demande de

bois pour satisfaire les besoins du consommateur.

S’inscrivant dans le contexte du développement durable, la certification est un concept qui va

être notamment adopté dans les pays du Bassin du Congo. Son objectif est d’atteindre une

meilleure gestion forestière, tout en répondant à la demande internationale du bois.

Cependant, « la certification forestière prend plusieurs visages dans le Bassin du Congo

puisqu’il convient de distinguer les systèmes de certification de la durabilité forestière de

ceux portant sur la légalité » (Ibid.: 1). Parmi les certifications forestières de durabilité qu’on

Page 142: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

141

rencontre dans le Bassin du Congo figurent : le PAFC qui est un système panafricain de

certification forestière, la FSC (Forest Stewardship Council) et label Keurhout53

.

Le PAFC se veut être un outil qui aide les producteurs d’Afrique à gérer durablement leurs

forêts en s’adaptant aux mouvements des marchés internationaux sur le bois d’œuvre. Cela est

né de la volonté politique des chefs d’Etats africains partisans de l’OAB dès les années 1990.

Le PAFC a donc été réadmis en Février 2005 à Brazzaville, où les chefs d’Etats du Bassin du

Congo adoptèrent le Plan Convergence dans lequel la certification forestière devient une

priorité. Ainsi, le PAFC-Gabon s’introduit dans cette vision globale du PAFC, c’est-à-dire la

gestion durable des forêts d’Afrique que développent l’OIBT et l’OAB. La mise en place du

PAFC-Gabon en 2004 était une initiative pour intégrer dans un ensemble, les réalités

socioculturelles et économiques que présente la gestion forestière au Gabon. La mise en place

de ce programme vient aussi de la demande locale faite par les opérateurs de la filière du bois

dont les progrès faits à l’endroit de l’aménagement ont été appréciés. Cependant, le PAFC est

encore en cours de validation au Gabon. Mais, trois entreprises forestières sont intéressées par

cette certification, dans le but d’atteindre environ 1,5 millions d’hectares de superficie

globale.

Quant à la FSC, elle occupe actuellement la première place du système de certification au

Gabon, avec deux forêts certifiées : celle de Rougier avec 688 262 ha et celle de CEB avec

600 000 ha (Tadjuidje, 2009). FCS est considéré comme le système de certification le plus

exigeant au niveau mondial parce qu’il insiste aussi bien sur les aspects sociaux et

environnementaux, que sur les aspects techniques sur lesquels s’appuie l’aménagement

forestier. Enfin, « le label Keurhout est, lui, en perte de vitesse puisque les certificats n’ont

pas été renouvelés par les compagnies forestières, probablement en raison de son manque de

lisibilité sur les marchés européens. Ces compagnies ont toutefois profité du passage au

système Keurhout pour adopter les normes de gestion ISO, ce qui demeure une avancée

importante pour tout système de certification » (Tadjuidje, op. cit. : 1). En ce qui concerne les

53

C’est un système de certification établi par le gouvernement hollandais à propos de son marché domestique. Il

s’appuie sur le fait que la gestion forestière doit garantir totalement les fonctions écologiques et assurer le

prolongement des fonctions économique, sociale et culturelle de la forêt. Il fut créé en 1996 et s’arrêta au terme

de l’année 2003 pour réapparaître au cours de l’année 2004 par l’intermédiaire de la Fédération Néerlandaise du

Commerce de bois. Dans le Bassin du Congo, comme au Gabon, son objectif est de couvrir à court terme de plus

en plus de concessions et d’étendre son label à plusieurs autres marchés européens.

Page 143: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

142

certificats de légalité, ils sont présentement moins influents sur les marchés occidentaux, alors

qu’en 2004-2005 ils ont connu une accélération. Or, ces attestations sont indispensables à

certaines entreprises qui veulent obtenir une certification reconnue à l’international.

La certification, malgré le type auquel on se réfère, considère l’aspect social de

l’aménagement dont les procédures sont exigeantes. « Ainsi, les grands principes et critères

de l’OAB/OIBT et du FSC (Forest Stewardship Council) constituent tous les deux en matière

sociale, des référentiels importants pour la zone tropicale. L’augmentation attendue du coût

social de l’activité forestière est compensée par des retours sur des investissements, des

bénéfices sociaux, pour être économiquement soutenable » (Ibid. : 7). La certification

forestière constitue donc un aboutissement en matière sociale. Cependant, au Gabon comme

dans les autres pays, il existe des contraintes propres à la sous-région. « Ces difficultés

s’expriment clairement quand il s’agit de déterminer des référentiels nationaux sur la base

des systèmes internationaux de certification » (Tadjuidje, op. cit. : 8). De plus, les aspects

sociaux sont difficilement pris en compte.

3.2. Les principaux acteurs de la préservation de l’environnement au

Gabon

Pour la préservation des ressources naturelles du Gabon, plusieurs acteurs contribuent à la

mise en place, l’exécution et l’évolution des politiques environnementales gabonais. Chacun

d’eux intervient en fonction de ses compétences. Nous analysons respectivement la

contribution de chacun des acteurs de la conservation.

3.2.1. Les administrations nationales

Comme acteurs politiques nationales de l’environnement figurent : le Ministère des Eaux et

Forêts (MEF), le Ministère de l’agriculture, le Ministère du tourisme, le Ministère des

hydrocarbures, le Ministère de l’Intérieur, etc. Mais les départements de ces ministères qui

s’occupent de l’environnement ne sont pas encore très performants en la matière. C’est

pourquoi, historiquement le plus important de ces ministères est le MEF. Ce dernier est en

effet le ministère qui se présente comme la première institution ou administration nationale

qui intervient le plus dans la gestion des ressources naturelles. Le MEF est donc chargé

d’élaborer et de mettre en place les politiques environnementales.

Page 144: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

143

Il a en son sein des départements (Direction Générale de l’Environnement, DGE, suivies des

Direction Générale des Eaux et Forêts, Direction Générale de Pêche et de l’Aquaculture,

Direction Générale de l’Ecole Nationale des Eaux et Forêts) qui tous travaillent dans la

conservation. Ces directions se présentent comme des structures importantes qui aident l’Etat

à œuvrer en faveur de la conservation. Cependant les remaniements qui interviennent selon

les décisions du gouvernement, dans la composition des ministères entraînent parfois le

basculement d’une de ces directions générales dans un autre ministère autre que le MEF. Ce

qui entrave parfois le bon déroulement des activités, surtout lorsque les projets entamés ne

sont clôturés.

De façon formelle, c’est la DGE qui est la plus représentative de par ses obligations. Elle a le

devoir de veiller à la protection du milieu naturel ainsi que sa conservation, de prévenir et de

lutter contre les pollutions. En plus, de protéger et d’améliorer les milieux de vie urbain et

rural, d’harmoniser le développement industriel. C’est également elle qui est censée garantir

la sensibilisation, l’éducation, de même que l’application des politiques de conservation.

Quant au MEF, ses attributions se groupent en deux ordonnances. Pour ce qui est de la

première ordonnance, le MEF est globalement chargé de gérer l’environnement, le domaine

forestier, la faune sauvage et les ressources halieutiques. Pour ainsi favoriser ces activités de

gestion, le MEF est censé déterminer les conditions qui conduisent à exploiter les ressources

du domaine forestier et aquatique. Ansi que déterminer et mettre en pratique les politiques de

reboisement des ressources, classifier et surveiller les milieux dans lesquels se fait

l’exploitation raisonnable des ressources naturelles, sans oublier les politiques restaurant des

sols cultivés. La deuxième ordonnance quant à elle amène le MEF à globalement contrôler et

faire appliquer la réglementation et la législation forestières dans les milieux forestiers

appartenant au domaine public. Cette ordonnance fait suite à la première et permet au MEF de

sanctionner le non-respect des arrêtés.

Afin de bien assurer la gestion durable des ressources de même que l’application des

politiques environnementales des instruments de gestion sont établis. À cet effet, le Code de

l’environnement et le Code forestier en sont les références. De plus, la Cellule de

Planification et de Suivi-Evaluation (CPSE) permet le suivi des activités externes et internes

du MEF. De même, le Système d’Information de Gestion Forestier (SIGEF) aide à suivre et à

gérer les activités forestières.

Page 145: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

144

Par ailleurs, d’autres administrations viennent s’insérer à la liste des acteurs nationaux

œuvrant à la gestion forestière gabonaise. On peut également citer la participation des acteurs

du corps législatif dans l’exécution des politiques environnementales. En effet, à travers les

deux chambres du Parlement (Sénat et Assemblée nationale), ces acteurs politiques favorisent

l’élaboration et la validation des lois forestières dont nous avons déjà fait référence lorsque

nous abordions le cadre législatif et institutionnel en matière de conservation. Ainsi, les

députés et sénateurs contribuent à la conservation de la biodiversité gabonaise.

Enfin, l’ANPN, les instituts et centres de recherches dont nous avons parlés agissent en

synergie et constituent des partenaires nationaux de l’Etat pour favoriser la conservation de la

nature au Gabon. D’autres acteurs agissant sous la tutelle du Ministère de l’intérieur, tels que

les gouverneurs des provinces, les préfets et sous-préfets, les maires des communes et les

responsables des collectivités faisant partie des systèmes politico-administratifs gabonais ont

du pouvoir dans la gestion du territoire, selon la politique de décentralisation analysée dans le

chapitre II.

3.2.2. Les ONG

Les Organisations Non gouvernementales auxquelles nous faisons allusion dans notre analyse

sont internationales ou nationales. Chacune d’elles se distingue par son statut. Néanmoins

toutes œuvrent dans le sens de pérenniser la biodiversité en devenant des collaborateurs de

l’Etat.

3.2.2.1. Les ONG internationales

Les ONG internationales font partie du système de gouvernance international de

l’environnement, au même titre que les OIG (organisations inter gouvernementales) et les

États. Ainsi, grâce à divers programmes, les ONG internationales notamment ont aidé les

administrations gabonaises à développer leurs politiques environnementales. Cela a été

favorisé par les institutions internationales telles que le PNUE, l’OIBT pour qui la forêt

constitue l’un des aspects de leurs études. « Ce sont des organismes techniques et de

développement qui procurent aussi bien un cadre à de nombreuses discussions sur les

politiques mondiales et autres tractations y relatifs » (Tchoba, op. cit. : 179). Au Gabon deux

ONG internationales le WWF et le WCS sont les plus importantes de par leurs envergures et

leurs actions.

Page 146: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

145

C’est en 1986 que le Fonds mondial pour la nature, aussi connu par World Wildlife Fund for

Nature (WWF) s’introduit dans la conservation des ressources forestières au Gabon à la

demande du gouvernement envisageant la mise en place d’un réseau d’aires protégées. C’est

ainsi qu’en 1988, avec l’appui de l’UICN, le WWF, qui s’était déjà fait remarquer par son

étude sur la situation des écosystèmes forestiers gabonais, dirigea un programme de soutien

pour contribuer à la conservation de la biodiversité gabonaise. Ce programme consistait à

apporter une série de soutiens à la lutte anti-braconnage dans la réserve du Petit-Loango, à la

formation et à la réinsertion des agents du MEF, à l’éducation ainsi qu’à la sensibilisation sur

la conservation rationnelle des ressources, sans oublier le soutien institutionnel au MEF.

De plus, constituant un rapport très important dans les années 1990, le WWF a participé à

faire évoluer la conservation au Gabon. En effet, « le rapport du WWF sur la conservation

des écosystèmes forestiers au Gabon fait état de la bonne qualité de la conservation de la

biodiversité de ce pays, et attribue cette situation à une faible pression démographique.

Cependant, il insiste sur la nécessité de prendre d’avance des mesures pour prévenir la crise

et d’améliorer la gestion des aires protégées existantes » (Obiang Ebenga, 2004 : 30). Ce

rapport a permis au gouvernement d’élaborer un projet qui s’intitule Projet Forêt et

Environnement (PFE) qui fut exécuté par le Ministère des Eaux et Forêts et celui de

l’Environnement, du Tourisme et des Parcs nationaux.

En 1991, le WWF signa une convention avec l’Etat gabonais. Afin de marquer son

établissement au Gabon, le WWF a mis en place son bureau à Libreville et continue d’assurer

son appui technique non seulement aux agents du MEF, mais aussi aux agents des autres

administrations qui traitent de l’environnement. De plus, dans le cadre de cette convention, le

WWF avait pour mission de réaliser le projet de réaliser le Complexe d’aires protégées de

Gamba, de même que la mise en place de la réserve de Minkébé, ainsi que sa gestion. Par la

suite les actions du WWF seront davantage consolidées par les conventions et programmes

régionaux et internationaux dans lesquels le gouvernement gabonais va s’impliquer.

Le WCS (Wildlife Conservation Society) a une action plus importante encore. Le WCS est

une ONG d’origine étasunienne qui a toutefois un statut international. Ses actions de

conservation de la biodiversité au Gabon datent de 1985. Il contribue à plusieurs niveaux aux

politiques environnementales gabonaises. Originellement, le WCS s’appelait la Société

zoologique de New-York. Orienté de par ses origines vers la préservation des grands

mammifères dans leur milieu naturel, le WCS est progressivement devenu un acteur politique

Page 147: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

146

au Gabon. Il associe aujourd’hui une politique de recherche sur la biodiversité, d’éducation à

l’environnement auprès des populations, mais aussi d’appuis technique aux agences d’État

gérant les parcs nationaux.

Le signe le plus évident de cette proximité entre le WCS et l’État gabonais est qu’un

biologiste de la conservation, ancien directeur du WCS Gabon, Lee White, est maintenant le

responsable de l’Agence nationale des Parcs nationaux. Cette décision, symboliquement très

forte et très contestée, comme l’on s’en doute, a été motivée par la très bonne connaissance du

milieu de la conservation de Lee White, mais aussi par sa proximité avec le nouveau Président

de la République.

Enfin, ces deux acteurs internationaux de la conservation de la nature ont contribué à

l’élaboration puis à l’exécution d’une opération qui consistait à évaluer l’ensemble du

territoire gabonais pour ainsi mettre en place le réseau de parcs nationaux, initiée par le MEF.

En plus des inventaires effectués par Lee White et son équipe sur la nature, l’écologiste et

explorateur américain Mike Fay54

a mené une opération d’exploration/valorisation des

milieux forestiers du Bassin du Congo en faisant un transect à pied, pendant 440 jours, dans la

forêt. Cette opération a été accompagnée par un journaliste du National Geographic, ce qui lui

a assuré une grande médiatisation. Un argumentaire en faveur des parcs nationaux a été

élaboré sur la base des photos prises pendant cette aventure et des connaissances écologiques

de Lee White. Un livre richement illustré proposant de valoriser et protéger ces milieux au

travers de la création de treize parcs nationaux associés à un écotourisme de luxe a été édité.

Ce serait la présentation de cet ouvrage au Feu Président Omar Bongo qui a provoqué la

décision de création des parcs nationaux en 2002. En effet, « en mai 2002, alors Ambassadeur

du Gabon aux États Unis, c’est lui [Jules Marius Ogouebandja], qui a introduit Dr. Mike Fay

dans une salle de réunion au New York Palace Hôtel, pour rencontrer feu le Président Omar

Bongo Ondimba. C’est lors de cette réunion avec l’explorateur renommé, qui a traversé les

forêts du Gabon de Minkébé jusqu’aux plages de Loango à pied, qu’est née l’idée de créer un

réseau des Parcs » (ANPN, 2010 :4).

Cette décision, et les modalités suivant lesquelles elle a été prise, fonde la contestation, dans

certains milieux, des parcs nationaux. En effet, les arguments avancés sont principalement

esthétiques et liés à l’écotourisme, mais ils ne reposent pas sur des études préalables analysant

54

Il a exploré en 440 jours le Bassin du Congo et a ainsi contribué à la valorisation des richesses de la région.

Page 148: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

147

les conditions physiques et humaines de ces parcs. Nombre d’acteurs se plaignent de ce

qu’une décision d’une telle envergure aurait dû être fondée sur un processus de concertation

plus élaboré. Une des conséquences de cette précipitation fut que la création des parcs

nationaux qui s’est faite en 2002 n’a été suivie d’une loi portant création des parcs qu’en

2007. Mais c’est surtout son caractère arbitraire qui est aujourd’hui contesté par nombre

d’acteurs politiques gabonais.

3.2.2. Les ONG nationales

La situation politique du pays suite au mouvement de démocratisation qui naît en Afrique

autour de 1990 créa un contexte favorable à la constitution des associations. Mais en dépit de

ce climat qui pourrait apparaître favorable, et en dépit des enjeux socio- environnementaux du

Gabon, le nombre d’ONG présente au Gabon est peu élevé et celles-ci ont une autonomie

toute relative.

Tableau 6 : Liste des ONG environnementales gabonaises

1 Croissance Saine Environnement (CSE)

2 Agence pour la Conservation et le Développement en Afrique Centrale

(ACDAC)

3 NYANGA Tour

4 Humanitaire Environnement (HUMEN)

5 Association Gabonaise de Protection de la Nature (AGAPRONA)

6 Aventures Sans Frontières (ASF)

7 Brainforest Gabon

8 Centre d’Actions pour le Développement Durable et l’Environnement

(CADDE)

9 Comité Inter- Associations Jeunesse et Environnement (CIAJE)

10 Groupe des Amis du Sentier Nature (GRASNAT)

11 ANCE

12 Amis du Pangolin

13 IBONGA

14 Mayumba Nature

15 Image Gabon Nature

16 POLLAS Gabon

17 Gabon Environnement

18 FOVIGENA REJEFAC

19 ITSAMANGHE

20 Forêt Développement

21 FENSED REFADD

22 FOGAPED

23 AGROFED

Page 149: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

148

24 Amis du Littoral et des Eaux

25 Génération Eau Claire

En général, « la croissance des ONG dans les pays en développement, quoique moins rapide

est aussi significative. Leur création est fortement favorisée par l’action des ONG des pays

industrialisés et la politique des organismes d’aide au développement qui y trouvent des

relais à leur action » (Le Prestre, op. cit. : 106). Mais ces ONG gabonaises sont peu

nombreuses et la création de plusieurs d’entre elles est assez récente. La majorité d’entre elles

est peu autonome techniquement, financièrement et manque même de local où travailler, c’est

pour quoi leurs actions sont peu visibles dans l’évolution des politiques environnementales.

Cependant quelques unes comme Brainforest, les Amis du pangolin et Gabon environnement

se distinguent par leurs actions, leur autonomie et leur influence sur les politiques

environnementales ; c’est pour cette raison que nous avons choisi de les présenter.

Les ONG environnementales gabonaises travaillent en collaboration avec le WWF et le WCS,

et avec les autres acteurs internationaux de la conservation. Ces ONG gabonaises œuvrent

toutes dans l’information, la sensibilisation ainsi que dans l’éducation du grand public

concernant les questions environnementales. Cependant les actions de ces ONG peuvent se

distinguer les unes des autres selon les domaines dans lesquels chacune d’elle s’inscrit pour

œuvrer au nom de la conservation.

3.2.2.1. Les Amis du pangolin

Les Amis du pangolin ont joué un rôle important en matière d’environnement. Mais cette

ONG n’est pas tout a fait nationale parce qu’elle a été crée avec l’apport d’un américain en

février 1994. C’est une ONG historique dans la société civile environnementaliste gabonaise.

Elle fait toutefois partie des plus anciennes ONG environnementales gabonaises. Elle se

donne pour mission de contribuer à la sauvegarde, la protection de l’environnement et la

conservation des ressources naturelles par l’édition d’un journal relatant l’actualité

environnementale (le cri du pangolin) et l’organisation d’événements autour de la protection

des milieux naturels.

À l’aide de son outil de communication, le Cri du pangolin créé antérieurement (1991),

l’ONG les Amis du pangolin a connu une avancée remarquable. Le Cri du pangolin un petit

fascicule mis en place par un coopérant français, soutenu par Elf-gabon et par le Centre

Page 150: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

149

culturel français, avait pour but d’aider les professeurs de physique et sciences naturelles lors

de leurs interventions sur l’environnement. Il deviendra par la suite un journal. Lorsque les

Amis du pangolin fut créée, au lieu seulement d’apporter un appui aux enseignants, elle

intervient directement elle-même dans les établissements du primaire principalement. Elle se

lancera ainsi dans la communication pour se mettre dans la même continuité que le journal.

L’aide financière qu’elle a obtenu d’ECOFAC lui a permis d’entreprendre cette activité dans

les villages de la zone périphérique de la Lopé55

.

De plus, attiré par les ONG internationales, l’Union européenne ou le Centre culturel français,

ce journal va servir de porte-parole à tous ceux qui travaillent dans le domaine de la

conservation. Au départ petit fascicule à l’usage des enseignants, le Cri du pangolin deviendra

un outil qui va servir d’appui pour la communication sur l’environnement, exigeant ainsi une

certaine rigueur. C’est aussi grâce à ce journal que les acteurs de la conservation vont

sensibiliser le public et l’informer de leurs préoccupations, activités, et des résultats qu’ils

enregistrent sur le terrain.

C’est aussi à travers ce journal que les ONG internationales auront une certaine crédibilité du

point de vue international pour rendre compte de ce qu’ils font. Par la suite, le journal le Cri

du pangolin resté la propriété de l’ONG Les Amis du pangolin, devient un moule dans lequel

tout le monde apportera ses connaissances en matière d’environnement. Le journal va

généraliser toutes les informations concernant l’environnement. Puisqu’il sera présent dans les

écoles tout comme dans les institutions, plusieurs jeunes seront attirés et découvriront ainsi à

travers ce journal leurs passions pour l’environnement. Ainsi naîtront d’autres associations en

rapport avec l’environnement. À ses débuts, le Cri du pangolin sera particulièrement financé

par Total qui en effet avait acheté près de 5 000 exemplaires pour les redistribuer aux écoles

primaires.

Les ONG gabonaises œuvrant dans l’environnement reçoivent en général leurs financements

des bailleurs internationaux (l’Union européenne à travers ECOFAC ou RAPAC aujourd’hui),

des entreprises privées, ou des particuliers généreux. Cependant les Amis du pangolin

notamment ont bénéficié du deuxième prix du concours international lancé par le WCS, Terre

sauvage en 2007. Pour le journal c’est l’Agence des Etats-Unis pour le développement

55

Lopé qui n’était encore qu’une réserve de faune à ce moment là.

Page 151: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

150

international qui a un programme sous-régional (CARPE) qui le soutenait, dont 3 000 dollars

en 2007 et 18 000 dollars en 2009.

La création des parcs nationaux en 2002 nécessitait la mise en place d’un outil de

communication qu’utiliserait le Conseil des parcs nationaux. Le choix fut alors porté vers le

Cri du pangolin qui avait déjà une expérience en la matière. C’est ainsi qu’en 2004 un

partenariat s’est fait entre le Conseil des parcs (ANPN aujourd’hui) et les Amis du pangolin

au sujet du journal. Le Conseil devait alors apporter un appui technique et en retour près 70 %

du journal devrait être consacré aux parcs nationaux. Ce journal était également ouvert aux

autres ONG ou acteurs économiques, les Amis du pangolin n’assurait que l’édition. Ainsi,

après deux années d’inactivité, car le dernier numéro du journal fait par les Amis du pangolin

s’arrêta en 2002 suite au départ du responsable de l’ONG, le journal fut relancé en 2004 grâce

au partenariat conclut entre l’ONG et le Conseil des parcs.

L’appui du conseil des parcs dans l’élaboration du journal a toujours été matériel

(remplacement d’ordinateur défectueux, électricité, etc.) et l’aide financière par les bailleurs.

Le dernier numéro du journal a paru en 2009. Compte tenu du fait que le conseil a subi des

modifications pour devenir l’Agence, le nouveau responsable n’a pas trouvé utile de continuer

le partenariat qui avait été signé entre les Amis du pangolin et le conseil. Le journal reprendra

sa publication quand la nouvelle organisation sera faite par l’ANPN.

3.2.2.2. Gabon environnement

L’ONG Gabon environnement, qui est la fusion de deux ONG (“vie verte” et “Gabon-faune-

flore-environnement”) a été crée en 2004. Cette ONG s’intéresse aux travaux qui portent sur

les tortues marines et travaille dans les parcs de Mayumba56

, Pongara et Akanda. Travaillant

de même avec l’ANPN et étant son partenaire, Gabon environnement participe à répertorier la

faune et la flore, et à protéger les espèces qui sont menacées dans ces parcs. Elle œuvre

également à promouvoir un « écotourisme contrôlé». Elle regroupe soixante personnes

reparties sur ces sites.

56

Depuis deux ans, Gabon environnement a cessé de travailler à Mayumba à cause des problèmes de routes et

d’absence d’aéroport. Ce qui ne facilita pas le transport du matériel ainsi que l’hébergement des jeunes sur le

terrain. La difficulté de financement, d’alimentation et les problèmes de santé sont également les raisons du

retrait de l’ONG dans ce parc national.

Page 152: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

151

Gabon environnement fait de l’écotourisme dans ces parcs. L’ONG se donne comme objectif

de faire en sorte que cet écotourisme soit plus attrayant. L’argent issu de l’activité

écotouristique est reversé dans les programmes de conservation des tortues luths et autres

programmes. Comme contribution de cette ONG au développement social des habitants de

Pongara, elle élabore des programmes liés à la santé et à l’environnement qui entraîne la visite

des médecins tous les deux mois, parce qu’il n’y a pas de dispensaire sur place. De même, elle

fait que la population apprenne à faire de l’agriculture autour des maisons par le biais de

l’Institut Gabonais d’Appui au Développement (IGAD). Tout ceci dans le but de régler les

tensions existantes et de permettre à la population de participer à la conservation. Enfin, cette

ONG a fait des propositions de textes à l’Agence des parcs pour que Pongara soit la vitrine de

tous les parcs, à cause de son écotourisme et de l’action de la population dans la préservation

de l’environnement.

3.2.2.3. Brainforest

Brainforest est elle, très engagée dans la préservation de l’environnement. Née en 1998,

Brainforest se distingue par ses nombreuses actions. Elle est une ONG unique dans le

contexte gabonais, en particulier parce qu’elle porte un regard critique sur les actions de

production ou de conservation qui ne prennent pas en compte les intérêts des populations

locales. En effet, son engagement pour protéger la zone de l’Ivindo qui était menacée par

l’exploitation forestière a eu un résultat positif. Alors qu’on ne parlait pas encore de parcs

nationaux à l’époque, Brainforest a milité pour que la compagnie Rougier retire tous les

permis autour de Chicoungou. Car, l’exploitation forestière qui y était faite avait un impact

négatif sur les milieux naturels de l’Ivindo, dont les chutes de Chicoungou. Cette bataille se

solda par la victoire de l’ONG et permit ensuite que cette région soit intégrée dans le réseau

des parcs nationaux établi en 2002. Toutefois, cette même zone fait encore l’objet de

polémiques entre Brainforest et les exploitants chinois au sujet de l’exploitation du fer de

Bélinga57

.

Brainforest se particularise aussi par son travail sur la cartographie participative. La

cartographie est en effet un outil qu’elle met à la disposition des populations pour mieux

défendre leurs intérêts. Brainforest entreprend cette action dans le cade du projet de

57

Le projet du fer de Bélinga a été dénoncé par Brainforest parce que les intérêts gabonais n’étaient pas pris en

compte. C’est un projet qui est encore non entamé.

Page 153: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

152

cartographie participative dans le Bassin du Congo, financé par le DFID58

. « Ce projet vise à

sécuriser l’accès des communautés rurales et des peuples autochtones du Bassin du Congo

aux ressources nécessaires pour leur survie. À ce titre, il supporte l’élaboration de cartes

participatives des terroirs traditionnels de ces populations » (Brainforest, 2009 : 6). Grâce au

partenariat avec l’ONG anglaise Rainforest Foundation UK établi à Londres, Brainforest a

réalisé depuis Mars 2009, date à laquelle le projet a démarré, quatre esquisses de cartes

participatives qui étaient en attente de validation. Actuellement, l’ONG a édité plus de huit

cartes participatives. De plus, en 2009, Brainforest à travers son secrétaire exécutif obtient le

prix Goldman pour l’environnement, à San Francisco (Etats-Unis). Ce couronnement confère

à l’ONG l’attribut de protecteur de l’environnement au Gabon.

L’inexpérience de plusieurs ONG nationales fragilise davantage leur participation dans la

gestion environnementale. Jusque là ces ONG ne sont pas encore totalement indépendantes et

elles ont donc tendance à faire ce que leur demandent leurs financeurs. C’est ainsi que, des

programmes tels que celui de CARPE59

vient les soutenir dans l’optique d’être plus efficace.

En effet, « selon CARPE, les ONG locales pourraient concourir de façon pertinente, à travers

leurs activités à la compréhension des causes de déforestation et à la recherche des solutions

durables » (Tchoba, op. cit. : 188). Au regard des actions des ONG (nationales et

internationales), une avancée a été observée par rapport à leur contribution dans la

conservation. Mais pour l’instant, la participation des ONG à la conservation de

l’environnement se fait surtout par le biais de sous-traitance des ONG internationales que sont

le WCS et le WWF

3.2.3. Les populations locales

Les populations locales apparaissent comme la dernière catégorie d’acteurs de la conservation

au Gabon. Bien que les réformes du secteur forestier par l’intermédiaire de nouvelles lois et

dispositions tendent à privilégier la contribution des populations locales dans la gestion

environnementale, leur apport reste encore infime aujourd’hui. Elles devraient dorénavant

assister aux conventions dédiées à tout ce qui touche l’exploitation dans le but de protéger et

d’assurer leurs droits (Nguinguiri, 1999). Ce qui, au bénéfice de ces populations favoriserait

58

Department For International Developpment (Ministère Britannique du Développement International). 59

C’est un projet exécuté en 1995 et financé par l’Agence Américaine pour le Développement International

(USAID).

Page 154: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

153

l’institutionnalisation d’une telle participation par le truchement de structures dont chacune

des principales entités que sont l’Etat, les exploitants forestiers et les paysans serait

représentée (Maître, 1996 : 45).

La foresterie communautaire se présente comme l’unique forme de gestion forestière qui soit

valable sur le plan juridique à laquelle participent les populations locales. Mais au Gabon, ce

processus d’attribution des forêts communautaires n’est qu’à l’état embryonnaire et ne peut

donc pas montrer l’apport des paysans dans la conservation à travers leur domaine forestier.

Si dans les pays de la sous-région comme le Cameroun, la foresterie communautaire peut être

appréciée, au Gabon de nombreuses entraves limitent bien son appréciation. Nous le verrons

en détail dans la troisième partie.

De façon générale, les villageois gabonais continuent de subir les projets de conservation sans

que leurs opinions soient réellement prises en compte. Toutefois, les ONG environnementales

œuvrent pour que les populations locales soient davantage intégrées dans la conservation. À

cet effet, ces ONG internationales et nationales les aident à s’ériger en associations dans

lesquels les projets montés permettront aux populations d’apprécier la gestion

environnementale.

4. Les débats actuels sur la conservation des ressources naturelles

Après cet exposé sur les politiques environnementales au Gabon, il est utile de voir comment

se présente la problématique sur la conservation en général. Sauver la planète des catastrophes

qui menacent son fonctionnement actuel, produire davantage pour la survie des hommes tout

en assurant la durabilité, gérer les conflits d’usage des terres, etc. constituent, nous l’avons vu,

des défis du monde contemporain. Ces défis présentant d’énormes difficultés amènent toutes

les nations à rechercher des solutions efficaces produisant des résultats positifs. Nous verrons

alors les proposions faites à l’échelle internationale en général et à l’échelle du Gabon en

particulier.

4.1. Une gestion participative rationnelle des ressources de plus en plus

envisagée

La loi de 1996 sur la décentralisation au Gabon prévoit que la protection de l’environnement

soit l’une des missions affectées aux collectivités locales. La gestion participative apparaît

Page 155: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

154

alors pendant les débats comme l’une des solutions pouvant résoudre les problèmes

qu’entraîne la conservation. Ainsi, dans les programmes et projets d’Afrique centrale, la

gestion participative est plus que jamais sollicitée et intégrée. En effet, depuis l’amorcement

des reformes dans les années 1980, dans la sous-région, l’observation faite à ce propos

présente un bilan peu satisfaisant qui appelle à « réformer la réforme » pour que les buts visés

soient dorénavant atteints sans handicaps (Joiris et Bigombe, 2010). Cette situation trouve son

origine dans l’établissement de quelques aires protégées durant la colonisation. Au cours de la

période postcoloniale, la situation n’a fait qu’empirer lorsque les modèles de conservation des

Occidentaux ont été confirmés et justifiés par le monde scientifique. Or, cela ne fait

qu’accentuer davantage le clivage entre les références de conservation occidentale et les

systèmes autochtones de gestion de la nature, dont les populations locales sont les principaux

détenteurs.

Les ruraux gabonais contestent souvent les choix de programmes et types de projets de

conservation parce que globalement ils ne s’y retrouvent pas. Pour ce faire, la recherche d’un

choix aux orientations précédentes, a entraîné assez récemment la diffusion du « modèle

participatif » et beaucoup plus lors des interventions sur la gestion des forêts d’Afrique

centrale. Cependant, ce modèle qui prit de l’ampleur dans les années 1990, en manifestant

ainsi une prise de conscience globale dans le but de résoudre les problèmes qu’entraînent le

développement, la pauvreté, la protection de la planète, etc., n’est réellement pris en compte

qu’assez récemment. Aujourd’hui, l’accent est par contre mis sur une alternative de modèle

participatif contemporain pouvant entraîner un développement rural (Nguinguiri, 1999).

Parce qu’il existe un poids de l’environnement politique tendant à prioriser les préoccupations

internationales et étatiques au détriment des préoccupations des populations, des reformes

institutionnelles, législatives et politiques en faveur du secteur forestier ne cessent de voir le

jour au Gabon. En effet, le développement durable est très souvent associé à la participation.

Dans ce sens, « le développement ne peut être durable que s’il est effectivement pris en

charge par les populations qu’il concerne, ce qui suppose une certaine libéralisation

politique et une pratique effective de la démocratisation à la base » (Lazarev, 1993 : 19).

Puisque les premiers Programmes d’Action Forestier (PAFT/ PAFN) en Afrique centrale

n’ont pas privilégié l’approche participative (Nguinguiri, op.cit.), désormais elle devrait

intégrer tous ces programmes, de même que les Plans de Gestion ou d’Action

Environnementale (PNGE/ PNAE).

Page 156: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

155

4.2. Approche des services environnementaux comme moyen d’incitation

vers l’application des politiques environnementales dans les pays tropicaux

La prise en compte des services environnementaux offerts par la forêt apparaît comme un

nouvel outil pour conduire à une gestion durable des forêts des pays tropicaux en général et de

ceux d’Afrique centrale en particulier. Ainsi, la mise en place de leurs paiements suscite-t-elle

beaucoup d’espoirs. Nous verrons alors les enjeux et contraintes que favorise le Paiement

pour Services Environnementaux (PSE) dans le bassin du Congo. Ici, nous introduisons juste

la notion et voyons sa construction et les débats qu’elle suscite de façon générale. Il est donc

utile de savoir ce que renferme cette notion et comment elle a émergé.

4.2.1. Définition des services écosystémiques

De façon simple, les services écosystémiques peuvent se définir comme l’ensemble de

bénéfices que les hommes tirent de la nature. En reconnaissant d’une part la participation

cruciale des « services écosystémiques » pour le bien-être humain et la dégradation rapide et

irrémédiable de la plupart de ces services, le MEA a appelé à une meilleure protection des

services par une estimation des coûts de la dégradation des milieux. Si l’estimation des coûts

a une vocation principalement pédagogique, certains acteurs proposent d’inciter à la

préservation des services écosystémiques soit en faisant payer pour leur destruction, soit en

rémunérant ceux qui les protègent.

Le MEA a proposé un recensement de 17 services écosystémiques dont bénéficie l’homme.

On les structure ainsi en grands groupes de quatre services selon le MEA :

o 1. Services d'approvisionnement : ce sont des biens produits ou provenant

des écosystèmes (ex : nourriture, eau, bois, fibres, matières et molécules

organiques, molécule d'intérêt pharmaceutique, ressources génétiques, pétrole,

minerais, sable, etc.).

o 2. Services de régulation : régulation macro et microclimatique ; régulation

des crues ou inondations (lorsque les crues recouvrent le lit d’une plaine

d’inondation, l’eau est temporairement stockée. C’est évidemment un avantage

pour les populations vivant en aval) ; régulation des maladies ; purification de

l’eau, pollinisation et régulation des ravageurs ; par la photosynthèse, les forêts

participent à la séquestration du CO2 ou à la régulation de la qualité de l’air.

Page 157: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

156

Les zones humides à mangroves ou les prés salés, en atténuant l’énergie des

vagues, protègent les terres cultivées côtières ou les villages.

o 3. Services culturels (bénéfices non matériels). Ils incluent : les plaisirs

récréatifs (randonnées, écotourisme) et culturels, les valeurs esthétiques, ainsi

que l'intérêt pédagogique offert par la nature, voir même l'enrichissement

spirituels.

o 4. Services de soutien. Ils sont la condition du maintien des conditions

favorables à la vie sur Terre, avec notamment les cycles bio-géoécologiques

des éléments (nutritifs ou non). Ils contribuent notamment à l'entretien des

équilibres écologiques locaux et globaux, la stabilité de la production

d'oxygène atmosphérique et du climat global, la formation et la stabilité des

sols, le cycle entretenu des éléments et l'offre d'habitat pour toutes les espèces.

4.2.2. Le cas des mécanismes de paiement pour services environnementaux

Les paiements pour services environnementaux émergent vers la fin des années 1990. Mais

leur genèse exacte est difficile à faire parce qu’elle se situe dans une suite de faits englobant

d’une part l’apparition au cours de la décennie 1990 de l’évaluation monétaire de la

biodiversité, et d’autre part, du développement des PSE au cours du début des années 2000.

Cependant, la moitié des années 1990 peuvent être retenues comme le lancement de la

marchandisation des SE, avec notamment le programme du PSE au Costa Rica. C’est à partir

de ce moment que plusieurs ateliers internationaux consacrés à la marchandisation des SE

vont se multiplier. Ce qui va favoriser dès 2002 l’apparition des premières publications sur les

PSE, dont deux principaux ouvrages : celui de Landell-Mills et Porras intitulé « silver bullet

or fool’s gold ? A global review of markets for environmental services and their impacts on

the poor », et « Selling environmental services: market-based mechanisms for conservation

and development » et celui de Pagiola, Bishop et Landell-Mills. Le premier ouvrage fait la

synthèse sur les expériences faites à propos des approches de marchandisation et dans la

classification des SE en quatre (carbone, beauté scénique, biodiversité, bassins versants), qui

constitue l’un des points essentiels de cet ouvrage. Le second s’inscrit dans le même sens que

le premier ouvrage, en exposant des expériences internationales concernant particulièrement

l’Amérique latine et centrale.

Page 158: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

157

Le PSE a pour principe fondamental de faire bénéficier ceux (utilisateurs et collectivités) qui

peuvent générer des services environnementaux d’une compensation monétaire qui

proviendrait de ceux qui en tirent profit. Ceci favorise l’internalisation de ces privilèges et

permet de voir dans le PSE le principe du « pollueur-payeur » par la mise en place des

mesures d’incitations à la conservation. Ce mécanisme se présente plus efficace pour la

conservation parce qu’il est « plus flexible et plus économique que la création des zones

protégées traditionnelles. Ces systèmes peuvent être mis en place lorsque la création de zones

protégées est impossible pour des raisons socioéconomiques ou politiques » (Mayrand et

Paquin, op. cit. : 7). Or, ce concept est encore balbutiant.

Les mécanismes de REDD (Réduction des Emissions dues au Déboisement et à la

Dégradation) constituent un des mécanismes de paiement pour services environnementaux les

plus prometteurs pour les forêts tropicales. En effet, ces forêts sont considérées comme l’un

des plus importants émetteurs de CO2, à travers la déforestation tropicale notamment. Le

GIEC a en effet estimé les émissions brutes de CO2 à 8,7 GtCO2e/ an en 2004. Dans cette

estimation, on retrouve 5,8 GtCO2e/an dus à la déforestation stricto sensu, puis 1,9 GtCO2e/an

qui reviennent aux zones humides asséchées. En tout, soit 17 % des émissions mondiales de

CO2 en 2004 (Bellassen et al., 2008). Suite à ce constant et en référence au Protocole de

Kyoto, les regards internationaux furent portés vers le principe de REDD des forêts dans les

pays su Sud. En Décembre 2007 à Bali, la conférence des parties des Nations Unies établit

une feuille de route dans laquelle la REDD fut retenue comme l’un des principes à inclure

dans le traité qui remplacera le Protocole de Kyoto dont la fin est indiquée pour 2012.

Or, la mise en place de ce mécanisme se heurte à la difficulté de financement. L’une des

problématiques liées à ce mécanisme est en effet la provenance d’argent qui permettra de

financer la REDD. Il est vrai que l’idée principale est que cet argent provienne directement ou

indirectement du marché de carbone à travers la vente des tonnes de CO2 dont les émissions

auraient été évitées. Cependant, il n’en est pas toujours ainsi. De plus, savoir qui sont ceux qui

vont profiter de l’argent issu des compensations, alors que les populations riveraines qui sont

susceptibles d’être les bénéficiaires potentiels ne disposent même pas de titre foncier ou de

représentants pour défendre leurs intérêts, est un autre problème. Comment sera calculée la

déforestation évitée ? Comment récompenser des pays plus avancés dans la déforestation et

qui assez récemment essaient de la diminuer comme le Brésil et ceux qui conservent leur bois

Page 159: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

158

il y a longtemps comme le Guyana ? Telles sont des interrogations qui limitent l’efficacité de

la REDD (Karsenty et Pirard, 2007).

Bien que la finance carbone ait été crée lors du protocole de Kyoto, ce dernier n’a toutefois

pas favorisé l’élaboration du principe liant cette finance aux programmes ou aux projets qui

ont pour but de diminuer les émissions que favorise la déforestation. « A l’heure actuelle, le

seul débouché pour les « actifs climatiques » des initiatives REDD demeure le marché de la

compensation carbone volontaire : les émissions réduites par ces initiatives sont financées

par des entreprises ou des particuliers qui souhaitent volontairement compenser leurs

émissions de GES » (Bellassen, op. cit. : 17). Malgré les difficultés auxquelles peuvent être

confrontés la REDD, elle marque un renouvellement des méthodes qui luttent contre la

déforestation.

Ce mécanisme, et son évolution en REDD+, marque une rupture dans la manière de protéger

les forêts tropicales. Auparavant, Pour lutter contre la dégradation de l’environnement, la

destruction de la biodiversité, les pollutions, etc., les gouvernements se fondaient sur une

méthode contraignante qui est l’adoption des lois et règlements. Cette méthode était établie

pour que tous les acteurs des sociétés respectent la nature. Cependant, cette dernière ne

mettait toujours pas en évidence les instruments de marchés qui tiendraient compte des

valeurs économiques liées aux services environnementaux. Or, ces derniers temps, les

régimes environnementaux évoluant, « ils préconisent maintenant des instruments

économiques fondés sur le jeu du marché qui visent à internaliser les externalités

environnementales par l’intermédiaire des indications fournies par les prix et des systèmes

d’encouragement qui comprennent entre autres les subventions, les politiques fiscales, la

création de marchés pour les émissions polluantes et de nombreux autres outils »

(Commission de coopération environnementale, 2003). C’est dans cette optique qu’apparaît le

concept de PSE qui contrairement à ce dispositif contraignant de règlementations

environnementales, semble être plus efficace.

4.2.3. Polémiques actuelles sur la rémunération des SE et les problèmes qu’ils

posent

Selon les cas, les systèmes de paiement pour services environnementaux varient. Cependant,

par rapport à la forme dont ils sont actuellement élaborés, ces systèmes révèlent des limites et

posent de véritables problèmes. En effet, d’après l’étude faite par Mayrand et Paquin (op. cit. :

Page 160: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

159

iv) sur l’évaluation des systèmes actuels, bien que cette étude ait été faite à l’endroit de

l’hémisphère occidental, les problèmes que posent ces systèmes ainsi que leurs limites sont

peut-être à quelques exceptions près relativement générales à l’ensemble du globe. Ils

déclarent que :

1. « ils sont souvent fondés sur des généralisations scientifiques qui n’ont pas été

confirmées par des études empiriques,

2. « ils sont parfois mis en œuvre dans un contexte qui n’en fait pas les méthodes les

plus rentables permettant d’atteindre les objectifs établis,

3. « il arrive que les fournisseurs et les utilisateurs des services, et les services eux-

mêmes, soient mal définis,

4. « ils sont exécutés en l’absence de mécanisme de surveillance ou de contrôle

approprié,

5. « le coût des services environnementaux est établi de façon arbitraire et ne

correspond pas aux résultats des études relatives à la demande et à l’évaluation

économique des ressources,

6. « leur conception ne s’appuie pas sur de précédentes études socioéconomiques ou

biophysiques,

7. « ils risquent d’offrir des incitatifs pernicieux aux utilisateurs des terres ou de

transférer aux terres environnantes les problèmes environnementaux ou les

pratiques d’utilisation non durables,

8. « ils dépendent largement de ressources financières externes,

9. « les activités et les programmes sont mal répartis entre les membres de la

population locale ».

Pour les adeptes de l’économie de l’environnement, dans leur démarche néo-classique, le fait

que la marchandisation des services environnementaux ne soit pas prise en compte favorise la

mauvaise gestion de ces services. Ce qui montre qu’il existe une sous-évaluation des SE par

rapport aux autres facteurs de la production, faute d’évaluation monétaire. Cependant, la

difficulté que suscite le manque d’évaluation monétaire des SE réside dans l’absence d’une

synthèse globalisant l’ensemble des données dans le but de parvenir à une valeur économique

totale approximative de tous les SE fournis par la biosphère (Meral, op.cit.). Ce problème

attire l’attention de Costanza et al. qui rédigent un article pour pallier à ce déficit, en

proposant une synthèse des données existants pouvant permettre l’évaluation monétaire des

Page 161: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

160

SE selon leurs valeurs. Ainsi, « la méthode retenue consiste à calculer la valeur par hectare

et par biome puis multiplier ces valeurs par la surface que représente sur terre chaque biome

et enfin sommer ces valeurs obtenues » (Ibid. : 12). Cet article a cependant suscité des

controverses importants dans le monde académique, beaucoup plus pour les adeptes de

l’économie écologique.

Ces controverses vont faire naître des réactions contraires. À cet effet, Norgaard et al. (1998),

importants partisans de la soutenabilité forte, à travers leur article intitulé « Next, the value of

God… » « montrent que les choses de la terre ne devraient pas être exprimés en termes

monétaires. Ils se demandent par la suite si eux en tant qu’économistes économiques peuvent-

ils donner la valeur que Dieu accorde à ces choses, ou, étant donné que la valeur des choses

est connue peut-on savoir avec qui échanger, ou quoi faire avec l’argent provenant de cet

échange ? ». Ceci constitue l’une des réactions les plus vives contre cet article. À l’opposé, il

y a quelques auteurs qui ont réagi en faveur de cet article dont, Herrendeen (1998).

Dans le bassin du Congo, ces limites précédemment citées sont pratiquement les mêmes. Cela

montre que les systèmes de rémunération des SE doivent être encore mieux explorés pour que

les objectifs visés soient atteints. Les forêts du Bassin du Congo constituent aussi bien pour

les populations locales que pour l’Etat, les entreprises forestières, et même pour le monde

entier un véritable « capital naturel » à multi-usages. C’est dans cette logique qu’apparaissent

les services environnementaux qui sont des bénéfices indirects indispensables à la survie et au

bien-être des hommes. C’est pour quoi, leur disparition causerait de graves conséquences.

Compte tenu du fait que malgré les diverses conventions internationales signés par les Etats

des pays du Bassin du Congo sur le changement climatique notamment, ces services

environnementaux sont très peu intégrés dans les politiques forestières.

À cet effet, en 2008, la Banque Africaine de Développement (BAD) a mis en place un

« Fonds pour les Forêts du Bassin du Congo », dont le financement s’élevait à plus de 110

millions de dollars, dont la moitié est dédiée à la réalisation des PSE, dans le but de préserver

le climat. Dans le même sens, la Banque mondiale et les Nations unies, respectivement avec

« Forest Carbon Partnership Facility » et PNUD, PNUE, FAO, luttent aussi contre le

changement climatique au travers « des programmes de déboisement ou de déforestation

évitée » (Lescuyer et al., 2009 : 133). De plus, le « Programme stratégique d’appui à la

gestion durable des forêts au bassin du Congo » du Fonds pour l’environnement mondial vient

lui aussi promouvoir les PSE. L’ensemble de ces investissements financiers sont

Page 162: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

161

particulièrement consacrés aux SE suivant : la séquestration de carbone, la conservation de la

biodiversité et le maintien de bassins versants.

4.2.4. Exemples de quelques services issus de la nature déjà monnayés ou en

cours

Dans certaines régions du monde, le paiement pour services environnementaux existe déjà

sous la forme de grands marchés. Aux Etats-Unis par exemple, en 1972, le Clean Water Act

exige que tout développeur de projets d’infrastructures doive compenser les dégâts causés à

l’environnement, surtout dans les zones humides (« wetlands »). Ce qui les amènerait à

compenser en créant ou en conservant une zone équivalente jugée de grande importance

écologique. Pour cela, des grilles pour favoriser la compensation selon la valeur du type

d’environnement ont été mises en place. Dans le même sens, dernièrement en Australie, le

New South Wales Department of Environment and Conservation a exigé des concepteurs de

projets d’infrastructures qu’ils compensent les impacts négatifs de leurs projets sur l’écologie,

en achetant des crédits. L’applicabilité de ce mécanisme a non seulement favorisé la

conservation des milieux naturels considérés comme ayant une grande valeur écologique

(«biobank sites »), mais a aussi permis d’établir un marché dans lequel les ONG

environnementales et autres acteurs pourraient venir vendre ou acheter des crédits.

La mise en place des mécanismes de PSE dans la sous-région d’Afrique centrale encouragée

par le Protocole de Kyoto, a incité plusieurs acteurs privés à initier divers projets de

conservation comprenant le boisement ou le reboisement. Ainsi, parmi les services de la

nature qu’on peut monnayer, la séquestration de carbone se présente comme le SE le plus

sollicité, à cause des enjeux qu’il suscite et des financements qui lui sont dédiées. Trois

formes essentielles de mécanisme de paiement sont en effet liées soit au maintien de la

séquestration de carbone, soit à sa reconstitution. On distingue ainsi, le mécanisme pour un

développement Propre (MDP), la Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la

Dégradation (REDD) et les initiatives reliées aux marchés volontaires. Cependant, dans la

sous-région (Afrique centrale) aucune de ces formes de mécanisme n’est encore actuellement

opérationnelle.

Mais, actuellement certains projets de MDP sont « confrontés à des difficultés

méthodologiques importantes et basculent à terme vers le marché volontaire où les critères

sont moins sévères. Mais, contrairement aux projets MDP ou REDD, de telles démarches

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

162

volontaires ne pas reconnues par la CCNUCC et ne peuvent pas être utilisées pour atteindre

un quota d’émission de gaz à effet de serre. Ils bénéficient donc d’un prix inférieur par tonne

de carbone séquestrée (Halmilton et al., 2008) » (Idem). Quant à la biodiversité qui est le

deuxième SE, la rémunération qui peut en découler est fonction du degré de biodiversité.

S’agissant de la certification forestière, elle est « une incitation indirecte plutôt qu’une forme

de paiement direct pour la conservation de la biodiversité » (Ibid. : 138). En somme, les PSE

liés à la conservation de la biodiversité peuvent occasionner des arrangements de la part des

gestionnaires d’aires protégées et des populations locales. Ce qui entraînerait la rétribution de

ces populations grâce à leur contribution massive à la protection de certains animaux. Ainsi,

au Cameroun par exemple, les populations riveraines sont compensées pour la cessation de la

pêche des tortues marines. Il en est de même pour la RDC ou la RCA avec l’indemnisation

pour la dénonciation des braconniers autour des parcs nationaux. Mais ce genre d’accord est

actuellement rare dans les pays du Bassin du Congo. En effet, une étude de Tchiofo (2008)60

reposant sur une enquête faite dans trente aires de ces pays, montre que « seules cinq

expériences de compensation directe pour la restriction des droits d’usage sont effectives à

l’heure actuelle, tandis que la quasi-totalité de ces aires protégées proposent des incitations

indirectes et/ou semi-directes pour la conservation de la biodiversité » (Idem). Le dernier SE

qui peut induire un paiement est lui aussi confronté à des obstacles.

Conclusion du chapitre III

Ce chapitre montrait les activités de production et de conservation au Gabon. L’économie

gabonaise reste encore tributaire des produits du sol et du sous-sol. C’est une économie qui

dépend fortement du pétrole. « En 2011, le poids du secteur pétrolier dans le PIB est de 49 %

et représente 83 % des recettes d’exportation et 54 % des recettes budgétaires »61

. Très

remarqué avec près de 50 % dans le PIB, « le pétrole pèse lourd dans l'économie nationale »

(Pourtier, 2004 : 40). La diversité économique tant prônée se heurte à plusieurs difficultés

analysées dans le chapitre. Pour l’instant la solution idoine est portée vers la conservation

pour pérenniser la production des ressources naturelles. Or, les politiques environnementales

60

Cité par Lescuyer et al., op.cit :138 61

http://www.tresor.economie.gouv.fr/6586_le-secteur-petrolier-au-gabon-2012

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

163

portées par plusieurs acteurs (administrations, ONG, privés), sont elles aussi confrontées à des

difficultés législatives, techniques et financières. Par ailleurs, les populations locales

participent très peu ou presque pas à la conservation au Gabon. De ce fait, la présence des

aires protégées ne suffit pas à elle seule à lutter contre le pillage des ressources naturelles. La

gestion participative est de plus en plus sollicitée, même si elle a du mal à se concrétiser.

Actuellement, c’est le paiement pour services écosystémiques qui apparaît comme une des

solutions pouvant impliquer les populations du Bassin du Congo en général et celles du

Gabon en particulier dans la gestion environnementale. Bien que le PSE soit une notion qui

demande à être bien élaboré, les populations locales tout comme le gouvernement pourront en

bénéficier dans les prochains jours.

Page 165: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

164

Page 166: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

165

Conclusion de la première partie

Dans les pays tropicaux tels que le Gabon, les intérêts des acteurs face aux ressources

forestières sont multiples et souvent contradictoires. Mais ces intérêts doivent pour tant être

conciliés pour atteindre non seulement le développement local, mais aussi répondre aux

besoins exprimés. Ainsi cela demande une conciliation entre production et conservation des

ressources naturelles. Ces deux concepts traités dans cette partie, que ce soit dans les pays

développés ou dans les pays tropicaux comme le Gabon présentent des limites. Ce sont ces

limites que tente de résoudre le développement durable pour permettre l’utilisation des

ressources ainsi que leur protection en tenant compte des contraintes, enjeux et défis qu’elles

présentent.

Au Gabon, sur le plan économique, les projets réalisés pour entraîner le développement du

secteur agricole qui devrait permettre aux ruraux d’améliorer leurs conditions de vie, n’a pas

produit les résultats attendus, parce qu’ils ont plus privilégié les cultures agro-industrielles

plutôt que les cultures vivrières. De plus, les ruraux n’ont pas toujours participé à

l’élaboration de ces politiques, ce qui peut être à l’origine de leur échec, dans la mesure où les

choix pouvaient ne pas être compatibles avec les réalités rurales. Or, la participation des

populations aux décisions économiques les concernant est primordiale. Mais faudrait-il leur

donner les moyens de participer à leur développement.

Sur le plan environnemental, les politiques environnementales que développe le Gabon dont

l’économie s’est toujours appuyé sur l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol

participent au maintien des écosystèmes. Cependant, ces politiques sont exécutées dans un

environnement (monde rural) durement confronté à de multiples difficultés, telles que la

pauvreté, les problèmes de transport liés au mauvais réseau routier, le faible

approvisionnement des équipements basiques, l’agriculture peu développée, etc. C’est un

ensemble de difficultés rencontré par les populations villageoises qui souvent tend à affaiblir

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

166

les politiques environnementales dans la mesure où elles sont parfois contestées par ces

populations. De ce faite, « la réussite d’une politique s’articule autant autour de sa

contribution au développement de capacités d’adaptation et de résilience - afin de pouvoir

faire face aux incertitudes à venir - qu’autour de la réduction immédiate des impacts

négatives des activités humaines sur l’environnement » : (Le Prestre, op. cit. : 11-12). De

plus, si les populations rurales tirent profit de ces politiques, elles sauront mieux les apprécier.

C’est grâce aux avantages résultant des politiques environnementales que la contribution des

ruraux pour la réussite de ces politiques peut être possible. Il faut aussi, que les ruraux

parviennent à participer à la production en développant leur agriculture, afin de mieux utiliser

leurs milieux.

Page 168: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

167

Deuxième partie : La survie des villages

gabonais

Si l’agriculture gabonaise a pu bénéficier de programmes de subventions spéciaux, ceux-ci ne

se sont pas traduits par des résultats tangibles :

« L’État gabonais a régulièrement affecté, pendant de nombreuses années, une

enveloppe budgétaire aux activités agricoles et au développement du monde rural. Les

efforts les plus importants ont été consentis à partir du début des années 1980 jusqu’en

2000, année où la nécessité de privatiser les entreprises publiques et parapubliques

s’est imposée de façon impérieuse à l’économie du pays. Mais c’est au milieu des

années 1980 que les investissements les plus remarquables ont été faits, (cf. tableau ci-

dessous). Ils ont globalement atteint et dépassé le montant de 20 milliards FCFA, l’an,

pour culminer en 1985 à près de 24 milliards. A partir de cette période l’effort s’est

relâché pour se situer entre 10 et 12 milliards l’an, entre 1987 et 1994. Cette période

correspond au début de l’application du plan d’ajustement structurel, 1986-1990,

imposé par le FMI) » (Galley, op. cit. : 219).

Tableau 7 : Evolution des investissements entre 1984 et 1993 (milliards FCFA)

Années 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993

Agriculture 21 23,7 22,9 15,8 12,1 12,2 14,8 11,3 12,2 12,2

Source : DGSEE, 2002

En dépit des fortes dépenses de l’État qui ont sans cesse diminué probablement à cause des

résultats négatifs obtenus, la production agricole est restée insignifiante pour répondre aux

besoins alimentaires des Gabonais. Galley (2010) explique la fragilité de la production

vivrière à travers trois facteurs : le fait que l’économie gabonaise soit essentiellement

extractive, les choix gouvernementaux portés vers l’agro-industrie et l’urbanisation. Comment

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

168

donc le monde rural gabonais a-t-il évolué pour qu’il survive de nos jours ? C’est à cette

question que nous répondons dans cette partie constituée de deux chapitres. Dans le premier

chapitre, nous décrivons la zone d’étude, les difficultés que connaissent les villages étudiés

ainsi que leurs atouts et comment s’organise la vie au village. Dans le deuxième chapitre,

nous cherchons à comprendre les fonctions que remplissent les villages gabonais.

Page 170: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

169

Chapitre IV : Description de la zone d'étude

Nous avons étudié plus particulièrement la province de l’Ogooué-Ivindo. L’estimation de la

population faite en 2010 est de 64 163 habitants, soit 1,4 habt/km². Or en 2003, la population

était estimée à 61 883 habitants par le RGPH, soit une augmentation de 3,6 % par rapport à

14, 27 % d’augmentation de la population totale du Gabon sur la même période. Ainsi,

l’Ogooué-Ivindo se présente comme une province sous-peuplée et qui le reste puisque le taux

d’accroissement ailleurs est quatre fois plus élevé que celui de la province.

La province est peuplée de plusieurs ethnies dont les Kota, Fang, Simba, Okandé, et les

Pygmées. Son sous-sol possède plusieurs minerais tels que le fer, l’or. L’Ogooué-Ivindo est

également connue grâce au tourisme effectué à la Lopé qui est l’une des vieilles réserves du

pays. Plusieurs autres sites extraordinaires (les chutes de Mingouli, Djidji, le mythique baï

Mwagna) attirent aussi les touristes dans la province. C’est en fait une province favorable au

tourisme naturel. Ci-dessous est localisée la zone d’étude.

Page 171: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

170

Carte 6 : L’Ogooué-Ivindo dans le Gabon

Page 172: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

171

L’Ogooué-Ivindo est la sixième province du Gabon. Ses villages Ayem, Kazamabika,

Makoghé, Mikongo, Ebe, Messe, Melane, La Scierie, Nzé-Vatican et la ville la Lopé qui

ont particulièrement été retenus se situent à la périphérie des parcs de la Lopé, l’Ivindo et de

Mwagné. Au cours de ce chapitre, nous décrirons notre zone d’étude. Les différents parcs

nationaux sont évoqués tout en montrant leurs particularités. Par la suite, les différents

villages qui leurs sont périphériques sont analysés en tenant compte aussi bien des aspects

humain, économique que social.

Nous avons recueilli nos données en 2011 par le biais d’un questionnaire agro-socio-

économique de dix points repartis en plusieurs sous-questions (cf. annexe 6). Ce questionnaire

était essentiellement adressé aux « chefs de familles » ; dans la plupart des cas, ce sont les

hommes qui se sont présentés comme tels. Ils étaient chargés de donner des renseignements

sur le reste des membres de la famille. Toutefois, il est arrivé plusieurs cas où ce sont les

femmes qui ont répondu aux questions soit à la place de leurs maris absents, soit parce

qu’elles n’étaient pas mariées. De plus, un guide d’entretiens avec d’autres acteurs a permis

d’obtenir des informations aussi bien sur les différents lieux d’étude que sur les éléments

favorisant l’analyse approfondie du thème étudié. Ces données nous ont été utiles aussi pour

les chapitres suivants. Dans ce chapitre, nous n’allons parler pas uniquement de la

présentation de nos terrains, mais aussi de la méthode générale. Les acteurs avec qui nous

avons eu les entretiens sont :

a. Niveau local

Dans les villages étudiés :

- Les chefs de villages,

- Les chefs de regroupements de villages,

- Les chefs de cantons,

- Les responsables d’associations (présidents et trésoriers),

- Les directeurs d’écoles,

- Les villageois.

Dans les parcs nationaux :

- Les conservateurs des parcs étudiés,

- L’adjoint du conservateur de la Lopé,

- Quelques guides, éco-guides et éco-gardes,

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

172

- Un agent du WCS-Lopé (partenaire du parc dans la gestion environnementale),

- Quelques responsables d’associations touristiques et de pêche.

Difficultés

Au niveau local, il était difficile de soumettre les questionnaires aux populations

surtout dans les villages périphériques au Parc national de la Lopé, parce qu’elles

ne souhaitent plus répondre aux questions des chercheurs. Elles déclarent avoir été

régulièrement sollicitées par plusieurs personnes pour l’avancement des travaux

de recherche sans pourtant profiter des études qui se font. Se sentant exploitées,

elles ne désirent plus donner des informations. C’est ce qui explique que nous

n’ayons pas pu rencontrer beaucoup de familles dans les villages autour de la

Lopé et à la Lopé. Une autre difficulté majeure est l’absence de transport pour se

rendre aux différents lieux, à cause de leur enclavement.

b. Au niveau régional

À DACEFI :

- Les assistants techniques de Makokou,

- Les Agronomes,

- Le logisticien.

Difficultés

Au niveau régional, nous nous sommes beaucoup appuyés sur le projet DACEFI

dans les villages choisis dans cette zone. Les documents que nous avons eus nous

ont été d’un grand apport, toutefois, la problématique sur les forêts

communautaires à laquelle nous nous sommes intéressés a nécessité un séjour

dans les villages de la première phase du projet. Le problème de transport,

l’incompréhension avec les villageois qui pour la plupart ne souhaiteraient plus

entendre parler du projet ont été les principales difficultés auxquelles nous avons

été confrontées.

c. Au niveau national

Au WCS :

- Le Représentant, directeur général du WCS,

Page 174: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

173

- Le Coordinateur du paysage Ivindo-Chaillu,

- Un représentant du point focal Mist forests.

Autres ONG :

- Le Président de Brainforest,

- Le Président des amis du pangolin,

- Le Président de Gabon-environnement,

- Le Président des amis de la nature.

Dans les Ministères, les administrations et services publics et privés

- Le Directeur général de l’environnement,

- Le Directeur de l’Environnement et de la Nature,

- L’Ingénieur des Eaux et Forêts chargé d’Etudes,

- Le Directeur des forêts communautaires,

- La Responsable du volet conflits Homme-faune,

- Un Agent des Eaux et Forêts sur le PSFE,

- Le Sous-préfet de La Lopé,

- Une secrétaire de la Sous-préfecture,

- Le Directeur administratif et financier du RAPAC,

- Le Responsable du CARPE-Gabon,

- Quelques employés du STTAF (Société des Travaux Topographiques,

Architecturaux et Fonciers),

- Un Employé du CIRMF,

- L’Inspecteur des Eaux et forêts de Makokou,

- Un Représentant de CADDE,

- Quelques enseignants de l’Université Omar Bongo.

Difficultés

Au niveau national, il n’était pas facile de rencontrer toutes les personnes

souhaitées à cause de leur manque de disponibilité. Cependant, certaines d’entre

elles avec qui nous avons eu des entretiens nous ont permis d’obtenir des

informations générales sur la thématique étudiée. L’une des difficultés sans cesse

rencontrée au niveau national est la quasi absence des statistiques économiques et

Page 175: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

174

démographiques sur les zones étudiées. En conséquence, il fallait avoir recours

aux enquêtes de terrain afin de mieux aborder la problématique de notre étude.

À travers des questionnaires agro-socio-économiques, des mesures des champs et des pesées,

nous avons pu avoir des informations sur les populations de la zone étudiée, leurs conditions

de vie, ainsi que sur leurs activités. Au total 144 questionnaires ont été appliqués et plus d’une

trentaine d’entretiens ont été menés. Dans les lignes qui suivent l’observation faite sur les

différents lieux, ainsi que les informations recueillis permettront d’avoir une vue globale de

ces milieux. Parce que chaque lieu diffère d’un autre qu’une description particulière de

chacun d’entre eux a été faite. Nombre d’entre ces villages n’ont presque jamais été étudiés

ainsi leur description n’a pas été facile.

1. Choix de la zone d’étude

Le choix a été porté sur la province de l’Ogooué-Ivindo pour deux raisons. Parce que la

gestion environnementale y est davantage considérée et que plusieurs actions y ont été

entreprises. Des treize parcs nationaux du Gabon, quatre sont dans cette province. Mais trois

seulement d’entre eux ont retenu notre attention, à cause de leurs proximités avec les villages

étudiés. En effet, la réserve ancienne (la Lopé) a été transformée en parc national et trois

nouveaux parcs nationaux (Mwagné, l’Ivindo et Minkébé) ont vu le jour. Étant en outre

intéressé par le monde rural gabonais dont les territoires sont de plus en plus sollicités par

différents acteurs, nous avons jugé utile d’observer principalement les activités de production

et les activités de conservation dans la province de l’Ogooué-Ivindo. Il fallait donc voir

comment s’organisent ces activités et leurs impacts sur les populations locales. De plus, un

autre objectif est de voir comment ces populations conçoivent la conservation, va-t-elle de

paire avec leur agriculture, est-ce une voie de sortie vers le développement rural?

La seconde raison du choix est que la province de l’Ogooué- Ivindo est le premier lieu où le

projet sur les forêts communautaires a été réalisé. Nous avons alors voulu comprendre ce que

les forêts communautaires une fois attribuées apportent aux populations rurales, et voir

également l’enjeu des ces forêts dans la politique territoriale du pays. Dans les rubriques qui

suivent nous montrons aussi bien la particularité de chaque parc national que de chaque

village retenu. Nous présentons de façon succincte et individuelle les villages et la ville se

trouvant aux proximités des trois parcs étudiés avant de les considérer dans leur globalité.

Page 176: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

175

1.1. Le parc national de Mwagné

Avec une superficie de 1160 km², le parc national de Mwagné est situé dans la province de

l’Ogooué-Ivindo, particulièrement à l’est de Makokou. Il est frontalier avec le Congo. Ce parc

fait partie des parcs nationaux créés en 2002. Le parc dispose d’un grand espace forestier

presque inhabité qui représente l’une des importantes zones forestières pluviales. Seuls les

Pygmées et les chasseurs pratiquent le parc : l’espace forestier étant presque vide, de

nombreux animaux trouvent un abri favorable. On y trouve les animaux comme les éléphants,

les singes, les oiseaux, l’antilope Bongo ou des animaux rares comme le canard de Hartlaub,

le cercopithèque de Brazza.

Carte 7 : Le parc national de Mwagné

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

176

En dehors des animaux qui se réfugient dans ces grandes étendues forestières presque vides

d’hommes, il se rencontre aussi des espèces végétales importantes. C’est en effet une

végétation dense et humide, dont la plus grande partie est composée de forêts guinéo-

congolaises qui sont intactes et pas encore exploitées, avec un fort potentiel éco-touristique.

Le parc est très enclavé, une desserte en pirogue est toutefois possible grâce aux rivières

Liboumba et Lodié. Cependant, ce parc est très isolé et le tourisme a du mal à se développer.

Ainsi, dans le but d’améliorer le tourisme dans le parc, un projet de développement qui

mettrait en place de petites infrastructures est envisagé. Une autre particularité de ce parc est

la qualité de son sol riche en minéraux.

Le parc national de Mwagné se situe à plusieurs dizaines de kilomètres des villages choisis

tels que Nzé Vatican et La Scierie. Le conservateur de ce parc va aussi vers les populations de

ces villages pour les interpeller et les informer sur la gestion environnementale. Contrairement

aux populations vivant aux environs du parc de la Lopé, les villageois de Nzé Vatican et de

La Scierie voient rarement les agents du parc chez eux, mais ils sont conscients de la nécessité

de la conservation et des contraintes qu’elle entraîne, même s’ils ne sont pas toujours d’accord

avec.

Comme les autres parcs nationaux, le parc de Mwagné a un conservateur qui est le principal

acteur de la conservation et les autres agents et éco-guides qui travaillent avec lui. Ils sont

tous soumis aux directives de l’ANPN. Le bureau du conservateur de Mwagné se trouve à

Makokou. Du fait qu’il y ait plusieurs acteurs de la conservation à Makokou, c’est-à-dire le

WWF62

, les Eaux et Forêts, ou d’autres particuliers œuvrant dans la gestion

environnementale, les agents du parc de Mwagné travaillent en collaboration avec eux.

1.2. Les villages voisins au parc de Mwagné

Deux villages ont retenu notre attention. Ce sont en fait des villages sélectionnés pour

accueillir la première phase du projet DACEFI (Développement d’Alternatives

Communautaires à l’Exploitation illégale). Il s’agit des villages Nzé Vatican et La Scierie.

62

Le WWF est le partenaire indéniable du parc et aide les agents de la conservation à bien mener leurs activités à

travers son expérience en la matière et à l’aide des formations des ces agents qu’elle met en place.

Page 178: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

177

1.2.1. Le village Nzé Vatican

Nzé Vatican est situé près d’une voie de communication comme plusieurs villages gabonais.

Planche 1 : A Nzé Vatican

Les deux extrémités du village sont entamées et clôturées par des habitations faites en terre

battue ou en planche. C’est un long village construit en bordure d’une voie de communication

très restreinte et mal entretenue, conduisant à Mékambo (l’une des villes importantes de la

province). La fréquence irrégulière des transports menant à Nzé Vatican comme dans les

villages voisins limite énormément les déplacements des villageois surtout en saisons des

pluies où la route est presque impraticable. Nzé Vatican se situe à 78 km de Makokou. Ce

village situé dans le département de l’Ivindo et dans le canton de Liboumba est peuplé des

Kota, Mahongwé et Saké. Cependant Perrois (1970) montre que Kota, Mahongwé et Saké

appartiennent au groupe ethnique gabonais appelé ba-kotas de l’Ogooué-Ivindo. Étant donné

qu’il est difficile de comparer les statistiques officielles des recensements des lieux étudiés

Le village s’étend sur une longueur de 1,5 km. Une maison en terre battue

Parfois les villageois les plus démunis utilisent la tôle pour revêtir les murs de leurs maisons.

Page 179: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

178

avec nos propres données, parce que nous ignorons les considérations qui ont été retenues

pour les entreprendre, que nous nous appesantissons sur nos données. Lors de notre passage

en Mai 2011, à travers le questionnaire agro-socio-économique que nous avons effectué

auprès de 38 chefs de famille, nous avons recensé 230 personnes vivant chez ces chefs de

familles au cours de la période précisée. Dans ce village, plus de 90 % des chefs de familles

ont été interrogés. Nous n’avons retenu que les personnes présentes.

1.2.2. La Scierie

La Scierie est un petit village du département de l’Ivindo appartenant aussi au canton

Liboumba. Le village a à sa tête un chef de village qui s’occupe des affaires administratives,

politiques et sociales. Cependant lorsque nous étions dans le village en Mai 2011, le chef de

village était décédé suite à un accident de voiture. Ainsi, l’absence d’un chef a mis le village

dans une grande insécurité. Tout comme Nzé Vatican, le village La Scierie est habité par les

Kota, les Saké et les Kwélé. Il se situe à 42 Km de Makokou. Le village est construit de

maisons en terre battue et en planche. Il est construit le long d’une route faite en terre, mal

entretenue. Il s’agit de la même route qui mène à Nzé Vatican.

En Mai 2011 nous avons obtenu des données sur 103 personnes y compris les enfants,

résidant chez 14 chefs de familles auprès desquels nous avons rempli un questionnaire. En ce

qui concerne les diverses activités du village, outre les périodes électorales, les ruraux

partagent leurs moments notamment à travers l’association des parents d’élèves et celle de

DACEFI, appelée Ndonga bana La Scierie (ce qui signifie les biens faits des fils de La

Scierie).

1.3. Le parc national de l’Ivindo

Le parc national de l’Ivindo a une superficie de 3 000 Km². Il fut crée en 2002 et se situe dans

les provinces de l’Ogooué-Ivindo et de l’Ogooué-Lolo.

Page 180: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

179

Plusieurs concessions sont limitrophes au parc, d’où une grande menace pour la gestion

environnementale. En effet, le parc est borné au nord-est par la concession SFM, au nord-

ouest par les concessions Rougier, au sud-est par les concessions Cora’wood, et au sud-ouest

par le chantier LUTEXFO. Le parc est également borné au nord par la route Ovan-Makokou.

Ce parc a aussi un fort potentiel touristique. C’est un parc localisé sur de très vastes étendues

forestières dans lesquelles se trouvent des rapides et chutes remarquables (Kongou, Mingouli,

Djidji). De même, ce parc est le lieu idéal où peuvent être observés plusieurs espèces

d’éléphants, ainsi qu’une forte diversité d’espèces de singes (gorille, chimpanzé,

cercopithèque, etc.), d’oiseaux et autres animaux. Ces animaux peuvent s’observer depuis la

clairière naturelle (baï) de Langoué, situé au sud du parc. Ce sont les images rapportées de ce

Carte 8 : Le parc national de l’Ivindo

Page 181: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

180

site extraordinaire qui ont convaincu le feu Président du Gabon de créer les treize parcs

nationaux.

Dans le parc il y a la réserve naturelle d’Ipassa qui est protégée depuis 1971 et est inscrite

depuis 1983 dans le réseau mondial des Réserves de Biosphère (MAB). Cette réserve abrite

une station de recherche gérée par l’Institut de Recherche en Ecologie Tropicale (IRET) qui

est active depuis les années 1960. Localisée au nord du parc, la station de recherche d’Ipassa

est située à cinq kilomètres du village Loa Loa. Dans ce village par exemple, en 2003 le

conservateur du parc sortant et son équipe ont fait des séances de sensibilisation pour montrer

le bien-fondé du parc. Ces sensibilisations continuent aujourd’hui. Les habitants de ce village

comprennent bien ce qui se fait dans le parc au sujet de la conservation, mais ils disent qu’ils

ont toujours vécu des activités de chasse et de cueillette. Face à cette situation les agents de la

conservation du parc leur ont accordé une zone dans le parc pour faire uniquement de la

pêche. Ce qui fait qu’on observe plus de douze campements de pêche. Dans ces campements

habitent des familles qui font de la pêche. Elles sont sous la surveillance des éco-gardes. Le

séjour de ces familles doit durer au plus deux semaines. Elles peuvent renouveler le séjour si

elles le veulent.

Les agents du parc travaillent aussi avec quelques villageois de Loa Loa. Ils sont quatre

guides, deux pinassiers, des pisteurs pour le tourisme. Il y a en effet des zones dans le parc

que les agents de la conservation ne maîtrisent pas et donc ce sont ces villageois qui les aident

parce que c’était autrefois leurs zones de chasse. Ces villageois ne travaillent pas en

permanence dans le parc, mais ils sont contactés quand il y a une activité. En général, ils sont

payés à 5 000 francs CFA la journée. Il n’y a pas de femmes parmi eux. L’autre village avec

qui les agents du parc ont des contacts est Mouyabi. Ce village est situé au sud du parc.

Contrairement aux guides du village de Loa Loa, deux guides du village de Mouyabi font

partie de l’effectif des travailleurs permanents du parc. Les recrutements se font en fonction

de la demande de l’ANPN.

Le village de Mouyabi n’a pas de rivière comme le village de Loa Loa. C’est pourquoi la

seule activité des habitants de Mouyabi est la chasse. Comme ils sont des chasseurs63

, une

zone de chasse n’a pas pu leur être donnée dans le parc, puisque protéger les animaux est

l’une des activités des agents du parc. C’est pour cela qu’on leur demande plutôt de s’ériger

63

Il ne s’agit pas ici de la chasse traditionnelle qui n’est pas interdite pas la Loi parce qu’elle permet aux

villageois de se nourrir, mais plutôt de la chasse commerciale (braconnage) qui prend d’importantes proportions.

Page 182: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

181

en associations pour faire des champs. Étant donné qu’ils ont l’Ogooué de l’autre côté du

village, on leur conseille de faire également de la pêche. Le Parc est chargé d’aider ces

villageois à concrétiser ces activités. Cependant, le Parc n’a pas toujours les moyens qu’il faut

parce que l’ANPN ne tient pas compte de ces activités dans le budget qu’elle alloue au Parc.

Le bureau du conservateur est à Makokou. Il travaille conjointement avec la gendarmerie, la

police, les Eaux et Forêt et surtout avec le WCS qui est le partenaire du parc. Le WCS apporte

son appui technique et financier au parc. Le parc national de l’Ivindo bien qu’il soit grand

subit les menaces des braconniers et des sociétés forestières qui ont tendance à empiéter sur le

parc. Le fait qu’il soit un lieu favorable pour le tourisme naturel n’empêche pas les agressions

humaines. Par exemple autour du parc de l’Ivindo il y a des campements d’orpaillage. Les

orpailleurs font également beaucoup de chasse. C’est pourquoi au-delà des actions de

sensibilisation qui ont déjà eu lieu, le conservateur et son équipe s’attèlent aujourd’hui à faire

des répressions ou missions de police. Le parc travaille avec tous les villages qui

l’environnent. Il s’agit des villages de Makokou à Ovan et vers Booué, et les villages situés

dans la province de l’Ogooué-Lolo qui sont proches du parc.

1.4. Les villages proches du parc de l’Ivindo

Là encore c’est le projet de DACEFI qui nous a conduits à ne retenir que trois villages. Les

villages d’Ebe, Messe et Melane ont en effet attiré notre attention parce qu’ils figurent dans la

liste des villages dans lequel le projet a démarré.

1.4.1. Ebe-Messe

Ebe et Messe sont deux villages situés dans le canton Beleme et dans le département de la

Mvoung. Ebe-Messe est un regroupement de deux villages dont Ebe et Messe, construits tous

les deux en bordure de route. Les deux villages sont séparés de sept kilomètres. Non

seulement ces villages ont été regroupés par l’administration, mais aussi étant donné que le

village Messe qui semble être abandonné n’est habité que par une famille, alors nous avons

décidé de parler de ces deux villages simultanément. En plus les habitants des deux villages

considèrent qu’il ne s’agit que d’un seul village. Ils sont peuplés de personnes appartenant à

l’ethnie Fang.

Page 183: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

182

Le village Messe n’est habité que par les habitants de la famille du chef de regroupement Ebe-

Messe-Melane, élu depuis le 30 Juin 2003. D’après ce que nous avons observé quand nous

étions de passage en Avril 2011, Messe est actuellement peuplé de treize personnes, y

compris les enfants. Le village est également sous le commandement du chef de village

d’Ebe. De même en Avril 2011, nous avons interrogés onze chefs de familles à Ebe qui nous

ont donné des informations sur 38 personnes vivant globalement dans leurs maisons. À ce

nombre, s’ajoute plus de 30 malades qui séjournent à Ebe en vue de bénéficier des soins du

chef de canton qui est un guérisseur.

1.4.2. Melane

Melane est le troisième village qui fait partie du regroupement Ebe-Messe-Melane. Il

appartient également au département de la Mvoung et au canton Beleme. Melane est un village

composé de cinq maisons appartenant à une seule et même famille (celle du chef de village),

comme le village Messe. Cette famille parle le Fang. En Avril 2011, il y avait treize

personnes présentes, c’est-à-dire qui habitaient dans le village de façon permanente. Or, lors

de notre passage dans le village, nous avons remarqué que sur la liste électorale de 2010 du

village Melane, il y avait quarante un votants inscrits. Mais le constat fait est que ce sont des

électeurs qui n’habitent pas forcement au village. Les élections sont en effet des événements

qui obligent la présence des citadins dans les villages auxquels ils appartiennent.

Durant les périodes électorales, les effectifs des villages s’en trouvent ainsi gonflés grâce à la

venue des personnes qui en sont originaires mais qui habitent ailleurs. Pendant ces mêmes

périodes, les villages qui avaient l’air de ne plus vivre sont revitalisés et animés. L’autre

moment privilégié est celui des grandes vacances, lorsque les jeunes qui sont souvent les plus

nombreux vont passer un séjour chez parents et grands-parents.

1.5. Le parc national de la Lopé

Le parc national de la Lopé se trouve au centre du Gabon, particulièrement au nord du massif

du Chaillu. Il se situe dans quatre provinces du Gabon : Ogooué-Ivindo, Moyen-Ogooué,

Ogooué-Lolo et Ngounié. Cependant la plus grande superficie du parc se trouve dans la

province de l’Ogooué-Ivindo. Ainsi, sa superficie de plus de 500 000 ha fait de lui le parc le

plus important du pays après celui de Minkébé. Le parc national de la Lopé est limité au nord

par le fleuve Ogooué, à l’est par la rivière Offoué et à l’ouest par la Mingoué.

Page 184: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

183

Avant qu’il ne soit déclaré parc national en 2002, il fut une ancienne réserve dans laquelle on

trouve « d’anciennes savanes datant d’il y a au moins 40 000 ans, et d’une des régions

forestières dites refuges pléistocènes » (Voisin, op.cit: 188). Cette ancienne réserve comme

nous l’avons vu dans la première partie, témoigne du passé de l’Afrique Centrale. « En effet,

ses savanes sont le reflet de ce à quoi devait être la majeure partie de l’Afrique Centrale, il y

a dix huit mille et douze mille ans quand les savanes se sont substituées aux forêts tropicales

après le refroidissement de la terre » (Mve Ndo, 2002: 26). Ceci fait de la Lopé un site

historique qui attire de nombreux chercheurs.

De plus, sa forte richesse floristique abrite une faune diversifié. Le paysage de la Lopé montre

un mélange de savane et de forêt. Dans ce parc on observe une forte population de mandrills,

Carte 9: Le parc national de la Lopé

Page 185: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

184

des gravures rupestres et pierres taillées. Le parc national de la Lopé est aussi connu pour les

nombreuses recherches scientifiques qui sont faites sur son site. De plus, le programme

d’ECOFAC, les sociétés forestières, la présence des gares ferroviaires ainsi que l’activité

touristique ont permis à un moment donné à la Lopé de connaître un développement. Nous

reviendrons sur ces éléments plus tard.

Le développement économique a aussi entraîné la croissance démographique dans la localité

de la Lopé. C’est autour des années 1970 que l’exploitation forestière débuta à la Lopé avec

des méthodes modernes, profitant de la construction du chemin de fer pour acheminer les

grumes vers Libreville. Cependant, de 1954 à 1967, quelques particuliers exploitaient déjà le

nord de la forêt artisanalement (Angoué, 1999). Les recettes issues de l’exploitation forestière

des zones où passeraient les rails ont ainsi contribué à construire le chemin de fer. La

proximité des exploitations des sociétés forestières (Leroy Gabon et la Nouvelle Société

Gabonaise, NSG) au Sud et à l’Est avec les villages a contribué à engendrer des flux

migratoires importants entre les camps des ouvriers, les villages et le centre de la Lopé.

Cela a occasionné la présence d’une population composite qui favorisa « le développement

d’activités connexes, particulièrement l’implantation des parcs à bois chargés d’expédier les

grumes par le rail, des scieries et des commerces tenus par des allogènes autour des gares »

(Angoué, op. cit. : 186). De plus, « le développement de ces activités a des implications tant

au niveau sociologique que politique : sociologique parce que la population de la Lopé s’est

accrue ces dix dernières années (elle est passée de 1 000 à environ 2 000 habitants), politique

car cette nouvelle situation a profité aux décideurs politiques, qui ont érigé le département en

district depuis 1995 » (Idem). Toutefois, le retrait des activités forestières de la réserve de

Lopé en 2000 suite à un conflit entre les ONG environnementales et les sociétés forestières

marque un tournant important dans l’économie de la localité. Des conséquences importantes

que nous verrons plus loin montreront ce qu’on observe actuellement sur le terrain : une

économie en déclin et beaucoup de chômage.

Le classement du parc de la Lopé comme premier parc national appartenant au patrimoine

mondial de l’Unesco lui confère une place importante. Le WCS est le partenaire principal du

parc. Comme le montre la carte du parc de la Lopé, les villages qu’on y observe sont des

enclaves dans lesquelles vit une petite population villageoise. Ainsi, les villages périphériques

au parc à savoir Kazamabika, Makoghé, Mikongo et Ayem, voient leur population régresser

depuis quelques années et particulièrement depuis le départ des sociétés forestières en 2000.

Page 186: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

185

Nous y reviendrons quand nous présenterons chacun de ces villages. Ainsi, la détermination

des agents du parc dans la conservation, la destruction des cultures par les animaux et le

retrait des activités forestières dans la zone ont contribué au départ des populations de ces

villages et de la ville de la Lopé. Par ailleurs, le tourisme traditionnel fait dans le parc par

quelques associations attire les visites des touristes.

1.6. Les villages périphériques au parc de la Lopé

Ces villages que nous avons retenus à la périphérie de la Lopé permettent de saisir les

conditions de vie de populations directement touchées par l’implantation d’un parc. Nous

confronterons ici les recensements régulièrement réalisés par Angoué (1995 et 1996-1997) qui

étaient facilement effectuables du fait de la faible démographie autour de la Lopé, avec les

chiffres que nous avons pu recueillir en 2011.

1.6.1. Ayem

Le village Ayem est situé dans le département de Booué. En Mars 2011 le chef de village qui

est une dame affirmait qu’il y a actuellement dans le village une quarantaine d’adultes sans les

enfants. Nous avons remarqué qu’Ayem et Kongomboumba ne formait qu’un village. D’après

le chef de village, le fait que les deux villages ne font plus qu’un se justifie par le fait que la

population de Kongomboumba a fuit son village à cause des éléphants. Ainsi, le

gouvernement leur a demandé de venir s’installer à Ayem. Les habitants d’Ayem sont Kota,

Fang, Okandé et Mbahouin.

1.6.2. Kazamabika

Le village Kazamabika est situé dans le département de Booué. Il a un chef de village qui est

aussi le chef de regroupement de Gabon village, Dolé et Kazamabika. C’est l’exode rural et

les décès qui ont fait en sorte que les villageois de Gabon village et Dolé quittent leurs

villages pour venir s’installer à Kazamabika, parce qu’ils ont les mêmes coutumes.

1.6.3. Makoghé

Makoghé est un village appartenant au canton Offoué-Aval. Il a à sa tête un chef de village qui

est également le chef de regroupement de Makoghé et Badondé. Ce sont les Simba et Okandé

qui sont les originaires du village. D’après les recensements d’Angoué, Makoghé avait 153

Page 187: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

186

habitants (entre 1996-1997). Cependant en 2011, nous avons remarqué qu’il n’y avait que très

peu de personnes qui vivaient de façon permanente au village, c’est-à-dire près de cinq

familles. Plusieurs maisons sont vides d’hommes. Cet effectif montre bien l’exode rural que

connaît le village, parce qu’actuellement l’ensemble des personnes vivant dans le village ne se

limite qu’à quelques adultes (moins de dix) et quelques enfants. Mais il est clair que pendant

les grandes vacances, plusieurs personnes surtout les jeunes reviennent pour y passer quelques

temps. Présentement (Août 2012), plus personne n’habite au village. Même le chef de village

séjourne dorénavant à la Lopé. Il ne repart à Makoghé que lorsque les touristes souhaitent

visiter le village et bénéficier de quelques prestations.

Planche 2 : Apperçu du village Makoghé

Makoghé est un petit village dont les habitations sont faites de matériaux multiformes comme les autres

villages. L’utilisation de bois de forêt présenté sous forme d’empilement de planches comme on l’observe

sur cette photo présente un des types de matériaux de construction.

1.6.4. Mikongo

Il existe deux villages ayant le nom Mikongo : Mikongo 1 et Mikongo 2. Angoué (1999)

montre que certains villages périphériques au parc de la Lopé, comme Makoghé, Badondé et

Mikongo avaient les mêmes habitants qui ont décidé de vivre par la suite séparément dès les

années 1960 à cause de la sorcellerie. En effet, « Badondé et Mikongo sont habités par les

mêmes populations. Elles se sont séparées parce qu’elles estimaient que les nombreux

problèmes et décès que le village enregistrait résultaient d’une activité mystique des uns

contre les autres. Ceux qui se sont constitués en victimes sont les fondateurs de Badondé

(encore appelé Mikongo 1) » (Angoué, op. cit. : 26). Nous avons cependant effectué nos

recherches à Mikongo 2, parce qu’à Mikongo 1 il n’y avait personne lorsque nous sommes

passé. D’après le chef de village Mikongo 2 compte présentement 112 adultes (sans les

Page 188: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

187

enfants). Dans le village on trouve des Simba, Akélé (en majorité) ; des Sango et Pové sont les

femmes qui sont venues en mariage. Mikongo est situé à 43 kilomètres de la Lopé.

1.6.5. Ramba

Ce village ne fait partie de notre zone d’étude, parce qu’il se situe à l'extérieur du parc.

Ramba ne figure pas sur la liste des villages situés aux proximités des parcs vu sa localisation.

Cependant, nous avons voulu illustrer un village se trouvant en dehors du parc pour montrer

comment vivent les villageois, voir également si les conditions de vie sont identiques à

l’intérieur ou à l’extérieur du parc. Nous n'avons pas pu passer des questionnaires dans le

village parce que le chef de village devient hostile à toute forme de recherche dont les

villageois ne tirent pas profit. Il disait : « Nous sommes fatigués de répondre aux questions

des gens qui viennent chez nous. On ne sait pas ce qu’ils font de ces informations. De plus, les

animaux ne cessent de détruire nos champs et personne ne réagit ». Ces propos ont été tenus

par l’ensemble des villageois chez qui nous sommes allés récolter des informations.

Cependant, c’est grâce aux entretiens faits avec le chef du village et le directeur de l’école que

nous avons pu avoir des informations sur l’ensemble des villageois.

Le village Ramba encore appelé Massenguelani fait partie du canton Offoué-Aval. Parce que

Ramba se trouve hors de la périphérie du parc que ses habitants ne sont pas soumis aux

mêmes exigences que les habitants des autres villages situés à la proximité immédiate du parc.

Ceci fait que plusieurs ruraux envient les villageois de Ramba qui sont libres de faire ce qu’ils

veulent disent-ils. Ces villageois bien qu’ils peuvent manger de la viande de brousse sans trop

de contraintes se plaignent toutefois de la destruction de leurs cultures par les animaux. Tout

comme les autres villageois, les habitants de Ramba luttent également contre les actions

dévastatrices des animaux face auxquelles ils sont impuissants. Cela signifie que la

dévastation des cultures n’est pas propre qu’aux zones proches des parcs nationaux qui sont

soumis à plus de restrictions que les autres villageois.

Ramba est un village de Pygmées aussi appelés Babongo. Ils ont un chef qui est très respecté

et envié des autres chefs de villages parce qu’il entretient de bons rapports avec le Président

de la République. Au début de son mandat lorsqu’il décida de visiter le monde rural gabonais

en passant par la route économique, il séjourna à Ramba. Beaucoup de chefs de villages

auraient bien entendu voulu jouir de ce privilège. Ramba n’est pas habité que par les

Babongo, il y a aussi des Bantous qui y vivent. Pour diverses raisons (mariage, maladie) les

Page 189: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

188

Babongo se sont fusionnés aux Bantous, mais ils gardent toujours leur culture. Leurs langues

ressemblent à celles parlées par les Bantous. Cependant ils parlent et entendent très vite les

langues des Bantous.

Les villageois de Ramba sont comme les autres villageois du point de vue vestimentaire. À

première vue, rien ne laisse croire qu’on est dans un village de Pygmées. Leur cohabitation

avec les Bantous avec qui ils entretiennent de bons rapports, a changé leurs habitudes. Leurs

maisons sont identiques aux autres maisons villageoises. Seuls leur physionomie un peu

particulière (petite taille pour certains, nez évasé, peau claire) et leur langue montrent qu’on

est en face des Babongo.

Au terme de cette présentation sommaire des villages périphériques aux parcs nationaux, nous

faisons un récapitulatif des données que nous avons recueillies dans ces villages, excepté

Ramba.

Graphique 2 : Données démographiques des villages

L’ensemble des chefs de familles interrogés dans les villages est 73. C’est à Nzé Vatican, à La

Scierie et à Ebe que plus d’hommes et de femmes ont répondu aux questionnaires. Le nombre

de chefs de famille interrogé est respectivement, 38, 14 et 11. Dans des villages tels que

Kazamabika, Ayem, Makoghé, Messe, Melane et Mikongo, l’effectif total des personnes

interrogées est inférieur à quatre. Cela correspond à quelques chefs de familles qui étaient

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

Nombre de chefs de familles

estimé dans le village

Nombre de chefs de familles

interrogé dans le village

H

F

Page 190: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

189

disposés à répondre aux questionnaires. La réticence et la méfiance des villageois vis-à-vis

des enquêtes auxquelles ils sont souvent soumis de la part des chercheurs et étudiants suscite

un climat de tensions. Ainsi, dans certains villages, le sous-effectif a tout de même permis

d’obtenir des informations générales à travers les personnes qui ont répondu aux

questionnaires. Le graphique ci-après montre les tranches d’âges des personnes interrogées.

Graphique 3 : Tranches d’âges de la population interrogée

Le plus jeune chef de famille ayant répondu à nos questions était âgé de 17 ans. Au village, on

devient très vite chef de famille à cause des mariages précoces. Le plus grand nombre de

chefs de famille ont entre 40 et 50 ans, ce sont principalement les hommes. Par ce graphique

on peut remarquer qu’il y a très peu de personnes âgées de plus de 70 ans.

2. Atouts et difficultés rencontrés dans les villages

Les villages figurant dans l’étude ont presque les mêmes atouts et problèmes. Afin de mieux

les présenter, nous avons trouvé utile de les présenter sous-forme de tableau. La colonne

“atouts” explique qu’il y a des choses qui existent dans les villages, mais que ces atouts ont

aussi des limites. C’est ce que ce qui se traduit par la colonne “insuffisance”. Par contre la

colonne “difficultés rencontrés” traduit en général ce que souhaiteraient avoir les villageois

mais qu’ils n’ont pas.

0

2

4

6

8

10

12

17-30 30-40 40-50 50-60 60-70 70 et +

Ayem

Ebe

Kazamabika

La scierie

Makoghé

Melane

Messe

Mikongo

Nzé vatican

Page 191: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

190

Tableau 8 : Atouts et difficultés des villages étudiés

Villages Atouts Insuffisances Difficultés rencontrées

Village Ayem

Population

estimée en 2011 :

40 adultes (sans

les enfants)

-Ecole primaire

-Village éclairé par

SETRAG

-Pompe de SETRAG

-Trois boutiques

-Agriculture

-Ecole en mauvais état

-Approvisionnement en

produits très limité

-Agriculture peu développée

-Pas de dispensaire

-Pas de groupe électrogène

-Pas de pompe villageois

-Insuffisance d’acheteurs

-Destruction des cultures

-Absence des activités non

agricoles

-Problème de transport

Village

Kazamabika

Population

estimée en 2011 :

58 adultes

(sans les enfants)

-Ecole primaire

-Dispensaire

-Deux groupes

électrogènes

-Boutique

-Pompe hydraulique

-Agriculture

- Approvisionnement en

produits très limité

-Pompe actuellement en

panne

-Agriculture peu développée

-Destruction des cultures

-Insuffisance d’acheteurs

-Absence des activités non

agricoles

-Problème de transport

Village Makoghé

Population

estimée en 2011:

19 personnes

-Ecole primaire

-Groupe électrogène

-Activité touristique

-Agriculture

-Insuffisance d’enseignants

-Absence de logements pour

enseignants

-Groupe électrogène en

panne

-Activité touristique

saisonnière et peu

développée

-Agriculture peu développée

-Pas de dispensaire

-Pas de boutique

-Problème de transport

-Absence des activités non

agricoles

-Insuffisance d’acheteurs

-Destruction de cultures

Village Mikongo

Population

estimée en 2011 :

112 adultes

(sans les enfants)

-Ecole primaire

-Dispensaire

-Groupe électrogène

-Boutique

-Agriculture

-Insuffisances de tables-

bancs et de tableaux

-Centre d’examen éloigné

-Manque de médicaments

-Dispensaire pas très

opérationnel

-Groupe non fonctionnel

- Approvisionnement en

produits très limité

-Agriculture peu développée

-Pas de pompe

-Insuffisance d’acheteurs

-Destruction des cultures

-Problème de transport

Absence des activités non

agricoles

Village Ramba

Population

estimée en 2011 :

aucune

information

-Ecole primaire

-Agriculture

-Insuffisance de salles de

classes

-Insuffisance de tables-

bancs

-Manques d’outils et de

livres didactiques

-Agriculture peu développée

-Destruction des cultures

-Problème de transport

-Insuffisance d’acheteurs

Village Ebe

Population

estimée en 2011 :

49 personnes

-Groupe électrogène

-Case de soins primaires

-Ecole primaire

-Boutique

-Agriculture

-Manque de médicaments

-Ecole fermée en 2010

-Approvisionnement en

produits très limité

-Agriculture peu développée

-Pas de pompe

-Problème de transport

-Insuffisance d’acheteurs

Page 192: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

191

Village Melane

Population

estimée en 2011 :

13 personnes

-Groupe électrogène

-Agriculture

-Pisciculture

-Agriculture peu développée

-Pisciculture peu développée

-Pas de pompe

-Pas de dispensaire

-Pas de boutique

-Problème de transport

-Insuffisance d’acheteurs

-Pas d’école

Village Messe

Population

estimée en

2011 :13

personnes

-Groupe électrogène

-Agriculture

-Groupe électrogène en

panne lors de notre passage

-Agriculture peu développée

-Pas d’école

-Pas de dispensaire

-Pas de boutique

-Pas de pompe

-Problème de transport

-Insuffisance d’acheteurs

Village La

Scierie

Population

estimée en 2011 :

103 personnes

-Ecole primaire,

-Pompe hydraulique

-Quelques détaillants

-Agriculture

-Pas de pré-primaire

-Manque de structures au

sein de l’école

-Insuffisance de salles de

classes

-Manque de matériels

didactiques et manuels

-Centre d’examen très

éloigné

-Logements d’enseignants

insécurisés

-Eau insuffisante et de

mauvaise qualité

-Approvisionnement en

produits très limité

-Agriculture peu développée

-Absence de dispensaire

-Absence de boutiquier

-Absence d’activités non

agricoles

-Problème de transport

-Insuffisance d’acheteurs

Village Nzé

Vatican

Population

estimée en 2011:

230 personnes

-Ecole primaire et pré-

primaire

-Dispensaire,

-Boutique

-Quelques détaillants

-Agriculture

-Insuffisance de tables-

bancs,

-Centre d’examen éloigné

-Manque de médicaments,

-Approvisionnement en

produits très limité

-Agriculture peu développée

-Absence de pompe depuis

2005

-Mauvaise qualité d’eau

-Absence de groupe

électrogène

-Absence d’activités non-

agricoles

-Problème de transport

-Insuffisance d’acheteurs

Nous avons trouvé utile de mettre les atouts et difficultés du village de Ramba dans le tableau

pour avoir un regard général sur les conditions de vie des populations vivants à proximité des

parcs et celles des autres villageois comme ceux de Ramba. En définitive, les situations dans

les villages sont presque identiques mais il y a quelques particularités. Certains villages ont

des atouts que d’autres n’en ont pas. De même ce qui constitue un problème dans un village,

ne l’est pas forcément dans un autre.

Page 193: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

192

2.1. Les atouts des villages

Nous en citons quelques principaux selon les villages et donnons quelques-uns de leurs

avantages.

2.1.2. L’école

Au Gabon, l’enseignement est presque gratuit. En 2010 le taux de scolarisation au Gabon était

à près de 95 % chez les enfants âgés de 6 à 15 ans (TEB, 2010). Ce taux de scolarisation est

plus élevé que dans les autres pays d’Afrique subsaharienne64

. L’école primaire que nous

évoquons est composée de cinq niveaux (1ère, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème

année). Bien qu’en

général les infrastructures éducatives soient souvent vétustes et insuffisantes tant dans les

villes que dans les villages, il existe une volonté gouvernementale à favoriser la scolarisation

de tous les enfants gabonais. «En 2000, le taux de scolarisation des enfants de 6-15 ans était

de 93,5 %. La situation est quasiment identique entre milieux urbain (93,6 %) et rural

(93,2 %), entre garçons (94,2 %) et filles (92,8 %) »65

. L’école constitue de ce fait un des

atouts considérables dans les villages dans la mesure où elle permet de maintenir les enfants

au village. De plus, elle participe à l’augmentation de la population villageoise et à l’équilibre

du village. En d’autres termes, l’absence de l’école dans un village a pour conséquence le

départ des enfants en âge d’être scolarisés. Ainsi, les villages dépourvus d’une école n’ont

presque pas d’enfants.

L’école de Nzé Vatican a six enseignants dont deux pour le pré-primaire et quatre pour le

primaire. Il y a trois classes physiques reparties en six classes pédagogiques (allant de la

première à la cinquième année). Les enseignants travaillent dans un système de mi-temps.

Durant l’année scolaire 2010-2011, 175 élèves étaient inscrits à la fin du premier trimestre.

Mais à la fin du deuxième trimestre il n’en restait plus que 166, dont 26 au pré-primaire. Lors

des examens les élèves de cinquième année vont à 18 km du village de Nzé Vatican, au centre

de Batouala. Ils y vont à pieds, accompagnés de leurs enseignants, faute de moyen de

transport. L’école de ce village connaît quelques difficultés : manque de tables-bancs,

d’armoires pour conserver les manuels, de bureaux pour les enseignants. De plus, le budget

64

http://www.gabsoli.org/gabon/gabonbref.html 65

http://www.ga.undp.org/publications/Rapport_national_sur_les_OMD.pdf

Page 194: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

193

que reçoit l’école est insignifiant. Cependant lors de notre passage, le directeur de l’école

témoignait qu’il était satisfait de la dotation des manuels scolaires de la première à la

cinquième année.

Les élèves forment donc le dynamisme de la population de ce village. L’effectif des élèves de

Nzé Vatican est considérable par rapport à ceux des villages de Makoghé et de Mikongo qui

avaient respectivement onze et trois élèves durant l’année scolaire 2010-2011. L’insuffisance

des élèves dans ces villages peut s’expliquer par l’exode rural que nous verrons dans le

chapitre suivant qui est très prononcé dans ces zones. Bien que les écoles villageoises soient

un atout, elles peuvent néanmoins rencontrer des limites. À La Scierie où le nombre des

élèves est aussi important (60), l’école possède trois salles physiques pour cinq classes

pédagogiques allant de la première à la cinquième année. Il y a également trois enseignants

dont le directeur. Mais les élèves de cinquième année font leur examen au centre de Batouala

et chacun se débrouille pour s’y rendre, tout comme les élèves de cinquième année de Nzé

Vatican. Lors de notre passage, le directeur de l’école de La Scierie se plaignait du manque de

structures dans l’établissement. En effet, il n’y pas de logements sécurisés. Les logements

existants sont très vieux et abritent des reptiles tels que des serpents. L’école n’a pas

également de matériels didactiques, de manuels et de pré primaire. Aussi, un besoin de salles

de classes se pose-t-il. Comme autre insuffisance mentionnée par le directeur, figure le fait

que certains parents ne sont pas toujours conscients des études de leurs enfants. Par

conséquent ils les emmènent en brousse et leur font rater les évaluations.

Quant à l’école de Makoghé, elle a été fermée pendant deux ans parce que l’ancien enseignant

était malade. Cependant l’école a rouvert ses portes en 2010. L’enseignant qui est aussi

directeur donne les cours de la première à la cinquième année. Il y a trois salles de classes et

un bureau pour le directeur. D’après l’enseignant-directeur, l’année scolaire 2010-2011 est

une remise à niveau sauf pour la cinquième année dont il faut respecter le programme à cause

de l’examen. L’école a onze élèves. Comme difficultés soulignées par le directeur, figurent le

fait qu’il n’y a pas d’autres enseignants. Le fait aussi qu’il va prendre son salaire ailleurs fait

que ses élèves restent touts seuls durant le temps de son absence. Il n’a pas de domicile, mais

habite chez un parent d’élève parce que sa maison se trouve dans un mauvais état.

L’enseignant-directeur fait part de toutes ces difficultés à l’INP de Booué. Toutefois, c’est le

WCS qui apporte son aide dans la réfection des maisons des enseignants et des écoles.

Page 195: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

194

À Ramba aussi il y a une école primaire qui va de la première à la cinquième année. Durant

l’année scolaire 2010-2011, l’école avait un effectif de 33 élèves. Nous avons remarqué que

les filles sont moins scolarisées que les garçons parce que nombre d’entre elles continuent

encore d’entreprendre quotidiennement des tâches à la maison et au champ plutôt que d’aller

à l’école. L’enseignant qui est également le directeur nous a fait part de ses nombreuses

difficultés. Parmi elles figure le fait qu’il n’y a pas assez de salles de classes. Tous les élèves

de la première à la cinquième année sont dans une même salle avec deux tableaux. Il n’y a pas

assez de tables-bancs. Il y a aussi un manque d’outils : règles de tableaux, compas, etc. Et

même des livres didactiques sont absents.

Une autre difficulté est le fait que les parents ne sont pas toujours conscients de l’utilité de

l’école. C’est pourquoi le directeur a dû les sensibiliser là-dessus. Le directeur de l’école nous

a confié qu’il est difficile d’enseigner dans cette école avec toutes les difficultés qu’il

rencontre, mais comme il a 28 ans de service il arrive tout de même à travailler. Cependant,

un nouvel enseignant aura eu du mal à s’en sortir. Le tableau ci-après montre l'avantage

démographique d'une école dans un village.

Tableau 9 : Estimation de la population des villages en rapport avec le nombre d’élèves

Villages Population du

RGPH en 2003

Population

estimée en 2011

Nombre d’élèves

Ayem 336 40* **

Ebe-Messe 108 62 0

Kazamabika 192 58* **

La Scierie 138 103 60

Makoghé 174 19 11

Melane 30 13 0

Mikongo 276 112* 3

Nzé Vatican 354 230 175

*Sans enfants

**Aucune information

En général la population d’un village est composée à près de 60 % par les élèves. A Nzé

Vatican le nombre d’élève contribue à plus de 75 % à la population du village. Dans d’autres

Page 196: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

195

cas comme à Makoghé, le nombre d’élèves est supérieur au nombre d’adultes. Mais à

Mikongo, le nombre d’élèves est largement inférieur au nombre d’adultes.

La présence d’une école primaire dans un village montre que le village connaît un

développement parce que désormais les déplacements des enfants en âges d’être scolarisés

sont limités. Mais, on remarque qu’au Gabon en général l’échec à l’école primaire demeure

très important. Dans une étude faite par Matari (2011) sur L’échec scolaire dans le primaire

au Gabon vu par les instituteurs en milieu urbain plusieurs raisons sont données pour

l’expliquer. Parmi elles, figure le fait que « les analyses ont montré qu’une proportion

importante d’élèves et d’enseignants travaillent dans des conditions matérielles difficiles,

marquées essentiellement par les effectifs pléthoriques conduisant au système à mi-temps ou

de classes multigrade, l’insuffisance de matériels et équipements pédagogiques, de manuels

pour élève et de manuels et guides pour enseignant et l’insuffisance de structures d’accueil

(Rapport PASEC Gabon, 2008, p.5) » (Matari, 2011 :43).

Les analyses issues de l’étude présentent l’Etat comme premier responsable de l’échec

scolaire au Gabon, suivi des parents qui n’assument pas leurs responsabilités en suivant leurs

enfants, enfin la compétence des enseignants remis en cause et les capacités intellectuelles des

élèves avec la suppression du châtiment à travers la chicote viennent en dernière position. Les

causes de l’échec scolaire mentionnées sont identiques dans le monde rural gabonais. L’échec

scolaire se manifeste par le redoublement ou l’abandon des élèves. Ainsi, « les taux de

redoublement sont élevés au Gabon avec des abandons très marqués en fin de CP1. De 1999

à 2010 les taux de redoublement au CEPE sont passés de 36,1 % à 42,60 % soit une

augmentation, et ceux du concours d’entrée en 6ème

sont passés de 68,7 % à 47 % soit une

baisse (Direction de l’Office des Examens et Concours, 2010) » (Ibid.: 45). La réussite à

l’école reste un véritable défi tant pour les villages que pour les villes.

2.1.2. Le dispensaire

Avoir un dispensaire dans un village fait partie des demandes que font les villageois à

l’endroit de leurs élus locaux. En dehors de la médecine traditionnelle à laquelle ils ont

souvent recours, les villageois souhaiteraient aussi bénéficier des avancées de la médecine

moderne par la présence d’un dispensaire. De plus, vu que plusieurs villageois sont très

éloignés des centres médicaux et que le réseau routier est en mauvais état, il est nécessaire

pour un village d’être doté d’un dispensaire. Cela est également une marque de

Page 197: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

196

développement pour un village. En 1992, il n’y avait que cinquante agents de santé de villages

dans tout le Gabon. De plus, en 1996, l’État a doté chaque regroupement de villages d’une

école et d’un centre de santé (Doumba, 2002).

L’un des objectifs des regroupements des villages était de permettre aux villageois de

bénéficier des soins médicaux par l’implantation des structures sanitaires telles que les

dispensaires. Mais certains villages à défaut d’avoir un dispensaire ont une case de santé

villageoise. « Les cases de santé villageoises (CSV) sont mises en place par les populations

au niveau du village et tenues par un agent de santé villageois (ASV) dont la formation est

assurée par l’équipe du centre médical du département. Ces structures n’appartenant pas à la

hiérarchie nationale des districts sanitaires financés par l’Etat n’ont pas de ligne budgétaire

de fonctionnement car désormais, l’unité de base est le dispensaire tenu par un agent de

santé, qui rayonne sur plusieurs villages constituant le district » (Gasquet, 2011 :124). En

milieu rural on parle de centre médical pour désigner la structure sanitaire intermédiaire entre

l’hôpital public et le dispensaire, contrairement au centre de santé en milieu urbain. Mais les

structures sanitaires gabonaises connaissent en général des difficultés qui limitent leur bon

fonctionnement. Ainsi, « sur les 399 dispensaires et CSV gabonais, seuls 285 sont

fonctionnels en 2003 » (Idem). Ce sont surtout les structures sanitaires présentes en milieu

rural qui sont souvent non fonctionnelles.

Le dispensaire de Nzé Vatican a une infirmière diplômée, travaillant toute seule. Il est

toutefois dépourvu de médicaments. Il y a certes du matériel soignant pour les premiers soins,

mais la pénurie de médicaments limite l’efficacité de ce dispensaire. Ainsi, les villageois n’y

vont que lorsqu’ils sont sommairement malades afin de bénéficier de quelques petits soins

singulièrement, quand ils ne peuvent aller à Makokou. Mais lorsque la maladie est grave, le

dispensaire du village est dans l’incapacité d’intervenir efficacement. Cela est à l’origine du

nombre élevé de décès en milieu rural en général (on pourra l’observer dans les pyramides des

âges que nous présentons dans le chapitre suivant). Les habitants de Nzé Vatican souhaitent

alors que leur dispensaire soit muni de nombreux médicaments, qu’un autre infirmier soit

affecté dans ce dispensaire et que ces derniers soient logés.

Dans d’autres cas, le dispensaire peut être remplacé par la case de soins. Le but est de

permettre aux villageois de se faire soigner. Ebe n’a pas de dispensaire mais une case de soins

primaires avec un infirmier formé. Cette case a des médicaments pour les premiers soins. Les

injections et perfusions y sont interdites. On y trouve cependant des comprimés et des sirops

Page 198: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

197

pour les enfants. Quand il n’y a plus de médicaments, l’infirmier fait un bon qu’il adresse au

DRS (Directeur Régional de Santé) qui enverra par la suite des médicaments. La case de soins

d’Ebe est aussi bien pour les habitants d’Ebe que pour ceux de Messe.

Les villages qui n’ont ni dispensaire ni case de soins connaissent d’énormes difficultés pour

se faire soigner. Les villageois de La Scierie, Melane, Ayem ne disposant ni de dispensaire ni

de case de soins sont obligés de se rendre dans les structures médicales les plus proches avec

le risque de ne jamais y arriver à temps, parce que les distances sont parfois très longues, les

routes sont mauvaises et l’accès au transport très difficile. Pour résoudre le problème à leur

niveau, les habitants de Makoghé disposent d’une petite pharmacie de quelques médicaments

de secours. Cette dernière a été ravitaillée par la Première Dame lors de son passage dans le

village. Ces médicaments aident les ruraux en cas de petites maladies (maux de tête et fièvre).

Parfois certains touristes leur apportent aussi quelques médicaments.

Et d’autres villages comme Mikongo peuvent bénéficier de leur proximité avec certains lieux

d’études. Les villageois de Mikongo possèdent un dispensaire qui n’est pas opérationnel en

tant que tel. Il y a manque de médicaments. Toutefois, avant il était approvisionné par

ECOFAC, grâce au travail sur les gorilles. Les villageois demandaient aux responsables

d’ECOFAC de leur donner des médicaments parce qu’ils utilisaient leur forêt. Jusqu’à un

moment donné le dispensaire bénéficiait de l’aide d’ECOFAC. Mais aujourd’hui, il n’y a que

quelques comprimés que l’administration a envoyés. Ce n’est pas tous les jours que le

dispensaire est ouvert. Quand les villageois sont malades ils y vont et quelques comprimés

leur sont donnés, mais lorsqu’ils sont très malades, ils vont à l’hôpital de la Lopé qui est situé

à 43 kilomètres du village.

2.1.3. Le groupe électrogène

Au Gabon, les coupures d’électricité sont récurrentes. C’est la Société d’énergie et d’eau du

Gabon (SEEG) qui assure la distribution d’eau et d’électricité. Face à la montée croissante de

la demande en eau et en électricité, la SEEG ne parvient pas à satisfaire ses clients. Pour cette

raison, quelques projets pour résoudre les problèmes de coupures de courant par la création

des barrages sont lancés. Ces projets visent non seulement à augmenter la production en

électricité des villes, mais aussi l’électrification rurale.

Page 199: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

198

En 2000, 30 % des villageois utilisait l’électricité (Doumba, 2002). Plusieurs villages sont

éclairés grâce aux groupes électrogènes achetés par les villageois ou par les élus locaux, ce

qui nécessite des ravitaillements en carburant et des contrôles permanents. Par ailleurs,

d’autres villages s’éclairent grâce à l’énergie solaire. Cependant, beaucoup de villageois

s’éclairent encore à la lampe tempête. Et, parfois l’éclairage avec un groupe électrogène n’est

que passager au point que la plupart du temps c’est la lampe tempête qui éclaire le villageois

le plus pauvre. Les villageois nantis parviennent à s’acheter un groupe électrogène familial ou

collectif avec quelques autres villageois aisés. Afin que tous les villageois aient accès à

l’électricité gratuitement, plusieurs acteurs (association, privé, politique, gouvernement)

mettent en place l’énergie solaire. Plusieurs villages en bénéficient déjà. Mais il n’y a pas

d’énergie solaire dans les villages étudiés.

L’éclairage à travers un groupe électrogène entre dans les éléments montrant la marque de

développement d’un village. Ce sont par contre les groupes électrogènes qui éclairent certains

d’entre eux. Par exemple, les villageois d’Ebe disposent d’un groupe électrogène qui est un

don de leur député. Les habitants du village font des cotisations pour acheter le carburant. La

somme des contributions va de 3 000 FCFA pour ceux qui n’ont aucun branchement, à 5 000

FCFA pour ceux qui en ont. Mais lorsque le carburant finit et que les villageois ne

parviennent plus à cotiser, deux habitants du village qui disposent d’un poste téléviseur

achètent eux-mêmes le carburant pour suivre le journal, et tout le village en bénéficie. Il y a

un groupe électrogène à Ramba. Cependant le jour où nous étions dans le village, il n’y avait

pas d’électricité. Lorsqu’il n’y a pas de carburant ou que les membres du village refusent ou

ne parviennent pas à acheter le carburant le groupe ne peut fonctionner

De même, le village Kazamabika est éclairé la nuit par les groupes électrogènes. Avant il y

avait trois groupes électrogènes donnés par les membres du gouvernement après doléances

mais un est en panne. Ces groupes fonctionnent de 18 à 23h. Chaque famille doit donner un

bidon de gasoil après deux jours, ainsi est faite la rotation. La journée il n’y a pas d’électricité.

À Nzé Vatican la grande partie des villageois sont éclairés à la lampe tempête. Cinq chefs de

familles possèdent par contre leurs groupes électrogènes qu’ils donnent à quelques personnes

s’ils le veulent, surtout s’ils sont capables de les aider à payer le carburant. Cet état met ainsi

l’ensemble du village dans une grande obscurité pendant la nuit, de telle sorte qu’il n’est pas

toujours facile de se déplacer dès que disparaît le jour.

Page 200: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

199

De plus, le village d’Ayem quant à lui profite bien de sa proximité avec la SETRAG pour

s’éclairer. Parce qu’il n’y a pas de groupe électrogène villageois, les ruraux utilisent

l’électricité de SETRAG. Presque tout le monde a l’électricité et chacun paie auprès de la

SETRAG la somme de 15 250 FCFA par mois. Quelque soit le nombre d’appareil tous paient

la même somme. Dans les villes, la SEEG fixe le prix normal d’un abonnement électrique

d’un client en fonction de la consommation individuelle due aux appareils. Par conséquent

plus, le consommateur possède d’appareils, plus il est taxé. Cependant, dans le cas des

villageois d’Ayem la somme demandée quelque soit la consommation peut être un avantage

pour un villageois qui possède plusieurs appareils, mais pour celui qui n’a que des ampoules

pour s’éclairer cela devient problématique. 15 250 FCFA pour s’éclairer est une somme

exorbitante pour les villageois dont les conditions de vie sont souvent difficiles.

En dehors des élus locaux, les sociétés forestières ont également permis à quelques villageois

à avoir de l’électricité grâce aux dons. À Mikongo il y avait un groupe électrogène acheté par

un exploitant de la société forestière Comesfo qui avait exploité la forêt se trouvant aux

proximités du village. Mais ce groupe a cessé de fonctionner il y a plus d’un an faute de

carburant. Les gens du village ne se mettent pas d’accord pour faire des cotisations afin

d’acheter le carburant. La population de Mikongo se plaint des conditions de vie qui sont

archaïques. Dans le même sens, les villages tels que Makoghé, Messe ou Mikongo qui n’ont

plus d’électricité parce que leurs groupes électrogènes connaissent un disfonctionnement ou

n’ont pas de carburant vivent mal le fait d’utiliser les lampes. C’est pour cette raison qu’ils

n’hésitent pas à faire mention de ce problème lors des élections à leurs candidats respectifs.

2.1.4. La pompe hydraulique

L’accès à l’eau potable constitue pour le gouvernement gabonais l’un des éléments pris en

compte dans la politique de développement et d’aménagement territorial. En milieu rural,

l’accès à l’eau potable est rendu possible à travers l’installation de l’hydraulique villageoise.

Les ménages villageois s’alimentent essentiellement en eaux de surface, car elles sont la

source principale d’approvisionnement en eau. En effet, dans les villages, l’utilisation de l’eau

du robinet reste considérablement déficiente. À cet effet, « Les OMD définissent l’eau potable

comme l’eau se trouvant à moins de trente minutes du lieu d’habitation et provenant soit d’un

robinet individuel, soit d’un autre robinet (voisin, revendeur, public), soit d’un forage »66

. Ce

66

http://www.oecd.org/fr/pays/gabon/38582073.pdf.

Page 201: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

200

sont les villageois qui restent encore défavorisés à l’accès à l’eau potable par rapport aux

citadins. L’ensemble des villages étudiés présente cette observation. Lorsqu’il existe des

pompes hydrauliques villageoises, elles sont soit vétustes et ont besoin d’être restaurées, soit

connaissent un disfonctionnement dû à l’absence d’une pièce par exemple, et dans ce cas elles

ne sont plus usitées. Cela a une répercussion sur l’eau qui est souvent non potable.

« Néanmoins, l’accès à l’eau potable s’est quelque peu amélioré au cours des cinq dernières

années »67

dans le pays.

Le village de La Scierie est doté d’une pompe hydraulique à pédale qui ne favorise la montée

d’eau que le matin. Mais cette eau n’est pas de très bonne qualité à cause du dépôt de la lie. A

cause de l’affluence, quand l’eau tarit, les ruraux sont contraints d’aller à la source pour

s’approvisionner en eau. Les villageois d’Ayem par contre bien que ne disposant pas d’une

pompe villageoise ont accès à de l’eau potable grâce à la pompe de SETRAG. La présence de

la gare de SETRAG à Ayem donne au village quelques avantages, tels que le transport de

produits et marchandises d’Ayem vers les autres localités et de ces dernières vers Ayem. De

plus, les enfants du village bénéficient de l’école primaire de SETGRAG, parce que le village

n’en a pas.

Comme Messe, Ebe n’a pas de pompe. L’eau constitue en effet l’un de leur problème

récurrent. Pour trouver de l’eau, les villageois creusent des puits, parce qu’il n’y a pas de

cours d’eau. Selon le chef du canton de Beleme qui réside à Ebe, la raison qui explique

l’implantation de leurs parents à cet endroit malgré la difficulté d’eau est la fertilité de la terre

pour l’agriculture. De même, le village Nzé Vatican connaît des difficultés

d’approvisionnement en eau potable. Il existait auparavant deux pompes qui alimentaient le

village en eau, mais depuis 2005 leur panne a conduit les villageois à avoir recours à l’eau du

puits qui n’est pas forcément potable.

2.1.5. La boutique

Pour satisfaire les besoins en produits de consommation non produits sur place, les villageois

désirent avoir des points de vente des produits. C’est la boutique qui est souvent présente dans

les villages, tenus habituellement par des étrangers. Bien qu’étant limitée, la boutique permet

67

Idem.

Page 202: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

201

néanmoins aux villageois de se procurer des produits primordiaux qui leur sont indispensables

(pétrole, sucre, café, huile, sel, riz, lait, allumette, boîtes de conserve, etc.). Ainsi, cela les

évite d’effectuer plusieurs déplacements en ville, car le transport est difficile dans les villages.

Toutefois, la limitation des boutiques villageoises ou leur inexistence contraignent les

villageois qui le peuvent d’aller faire leurs courses au moins une fois par mois en ville. Dans

d’autres villages, l’absence d’une boutique peut susciter des détaillants encore plus limités.

Parfois on peut aussi retrouver en même temps boutique et détaillant.

Le plus souvent, les habitants du village d’Ayem font leurs courses à la Lopé lorsqu’il y a des

occasions pour y aller. Néanmoins, il y a trois boutiquiers originaires de l’Afrique de l’Ouest

dans le village. De même, à Nzé Vatican, il existe un boutiquier d’origine haoussa qui permet

aux ruraux de se ravitailler en quelques produits avant de se tourner vers la ville. D’autres

petits commerçants vendent aussi en détail certains produits dont ont souvent besoin les

villageois. En effet, les villageois voient ces commerces comme un moyen de les dépanner,

surtout quand ils ne peuvent pas se rendre en ville (Makokou). À part quelques détaillants

vendant certains produits, les habitants de La Scierie n’ont pas de boutique où

s’approvisionner. En cas de besoin, les villageois vont soit à Makokou lorsque c’est possible,

ou soit à Massaha, une localité proche du village.

Quand le transport est difficile et que la ville est très éloigné, il arrive qu’un autre village

relativement proche soit le lieu où peuvent s’approvisionner les villageois. C’est le cas pour

les habitants de Messe qui vont à pied à sept kilomètres s’acheter des provisions chez un

boutiquier du village d’Ebe.

2.2. Les difficultés rencontrées dans les villages

Les difficultés que rencontrent les ruraux des villages étudiés sont identiques à celles de

l’ensemble du monde rural gabonais (voir la première partie de notre travail). Ainsi, parmi les

difficultés rencontrées dans les villages figurent le problème de transport, le mauvais réseau

routier, la destruction des cultures et l’absence des activités non agricoles. L’exode rural se

présente ainsi non pas comme une difficulté mais comme l’une des causes et surtout la

conséquence des difficultés que rencontrent les villageois. L’exode rural touche actuellement

le monde rural gabonais, nous en parlerons dans le prochain chapitre. À travers quelques

exemples, nous montrons les difficultés des villageois.

Page 203: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

202

2.2.1. Le problème de transport et le mauvais réseau routier

Dans les villages comme dans les villes, le problème de transport est souvent lié à l’état du

réseau routier. L’ensemble des villages ogivins sont reliés à leurs centres urbains par des

routes souvent mal entretenues qui limitent considérablement le transport en saisons

pluvieuses. En grande saison sèche, lors des grandes vacances, les véhicules de transport sont

assez fréquents, mais l’un des inconvénients pour des routes non bitumées est l’excès de

poussière pouvant entraîner des maladies pulmonaires auxquelles sont exposés les voyageurs

et les villageois. Il existe des routes départementales, nationales, provinciales, des pistes et

même des routes non classées qui ont besoin d’être aménagées et entretenues. Car, les

éléments naturels (climat, forêt, orographie) ainsi que la mauvaise gestion des fonds affectés

aux routes favorisent un réseau routier non fiable.

Les acteurs économiques œuvrant dans le monde rural tels que les exploitants forestiers ont

été à l’origine de l’ouverture et de l’entretien de plusieurs voies rurales. Cependant, leur

départ pour de nouvelles zones a entraîné la dégradation de ces voies. Afin de pallier à cela, le

gouvernement s’est lancé dans un processus de construction et d’entretien des routes, parce

que la majorité de routes est en latérite et en terre. Le problème de transport est partout

ressenti de la même façon.

Par exemple, à Ayem, les villageois se plaignent du même problème. Comme ils n’ont pas de

dispensaire, quand ils sont malades, ils se rendent à la Lopé pour se faire soigner. L’accès à la

Lopé est difficile. Il est en effet rare de trouver un véhicule qui va à la Lopé. Les habitants de

Mikongo ont relaté la même chose mais ajoutant que le transport rend aussi difficile leur

besoin de se ravitailler. Chez le seul boutiquier ils ne peuvent avoir que du pétrole et des

boîtes de conserves, mais pas de surgelés. C’est pourquoi ils sont obligés de se rendre à la

Lopé. Pour y aller il faut 1000 FCFA, sans bagages. Cependant, les villageois ont souvent un

grand mal pour payer leur transport. Ils vendent leurs produits avec les routiers, mais ils ne

sont pas toujours achetés, faute de clients. C’est pour quoi ils sont contraints d’aller les vendre

au marché de la Lopé.

2.2.2. La destruction des cultures

Tous les villageois se plaignent du fait que leurs cultures sont détruites par les animaux

sauvages. Mais ce problème est très récurent dans les villages très proches des parcs

Page 204: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

203

nationaux, parce que la protection des animaux y est plus rigoureuse. Nous reviendrons sur ce

problème plus en détail dans la troisième partie.

Comme dans tous les villages, c’est l’agriculture qui est l’activité la plus pratiquée. Mais

depuis le début des années 2000, les villageois de Kazamabika se plaignent davantage de ne

plus rien manger à cause des animaux (éléphants) qui sont plus protégés. Ils se plaignent

également du fait que les agents du Parc ne font rien pour résoudre ce problème. Les animaux

viennent en effet jusque près des maisons pour dévaster les cultures. Autrefois les agents du

Parc venaient faire des constats mais maintenant ils ne font plus rien. « Nous, tout ce qu’on

veut c’est de retrouver nos modes de vie d’antan. Nous voulons un changement » déclare le

chef de village. Ainsi, les rapports avec le Parc sont tendus parce que les villages trouvent que

les agents du Parc ne les sollicitent pas. De plus, le Parc ne leur donne pas du travail comme

le faisaient les sociétés forestières.

Il y a de cela quelques années lorsque les animaux avaient détruits les champs, le Ministère

des Eaux et Forêts leur avait envoyé de l’argent pour les dédommager, mais cet argent a été

détourné à la Lopé d’après ce que nous a confié le chef de village. Ces derniers temps la vie

s’est davantage compliquée à Kazamabika comme dans les autres villages voisins. Quelques

années auparavant, les sociétés forestières venaient acheter les produits agricoles chez les

villageois et il n’y avait pas encore beaucoup d’animaux comme aujourd’hui et cela les aidait

beaucoup. Mais aujourd’hui les choses ont complètement changé. Les sociétés forestières ont

fermé et tout devient difficile. Les animaux ne laissent presque plus rien dans les champs.

C’est pour cette raison qu’il n’y a presque plus personne dans le village parce que les gens

vivent en brousse pour surveiller leurs champs contre les animaux sauvages. Le séjour des

villageois en brousse est temporaire, il est influencé par le calendrier cultural et par l’ampleur

de la dévastation des cultures.

De même, bien que les animaux sauvages mangent ce que plantent les villageois d’Ayem, ils

continuent tout de même à pratiquer l’agriculture dans le village. Ces animaux ne viennent

pas à l’époque du maïs ou de l’arachide. Ce qui permet aux agriculteurs de manger un temps

soit peu leurs produits durant cette période. Mais à partir du mois de Mars lorsque le manioc

commence à avoir quelques tubercules, les animaux commencent à dévaster les champs. Les

ruraux d’Ayem se plaignent des éléphants et des hérissons. Malgré toutes les dispositions

prises par les villageois pour protéger leurs cultures, les animaux sauvages parviennent

toujours à détruire ce qu’ils plantent. De telle sorte que les paysans affirment qu’ils n’ont plus

Page 205: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

204

rien à manger. Ainsi certains d’entre eux reçoivent même quelques seaux de pâte de manioc

envoyés par leurs enfants habitant d’autres contrées. Cette situation fâche les populations

d’Ayem et entraîne de vives tensions entre les villageois et les agents du Parc national de la

Lopé.

D’après l’entretien que nous avons eu avec le chef de village de Mikongo, éléphants, gorilles

et mandrills constituent leur menace quotidienne. Chaque fois, ces animaux détruisent leurs

plantations. Ils se plaignent de cela auprès du conservateur mais rien n’est fait. Les villageois

sont impuissants face à ce problème. Il n’y a vraiment pas de contact entre les gens du Parc

national de la Lopé et les villageois. Sauf lorsque le nouveau conservateur rejoignant son

poste d’affection a rencontré les responsables du village. De temps en temps, les responsables

du Parc conseillent la population de tuer une bête pour manger mais pas plus. En matière de

conservation les ruraux ne savent pas trop ce qui se passe. Il est vrai que les populations

villageoises font parfois beaucoup d’exagérations quand ils parlent de leurs cultures

dévastées. Néanmoins, le conflit Homme-faune est une réalité dans le monde rural gabonais

qui demande à être résolu, dans le but d’aboutir à une préservation environnementale

concertée. Nous en parlerons amplement dans la troisième partie.

2.2.3. L’absence des activités non agricoles

Il est nécessaire pour les villageois gabonais d’avoir des revenus complémentaires non

agricoles. En effet, l’agriculture étant très faible, les revenus agricoles le sont aussi et ne

peuvent à eux-seuls répondre aux besoins des villageois. La diversité des revenus villageois

est sans doute une voie de sortie vers le maintien des populations sur leurs territoires. C’est

également une des solutions aux conflits et crises rencontrés dans les milieux ruraux. À ce

sujet Bernier (1997 : 80) déclare que « les crises et les mutations récentes conduisent en effet

un grand nombre de paysans à rechercher des moyens de subsistance en dehors de

l’agriculture. Cette évolution concerne d’abord le secteur informel et se fonde par exemple

sur le développement ou la revivification de certaines formes d’artisanat ou encore sur le

commerce de détail. Le rôle des femmes est ici souvent déterminant ». Cela pourra avoir un

impact positif considérable sur l’économie familiale villageoise qui est de plus en plus faible

sans qu’on ne puisse réellement l’évaluer.

Certains villageois comme ceux de Mikongo à cause des difficultés qu’ils rencontrent

présentement ressassaient les avantages qu’ils avaient lorsque les sociétés forestières

Page 206: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

205

travaillaient près de chez eux, ou quand des activités en rapport avec la conservation se

faisaient dans leurs périphéries. Avant il y avait des sociétés forestières : NSG, le Roy Gabon.

Mais il y a quelques années que l’activité forestière est arrêtée (2000 notamment). Comme il

n’y a plus d’activités les jeunes sont obligés d’aller ailleurs pour chercher du travail. Mais les

vacances ils reviennent au village. De même, lorsqu’ECOFAC avait son projet dans la zone,

les villageois profitaient de ses véhicules pour se déplacer. ECOFAC venait surveiller les

gorilles dans le brousse de Mikongo. ECOFAC avait en effet un centre de conservation des

animaux à huit kilomètres du village. Toutefois, quand ECOFAC vint vers les villageois, il

promit plusieurs choses qui n’ont pas été réalisées. Le problème d’ECOFAC est très

complexe : non seulement il y a des promesses non tenues de part et d’autre, mais il y a aussi

eu détournement d’argent. C’est l’une des raisons qui justifie le fait que les villageois n’ont

plus confiance aux projets qui viennent se réaliser dans la périphérie de la Lopé. C’est ZSL

qui s’occupait de ce centre en créant un volet tourisme avec des guides. Mais lorsque ZSL a

arrêté de faire le tourisme, les guides ont décidé de continuer leurs activités en créant leur

association Mikongo vision. Cependant les membres de cette association ne sont pas issus du

village Mikongo; ils sont des autres contrées de la province.

D’une part, le tourisme peut stimuler le développement d’activités artisanales (vannerie,

teinturerie, poterie) et autres prestations traditionnelles pour les villages très proches des parcs

nationaux. D’autre part, la commercialisation des produits forestiers non ligneux, la

fabrication artisanale des produits des terroirs peuvent être bénéfiques aux villages moins

proches des parcs nationaux. Ces sources d’entrées financières issues de la pluriactivité

villageoise peuvent être appréciables pour des ruraux qui ne parviennent pas à tirer profit du

travail de la terre.

Les difficultés que rencontrent les villageois suscitent la recherche des solutions dans le but

d’améliorer leurs conditions de vie. C’est dans cette optique que les associations villageoises

naissent. Elles ne sont pas la seule solution possible, mais c’est une option parmi tant d’autres.

Elles peuvent être un des remèdes aux crises et mutations des villages gabonais. Il est vrai que

les associations sont un moyen de s’assurer que le projet est une volonté communautaire, mais

cela nécessite un fonctionnement qui convient mal, parce qu’il est assez formel et ne coïncide

pas toujours avec les hiérarchies traditionnelles. Dans plusieurs pays africains tels que le Mali,

le Cameroun, le Niger, les solidarités sociales ont permis à plusieurs ruraux de résoudre leurs

problèmes. « Fondées sur un recrutement et un fonctionnement locaux, ces associations

Page 207: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

206

reposent sur des regroupements de femmes et d’hommes désireux de mettre en commun leurs

forces et leurs potentiels techniques, économiques ou bien encore un réseau de relation »

(Bernier, op. cit. : 88). Mais cette expérience toute nouvelle dans le monde rural gabonais a du

mal à se développer. Confrontés à plusieurs obstacles que nous énumérerons, les associations

des villages étudiés ont encore du chemin à parcourir pour que les adhérents en voient la

nécessité.

Il s’agit des associations touristiques pour certains et pour d’autres des associations agricoles.

Il y a une association touristique dans le village de Makoghé appelée Mogheso. Elle fut crée le

05 Avril 2005. A présent il y a 53 adhérents mais avant il y en avait 86 d’après ce que nous a

dit le responsable de l’association qui est également le chef de village. Certains membres de

cette association habitent bien attendu hors de Makoghé. Cet effectif diminue chaque fois que

les adhérents refusent de cotiser. Le montant des cotisations s’élève à 1000 FCFA par mois.

L’association offre plusieurs activités pour maintenir son fonctionnement. Ainsi, lorsque les

touristes viennent à Makoghé, les villageois présentent des danses traditionnelles dont le coût

de la prestation est de 50 000 FCFA / touriste. Mais quand il y a plusieurs touristes quelque

soit leur nombre ils donnent 100 000 FCFA et 15 000 FCFA reviennent à l’association. Pas

plus de 2 heures de prestation, le reste de l’argent revient à ceux qui ont dansé.

C’est avec l’aide du Parc que les associations se sont formées autour de la Lopé. Afin de

mieux assurer le bon fonctionnement de ces associations, une fédération s’est constituée dont

le président est le chef de village de Makoghé. L’association Mogheso du village Makoghé a

comme produits à présenter aux touristes : l’excursion à pied, l’excursion en pirogue, pêche

artisanale en pirogue, cuisine locale. Théoriquement cette association est bien structurée, elle

possède même un règlement intérieur. Mais dans le fond, il existe des problèmes qui nuisent

au bon fonctionnement de l’association. Parce que le chef de l’association est également le

chef de village, il a tendance à imposer ses décisions d’après ce que nous ont confié quelques

habitants du village que nous avons rencontrés, par exemple, la construction des bungalows

pour accueillir les touristes situés derrière son domicile, pas sur un autre site. Cependant

d’après le chef cette décision a été prise à l’unanimité avec les membres de l’association. Ci-

dessous quelques clichés des bungalows de l’association.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

207

Planche 3 : Quelques bungalows de l’association Mogheso de Makoghé

Situés sur un site où savane et bosquets forestiers sont présents, ces quelques petites cases possèdent le strict

minimum : lit, douche et petit coin pour séjour. Cependant les sanitaires sont communs et se trouvent à

l’extérieur.

Le responsable a sollicité les prestations d’une autre association touristique plus avancée

appelée Mikongo Vision pour amener les touristes dans son village. Cependant il y a un

problème de logistique. Il est en effet difficile d’aller chercher les touristes qui viennent faute

de véhicules. C’est pourquoi le chef aurait voulu qu’une structure hôtelière possédant des

voitures comme Lopé Hôtel véhicule contre rémunération les touristes. Ce projet a été financé

par l’Agence française de développement. Aujourd’hui, le chef cherche d’autres financements

pour notamment s’acheter un véhicule. L’association Mogheso a également comme objectif

de faire une plantation communautaire, puis avoir une pharmacie. Toutefois, il y a des

obstacles qui limitent l’évolution des activités de l’association. Déjà le fait que les quelques

membres du village ne se reconnaissent pas dans cette association disant qu’elle appartient au

chef et à sa famille. Il y aura donc une difficulté à solliciter les membres du village pour

présenter des danses traditionnelles ou autres prestations. De plus, il y a un manque

d’expérience. Cela est valable pour l’ensemble des associations des villages. Toutes désirent

être épaulées par le Parc, alors que cela ne fait partie des obligations du Parc. En fait il n’y a

pas de texte qui stipule cela.

Ayem par contre avait deux associations : ASFRA et Ufac. Ces deux associations concernaient

l’agriculture. L’association ASFRA (Association des Femmes Rurales d’Ayem) en effet est

celle dans laquelle se pratiquait le maraîchage. Elle fut crée en 2005 grâce à une idée des gens

du village. Les membres de cette association reçurent du matériel pour l’agriculture et la

pêche. L’activité agricole a bien commencé jusqu’à ce que se pose le problème de vente de

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

208

produits. En effet, lorsque les produits agricoles furent arrivés à maturité, il n’y avait pas de

démarcheur, c’est-à-dire quelqu’un qui irait vendre les produits par exemple dans les

supermarchés des villes. Face à cette difficulté, l’activité n’a pas connu de succès. Les

agriculteurs se sont alors découragés parce qu’ils ne gagnaient rien et tout fut arrêté. La

deuxième association est celle appelé Ufac, crée aussi en 2005. Cette association a mis en

place une plantation de manioc et de banane. À Ufac, il y avait également beaucoup

d’hommes et de femmes. Ces derniers ont reçu beaucoup de matériel de l’ex Ministre

Georgette Coco pour leurs activités. Hormis l’agriculture, il y avait du matériel pour faire de

la pêche (hors-bord), des machines à coudre pour la couture (destinées uniquement aux

femmes). Suite à un problème d’organisation, les activités de l’association n’ont pas connu un

succès. Tout est arrêté aujourd’hui.

Les problèmes d’organisation dans les associations villageoises sont généralement liés au fait

que d’une part les villageois ont beaucoup de lacunes dans la mise en place des projets et

objectifs à atteindre, faute d’expérience ou de compétence. D’autre part, lorsque des projets

parviennent tout de même à être définis, l’esprit associatif n’y est pas. De même le

découragement gagne souvent très vite le plus grande nombre d’adhérents qui ne voient pas

de suite des résultats escomptés.

D’autres villages qui n’ont pas encore d’associations souhaiteraient en avoir, même s’ils

ignorent les difficultés auxquelles ils seront confrontés. Kazamabika n’a pas encore

d’association. Mais les villageois désirent bientôt créer une association au nom de Waoukwa

ce qui signifie « réveillez-vous on part ». Parce que selon les villageois de Kazamabika ils

sont en retard par rapport aux autres associations, il faudrait donc qu’ils fassent comme les

autres. Ils ont l’ambition de faire une association parce qu’il y a beaucoup de sites touristiques

dans le village : grotte à pitons, lac à crocodiles, grotte à porcs-épics, salines où viennent se

nourrir les éléphants, etc. Les villageois pensent que cela pourra attirer les touristes parce

qu’ils sont les seuls à posséder ces choses. Il existe aussi un vieux caillou sur lequel leurs

ancêtres limaient les couteaux. Il y a certes beaucoup de choses à présenter aux touristes mais

les habitants de Kazamabika ignorent complètement tous les obstacles qui les attendent et tous

les défis qu’ils doivent relever pour que leur activité touristique soit fleurissante.

3. Lopé

La Lopé est aussi appelé Boléko.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

209

Planche 4 : Le marché et l’école de Boléko (la Lopé)

C’était le lieu de marché de Boléko (à gauche) et école (à droite). On y trouve également des épiceries, des

bars et restaurants, ainsi que d’autres activités commerciales. Cependant, actuellement un nouveau marché a

été construit pour les commerçants.

Boléko une petite ville de part les activités administratives et sociétés privées qui y sont

présentes. On y trouve en effet, une sous-préfecture, une brigade de gendarmerie et une

brigade des Eaux et Forêt. La présence du WCS, du CIRMF, de l’hôtel, de la gare et du parc

donne à Boléko une position que n’ont pas les autres villages qui entourent le parc. Elle est en

outre considérée comme une petite ville touristique à cause du parc. En effet, les habitants de

Boléko voient depuis plusieurs décennies arriver sur leur territoire de nombreux touristes

surtout étrangers. Ces particularités font que nous la présentons à part des villages. Est

présentée ci-après la composition de notre échantillon à la Lopé.

Tableau 10 : Chefs de famille interrogés à la Lopé par sexe et par tranches d’âges

Lieu Effectif H F 17-30 30-40 40-50 50-60 60-70 70 et +

Lopé 71 37 34 20 28 14 6 1 2

71 chefs de famille ont été interrogés à la Lopé. Ce découpage des tranches d’âges est dû au

fait que le plus jeune chef de famille a 17 ans. Tout comme chez les villageois, on observe un

nombre non négligeable de chefs de famille se situant entre 17 et 30 ans. Il est aussi remarqué

que très de peu de responsables de famille ont à partir de 60 ans. Rappelons de même que

beaucoup de personnes ont refusé de répondre à nos questions à cause de la multiplicité de

sollicitations dont elles ont été l’objet, sans qu’elles n’aient eu un bénéfice.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

210

La Lopé a une école primaire importante. 370 élèves du primaire et 82 élèves du pré-primaire

fréquentent l’école de la Lopé. L’école a dix enseignants, dont six au primaire, trois au pré-

primaire et le directeur. Il y a quatre salles de classes au primaire et une salle au pré-primaire.

C’est une école dont les niveaux vont de la maternelle à la cinquième année. Compte tenu de

la position de la ville par rapport aux localités voisines, l’école de la Lopé est un centre

d’examen qui accueille tous les élèves de cinquième année des autres villages. Lors des

examens les enseignants des écoles des autres localités viennent à la Lopé avec leurs élèves.

Dans ces circonstances ce sont le WCS ou le Parc qui donnent leurs véhicules pour le

transport.

Il y a un budget alloué à l’école mais il ne vient pas toujours à temps. Ainsi, le directeur fait

part des difficultés de l’école aux différentes personnalités qui sont à la Lopé qui les aident si

cela est possible. Il existe des rapports entre l’école et les responsables du Parc et les autres

privées. Par exemple, le bureau du directeur a été construit par l’association des parents

d’élèves et le Parc. Le Parc est un grand partenaire pour l’école. C’est le WCS qui dispense

l’éducation environnementale dans toutes les écoles situées à la périphérie du Parc. Ils ont un

programme qu’ils exécutent. Ce sont les cours de 1h à 2h en général. Les élèves aiment ce

cours. Ils viennent chaque semaine dispenser des cours de la première à la cinquième année.

Le WCS fait les cours d’éducation de l’environnement à l’école de la Lopé tous les mercredis

soir et vendredi matin. Pendant ce temps, les enseignants y assistent aussi.

Toutefois, il existe un enseignement sur l’éducation environnementale dans les programmes

éducatifs de l’école. Ce cours est dispensé par les enseignants de l’école qui s’inspirent d’un

manuel écrit par l’institut pédagogique national (IPN) sur l’environnement. En dehors du

manuel de l’IPN, le WCS a le projet d’élaborer un guide pédagogique sur l’éducation

environnementale. Pour établir ce projet, le WCS a sollicité l’apport des enseignants de la

Lopé, mais ces derniers lui ont demandé de se rapprocher de l’éducation nationale qui est

responsable de l’éducation pour la conception du dit manuel. Ce guide ne concernera pas

seulement les élèves de la Lopé, il sera mis sur le marché national.

Le directeur de l’école soulignait également le déplacement inopiné des animaux comme

présentant un risque pour les élèves et le corps enseignant. Une autre difficulté rencontrée est

l’insuffisance de salles de classes. Il y a en effet beaucoup d’élèves et peu de salles de classes,

c’est pourquoi il y a la mi-temps. De plus, l’absence de banque sur place amène les

enseignants à se déplacer régulièrement pour prendre leurs salaires dans les régions voisines

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

211

(Libreville surtout). Ainsi, le directeur s’arrange à donner des permissions d’absence par

vague de peur que les élèves ne restent touts seuls sans enseignants.

En 2003, Boléko comptait 1104 habitants d’après le RGPH. Cependant depuis 2000 la

population de Boléko est en baisse à cause de l’activité économique qui s’est davantage

dégradée, d'après les déclarations du Sous-Préfet. Les habitants de Boléko ont

progressivement quitté la ville parce que les conditions de vie devenaient de plus en plus

difficiles. En effet, le départ des sociétés forestières, les restrictions du parc, n’ont contribué

qu’à ralentir l’activité économique sans que cela soit compensé par une création équivalente

dans le secteur de la conservation ou de l’écotourisme.

On observe plusieurs activités commerciales qui se situent surtout au sud de l’enclave de

Lopé. Il s’agit du territoire situé dans le parc mais dans lequel vit la population de Boléko.

Beaucoup de commerces sont localisés à proximité de l’axe principal qui est la route

économique qui conduit dans l’Ogooué-Lolo et le Haut-Ogooué. Les commerçants profitent

ainsi du passage des routiers qui durant plusieurs heures de route s’arrêtent par là pour se

rafraîchir et manger quelque chose. Ils sont effectivement plus favorisés que les commerces

situés loin de cette route. Nous présentons de façon détaillée les différents commerces que

nous avons localisés à la Lopé.

3.1. Les commerces

Ils sont de tous genres.

a) Le marché

Le marché de la Lopé a une superficie de près de 200 m². C’est le lieu où sont principalement

vendus les produits agricoles (vivriers et maraîchers). Cependant les commerçants de ces

produits ne sont pas réguliers. Plusieurs hommes et femmes s’improvisent commerçants

lorsqu’ils ont des choses à vendre. Quelques-uns seulement le font fréquemment. Les

commerçants en majorité les femmes viennent surtout des villages environnant. Leur présence

au marché est fonction de la possibilité à trouver un véhicule pour s’y rendre, même quand

elles ont quelque-chose à vendre. Ces commerçantes se sentent limitées dans la vente de leurs

différents produits parce qu’il y a constamment le regard des agents du parc. Afin de ne pas

avoir des ennuis avec ces derniers elles sont tenues de vendre les produits qui ne favorisent

pas la polémique. Il s’agit de la vente des PFNL, collectés dans la forêt et dont certains

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

212

d’entre eux sont inscrits sur une liste de produits menacés d’extinction et qui doivent être

gérés durablement (annexe 2). En Avril 2011 notamment, quelques femmes qui vendaient le

Koumou (nom local) dont le nom scientifique est Gnetum ont été réprimandées par les agents

du Parc, qui leur ont demandé de ne plus le vendre parce que cela fait partie de ce que se

nourrissent des animaux qu’il faut préserver. Il en est de même pour les feuilles dans

lesquelles est mis le manioc pour en faire du manioc en bâton (dont le nom local est

Chikwague). Face à ces restrictions, les populations ont l’impression que les animaux sont

beaucoup plus privilégiés qu’elles, ce qui contribue à durcir le climat entre elles et les agents

du Parc.

b) Les bars (bar - restaurant ou bar - motel)

Ils vendent aussi bien la boisson des brasseries du Gabon que la boisson traditionnelle telle

que le vin de palme (Tutu, nom local le plus rependu) et le Musungu, vin de canne à sucre. Il y

a plusieurs bars qui sont aujourd’hui fermés, mais presque tous avaient soit un coin de

restauration au point qu’on voyait quasi partout l’inscription bar-restaurant, ou soit un coin

motel de sorte qu’on lise bar-motel. La forte présence des bars-restaurants ou bars-motels

montre bien qu’il fut un temps où il y a avait beaucoup de monde à la Lopé et par ricoché

beaucoup de clients. Cependant il n’y a plus que quelques bars qui continuent leurs activités

en dépit de la pénurie des clients. Les responsables ou gérants des bars nous ont fait savoir

que depuis que les sociétés forestiers ont fermé ou quitté Lopé, ils ne font plus de grosses

recettes parce qu’il n’y a plus assez de clients. Le manque d’activités est notamment la

principale explication à cette situation. Les bars augmentent également leurs recettes lorsque

viennent les touristes, particulièrement pendant les grandes vacances.

c) Les épiceries

Ce sont des commerces qui occupent une place importante à la Lopé parce qu’elles permettent

aux habitants de Boléko ou de la Lopé de s’approvisionner en produits non agricoles. Il est

vrai que ces épiceries n’ont pas tout, mais les habitants n’ont pas trop de choix également.

Cinq épiceries approvisionnent les habitants de la Lopé.

d) Les boutiques

On retrouve à la Lopé des boutiques dans lesquelles on vend des vêtements et accessoires, et

au moins une dans laquelle on vend des articles artisanaux. La boutique artisanale vend

quelques articles traditionnels que pourraient acheter les touristes en souvenir de la Lopé.

Page 214: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

213

e) Les détaillants

Les détaillants sont surtout les femmes qui vendent quelques produits agricoles ou voire

boissons à domicile. Elles vendent condiments et autres produits que peuvent solliciter la

cuisinière qui ne peut se rendre à l’épicerie ou au marché. Elles les vendent en détail pour

permettre à chaque client d’acheter selon ses moyens financiers. Toutefois, lorsque les

détaillants ne peuvent répondre à la demande exprimée par les clients, l’épicerie ou le marché

reste le seul lieu où ils peuvent s’approvisionner.

f) Les auberges

Ce sont des lieux qui offrent aux passagers (routiers et touristes) de l’hébergement dont les

prix varient en fonction du type de structure. Ainsi, à la Lopé comme structure

d’hébergement, on note un hôtel principal, des motels et des cases de passage.

L’hôtel principal

Lopé Hôtel est l’hôtel principal. Il est construit sur le site d’un ancien comptoir où se

vendaient et s’achetaient des esclaves (Angoué, 1999). Et, il y avait des villages à côté qui

favorisaient les échanges. Cet hôtel a une vue sur l’Ogooué. Suite aux problèmes

(électricité, eau) rencontrés à l’hôtel, le propriétaire a décidé de réfectionner

complètement la structure hôtelière. Pendant le temps de réfection, l’hôtel n’était pas en

fonction. Ainsi, avant la réfection, les prix des chambres variaient entre 40.000 à plus de

70.000 FCFA. Cette réfection achevée en fin 2011 a davantage favorisé l’élévation des

prix des chambres. En effet les prix actuels des chambres se situent entre 52 000 et 95 500

FCFA. Quant au petit déjeuner il varie entre 7 500 et 23 000 FCFA. Quelques images ci-

dessous illustrent Lopé hôtel.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

214

Planche 5 : Lopé hôtel

Un aperçu extérieur de l’hôtel (à gauche) et l’accueil de l’hôtel (à droite).

C’est un hôtel de luxe dans un milieu enclavé où quelques clients de prestige viennent

séjourner et même organiser des mariages ou des réunions (telle que le séminaire des

membres du gouvernement sur la bonne gouvernance en 2009). Il s’agit « Des bungalows en

bois, de différents standings et plein de charme, [permettant] à chacun de trouver une

solution adaptée à son budget » (Auzias et Labourdette, 2011 :187) – à condition bien

entendu de disposer d’un budget de base assez élevé. C’est en saisons sèches particulièrement

que l’hôtel principal et son annexe ont plus de clients parce que c’est durant cette période que

les agents du Parc brûlent la savane, ce qui permet aux touristes de voir plus facilement les

animaux.

L’accès à l’hôtel pour ceux qui n’ont pas de véhicule n’est pas aisé, d’autant que le train qui

dessert quotidiennement la Lopé arrive de nuit. Lorsque viennent les clients, ils contactent

l’hôtel pour qu’un véhicule vienne les chercher en gare. Quels que soient les horaires

auxquelles arrive le train, les clients ne peuvent aller directement eux-mêmes à l’hôtel parce

qu’il est très éloigné de la gare. Lopé hôtel travaille avec l’APN et les éco-gardes ou éco-

guides. C’est l’hôtel qui donne les véhicules pour permettre aux touristes de faire des

excursions. En effet, les touristes paient l’entrée du parc auprès du responsable du Parc, puis,

sont accompagnés par des éco-guides ou éco-gardes pour le Safari (cf. photo ci-après), la

marche à pied en forêt, ou aller au mont Brazza, etc. C’est ainsi que le Parc et l’hôtel se

partagent l’argent que donnent les clients qui vont visiter le parc. Quand on arrive à la Lopé,

on est tout de suite frappé par le luxe de cet hôtel en comparaison de la pauvreté de la localité.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

215

En effet, pour une petite localité dans laquelle les activités économique et touristique sont peu

florissantes, il est presque aberrant de voir un tel standing.

Planche 6 : Un safari à la Lopé

Un véhicule servant à faire du safari (à droite) et un troupeau de buffles observé à distance grâce au

véhicule utilisé.

Les Motels

La Lopé a deux motels que sont Mbeyi et Lopé lodge le chalet

Mbeyi Motel

Mbeyi Motel est l’annexe de Lopé hôtel. Il a été construit pour permettre aux clients qui ont

moins de finances que ceux de Lopé hôtel. Ce motel appartient au même propriétaire que

Lopé hôtel. Mbeyi n’a pas été réfectionné comme l’autre hôtel. Ce motel qui se trouve au

centre de la Lopé dispose de onze chambres dont neuf sont ventilées et coûtent 18 000 et deux

chambres climatisées coûtant 27 000 FCFA. Ces prix sont commodes pour tout touriste qui

n'a pas assez d'argent. Une restauration locale y est proposée aux clients.

Lopé Lodge le chalet

C’est un motel appartenant à un autre particulier qui offre aussi des petits prix. Le motel est

également isolé comme Lopé hôtel. Se trouvant du même côté des rails que ce dernier, c’est-

à-dire assez isolé, Lopé lodge le chalet se situe à plus de 2 kilomètres. Il se situe dans un

milieu naturel offrant des choix aux clients selon leur convenance, avec une vue vers le mont

Brazza. Ainsi, le motel donne aux clients la possibilité de camper sous des tentes (à raison de

7 000 FCFA la location), ou de prendre des chambres (dont les prix varient entre 15 000 et

20 000 FCFA. Il y a la possibilité de se restaurer dans le motel.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

216

Les cases de passage

Il existe deux cases de passages à la Lopé : la case de passage appelé Daki-Y-Ndeh et la case

de passage des Eaux et Forêts.

La case de passage Daki-Y-Ndeh «Chez papa Jules»

Elle est située au centre près des commerces (épiceries, bars, restaurants). Cette case de

passage présente des chambres sommaires au prix de 5 000 FCFA celles qui ont des

moustiquaires et 10 000 FCFA celles qui sont ventilées. Cependant les clients se partagent la

douche et les toilettes. Monsieur Jules, propriétaire de la case de passage Daki-Y-Ndeh

construit un nouveau bâtiment pour améliorer la structure qui offrirait des chambres

climatisées et d’autres chambres ventilées.

La case de passage des Eaux et Forêts

Cette case de passage existe depuis 1984. C’est la première structure hôtelière de la Lopé. La

structure a sept chambres, dont cinq petites chambres qui coûtaient 5 000 FCFA et les deux

grandes 10 000 FCFA. L’argent reçu après le passage des clients servait à répondre à certains

besoins (carburant, frais de réparation des voitures, etc.) des Eaux et Forêts en attendant que

la direction de Libreville envoie le budget. La case de passage des Eaux et Forêts ne propose

pas de restauration. Elle est constamment entretenue par deux femmes de ménages employées

respectivement pour s’occuper du parc et l’autre pour la brigade de faune.

3.2. Les services et autres activités

Comme nous l’avons vu ce sont les différents services privés ou administratifs qui donnent au

village Boléko un statut bien différent des autres villages environnants. Comme services

privés, nous avons la SETRAG, Mica services. La présence de la SETRAG à la Lopé est

d’une grande importance. Non seulement la gare de la Lopé est reconnue comme étant la gare

touristique, mais aussi la SETRAG a une cité logeant principalement ses agents, qui contribue

à donner à Boléko la physionomie de la ville. Quant à Mica services, cette société s’occupe de

l’électricité et de l’eau à la Lopé. Presque toutes les maisons68

sont éclairées et les

lampadaires alignés le long des axes principaux facilitent le déplacement nocturne surtout

68

Les sommes demandées aux familles pour la consommation de l’électricité sont en général abordables, malgré

le nombre d’appareils que peut avoir une maison. 15 000 FCFA est la somme payée par chaque famille.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

217

pour une zone où les animaux se déplacent constamment. La nuit étant leur moment favori, il

est demandé aux populations de limiter les déplacements tardifs. Outre les activités

commerciales, ces services ainsi que les activités forestières ont contribué jadis à faire le

rayonnement de la ville Lopé. Ainsi, nous nous attarderons particulièrement sur les sociétés

forestières qui d’après les témoignages que nous avons obtenus ont apporté un plus à la Lopé.

C’est pourquoi la cessation de ces activités a mis la ville dans un grand malaise. Nous ferons

également allusion au CIRMF de la Lopé.

a) Les sociétés forestières

A la Lopé, des sociétés forestières telles que Leroy Gabon, Rougier et NSG possédaient des

concessions forestières qui couvraient une grande partie de la superficie de la réserve. Leroy

Gabon et Rougier sont des sociétés d’exploitation forestière françaises. Par exemple, en 1990

Leroy Gabon devient propriétaire du lot 32 qui appartenait d’abord en 1983 à la Société

d’Okoumé de la Ngounié (SONG). Rougier quant à lui possédait le lot 31 dans la réserve de

la Lopé. Ils ont crée à la Lopé comme dans ses alentours des camps pour leurs employés

(c’est le cas du « parc à bois » à la Lopé représenté sur la photo qui suit).

Photo 1 : Le parc à bois de la Lopé

Ce parc se situe près de la gare ferroviaire de la Lopé et derrière le camp où

vivaient les travailleurs de la société forestière Le Roy Gabon. Ces grumes ont été

abandonnées par des sociétés forestières. Il n’est pas rare de trouver des grumes

brûlées et abandonnées sur les pistes forestières ou dans les camps forestiers.

Ces sociétés forestières ont permis à la population de la Lopé et celle des villages

environnants de travailler. Les sociétés forestières ont ainsi contribué à développer

l’économie de la localité non seulement à travers les salaires des travailleurs, mais aussi en

suscitant plusieurs petites activités commerciales. Cependant, l’arrêt des activités forestières

en 2000 à la Lopé, a conduit au dépérissement de l’économie, au chômage et au départ de

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

218

plusieurs personnes. Car, plusieurs travailleurs ont été licenciés, des commerces ont fermé

faute de clients et beaucoup sont partis de la ville lorsque les sociétés forestières ont quitté le

Parc. Il ne s’agit pas pour nous de regretter le départ des sociétés forestières à la Lopé qui ont

été à l’origine de beaucoup de pillages comme dans l’ensemble du pays et dont les

conséquences historiques sont très négatives par exemple sur la démographie gabonaise à

travers de nombreux décès (Londres, 1929). Mais il s’agit juste de montrer comment à

contrario le départ des sociétés forestières a pesé sur économie de la Lopé.

Le départ des sociétés forestières de la réserve de la Lopé est dû aux oppositions faites par les

défenseurs de la nature (ONG nationales telles que les amis de la nature et organisations

internationales à l’instar de l’UICN). L’exploitation forestière depuis plusieurs années dans

une aire protégée comme la Lopé révélait l’exploitation anarchique de la forêt et le non

respect de l’environnement. Mais cette situation vient du fait que « depuis sa création, son

statut a changé plusieurs fois, ce qui a conduit à une situation contradictoire dans laquelle

des licences d’exploitation sont valides dans une région où toute exploitation forestière est

interdite »69

. De plus, « l’incohérence et les chevauchements de la législation font que

l’exploitation forestière est légale selon une loi mais illégale selon l’autre. Ces contradictions

juridiques, source de tension entre diverses parties, ont été résolues en juillet 2000 quand les

sociétés forestières Leroy Gabon et Rougier ont renoncé à leurs droits d’exploitation dans le

noyau dur de la réserve de la Lopé. En échange Leroy Gabon a reçu une forêt riche en

Okoumé sur le flanc est, située en dehors de la réserve »70

. Ainsi, cette victoire des

protecteurs de la nature a pour impact le renoncement de 61 000 hectares71

du lot 32 par

Leroy Gabon. De même Rougier abandonne 18 000 hectares72

du lot 31, contre des échanges.

Cette situation a permis au gouvernement de revoir sa politique d’attribution des permis qui

désormais serait en adéquation avec la politique environnementale. L’arrêt des activités

forestières a défavorisé le rayonnement économique et social de la Lopé. D’après les

témoignages, il semblerait qu’il y a près d’une décennie déjà que l’ambiance n’est plus la

même à la Lopé. Il y avait beaucoup de monde qui y vivait et beaucoup de commerces

69

http://www.forestsmonitor.org/en/reports/549968/549994#Sonae 70

Idem. 71

http://www.ips.org/fr/environnement-gabon-les-forestiers-francais-quittent-la-reserve-de-la-lope-suite-a-une-

pression-des-ong/ 72

Idem.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

219

(cafétérias en grand nombre) qu’on pouvait rencontrer. Mais tout cela n’existe plus à cause de

l’ampleur du chômage dans la localité.

b) Le CIRMF

Le CIRMF (Centre International des Recherches Médicales de Franceville) a une station

d’études des gorilles et des chimpanzés (SEGC) à la Lopé. Cette station a été crée il y a 25

ans spécifiquement pour l’étude de ces animaux par une primatologue et un botaniste. Et

depuis la station a évolué et s’est orientée vers l’étude de l’écologie tropicale en général avec

la botanique, la génétique et toujours la primatologie. La station s’est récemment recentrée sur

la santé (une sorte d’observatoire de la santé). C’est toujours l’aspect écologie tropicale qui

intéresse la station par rapport aux dynamiques forestières, suivis des surveillances de la santé

des grands singes, des différentes recherches sur les virus ou les parasites qui peuvent être

portés par les animaux. Toutes les espèces sont des réservoirs de maladies pour les hommes.

C’est pourquoi sont étudiées les interactions hommes-faunes pour voir les transmissions

possibles des maladies.

Lorsqu’un projet est validé par CIRMF, la station constitue une structure d’accueil à tous les

chercheurs. Elle reçoit les différents chercheurs et leur donne la logistique pour leurs travaux.

Avec les autres structures ou services de la ville, la station du CIRMF entretient des bons

rapports. Avec le WCS par exemple la station a une longue histoire de collaboration parce que

les anciens directeurs faisaient partie du WCS. Ainsi, la station était quasiment gérée par le

WCS jusqu’en 2006 et après le CIRMF s’est plus ou moins réintéressé à la station et s’est

remis à la gestion. Une entente cordiale existe donc avec le WSC mais ce n’est pas une grande

collaboration. Bien que la station emploie très peu de personnes, soit six (une ménagère, un

chauffeur, deux gardiens, deux assistants de terrain), il participe tout de même à réduire le

chômage avec ses quelques employés.

3.3. Les activités touristiques

La Lopé est considérée comme une ville touristique. Cependant, comme les activités

économiques, les activités touristiques sont aussi au ralenti, ainsi nous ont confié les habitants

de la Lopé. Il existe maintenant un chargé du tourisme au sein du Parc. Mais, ce sont les

agences de voyages ou de tourisme notamment de la capitale qui font la promotion du

tourisme à la Lopé. Les touristes viennent à la Lopé, soit en voiture, soit en train, d’autres

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

220

touristes fortunés prennent l’hélicoptère. Dans beaucoup de cas, les touristes contactent eux-

mêmes les associations de tourisme qui sont sur place. Mais, beaucoup reste à faire pour que

le tourisme soit développé à la Lopé en particulier et dans les autres localités en général.

C’est pour développer l’activité touristique que plusieurs associations ont été crées. Pendant la

dernière phase d’ECOFAC, des associations ont vu le jour dans le but de permettre les

populations d’entreprendre des activités dont celles qui sont touristiques73

. Cependant,

plusieurs d’entre elles n’ont pas pu se maintenir par faute de compétence (surtout dans la

gestion). Ainsi, de 2005-2008, il y a eu près de onze associations qui ont été formées à la

Lopé et dans les villages voisins. Trois associations ont été subventionnées par le programme

CARPE, le RAPAC et même le fonds français de développement. Il s’agit d’ASFRA (village

d’Ayem), Ecoutour-Lopé (Lopé) et Moghéso (village de Makoghé). Par ailleurs, beaucoup

d’associations ne sont toujours pas légales parce que le processus de légalisation est long. En

dépit des lacunes observées dans le tourisme, deux exemples ont néanmoins retenu notre

attention.

a) Ecotour-Lopé

Ecotour-Lopé est une PME ayant un statut légal. Elle n’est pas une association. Cette PME est

composée de cinq personnes. Elle travaille avec le WCS (par exemple pour faire des

impressions en cas de besoin) et a signé un partenariat avec le Parc. Lorsqu’il y a des

touristes, la PME loue une voiture du parc pour les excursions en brousse. Comme objectifs,

Ecotour-Lopé souhaiterait construire des lodges qui respecteraient l’environnement, c’est-à-

dire des constructions faites à partir des éléments de la nature. La PME envisage également

former plus de monde dans le tourisme, parce qu’elle a un volet formation. Ce sont des éco-

guides contactés le plus souvent directement par les touristes qui sont conduits pour faire des

visites culturelles dans des villages, des visites dans des sites préhistoriques et historiques. La

majorité des touristes qui viennent sont d’origine anglo-saxonne, suivis de quelques français.

73

Ce n’est pas que pour l’activité touristique que les populations ont été encouragées à créer des associations.

Mais d’autres associations comme Mambia créée en 2006, bien que le tourisme faisait aussi partie de leurs

objectifs se sont également tournées vers l’agriculture et la pêche même si ces activités n’existent presque plus.

Les difficultés auxquelles sont fréquemment confrontées les associations telles que l’absence de logistique

(véhicule) font qu’ils pensent à diversifier leurs activités. Ils associent par exemple le plus souvent la pêche à

l’agriculture. Mais celles-ci sont aussi confrontées aux mêmes difficultés (manque de motivation des adhérents,

absence de compétence dans la gestion, etc.).

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

221

La PME a plusieurs formules pour vendre son produit aux touristes. Il y a par exemple la

formule forfait 1 jour qui coûte 50 000 FCFA comprenant toutes les charges (safari, entrée du

parc, location du véhicule, pique-nique, prestation, etc.). Il s’agit d’une excursion en forêt de

7h30 à 18h. Il y a aussi la formule forfait groupe de 6 personnes coûtant 290 000 FCFA.

Cependant, les nationaux et les partenaires de la PME ont un rabais afin de les encourager à

visiter le parc. Malgré les difficultés rencontrées par la PME (manque de logistique, entretien

des voies et pistes), elle envisage redynamiser le tourisme à la Lopé en restaurant le lodge de

Mikongo qui selon l’un des responsables d’Ecotour a été construit pour développer le

tourisme.

b) Mikongo vision

Mikongo vision est une association composée de quinze membres, mais actuellement il n’y a

que six qui travaillent de façon permanente. Ngonde tour, ittineris voyage sont les deux

agences avec lesquels travaille l’association Mikongo Vision. Cette association de jeunes

guides dont certains ont travaillé avec ZSL est très dynamique. Ils ont reçu l’autorisation du

Parc à utiliser le lodge de Mikongo dans lequel travaillait ZSL. En effet, ce lodge de huit

chambres dont quatre simples et quatre doubles, ne disposant plus de sanitaires permet aux

touristes de se loger. Mais lorsque le souhaitent les touristes ils peuvent rester dans des tentes

sous la surveillance des guides. Le tarif global par jour et par personne est de 107 000 FCFA

et comprend l’hébergement, le transport, l’entrée dans le parc, la restauration, les excursions

et les prestations. L’association travaille également avec certains villages (Makoghé, Mikongo

ou Ramba) qui organisent des danses traditionnelles sous la demande des touristes.

Tout comme Ecotour-Lopé, Mikongo vision louait aussi les véhicules du Parc, ce qui montre

qu’ils travaillent en partenariat et se partagent les bénéfices. Cependant en 2012, l’association

a acheté son véhicule, ce qui a entraîné le progrès de leur activité touriste. Avec cette voiture,

les guides de l’association peuvent dorénavant conduire eux-mêmes leurs touristes sur les

différents sites sans ne plus compter sur les véhicules du Parc comme autrefois. L’activité

touristique est plus importante à partir du mois de Mai, mais même en Mars déjà il y a des

touristes qui viennent. Sur le site du lodge les guides peuvent montrer aux touristes plusieurs

sortes d’animaux. En effet, «Cette partie du parc compte de nombreuses espèces comme le

picatarthe, les éléphants, les primates et des gorilles des plaines. Ils proposent des balades

pédestres en forêt avec accès à une cascade et des salines » (Auzias et Labourdette, op. cit. :

189). L’activité touristique de l’association rencontre quelques handicaps : Les agences

Page 223: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

222

touristiques font mal la vulgarisation des produits qu’offre l’association. Ce qu’elles

présentent aux touristes ne cadre pas toujours avec la réalité du terrain. Dans ce cas, il est

souhaitable que les touristes posent directement leurs questions aux guides s’ils veulent

obtenir des réponses concrètes. En effet, lorsque les touristes sont mal informés, il se crée des

incompréhensions entre eux et les guides. Cela n’est pas toujours facile à gérer. À cause de

cette situation, l’association souhaiterait créer son site web afin de vendre correctement ses

produits correspondant à la réalité. De plus, ces agences retirent beaucoup de la somme que

donnent les touristes alors qu’elles ne font que la publicité des activités de l’association.

Depuis 2010 que l’association a été crée, elle n’est pas encore légalisée. L’absence de

légalisation de l’association par le Ministère de l’intérieur limite beaucoup le développement

des activités de l’association. A cause de cette situation, l’association a du mal à obtenir des

financements. Or, si elle est légalisée elle sera en règle avec les autorités. Bien que la

légalisation tarde à arriver, l’association continue d’entreprendre ses activités. Cependant, il

est bien d’avoir une autre activité rémunératrice autre que le tourisme parce que les revenus

résultant des activités touristiques ne sont pas permanents. Vu que le tourisme n’est pas

encore bien développé il est difficile de ne vivre rien que des revenus du tourisme.

Conclusion du chapitre IV

Ce chapitre a permis dans un premier de temps de montrer comment les informations ont été

recueillies et les différents acteurs interrogés sur le terrain. De plus, la description de la zone

étudiée consistait à passer en revue les différents lieux retenus ainsi que les avantages, les

inconvénients et les limites de chacun d’eux. Ces avantages et difficultés montrent le

quotidien des villageois qu’ils souhaiteraient améliorer. De même, les habitants de petites

villes comme la Lopé connaissent eux aussi des difficultés. Avec le départ des sociétés

forestières, ils sont confrontés au problème de travail et par la suite ont du mal à répondre à

leurs besoins. La Lopé est comme les autres petites villes rurales qui bénéficient de quelques

administrations mais dont la plus grande partie de la population fait l’agriculture. Cependant,

à la Lopé l’agriculture est peu pratiquée à cause de la proximité avec le Parc national qui

favorise la dévastation des cultures par les animaux sauvages. Bien que rencontrant des

problèmes, les villages restent des milieux de vie pour plusieurs gabonais. Pour les raisons

que nous expliquerons dans le chapitre suivant, les villages gabonais continuent tout de même

à exister.

Page 224: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

223

Chapitre V : À quoi servent les villages

gabonais ?

Le monde rural gabonais évolue depuis plusieurs décennies dans de multiples contradictions

pouvant conduire à sa « disparition ». D’abord, l’agriculture supposée être l’activité principale

des villageois n’est pas importante et ne parvient pas de ce fait à répondre aux besoins

alimentaires du pays ; d’où le fait que le Gabon dépense en moyenne 250 milliards de FCFA

par an, soit 381,12 millions d’euros, pour l’importation des denrées alimentaires. La FAO

(2013) dit que dans la sous-région, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Congo dépendent

beaucoup des marchés internationaux, car ils importent de fortes quantités de céréales (blé, riz

et autres produits alimentaires), contrairement au Cameroun et à la RDC qui sont globalement

autosuffisants74

. Pour cela, le gouvernement vise à long terme une autosuffisance alimentaire

en réduisant chaque année 5 % des importations des produits de base (manioc, banane,

légumes, etc.). Pourtant, comme nous l’avons dit dans la première partie, la politique

économique axée principalement sur les activités extractives ne favorise pas l’essor de

l’agriculture et paralyse ainsi le monde rural gabonais. Le choix de concentrer la main-

d’œuvre dans les villes et de recourir aux importations pour assurer l’alimentation du pays a

été fait consciemment au moment de la décolonisation, quand le Gabon a décidé de vivre de

l’extraction du pétrole.

Or, cette politique s’est mise en place sur un tissu social rural déjà largement entamé par

l’exode rural. Or, si déjà en 1956, Robequain dans son étude intitulée Citadins et ruraux du

Gabon et du Moyen-Congo déplorait déjà le dépeuplement des villages gabonais, la situation

74

http://www.fao.org/africa/central/actualites/fpxali/fr/

Page 225: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

224

s’est davantage dégradée de nos jours. Dans son étude, Robequain déclarait que : « le

phénomène urbain ne saurait être compris sans l’étude des villages eux-mêmes. Ils se vident

de façon catastrophique, en particulier au Gabon. Au début de l’installation française, on

trouvait encore de gros villages Fang, comptant jusqu’à 700 ou 800 individus. Ils dépassent

rarement 100 aujourd’hui, malgré les essais administratifs de regroupement » (Robequain,

1956 : 306). Si la colonisation a favorisé le « déséquilibre tragique » des sociétés villageoises

gabonaises, ailleurs il n’en a pas été ainsi. Dans la même sous-région et dans la même

période, les Bakongo, eux par contre ont profité de la colonisation en développant leurs

activités commerciales pour en faire bénéficier leurs villages. À cet effet, « ils gardent des

attaches solides avec leur village et leur terroir, y pratiquent cultures vivrières et fruitières

pour le ravitaillement des citadins. Ils ne laissent pas fondre leurs communautés par une

émigration massive sur les chantiers ; ils restent en bonne santé démographique » (Ibid. :

307). Pour ce qui est du monde rural gabonais, la colonisation n’est pas le seul élément qui a

favorisé son déséquilibre démographique.

Dans le même sens Balandier (1950) montrait plus tôt par son étude sur les Fang que « la

société Fang apparaît déjà déséquilibrée par la traite à l’époque des voyages de Du Chaillu

(1860). Elle subira ensuite un extraordinaire brassage par l’effet des recrutements lointains

sur les chantiers forestiers (Okoumé) et, plus tard, miniers. Les villages se vident, deviennent

exsangues, tandis que se gonflent les agglomérations urbaines : Lambaréné, et surtout, sur la

côte, Libreville et Port-Gentil » (Idem). Les villages Fang sont toujours apparus comme étant

les villages gabonais les plus importants, de par leur taille et leur démographie. Si une

désorganisation est constatée à cette époque dans les villages Fang à plus forte raison dans les

villages des autres ethnies qui sont parfois plus petits. Au sein même du Gabon, les effets de

la colonisation sont vécus différemment. Bien qu’étant désorganisés à la base, les villages

Fang du Woleu-Ntem ont su profiter de l’administration française à travers la culture

cacaoyère. Les villageois sont ainsi devenus des planteurs de cacao. Cela leur a permis

d’améliorer leurs conditions de vie même si d’autres faits négatifs ont été observés : « ruinant

le régime foncier traditionnel, disloquant la grande famille, mais enrichissant l’Africain et le

fixant au sol » (Robequain, op. cit. : 307-308). Tandis que les Batéké du Gabon vivant au bas

Ogooué ont mal vécu la pénétration européenne et n’en ont pas profité. Ainsi, « l’émigration

était stoppée dans le Woleu-Ntem dont les villages vivants, aux maisons améliorées

contrastent avec le délabrement de ceux du bas Ogooué » (Ibid. : 308). Ceci montre que la

Page 226: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

225

désorganisation démographique du monde rural gabonais telle que perçue ne date pas

d’aujourd’hui.

Enfin, les différentes tensions observées dans ce monde rural, que nous verrons dans la

dernière partie, ne contribuent guère au développement des milieux ruraux gabonais. En effet,

les tensions foncières, les concessions forestières et les restrictions environnementales

participent au disfonctionnement des villages. De plus, les difficultés que rencontrent les

ruraux analysés dans le chapitre précédent, telles que le problème de transport et le mauvais

réseau routier, la destruction des cultures par les animaux, l’absence des activités non

agricoles et même la carence des distractions, ne favorisent pas le maintien des villageois sur

leurs territoires.

Tout est réuni pour que les villages gabonais ne prospèrent pas. Finalement, les tendances

sont tellement défavorables à une vie dans le monde rural gabonais que c’est son maintien qui

devient un défi pour le chercheur : dans ce cas, la question n’est pas comprendre le sous-

peuplement des villages gabonais, mais de comprendre pourquoi ces villages continuent-ils

d’exister, malgré toutes les difficultés qu’ils rencontrent ? Depuis la période coloniale jusqu’à

nos jours, comment ces villages subsistent-t-ils ? Quelles fonctions remplissent-ils ? C’est à

travers l’étude de villages présents à la périphérie de parcs nationaux, où donc les tensions

sont particulièrement vives, que nous proposons d’apporter quelques éléments de réponses à

ces questions. Et afin de mieux qualifier la dynamique des villages par rapport aux bourgs

avoisinants, nous avons aussi enquêté dans une petite ville, la Lopé.

Ce chapitre s’organise en trois points. Dans le premier, il s’agit de qualifier l’exode rural à

travers les différentes migrations des populations de la zone d’étude. Pour y arriver, nous nous

focalisons tant sur leur histoire des familles que sur la localisation de leurs enfants. Le

deuxième point montre la conséquence négative de l’exode rural sur la production agricole.

Nous analysons l’agriculture dans ces villages et leurs rendements, ainsi que leurs impacts

dans la consommation locale et nationale. Enfin, le dernier point montrera l’attachement

culturel des populations envers leurs milieux ruraux qui favorise également leurs

déplacements vers les villages - ce qui est sans doute une des clefs du maintien de ces

villages.

Page 227: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

226

1. Exode rural et structure de la population des villages

Qualifier les villages gabonais passe en premier lieu par une qualification de sa population,

tant en termes démographiques que sociaux. Afin de qualifier ces dynamiques, nous avons

utilisé une technique d’enquête fondée sur la démographie rétrospective (Courgeau et

Lelièvre, 1989). Cette technique consiste à interroger les informateurs non seulement sur leur

situation présente, mais aussi sur leur situation passée : nous obtenons ainsi des données,

année après année, sur la situation démographique de l’informateur, mais aussi sa situation

professionnelle et sa localisation géographique. Cela permet de suivre les dynamiques des

personnes que nous rencontrons, et de comprendre comment s’est construite la situation que

nous rencontrons le jour de l’enquête. Cela est particulièrement intéressant en ce qui concerne

l’exode rural. En effet, cela permet de comprendre si les informateurs ont toujours été

présents dans la zone d’étude, quels emplois ils ont occupé, etc.

Pour notre étude, nous partirons du constat établi en 1999 par Angoué (1999) qui décrit alors

la zone de la Lopé comme connaissant une situation de crise démographique et structurelle :

« les villages de la Réserve de la Lopé sont comparables à des hospices de vieillards,

encadrés par des adolescents » (Angoué, op. cit. : 34). Mais afin de mieux mettre en

perspective cet aspect, commençons par présenter l'arrière-plan ethnique de la zone étudiée à

travers quelques faits historiques.

1.1. Bref aperçu historique des villages étudiés

Les villages étudiés se fondent dans l’histoire commune de la province de l’Ogooué-Ivindo.

Plusieurs groupes ethnolinguistiques ont progressivement peuplé cette province. Comme

l’ensemble des autres provinces du Gabon, les peuples se sont installés suivant plusieurs

migrations dues essentiellement aux guerres ou à la poursuite d’un espace vital meilleur.

Sur un socle de population présent depuis l’âge de la pierre (Ratanga-Atoz, 1985) se sont

rajoutés, dans les derniers siècles, des peuples venus au gré de plusieurs mouvements

migratoires. Plusieurs raisons expliquent les migrations des peuples du Gabon, notamment

dans la région de la vallée moyenne de l’Ogooué où se situent les villages étudiés. Il s’agit,

selon Angoué (op. cit.) :

- Du développement du commerce d’esclaves pratiqué sur la côte ouest par les

Portugais au XVe siècle (Méyo-Bibang, 1975 : 28 ; Gaulme, 1999),

Page 228: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

227

- Des conséquences qu’entraîna l’occupation allemande de 1870 à 191675

,

- De l’organisation administrative coloniale dans laquelle le travail forcé et l’impôt

étaient sollicités.

Les cours d’eau ont notamment favorisé le déplacement des populations. Ainsi, l’Offoué et

l’Ogooué dans le massif central, la Mvoung, l’Ivindo au nord-est ont permis aux populations

de se déplacer. C’est à partir de ces cours d’eau que les subdivisions départementales portant

leurs noms ont été faites. La province compte alors quatre départements : Mvoung, Ivindo,

Lopé et Beleme. Comme on peut le lire chez Angoué (op. cit. : 202) « l’Offoué et l’Ogooué

furent des voies de communications empruntées par les habitants de la région durant des

siècles, jusqu’à ce que la route nationale 3 et le chemin de fer soient construits (de 1967 à

1974 pour la route, de 1976 à 1983 pour le rail – jusqu’à Booué) ». De même, c’est

également dans l’une des parties des zones étudiées, c’est-à-dire dans le Parc de la Lopé que

de remarquables découvertes marquant l’ère des recherches archéologiques du Gabon furent

faites. Ainsi, « la découverte des plus vieilles traces de pierres taillées en Afrique centrale

forestière sur la terrasse du fleuve Ogooué perchée à 175 mètres à Elarméroka et estimées à

environ 350.000/400.000 ans" (Oslisly et Peyrot, 2008) » montre que l’homme a

anciennement vécu dans cette zone du Gabon. De plus, les structures très anciennes marquant

l’âge du fer datant de 400 ans avant Jésus- Christ, ou le merveilleux art rupestre découvert en

1987, montrant plus de 1 500 gravures, fait de la Lopé la zone archéologique du Gabon la plus

remarquable. Ces traces très anciennes sont en effet importantes pour comprendre les relations

que l’homme a eues avec son milieu naturel depuis les siècles.

Bien qu’il existe une problématique sur la classification des groupes ethniques au Gabon, on

peut tout de même se référer aux groupes ethniques par rapport aux régions du Gabon. Ainsi,

les groupes centraux du massif central et les groupes du Nord-Est intéressent parce qu’ils se

trouvent dans la zone étudiée. D’après l’étude de Ratanga-Atoz (op.cit.), plusieurs peuples se

rencontrèrent dans le massif central. Certains sont restés et d’autres ont migré ailleurs. De ces

groupes habitant actuellement dans la région on rencontre les Tsogo, les Pindji, les Eshira et

les Massango. Concernant particulièrement la zone d’étude, on retiendra la différence entre

75

La France reprit ses territoires africains qu’elle céda aux Allemands en 1871 et en 1911, c’est-à-dire Minvoul,

Bitam pour ce qui est du Gabon (Kwenzi Mikala 1997 : 28 ; Birmingham et al. 1994 : 14).

Page 229: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

228

les Okandé, les Simba, les Pové. En effet, « les Okandé, localisés entre Booué et les portes de

l’Okandé, et les Shimba du haut Ikoye et de la Ngounié sont ethnologiquement et

linguistiquement apparentés » (Ibid. : 6). De même, la moyenne vallée de l’Ogooué dans

laquelle se situe la ville de la Lopé et ses villages périphériques « a constitué un pôle

important de l’histoire du bassin du Congo, tant lors du commerce des esclaves sur la côte

qu’au moment des explorations vers le centre du bassin congolais» (Angoué, op.cit. : 199).

Ces événements ont ainsi été à l’origine de l’implantation des peuples dans cette région du

Gabon.

Le deuxième ensemble ethnique qui concerne la zone étudiée est constitué par les groupes du

nord-est. « Ce courant migratoire fort puissant, de direction Nord-Sud, est représenté

essentiellement par les Kota et leurs proches parents, les Mahongwé, auxquels on peut

associer les parents Kélé, les Shanayé et les Shake-Dambono» (Ratanga-Atoz, op. cit. : 8). Ce

groupement est actuellement localisé en rive gauche de l’Ivindo. La migration de ce groupe

s’est faite en deux phases dans la région. En effet, la première migration s’est faite avant le

XVIIIe siècle et la seconde par la suite. C’est également autour de ce même siècle ou peut-être

même au XVIIe siècle que le groupe Kota a rencontré d’autres ethnies mobiles qui étaient aussi

à la recherche d’un espace vital. Il s’agissait des Yangéré, les Baya, les Bakwélé, les Osyeba

et les Fang. Beaucoup d’entre elles ont émigrés ailleurs mais d’autres comme les Fang sont

restés sur le territoire. C’est ce qui fait dire à Kwenzi Mikala (1997 : 25) que « les Gabonais

n’ont atteint leur emplacement actuel que dans un passé relativement récent – le XIVe et la fin

du XIXe siècle ». Or, « avant et au cours de cette période, ils s’installaient temporairement à

l’intérieur des forêts et à proximité des principaux cours d’eau, qu’ils empruntaient dans

leurs déplacements » (Angoué, op. cit. : 203). Leurs nombreux déplacements ont ainsi

entraîné un type d’habitat simple appelé à disparaître, puisque les peuples étaient nomades

avant de se sédentariser.

1.2. La diminution de la population rurale gabonaise

Dans la première partie nous avons plusieurs fois souligné le dépeuplement des zones rurales

d’après les analyses souvent faites. Ce point nous permet ainsi de montrer que l’exode rural

gabonais est un phénomène qui s’est enclenché depuis l’Indépendance. Pour le démontrer

nous faisons d’abord une analyse globale à l’échelle du pays à travers le graphique ci-après,

Page 230: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

229

puis dans les points que nous traitons par la suite, nous analyserons l’exode rural dans la zone

de notre étude.

Graphique 4: Population totale et part de la population urbaine au Gabon (1960-2011)

Source : Banque Mondiale

D’après la Banque Mondiale, en 1960 le taux de la population vivant en ville était de 17,4 %

et la population totale était de 485 732 habitants. Cela veut dire que la popualtion rurale était

très importante (soit 82,6 %) et représentait 401 215 habitants. Le Gabon étant presque rural à

ce moment ne connaissait pratiquement pas de difficulté d’approvisionnement en produits

vivriers. La population rurale importante parvenait à répondre aux besoins de toute la

population. De telle sorte que, grâce à la production chaque Gabonais consommait en

moyenne 220 kg/hab./an de manioc en 1960 contre 75 kg/hab./an76

en 2002 (FAO et NEPAD,

2005). Il est vrai qu’il a été souvent dit que le Gabon était presque autosuffisamment en 1960

76

Mais il faut aussi dire que cette baisse de la consommation est due d’une part à la sous-production du manioc

et d’autre part à la diversité alimentaire constatée surtout en milieu urbain.

Page 231: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

230

(Zomo Yebe, 1993), mais même à cette époque on pouvait déjà percevoir une crise

alimentaire. En effet, « en 1960, le Gabon importait pour 941 millions de FCFA de produits

alimentaires et de boissons pour satisfaire la consommation des « expatriés » et combler le

déficit de la production locale au profit de la population urbaine et des chantiers » (François,

1991 : 111). La mobilité des personnes vers la côte et vers les chantiers due au recrutement

excessif de main-d’œuvre va commencer à fragiliser la population rurale et la production

agricole. Ainsi, « à partir de l’enquête agricole de 1961, on a estimé la production agricole à

165 000 tonnes de manioc, 79 000 tonnes de banane, 27 000 tonnes d’igname et 17 tonnes de

taro. Cette production représente grosso un bâton de manioc et une banane plantain par

habitant et par jour […] » ( Idem). Les surfaces agricoles ne représentaient qu’environ 0,30 %

du territoire et moins d’un hectare par agriculteur en 1960 (François, 1991).

On remarque également à travers ce graphique que la population urbaine n’a pas cessé de

s’accroître pour atteindre 1 321 766,71 habitants en 2011, soit 86,15 % de la population totale.

Elle a été multipliée par quinze en 51 ans. La popualtion rurale a ainsi connu une regression

sans précédent. En 2011, la population rurale gabonaise ne représente plus que 13,85 % de la

population totale, et sa population s’évalue à 212 495 habitants. Il est évident que cette

popualtion ne peut produire pour nourrir les urbains, en plus si on considère que les enfants et

les vieillards font aussi partie de cette population rurale, le nombre des actifs agricoles est par

conséquent insignifiant. C’est pour cette raison que le gouvernement importe fortement les

denrées amimentaires (250 milliards de FCFA/an). C’est la mobilité de la population qui s’est

davantage accrue occasionnant un fort taux d’exode rural comme nous venons de le voir qui

par la suite entraîna une crise alimentaire. En effet, on peut lier la diminution de la population

rurale (agricole) entraînant un déséquilibre démographique rurale au déséquilibre alimentaire

résultant de la sous-production agricole.

1.3. Les migrations des populations de la zone étudiée : une agonie

démographique ?

« La migration n’est pas, simple déplacement d’individus dans l’espace, ni simple

déplacement de main-d’œuvre fuyant une situation de crise ou répondant à l’appel de la ville.

Elle est aussi fait social, d’une richesse infinie, qui ne peut être pleinement appréhendé que

replacé dans le contexte vécu par le migrant » (Franqueville, 1984: 7). L’étude de

démographie rétrospective que nous avons menée permet de faire ressortir, avec certaines

Page 232: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

231

limites, le contexte dans lequel ont opéré les migrations. Après avoir qualifié ces histoires,

nous mettrons en perspective l’histoire des personnes par une caractérisation de la situation de

leurs enfants.

1.3.1. L'histoire des personnes - migrations

Les pyramides des âges constituent un outil classique et pertinent de caractérisation des

populations. C’est au travers de nos enquêtes de terrains sur les populations résidentes,

l’année de l’enquête, dans les villages étudiés et à la Lopé que nous avons pu faire cette

pyramide. Robequain (op. cit. : 306) s’est servi de telles pyramides pour qualifier ce qu’il

qualifie d’agonie démographique : « l’étude des pyramides d’âges précise pour beaucoup

d’entre eux la menace d’une extinction plus ou moins prochaine. Ainsi, dans le district de

Franceville, le nombre de femmes entre 15 et 45 ans est le double de celui des hommes ; on

compte seulement 75 enfants vivants pour cent femmes adultes, alors qu’il en faudrait au

moins 130 pour assurer la progression ; le taux annuel de mortalité est le double du taux de

natalité : tableau d’une agonie démographique ». Par agonie démographique, Robequain

entend la fin de villages, qui meurent peu à peu par une disparition des forces qui peuvent en

assurer la vitalité.

Graphique 5: Pyramide des habitants de la zone d'étude en 2011 (villages et la Lopé)

-14-9-41611

-20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20

1

6

11

16

21

26

31

36

41

46

51

56

61

66

71

76

Nombre de personnes

Ag

e

Femmes

Hommes

Page 233: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

232

Or, notre pyramide ne montre pas le même phénomène que celui qualifié par Roquebain. La

pyramide des âges a une structure très inhabituelle, avec trois éléments que nous tenons à

signaler :

Tout d’abord, on n’observe pas de déséquilibre homme / femme aussi net que le

montre Roquebain,

Ensuite, on constate qu’il y a un véritable trou démographique entre 20 et 40 ans :

autant les enfants sont nombreux dans la zone d’étude, autant la génération d’après est

quasiment absente.

Ensuite, pour ce qui concerne les tranches d’âges plus âgées, celles-ci sont aussi

importantes que les 20-40 ans alors que l’on peut s’attendre à une réduction

progressive due à la mortalité. C’est le signe qu’il y a proportionnellement plus de

personnes de cet âge qu’attendu.

On peut décrire trois groupes d’âges dans la pyramide étudiée :

1. Le premier groupe est composé des personnes âgées de 50 ans et plus. Il s’agit des

hommes et des femmes qui organisent la société villageoise et urbaine. Ce sont eux en

effet qui sont considérés comme les aînés. Dans les villages, ils accèdent à tous les

titres que ne peuvent avoir les plus jeunes: initiateurs, conseillers, guérisseurs,

gardiens du pouvoir et de la connaissance, médiateurs entre le monde réel et irréel, etc.

Ils sont une pièce essentielle des villages. Une autre observation importante faite sur

les 50 ans et plus est que très peu atteignent plus de 60 ans, parce qu’en 2011

l’espérance de vie au Gabon est de 62 ans contre 39 ans en 1960 ; soit une moyenne de

54 ans. Mais par rapport à la période 1960-211 il existe des différences chez les

hommes et chez les femmes.

2. Le deuxième groupe constitué des personnes âgées de 20 à 50 ans représente 23,67 %

des personnes enquêtées. Pour une localité, ce groupe d’âge est celui de la tranche

d'âges des actifs par la main-d’œuvre forte et abondante représentée et par la

procréation qu'elle assure. Ce groupe est de loin le plus sous représenté.

3. Le groupe des moins de vingt ans est par contre plus nombreux, constituant une base

ferme dans la pyramide des âges. Dans les villages comme dans les villes, les enfants

sont élevés par leurs parents ou grands-parents. Ils restent particulièrement longtemps

dans les villages pendant leur scolarité si leurs écoles primaires le leur permettent,

sinon ils sont obligés de changer de localité pour continuer leurs études. « Cependant,

Page 234: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

233

une fois âgés de 16-18 ans ou même à l’âge adulte, les jeunes quittent l’environnement

villageois; celui-ci n'offre en effet plus de structures d'intégration et restreint par là

même les possibilités d'émancipation et d'accès au monde moderne » (Angoué, op. cit.

: 31). Beaucoup d’entre eux quittent les villages pour des raisons d'aventure, à la

recherche de la modernité, ou éprouvent la nécessité de se constituer un capital. Il

arrive aussi mais très rarement que quelques enfants partent des villes pour se faire

scolariser au village.

Toute la question est de savoir si la forme de cette pyramide est structurelle ou

conjoncturelle :

Par conjoncturelle, nous entendons qu’il y a un exode rural massif qui se met en place

après 20 ans, avec des jeunes qui seraient peu tentés de revenir habiter dans les

villages par la suite.

Par structurelle, nous entendons que dans le fonctionnement de la société villageoise,

les individus de certaines tranches d’âges (ici, les 20-60 ans) partent travailler en ville

avant de revenir dans le monde rural pour leur vieillesse et d’y faire élever leurs

enfants.

Cette différence est essentielle pour savoir si l’on peut qualifier la situation du rural gabonais

d’agonie démographique. Si la forme est conjoncturelle, alors oui on observe bien un

processus de disparition de classes d’âges essentielles à la vie des villages. Si la forme est

structurelle par contre, alors on trouvera dans le fonctionnement de la société rurale gabonaise

actuelle la clef de l’explication de cette situation. Le fait que la situation décrite aujourd’hui

soit la même que celle décrite il y a soixante ans par Robequain pourrait nous inciter à

conclure qu’il y a là un fonctionnement structurel du monde rural ; cependant, la quantité de

personnes concernées à l’époque de Robequain était plus importante qu’aujourd’hui, et la

disparition des villages annoncée a bien eu lieu. La vérité se trouve certainement dans un

compromis entre ces deux visions : ces pyramides relèveraient à la fois du fonctionnement de

la société et d’un exode rural de long terme.

Pour pouvoir apporter des pierres à cette analyse, il est important de connaître l’histoire des

personnes que nous avons rencontrées. La question est de savoir si elles sont tout le temps

restées au village, ou si elles sont parties à un moment en ville et revenues ensuite. Cela nous

permet de faire l’hypothèse suivante: si ces personnes sont revenues après un moment en

Page 235: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

234

ville, c’est que le village est un lieu pour passer sa retraite ; si ces personnes sont tout le

temps restées au village, c’est que ces personnes sont les derniers représentants des villages

appelés à disparaître.

Pour vérifier cette hypothèse, nous avons créé trois cohortes d’informateurs selon leurs âges.

Précisons que ces cohortes sont composées uniquement d’informateurs, et pas, comme dans la

pyramide, de personnes sur lesquelles nous avons obtenues, par le biais des informateurs, des

données.

Cohorte 1 : 50 ans et plus

Cohorte 2 : de 30 à 50 ans

Cohorte 3 : Moins de 30 ans

On s’attachera en outre à distinguer les populations vivant dans le monde rural des

populations vivant à la Lopé. Le tableau suivant représente le nombre d’informateurs par lieu

de vie et par cohorte :

Tableau 11 : Lieu de vie des individus des différentes cohortes

Cohortes

Localisation 50 ans et

plus 30-50 ans

Moins de

30 ans Total

Rural 35 30 8 73

Urbain 11 41 19 71

Total 46 71 27 144

73 personnes de tous les âges sur 144 vivent dans les villages contre 71 à la Lopé. Les plus

petits effectifs sont observés dans les cohortes de moins de 30 ans pour les milieux ruraux et

pour les 50 ans et plus pour le milieu urbain. Le fait qu'il n'y ait que 5,56 % de chefs de

familles de moins de 30 ans habitant dans les villages traduit le schéma souvent rencontré,

c’est-à-dire l’absence des personnes de cette tranche d'âges dans les villages, comme on l’a

fait remarqué plus haut. En milieu urbain par contre, les 50 ans et plus ne représentent que

7,64 %.

À travers les cohortes définies, nous montrons l’histoire des personnes en s’appuyant sur les

migrations et les lieux de vie pour vérifier notre hypothèse sur la nature de l’exode rural dans

les villages étudiés.

Page 236: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

235

1.3.1.1. Nombre de migrations

Si on regarde en termes de nombre de migrations, on constate que les populations des villages

migrent assez peu et ont des comportements peu différenciés. En moyenne, une personne

change de résidence une à deux fois au cours sa vie. Mais on fera une exception pour les 30-

50 ans vivant en ville : cette catégorie de population a plus bougé que les autres, avec un taux

deux fois supérieur aux autres. Il n’y a pas de différence significative pour les femmes.

Tableau 12: Nombre moyens de migrations

Âges Rural Urbain Total

50 ans et plus 1,5 2,8 1,8

30-50 ans 1,2 1,3 1,2

Moins de 30 ans 0,6 1,1 1,0

Total 1,3 1,5 1,4

Ce tableau permet de dire que :

Le fait que les urbains les plus âgés aient le plus bougé peut signifier qu’il y a eu

un fort exode rural. À la Lopé, cela peut se justifier par la comparaison que nous

avons faite avec la population de cette même tranche d’âges recensée par Angoué

dans les villages. Cela veut dire qu’en 1997 beaucoup étaient encore dans leurs

villages respectifs et qu'en 2011 ils vivent désormais à la Lopé.

Le fait qu’il n’y a pas de différence sensible entre les migrations des ruraux et des

urbains de la génération intermédiaire signifie qu'il y a des comportements

similaires. Les populations des villages comme celles de la Lopé qui ont 30-50 ans

se déplacent de la même façon. Seule une partie d’entre eux semble finalement

avoir eu une expérience migratoire hors de leur lieu de résidence actuel. En effet,

une telle expérience implique deux migrations par individu (départ et retour sur

lieu). Or le fait que l’on ait un chiffre intermédiaire (1,2 à 1,4) indique que peu de

monde a connu ces deux migrations.

Les chiffres de migrations pour les moins de 30 ans ruraux, et les distinctions

ruraux / urbains, indiquent que nombre de ruraux sont nés et restés dans le monde

rural ; alors que les urbains, eux, ont déjà connu un épisode migratoire On peut

justifier le fait que certains n’ont pas migré par la présence non négligeable des

« enfants naturels » qui, d'après (Angoué, op. cit. : 258), sont dans les villages qui

ont généralement leurs parents (mère surtout) en ville. Il s’agit souvent des enfants

Page 237: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

236

dont les géniteurs sont inconnus et qui sont élevés par leurs grands-parents aux

villages à l'absence de leurs mères restées en ville. À ceux-là s’ajoutent

« plusieurs filles-mères (âgées de 16 à 18 ans à la naissance du premier enfant) et

donc des enfants des pères différents » (Idem) qui séjournent également au village.

1.3.1.2. Lieux de vie

L’analyse sur les lieux de vie conduit à suivre les itinéraires des chefs de famille interrogés;

cela permet de s'interroger sur le temps moyen qu’ils ont passé dans le monde rural selon leur

âge et leur localisation.

Tableau 13 : Pourcentage du temps de vie passé dans le monde rural par cohorte

Localisation actuelle

Âge Rural Urbain Total

50 ans et plus 77 50 70

30-49 ans 71 15 38

Moins de 30 ans 58 22 33

Total 72 22 48

Lorsqu’on s’intéresse aux itinéraires des chefs de familles, on s'aperçoit qu'il n'existe pas une

différence significative entre les déplacements des hommes et ceux des femmes. Par contre,

70 personnes âgées de 50 ans et plus qui sont les plus représentatifs dans ce tableau ont passé

77 % de leur temps dans le monde rural que dans les milieux urbains (50 %). Pour des raisons

de santé, rapprochement familial, recherche des meilleures conditions de vie, etc. ces

personnes ont séjournées en ville, puis sont revenues au village où elles passent plus de temps.

En terme de mouvements, ce sont elles qui se sont plus déplacées, suivis des personnes de la

cohorte 2, qui elles aussi ont passé plus de temps en milieu rural (71 %) qu'en milieu urbain

(15 %) où elles n'étaient en réalité que de passage. On peut tirer différents enseignements de

ce tableau.

1. Pour les urbains

a. Les urbains d’aujourd’hui ont vécu en moyenne 78 % de leur temps en ville. Cela

signifie qu’il y a dans ces villes assez peu de personnes qui ont vécu un exode

rural

b. Par contre, on constate que les personnes les plus âgées parmi les urbains

d’aujourd’hui ont vécu plus de la moitié de leur temps de vie en monde rural : cela

Page 238: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

237

signifie que pour cette génération des plus de 50 ans, il y a eu en effet un fort

exode rural. La moitié des vieux vivant en ville ont vécu plus de la moitié de leur

temps dans le monde rural.

c. Les autres générations se comportent différemment. La jeune génération d’urbains

a passé un temps plus important dans le monde rural (22 %), alors que la

génération intermédiaire seulement 15 %. Cela signifie sans doute qu’une partie

d’entre eux ont été éduqués dans le monde rural, puis qu’ils sont venus en ville.

C’est sans doute le phénomène qui explique le fait qu’on observe de nombreux

jeunes dans le rural.

2. Pour ce qui est des ruraux, on constate qu’il y a aussi eu un exode urbain.

a. Il s’agit des personnes les plus âgées. En moyenne, les informateurs les plus âgés

ont vécu un quart de leur temps en ville. Cela veut dire qu’il y a eu un exode

urbain. En fait, on constate que la moitié des individus (ruraux de plus de 50 ans)

n’ont jamais quitté le monde rural (18 sur 35), et l’autre moitié y a moins vécu.

Cela veut dire qu’on a deux types de populations rurales : des gens qui ont passé

une partie de leur temps en ville, et ceux qui n’y ont jamais été. Le graphique ci-

dessous permet de mieux observer le phénomène.

Graphique 6 : Pourcentage du temps de vie passé en ville des ruraux de plus de 50 ans

b. La génération intermédiaire est dans la même situation. De même les moins de 30

ans ont vécu une partie importante de leur temps dans le monde rural. On peut

aussi se permettre d'observer le temps passé dans les villages par les hommes et

les femmes.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Page 239: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

238

Tableau 14 : Pourcentage du temps de vie passé dans le monde rural par sexe

Localisation actuelle

Sexe Rural Urbain Total

F 75,1 22,3 45,6

M 70,5 22,0 48,1

Total 72,3 22,1 47,6

Les femmes ont passé plus de temps au village (75,1 %) qu’en ville (22,3 %) par rapport aux

hommes. Mais, il n’en demeure pas moins que tous (hommes et femmes) aient passés plus de

temps au village qu'en ville. La fréquence supérieure des femmes dans les villages peut se

justifier par le mariage et par le fait que lorsqu'elles n'ont pas de qualification, elles préfèrent

rester au village où elles entreprennent 90 % des activités agricoles, par rapport aux hommes.

Globalement donc, ces analyses confirment l’hypothèse que nous avons émise ci-dessus quant

à la forme des pyramides des âges : il paraît y avoir une partie de la population qui reste

stabilisée dans le monde rural, une partie qui connaît un épisode migratoire en ville avant un

retour vers le rural, et une partie d’exode rural pur et simple. Les pyramides sont le reflet de

ces dynamiques avec, en plus, une forte présence des enfants dans les villages pour y être

élevés. Ce n’est pas à proprement parler à une agonie du monde rural que l’on assiste, mais

plutôt à une dynamique de lente disparition : une partie de la population passe du rural à

l’urbain puis au rural, mais une partie semble connaître aussi un exode rural définitif. La

localisation des enfants peut nous permettre de préciser ce phénomène.

1.3.2. La localisation des enfants

Les localisations des enfants sont un facteur important de qualification de l’exode rural. Ils

sont en outre importants pour une localité. Au village par exemple, les enfants jouent un rôle

important. Ils représentent un capital précieux dans la tradition africaine (Guillot, 1973 et

Gourou, 1969). Les enfants aident leurs parents dans les travaux champêtres. Déjà à partir de

six ans, les enfants peuvent aider leurs parents ou grands-parents, au champ, à la chasse, à la

pêche. La contribution des enfants aux différentes tâches est fonction de leur âge et de leur

sexe. Les filles par exemple, en dehors des tâches ménagères qu’elles entreprennent, sont

formées au fur et à mesure aux travaux de femmes dans les champs. Les garçons quant à eux

sont formés pour entreprendre les tâches réservées aux hommes. Ci-après est présenté

Page 240: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

239

l’ensemble des enfants dont les informations ont été données par l’ensemble des chefs de

famille.

Tableau 15: Les enfants de la zone étudiée

0-14 15-24 25-40 40 et + Total

Lopé 125 46 23 1 196

Villages 142 52 44 16 254

Total 267 98 67 17 450

Sur les 450 enfants dont les informations ont été données par les 144 chefs de famille, ce sont

les enfants âgés de 0-14 ans qui sont les plus représentés. C’est pour cela que la pyramide des

âges que nous avons montrée plus haut est assez élargie à la base. Mais à partir de 15 ans on

remarque à travers ce tableau que l’effectif des enfants diminue davantage de façon générale.

À 40 ans et plus, plus presque personne à Lopé et dans les villages l’effectif des enfants est

divisé par neuf. À travers les différents graphiques nous montrerons comment se manifeste le

phénomène de migrations des enfants dans les différentes localités (urbaine et rurale). Pour

analyser la localisation actuelle des enfants de la zone étudiée, nous nous focalisons sur deux

points : les lieux d’habitations des parents et les lieux de travail.

1.3.2.1. Les migrations des enfants de la zone étudiée

Nous pouvons représenter la localisation des enfants en fonction du lieu de résidence de leurs

parents (tableau suivant).

Tableau 16 : Les migrations des enfants

Rural Urbain

Autre

urbain Libreville Total

0-14 121 104 18 24 267

15-24 22 27 13 36 98

25-40 16 11 7 33 67

+ 40 4 3 4 6 17

Total 163 145 42 100 450

À la suite de ce tableau, nous montrons à travers trois graphiques les différentes migrations

des enfants selon les différents milieux d’études retenus et par sexe.

Page 241: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

240

a) Les migrations des enfants de la Lopé

Graphique 7 : Les migrations des enfants de la Lopé

Ce graphique montre les proportions des migrations des enfants des chefs de famille de la

Lopé par tranches d’âges.

b) Les migrations des enfants des villages

Graphique 8: Les migrations des enfants villageois

Les localités les plus sollicitées par les enfants des chefs de famille villageois sont d’abord les

villages dans lequels beaucoup sont nés et y demeurent encore à cause de leurs parents.

0%

20%

40%

60%

80%

100%

120%

0-14 15-24 25-40  + 40

Rural

Urbain

Autre urbain

Libreville

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

0-14 15-24 25-40  + 40

Rural

Urbain

Autre urbain

Libreville

Page 242: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

241

De ces graphiques, on peut faire les observations suivantes :

- La différence entre les graphiques des migrations des enfants de la Lopé et ceux du

monde rural pour les moins de 14 ans montre qu’à cet âge, nombreux sont ceux qui

demeurent dans leurs lieux de naissance : 76 % des enfants de la Lopé sont à la Lopé,

85% des ruraux dans le rual. Il y a un petit pourcentage qui s’est éloigné. Pour le rural,

le bon équipement en école primaire des villages est un facteur essentiel de

stabilisation des jeunes.

- Sur 98 enfants de 15-24 ans, plus d’enfants vivent en milieu urbain proche (27) et à

Libreville (36). À partir de cette tranche d’âges comme on l’a vu dans la pyramide des

âges les déplacements des villageois vers les zones urbaines commencent à

s’accélérer. Comme on l’a déjà dit, ces jeunes quittent leurs lieux de naissance, soit

pour continuer leurs études, soit pour des raisons économiques, soit tout simplement

par attrait pour la ville.

- Sur 67 enfants qui ont 25-40 ans, le plus grand nombre qui s’est déplacé vit

actuellement à Libreville ou dans une autre grande ville. Ce chiffre montre clairement

une tendance à l’exode rural, que ce soit au départ des villages ou au départ de la

Lopé.

- De même, sur 17 enfants âgés de 40 ans et plus, il n’y a que 4 qui vivent au village et

6 à Libreville.

On remarque au fur et à mesure qu’on évolue en tranche d’âges, le nombre d’enfants vivant

principalement dans les villages diminue davantage. Les deux dernières tranches d’âges

maintiennent une population dans les villages par la main-d’œuvre qu’elles représentent, mais

elles ne restent pas par la suite. Tous migrent en général vers les grandes villes du pays, en

particulier vers Libreville. Cela justifie le dépeuplement des villages en faveur des villes telles

que Libreville ; constat déjà fait dans les années 1960 (Franqueville, 1984 ; François, 1991 ;

Pourtier, 1989 ; Sautter, 1966). On peut aussi observer cette situation par milieu.

Par ailleurs, Les enfants qui sont nés en milieu urbain comme à la Lopé ne vont presque pas

vivre dans les villages, excepté les enfants âgés de 25-40 ans (9 %). Il s’agit des personnes qui

n’excerçant aucune activité en milieu urbain ont décidé d’aller vivre dans les villages de leurs

parents. Cependant beaucoup d’entre eux préfèrent vivre dans les zones urbaines proches des

zones urbaines où ils sont nés. Ce sont les enfants âgés de 40 ans et plus qui migrent plus vers

ces zones. Il s’agit des villes de la province de l’Ogooué-Ivindo (Makokou, Ovan, Booué,

Page 243: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

242

Mékambo). On le verra sur la carte des migrations. Libreville est l’autre localité importante

où vont vivre les enfants des chefs de famille vivant à la Lopé. Et, ce sont les enfants de 15-24

(50 %) et 25-40 (48 %) qui ont le plus migré à Libreville.

De leur côté, les localités les plus sollicitées par les enfants des chefs de famille villageois

sont d’abord les villages dans lequelles beaucoup sont nés et y demeurent encore à cause de

leurs parents (par exemple les 0-14 ans qui sont les plus représentatifs avec 85 %) et

Libreville où les 25-40 ans sont plus nombreux avec 50 %. On peut aussi observer les

migrations par sexe.

c) Les migrations par sexe

Graphique 9: Les migrations par sexe

En termes de distinction de genre, il y a une légère différence entre les migrations des femmes

et des hommes. Les femmes sont de manière générale plus présentes dans le monde rural, et

moins dans les villes proches. Mais statistiquement, les différences ne sont pas significatives.

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

45%

Rural Urbain Autre urbain Libreville

Féminin

Masculin

Page 244: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

243

1.3.2.2. Les professions des enfants

On peut maintenant s’intéresser à la situation professionnelle des enfants. Nous avons pour

cela réalisé le même tableau que précédemment.

Tableau 17 : Les professions des enfants

Etudes

Agri.

pêcheurs Bricole

Petit

employés

Prof

inter. ou

sup chômeurs

Total

(hors

NSP)

NSP

(pour

info) Total

0-14 100% 0% 0% 0% 0% 0% 195 76 271

15-24 86% 2% 3% 3% 0% 6% 98 98

25-40 19% 12% 17% 13% 6% 33% 69 2 71

+ 40 0% 12% 6% 29% 18% 35% 17 17

Total 77% 3% 4% 4% 2% 9% 380 79 459

Ce tableau montre la réparition des professions exercées par les enfants de nos informateurs.

Comme précédemment, nous avons fait une distinction pour les lieux de vie des enfants des

informateurs à travers les graphiques suivants.

a) Les professions des enfants des chefs de famille de la Lopé

Graphique 10 : Les professions des enfants de la Lopé

0%

20%

40%

60%

80%

100%

120%

0-14 15-24 25-40  + 40

Etudes

agri.pêcheurs

bricoles

Petits employés

Profession inter. ou sup.

Chômeurs

Page 245: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

244

b) Les professions des enfants des chefs de familles villageois

Graphique 11 : Les professions des enfants villageois

D’après ces deux graphiques nous pouvons y constater les élémens suivants :

- Bien évidemment, les enfants les plus jeunes sont tous en train de faire des études,

indifféremment du lieu de vie de leurs parents.

- Les deux activités les plus représentées sont les petits employés et les bricoles. Les

petits employés sont surtout les enfants de 40 ans et plus (29 %), ceux qui font les

bricoles, surtout les 25-40 ans (17 %) résidant dans les milieux urbains en particulier

parce qu’ils peuvent y exercer ces professions contrairement à s’ils vivaient dans les

villages.

- Les agri-pêcheurs sont les moins représentés parmi les enfants d’informants.

Représentés uniquement chez les ruraux (et de manière très marginale chez les

urbains) par les 25-40 ans (12 %) et les 40 ans et plus (12 %), ce résultat est

symptomatique de l’abandon de l’agriculture.

- Les chômeurs singulièrement représentés par les 25-40 et 40 ans et plus se déplacent

plus, à la recherche du travail. Une observation professionnelle par sexe est aussi utile.

0%

20%

40%

60%

80%

100%

120%

0-14 15-24 25-40  + 40

Etudes

agri.pêcheurs

bricoles

Petits employés

Profession inter.ou sup.

Chômeurs

Page 246: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

245

c) Les professions des enfants par sexe

Graphique 12 : Les professions des enfants par sexe

Les différences de genre ne sont pas discriminantes des activités économiques exercées.

1.4. Représentation des migrations des informateurs

Les villages étudiés semblent bien pris dans une double dynamique qui contribue à leur

affaiblissement démographique, voire lorsque des seuils critiques sont atteints à une agonie

démographique. D’un côté, on constate une tendance, inscrite dans le temps long, d’organiser

la vie dans les villages autour des plus jeunes et des plus vieux ; les classes d’âges actives

partent en ville pour travailler, et reviennent plus tard ; seuls quelques personnes restent

vraiment dans le village ou la petite ville, sans migrer. Mais d’un autre côté, on constate que

nombre de personnes ne reviennent jamais dans le monde rural : la situation des jeunes, la

perte progressive de populations, participe de cet exode. On peut maintenant s’attacher à

représenter les migrations des informateurs de notre base (carte suivante).

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

F

M

Page 247: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

246

Carte 10: Les migrations des populations de la zone d'étude

Page 248: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

247

À travers cette carte, on observe à partir de la zone étudiée, les différentes destinations des

parents et des enfants vers plusieurs localités du pays. Ces derniers migrent, à l’intérieur de la

province de l’Ogooué-Ivindo et vers les autres provinces, notamment celle de L’Estuaire où

Libreville est la destination la plus sollicitée par tous. Il y a aussi des personnes qui ont quitté

leurs milieux d’origine pour migrer vers la zone d’étude, à l’instar de ceux qui sont partis du

Mali et du Cameroun pour l’Ivindo et pour la Lopé. Les migrations des populations de la zone

d’étude s’expliquent comme nous l’avons dit par :

- L’exode rural : les ruraux qui quittent leurs milieux pour les villes, pour les raisons de

santé, et de recherche de confort.

- L’exode urbain : les urbains qui soit vont vivre dans d’autres milieux urbains plus

favorables, soit vont vivre dans les villages parce qu’ils sont retraités, ou parce qu’ils

n’ont pas d’activité en ville.

- L’exode scolaire et professionnel : les populations rurales ou urbaines qui quittent

leurs milieux pour des raisons d’étude, ou chercher ou exercer une profession ailleurs.

Ces différents exodes concernent aussi bien les adultes que les enfants. Mais, sur la carte on

remarque qu’il y a aussi des parents et des enfants représentés réciproquement par les étoiles

rouge et vert qui sont restés dans leurs lieux de naissance. Ils n’ont pas bougés comme nous

l’avons démontré tout au long de ce chapitre.

2. Les activités économiques des villages

Une fois caractérisée la structure démographique des zones enquêtées, il nous apparaît

nécessaire de qualifier plus précisément quelles activités exercent les informateurs, et

comment ces activités ont évolué dans le temps. Cette rubrique permet de poser la question :

comment les populations des villages étudiés parviennent-elles à répondre à leurs besoins ? Il

est question de voir l’économie villageoise qui justifie leurs modes de vie aujourd’hui. Ci-

après est présenté l’ensemble des activités qui occupent les ruraux des villages étudiés. Le

graphique suivant représente les secteurs d’activités des habitants des villages. Il permet de

constater l’importance de l’agriculture dans ces villages, mais aussi la faiblesse des autres

secteurs d’activité. Nous allons d’abord caractériser les types de champs réalisés dans ces

villages, avant d’approfondir les causes de l’absence d’autres activités.

Page 249: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

248

Graphique 13 : Activités dans les villages

2.1. L’agriculture

Du fait de la pratique de l’agriculture itinérante, les territoires autour des parcs nationaux sont

des espaces conflictuels car ces espaces périphériques constituent les milieux dans lesquels

s’effectuent les activités villageoises (agriculture, coupe de bois, pêche, chasse, extraction de

vin de palme, etc.). Il faut noter que l’agriculture itinérante est l’activité qui nécessite le plus

d’espace, car même si la production est très faible elle demeure néanmoins une activité qui

sollicite toujours un large espace parce qu’elle se déplace chaque année.

Dans les sociétés rurales d’Afrique Centrale en général et celles du Gabon en particulier,

hommes et femmes travaillent tous dans les champs, ils ont des tâches spécifiques. Le travail

fourni varie selon l’enjeu ou le type de culture. En effet, on observe souvent une spécialisation

masculine pour les cultures de rente, telles que le cacao, l’hévéa, ou le café présentant une

importante valeur commerciale. Les cultures vivrières par contre sont en général du ressort

des femmes. Dans les villages étudiés, ce sont plutôt les cultures vivrières qui occupent le plus

les actifs agricoles parce que les cultures de rente ont presque disparu, même si quelques

projets tentent de les relancer dans certaines localités.

Nous présentons dans le tableau ci-après les différentes pratiques culturales.

76%

6%

12%

6%

Agriculture, pêche, chasse,

cueillette

Commerces

Services

Retraite

Page 250: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

249

Tableau 18: Calendrier cultural des produits vivriers

Périodes Opérations Cultures

Juin-fin août Défrichement

Mi-juillet-

septembre Abattage

Mi-août-mi-

septembre

Brûlage et préparation du

matériel végétal

Septembre-

novembre Ensemencement

Arachide, maïs, manioc, banane,

légumes

Décembre Ensemencement Igname

Janvier Ensemencement Courge

Mi-novembre

décembre Premier sarclage Arachide

Janvier Première récolte Arachide, maïs

Janvier – février Deuxième sarclage Banane

Mars – avril Deuxième récolte Arachide

Dès août Pré-récolte Manioc

Dès Août Récolte Banane

Juillet – septembre Récolte Courge

Ce calendrier ne concerne que l’agriculture itinérante sur brûlis. Les opérations de récolte ne

s’appliquent qu’à l’arachide et au maïs ; mais pour les autres cultures (banane, manioc,

patate…), elles varient suivant les variétés.

2.1.1. Les types de champs chez les Ogivins

Tout comme les autres agriculteurs gabonais, les ruraux Ogivins ont au moins deux types de

champs par an : le champ de manioc et celui de banane. Ces champs sont indispensables à

leur survie. Les agriculteurs plantent en fonction de leurs besoins et de leurs forces de travail.

a) Le champ de manioc

En milieu ogivin, le champ de manioc se situe généralement en zone de savane (cf. photos ci-

dessous). Le plus souvent, on le place dans une ancienne jachère qui a duré 2 ans au moins,

presque jamais en forêt primaire. Les champs de manioc n’ont pas besoin d’être très éloignés

du périmètre villageois, sauf lorsque les agriculteurs ne disposent plus d’espace libre, et sont

contraints d’aller plus loin. En général, il est souvent en polyculture, car il lui est toujours

associé des plantes à cycle court.

Page 251: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

250

Planche 7: Champs de manioc en monoculture dans la périphérie de la Lopé

Photographie des boutures de manioc prises dans un

champ de manioc situé près du village de

Kazamabika. Ce sont ces boutures qui sont par la

suite utilisées une fois que le champ devient une

jachère pour cultiver les nouvelles parcelles, l’année

suivante

Ce champ en monoculture se trouve près du village

de Makoghé. La culture de manioc qui y est

présentée exige peu d’entretien lorsqu’il occupe tout

le parcellaire. Mais le sarclage y est toutefois plus

difficile à cause de la quantité de l’herbe qui envahit

les plantes

Le manioc est planté de façon désordonnée. Deux à trois boutures sont plantées

superficiellement dans le sol à l’aide d’une houe ou d’une courte machette et espacées

d’autres pieds d’au moins dix centimètres voire plus. Ceci dépend des autres cultures qui

doivent être aussi prises en compte. Les boutures de manioc sont déposées dans le sol de

façon oblique (penché).

b) Le champ de banane

Les bananiers cultivés (dits cultivars) se subdivisent en deux sous-groupes : celui des bananes

douces et celui des bananes à cuire, dans lequel le plantain a une place dominante. Le

bananier est cultivé sur des sols sains, aérés, riches en azote et en potasse. Il a un grand besoin

d’eau et vit mieux dans les régions tropicales humides, c’est-à-dire dans les milieux forestiers.

La photo ci-après illustre la culture de banane dans un champ.

Page 252: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

251

Photo 2: Une bananeraie en milieu forestier

Ayant un grand besoin en eau, le bananier pousse mieux dans les milieux ouverts, chauds et humides. Les

rendements obtenus par les cultivateurs montrent que c’est le milieu forestier qui est le plus approprié pour la

culture de banane

Dans les villages périphériques au parc de la Lopé, la culture de banane n’est pas très présente

parce qu’elle attire particulièrement les éléphants d’après le témoignage de l’ensemble des

agriculteurs. Cependant, dans les milieux périphériques aux parcs de Mwagné et de l’Ivindo,

les cultures de manioc et de banane sont les plus dominantes.

2.1.2. Rendements et estimations des quantités produites

S’agissant du manioc, « l’optimum de rendement est obtenu, sous 1200 à 1500 mm de pluies,

à température moyenne 23° à 24° C, avec 2 à 3 mois de saison sèche. Dans ces conditions,

tous les sols sont acceptés à l’exception des sols asphyxiants ; le sol idéal est sablo- argileux,

profond, bien drainé, à PH 6 » (Ministère de la coopération : 667). De même source, en terres

fertiles les rendements peuvent aller jusqu’à 60 tonnes, mais en moyenne ils varient entre 3 et

15 t/ha. Le rendement dépend du climat, de la région, des variétés cultivées, des sols, etc. Les

données physiques des villages obéissent en majorité aux exigences précitées. Ils ont des

conditions naturelles globalement propices à l’agriculture. De plus Vandeput77

atteste que

77

Cité par Barampama, op.cit. : 134

Page 253: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

252

« les terres en qualités moyennes donnent 20 à 25 tonnes de tubercules à l’hectare en zone

équatoriale ». Ainsi, dans les villages ogivins, les rendements du manioc peuvent se situer

dans cette fourchette, même si les sols sont en général acides. En plus, les rendements peuvent

être élevés si de bons soins ont été donnés au manioc. Ces données naturelles sont aussi

bénéfiques aux rendements du bananier plantain. Lorsque davantage de soins sont apportés à

la plante durant sa période fragile, le rendement s’en trouve amélioré.

L’absence de statistiques pouvant indiquer les quantités produites par les agriculteurs des

villages nous a conduit à entreprendre quelques opérations, pour ainsi avoir une évaluation de

la production des cultures vivrières à l’aide des carrés de densité. Nous n’avons fait que des

estimations sur les quantités produites de manioc, parce que nous avons voulu faire une

comparaison entre ces quantités produites dans les environs de la Lopé et celles des villages

autour des parcs de l’Ivindo et de Mwagné. De plus, vu que nous n’avons pas rencontré des

agriculteurs cultivant la banane dans les villages proches du parc de la Lopé, nous ne sommes

pas aussi allés mesurer les champs de banane dans les villages voisins avec les autres parcs,

bien qu’ils cultivent aussi la banane.

Après avoir mesuré les champs de quelques exploitants agricoles, nous avons pesé le poids de

quelques pieds de manioc. Pour ce qui est du manioc, puisque les femmes ne déterrent pas

souvent d’un seul coup les deux ou trois boutures d’un pied, nous avons considéré le poids

moyen d’un pied de manioc à l’aide de plusieurs pesées. Ainsi, les superficies et les

productions que nous avons obtenues auprès de douze cultivateurs nous ont permis de dresser

le tableau qui suit.

Tableau 19: Evaluation des rendements moyens de manioc

Ch1 Ch2 Ch3 Ch4 Ch5 Ch6 Ch7 Ch8 Ch9 Ch10 Ch11 Ch12

Durée de

vie des

plants

La récolte intervient entre 8 et 10 mois après l’ensemencement +1an +1an +1an +1an

Localisation Champs autour de la Lopé Champs autour de Mwagné et de

l’Ivindo

Surface (m²) 585 487 399 191 540 210 193 543 789 810 753 617

Nombre

pieds de

manioc

580 480 350 190 540 210 194 509 701 659 624 574

Poids

moyen d’un

2,2 2,2 2,2 2,2 2,2 2,2 2,2 2,2 3,4 3,4 3,4 3,4

Page 254: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

253

*Si toute la production est vendue (1 kg de tubercules de manioc coûte 1000 FCFA)

Il est à préciser que tous les 12 champs de ce tableau sont des champs en monoculture. Le

tableau permet de faire les observations suivantes :

Une surface moyenne de 510 m²79

, un pied de manioc moyen de 2,6 kg, une

production moyenne de 1284,44 kg80

et un rendement moyen de 2,45 kg/ m². Les

champs sont très petits mais on peut extrapoler en disant que s'ils atteignaient les

hectares, ils auraient comme rendement moyen 24,08 t/ha81

.

En zone périurbaine autour de la Lopé les champs sont en moyenne plus petits avec un

rendement moyen de 2,14 kg/m², que dans les autres zones rurales (Mwagné et

l’Ivindo) qui ont par contre un rendement moyen de 2,94 kg/m².

Les agriculteurs des zones rurales récoltent plus tardivement leurs champs. La récolte

de tubercules intervient généralement plus d’un an après l’ensemencement.

L’explication peut résider dans le fait qu’en zone rurale les agriculteurs possèdent plus

d’un champ, alors qu’en zone périurbaine cela n’est pas toujours le cas.

Il est notable que les champs de plus d’un an sont plus productifs que ceux ayant 10

mois. Cela traduit que la maturation optimale du tubercule de manioc se situe au delà

de 12 mois.

78

« Un pied de manioc peut produire 5 à 6 kg dont le poids varie de 100g jusqu'à 3 kg » d'après CNUCED,

INFOCOMM FICHE PRODUITS MANIOC [consulté en ligne en Juin 2103 sur

http://www.unctad.info/fr/Infocomm/Produits-AAACP/FICHE-PRODUIT---Manioc/]. 79

Au Gabon en agriculture de subsistance, les exploitations ont en moyenne environ 1 ha (FAO et NEPAD,

2005). 80

La production annuelle du manioc des villageois est de 230 000 t (source FAOSTAT 1960–2002). Elle fait près

de deux fois la production moyenne des villageois Ogivins. 81

Ce rendement moyen est très élevé par rapport à l'ensemble des pays africains. Une étude de la FAO montrait

qu'en 2007 le rendement des tubercules de manioc en Afrique était de 9,9 t/ha et qu'au Gabon il était de 5,33 t/an

(FAO, 2010). Cela veut dire qu’en général les plantes de manioc s’ils présentent des espoirs quand ils sont

jeunes rencontrent plusieurs difficultés (maladies, épuisement des sols) au cours de leur croissance qui par la

suite réduisent considérablement leur productivité.

pied (kg)78

Production

(kg)

1275,

3

1056,

79

770,

07

416,3

8

1188 462 426,5

3

1118,

58

2382,7

8

2243,

7

2123,

46

1949,

72

Rendement

(kg/m²)

2,18 2,17 1,93 2,18 2,2 2,2 2,21 2,06 3,02 2,77 2,82 3,16

Rendement

(t/ha)

21,8 21,7 19,3 21,8 22 22 22,1 20,6 30,2 27,7 28,2 31,6

Revenus

obtenus

après vente

(FCFA)*

1275

300

1056

790

770

070

4163

80

1188

000

462

000

4265

30

1118

580

238278

0

2243

700

2123

460

1949

720

Page 255: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

254

Si toute la production d'un champ est vendue, le revenu moyen par an d'un cultivateur

est de 1 284 442,5 FCFA (soit 1 958,12 euros), cela veut dire qu'il gagne en moyenne

107 036,875 FCFA (soit 163,18 euros) par mois. Cette somme n'est pas importante à

côté du SMIG Gabonais qui est de 150 000 FCFA (soit 229 euros). Le coût de vie au

Gabon est assez élevé. Même si on est en zone rurale ce revenu minimum mensuel que

percevrait un cultivateur ne répondra que partiellement à ses besoins et ceux de sa

famille. Il est aussi à noter qu'un cultivateur ne peut pas vendre totalement la

production de son champ, sauf s'il a plusieurs champs et désigne certains uniquement

pour la vente. En général, les cultivateurs peuvent vendre 30 % de leur production et le

reste est consommé sur place. Ainsi, si un cultivateur vend 30 % de sa production de

manioc, il gagnera en moyenne 385 330 FCFA/ an ou 32 110,83 FCFA/mois, c'est très

dérisoire pour nourrir une famille, sans oublier la récurrence des produits impayés

faute des clients, problème souvent rencontré dans les villages. De plus, « la

commercialisation du manioc est considérée actuellement comme inadéquate avec une

forte dissipation de la plus-value dans l’intermédiation, des pertes quantitatives et

qualitatives du produit et faiblement orientée sur la demande » (FAO et NEPAD,

2005: 4). Cela est dû à la conservation du manioc qui n'est pas toujours bonne (pâte de

manioc, chikwague), au coût du transport, aux mauvaises conditions de transport, à

l'offre très dispersée, etc. Il est toutefois clair que cette somme l'aidera sans doute à

acheter les produits indispensables (sel, allumettes, pétrole, etc).

Le manioc est très important dans l’alimentation des villageois. C’est un de leurs produits

alimentaires quotidien. Si le manioc est très consommé en milieu rural comme en milieu

urbain, sa production reste peu importante pour couvrir la consommation nationale de manioc.

Les agriculteurs gabonais produisent en gros 230 000 t/an (source FAOSTAT 1960–2002)82

par rapport au Congo qui produit 915 000 de tonnes de manioc par an. Par le graphique ci-

après, nous présentons la consommation quotidienne des féculents chez les villageois.

82

ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/008/af327f/af327f00.pdf

Page 256: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

255

Graphique 14: Féculents de base dans les villages

Le manioc que produisent les habitants des villages étudiés est consommé dans toutes ses

formes de consommation (cassada, tubercules de manioc, chikwague, etc.). Une fois de plus,

la forte consommation du manioc dans les villages (54 %) par rapport à la banane et au riz

interpelle parce qu'elle permet de comprendre que les villageois doivent davantage produire

du manioc pour répondre à leurs besoins alimentaires quotidiens. Les villageois consomment

de la banane plantain (33 %) qui est également leur aliment de base. Cependant, les villageois

complètent leur alimentation en consommant le riz (13 %) qui est davantage très présent dans

les villages près du parc de la Lopé. Il a été remarqué que ce sont plutôt les villageois habitant

la périphérie du parc de la Lopé qui consomment plus les cassada et presque pas de banane

plantain contrairement aux villageois qui habitent autour des parcs de Mwagné et de l’Ivindo.

La prédominance du manioc dans chaque famille villageoise interrogée par rapport aux autres

produits de base, traduit l'importance qu’occupe le manioc dans les cultures villageoises. Un

projet fait par la FAO et le NEPAD en 2005 sur la filière manioc, utilisant les sources du

FAOSTAT (1960–2002), déclare que 75 kg/hab/an (soit 205 g/hab/mois)83

est la consomma-

83

D’après la même source la consommation moyenne de manioc a fortement chutée par rapport à 1960 où elle

était de 220 kg/hab/an. C'est l’urbanisation qui s'est fortement accélérée depuis l’Indépendance en introduisant

de nouveaux produits alimentaires qui en est la principale raison.

banane

33%

manioc

54%

riz

13%

Page 257: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

256

tion actuelle (2002) du manioc au Gabon. Or, dans les villages étudiés, la consommation de

manioc en 2011 est de 17,60 kg/pers/an (soit 48 g/pers/mois). Même s’il s'agit d’une étude de

2002, la consommation annuelle de manioc d'un villageois en 2011 est près de cinq fois en-

dessous de la consommation de manioc d’un Gabonais par an. Ainsi, si les villageois de la

zone étudiée veulent atteindre chacun la consommation annuelle d'un Gabonais, il faudrait

qu'ils produisent 4 190,55 kg, si on estime que chacun d’entre eux devrait consommer en

principe 75 kg/an. Or, nous avons vu que la production moyenne de ces villageois est de 1

284,44 kg/an. En conséquence, la sous-production observée montre que les ruraux ogivins ne

parviennent pas à répondre à leurs besoin alimentaires en ce qui concerne le manioc, c’est

pour cela qu'ils sont obligés d’avoir recours à d’autres aliments tels que la banane, le taro,

l’igname, la patate et le riz pour ceux qui peuvent en acheter.

Au regard de tout ce qui a été dit plus haut, l’agriculture pratiquée dans les villages est

extensive. Les activités connexes à l’agriculture sont moins florissantes. Les villageois

produisent alors pour eux-mêmes d’abord ; pour répondre à leurs besoins, même s’ils n’y

arrivent pas. Il n’en demeure pas moins que quelques surplus peuvent être quelquefois vendus

sur la route ou en ville quand cela est possible. 13 % de chefs de famille villageois interrogés

consomment le riz dans leurs foyers, surtout lorsqu’ils ont les enfants. La consommation du

riz peut justifier que les quantités produites ne sont pas suffisantes, mais cela peut aussi dire

que quelques familles parviennent à diversifier leur alimentation en consommant des produits

étrangers à leurs terroirs. De plus, le riz a la renommé de nourrir plus de personne. Ceci nous

permet de faire des comparaisons entre la production de manioc au Gabon et celles d'autres

pays de l’Afrique centrale, à partir d'un tableau dressé par la FAO sur quinze pays africains en

2007, dans le but de voir comment se comporte la production dans ces pays.

Page 258: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

257

Tableau 20: Productivité et production du manioc en 2007

Pays Hectares Rendements des

racines

(tonnes/ha)

Tonnes

Burundi 82 000 8,66 710 000

Congo 100 000 9,15 915 000

Gabon 45 000 5,33 240 000

République Centrafricaine 188 000 3,01 565 000

République Démocratique

du Congo

1 850 000 8,11 15 000 000

Source : Extrait du tableau de l'annexe 1 (FAO, 2010 : 53).

Ces pays d’Afrique centrale ont une superficie moyenne de 453 000 ha (contre 335 850 ha

dans quelques pays d‘Afrique Orientale et Australe), un rendement des racines de manioc de

6,85 t/ha (contre 8,58 t/ha en Afrique Orientale et Australe) et une production moyenne de 3

486 000 tonnes (contre 32 170 800 tonnes en Afrique Orientale et Australe). Il apparaît

clairement que les pays d‘Afrique centrale dominent dans la superficie et la production

moyennes par rapport aux autres pays africains qui dominent cependant par leur rendement

moyen. La prédominance des pays d’Afrique Centrale se fait grâce à la RDC qui à elle seule

dispose des valeurs importantes, ce pays figure parmi les plus grands producteurs mondiaux

du manioc. Dans cet ensemble, on voit bien que le Gabon est le pays qui produit le moins et

qui a des superficies culturales très inférieures par rapport aux autres pays de la sous-région.

Ceci montre bien sa nécessité à importer le manioc de ces pays qui se distinguent par leur

production.

2.2. Les diverses entrées financières villageoises

L’absence d’activités économiques dans les villages, nous conduit à nous intéresser aux

diverses sources d’entrées financières des villageois. L’économie rurale reposant sur

l’économie de l’arrière-cour et l’économie vivrière, est faible pour permettre aux ruraux de

répondre à leurs besoins. De ce fait, les ruraux ont recours à d’autres sources financières. Ils

font notamment du commerce, reçoivent de l’argent de leurs enfants et parents d’ailleurs.

Page 259: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

258

Pour ce qui est du commerce, il s’agit d’une part du commerce des produits des terroirs, issus

de l’activité agricole (légumes, maïs, arachide, féculents), du commerce des PFNL recueillis

dans la forêt et du commerce du gibier et poisson d'eau douce. D’autre part, les villageois

commercialisent aussi les produits issus de l’art artisanal. Il n’est pas facile d’obtenir des

informations sur les entrées financières que disposerait en moyenne un villageois, parce que

ce sont des commerces irréguliers qui reposent sur une clientèle irrégulière et sur des produits

vendus saisonnièrement. Ce sont des commerces saisonniers qui ne dépannent les villageois

qu’à un moment donné.

De plus, des chefs de familles interrogés, 6 % qui sont retraités et de même 6 % qui font le

commerce affirment répondre à leurs besoins respectivement avec l’argent de leur retraite et

de leurs commerces. Selon ce qu’il y a à vendre et en fonction de la clientèle, au village un

commerçant (boutiquier) gagne en moyenne 3 000 FCFA par jour. Quant aux pêcheurs

villageois, ils se distinguent des autres commerçants villageois par leur activité. Ils pratiquent

une pêche saisonnière, c’est-à-dire qu’ils vont deux fois par mois pêcher et peuvent gagner

jusqu’à 100 000 FCFA quand ils vendent leurs poissons.

Par ailleurs, quelques chefs de famille reçoivent quelques fois de l’argent de leurs enfants et

parents en provenance d’autres localités. Mais, il est difficile de savoir combien reçoivent ces

villageois et la fréquence des envois. Les montants et envois varient en fonction de plusieurs

paramètres (urgence, maladie, disponibilité financière). Une autre source de provenance

d’entrées financières villageoise est la proximité avec les chantiers forestiers qui permet à

quelques villageois d’y trouver un emploi. Cela fait partie des engagements des exploitants

forestiers à l’endroit des villages proches des lieux où ils ont des permis forestiers. Il est

important de savoir que les villageois malgré l’agriculture qu’ils pratiquent ont le profond

besoin d’avoir un emploi qui leur permet d’avoir un salaire fixe, car la rentabilité de

l’agriculture dépend de plusieurs facteurs. Cependant, il y a très peu de villageois employés

dans les chantiers forestiers, parce qu’en général les exploitants forestiers ne tiennent pas

leurs engagements même si le manque de qualification des villageois jouent aussi en leur

défaveur. Bien qu’il n’y ait que quelques employés villageois, ces derniers permettent à leurs

familles et parents d’espérer recevoir de l’argent mensuellement.

Page 260: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

259

2.3. Histoire professionnelle : la place des activités liées à l’extraction

forestières et aux parcs nationaux

Nous avons voulu, pour terminer cette partie sur les activités économiques des villages,

replacer ces activités par rapport aux deux tensions principales auxquelles sont soumis les

ruraux : l’extraction forestière et la conservation. A quel point ces activités profitent-elles aux

villageois ? Comment la substitution – partielle – de l’une par l’autre s’est-elle traduite en

termes d’emplois. Nous avons choisi, pour montrer ces éléments, de ne pas nous concentrer

que sur les villages mais de traiter aussi des habitants de la Lopé : en effet, l’extraction

forestière comme la conservation peuvent se faire depuis les villages comme depuis la ville.

On constate, classiquement, que les personnes vivant en milieu urbain ont un itinéraire

professionnel plus diversifié que ceux qui vivent dans le monde rural, et que cet itinéraire est

variable selon l’âge. Ceci est observé dans le tableau ci-dessous.

Tableau 21 : Nombre moyen de changements de profession par individu

Âge Rural Urbain Total

50 ans et plus 1,0 2,7 1,4

30-50 ans 0,7 2,2 1,5

Moins de 30 ans 0,4 1,8 1,4

Total 0,8 2,2 1,5

La vie professionnelle des ruraux est bien plus stable que celle des urbains, même si ces

chiffres ne doivent pas masquer une certaine diversité de comportements. Une approche par

secteur d’activité permet de préciser quelle analyse on peut faire sur les emplois tels que

mentionnés ci-dessous.

Page 261: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

260

Tableau 22 : Les professions exercées au cours de la vie des personnes enquêtées

(en nombre d’années de vie active)

Rural Urbain Total

Agriculture 659 100 759

Administration 239 69 308

Commerce 9 170 179

Chantiers forestiers 49 70 119

Emplois en lien avec les parcs nationaux 0 54 54

Autres 105 259 364

Total 1115 668 1783

Au cours de la vie des personnes, on peut relever deux points importants :

Agriculture et administration pour les ruraux, et commerce et emplois divers pour

les urbains sont les secteurs d’activités dominant de la vie des personnes.

Les métiers de forestier ont permis de donner 119 années de salaires, alors que les

parcs nationaux ont fourni 54 années de salaire.

Les emplois liés à l’extraction forestière ont connu une chute rapide depuis 2008 (graphique

suivant).

Graphique 15 : Les emplois forestiers par année

Ce graphique montre les années où ces emplois ont été pratiqués. D’après les différentes

cohortes et les lieux de vie (rural et urbain), on constate qu’il n’y a pas une diminution du

nombre d’emplois forestiers avec les parcs nationaux créés en 2002, au contraire. Cependant,

on peut observer des variations depuis 2002, même si en 2011, les emplois forestiers

Page 262: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

261

diminuent considérablement. On constate aussi que c’est la génération des 30-50 ans qui est la

plus concernée par ces emplois. Les deux tiers de ces emplois concernent les urbains. Or ces

emplois qui disparaissent ne sont que partiellement compenser par la création d’emplois liés

aux parcs nationaux (graphique suivant).

Graphique 16: Les emplois liés aux parcs nationaux par année

Dans ce graphique ce sont les années où ces emplois ont été pratiqués qui sont reprises. On

constate évidemment qu’il y a une importance des emplois liés à la conservation à partir de

2004. Il est aussi à noter que les emplois sont seulement pour les urbains. Les parcs nationaux

ne créent pas d’emplois dans le monde rural, ce qui bien entendu les rendent plus dramatiques

pour les ruraux, qui subissent les effets négatifs (perte d’emplois forestiers et attaques des

cultures) et pas les effets positifs. Là aussi ce sont les personnes âgées de 30-50 ans qui

bénéficient plus de ces emplois à la Lopé.

Les mondes ruraux n’agissent pas comme base arrière de la conservation ou de l’extraction

forestière ; ils servent principalement de résidence à des personnes âgées et à des jeunes qui

étudient, sans que les activités économiques de ces populations ne sortent d’une agriculture

très traditionnelle. Le manque de dynamisme est évident. Ces villages pourraient apparaître

comme condamnés à disparaître s’ils ne remplissaient une autre fonction – culturelle cette

fois-ci.

Page 263: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

262

3. Les villages comme lieux favoris de la tradition

Globalement, les villageois fondent leur culture sur les rites et les initiations. Ce qui favorise

l’animisme. Parce qu’il y a plusieurs ethnies, il existe aussi une diversité culturelle. Ainsi, les

chants et les danses caractérisent également la spécificité culturelle ethnique. De même,

consulter des esprits, aller voir un guérisseur, être sorcier entrent dans le patrimoine cultuel et

culturel des villageois. Cette partie a pour objectif de montrer en quoi la tradition participe à

la survie des villages gabonais.

3.1. Les initiations pendant les vacances

Les villages restent encore les lieux favoris où les initiations peuvent se faire dans le plus

grand des secrets. Là, on peut encore trouver la « forêt sacrée » où seuls les initiés peuvent

accéder. On entend par forêt sacrée de petites portions d’espaces ouvertes à une catégorie de

villageois et au sein desquelles les activités villageoises sont parfois interdites. A travers les

différentes confréries initiatiques réservées aux hommes, aux femmes ou mixtes, il se crée des

« espaces sacrés ».

Ce sont particulièrement pendant les grandes vacances scolaires que les initiations ont lieu

dans les villages. C’est à cette période que les urbains décident de venir faire initier leurs

enfants. Les initiations des jeunes citadins se font sous le regard de leurs grands-parents

vivant au village.

Les rites auxquels s’adonnent les villageois appartiennent à des sociétés secrètes qui incarnent

le patrimoine culturel. C’est pourquoi les parents incitent leurs enfants à se faire initier. Les

rites initiatiques permettent dans la société traditionnelle la transition entre l’adolescent et

l’adulte. Il existe des initiations pour les hommes et pour les femmes. Les rites initiatiques

varient selon les localités. Le Bwiti et les associations initiatiques annexes (le Diyandzi, le

Duwa qui sont les branches du Mweli) sont des rites d’hommes vivant dans les villages

périphériques au parc national de la Lopé. Ces associations masculines favorisent

particulièrement la protection des biens et des personnes dans le village et à l’extérieur. Les

hommes faisant partie de ces associations assurent aussi des fonctions économiques, voire

médicinales. Il s’agit des associations initiatiques qui confèrent aux hommes beaucoup de

notoriété dans la société rurale. Les femmes (Simba, Okandé) de cette même contrée intègrent

le Mimianga qui est un rite initiatique féminin. Cette association initiatique féminine est aussi

Page 264: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

263

appelé Nyembé ou Djembé selon les localités. Ce rite s’occupe de l’éducation des jeunes

filles, de leur intégration dans la société, ainsi que de leur défense vis-à-vis des hommes. Mais

ce rite est sous la tutelle du Mweli. Chez les habitants des villages autour de la Lopé, le Mweli

et le Bwiti expriment le pouvoir politique.

Chez les villageois habitant les zones périphériques aux parcs nationaux de l’Ivindo et de

Mwagné, les hommes et les femmes ont d’autres confréries initiatiques. Par exemple, les

confréries masculines Kota sont Ngoy (panthère) et Mungala et leur confrérie féminine est

Isembwé. Ces hommes et femmes pratiquent également d’autres rites d’initiations. Chez les

Fang, les initiations auxquelles s’adonnent les hommes sont : Melane, Mvet et le Biéri. Leurs

femmes s’initient aussi au Melane. Mais les autres hommes ogivins comme les Kota, les

Mahongwé, Saké, s’initient principalement au Bwiti. Ils font beaucoup de cérémonies de

circoncisions au cours desquelles les jeunes sont initiés. Le Bwiti est rependu dans tout le pays

et n’est plus le seul héritage des peuples du centre (Apindzi, Simba, Okandé). Presque tous les

peuples du Gabon s’initient au Bwiti. Mais les cérémonies de Bwiti et les interdits qu’ils

entraînent diffèrent selon les ethnies. En effet, contrairement aux autres, le Bwiti des Tsogo

permet aux femmes de se faire initier. De plus, les initiés du Bwiti Tsogo sont aussi reconnus

comme étant des Nganga (guérisseurs). Au cours des rituels du Bwiti la racine d’Iboga est

utilisée car c’est une plante considérée comme sacrée. L’Iboga contient une douzaine

d’alcaloïdes dont l’ibogaïne, psychostimulante et hallucinogène, est la plus abondante.

L’Iboga est une plante très importante dans le Bwiti et les effets dépendent de la dose

absorbée. Ci-dessous la plante d’Iboga.

Planche 8: L'Iboga

Plante d’Iboga dans la cour d’un village

Page 265: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

264

Les initiations sont importantes dans ces sociétés villageoises parce qu’elles permettent aux

habitants d’intégrer des cercles d’initiés.

Des rites et croyances naissent des religions qui diffèrent selon les ethnies et selon les

villages. « La religion est une composante essentielle de l’existence humaine. Elle intègre en

profondeur l’existence des populations » (Van Eetvelde, 1998 : 211). Les pratiques

religieuses font partie de la vie des villageois. Par exemple, les croyances religieuses des Kota

se fondent sur le Bwiti qui est le culte qu’ils font aux ancêtres. De plus, les religions des

villageois sont fondées sur des mythes en fonction des ethnies et en fonction des modes de

vie. Les villageois sont des animistes. Pour eux l’âme est dans toute chose (animal, végétal).

Ils croient aussi à plusieurs divinités selon leurs représentations.

Les villageois considèrent qu’il est fondamental d’être en relation avec tous les êtres qui les

entourent : génies, fées, sirènes, esprits des défunts… Car ils estiment que ces êtres

invincibles ont une influence sur leur existence. Il est remarqué que les individus qui sont soit

disant en relation avec ces êtres invincibles ont une ascendance sociale. Par ailleurs, la

musique et la danse font partie de la culture des villageois ogivins. Ils sont indissociables. Les

danses et la musique accompagnent toutes des cérémonies d’initiations (Mvet, Bwiti,

Nyembè). Certains instruments sont le monopole des hommes (balafon, tam-tam, cithare). De

plus, les chants sont circonstanciels (mariage, décès, naissance, initiation, pêche, chasse).

3.2. Les tradi-praticiens et leurs cliniques

Tous les Gabonais pensent qu’il faut être protégé des « mauvais sorts » pour être à l’abri des

dangers. Certains ont la « chance » d’avoir des membres de leurs familles qui sont capables de

faire des protections. Par contre ceux qui n’ont pas dans leur famille un spécialiste des

protections vont le faire contre de l’argent. Presque dans tous les villages étudiés il y a des

cliniques de guérisons traditionnelles dans lesquelles interviennent les tradi-praticiens ou

tradi-thérapeutes. Ces derniers guérissent et protègent « des mauvais sort ». Généralement

guérison et protection vont ensemble. Car, on est malade se disent les gens parce qu’on a été

victime d’un sort. Après que le sort ait été enlevé, il faut ensuite se faire protéger. À Ebe, le

nombre d’habitants du village est élevé à cause des malades qui sont venus des autres

horizons pour se faire soigner chez le tradi-praticien du village, il y a plus d’une trentaine de

malades. Certains d’entre eux sont là depuis plusieurs mois, et d’autres ne sont pas prêts de

repartir. L’un des inconvénients de séjourner longtemps chez un guérisseur c’est la difficulté

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

265

de payer tous les soins. Généralement, beaucoup finissent par travailler pour le guérisseur et

deviennent comme des membres de sa famille.

À Nzé Vatican il y a aussi des tradi-patriciens. Ils sont reconnus par les autres habitants du

village, mais leurs véritables clients sont les gens de la ville qui ont la capacité de payer leurs

soins. Le guérisseur est aussi appelé Nganga ou féticheur. Il est vrai qu’au village plusieurs

paysans connaissent les vertus des plantes et les utilisent pour se soigner. Mais ne peut être

Nganga qu’une personne qui a reçu un certain pouvoir de ses ancêtres, car le Nganga est

redoutable et maitrise l’occultisme et les rites initiatiques. Aujourd’hui, il est vrai que l’impact

des Nganga sur la société a diminué car beaucoup d’entres eux sont considérés comme des

charlatans. La présence du christianisme est aussi une des raisons du déclin du pouvoir des

Nganga. Les villageois croient beaucoup aux fétiches. En effet, les fétiches sont faits en

général à partir des éléments naturels palpables (animal, végétal, poudre, essence, liquide).

Ces éléments bien qu’étant naturels sont dotés de « puissances surnaturelles ». Les fétiches

sont suivis d’interdits. Ces interdits permettent de pérenniser la puissance et l’influence du

fétiche.

Malgré l’image ternie des féticheurs, ils continuent d’être des hommes investis de pouvoirs

surnaturels et pouvant résoudre de nombreux problèmes. En effet, « le féticheur joue dans la

vie sociale africaine un rôle très important. C’est lui qui devra déterminer la cause ou

l’origine des événements de la vie publique ou privée, sera chargé d’apporter le remède

psychique ou naturel aux malheurs des hommes ou du village. C’est aussi à lui que l’on

demandera d’apaiser les esprits courroucés, ou les interroger pour connaître l’avenir. C’est

éventuellement lui qu’on ira trouver pour lui demander de capter ces forces vitales pour

pouvoir s’en servir à son usage personnel dans un but souvent inavouable. Enfin c’est encore

au féticheur qu’on aura recours pour déterminer le coupable dans certaines affaires

judiciaires. C’est ainsi que le nganga sera tour à tour, devin, médecin, juge ou sorcier sans

qu’il soit possible de séparer l’homme de ses fonctions » (Bouquet, op.cit: 25). La sorcellerie

est un fait culturel.

Le sorcier est doté de pouvoir mystique, il est considéré par ses congénères comme un

méchant. Parce que le sorcier est capable de tuer ou de jeter un mauvais sort sur quelqu’un,

les villageois considèrent la sorcellerie comme un acte antisocial. En effet, « la sorcellerie est,

chez les Bakota, une menace constante et obsédante. Les devins-guérisseurs (nganga) sont

des chasseurs de sorciers et de « médicaments » - le médicament peut être aussi bien un

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

266

poison qu’un remède - qui sont craints et respectés » (Perrois, op. cit. : 37). Dans la société

villageoise aucun problème ou maladie n’est naturel, même si les accusations peuvent être

parfois farfelues.

3.3. Le tourisme initiatique dans les villages

Les villages sont parfois connus à cause de la renommée de leurs guérisseurs. Makoghé est

connu grâce à son chef de village qui est réputé être un « très bon » et « très puissant » tradi-

praticien. De même le village de Ramba est connu par de nombreux Gabonais à travers son

chef Babongo, car le Président de la République a séjourné chez lui lors de sa première

tournée républicaine. Plusieurs citadins n’hésitent pas à se rendre dans ces villages pour se

faire soigner ou pour chercher à se faire protéger des maléfices et des « mauvais sorts ».

Avec plus d’une quarantaine d’ethnies, le monde rural gabonais dispose d’une multiplicité de

cultures riches où danses traditionnelles, rites et croyances forment un patrimoine culturel

important que pourrait apprécier les touristes étrangers. Le Bwiti et l’Iboga sa plante sacrée

sont indissociables. Ils valorisent la culture gabonaise à l’extérieur auprès des touristes

étrangers fascinés par le discours fait par les nationaux sur leurs vertus. Ainsi, pour les

Gabonais, ils constituent leur patrimoine culturel qu’il faut jalousement préserver ; au point

que le thème du séminaire organisé par l’université (U.O.B.) en 2000 portait sur l'Iboga.84

De

réels espoirs et un avenir radieux que font constamment les initiés et maîtres-initiateurs auprès

des profanes gabonais et étrangers à l’endroit du Bwiti et de l’Iboga. C’est également à travers

eux que le tourisme initiatique peut se développer.

Actuellement, il y a un réel développement du tourisme initiatique au Gabon. Il attire

beaucoup plus des touristes de l’Europe et d’Amérique du Nord. En effet, « ce tourisme

d’inspiration new-âge s’appuie sur des ouvrages (Ravalec et al., 2004 ; Laval-Jeantet, 2005)

ou des sites internet vantant les mérites de l’iboga » (Bonhomme, 2007 : 5). Cela met ainsi en

place un réseau qui favorise la promotion du tourisme initiatique gabonais. De telle sorte que

« parmi les acteurs de ce réseau transnational en voie d’organisation, on peut trouver un

Français expatrié au Gabon qui initie des étrangers contactés par internet ou encore un

84

C’est un séminaire qui a lieu à Libreville à l’université Omar Bongo sur le thème « le Bwiti du Gabon » en

2000, organisés par les anthropologues, dont les grands points sont donnés par Bonhomme dans son article.

Page 268: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

267

Nganga gabonais désormais installé en France et organisant des séminaires de découverte

sur le Bwiti en région parisienne et des voyages initiatiques au Gabon » (Idem). S’il y a tant

de publicités sur le Bwiti et l’Iboga par rapport aux rites et plantes traditionnelles, c’est parce

que les initiés trouvent qu’ils apportent un plus à la vie. C’est ce qui fait dire aux initiés que

« le Bwiti [est la] « science de l’homme » » (Bonhomme, op. cit. : 7). Ainsi, les touristes

étrangers et même les nationaux n’hésitent pas à se faire initier.

Face à la montée de ce type de tourisme, les villageois peuvent augmenter leur économie,

collectivement ou individuellement grâce aux produits présentés selon que cela implique un

groupe ou non. Mais c’est un tourisme saisonnier et sporadique. Les villages avec leurs

milieux sacrés constituent une « école de brousse » (Idem) pour les initiés qui la comparent à

une « véritable université » (Idem). Cependant, « le « Bwiti du Gabon », oscillant entre

patrimoine ethnique, patrimoine national, patrimoine bantu et patrimoine de l’humanité, se

retrouve ainsi au centre de tentatives d’appropriation conflictuelles » (Ibid. : 5). Les conflits

sont d’abord observés au niveau national entre les initiés non universitaires pour qui le secret

doit subsister pour protéger le Bwiti et les universitaires (anthropologues, initiés ou non) qui

souhaitent à travers la connaissance occidentale de leur discipline faire promouvoir le Bwiti

avec le risque de dévoiler le secret. Au niveau international, les Gabonais souhaiteraient avoir

le monopole de l’Iboga alors que cette plante a été classée comme patrimoine de l’humanité.

A tel point que « Howard Lotsof, un ancien toxicomane américain reconverti en prosélyte de

l’iboga, a déjà posé plusieurs brevets sur les usages potentiellement antiaddictifs de

l’ibogaïne, doublant les Gabonais et renforçant le ressentiment contre la biopiraterie

occidentale » (Bonhomme, op. cit. :5). Mais, le patrimoine à préserver perd aussi de sa

notoriété quand on observe les dangers auxquels sont souvent confrontées les personnes

désirant se faire initier au Bwiti.

A propos du tourisme initiatique, il y a déjà eu quelques dérives qui ont été observées.

Plusieurs cas de décès ont été observés chez les guérisseurs pendant les initiations, les séances

thérapeutiques. Quand les urbains viennent séjourner durant plusieurs mois dans les villages

et qu’ils ne parviennent pas à être guéris, ils finissent par succomber. Il y a certaines maladies

comme le Sida qui continuent encore de faire des ravages parce que les malades refusent de se

rendre à l’hôpital et préfèrent plutôt croire au mauvais sort qui ne peut être enlevé que par un

guérisseur. C’est ce qui explique le tourisme initiatique des citadins dans les villages.

Page 269: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

268

Certains touristes étrangers quant à eux, ayant entendu parler du rite initiatique gabonais, le

Bwiti, désirent se faire initier. Lors des initiations, ils doivent obligatoirement absorber

l’Iboga, la plante hallucinogène (Fernadez, 1982 ; Mary, 1999 ; Bonhomme, 2005)85

. Ainsi,

les plus fragiles ou ceux qui sont mal préparés, réagissent mal à ce qui est fait et parfois cela

peut entraîner des décès. Si en général le tourisme gabonais manque d’organisation et

rencontre plusieurs obstacles (hostilité du milieu naturel, mauvais réseau routier, absence de

véritable politique organisationnel et de valorisation du tourisme, personnel qualifié déficient,

coûts élevés des billets vers le Gabon ainsi que le transport, l’hébergement et la restauration)

ce qui limite son développement, le tourisme initiatique l’est davantage. D’abord, ce genre de

tourisme n’est pas contrôlé par les autorités. Ensuite, aucune structure légale ou traditionnelle

ne gère ce tourisme. Par conséquent, lorsque les dérives sont observées et que des morts

d’hommes surviennent, il est difficile de retracer les faits et les personnes impliquées en vue

d’une quelconque enquête.

À travers, les tradi-praticiens et leurs cliniques, le tourisme initiatique et les initiations

pendant les vacances, la tradition constitue un important avantage pour le maintien des

villages gabonais. Ainsi, tant que les milieux ruraux seront sollicités pour perpétuer la

tradition et que les touristes et nationaux urbains trouveront la nécessité de s’y rendre pour

bénéficier des pratiques traditionnels des ruraux, on peut être sur que les villages continueront

d'exister. Mais, il est vrai que la tradition ne pourra pas à elle seule maintenir les villages;

pour cela il faut que plusieurs conditions agissent ensemble.

Conclusion du chapitre V

En définitive, le bouleversement de la population rurale est déjà observé avant l’indépendance

grâce à l’action coloniale. Car, « lorsque la puissance coloniale, pour les besoins de son

économie d’exploitation, assure des « recrutements » qui bouleversent la démographie d’une

région (dans le Haut-Gabon, subdivision de Makokou, le rapport de la population hommes-

femmes est absolument faussé : 4 603 hommes, 7 018 femmes, en 1946) on peut s’attendre à

des sérieuses transformations au sein des structures sociales » (Balandier, 1950 :12). Mais le

fait colonial est aussi à l’origine de la modernisation de certains villages comme ceux du

Woleu-Ntem, grâce à la culture du cacao. Au fil du temps les structures sociales villageoises

85

Cité par Bonhomme, op.cit.

Page 270: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

269

se sont davantage transformées de telle sorte qu’aujourd’hui on se questionne sur le devenir

du monde rural gabonais.

Pour une zone économiquement peu attrayante comme l’Ogooué-Ivindo, l’une des raisons est

donnée sans doute par l’économie. L’exploitation forestière étant l’activité dominante a

notamment permis, comme nous l’avons déjà dit, aux chantiers forestiers de gonfler leurs

populations. Ainsi, ce sont principalement les villages qui se sont vidés de leurs actifs

agricoles pour travailler dans la filière bois où une rémunération certaine et mensuelle est

assurée. Le même scénario s’est produit avec le recrutement de la main-d’œuvre pour les

activités minières et pétrolières. Il n’est pas exclu que les urbains quittent également leurs

localités pour aller travailler dans les milieux forestiers, miniers et pétroliers. Cela justifie

d’une part les migrations des Ogivins. De même, le départ des actifs vers d’autres localités

situés en dehors de leur province, comme l’Estuaire, l’Ogooué-Maritime, le Haut-Ogooué

offrant plus de possibilités de travail à cause de la multiplicité et de la diversité de leurs

emplois, explique les migrations des populations de l’Ogooué-Ivindo d’autre part. D’autres

raisons justifiant les migrations des Ogivins sont englobées dans la poursuite des études, le

mariage, le regroupement familial, les affectations pour les travailleurs, l’amélioration des

conditions de vie, etc.

Si d’autres ruraux dans le monde et en Afrique centrale particulièrement parviennent encore à

nourrir leurs familles à travers leur activité agricole, quoi que les fluctuations des marchés et

les difficultés économiques ne facilitent pas les choses, les ruraux Ogivins sont pratiquement

dans l’incapacité de retenir leurs enfants sur leurs territoires et de répondre aux besoins de

leurs familles. En effet, leurs champs de très petites tailles avec de très faibles rendements,

l’insuffisance de main-d’œuvre agricole, le mauvais réseau routier, la dominance extractive de

l’économie du pays, ne favorisent pas le développement rural gabonais.

Malgré tout, au village on naît, puis on se déplace pour chercher à améliorer les conditions de

vie surtout si on est dans un village éloigné de la ville. Ce sont par contre les villageois

habitant proches des centres urbains qui ont la chance de faire plus de déplacements entre

leurs villages et ces centres urbains. Parfois leurs séjours en ville n’est que passager. Ils

peuvent aller faire des courses ou vendre leurs produits en ville puis revenir dans leurs

villages. De plus, beaucoup d’entre eux, investissent dans leurs villages, ce qui justifie leur

présence régulière au village. Ils semblent n’être jamais partis de leurs milieux ruraux. Mais

les villages qui sont enclavés sont plus exposés à un fort taux de migrations, parce que lorsque

Page 271: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

270

leurs habitants s’en vont, très peu y reviennent. C’est le cas des villages périphériques au parc

de la Lopé. De même, après plusieurs déplacements, on revient au village pour y mourir.

Enfin, le village à cause de son vaste milieu forestier reste le lieu où la tradition et tout ce qui

s’y réfère peut encore être pérennisé. Ces raisons justifient la présence des villages gabonais,

ce pour quoi ils subsistent encore aujourd’hui et à quoi ils servent. C'est ce que nous

permettent de retenir les trois points qui ont été traités dans ce chapitre.

Page 272: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

271

Conclusion de la deuxième partie

S’interrogeant sur l’importance du monde rural gabonais, nous avons d’abord tenu à décrire la

zone étudiée pour montrer les réalités actuelles dans les villages retenus. Les aspects

économiques, sociaux et culturels ont été analysés dans cette deuxième partie. Cette partie a

permis de montrer comment se traduisent dans les villages choisis les tensions pesant sur le

monde rural gabonais que nous avons analysées dans la première partie. Nous avons montré

que les villages de la zone étudiée n’échappent pas aux difficultés qui sont celles du monde

rural. Ainsi, à travers l’exode rural et la structure de la population des villages qui ont permis

d’étudier les migrations des informateurs dues aux professions, aux lieux de vie et à la

localisation de leurs enfants, nous avons montré qu’il existe un déficit démographique de

certaines tranches d’âge (les jeunes adultes) dans ces villages. Par conséquent, ils sont

particulièrement peuplés par les enfants et les âgés revenus vivre au village lors de leur

retraite. Ce qui permet de dire que « dans la plupart des campagnes, les personnes âgées de

plus de 50 ans représentent plus du ¼ de la population, tandis que les adultes de 20 à 45 ans

comptent moins de 20 % des résidents » (Galley, op.cit. : 267). Cette situation est dangereuse

pour la survie des villages. «D’aucuns pourraient raisonnablement se demander si le

mouvement naturel des naissances est encore aujourd’hui assuré dans les monde rural,

créditant ainsi les données extrêmes (5 %) attribuée à la population rurale gabonaise par

certains observateurs » (Galley, op. cit. : 262). Cela défavorise davantage la production

agricole, parce qu’une relève n’est pas assurée dans les villages en ce qui concerne le travail

de la terre.

Cette sous-production observée est un réel handicap pour ces villages qui ne parviennent

même pas à répondre à leurs besoins et sont alors obligés de diversifier leur alimentation avec

la consommation du riz notamment. Mais, si les migrations et la sous-production paralysent

les villages, elles contribuent aussi à assurer encore leur pérennité. Car, dans le moulage des

Page 273: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

272

migrations certains comme les retraités et les chômeurs reviennent vivre au village, avec leurs

enfants et petits enfants. De plus, c’est cette agriculture sous-développée qui leur permet de

rester au village. À cela s’ajoute la fonction culturelle qui permet aux villages de revivre

pendant les vacances grâce aux initiations et au tourisme culturel. Cependant, le fait que ces

villages subsistent malgré tout ne les épargne guère de « disparition », car le problème

principal du monde rural étant l’abandon de sa fonction première demeure et reste

préoccupant pour le pays.

La sous-production agricole malgré la présence des villages, et malgré les efforts de l’État à

l’endroit du secteur agricole a plongé le pays dans une forte dépendance alimentaire,

l’obligeant ainsi à devenir un grand importateur des produits agricoles notamment vers le

Cameroun. « Le niveau de la dépendance alimentaire du Gabon de l’étranger en termes de

produits alimentaires demeure imprécis. Cependant, toutes celles que l’on trouve traduisent

une seule et même réalité : la sécurité alimentaire des populations gabonaises dépend bel et

bien de l’extérieur. La moindre crise majeure, qu’elle soit à caractère naturel, économique ou

sociopolitique, entrainant la suspension des approvisionnements du pays, mettrait gravement

en péril la vie des populations gabonaises. Car aujourd’hui, toute proportion gardée, le

Gabon est devenu un grand marché de produits alimentaires importés que l’on peut répartir

en deux grandes catégories: ceux du circuit africain (notamment la Cemac) des importations

de vivres ; et ceux en provenance du reste du monde » (Galley, op. cit. : 299). Ainsi, la

croissance démographique et la croissance urbaine ne font qu’amplifier les besoins

alimentaires.

Page 274: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

273

Troisième partie : Crises et mutations des

espaces forestiers périphériques aux parcs

nationaux

Le monde rural gabonais en général et les villages ogivins en particulier évoluent dans un

contexte de crises liées à la gestion des milieux qui paralysent leur développement. Cette

dernière partie a pour objectif de présenter, en nous appuyant sur des exemples concrets, deux

politiques de gestion des milieux naturels, l’un de conservation (les parcs nationaux) et l’autre

de production (les forêts communautaires). Nous analyserons les logiques de ces politiques et

les conflits qu’elles suscitent. Le chapitre sur les parcs nationaux portera principalement sur

les conflits avec les populations locales liés à ces parcs : ce choix de faire porter la focale sur

les conflits s’impose tellement les conflits structurent ces espaces. Le dernier chapitre part

d’une des solutions trouvées pour résoudre les tensions liées par la dichotomie production-

conservation, à travers un projet pilote sur les forêts communautaires.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

275

Chapitre VI : Analyse des tensions

existantes aux périphéries des parcs

nationaux de la zone étudiée

Les parcs nationaux constituent, nous l’avons dit, la principale politique de gestion de

l’environnement gabonais. Exemple cité partout dans le monde, ces parcs ont été rendus

possibles par une politique très volontaire de la part du Président Omar Bongo. Mais, comme

nous l’avons montré, ces parcs ne sauraient être considérés indépendamment de l’histoire du

Gabon et de l’ensemble des mondes ruraux gabonais. Ce ne sont pas des territoires détachés

de leur milieu.

Trois types d’acteurs sont présents dans les milieux ruraux ogivins. D’abord, les populations

locales, qui vivent soit dans des petites villes, comme la Lopé, soit dans des villages, comme

ceux que nous avons présentés. Ensuite, on trouve les exploitants forestiers. Comme nous

l’avons déjà dit, les principales activités économiques présentent dans les territoires ruraux

ogivins sont forestières. Les autres acteurs économiques sont plus marginaux, comme par

exemple les entreprises touristiques, les chasseurs non locaux. Enfin, on trouvera les organes

chargés de la gestion des milieux : parmi ceux-ci, nous entendons bien sûr l’administration

(dont celle qui a une charge directe de gestion des milieux forestiers, les Eaux et Forêts), mais

aussi les acteurs de la conservation. Parmi les acteurs de la conservation, nous avons vu que

l’on compte l’Agence nationale des parcs nationaux, (ANPN), l’administration des Eaux et

Forêts (qui a un pouvoir de police) et les organisations non gouvernementales (principalement

le WCS et le WWF) à qui l’État gabonais a délégué la gestion des Parcs nationaux.

Les relations entre ces différents types d’acteurs sont le plus souvent conflictuelles, d’où

l’importance, dans ce chapitre, de l’analyse des conflits. Nous allons dans les trois sous

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

276

parties à suivre décrire les conflits liés à ces différents types d’acteurs, avant d’analyser leurs

conséquences et de voir quelles solutions sont actuellement explorées pour les résoudre.

1. Conflits Homme-faune

Les relations entre les animaux sauvages et les populations rurales en général, les agriculteurs

en particulier, sont une constante dans l’histoire rurale. Ces relations conflictuelles sont gérées

le plus souvent par la chasse et la destruction des habitats des animaux. Ainsi ces conflits ont-

ils considérablement diminués dans les pays où les mondes ruraux sont anthropisés. Pourtant,

ils se manifestent toujours dans les lisières, au niveau des frontières entre espaces cultivés et

forêts (ou toute autre zone qui peut servir de refuge à des animaux). Pour les animaux en effet,

les parcelles agricoles constituent une formidable source d’alimentation : le territoire d’un

animal n’est pas celui des hommes, et ce que les hommes considèrent comme une frontière

entre l’espace cultivé et l’espace forestier (même si ce forestier est cultivé) est utilisé par les

animaux comme une complémentarité (Poinsot, 2012). Ainsi en Europe la recrudescence des

aires protégées s’est-elle accompagnée d’une augmentation des destructions par les animaux.

On imagine aisément à quel point la multiplication des aires protégées ces dernières années au

Gabon, accompagné d’une législation très restrictive en matière de chasse, a eu comme

conséquence une augmentation très nette des conflits entre les populations locales et les

animaux. On entend par populations locales, celles qui résident de façon permanente dans une

localité donnée. Dans notre étude, il s’agit des villageois habitant aux périphéries des parcs

nationaux de la Lopé, de l’Ivindo et de Mwagné. Le mécanisme est le même que celui décrit

plus haut par Poinsot (2012) pour l’Europe : « la mise en réserve conduit à une plus forte

concentration en espèces animales sauvages que dans les zones non préservées, soit parce

que les preneurs de décision cherchent à maximiser la viabilité des populations sur des

espaces parfois réduits (Teel et al., 2010), soit parce que les animaux eux-mêmes décident de

trouver refuge dans ces zones (Tolon, 2007) » (Marchand, 2012 : 2). D’après le MEF et la

FAO, les causes des conflits Homme-faune résultent de trois principaux facteurs que nous

reprenons dans le tableau ci-après.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

277

Tableau 23 : Les facteurs qui sont à l’origine des CHF au Gabon

Facteurs humains Facteurs liés à l’habitat Facteurs liés à l’animal

responsable du conflit - L’expansion démographique

et ses corollaires,

- L’absence de plan

d’occupation de l’espace,

- La non-appropriation de la

ressource faunique par les

populations locales,

- La concurrence née entre

l’homme et les animaux sur les

sources alimentaires.

- L’exploitation minière,

pétrolière et forestière,

- L’expansion agricole,

- L’agriculture industrielle,

- L’intensification de la

cueillette des PFNL.

- L’état sanitaire et/ou

physiologique,

- Les préférences alimentaires,

- Les migrations,

- La crainte de l’homme,

- Le comportement prédateur.

Les facteurs humains, ceux liés à l’habitat et à l’animal responsable du conflit sont les

principales causes des conflits Homme-faune retenus dans la zone d’étude et dans les autres

villages. Toutes ces causes désignent les hommes comme les principaux auteurs des conflits.

En effet, « de manière générale, c’est la très forte pression anthropique sur les milieux

écologiques de la faune sauvage qui a modifié le comportement des animaux vis-à-vis des

humains et a ainsi conditionné un conflit naturel pour la survie entre les animaux et l’homme

avide et envahisseur (Oko, 2007) » (Mekui Biyogo, op. cit. : 14). Or, le fait que les villages

considèrent l’État comme le seul responsable des ressources fauniques et de leur conservation,

explique qu’ils vivent très mal les dégâts causés.

Les populations villageoises ont toujours cohabité avec les animaux et lorsqu’un animal

devenait nuisible, elles résolvaient le problème elles-mêmes en l’abattant. Cependant,

aujourd’hui avec les principes qu’imposent la conservation, cette cohabitation devient presque

impossible. La situation a atteint un tel point que pour les villageois les animaux sont devenus

des « favorisés ». Au cours de nos enquêtes et entretiens, les villageois avaient le sentiment

que les animaux comptaient beaucoup plus pour l’État qu’eux.

Page 279: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

278

1.1. Analyse des conflits Homme-faune

On peut faire, en fonction de leur impact sur les populations locales, une distinction des

conflits Homme-faune constatée dans les territoires autour des parcs nationaux étudiés. D’un

côté, il y a les conflits que l’on peut considérer comme directs et d’un autre côté les conflits

indirects.

1.1.1. Les principaux conflits directs

Les conflits directs sont ceux qui ont des impacts négatifs et directs sur les villageois et sur

leurs activités économiques. Ainsi, leur bien-être physique et économique s’en trouvent être

menacés. Même si depuis toujours les villageois tirent divers profits des animaux, mais

lorsque ces derniers deviennent une menace pour eux, il y a des tensions. Ces tensions

peuvent occasionner plusieurs dégâts peu ou très importants pour les villageois. Nous

illustrons quelques dégâts.

1.1.1.1. Mort et dommages corporels

Ce type de dégât est rare, mais parce qu’il se présente comme le plus redouté car mettant en

danger la vie des hommes, qu’il mérite d’être souligné : il a un impact psychologique fort. Les

hommes craignent tous de se faire attaquer par les animaux, surtout ceux qui sont dangereux.

Aux périphéries des parcs nationaux les animaux les plus dangereux qui attaquent et même

tuent occasionnellement les hommes sont les éléphants et les buffles. Pour ce qui est des

éléphants, ils peuvent attaquer les chasseurs, ou dans d’autres cas les touristes. Quant aux

buffles, ils sont très dangereux quand ils sont blessés. C’est à ce moment qu’ils peuvent

attaquer les hommes.

Ces conflits sont nous l’avons dit rares. D’après le rapport d’état de lieux des conflits

Homme-faune (Mekui Biyogo, 2010) quelques exemples de blessures humaines ont été

enregistrés à la Lopé. Entre 1996 et 2006 : un cas, s’agissant des éléphants et plus de deux cas

entre 2005 et 2009, s’agissant des buffles. Lorsqu’un homme est blessé ou tué par un animal,

les populations le vivent très mal ; cela ne contribue qu’accroître la polémique qu’engendrent

les conflits Homme-faune.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

279

1.1.1.2. Destruction des cultures

Parmi les conflits directs opposant les hommes aux animaux, c’est la destruction des cultures

qui est le plus rependu. De nombreuses études montrent qu’en Afrique en général et au Gabon

en particulier la destruction des cultures est la principale raison des conflits Homme-faune.

Les dévastateurs des cultures villageoises sont particulièrement les mandrills, éléphants,

hérissons, oiseaux, buffles. Mais, chacune de ces espèces endommagent différemment les

cultures.

Ce sont les éléphants qui sèment plus le trouble chez les villageois parce qu’à leur passage

une grande partie des cultures est détruite. Les éléphants n’ont pas besoin de beaucoup de

temps pour détruire complètement un champ. En fonction de leur nombre (petit groupe pour

les mâles, grand groupe pour les femelles), les éléphants peuvent détruire rien qu’à un seul

passage de grandes surfaces cultivées. En outre, la rapidité d’exécution n’est pas un élément

essentiel pour les éléphants : nous avons assisté à une dévastation dans un village proche de la

Lopé qui a duré plus de 36 heures : les éléphants ayant fini par comprendre que les villageois

ne pouvaient leur tirer dessus, ils ont consciencieusement mangé les champs, menaçant de

charger les agriculteurs qui essayaient vainement de défendre leurs cultures. Une illustration

est faite dans la photo ci-dessous.

Photo 3 : Attaque d’un champ de Manioc par un éléphant

Cette photo montre un éléphant attaquant un champ de manioc.

Page 281: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

280

Les attaques de Mandrill sont plus impressionnantes encore, car elles peuvent concerner plus

de 200 individus en une seule fois : tel un nuage de criquets. Les Mandrills (eux aussi

protégés) dévastent les cultures en quelques minutes.

Aux périphéries des parcs, les prédateurs détruisent toutes les cultures que plantent les

villageois. Pour les éléphants les cultures vivrières (banane, manioc, maïs, canne à sucre) sont

celles qui les attirent le plus. Elles attaquent aussi les cultures de rente. Le fait que les

animaux comme les éléphants détruisent les cultures nuit considérablement au développement

socio-économique des villageois, en ce sens que leur production agricole est menacée. La

destruction des cultures par les animaux se fait de plusieurs manières : les animaux arrachent,

consomment, piétinent ou déracinent. Un exemple de dévastation des cultures est montré sur

la photo qui suit.

Photo 4 : Un champ de manioc après le passage des éléphants

Constat fait par une agricultrice au lendemain du passage des éléphants dans son

champ, près du village de Makoghé. Les tubercules de manioc plantés il y a sept mois

ont été déracinés. Cela a profondément attristé l’agricultrice.

1.1.1.3. D’autres dégâts

Les conflits Homme-faune sont aussi dus aux transmissions de maladies des animaux vers les

hommes. Il s’agit des maladies graves pouvant entraîner la mort humaine. Ebola est bien

entendu la maladie la plus courante. La fièvre hémorragique Ebola est une maladie rare mais

très grave. Sa présence a été observée au Gabon en 1994, 1996, 1997, 2001 et 2002,

occasionnant de dizaines de décès à chaque vague d’épidémie. Le virus Ebola se transmet de

l’animal à l’homme par le canal de l’alimentation. Il est mentionné que ce sont soit les

Page 282: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

281

animaux morts, soit les fruits contaminés (chauves-souris frugivores) qui transmettent la

maladie à l’homme. Ensuite la maladie se transmet de proche à proche.

Ces maladies sont présentées ci-dessous.

Tableau 24 : Zoonoses présentes au Gabon

ZOONOSE FREQUENCE GRAVITE PRESENCE AU GABON

Brucellose ++ +++ Oui

Charbon ++ ++ Oui

Fièvre jaune + ++++ Vaccination

Psittacose + +++ Oui

Rage + ++++ (Oui)

Salmonelloses +++ ++ Oui

Tuberculose + +++ Oui

Ebola + ++++ Oui

Source : Dr Ibrahim Wora Salami (2009)

Echelle d’intensité : + correspond à faible ; ++++ correspondent à très fort

Les clôtures, les habitations ou les campements abîmés d’une part, les provisions détruites

d’autre part, font partie des dégâts qui alimentent les conflits directs entre Homme et faune.

La destruction de ces biens par les animaux (éléphants surtout) désole les populations

villageoises.

1.1.2. Les principaux conflits indirects

Ce sont des conflits qui n’affectent pas directement les villageois, mais qui impactent

négativement leur vie. La limitation des mouvements nocturnes et la psychose chez les

populations locales figurent parmi ces conflits indirects.

1.1.2.1. Limitation des mouvements nocturnes

Très proches des parcs nationaux comme la Lopé, il est conseillé de ne pas sortir la nuit. La

plupart des accidents surviennent pendant la nuit. Ainsi est-il risqué pour les villageois de se

déplacer la nuit pour se rendre par exemple dans un village voisin ou dans un autre lieu du

village. Habituellement, les villages ne sont pas éclairés et les zones dangereuses sont

nombreuses.

Page 283: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

282

Les villageois savent que les déplacements nocturnes sont très dangereux, même s’ils sont

conscients qu’ils peuvent se faire attaquer par des animaux pendant la journée. Face à cette

situation, ils prennent, quand cela est possible, leurs précautions et essaient de rester dans les

habitations pendant la nuit. Mais les accidents surviennent toujours lors des cas exceptionnels.

1.1.2.2. La psychose chez les populations locales

Lorsqu’une agression par un animal est récemment survenue, on observe une psychose chez

tous les villageois. Cette psychose peut également entraîner la limitation des mouvements que

nous venons d’illustrer plus haut. Mais, la limitation des mouvements peut aussi se manifester

dans la journée. Les enfants et les parents peuvent respectivement diminuer leur assiduité à

l’école ou en brousse (chercher du bois ou à manger) ou à la rivière (chercher de l’eau), quand

la psychose plane dans le village. De même, le fait que les villageois restent plusieurs nuits à

surveiller leurs champs (comme c’est le cas des habitants de Kazamabika, Makoghé et de

Mikongo) les expose aussi au paludisme, car les moustiques ont le temps de les piquer toutes

les nuits.

Face à cela, les villageois n’ont pas grand-chose à faire pour se protéger, surtout lorsqu’ils

sont face aux animaux totalement protégés tels que les buffles et les éléphants. Lorsqu’il y a

un accident dans un village proche d’un parc, le conservateur du parc concerné ainsi que les

agents des Eaux et Forêts se rendent sur les lieux. Mais, dans la plupart des cas leur présence

n’apporte rien de concret comme solution : ils dressent un constat, qui est adressé aux

instances administratives, sans qu’il n’y ait jamais de suite. Les villageois ne sont pas

autorisés à tuer un animal agressif, seuls les agents des Eaux et Forêts sont tenus de le faire.

1.2. Les espèces et les lieux privilégiés des conflits

Les espèces animalières qui sont constamment à l’origine des conflits Homme-faune dans les

villages étudiés comme dans les autres villages gabonais sont particulièrement les éléphants,

les primates, les rongeurs, les ongulés et les oiseaux. Mais chez les villageois les dégâts

qu’occasionnent les animaux n’ont pas la même importance selon les espèces. Ainsi,

l’importance des dégâts causés favorise le degré d’hostilité que les hommes ont envers les

animaux.

Page 284: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

283

Les écosystèmes forestiers étant perturbés par les habitations et activités humaines (forestière,

minière, agricole, pétrolière et agro-industrielle) favorisent le déplacement incessant des

animaux. Le fait de changer constamment d’habitat naturel leur conduit à détruire tout ce

qu’ils rencontrent sur leur passage. De plus quand les animaux manquent de ressources, ils se

confinent dans les aires protégées qui sont des milieux naturels peu troublés, ou soit vont

ailleurs pour se procurer à manger. Ainsi, les cultures situées dans leurs couloirs de

migrations sont endommagées. Dans d’autres cas, le comportement des animaux sont à

l’origine des conflits Homme-faune. En effet, lorsque le buffle est par exemple blessé ou

déstabilisé dans son milieu naturel il devient agressif ; il en est de même pour la femelle de

l’éléphant quand elle est avec son petit.

L’étude de Mekui Biyogo (2010) a montré que dans le Complexe d’Aires Protégées de

Gamba (CAPG), les éléphants sont responsables de 52 % des dégâts causés sur les cultures ;

que les primates tels que les gorilles sont comptables de 13 % des dégâts causés sur les

cultures ainsi que leurs semblables les chimpanzés de 7 %. Mais les rongeurs restent ceux

dont l’impact est le plus important : ils réduisent jusqu’à 30 % la production annuelle. À la

Lopé, les chiffres sont sensiblement les mêmes. Ce sont des « aires à forte densité de

conflits » (MEF et FAO, 2010 : 7). Ainsi, « dans le Parc National de la Lopé et sa périphérie,

Lenguiesse (2009) a montré dans son étude que les éléphants sont les animaux les plus

dévastateurs des champs (51 %), suivis des mandrills (28 %). Les dégâts causés par les

autres espèces (les rongeurs : 21 %) ne sont pas négligeables. Les déprédations ont lieu juste

avant le début de la saison sèche ; période correspondant à la baisse des fruits en forêt et au

début de la récolte dans les plantations. Cette tendance corrobore plus ou moins avec celle

trouvée par Walker en 2007 » (Mekui Biyogo, op. cit. : 11). D’autres milieux à fortes densité

de conflits sont également « les concessions forestières sous aménagement durable (CFAD)

où des efforts de conservation sont effectifs » (MEF et FAO, idem). Dans ces milieux, les

dégâts causés par la faune hautement représentée par les éléphants réduisent considérablement

la production agricole. Ceci est l’une conséquence négative directe de l’action des animaux

sur les cultures humaines.

Les cultures souvent attaquées par les animaux sont la banane, le maïs, le manioc, la canne à

sucre, les mangues, le gombo, l’ananas, le taro, etc. Cependant, les cultures endommagées par

exemple par les éléphants varient dans le temps et dans l’espace. À travers l’étude de Parker

et al. (2007), les manières dont les éléphants détruisent les cultures sont différentes selon les

Page 285: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

284

lieux et les moments. « Ainsi, l’endommagement des cultures se produit souvent dans les

zones proches des frontières des aires protégées et ont tendance à se raréfier quand on s’en

éloigne. Les éléphants des aires protégées vont attaquer les cultures les plus proches de la

réserve car le risque de détection y est plus faible » (Parker et al., op. cit. : 23). .

1.2. Les conséquences et gestion des conséquences des conflits Homme-

faune

Habituellement, les animaux endommagent les cultures quand elles sont matures. Les

éléphants particulièrement aiment naturellement les plantes issues de la famille des graminées

(le maïs), car leurs fruits et graines leur sont très nutritifs. La forte capacité des éléphants à

manger un peu de tout se justifie par le fait qu’ils ont développé un comportement alimentaire

largement varié. En dehors des saisons de maturité, les cultures sont couramment

endommagées la nuit.

Un grand nombre de conflits a été signalé à l’intérieur et autour des aires protégées, tels que

les régions proches des parcs nationaux de la Lopé et de l’Ivindo. Une étude a permis, pour

l’année 2009, de calculer le manque à gagner pour les villageois dans le cas de trois villages

que sont Koumameyong (sur la route de Makokou), Mbess et Minton, tous situés à la

périphérie des parcs nationaux de l’Ivindo et de Minkébé.

Tableau 25 : Estimation du manque à gagner des populations victimes

Cultures Rendement à

l’hectare (t)

Superficie

endommagée

(ha)

Quantité

perdue

(t)

Prix unitaire

(Fcfa/t)

Manque à

gagner (Fcfa)

Maïs 2 7 14 250 000 3 500 000

Manioc 3 14,36 43,08 350 000 15 078 000

Banane 7 7,70 53,9 300 000 16 170 000

Canne à sucre 3 5,95 17,85 150 000 2 677 500

Source : Mekui Biyogo, op. cit. : 12

Lorsque la récolte est réduite, les familles se retrouvent sans provision et des pertes

économiques sont aussi constatées. Pour des agriculteurs habitués à vendre leurs produits, la

dévastation de leurs cultures traduit un manque à gagner de 37 425 500 FCFA pour ces trois

villages – soit une grande partie de leurs ressources tirées de l’agriculture. Or, comme nous

l’avons dit dans le précédent chapitre pour ce qui est du manioc uniquement, le revenu moyen

Page 286: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

285

annuel d'un cultivateur est de 1 284 442,5 FCFA. Pour les trois villages, l’estimation fait sur

le manque à gagner des cultures endommagées est très significative.

L’autre conséquence de ces attaques est le sentiment d’abandon qu’elles engendrent chez les

villageois. Ceux-ci ne bénéficient en effet d’aucune indemnisation : la loi est particulièrement

floue, puisque c’est tantôt l’État qui doit indemniser les victimes de dégradation, tantôt les

ONG gestionnaires de ces espaces. Pourtant, le décret qui fixe le montant des indemnisations

des villageois a essayé de résoudre la situation en précisant les responsabilités des

dégradations:

« Indemnisations dues par les organismes protecteurs de la nature et gestionnaires des

parcs naturels et par les propriétaires d'animaux domestiques en raison des destructions

causées par les animaux protégés et ceux dont ils ont la charge ». Décret

n°1016/PR/MAEPDR du 24 août 2011 fixant le barème d’indemnisation à verser en cas

de destruction volontaire de cultures, de bétail, de bâtiments d'élevage, d'étangs piscicoles

ou de ressources halieutiques.

Les organismes protecteurs de la nature, au premier rang desquels les ONG, ou les

gestionnaires de parcs nationaux, peuvent être rendus responsables des dégradations causées

dans les cultures par les animaux protégés. En outre, ces animaux sont protégés par la loi

gabonaise, et non par les ONG dont le rôle se borne à fournir un appui technique aux services

de l’État. De ce fait, le Décret pose plus de problème qu’il n’en résout car les organismes se

renvoient la responsabilité des indemnisations qui, pendant ce temps, n’arrivent pas aux

agriculteurs. Le meilleur moyen pour les agriculteurs est encore de ne pas avoir de

dégradations.

1.3. Les moyens utilisés pour résoudre les conflits

Au Gabon comme dans les autres pays d’Afrique centrale, « il existe peu de législation sur les

CHE86

et les ressources pour les gérer sont limitées » (Parker et al., op. cit. : 13). La

déficience des textes institutionnels et des finances quant à la résolution des conflits n’est pas

propre aux CHE, les conflits entre les hommes et les autres espèces animales sont aussi

concernés. De même, l’absence de capacités techniques limite la gestion des conflits. En dépit

de ces défaillances, pour résoudre les conflits Homme-faune, il existe globalement des

86

Conflit Hommes Éléphant

Page 287: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

286

méthodes traditionnelles et les méthodes conventionnelles. Quelques méthodes villageoises de

lutte contre la dévastation des animaux sont présentées ci-après.

La première technique consiste à zoner les espaces en évitant d’implanter des cultures là où

les animaux se rendent le plus souvent : ainsi, les cultures situées le long des routes de

migration des éléphants sont particulièrement susceptibles d’être détruites. C’est pour cette

raison que les conservateurs des parcs encouragent les villageois à identifier ces routes

migratoires afin d’éviter d’y mettre les cultures. De même, les champs situés près des sources

sont susceptibles d’être dévastés parce que « les éléphants dépendent de l’eau et là où elle est

limitée, le potentiel des conflits est élevé » (Parker et al., op. cit. : 24). Il arrive aussi que

l’apparition des fruits sucrés, des plantes grimpantes épaisses aimés par les éléphants les

conduisent inévitablement vers les cultures.

L’autre technique consiste à protéger les cultures (planche suivante). Traditionnellement, les

villageois utilisent tout ce qu’ils ont en leur possession pour lutter contre les dégâts des

animaux. Les battements des tambours ou de boîtes de conserves, les divers types de

barrières, et même le feu, sont les principales méthodes villageoises de lutte contre les

dommages animaliers. Mais ces méthodes sont fortement archaïques, voire dérisoires au

regard des capacités destructrices des animaux. En outre, les animaux s’y accoutument.

Page 288: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

287

Planche 9 : Différents matériaux utilisés contre l’intruison des animaux autour du parc

de la Lopé

Afin d’aider les villageois, les agents du MEF ont également mis en place quelques méthodes

conventionnelles. Parmi ces méthodes figurent l’abattage d’animaux à problèmes. Selon les

articles 196 et 201 de la loi 016/01 du code forestier gabonais, les animaux à problèmes ne

peuvent être tués que par les agents du MEF que si au préalable une enquête a été faite. De

plus, la contribution des ONG à la résolution des conflits Homme-faune a aussi été un moyen

de mettre en œuvre des méthodes conventionnelles pour lutter contre les conflits. Par cette

À gauche : Une barrière faite de tôles près d’une habitation à la Lopé permet de protéger les cultures.

À droite : Un jardin combinant manioc et banane situé près de la gare de SETRAG (Lopé) est entouré d’une barrière

de bois.

Cette forme de barrière composée de boites de conserves vides est faite par les agriculteurs du village de Makoghé

pour lutter particulièrement contre les éléphants. Cet ensemble de boites reliées les unes avec les autres à l’aide

d’une ficelle fera un grand bruit quand s’approchera un éléphant. Cela lui fera croire qu’il y a des gens dans le champ.

Il aura alors peur et prendra la fuite. Mais ce genre de protection fonctionne assez mal.

Page 289: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

288

occasion, le WWF-Gamba a mis en place une expérience dans le CAPG (Complexe d’Aires

Protégées de Gamba) en collaboration avec les villageois. Cette expérience visait

essentiellement l’endommagement des cultures par les animaux.

Depuis une dizaine d’années, le programme WWF-Gamba accompagne les populations

villageoises. Beaucoup d’agriculteurs se sont rassemblés pour concentrer leurs efforts afin

d’être plus efficace pour tester les différents outils qui leur étaient présentés. À cet effet, les

villageois ont construit des barrières électriques fixes ou mobiles autour des plantations. Ce

type de barrière est très coûteux et demande à être entretenu. La construction des campements

permanents autour des champs est aussi un autre type de méthode permettant aux villageois

de monter la garde. Il a également été demandé aux villageois d’éloigner certaines cultures de

leurs champs, et d’abattre les arbres fruitiers existants autour des champs et habitations. Cette

méthode présente ses limites parce qu’elle réduit considérablement les revenus agricoles des

villageois. En effet, la banane constitue une culture très rentable pour les villageois qui ne

peuvent pas l’éliminer de leurs champs à causes des éléphants.

Une étude comme celle de Walker (2000) a montré que dans certains sites, c’est le manioc qui

doit être banni des champs à cause des mandrills et des hérissons, ou bannir d’autres sites la

canne à sucre à cause des chimpanzés. En définitive, ces méthodes ne sont pas très efficaces

parce qu’elles demandent aux villageois d’investir pour obtenir et maintenir les barrières

électriques d’une part, de rompre avec leurs habitudes alimentaires d’autre part. Car, les

cultures sont plantées pour répondre aux besoins (alimentaires et financiers) des villageois. De

plus, proscrire certaines plantes des champs peut entraîner une insécurité alimentaire dans les

villages.

Face aux conflits Homme-faune, d’autres initiatives en vue de les résoudre sont nées. C’est en

effet à l’échelle sous-régionale, que le RAPAC collaborant avec le WWF-CARPO, en 2008 a

mis en place une stratégie qui a conduit à synthétiser les conflits dans la sous-région, ce qui a

également permis de mettre en œuvre une méthode régionale pour lutter particulièrement

contre les attaques des éléphants. Faisant suite à cette méthode, quelques recommandations

ont été énumérées :

« Améliorer le cadre légal et institutionnel,

promouvoir l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’affectation des terres,

capitaliser les connaissances acquises sur ces conflits,

Page 290: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

289

intégrer la dynamique sociale et économique,

mettre en œuvre des techniques d’atténuation des impacts,

élaborer et mettre en œuvre un plan d’action national pour chaque pays

membre du RAPAC. » (Mekui Biyogo, op. cit. : 20).

C’est en s’appuyant sur cette méthode issue de la collaboration du RAPAC avec WWW-

CARPO que la stratégie nationale des conflits Homme-faune fut élaborée. La stratégie

nationale du CHF s’appuie sur huit axes distincts qui ont toutes pour objectif de résoudre les

CHF. Ainsi, la vision est qu’« à l’horizon 2016, les conflits Homme-faune soient atténués en

vue de concilier la conservation de la faune et la sécurité alimentaire, et lutter contre la

pauvreté au Gabon » (MEF et FAO, op. cit. : 9). Ces huit axes définis par MEF et FAO sont :

«

1- Gérer de façon efficiente les animaux responsables des conflits ;

2- Promouvoir les pratiques adaptées de protection des cultures contre les animaux à

problème ;

3- Renforcer les capacités techniques des parties prenantes dans la gestion des

CHF ;

4- Diminuer la compétition entre l’homme et la faune sauvage pour les ressources

naturelles ;

5- Gérer efficacement les espaces agraires pour atténuer la déprédation des cultures

et du bétail et favoriser l’intensification de la production agricole et piscicole ;

6- Intégrer la conservation de la faune dans la dynamique sociale et économique des

communautés locales ;

7- Elaborer les plans d’affectation des terres pour prévenir les conflits ;

8- Renforcer le cadre législatif, réglementaire et institutionnel sur les CHF ».

De façon pratique, la stratégie nationale CHF est constituée d’un ensemble de projets dont la

mise à exécution dépend en majorité du financement. D’après les informations obtenues, le

projet démarrera à Gamba, dans la zone de Moukalaba, parce qu’il y a beaucoup de conflits

notamment avec les pétroliers. Pour l’instant la zone de la Lopé où les habitants se plaignent

régulièrement des CHF n’est pas priorisée, parce qu’elle n’est pas la seule à connaître ce

problème. L’horizon visé par la stratégie est 2016, mais aujourd’hui (fin 2012) rien à encore

commencé faute de moyens financiers. Le rapport sur la stratégie indique un budget

approximatif de dix milliards de FCFA, repartis inégalement selon l’importance des projets

Page 291: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

290

établis autour des huit stratégies. Même si cette estimation budgétaire repose sur une réalité

d’anciens projets réalisés par ECOFAC, Cartographie participative, DACEFI, etc., elle est

énorme. Il s’avère que c’est un financement difficile à trouver. De plus, cette stratégie ne peut

aboutir s’il n’y a pas une ressource humaine formée et expérimentée pour mener à bien ces

projets. On est encore loin de la concrétisation de cette législation.

La résolution des CHF passent par plusieurs acteurs. En dehors des villageois que nous avons

amplement illustrés, les opérateurs privés (entreprises forestières, minières, pétrolières, agro-

industriels), les ONG, les organismes partenaires (FAO, COMIFAC, UICN, ANPN, RAPAC,

etc.) et les ministères des Eaux et Forêts, de l’Environnement et du Développement durable,

de l’Intérieur, de la Santé, de l’Aménagement du territoire, de la Recherche scientifique, etc.

sont tous concernés pour résoudre les conflits observés dans le monde rural gabonais. Il est

aussi vrai qu’il va falloir commencer dans les zones sensibles où les CHF sont les plus élevés.

La conséquence directe des attaques des animaux est, nous l’avons dit, la rancune des

populations locales à l’égard de l’État et de ses représentants ou délégataires locaux, les

organisations non gouvernementales et les agents des Eaux et Forêts. Les conflits autour des

parcs nationaux ont cependant d’autres racines, plus larges encore.

2. Conflits entre villageois et agents des parcs nationaux

Les conflits qui entourent les parcs nationaux sont communs partout dans le monde. En effet,

les villageois qui habitent aux périphéries des parcs devaient dorénavant se priver de certaines

ressources qu’ils utilisaient et lieux fréquentés à cause des restrictions qu’impose la

conservation.

Au Gabon, ces conflits prennent une tournure particulière du fait de l’importance de l’État

dans la génération des dégâts (au travers de sa politique de conservation) et de son absence

dans sa résolution. D’où des incompréhensions qui conduisent parfois à des conflits.

2.1. Manifestations des conflits

La décision d’implantation des parcs nationaux au Gabon a été prise, nous l’avons dit, de

manière assez autocratique par le Président de la République. Sans contestation en amont, et

Page 292: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

291

sans doute en considérant que ces espaces étaient vides de populations locales, le Président a

décidé de consacrer 11 % du territoire national aux aires protégées.

Da manière logique, l’une des premières actions qui a suivi cet acte fondateur a été de

procéder à la délimitation des parcs. C’est bien évidemment là que les conflits sont apparus :

les agents de la conservation empiétaient souvent sur les domaines villageois, puisque les

limites des parcs étaient souvent remaniées. Par exemple, la superficie du Parc de la Lopé à

plusieurs fois été revue. Se sentant réduites dans leur espace, absentes des processus de

décision, les populations ne pouvaient rien faire face à cela. C’est pour quoi lorsque les CHF

devenaient récurrents dans ces villages périphériques aux parcs nationaux, les populations

manifestaient leur colère.

Les conflits observés entre les villageois et les agents de conservation provient des impacts de

la conservation sur les villageois, leurs habitations et sur leurs activités. Nous l’avons vu lors

de l’illustration des CHF. Ces conflits grandissant à travers la conservation favorisent les

tensions entre les villageois et les agents de la conservation. Or non seulement ces populations

ne sont pas indemnisées, mais elles ne voient pas les bienfaits de la conservation dans leurs

milieux. Des 144 chefs de familles interrogés, cinq seulement avaient une activité directement

liée aux parcs nationaux : deux seulement sont des éco-guides, deux autres travaillent dans le

parc et 1 seule fait de l’écotourisme à titre personnel et la considère comme sa principale

activité. Détail important : ces personnes profitant de la présence du parc notamment celui de

la Lopé ne sont pas toujours natifs de ces régions périphériques aux parcs. Le problème des

parcs nationaux prend alors la forme d’un problème autochtone / allochtone, ressort toujours

facile à activer des dévastateurs.

Ce sont les conflits Homme-faune et les restrictions issues de la conservation qui sont en

général à l’origine des conflits entre agents de la conservation et populations villageoises.

Lors de nos enquêtes nous avons posé quelques questions en rapport avec la conservation. Il

s’agissait de voir par exemple si les villageois sont d’accord pour la création des parcs et

quelles sont leurs rapports avec les agents de la conservation afin de déceler s’il y a tensions

ou pas. Le graphique ci-après met en exergue les réponses données par les villageois à la

question qui leur étaient posée.

Page 293: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

292

Graphique 17 : Acceptation du parc national

Les réponses obtenues sont étonnantes. Comme tendrait à le montrer l’histogramme qui

reprend les réponses de la question « êtes-vous d’accord avec la création du parc ?», 45 chefs

de famille sont d’accords avec la création du parc de la Lopé qui contrairement aux autres

parcs nationaux auxquels nous nous intéressons est très proche des villageois. Moins de dix

chefs de famille interrogés dans les périphéries des parcs de l’Ivindo et de Mwagné ne sont

pas d’accord avec la création du parc. Ces villageois vivent très loin de ces parcs et ne vivent

pas la même situation que les villageois habitant autour de la Lopé. De même, parmi ces chefs

de familles, il y a eu plus de résignés qu’à la Lopé.

Cependant, les arguments que les villageois donnent en faveur des aires protégées amène à

penser qu’il peut y avoir un biais méthodologique. Nous avons cependant constaté beaucoup

d’hésitations pour justifier le « non » donné par les 7,64 % des villageois. La peur de

s’exprimer, de donner son avis se faisait ressentir lors de nos enquêtes. Cet histogramme

illustre les réponses obtenues.

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

Oui Non Résignés

Lopé Ivindo, Mwagné

Page 294: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

293

Tableau 26 : Réponses données à la question : Etes-vous d’accord avec la création du

parc ?

Type de réponses Nombre de

citations

Pourcentage

On n’a pas le choix 8 5,5 %

Oui, parce que la conservation

est une richesse pour le pays

79 54,86 %

Oui, en partie 3 2,03 %

Non 11 7,64 %

Aucune idée 37 25,69 %

Je ne suis pas du coin 6 4,17 %

Total 144 100 %

Ce tableau permet de comprendre un peu mieux les situations. 54,86 % des villageois

interrogés dans la zone d’étude après avoir dit qu’ils sont d’accords avec la création des parcs

nationaux ont également renchérit en montrant le bien-fondé de la conservation. Les

arguments utilisés reprennent ceux développés par l’État. Après information et sensibilisation

lors de la création des parcs, ils comprennent bien les enjeux de la conservation. Mais on

perçoit, dans le caractère assez stéréotypé de ces réponses qu’ils sont peu enclins à donner

leur avis sur le fait que ces parcs doivent exister ou pas. Cela va plus loin encore quand on

demande de justifier les réponses (histogramme suivant).

Graphique 18 : Arguments développés en faveur ou contre le parc national

C’est lorsqu’ils justifiaient leurs réponses, que nous nous sommes aperçus que près de 41 %

des habitants autour de la Lopé, Ivindo et Mwagné ne donnaient pas d’argument pour ou

0

5

10

15

20

25

30

35

Lopé

Ivindo, Mwagné

Page 295: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

294

contre le Parc (NS, Ne sait pas). Les villageois habitant près du parc de l’Ivindo n’ont pas

signalé les conflits Homme-faune, la protection nature / développement et l’apprentissage

pour expliquer leurs choix. Presque toutes les réponses données, lorsqu’elles étaient

affirmatives montraient l’enjeu que représente la conservation au Gabon. Lorsque les

réponses étaient négatives, leurs justifications faisaient allusion au fait qu’ils ne tirent pas

profit de la conservation.

2.2. Quelques raisons des conflits entre villageois et agents de conservation

Il y a sans doute plusieurs raisons qui expliquent les conflits constamment observés entre les

populations locales et les agents de la conservation. Mais, nous n’en retiendrons que deux que

nous estimons être fondamentales.

2.2.1. Les parcs nationaux, un projet inopiné

La création soudaine de treize parcs nationaux n’a pas tenu compte des réalités du terrain.

Une étude au préalable englobant les aspects social, économique et culturel, aurait dû être

faite avant de prendre la décision de créer d’un seul coup les treize parcs. La création des

parcs nationaux au Gabon révèle des insuffisances que l’on peut observer à partir de

l’organigramme de l’ANPN (cf. annexe 1). En plus de ce qui a été dit dans le chapitre 3 sur la

manière dont les parcs ont été créés, nous nous appesantissons sur l’organigramme de

l’ANPN dans lequel quelques carences sont observées.

L’ANPN dispose de trois organes de fonctionnement pour réaliser ses missions : le comité de

gestion, le secrétariat exécutif et l’agence comptable :

­ Le comité de gestion représente l’organe délibératif de l’ANPN. Il est composé de

quinze membres partagés en deux collèges. Il y a d’un côté le collège des pouvoirs

publics et de l’autre côté le collège des partenaires. Ces deux collèges sont dirigés par

un président. Le comité a pour rôle de fixer les orientations et de s’assurer de

l’exécution de ces orientations (en termes de travail, projets à faire). C’est le comité

qui valide les budgets et en fin d’année contrôle si le budget a été bien géré. Le comité

de gestion a aussi un regard sur la gestion administrative et financière du secrétariat

exécutif. C’est lui qui définit le règlement intérieur de l’ANPN, approuve les plans de

gestion et les tarifs d’entrée dans les parcs.

Page 296: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

295

En principe, parmi les membres constituant le comité de gestion il devrait avoir un

représentant de la population. Mais, il n’y en a pas, peut-être parce qu’il n’existe pas à

la base des critères de désignation d’un représentant de la population. Ainsi, l’absence

du représentant de la population est un handicap dans la mesure où lorsque le comité

prend des décisions il n’a pas l’avis de ce représentant qui pourrait apporter des

doléances de la population. Un représentant de la population permettrait un

assouplissement quand les décisions sur la conservation sont considérées rudes et peu

bénéfiques à la population. Cela ne serait cependant pas suffisant : il faudrait s’assurer

que, cette personne remplisse son rôle de représentant – ce qui implique la mise en

place de politiques représentatives auxquelles le monde rural gabonais est peu

familier, comme nous le verrons dans le chapitre suivant.

­ Le secrétariat exécutif représente l’organe d’exécution de l’agence. C’est lui qui

assure le fonctionnement quotidien de l’agence. Le secrétariat exécutif dirigé par un

secrétaire exécutif et son adjoint a aussi des conseillers. Ce secrétariat a pour mission

de concrétiser tout ce que le comité de gestion a arrêté comme plans de gestion, de

travail, d’affaires de l’agence et des parcs qu’elle gère. Le secrétariat exécutif est

composé d’une :

Direction technique qui s’occupe des actions de conservation (connaissance des

ressources, aménagements et suivis écologiques). C’est elle qui est chargé de

savoir ce qu’il y a comme ressources dans les parcs. Elle gère, surveille et préserve

les ressources. C’est également elle qui fait de la répression.

Direction de la communication qui permet d’informer, de valoriser et de

promouvoir les richesses biologiques des parcs. Elle prend également en compte la

formation et la promotion des richesses pour le tourisme auprès des opérateurs

touristiques. La direction de la communication travaille aussi avec la population,

considère ses avis dans le but de trouver les alternatives aux répressions qui leur

sont imposées. C’est le partenaire de la population.

Direction administrative et financière qui entreprend deux principales actions. Elle

gère d’un côté les finances de l’ANPN et de l’autre côté gère les ressources

humaines de l’agence (recrutement, organisation de l’organigramme, etc.).

Direction des Opérations dont l’objectif est d’acquérir la logistique (voitures,

ordinateurs, etc.) et d’assurer la maintenance, l’entretien de l’agence, etc.

Page 297: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

296

En définitive, d’après les informations obtenues, la direction technique est composée à

plus de 90 % des agents des Eaux et Forêts qui sont beaucoup plus des gendarmes

qu’autre chose. Leur rôle principale est d’assurer la protection des ressources et non de

négocier avec la population. Il a donc été remarqué qu’il y a beaucoup de zèle lorsque

ces agents font des répressions, ce qui fâche la population et fait naître des tensions.

Or, un mélange de formation et de profils des agents de la conservation ferait que les

tensions entre les villageois et ces agents diminuent.

En principe, lorsque les parcs nationaux ont été créés et que l’agence était sous la tutelle du

MEF, le schéma qui avait été fait, disait qu’il devait avoir un conservateur à la tête d’un parc

(profil conservateur des ressources en tant qu’agent des Eaux et Forêts), suivi d’un

responsable de formation, d’éducation et de développement communautaire (profil

réconciliateur), puis d’un responsable de surveillance (profil surveillant) et d’un responsable

du tourisme (parce que le parc a aussi un caractère touristique). Mais aujourd’hui, il n’en est

pas ainsi. On retrouve actuellement dans les parcs un conservateur et son adjoint ayant la

même formation, celle des Eaux et Forêts. N’obéissant plus à l’ancien schéma dont le but était

d’atténuer les conflits, les deux principaux agents du parc ont les mêmes compétences et par

ricochet les mêmes incompétences aussi. Cette situation participe à alimenter les conflits,

puisqu’il n’y a personne qui se place comme médiateur entre la population et l’ANPN.

­ L’agence comptable enfin, assure la gestion financière de l’agence. Elle vérifie si les

dépenses ordonnées par le secrétariat exécutif ont été prévues et si elles correspondent

au budget alloué. Elle encaisse également les recettes et paie les dettes.

En regardant l’organigramme, l’accent n’est pas réellement mis sur l’aspect social, ce qui

amènerait à considérer les populations habitant aux périphéries des parcs. Pour l’instant ce

n’est que la conservation qui se fait. De plus, il n’existe pas de plans d’aménagements des

parcs, sauf celui de la Lopé. L’absence de ces plans d’aménagements montre la difficulté qu’il

y a à définir de façon concise les zones périphériques aux parcs. Cela permettrait de tenir

compte des populations environnant les parcs et de voir leur impact sur la conservation ou

l’impact de la conservation sur les populations.

Page 298: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

297

2.2.2. Absence ou insuffisance de textes juridiques

Comme pour le cas des conflits Homme-faune, l’absence ou l’insuffisance des textes

juridiques montrent aussi que les parcs nationaux sont un projet inopiné. Cette carence

contribue à alimenter les conflits et à limiter la conservation. Cependant, le gouvernement

gabonais a montré sa volonté à faire de la gestion environnementale sur son territoire par la

révision des textes, l’adoption de la Loi sur les parcs nationaux (2007), des réglementations

fermes pour protéger la faune et la flore. Il existe un dispositif législatif et réglementaire

favorable à la conservation de façon générale. Mais, dans ce dispositif sont constatées des

manquements et des incohérences le limitant. « Cette distorsion s’explique en partie par les

difficultés pour traduire des volontés régionales dans les textes nationaux et plus

concrètement dans leur application locale » (Silva/Riat, 2007 : 46). Ainsi, l’absence ou

l’insuffisance des textes juridiques (décrets et arrêtés) réduit la portée sur la loi relative aux

parcs nationaux.

En effet, la loi ne définit pas réellement les notions de communautés locales, de populations

forestières. Leur statut n’est pas définit non plus (Silva/Riat, 2007). De même, « l’absence de

clarté et de précisions dans la définition des droits d’usages consentis aux populations

riveraines, est source de malentendus lors de la mise en application des textes. Il en est de

même pour le manque d’implication de tous les acteurs (opérateurs, privés, ONG et

populations locales) dans le processus d’élaboration des lois et règlements. En général, les

populations se voient imposer et subissent plutôt ces textes, ce qui ne favorise pas leur

adhésion » (Ibid. : 47). Au Gabon, l’exercice des droits d’usage qui est gratuit d’après les

textes se fait dans « le domaine forestier villageois, mais les textes de classement d'une forêt

ou les plans d'aménagement d'une forêt de production doivent prévoir une zone suffisante à

l'intérieur de laquelle les populations riveraines peuvent exercer leurs droits d'usage

coutumiers » (Silva/Riat, 2007 : 31). Ces constats sont identiques à l’ensemble des pays

forestiers du Bassin du Congo, révélés par l’étude de Silva/Riat (2007), même si de petites

différences selon les pays peuvent être observées. Ainsi, la non prise de la dimension sociale

entraîne des contradictions telles qu’observées dans le Parc national de la Lopé où le domaine

villageois n’étant pas clairement défini explique, comme le montre la carte suivante, que l’on

retrouve des villages à l’intérieur du Parc (voir carte ci-dessous).

Page 299: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

298

Considérés comme des enclaves à l’intérieur du Parc, les habitants de ces villages voient leurs

territoires réduits et limitant leurs droits d’usages coutumiers. Pour cette raison, les

responsables des villages ont adressé en 2008 des lettres aux responsables de la Lopé (préfet,

conservateur) pour manifester leur mécontentement (cf. annexes 3,4 et 5). Ceci explique aussi

l’une des raisons des conflits entre les agents de la conservation et les populations

villageoises. De plus, « [la législation prévoit] l’intéressement des populations par la

redistribution d’une partie de la fiscalité forestière et des produits de la faune; en réalité ces

Carte 11 : Les villages dans le parc de la Lopé

Page 300: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

299

retombées restent trop marginales et insuffisantes pour favoriser le développement local. Il

faut également constater que la valorisation des produits de la faune est trop faible pour

permettre, ne serait ce que partiellement, l’autogestion financière du secteur » (Silva/Riat,

op. cit. : 47). Ceci limite davantage la contribution des villageois à la gestion durable des

ressources.

3. Conflits entre villageois et exploitants forestiers

C’est parce que les activités forestières ont des impacts sur le cadre de vie, l’héritage culturel

et même sur la sécurité des villageois vivant à l’intérieur ou proches des zones d’exploitation

forestière, que naissent des tensions entre villageois et exploitants forestiers. Ainsi, lorsqu’une

entreprise forestière reçoit un permis forestier dans une zone donnée et qu’elle veuille

l’exploiter, elle est souvent confrontée à des conflits avec les populations locales.

Ces conflits ou malentendus peuvent perdurer quand il n’y a pas collaboration ou quand rien

n’est fait pour résoudre la situation conflictuelle. Les conflits ont souvent été marqués chez les

villageois par des routes barrées, des menaces de mort, des violences verbales et physiques –

quand ce n’est pas par des pratiques de sorcellerie qui sous-tendent toujours les relations

villageoises. Les exploitants forestiers ont parfois occasionnés des rivalités entre deux

villages, quand l’un consent l’exploitation forestière parce que voyant ses avantages et l’autre

pas, parce que ne trouvant aucun bénéfice. C’est la situation vécue dans le regroupement des

villages Ebe-Messe-Melane. Un exploitant forestier a pu convaincre les villageois de Melane

à exploiter le bois situé dans leur patrimoine forestier, tandis que Messe et Ebe voyaient que

cela allait à l’encontre de la philosophie de leur projet sur la forêt communautaire.

Plus d’un siècle que le Gabon exploite et exporte son bois, il n’existe pas de textes qui

montreraient clairement la contribution des exploitants forestiers au développement rural.

Rien ne stipule clairement ce qu’ils doivent verser aux populations avant d’exploiter le bois se

trouvant dans leurs milieux. À cet effet, l’article 251 de la Loi no 16-01 du 31 Décembre 2001

déclare que « pour promouvoir l’aspect social de la politique de gestion durable, il est mis en

place une contribution notamment financière, alimentée par les titulaires de ces concessions

pour soutenir les actions de développement d’intérêt collectif initiées par lesdites

communautés. La nature et le niveau de cette contribution sont définis par le cahier de

charges contractuelles lié à chaque concession. La gestion de cette contribution est laissée à

l’appréciation des assemblées représentatives des communautés concernées » (Code forestier

Page 301: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

300

gabonais). Or, l’article 252 de cette même loi dit que : « l’exercice des droits d’usages

coutumiers a pour objet la satisfaction des besoins personnels ou collectifs des communautés

villageoises » (Code forestier gabonais). Alors, lorsque les villageois trouvent que leurs droits

d’usages coutumiers sont lésés au profit de l’exploitation forestier qui ne leur apporte pas de

grands avantages, il se crée des rapports de tensions entre les forestiers et les villageois.

3.1. Des explications aux conflits ruraux-sociétés d’exploitations

Deux causes mais qui ne sont pas exhaustives peuvent expliquer les conflits entre ruraux et

exploitants forestiers.

3.1.1. Des activités d’exploitations toujours en expansion

L’expansion des exploitations forestières dans l’ensemble du pays tend à absorber les

territoires ruraux. D’après Meka M’Allogho (2007) en 2007, sur l’ensemble du territoire

gabonais, la superficie globale des permis forestiers s’élevait à 10,5 millions d’hectares, or en

2002 elle était de 11 millions d’hectares (cf. carte des permis forestiers, ci-dessous). Les

permis sont davantage octroyés aux sociétés forestières parce que les trois quarts de la forêt

gabonaise ont un potentiel exploitable. Mais, il est vrai que « les réserves en bois du Gabon

ne sont pas connues d’une manière fiable. De même – et c’est important – que leur taux de

reconstitution après exploitation. Les estimations existantes varient et sont fondées, dans une

large mesure, sur des suppositions et sur des données non fiables. Les inventaires sont fiables

s’ils sont effectivement contrôlés sur le terrain et s’ils atteignent des normes prédéterminés »

(Christy et al., op. cit. : 75). Il a été remarqué par les mêmes auteurs qu’entre 1957 et 1997,

les permis couvrent une superficie en hausse d’environ 10 millions d’hectares, dont la

moyenne par an est de 250 000 ha. Ce qui est important. De même l’étendue réservée aux

permis forestiers ne coïncide pas avec l’espace exploité. Cependant, à la différence des autres

activités, l’exploitation forestière « conduit à une destruction de 5 à 20 % de la canopée

forestière au cours d’un passage » (Ibid. : 28), parce qu’elle est sélective. L’exploitation

forestière industrielle demeure néanmoins la première activité qui porte atteinte à la forêt

parce quelle reste extensive. Même si au Gabon les taux annuels de déforestation (brute et

nette) entre 1990 et 2000 sont peu prononcés, de l’ordre de 0,09 % (de Wasseige, et al, 2009)

couper, débarder et évacuer le bois favorise la perte de plusieurs essences.

Page 302: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

301

Avant l’octroi d’un permis dans un lieu donné, les villageois n’étaient pas réduits dans leur

espace et pouvaient vaquer à leurs occupations sans restrictions. Mais, lorsqu’arrive une

entreprise forestière, l’une des premières actions est d’informer les communautés villageoises

habitant dans son espace exploitable de ce qu’elles ne doivent plus faire. Ces communautés ne

comprennent pas toujours la démarche entreprise par les exploitants forestiers, parce qu’elles

estiment qu’elles habitent dans ces territoires depuis des temps ancestraux. Dans certains

villages comme La Scierie, Nzé Vatican ou Messe, il y a des permis forestiers qui englobent

l’arrière-cour des habitations d’après ce que nous ont déclaré les habitants des villages, selon

ce que leur ont dit les exploitants forestiers. S’il y a des essences exploitables dans ces arrière-

cours, en principe seul l’exploitant a le droit d’en bénéficier. Cette situation crée des

polémiques entre exploitants et villageois, ce qui nécessite l’intervention des agents du MEF

qui en général proposent des compromis.

De plus, il y a des permis octroyés jadis aux anciens exploitants dans lesquels peuvent se

trouver de nombreux villages. Sans compter que les villageois se déplacent constamment

ignorant parfois que le nouveau site choisi est situé dans une zone à concession. Quand les

exploitants décident enfin d’utiliser leur bois, cela provoque des conflits. En outre, certains

arbres à travers leurs graines (Safoutier sauvage, manguier sauvage), ayant une importante

valeur marchande pour les villageois, sont abattus par les forestiers au cours de leur activité.

Cela est aussi une autre explication des conflits entre les villageois et les exploitants

forestiers. À travers la carte ci-dessous, on peut observer dans le détail la présence des permis

forestiers dans quelques villages dans lesquels se réalise le projet DACEFI.

Page 303: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

302

L’exploitation forestière contribue à réduire le domaine villageois et à susciter de vives

tensions. Les villages concernés sont directement influencés par les activités forestières soit

par leur proximité avec les zones d’exploitation, ou soit parce qu’ils sont à l’intérieur de ces

zones.

Carte 12 : Les permis forestiers dans quelques villages étudiés

Page 304: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

303

3.1.2. Une inégale répartition de l’occupation spatiale

Il n’existe pas un partage équitable de l’espace dans les villages étudiés comme dans

l’ensemble du monde rural. Aucune consultation n’est au préalable faite auprès des villageois

pour connaître leurs milieux villageois avant d’attribuer les permis. Ce sont des milieux

représentant le patrimoine culturel villageois duquel doivent se détacher les villageois lorsque

leur forêt est exploitée. En réalité, c’est la forêt de l’Etat, chose que comprennent mal les

villageois qui y vivent depuis très longtemps. Ils sont constamment dépossédés de leurs terres

sans pourtant qu’ils soient dédommagés ; même lorsque leurs zones sacrés sont détruites.

L’inégale répartition du foncier explique de nombreux conflits entre villageois et exploitants

forestiers. Même si la révision du code forestier en 2001 est une manière de régler les conflits

existants de sorte que l’exploitation forestière soit aussi rentable aux communautés

villageoises, comme nous l’avons dit, il a des carences. L’imprécision de la contribution des

exploitants forestiers au développement rural permet juste que les villageois bénéficient de

petits dons (groupes électrogènes, construction de maisons ou d’écoles).

Les agents du MEF ne sont pas toujours sur le terrain lorsque se fait l’exploitation forestière,

pour montrer aux villageois et aux forestiers les limites concrètes de leurs territoires. C’est

pourquoi l’on observe des chevauchements entre les droits coutumiers et les permis forestiers.

Les exploitants forestiers ont souvent tendance à empiéter sur le domaine forestier villageois.

Dans le monde rural, les activités de conservation et d’exploitation forestière sont dominantes.

Deux cartes peuvent se juxtaposer pour montrer tout l’espace qu’elles occupent.

Page 305: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

304

Carte des parcs nationaux

Carte des permis forestiers

D’un côté les territoires villageois sont réduits par les activités de conservation, d’un autre par

les activités d’exploitation forestière. Ceci pose le problème foncier qui est un handicap au

développement rural.

4. Les impacts des conflits sur le développement rural et sur la

gestion des ressources

De façon générale, les autorités perçoivent la présence des activités de production

(exploitation forestière) et de conservation comme ayant des impacts positifs sur le

développement par la création d’emplois. L’embauche des villageois reste en effet le point

positif dominant des activités menées dans les territoires du monde rural. Cependant, le

nombre de personnes employées n’est pas représentatif devant le nombre de chômeurs

villageois. Par conséquent, même ce point qui apparaît positif ne suffit pas pour résoudre les

conflits rencontrés. Nous proposons de montrer, à travers des exemples, les impacts des

conflits sur le développement rural et sur la gestion environnementale.

Cartes 13 : Juxtaposition des parcs nationaux et des permis forestiers

Page 306: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

305

4.1. Impact sur les populations et le développement rural

L’ensemble des conflits présentés ont des impacts négatifs sur le les populations et le

développement rural, bien sûr à des proportions variées. L’implantation d’un parc national ou

d’une société forestière modifient le cadre de vie, le système de valeurs et le régime

alimentaire des ruraux. Ce sont les Pygmées qui sont plus affectés par les activités

d’exploitation et de conservation. Peu habitués à la revendication, ceux-ci en sont bien

souvent réduits à se rapprocher des villages tout en essayant de s’y intégrer. C’est ce qui

explique la présence de certains Pygmées rencontrés notamment dans les villages de La

Scierie et de Ramba. Leur éloignement de leur milieu d’origine contribue à faire disparaitre

leur patrimoine culturel (connaissance des plantes guérisseuses, maîtrise de certaines espèces

animales).

L’enclavement, conséquence indirecte de la protection des milieux (en réduisant l’activité

économique et les trafics), limite grandement pour les villageois retenus dans cette étude, la

possibilité de se rendre à l’hôpital : à cause de l’irrégularité des transports, du mauvais état

des routes et du problème financier qui rendent plus dramatiques encore les maladies et

accidents. Ainsi, le recours à la pharmacopée ou médecine traditionnelle reste le seul moyen

pour se soigner des maladies comme la toux, la diarrhée, le paludisme. Toutefois, la

disparition ou la rareté de certaines plantes de la forêt suite à l’exploitation forestière conduit

les villageois à plus se focaliser sur la médecine moderne. Or, plusieurs villages n’ont pas de

dispensaire et même quand ils en possèdent, il n’y a pas de médicaments. De nombreux décès

sont alors enregistrés dans les villages. Le nombre élevé de morts dans les villages diminue la

population villageoise et ne favorise pas le développement rural qui ne peut se faire sans cette

population, à moins que l’État ne ravitaille en médicaments les dispensaires existants et n’en

construise dans les zones où il n’y en a pas.

Parcs nationaux comme entreprises forestières ne rencontrent pas souvent les attentes que les

ruraux ont placé en eux, voire même leurs besoins fondamentaux. Nous avons vu dans le

chapitre précédent que l’inactivité reste encore dominante dans les milieux ruraux.

Lorsqu’arrivent les sociétés forestières, elles embauchent quelques villageois, mais très vite le

manque de qualification des villageois entraîne leur licenciement – laissant aux villageois le

sentiment d’avoir été embauchés pour faciliter l’acceptabilité du projet. Cela ne permet pas de

résorber le chômage dans les villages. De même, seulement très peu de villageois sont

Page 307: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

306

employés comme guides dans les parcs nationaux. Si on considère l’agriculture à laquelle sont

réduits à pratiquer tous les villageois comme une activité de subsistance, il existe un fort taux

de chômage près et à l’intérieur des zones de conservation et d’exploitation forestière. Face à

cela, le développement rural est défavorisé.

En outre, la destruction des espèces telles que Garcinia Kola, l’Irvingia gabonensis,0 ou

Coula edulis, qui sont des arbres à usages divers, ne serait-ce qu’à travers leurs graines

utilisés dans l’alimentation, empêche les villageois à les commercialiser. Ces espèces

devenant rares suite à l’exploitation forestière, se commercialisent désormais rarement. Or,

leur commercialisation aide les villageois à rehausser les revenus issus de la vente des

produits non agricoles, même s’ils sont saisonniers.

En définitive, les mauvaises répartitions et gestion spatiale restreignent considérablement les

finages villageois. Les villageois sont par conséquent réduits à vivre dans des milieux très

limités. Le sous-peuplement du monde rural et le sous-développement de leur agriculture

conduisent-ils l’État gabonais à faire occuper les territoires ruraux pour développer d’autres

activités plus rentables à l’économie nationale ? Comme le représente la carte qui suit, il ne

reste que peu de territoires aux zones rurales non protégées ou non soumise à une exploitation

forestière.

Page 308: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

307

Cette carte fait suite à la combinaison des deux cartes présentées dans le point traitant de

l’inégale répartition de l’occupation spatiale comme cause des conflits dans le monde rural.

Les territoires ruraux sont flous et constamment désirés pour accueillir plusieurs activités.

Sans territoires bien circonscrits, le développement rural aura du mal à se faire.

Carte 14 : Superposition des permis forestiers et des parcs nationaux

Page 309: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

308

4.2. L’exode rural

L’exode rural se présente comme un autre impact négatif issu des conflits rencontrés dans les

lieux étudiés. Ce point a déjà été abordé dans le chapitre V, nous avons parlé des migrations

des ruraux qui dépeuplent davantage leurs territoires. Ceci s’observe à travers les absences

dans la pyramide des âges qui a été faite. Nous voulions ici insister un peu sur le fait qu’elles

sont sans doute pour partie la conséquence de la situation que nous avons décrite.

La situation décrite dans les villages étudiés quant à leur sous-peuplement est générale à

l’ensemble des villages gabonais. Le dépeuplement du monde rural gabonais est très

inquiétant. Le graphique ci-après permet d’apprécier les populations rurales au sein de la

région CEMAC87

.

Graphique 19 : Pourcentages de la population rurale dans la CEMAC en 2005

Source : (FAO, Evaluation des ressources forestières, 2005)

87

Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale. C’est une organisation internationale qui

rassemble plusieurs pays d’Afrique centrale. Elle suit la logique économique de l’ancienne UDEAC (Union

Douanière et Economique de l’Afrique Centrale.

48,6

57,3 55,1

16,2

46,5

Cameroun RCA RDC Gabon Congo

% pop. rurales

Page 310: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

309

L’observation générale quand on observe ce graphique est que tous les autres pays de la

CEMAC, sauf le Gabon ont une population rurale importante. Les populations rurales du

Cameroun et du Congo avoisinent 50 %, tandis que celles de la RCA et de la RDC ont plus de

55 % de populations rurales. L’importance de ces populations rurales, particulièrement celle

du Cameroun, explique la capacité de ces pays à produire pour ses ressortissants et pour

l’exportation. Nous avons montré dans le chapitre V que le Cameroun exporte en premier ces

produits agricoles vers le Gabon qui est son premier importateur dans la région CEMAC.

Le sous-peuplement de la population rurale du Gabon avec 16,2 % explique sa difficulté à

répondre aux besoins alimentaires du pays. Il est vrai que c’est en 2005 que ces populations

rurales ont été évaluées, mais aujourd’hui qu’en est-il ? L’exode rural grandissant que

connaissent les villages gabonais entraîne de graves bouleversements culturels, sociaux et

économiques. Le développement rural gabonais est sans doute confronté à des véritables

obstacles. De plus, l’agriculture ne peut connaître un développement si les actifs ruraux

quittent de plus en plus leurs villages. Pour l’instant, l’agriculture ne peut permettre de

résoudre la pauvreté des ruraux gabonais.

Les difficultés résultant des conflits Homme-faune et des tensions avec les agents de la

conservation occasionnent les départs des habitants des villages périphériques au Parc

national de la Lopé (Makoghé, Mikongo) qui les ressentent beaucoup plus que les autres.

Plutôt que de rester dans les villages peu prospères, les ruraux jeunes (hommes et femmes de

plus en plus) vont vivre dans les villes avec l’objectif d’améliorer leurs conditions de vie. Ces

derniers gonflent ainsi l’effectif des chômeurs urbains, accélèrent le développement des

habitations défavorisées, les bidonvilles, et toutes les difficultés d’adaptation qu’ils peuvent

rencontrer. Les villages restés avec quelques personnes (enfants et vieux) dans lesquels

l’agriculture est peu développée ne permettent pas à ses habitants de vivre dignement du

travail de la terre.

4.3. Impact sur la gestion des ressources

La gestion des ressources naturelles subit également l’impact négatif des conflits présents

dans le monde rural gabonais. Deux points permettent d’illustrer nos propos.

Page 311: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

310

4.3.1. La non-sanction en cas de violation

L’exploitation forestière est une des boites noires de l’exploitation forestière du Gabon, boite

noire sur laquelle Labrousse et Versachave ont essayé de lever un peu le voile. Pour eux,

«toutes les sociétés forestières d’Afrique centrale n’ont pas la même chance – ni les mêmes

marges » (Labrousse et Verschave, 2002 : 158). Cela est particulièrement vrai au Gabon, où

les sociétés forestières n’ont pas la même influence, selon leur ancienneté, leur dominance sur

les marchés national et international en matière de bois, leur accointance privilégiée avec le

pouvoir en place (Rougier SA). Ce qui conduit à dissimuler les violations de ces sociétés

contre la réglementation forestière en vigueur. Par exemple, « les délits écologiques pratiqués

par les fournisseurs d’Interwood restent bien peu poursuivis. Ils n’en scandalisent pas moins

nombre de clients de cette société » (Ibid. : 161). Le fait qu’il n’y ait pas une équité pour tous

au respect de l’environnement est une défaillance à la gestion durable des ressources

naturelles.

De plus, « il ne manque pas de prétextes pour couper des arbres trop jeunes, en violation de

la réglementation. Par exemple, pour un lot d’échantillons de la forêt gabonaise à destination

d’Hô Chi Minh-Ville, « le diamètre et la longueur importe peu » (Labrousse et Verscheve, op.

cit. : 162). Si aujourd’hui les acheteurs deviennent de plus en plus exigeants quant à la qualité

du bois vendu, à cause d’une réglementation et consignes non considérées par les exploitants

forestiers asiatiques notamment, la gestion des ressources forestières doit être aussi exigée.

4.3.2. Le braconnage

La consommation de la viande de brousse n’est pas en soi un problème ; c’est le braconnage

qui conduit les individus à tuer beaucoup de gibier pour la commercialisation qui en constitue

un. Ainsi, le braconnage incité par la commercialisation de la viande de brousse est considéré

comme une menace pour la pérennité des ressources animales. « Au Gabon, Sted (1994) a

estimé à 500 tonnes la quantité moyenne du gibier que les marchés de Mt Bouet, Oloumi et

Nkembo (Libreville) reçoivent par an. Une étude similaire sur six marchés (Libreville, Oyem,

Port Gentil et Makokou) a estimé à 1 105 t/an la quantité de viande reçue, représentant une

valeur de plus de un milliard de FCFA. Par ailleurs de 1991 à 1993, 31 130 tonnes de

spécimens de 1 568 espèces de mammifères et d’oiseaux ont été saisies » (Silva/Riat, op. cit. :

13). Cependant, le problème qu’engendre la consommation de la viande de brousse à travers

Page 312: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

311

le braconnage ne provient pas toujours des villages, parce que les paysans possèdent une

réglementation alimentaire, mais souvent de chasseurs venus de la ville.

Dans les villages, la réglementation alimentaire intervient souvent à travers les diverses

défenses. Ces défenses ou interdits résultent des différentes confréries initiatiques dans

lesquels font partie les hommes et les femmes des villages. De même, les totems des clans,

lignées, ou des familles favorisent également le maintien des défenses de consommer ou de

détruire certaines espèces animales ou végétales. Ces restrictions participent à la conservation

de ces espèces. Hormis cela, les villageois sont sensibilisés quant au fait que la chasse doit

être réglementée et doit obéir aux dispositions prises par les administrations des Eaux et

Forêts, à savoir les périodes de chasse (dates d’ouverture et de fermeture de chasse) qui sont

fixées par le MEF. « Ces dates peuvent être révisées annuellement ou reconduites de manière

quasi-automatiques » (Silvat/riat, op. cit. : 30), cependant, au Gabon, « il est prévu des

aménagements lorsqu’il s’agit de l’exercice de droits coutumiers » (Idem). Tout cela dans le

but de conserver les animaux.

En conséquence, lorsque que par exemple il est constaté que les chasseurs tuent fréquemment

en grand nombre les animaux de mêmes espèces, les chefs de villages et les sages des villages

sensibilisent, et peuvent demander aux chasseurs d’arrêter de tuer ces animaux pour un

moment. Parfois, c’est juste pour leur demander de revoir la quantité du gibier tué. Et, ceci

indépendamment des agents des Eaux et forêts. Ces derniers interviennent souvent dans les

cas de braconnage. Les anciens sensibilisent les chasseurs lorsqu’ils remarquent une chasse

désordonnée et incontrôlée. Car disent-ils s’ils ne règlementent pas la chasse le gibier viendra

à manquer et cela peut provoquer une famine dans les villages. Mais, vu que les villageois

consomment du gibier depuis très longtemps, les programmes de sensibilisation de la gestion

durable de ces animaux ne produisent pas toujours des bilans concluants.

Le braconnage apparaît comme un impact négatif dans la gestion environnementale en ce sens

qu’il met en péril l’avenir des espèces animales particulièrement des espèces totalement

protégées (éléphant, buffle, drill, gorille, etc.) dont la chasse, la capture, le commerce et même

le transport sont proscrits88

. L’étude collective menée par le WCS, le WWF et le

gouvernement gabonais conclut à propos des éléphants que « depuis 2004, le braconnage a

88

Sauf à des fins scientifiques ou lorsque la sécurité des animaux et des personnes est menacée.

Page 313: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

312

tué plus de 11 000 éléphants au Gabon dans la forêt du parc national de Minkebe »89

. Ces

dernières années, le braconnage effectué dans la forêt connaît une importante hausse due

d’une part à la commercialisation illicite des défenses d’éléphants, d’autre par à la

commercialisation de la viande de brousse dans les marchés urbains. Le braconnage est

beaucoup accéléré grâce à l’activité d’exploitation forestière ouvrant des chemins permettant

aux chasseurs d’accéder plus facilement et rapidement dans la forêt.

Conclusion du chapitre VI – Quelques résolutions aux conflits

dans les territoires ruraux

Conflits Homme-faune, conflits populations locales / administration des parcs nationaux,

conflits populations locales / exploitants forestiers… les conflits ne manquent pas dans le

monde rural gabonais. Ces conflits, nous l’avons vu, trouvent souvent leur origine dans le flou

législatif dont pâtissent les populations les plus faibles – les populations rurales.

Pour résoudre les conflits du monde rural gabonais, deux solutions peuvent être proposées : le

partage légal des terres et la révision et création des textes sur le foncier. Ce sont des solutions

trouvées par l’État qui est propriétaire des terres. Lui seul est habileté à apporter des

résolutions fondamentales au problème que pose le foncier. Ainsi, pour qu’il y ait le partage

légal des terres, il est nécessaire que l’État face au préalable la révision des textes existants sur

le foncier au Gabon et en créé d’autres vu les carences observées. Nous nous focalisons ici sur

la révision et la création des textes. Nous verrons le partage légal des terres dans le chapitre

suivant avec le projet DACEFI.

La nécessité de réviser et de créer de nouveaux textes pour résoudre la problématique foncière

gabonaise ne se fera pas qu’au profit du monde rural gabonais. Il s’agit de modifier les

anciens textes qui ne cadrent plus avec la réalité actuelle et de concevoir de nouveaux textes

qui seront pris en compte tant dans les villes que dans les villages. C’est dans cette optique

qu’un projet de textes sur la propriété foncière gabonaise a été rédigé conjointement par les

Ministères de l’Économie et de l’Habitat et a été présentée aux deux chambres parlementaires.

Ce nouveau régime de la propriété foncière se base sur l’ordonnance n°00000005/PR du 12

89

http://www.rapac.org/index.php?option=com_content&view=article&id=470:le-braconnage-delephants-bat-

son-plein-au-gabon&catid=50&Itemid=71

Page 314: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

313

février 2012. Elle a pour objectif de mettre à jour le cadre juridique qui permet l’obtention de

la propriété privée en facilitant ses modes d’accessibilité à tous.

Cette ordonnance va occasionner plusieurs réformes dont nous ne citerons que quelques-unes,

jugées essentielles à l’accès à la propriété foncière. Cela est constaté dans les articles quatre à

dix-huit qui montrent comment la conservation foncière peut être possible dans tous les chefs-

lieux de province. Contrairement au précédent texte qui n’avait prévu qu’un conservateur

pour gérer tout le territoire gabonais, désormais il y aura plusieurs conservateurs du foncier

dans chaque province. Ceci est une réforme qui œuvre dans la facilitation des rapports des

conservateurs avec les populations.

Faisant suite aux articles précédemment cités, une autre réforme est observée dans les articles

34 à 39 qui portent sur la création d’un titre foncier. Ils suppriment la publication et le

bornage qu’exigeait l’ancienne procédure pour plutôt instaurer l’immatriculation ou le

bornage définitif en réduisant aussi les délais d’opposition de deux mois à quinze jours.

Contrairement au fait qu’il n’y avait que les tribunaux de Libreville ou de Port-Gentil qui

avaient le droit de traiter des dossiers d’immatriculations, les articles 40 à 45 de la nouvelle

ordonnance portant sur la procédure d’immatriculation, confèrent aux tribunaux de première

instances des localités à octroyer aux nouveaux conservateurs des provinces les permissions

de créer des titres fonciers quand il n’y a pas opposition. De même, dans l’article 33, il est

envisagé une large diffusion pour publier les actes de procédure dans les journaux et dans les

administrations publiques (gouvernorat, préfecture, mairie, etc.), dans le but de les faire

connaître à tout le monde.

Ce projet vient régler le problème de la décentralisation du pouvoir dans l’attribution des

titres fonciers, en réduisant également la procédure et le temps d’attribution. L’application et

la réussite de ce projet permettront aussi à tous les acteurs (populations, acteurs économiques,

administrations) de changer de mentalité par le respect des textes. Cette initiative ne sert qu’à

encourager la lutte contre l’implantation anarchique et la possession illégale des terres. De

plus, la réussite du projet réside sur l’implication de chacun de ces acteurs qui doivent tous

bénéficier des réformes apportées dans le foncier.

En définitive, « beaucoup de conflits naissent aussi sur le terrain du fait de la faible

cohérence entre les codes forestier, faunique, foncier et traditionnel et sont des facteurs

importants de discorde dans la gestion des ressources fauniques » (Silva/Riat, op. cit. :49).

Page 315: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

314

Ceci nécessite une réelle collaboration entre les différentes administrations pour une meilleure

gestion durable des ressources. À propos des conflits Homme-faune, « les dispositions légales

et réglementaires en matière de protection des biens et personnes contre les animaux sont peu

précises, ce qui laisse un sentiment de frustration au sein des populations, objets de sinistres,

souvent à répétition » (Idem). Il est vrai que le Gabon est un pays sous-peuplé, ce qui

conduirait à dire qu’il a moins de conflits de terres. Cependant, les politiques de conservation

excluant les populations rurales contribuent non seulement à intensifier les conflits dans les

territoires ruraux, mais aussi à favoriser davantage leur sous-développement.

De même, l’exploitation forestière peut expliquer largement ce sous-développement. C’est

l’une des grandes conséquences négatives lointaines qui depuis le début à ravager le monde

rural gabonais. « Avant la guerre, note un historien, « le fonctionnement de l’espace-Gabon

s’est […] trouvé entièrement subordonné à un dispositif qui mit les “régions réservoirs” de

l’intérieur au service d’un espace économique confondu avec l’aire de flottabilité des bois.

[…] Les perturbations engendrées par les migrations forcées de travail affectaient autant les

zones de départ que les zones d’accueil par suite des déséquilibres mortels qu’elles

installaient dans les systèmes de vie. […]. Parmi ces déséquilibres, le plus gros des

conséquences étaient celui du sex-ratio. […]. L’inégalité numérique des sexes favorisant la

prostitution et l’adultère activa la diffusion des maladies vénériennes à effets stérilisants »

(Labrousse et Verschave, 2002 : 171). Ainsi, le déséquilibre familial résultant de cette

situation avait sérieusement bouleversé la production villageoise au point d’entraîner les

famines des années 1920 (Pourtier, 1989). Aujourd’hui encore l’exploitation forestière

continue d’impacter négativement le monde rural gabonais, ne serait-ce que par les conflits

observés, énumérés dans ce chapitre qui contribuent à décimer la population rurale. Si

l’exploitation constitue l’une des entrées solides de l’économie nationale, cela ne devrait pas

être au détriment des villages. Même si au Gabon le contexte général réglementaire est

propice à la protection de l’environnement, mais « la destruction sans frein des forêts

primaires est l’un des effets virulents d’une permissivité accrue : celle de diviser et de

conquérir le monde, de l’allotir en parts de butin. Les paradis fiscaux permettent de

contourner toutes les règles » (Labrousse et Verschave, op. cit. : 17). Ainsi, pour une

meilleure gestion des milieux ruraux entraînant leur développement, il faut que des textes

soient impérativement respectés par tous les acteurs.

Page 316: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

315

Chapitre VII : Les forêts communautaires

comme solution à la résolution des conflits

dans le monde rural gabonais

La problématique foncière est connue dans toutes les localités gabonaises. C’est l’Etat qui

gère les terres puis les distribue en vue d’un développement durable. Il peut également les

récupérer quand il l’estime nécessaire. Cependant, « l’État se retrouve, en droit ou en fait,

dépouillé de son patrimoine foncier. Concurrencé par d’autres acteurs ou entraîné par la

logique de son interventionnisme foncier, l’Etat perd la maîtrise des sols » (Nguema Ondo

Obiang: 1). De plus, il ne parvient pas toujours à réguler le marché foncier90

. Cette non

maîtrise des sols est à l’origine de plusieurs tensions entre les acteurs qui se considèrent être

des propriétaires. Cette situation défavorable à la gestion durable des sols et de tout qui s’y

trouve, a conduit l’État à trouver des solutions dans la législation. C’est ce qui a entraîné la

réforme foncière qui fait face à un véritable défi. « Ce défi n’est pas des moindres, dans la

mesure où le régime actuel d’occupation favorise les élites privilégiées et les intérêts

transnationaux privés et qui bénéficient du soutien des gouvernements étrangers

participants » (Wily, 2012 : 4). Ainsi, le droit foncier au Gabon et l’accès aux ressources

naturelles «est imparfait, rétrograde et injuste dans ses grands principes, et faiblement

respecté » (Ibid. : 3). C’est dans ce but que l’État a décidé de résoudre ce problème pour en

faire bénéficier notamment les populations locales dont la majorité ne dispose pas d’une

grande sécurité foncière.

90

Nguema Ondo Obiang (p.5) déclare que cela est dû au fait que « les carences de l’Etat qui ne lui permettent

pas d’assurer un gestion rigoureuse et cohérente des sols ».

Page 317: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

316

Prenant appui sur les discours internationaux en rapport avec les forêts qui incitent à mettre

davantage en avant le rôle des populations locales dans la gestion durable des ressources

naturelles, l’État gabonais à travers les réformes observées dans la Loi 016/01 portant code

forestier va favoriser la création d’une foresterie communautaire (Vermeulen et Doucet,

2008 : 10). De plus, « cette volonté se trouve aujourd’hui inscrite dans la plupart des

législations nationales qui préconisent le transfert de pouvoir, et des responsabilités

associées, d’une structure centrale étatique vers une structure locale comme une communauté

rurale (Ribot, 2002) » (Poissonnet et al., 2006 : 7). La foresterie communautaire (FC) apparaît

comme un des moyens efficaces, car, « la foresterie communautaire, contrairement à

l’agriculture et à d’autres activités économiques, semble avoir une valeur universelle

indépendamment de l’histoire, du développement économique, des systèmes politiques et des

idéologies » (Kialo, 2009). C’est alors que naît le projet DACEFI au Gabon et au Cameroun.

Au Gabon, c’est en 2006 que le premier projet sur les forêts communautaires a été lancé.

C’était un projet pilote qui se réalise dans la province de l’Ogooué-Ivindo. L’objectif final est

de l’étendre à toutes les provinces du Gabon. Dans ce chapitre, nous analysons ce projet

pionnier, comment il a fonctionné dans la première phase (2006 - 2008), les personnes qui ont

œuvré et ceux qui œuvrent dans la seconde phase (2010 - 2014), et le bilan actuel que l’on

peut en faire. Nous nous focalisons dans ce chapitre sur la première phase de DACEFI parce

que sa durée d’exécution est dépassée et donc ses résultats peuvent être analysés. Par contre,

la deuxième phase qui est en cours permettra de voir ce qui se fait actuellement sur le terrain

en comparaison avec la phase précédente.

1. Les forêts communautaires, un nouveau mode de gestion

rationnelle à la portée des ruraux

Si « le Cameroun est doté depuis 1994 d’une nouvelle loi forestière qui promeut la mise en

place de différents modes de gestion forestière décentralisée, dont la forêt communautaire »

(Poissonnet et al., op. cit. : 9), au Gabon cette innovation législative n’apparaît qu’en 2001.

Au Cameroun, il existe « actuellement, 14 FC couvrant une superficie d’environ 47 000

hectares et représentant 22 villages [qui] bénéficient d’un appui direct du projet [DACEFI]

(Vermeulen et Doucet, 2008 : 5). Cet exemple du Cameroun est pris en référence pour

montrer que dans la sous-région, il est en avance. De par son expérience, des comparaisons

Page 318: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

317

seront faites entre ce qui se fait actuellement au Gabon et ce qui existe déjà au Cameroun dans

le domaine de la foresterie communautaire en vue d’une meilleure analyse.

Qu’entend-on par forêts communautaires ? Pourquoi au Gabon les forêts communautaires ont-

elles été choisies pour permettre aux communautés locales d’obtenir une propriété foncière en

vue d’une gestion participative responsable des ressources ? Comment les forêts

communautaires peuvent-elles résoudre les conflits dans le monde rural ? Des réponses seront

apportées à ces questions au cours de l’analyse.

1.1. Les forêts communautaires, un outil pour atténuer les tensions

« La forêt communautaire, s’inscrit dans la logique de la spécialisation des espaces qui sous-

tend certaines règles de gestion forestière. Ces règles prévoient un zonage qui définit les

limites du domaine forestier permanent et du domaine national » (Nguinguiri, 1999 : 6). A cet

effet la nouvelle législation au travers de ses articles 12 et 13, a permis de considérer d’une

part l’État comme étant propriétaire du domaine forestier permanent, d’autre part les

populations comme bénéficiant du domaine forestier rural. Ainsi, on peut trouver une

définition de la forêt communautaire dans l’article 12 même du code forestier ; c’est « le

domaine forestier rural [qui] est constitué des terres et des forêts dont la jouissance est

réservée aux communautés villageoises, selon les modalités déterminées par voie

réglementaire ». L’article 156 explicite mieux encore : « la forêt communautaire est une

portion du domaine forestier rural affectée à une communauté villageoise en vue de mener

des activités ou d’entreprendre des processus dynamiques pour une gestion durable des

ressources naturelles à partir d’un plan de gestion simplifié ». Puis, les articles 157 à 162

définissent le contexte des FC, pour qui, pour quoi et comment elles doivent être créées.

Ainsi, la répartition de la forêt en deux domaines a pour objectif de résoudre les imprécisions

observées dans la Loi forestière antérieure quant aux droits d’usages coutumiers, et de

résoudre les conflits que ces imprécisions suscitaient, de même que ceux suscitées par la

gestion des ressources naturelles dans le monde rural gabonais.

D’abord, l’institution des forêts communautaires apparaît comme un moyen pour délimiter les

territoires villageois qui sont sans cesse sollicités pour les activités de conservation et de

production. Quelques villages de la zone étudiée ont comme nous l’avons illustré dans le

chapitre précédent, des conflits avec les exploitants forestiers. « En effet, 75 % et 48 % des

finages villageois, respectivement pour La Scierie et Ebe Messe Melane, sont situés au sein de

Page 319: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

318

permis forestiers » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 51). La principale activité villageoise qui

est à l’origine des conflits entre villageois et exploitants forestiers est l’agriculture itinérante

sur brulis (par exemple à Ebe Messe Melane). Elle peut se présenter comme nuisible à

l’exploitation forestière par le fait qu’elle se déplace. Ce qui peut conduire les villageois à

solliciter les espaces forestiers situés dans les permis forestiers. Mais, la chasse, la cueillette et

la pêche peuvent être compatibles avec l’exploitation forestière (c’est le cas dans le village La

Scierie). Par ailleurs, les villages périphériques au Parc de la Lopé, même si pour l’instant

aucun projet sur la foresterie communautaire n’est réalisé, connaissent des situations de

conflits avec les agents de la conservation sur la délimitation de leurs territoires.

La foresterie communautaire peut alors apparaître comme l’une des solutions utilisées pour

résoudre les conflits de foncier si et seulement si après la création d’une FC chaque acteur

respecte les délimitations de chaque propriété. De sorte que accédant à une décentralisation de

gestion des ressources forestières, ce qui est l’objectif de la mise en place des FC, « les

populations riveraines pourront désormais prendre en main la gestion de certains espaces

forestiers » (Nguinguiri, op. cit. : 6). De plus, à travers les activités communautaires, les

villageois pourront résoudre les problèmes de pauvreté et de chômage qui les amènent

souvent à quitter leurs villages. Si les activités entreprises dans le cadre des FC tenant compte

de la préservation de l’environnement sont bénéfiques, les villageois se sentiront plus

concernés par la conservation parce qu’ils en tireront profit. Après les généralités sur les

avantages des FC, nous montrons le cas pratique du projet DACEFI.

1.2. Historique et établissement des forêts communautaires dans l’Ogooué-

Ivindo : cas du projet DACEFI

Développement d’Alternatives Communautaires à l’Exportation Forestière Illégale (DACFEI)

est le premier projet qui a pour objectif d’amener les communautés villageoises d’Afrique

Centrale à participer à la gestion durable des forêts de la région à travers la foresterie sociale

et communautaire. C’est un projet régional entamé au Gabon et au Cameroun depuis Janvier

2006. Le projet a pour but « au Cameroun, de soutenir les forêts communautaires existantes

et de vulgariser l’expérience à l’échelon national, tout en diversifiant l’approche de la

foresterie communautaire classique vers une forme plus agroforestière. Le Sud-Est du pays

servira tout particulièrement de cadre de référence » (Schippers, 2007 : 14). Quant au Gabon,

où le concept est tout neuf, après avoir informé les villageois sur leurs « droits et devoirs » en

Page 320: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

319

référence à la nouvelle loi, le projet « a pour ambition de tester la mise en place de deux

forêts communautaires pilotes et d’aider les communautés villageoises dans leurs démarches

pour y parvenir » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 6). Cette action entreprise par DACEFI est

rendu possible grâce au financement de l’Union Européenne de 1,5 millions d’euro issus du

budget alloué aux « Forêts tropicales ».

Au départ, le projet devait se faire au Gabon, sur une durée de trois ans, mais n’étant pas

arrivé au terme de sa mission, DACEFI a négocié une deuxième phase pour atteindre ses

objectifs. « Trois organisations se sont associées pour concevoir et mettre en œuvre le projet :

le WWF-Carpo, l’asbl belge Nature + et le laboratoire de Foresterie des Régions tropicales

et subtropicales de la Faculté universitaire des sciences agronomique de Gembloux

(FUSAGx, Belgique) » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 5). Le rassemblement des

compétences et d’expériences résultant de ces partenaires était fait pour en faire bénéficier le

projet. De sorte que « si Nature + et la FUSAGx se partagent la responsabilité de la mise en

œuvre technique du projet, le WWF-Carpo gère les aspects stratégiques et de communication

du projet » (Idem). L’administration des Eaux et Forêts a aussi un regard sur les activités de

DACEFI. Ce qui a permis d’avoir un service travaillant sur les FC au Ministère des Eaux et

Forêts. Lors du premier projet de DACEFI (DACEFI 1) un protocole d’accord a été signé

entre les exécutants du projet et l’administration pour que celle-ci soit impliquée dans le

projet. De même à DACEFI 2, le protocole d’accord a été renouvelé sur la base du premier.

C’est le WWF-Carpo qui assure la gestion du projet DACEFI. C’était pour protéger le Parc de

Minkébé qui subit beaucoup d’actions nuisibles à la survie des ressources (animales en

particulier) que la province de l’Ogooué-Ivindo a été choisie pour accueillir le tout premier

projet sur les forêts communautaires. Ceci est la raison fondamentale du choix de cette

province. En plus, dans la province, le WWF à travers ses nombreuses structures mène

plusieurs actions environnementales. Le Parc national de Minkébé qui est localisé au nord-est

du Gabon, a une superficie de 7 565 km². C’est le plus important des parcs nationaux

gabonais qui dispose d’un massif forestier parmi les plus indemnes et les plus enclavés de

l’Afrique Centrale. Ce Parc est géré conjointement par le conservateur de Minkébé-est qui est

établi à Makokou (Ogooué-Ivindo) et par le conservateur de Minkébé-ouest localisé à Oyem

(Woleu-Ntem). La gestion de ce parc se fait avec l’apport financier du Fonds Français pour

l’Environnement Mondial (FFEM), de l’Union Européenne et de Carpe USAID UNESCO.

Parce que ce Parc dispose d’un important potentiel en ressources naturelles (densité

Page 321: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

320

importante d’éléphants) à préserver qu’une forte attention y est mobilisée, à cause du

braconnage. Grâce à la contribution financière mentionnée, les deux conservateurs travaillent

en partenariat avec le WWF pour assurer la gestion du Parc. Il était alors utile de protéger les

territoires forestiers non seulement autour du Parc de Minkébé, mais aussi autour des Parcs de

l’Ivindo et de Mwagné présents dans la province, à travers la mise en place des forêts

communautaires.

C’est le contexte législatif qui a permis au projet DACEFI de se réaliser. En effet, la réforme

de la Loi forestière en 2001 a permis que soient apportées trois grandes innovations dans le

domaine forestier. Premièrement, les permis forestiers devaient être assurés par adjudication

pour une meilleure gestion forestière et pour éviter les malversations. Deuxièmement, tous les

permis attribués devaient faire l’objet d’un plan d’aménagement (CFSAD : Concession

Forestière Sous Aménagement Durable). Troisièmement, créer des forêts communautaires

dans le but d’impliquer les communautés villageoises dans la gestion durable des ressources.

Ainsi, le remaniement de la Loi formant le code forestier a permis qu’une gestion durable de

la foresterie sociale et communautaire, ainsi que les revenus qui en découlent, soient

possibles. Cette réforme prévoit « également la mise en œuvre de plans de zonage, ainsi que

la possibilité pour les populations de devenir gestionnaire à part entière d’une partie des

massifs forestiers ; c’est le propos même de la foresterie communautaire » (Vermeulen et

Doucet, op. cit. : 5). Le projet ne s’est fait que dans quelques villages de la province.

La phase 1 de DACEFI (2006-2008) est intervenue finalement dans les villages Ebe-Messe-

Melane, La Scierie et Nzé Vatican. Ces sites ont été choisis à partir de trois axes de

communication: l’axe Makokou-Lalara, l’axe Makokou-Mvadi, et l’axe Makokou-Mékambo.

Ces sites ont été retenus afin d’atteindre les trois groupes ethnolinguistiques dominants de

l’Ogooué-Ivindo que sont Fang, Kota et Kwélé. Au préalable des études de faisabilité ont été

faites dans sept villages cibles, mais par la suite, il n’y a que La Scierie et Ebe-Messe-Melane

où le projet a réellement travaillé parce qu’ils étaient volontaires. C’est vers la fin de la phase

1 du projet que Nzé Vatican a été choisi. Dans ces sites, « le projet se propose [également] de

promouvoir sur le terrain toutes les techniques simples concourant à la pratique d’une

agroforesterie durable permettant de diversifier le tissu économique local » (Vermeulen et

Doucet, op. cit. : 6). La phase 2 du projet qui démarre en 2010 a choisi de mener ses activités

dans de nouveaux villages (Ebyeng). Nous le verrons plus tard. C’est à Makokou que la

Page 322: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

321

cellule technique de DACEFI-Gabon s’est installée. Comment DACEFI s’est-il organisé ?

Quelles sont ses activités ?

1.3. Activités spatiales du projet DACEFI

Comme dit plus haut, le projet DACEFI se subdivise en deux phases. La première phase

(DACEFI 1) qui avait une durée de trois ans a commencé en Janvier 2006 et s’est achevée en

Décembre 2008. Ayant une durée de cinq ans, la deuxième phase (DACEFI 2) par contre a

commencé en Janvier 2010 et s’achèvera en Décembre 2014. La carte ci-après localise les

différents sites sur lesquels a travaillé DACEFI.

Cette carte résume les différents sites sur deDACEFI 1 a travaillé. Localisés exclusivement

dans la province de l’Ogooué-Ivindo, les villages Ebe-Messe-Melane, Bissobilam, Ntsenkele,

Carte 15 : Les sites de DACEFI 1

Carte 16 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon

Carte 17 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon

Carte 18 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon

Page 323: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

322

Mekob, Abor, La Scierie et Nzé Vatican avaient été au départ les sept cibles du projet. Mais

c’est définitivement dans trois sites localisés sur cette carte (Ebe-Messe-Melane ; La Scierie et

Nzé Vatican) que DACEFI 1 a mené ses activités. DACEFI 2 par contre, en dehors des

anciens sites, a élargi ses activités dans quelques villages de la province (Massah, Ebyeng et

Hendje). De plus, elle étend ses activités dans les provinces de l’Estuaire et du Moyen-

Ogooué dans lesquelles des sites sont en cours d’identification.

1.4. Organisation du projet

L’exécution du projet s’est faite en fonction de la législation en vigueur et des objectifs à

atteindre. De plus, des activités étaient faites pour permettre aux communautés villageoises

d’avoir un dossier complet d’après l’article 4 du décret d’application. L’obtention d’une forêt

communautaire devait se faire suivant une procédure administrative en deux étapes. La

première étape est celle où les communautés villageoises se réunissent pour se concerter à

propos de la FC. La deuxième étape est celle de la constitution du dossier relatif à la demande

de la FC.

C’est dans ce cadre que DACEFI 1 a travaillé. De même, suivant la même philosophie et les

mêmes objectifs, DACEFI 2 organise ses activités. Le projet s’organise en général autour de

trois domaines. Dans le domaine environnemental, le projet désire tout comme ses partenaires

et le gouvernement gabonais amener les villageois à jouir de leurs FC tout en respectant la

gestion durable des ressources naturelles à travers des activités pérennes. Le domaine social

est celui qui tient compte des conflits sociaux pouvant exister dans les villages pour créer

l’esprit communautaire sans lequel les FC auront du mal à se faire, de même que la gestion

concertée et un développement rural. Quant au domaine économique, réussir à « créer des

emplois locaux générateurs de revenus, d’améliorer le pouvoir d’achat des ruraux et de

développer des micro-projets de développement local » (Idem). Cela nécessite une

participation active des populations locales.

1.5. Implication des populations locales

Impliquer les communautés locales est l’un des objectifs fondamental du projet. Parce

qu’après le projet, ces communautés seraient autonomes et resteraient à travailler sans besoin

d’avoir un soutien extérieur. L’implication des populations a permis de déterminer leurs

attentes et craintes, de considérer leurs finages en fonction de leurs droits d’usages

Page 324: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

323

coutumiers, de l’occupation spatiale actuelle, de leurs histoires, coutumes, parentés, etc. dans

l’optique de bien mener les activités villageoises décrites ci-dessous.

1.5.1. Les activités villageoises

En général, les activités villageoises sont pratiquement les mêmes, cependant il en existe des

particularités selon les villages. À DACEFI 1 les agents du projet arrêtaient les activités en

collaboration avec les villageois en tenant compte de leurs attentes et de ce que leur offraient

leurs milieux. Cependant, dans certains villages comme Nzé Vatican où le projet a

tardivement commencé, il n’y a pas eu beaucoup d’engouement de la part des villageois,

parce que pour certains le projet était neuf et ne voulaient pas trop y adhérer. Dans d’autres

villages par contre (La Scierie et Ebe-Messe-Melane), les villageois travaillaient selon les

programmes arrêtés par les agents du projet. La majorité des villageois y a participé. Mais,

c’est au démarrage de la deuxième phase que les villageois ont montré leur désintéressement

vis-à-vis du projet à cause des incompréhensions que nous analyserons plus tard. C’est pour

cette raison que la deuxième phase du projet s’y prendra différemment.

Dans le cadre du projet DACEFI 2, l’équipe qui exécute le projet a encouragé cette fois-ci les

villageois à déterminer eux-mêmes leurs projets d’activités en fonction de leurs besoins, pour

susciter en eux la motivation. Et, c’est sera donc désormais eux qui solliciteront les agents du

projet et plus le contraire. Cette décision du nouveau Exécutant du projet résulte du constat

fait sur le terrain qui montre un désintéressement des villageois des premiers sites pour la

deuxième phase du projet. Les activités préliminaires que DACEFI 1 a initiées sont les mêmes

que celles de DACEFI 2 dans les nouveaux sites villageois. Il s’agissait entre autres de la

création d’une association, la conception d’une pépinière, la mise en place d’un verger et

entreprendre les formations des villageois à plusieurs activités. Nous proposons d’étudier

quelques unes de ces activités dans deux sites villageois partenaires.

1.5.1.1. La proposition d’un plan simple de gestion

Le plan simple de gestion passe par plusieurs actions et considérations qui doivent être au

préalable faites et prises en compte. « La délimitation est une des premières actions à

entreprendre dans la mise en place d’une forêt communautaire. Elle a pour but de

circonscrire une portion de forêt à attribuer à une communauté villageoise en tenant compte

des permis forestiers déjà octroyés et des limites avec les villages voisins » (Vermeulen et

Page 325: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

324

Doucet, op. cit. : 47). C’est un territoire à définir dans ce qui existe déjà comme domaine

forestier rural des villages demandant. Au Gabon la loi ne définit pas la superficie que devrait

avoir une FC ; « elle exige par contre un plan de situation de la forêt à une échelle comprise

entre 1/50 000e et 1/10 000

e (MEFEPEPN, 2004) » (Idem). La prise en compte de la manière

dont les villageois se représentent leurs espaces, leurs occupations actuelles, et comment ils

considèrent leurs ressources était également important pour circonscrire leur FC. Ainsi, pour

la délimitation d’une FC, un scénario comportant quatre étapes à été mis en place : «

1. Elaboration d’un scénario de limites pour la forêt communautaire sur la base des

informations relatives au finage villageois et aux permis forestiers ;

2. Identification des sources potentielles de conflits entre les différents acteurs concernés

(exploitants forestiers, villages voisins, clans, lignages, …) ;

3. Détermination des attentes villageoises de délimitation sur base d’une cartographie

participative ;

4. Elaboration d’un scénario intégré obtenu par consensus villageois » (Idem).

Ces quatre étapes ont été déterminantes pour proposer une délimitation des FC des villages

Ebe-Messe-Melane et La Scierie, en vue d’aboutir à un plan simple de gestion. Grâce à la

délimitation des finages la délimitation des FC a pu être faite dans ces villages.

1.5.1.1.1. Ebe-Messe-Melane

Élaborer un scénario pour délimiter le territoire de ce regroupement de villages dans le but de

circonscrire une forêt communautaire constituait une tâche importante.

Page 326: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

325

Carte de la forêt communautaire du

regroupement des villages

Les limites du finage de ce regroupement de villages ont été faites en fonction des

déclarations des villageois, sur la base d’une cartographie participative et grâce à un GPS. Les

permis forestiers, les villages voisins, les sites sacrés, les champs, les anciens villages, les

jachères, les sites de chasse et de pêche, ont été pris en compte. Comme le montre la carte de

gauche, les sites composant le finage des villages Ebe-Messe-Melane ont été spatialisés grâce

au SIG. « L’outil SIG permet l’élaboration de cartes thématiques sur l’occupation spatiale et

la comparaison de ces cartes avec les permis forestiers attribués, la topographie et

l’hydrographie du milieu. Ces cartes thématiques sont élaborées grâce aux outils de

sélection, de géotraitement et de représentation thématique offerts par Arcgis » (Schippers,

2007 : 27). C’est après cet exercice que la délimitation de la FC a été possible.

La carte de droite montre la FC de Ebe-Messe-Melane, établie à partir du scénario 2. « Afin de

déterminer les limites de forêts communautaires conformes aux attentes des villageois, une

cartographie participative est réalisée. Pour cela, deux types de cartes sont utilisés et

produits à l’aide du SIG. Le premier est une carte au 1/50.000 avec les principales rivières

nommées, les permis attribués, les routes et les villages. Le second est un fond de carte

Cartes 19 : Les délimitations foncières du regroupement villageois

Page 327: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

326

topographique également au 1/50.000 sur lequel les permis attribués ont été ajoutés » (Ibid. :

690). Une réunion avec tous les villageois selon leurs appartenances familiales, claniques, a

eu lieu dans le but de leur montrer les cartes établies. Les villageois se sont plutôt reconnus

dans la première carte. Le tableau ci après illustre les différentes zones définies pour les

villages Ebe-Messe-Melane et La Scierie.

Tableau 27 : Finages villageois et zones potentielles pour la mise en place de forêts

communautaires pilotes

Site Finage villageois en

ha

Zone potentielle de

FC en ha

Pourcentage du

finage villageois

La Scierie 27 655 ha 6 900 ha 25 %

Ebe Messe Melane 12 612 ha 5 297 ha 42 %

Source : Vermeulen et Doucet

Tenant compte des éléments sociaux et physiques, les agents de DACEFI avec l’aide des

villageois ont pu définir les superficies de leurs finages actuels et celles que pourraient avoir

les FC une fois établies. Le finage du regroupement des villages Ebe-Messe-Melane a une

superficie de 12 612 ha, dont la zone potentielle de FC représente 42 % du finage villageois,

c’est-à-dire 5 297 ha. Par contre, « le scénario propose une forêt communautaire de 5 750 ha

qui s’étend de la route nationale jusqu’à la limite du permis forestier no 7 situé au nord des

villages » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 48). On constate une distinction entre le scénario

présenté et les aspirations des villageois. Parce qu’un scénario intégré élaboré par consensus

villageois entre dans les objectifs du projet que finalement la proposition de la FC faite par les

villageois fut retenue (4 750 ha). Les zones potentielles de FC des villages ont été estimées en

tenant compte des exploitants forestiers, des villages voisins, des clans et lignages, dans le but

d’éviter les conflits.

1.5.1.1.2. La Scierie

Comme l’illustre le tableau ci-dessus, le finage de La Scierie a une superficie de 27 655 ha

mais la zone potentielle de FC ne représente que 25 % du finage villageois. Cette superficie se

trouvant hors des permis forestiers permet d’avoir une FC de 6 900 ha. « Le scénario de

limites pour le village de La Scierie présente une surface approximative de 4 750 hectares

dans la zone potentielle de la mise en place de forêt communautaire » (Idem). Ce scénario

proposé est similaire aux attentes des villageois qui considèrent que leur FC pourrait avoir

4 750 ha. Les cartes ci-après ont été élaborées sur la base de ce que nous venons de dire. D’un

Page 328: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

327

côté se trouve la carte d’occupation spatiale (à gauche) présentant le finage de La Scierie, de

l’autre la carte participative (à droite) montrant les limites de la FC du village.

Carte participative : Limites de la FC du village La Scierie

Ces cartes ont été faites grâce à l’intégration de l’approche participative qui a nécessité

plusieurs discussions et négociations. Ce qui a entraîné la délimitation de la FC. « L’approche

participative a pour but de créer une dynamique villageoise de discussion, de réflexion et de

concertation pour la délimitation d’une forêt communautaire. Elle favorise l’appropriation

par les communautés villageoises des nouveaux concepts et méthodes tout en garantissant la

prise en compte de leurs attentes » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 53). La carte participative

de la délimitation de la FC est un exercice auquel se sont prêtés avec enthousiasme les

villageois. Cette carte a été validée par toute la communauté parce qu’elle s’y retrouvait.

1.5.1.2. La conception d’une pépinière

Elle entre dans l’expérience de l’agroforesterie que DACEFI a initiée dans les villages.

« L’agroforesterie est un mode d’utilisation du sol qui implique le maintien délibéré ou

Cartes 20 : Les délimitations foncières du village La Scierie

Page 329: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

328

l’introduction de végétaux ligneux dans des champs ou dans des pâtures afin de bénéficier

des interactions écologiques et économiques qui en résultent » (Vermeulen et Doucet, op. cit.

: 27). À travers l’agroforesterie, le projet voulait aussi introduire l’approche de la foresterie

sociale telle que le prévoit la loi dans le cadre de la FC. Cette approche visait deux objectifs.

« À moyen terme, les communautés devaient retrouver de l’intérêt pour des spéculations

délaissées et les filières locales de commercialisation devaient être dynamisées. À long terme,

l’enrichissement devait augmenter le potentiel à la fois ligneux et non ligneux des villages

appuyés » (Ibid. : 28). Ce sont les activités en rapport avec l’agroforesterie qui montrent le

lancement du projet sur les sites retenus. C’est dans cette optique que les villageois de Nzé

Vatican, La Scierie et d’Ebe-Messe-Melane ont eu le soutien des agents du projet pour mettre

en place une pépinière dans chacun de leurs villages. Les pépinières ont été faites dans la

première phase du projet.

1.5.1.2.1. Ebe-Messe-Melane

À Ebe-Messe-Melane, comme dans les deux autres villages, « le site de l’installation de la

pépinière a été choisi de façon participative en fonction des critères conditionnant les

chances de réussite (proximité de l’eau, ensoleillement ne nécessitant pas de défrichements

importants, topographie peu accidentée, facilité d’accès, possibilités de contrôle, proximité

de terre de qualité) » (Ibid. : 32). Pour ce regroupement de village, une pépinière a été faite,

ce qui a permis de faire un verger (palmier à huile, atangatier, essences exploitables : Moabi,

etc.). Au départ, la pépinière a été faite dans le village Messe où réside le président de

l’association. Cette dernière appartenait au trois villages. Elle était composée de 3 000 plants.

Les villageois venaient à Messe pour s’alimenter en plants. Cela permettrait aussi de faire la

rotation des activités dans les trois villages pour motiver les paysans. Mais, compte tenu de la

distance qui sépare les villages, les habitants de chaque village ont décidé de créer une

pépinière dans chacun de leur village. Ainsi, la pépinière de Messe est restée sous la

responsabilité du président de l’association qui à lui seul ne pouvait en prendre soin.

1.5.1.2.2. La Scierie

La pépinière de La Scierie avait également une capacité de 3 000 plants, disposés dans

« douze bacs en bois durable, couverts d’ombrières, orientés dans un axe est-oues» pour un

ensoleillement maximal, et disposés de manière à faciliter les entretiens » (Vermeulen et

Doucet, op. cit. : 32). Les villageois de La Scierie comme ceux des autres villages ont reçu un

Page 330: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

329

guide pratique dans le but de les aider à mettre en place et à entretenir une pépinière. En effet,

« pour s’assurer du bon développement des plants et de la pérennité de la construction, un

entretien régulier de la pépinière est nécessaire. Il consiste à arroser, désherber et biner. À

ces opérations s’ajoutent le tri régulier des sachets en fonction de la hauteur des plants ainsi

que la destruction des parasites, des ravageurs, des mauvaises herbes et des plants morts »

(Idem). Ce travail fastidieux de l’entretien d’une pépinière nécessite une importante main-

d’œuvre et un dynamisme continu. C’est grâce aux premiers plants constitués en pépinière

que le verger du village a été créé.

1.5.1.2.3. Nzé Vatican

L’une des actions importantes de DACEFI 1 dans ce village fut la réalisation d’une pépinière.

Photo 5 : La pépinière de Nzé Vatican

À la fin du projet, une pépinière à été faite à Nzé Vatican.

C’est pratiquement à la fin du projet que les activités ont été menées à Nzé Vatican. La

pépinière qui y a été faite comprenait 3 000 plants, mais elle n’a pas bien donné, faute

d’entretien. À la fin de DACEFI 1, il n’y a eu que neuf villageois qui ont participé au projet

dans le village. Il n’y avait pas assez d’engouement de la part des villageois. Beaucoup ne

comprenaient pas le projet d’où leur méfiance dans la première phase.

1.5.1.3. La mise en place d’un verger

Ce sont les trois pépinières créées disposant au total de 9 000 plants qui ont permis de mettre

en place des vergers dans les villages (Ebe-Messe-Melane, La Scierie et Nzé Vatican). La

mise en place d’un verger entre également dans le processus agroforestier mis en place par le

Page 331: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

330

projet. « Les communautés villageoises ont identifié trois modes de diffusion des plants :

l’aménagement de vergers communautaires, l’enrichissement des jardins de cases et

l’enrichissement des trouées d’abattage ou des jachères. Les deux premiers modes concernent

essentiellement les essences fruitières alors que le troisième s’applique aux essences de bois

d’œuvre » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 32). Les vergers communautaires des trois villages

ont une superficie de près d’un hectare chacun, avec 100 à 200 plants d’arbres fruitiers. Ces

plants provenaient d’une part des pépinières villageoises créées auparavant (manguiers,

avocatiers) et du CIAM où des variétés améliorées de manguiers, manguiers, avocatiers et

agrumes ont été prises.

1.5.1.3.1. Ebe-Messe-Melane

L’établissement du verger, a permis à tous les habitants des trois villages de s’impliquer dans

cette activité.

Planche 10 : Le verger du regroupement des villages Ebe-Messe-Melane

C’est à DACEFI 1 que le verger de ces villages a été

créé.

En 2011, le verger envahit d’herbes n’est entretenu

que par quelques villageois soucieux de voir bien

grandir leurs arbres fruitiers.

Le verger était constitué de plusieurs lignes qui représentaient chaque famille villageoise.

Cette organisation avait pour but de contraindre chaque famille à mobiliser ses membres pour

entretenir sa ligne. Actuellement, le verger n’est entretenu que par quelques villageois. Les

autres villageois comme ceux de Melane qui ne font plus partie du projet suite à plusieurs

incompréhensions (par exemple certains sont pour faire exploiter la forêt et d’autres non) ne

viennent plus entretenir leurs lignes. On observe que l’impasse dans la deuxième phase

Page 332: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

331

décourage même ceux qui désirent continuer avec le projet. Les villageois voient très

rarement les agents de DACEFI 2 dans leurs villages. Cela contribue à maintenir le

désintéressement des villageois. De plus, par rapport au verger, ceux qui entretiennent

régulièrement leurs lignes, ont peur que lorsque les arbres porteront du fruit, qu’ils ne soient

volés par les autres villageois.

1.5.1.3.2. La Scierie

Ce village dispose également d’un verger communautaire.

Photo 6 : Le verger du village

Le verger de La Scierie se trouve à l’entrée du village, en revenant de Makokou.

Le verger communautaire de La Scierie est situé à côté du village. En dehors des plants

d’arbres fruitiers distribués pour enrichir les jardins de case des villageois, le verger de toute

la communauté villageoise accueille 100 à 200 plants d’arbres fruitiers. Au départ, tous y

voyaient une source de revenus à moyen et long terme. Cependant, face à l’absence d’une

autorité villageoise (notamment le chef de village décédé, le nouveau chef n’est pas influent),

chaque villageois fait ce qu’il veut. Une fois le verger a donné ; mais comme il n’est pas

nettoyé parce qu’il y a très peu de volontaires pour le faire, les arbres ont du mal à grandir.

Or, lorsque les arbres ont donné du fruit tout le monde y est allé cueillir parce que le verger

appartient à la communauté.

Page 333: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

332

1.5.1.3.3. Nzé Vatican

Un verger a été aussi fait à Nzé Vatican. Mais, certains plants d’arbres fruitiers ont tenu et

d’autres comme les agrumes se sont détruits. Tout comme lors de la conception de la

pépinière, la création du verger a été faite par neuf personnes. C’est par contre à la deuxième

phase du projet que les habitants de Nzé Vatican désirent redonner vie à leur verger, parce que

l’ensemble des villages souhaite entreprendre une activité commune. Cependant, le

redémarrage lent des activités de la deuxième phase du projet dans le village inquiète les

villageois. Le tableau suivant fait un résumé des activités de DACEFI 1 dans les villages Ebe-

Messe-Melane, La Scierie et Nzé Vatican.

Tableau 28: Etat des travaux de production et de diffusion de plants d’arbres fruitiers et

de bois d’œuvre réalisés en 24 mois (août 2008).

Type de travaux Niveau de réalisation

Aménagement de production

et de stockage des plants

d’arbres

3 pépinières villageoises d’une capacité globale de 9 000 plants.

Production des plants d’arbres

63 % de remplissage des pépinières.

5 701 plants en pépinière dont :

766 d’essences commerciales ;

4 935 d’arbres fruitiers (notamment sauvages).

Diffusion des plants d’arbres

5 vergers communautaires mis en place avec un nombre total de 695 arbres

plantés.

14 jardins de case enrichis avec 359 arbres.

Répartition des plants produits : environ 3 arbres par personne et 21 par

unité familiale.

Outils de vulgarisation et de

démonstration

Une parcelle de restauration comprenant 40 arbres d’essences de bois

d’œuvre.

7 trouées d’abattage enrichies avec 84 arbres d’espèces ligneuses

commerciales : moabi (Baillonella toxisperma), okoumé (Aucoumea

klaineana), paorosa (Swartzia fistuloides), sipo (Entandrophragma utile),

acajou (Khaya ivorense), kévazingo (Guibourtia tessmannii), izombé

(Testulea gabonensis).

Source : Vermeulen et Doucet

Ce tableau présente le bilan des activités de DACEFI 1 dans les trois sites partenaires. Les

agents ont travaillé avec les villageois et leur a apporté leur soutien technique, organisationnel

et matériel.

1.5.1.4. Les formations villageoises

La formation fait partie des étapes majeures à la création d’une FC. Elle entre dans le SIEF

(Sensibilisation, Information, Education et Formation), utile pour permettre aux villageois de

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

333

bien appréhender le concept de la FC, ainsi que ses avantages et ses contraintes. Les

formations se tenaient sur la loi forestière gabonaise et sur la vie associative. De même, « des

formations ont été dispensées dans les domaines de l’organisation villageoise, de la gestion

de conflits et de la comptabilité. Ce renforcement de capacité devrait permettre une

autogestion des communautés villageoises en réduisant la dépendance de celles-ci vis-à-vis

de l’assistance technique extérieure » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 42). En plus de cela,

des formations ont été faites dans la foresterie (exploitation artisanale du bois),

l’agroforesterie, l’inventaire d’exploitation de la FC, etc. Quelques villageois ont

particulièrement bénéficié du renforcement des capacités à travers un appui technique

considérable, comme sur l’inventaire des essences.

1.5.1.4.1. La Scierie

C’est dans ce village que le renforcement des capacités à la reconnaissance des arbres a eu

lieu. « Pour permettre aux communautés villageoises de participer à la réalisation de

l’inventaire d’exploitation de leur forêt communautaire, le projet DACEFI a organisé une

formation à la reconnaissance des essences commerciales et des Produits Forestiers Autres

que le Bois d’œuvre (PFABO) au village de La Scierie dans le Nord-Est du Gabon »

(Vermeulen et Doucet, op. cit. : 66). Les villageois étaient accompagnés du botaniste du

projet et à l’aide d’un GPS, ils parvenaient à identifier les essences le long des sentiers

parcourus.

La formation a duré une dizaine de jours. À la fin de cette formation, « 37 essences

productrices de bois d’œuvre et 13 espèces de PFABO » (Idem) ont été identifiées par les

villageois dans leur finage. En tout, quinze villageois de La Scierie ont participé à la

formation et étaient désormais capables de reconnaître des essences. Ceci est l’un des atouts

indéniables que les villageois ont eu lors de DACEFI 1. En conséquence, la formation a

permis « le recrutement d’une dizaine de villageois par un exploitant forestier de la localité

comme prospecteurs dans le cadre de l’inventaire de leur Concession Forestière sous

Aménagement Durable (CFAD) » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 66). C’est une activité que

les villageois de La Scierie ont beaucoup apprécié, parce que cela leur a permis de trouver de

l’emploi et d’avoir par la suite un revenu régulier pour nourrir leurs familles.

Page 335: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

334

1.5.1.4.2. Ebe-Messe-Melane et Nzé Vatican

Dans ces villages, il y a eu plusieurs formations mentionnées plus haut, sauf celle de la

reconnaissance des essences comme à La Scierie. Mais lors de la conception des pépinières et

des vergers, les villageois ont reçu quelques connaissances sur l’agroforesterie et sur

l’entretien des plants. Les villageois ont également reçu des « formations spécifiques et très

concrètes [qui] ont permis en outre à plusieurs dizaines de villageois d'être formés aux

techniques d'abattage à faible impact, de sciage et de travail artisanal du bois »91

. Les agents

du projet ont d’abord identifié les besoins des villageois ainsi que leurs attentes avant de leur

proposer des formations.

1.5.2. Les associations villageoises

La création d’une FC exige la création d’une association. « L’association est la convention

par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs

connaissances ou leurs activités dans un but autre que lucratif » (définition que donne la loi

n°35/62 du 10 décembre 1962 qui régit les associations au Gabon). Elle montre comment

elles doivent se constituer, fonctionner et même se dissoudre. La création d’une association

est très importante pour l’obtention d’une FC. Elle fait partie des premières actions que doit

entreprendre une communauté villageoise dans le processus d’attribution d’une FC.

Un modèle d’association pour une meilleure gestion a été proposé aux villageois. Il comporte

deux organes, dont l’Assemblée Générale de l’Association (AGA) et le Bureau Exécutif de

l’Association (BEA). Ces organes s’appuient sur le décret qui indique les conditions à remplir

pour créer une FC. De ce fait, c’est le BEA, reconnu par toute la communauté qui doit

s’occuper de l’administration et tout ce qui concerne la gestion de l’association. « La

composition, les attributions et le fonctionnement de ces deux organes sont précisés dans les

statuts et le règlement intérieur de l’association. Ces documents donnent notamment les

conditions d’admission, les types de membres, leurs droits et leurs obligations, les organes et

leurs modalités de fonctionnement, ainsi que les dispositions financières » (Vermeulen et

Doucet, op. cit. : 41). Les villageois ont bénéficié, pour la création des associations, du

soutien des agents du projet. C’est dans ce sens que les activités de Sensibilisation,

91

http://wwf.panda.org/fr/wwf_action_zones/gabon/dacefi2/phase1/composante_gabon/sensibilisation_et_format

ions/

Page 336: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

335

Information, Education et Formation (SIEF) ont été menées pour aider les villageois à mettre

en place le dispositif que leur exigeait la création d’une FC.

Après que les villageois aient compris le fonctionnement d’une association, les associations

des villages de La Scierie, Nzé Vatican et du regroupement des villages Ebe-Messe-Melane

furent créées. Les bureaux étant formés et les textes organiques adoptés, les dossiers ont été

déposés au Ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales, de la Décentralisation, de la

Sécurité et de l’Immigration, dans le but de légaliser les associations. « Dans la pratique, un

délai minimum de quatre à six mois est requis pour la délivrance du récépissé de dépôt du

dossier de demande de reconnaissance officielle de l’association. Il faut attendre encore

environ un an pour obtenir un récépissé définitif. Toutefois, à la réception de ce récépissé de

dépôt, l’association peut commencer à mener ses activités de manière formelle » (Ibid. : 42).

Après avoir fait un bref résumé de la création des associations villageoises pour obtenir une

FC, nous présentons ci-dessous le fonctionnement de ces associations en 2011 et 2012 quand

nous les avons rencontrées.

1.5.2.1. L’association d’Ebe-Messe-Melane

L’association du regroupement de villages s’appelle Fekdza, ce qui signifie solidarité en

Fang. Elle a été créée en 2007. À sa création, le bureau exécutif de l’association était

composé de dix membres. Chacun des trois villages avait un représentant à la tête du bureau

afin de confier les responsabilités à chaque village. Ainsi, le président de l’association était du

village Messe ; le vice-président et le secrétaire général adjoint étaient du village Melane ; le

secrétaire général, le trésorier étaient du village d’Ebe. Les objectifs de l’association étaient :

scier le bois, avoir un dispensaire, mettre de l’électricité dans les villages qui n’en ont pas et

entreprendre des activités génératrices de revenus qui préserveraient l’environnement.

L’association avait aussi initié la tontine ; c’était une sorte d’épargne rotative qui permettrait à

ceux qui étaient capables de la faire d’obtenir de l’argent.

L’association a déjà obtenu un récépissé du Ministère de l’intérieure mais elle n’est toujours

pas validée. Cependant, cela ne les a pas empêchés de faire ensemble une pépinière pour leur

verger. Si au départ, il y a eu une forte motivation des villageois quant à l’association et aux

activités de la FC, aujourd’hui, un très faible nombre de villageois s’intéresse au projet. Cette

situation résulte du fait qu’il s’est passé un temps d’inactivité (deux ans) entre la fin de la

première phase et le début de la deuxième phase. Pendant que les négociations étaient en

Page 337: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

336

cours dans le but de relancer DACEFI 2, certains villageois (ceux de Melane notamment) ne

voyant aucun avenir pour la FC en l’absence des agents du projet, ont décidé de faire exploiter

leur forêt par un exploitant industriel. Pour eux, l’exigence d’améliorer des conditions de vie

s’imposait, alors l’obtention des revenus issus de l’exploitation forestière était la solution

immédiate. Cela n’a pas été apprécié des habitants des autres villages qui demandaient de

rester dans la logique de la FC, c’est-à-dire ne plus accepter l’exploitation forestière nuisible

non seulement à la préservation environnementale, mais aussi peu bénéfique pour les

villageois.

Lorsque les exploitants forestiers ou particuliers exploitent une forêt, ils donnent

généralement aux villageois des prix presque dérisoires qui ne peuvent leur permettre

d’investir véritablement. Mais, les villageois ne sont pas toujours conscients du manque à

gagner issu de l’exploitation forestière anarchique qui ne se fait qu’à l’avantage de

l’exploitant lui-même. Ce qui est étonnant dans ce cas précis, c’est que les habitants de

Mélane avaient été formés et étaient supposés connaître la valeur de leur bois. Ils ont

cependant décidé de quitter l’association et le projet. Toutefois, grâce à cette exploitation, ils

ont pu mettre de l’électricité dans leur village et espèrent le développer aussi. Le retrait de

Melane n’a fait que consolider le climat de méfiance vis-à-vis du projet et créer des conflits et

incompréhensions avec les autres villageois. Ceci est l’une des raisons fondamentales du

ralentissement d’activités à Ebe-Messe qui désormais devraient continuer seuls sans Melane.

En plus, DACEFI 2 a du mal à continuer ses interventions dans le regroupement de villages.

Toutefois, afin de sortir de l’impasse, en 2012 l’association a décidé de faire une bananeraie.

Une partie des rejets de banane sera donnée par le projet et une autre sera fournie par les

villageois eux-mêmes. Bien que les membres de l’association aient reçu une tronçonneuse de

DACEFI dans le but de les aider dans leurs activités, la bananeraie n’a pas encore était faite

quand nous sommes passés. De plus, tout le monde n’est pas impliqué dans cette action, c’est

ce qui traduit la nonchalance constatée. Vu que les activités de la deuxième phase du projet

ont du mal à se faire, quelques villageois ont décidé de poursuivre quelques projets en petit

groupe, mais tout en promouvant la foresterie sociale.

1.5.2.2. L’association de La Scierie

Ndonga ba na ba La Scierie (les biens des fils de La Scierie en Kota) est le nom de

l’association du village La Scierie dans le cadre du projet DACEFI. Elle a reçu un récépissé

Page 338: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

337

de dépôt le 05/03/2008. Afin de favoriser le développement du village, l’association se donne

comme activités : la construction du village, la pisciculture, l’agriculture (bananeraie). Mais

l’association rencontre des difficultés financières pour réaliser ses projets. De plus, il n’y a

pas de motivation des membres du village. « Tout le monde veut l’argent avant de faire quoi

que ce soit ici » nous a confié le bureau exécutif de l’association. Les villageois comprennent

bien l’objectif d’une FC. Pour eux « la FC est une façon de réserver le bois du village », mais

ce qu’ils n’admettent pas c’est qu’il faudrait attendre beaucoup de temps avant de commencer

à jouir des avantages d’une FC. C’est pour cette raison que beaucoup se découragent.

Lors de la première phase de DACEFI, les villageois étaient motivés. Mais, le temps d’attente

du démarrage de la deuxième phase du projet, de même que la disparition du chef de village

qui avait beaucoup œuvré dans la première phase, ont suffi pour démotiver les villageois de

La Scierie qui ne trouvent aucun avenir dans la FC. L’absence ou l’inefficacité d’un chef de

village peut entraîner de graves conséquences sur l’avenir d’un village. À La Scierie, lorsque

le chef de village est décédé en 2010, le village a traversé une période de crise. Traumatisés

par la mort du chef au cours d’un accident, les villageois avaient du mal à trouver son

successeur. Ainsi, quelques exploitants privés ont profité de cette désorganisation pour abattre

de façon anarchique des grumes dans la forêt avec l’accord des villageois. Or, lorsque le chef

vivait, l’une de ses actions était de veiller sur la protection des grumes constituant une des

richesses de leur future forêt communautaire. En effet, un chef de village a pour mission

principale d’assurer la cohésion des villageois, de défendre leurs intérêts et d’assurer la

gestion rationnelle des rapports humains aussi bien à l’intérieur du village, qu’à l’extérieur.

De ce fait, même avec un nouveau chef de village, l’association ne parvient plus à mener des

activités. Les membres du bureau se sont dispersés, et ceux qui sont présents dans le village

ne parviennent pas à rassembler tous les villageois autour d’une activité. Ainsi, le verger n’est

pas entretenu. Quelques villageois pensent qu’il faut payer des gens pour entretenir le verger,

mais l’association n’a pas d’argent. Les villageois trouvent que les agents de DACEFI 2 ne les

aident pas ; ils leur font des doléances (obtenir deux scies) qui ne sont pas prises en compte.

L’inactivité de l’association déclarée incompétente par les villageois et la démotivation des

villageois n’incitent pas les agents de DACEFI 2 à reprendre le projet dans le village.

Page 339: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

338

1.5.2.3. L’association de Nzé Vatican

Matemangue ma nzé qui veut dire en Kota les initiatives de Nzé, est le nom de l’association

de la FC de Nzé Vatican. L’association a été créée en 2008. Son objectif principal est

d’encourager le développement du village, en créant des activités dont bénéficierait tout le

monde. Cette priorité fondamentale englobe notamment l’agriculture : faire une bananeraie. Il

s’agira aussi de faire du reboisement qui est une activité dont la répercussion est à long terme.

Ce sera bénéfique à leurs petits enfants. L’association compte également entreprendre le

commerce des PFNL ; si possible envisager l’exploitation de la FC conformément à la loi.

Cela veut dire que si une société forestière veuille exploiter leur bois, elle devra se soumettre

à la réglementation. En conséquence, la forêt devrait être divisée en plusieurs parcelles, de

telle sorte que si la parcelle 1 est exploitée, la parcelle 2 est conservée, et ainsi de suite. Les

villageois réalisent l’intérêt de préserver leur forêt tout en l’exploitant.

L’exploitation désordonnée qui a jadis existé dans le village de Nzé Vatican, a permis une

acception du projet sans difficulté. Les villageois voyaient en la FC la possibilité de devenir

eux-mêmes gestionnaires de leur forêt, à leur profit. Le démarrage des activités de DACEFI 1

en 2008 alors que le projet tirait à sa fin, non seulement n’a pas permis aux agents de mener

les activités qui avaient été faites dans les autres villages (délimitation de la FC, plan simple

de gestion), mais a également laissé les villageois sur leur faim. Ils étaient alors très motivés à

continuer la deuxième phase du projet qui jusque là n’a pas débuté dans le village.

Contrairement aux autres villages du projet, Nzé Vatican n’a pas exploité sa forêt après

DACEFI 1. Il est vrai qu’à DACEFI 1 très peu de personnes se sont lancées dans le projet,

mais à DACEFI 2 au contraire, plusieurs villageois désirent y participer. Jusqu’en 2012,

l’association n’a entrepris aucune activité, or le projet prend fin en 2014.

2. Tensions dans le projet DACEFI

Les difficultés que rencontrent les villageois sont en grande partie à l’origine des tensions

dans le projet. La pauvreté est en effet l’handicap majeur au développement rural. Si la

création de la FC est une des solutions pour sortir les villageois de la pauvreté, le

cheminement pour y arriver est long. Les agents du projet trouvent que les villageois posent

des actes qui compromettent les FC et les villageois trouvent que les agents ne les

comprennent pas. Des tensions naissent alors entre les différents acteurs dans la deuxième

phase du projet.

Page 340: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

339

2.1. Distensions entre villageois

Les villageois ne parviennent pas toujours à se mettre d’accord quand il faut choisir les

activités bénéfiques à tous. C’est ce qui fait que certains se sentent concernés par un projet et

d’autres pas. La mise en place d’un projet villageois demande la prise en compte de toutes les

attentes pour sa réussite. Dans le cas de DACEFI, le projet n’est pas arrivé à favoriser la

cohésion villageoise. Or, l’absence de cohésion est une difficulté fondamentale à la réalisation

d’une FC. Ebe-Messe-Melane qui auparavant travaillaient ensembles dans l’optique de sortir

de la pauvreté connaissent désormais des distensions entre eux, du moins entre Melane et les

deux villages qui désirent continuer avec le projet. Melane ne trouvant plus ses intérêts dans

le projet décide de se battre tout seul. De plus, les rapports entre les habitants des trois villages

sont devenus tendus. Ils s’accusent mutuellement d’user de fourberie dans le projet.

À La Scierie il y a aussi des distensions entre les villageois. Certains veulent continuer avec le

projet, mais la majorité des villageois ne souhaitent pas le faire parce qu’ils ne voient pas

concrètement les retombées du projet. Des discussions naissent toujours lors des réunions

empêchant les villageois de s’accorder. Il est vrai que les villageois reconnaissent que c’est

grâce à la formation du projet sur l’inventaire des espèces que quelques villageois ont pu

trouver un emploi dans une société forestière, mais pour eux les choses demeurent pareilles.

Ils ont l’impression de faire du sur place avec le projet.

2.2. Tensions entre les agents de DACEFI et les ruraux

Ces tensions sont principalement dues aux incompréhensions sans cesse observées entre les

agents de DACEFI et les ruraux. C’est surtout dans la deuxième phase du projet que ces

incompréhensions se sont multipliées. Les deux phases ont eu deux Exécutants et Assistants

techniques différents. Il aurait été souhaitable que les premiers Exécutant et Assistants

techniques qui ont débuté avec le projet le poursuivent à la deuxième phase, parce qu’étant

habitués aux terrains et connaissant les populations avec lesquelles ils travaillent, ils devaient

continuer le travail déjà entamé. Or, la venue des nouveaux Exécutant et Assistant est un peu

à l’origine du non redémarrage du projet dans les anciens villages pilotes. Il est vrai que la

réussite du projet n’est pas forcement liée à un Exécutant ou à un Assistant, mais tous n’ont

pas les mêmes stratégies et méthodes de travail.

Page 341: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

340

L’ancien Assistant technique de Makokou était parvenu à créer un climat de confiance entre

les agents du projet et les villageois. Il les comprenait et n’hésitait pas à susciter de la

motivation chez les villageois en menant des activités rémunératrices lors des formations.

L’un des problèmes récurrents dans les villages est l’absence d’argent. Il est par conséquent

mal pris par les villageois s’ils sont mobilisés des journées entières pour travailler dans le

cadre des FC et de ne pas vaquer à leurs occupations permettant de nourrir leurs familles.

Mais, le nouvel Assistant a eu du mal à intégrer ces considérations. Pour lui, si les villageois

sont d’accord avec le projet alors ils doivent aussi être motivés et disponibles.

Par ailleurs, comme nous l’avons déjà dit, il s’est passé beaucoup de choses dans l’intervalle

de temps entre la fin de la première phase et le début de la deuxième. La situation générale

observée par le nouvel Assistant à Ebe-Messe-Mela et à La Scierie où les forêts ont été

exploitées n’a pas permis de prioriser les anciens sites. L’exploitation anarchique du bois est

exclue de la philosophie de la FC. L’exploitation forestière ayant eu lieu dans ces villages, du

coup, la délimitation des FC ainsi que leurs plans simples de gestion précédemment arrêtés

lors de la première phase étaient à refaire. Or, ce sont des activités fastidieuses qui ont été

entreprises. Ainsi, la continuité des activités de la deuxième phase nécessitait encore d’autres

délimitations et plans simples de gestion. Selon le nouvel Assistant, il est indispensable de

prioriser les nouveaux sites qui ont encore leurs forêts intactes et dont les villageois sont

motivés.

Il est vrai que la situation observée dans les anciens sites en dehors de Nzé Vatican montre un

manque de sérieux de la part des villageois qui ayant été prévenus lors de la première phase

des conséquences de l’exploitation forestière incontrôlée, n’ont pas hésiter de faire couper

leur bois. Toutefois, le projet est aussi à l’origine de cette situation parce que d’après ce que

disent les villages ils n’ont pas été informés de la possibilité d’une deuxième phase du projet.

Se sentant livrés à eux-mêmes, ils ont fait ce qu’ils espéraient être bien pour eux et pour leurs

enfants. Il aurait été souhaitable qu’en entendant que les négociations de financement de la

deuxième phase aboutissent, que quelques agents du projet soient en contact avec les

villageois.

L’exploitation du bois mais cette fois contrôlée est prônée par la FC. Les villageois ont

demandé au projet de les aider à obtenir des tronçonneuses pour faire le sciage de bois, cela

les aidera à vendre les planches obtenues pour avoir un peu de revenus. Mais, apparemment

l’Exécutant du projet n’est pas d’accord avec ce projet que souhaitent mettre en place les

Page 342: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

341

villages, c’est pourquoi ils tardent à offrir des tronçonneuses. Or, le sciage de bois fait partie

des activités que pourraient mener les villageois dans une FC d’après ce que leur ont laissé

entendre les agents du projet. Ainsi, la nonchalance observée par l’Exécutant face au matériel

demandé par les villageois, alors que ces derniers sont sans cesse encouragés par le projet

pour arrêter des activités qu’ils estiment leur être peu bénéfiques (l’exploitation forestière)

créent des tensions entre les agents du projet et les villageois. Dans le processus de résoudre

ces tensions, le projet a offert une tronçonneuse aux villageois d’Ebe-Messe tandis que ceux

de La Scierie attendent toujours.

3. Bilan des activités DACEFI

Nous ne pouvons que faire un bilan partiel de DACEFI parce que la deuxième phase n’est pas

encore arrivée à son terme. En plus de ce qui a été dit, nous nous appesantirons ici sur les

nouveaux sites du projet.

3.1. Ralentissement des activités dans les anciens sites

Comme dit plus haut, jusqu’en 2012 le projet n’avait pas encore redémarré sa deuxième phase

dans les anciens sites que sont Ebe-Messe-Melane, La Scierie et Nzé Vatican. Plusieurs

raisons déjà évoquées expliquent cela. « Désormais ce sont les villageois qui iront vers le

projet et plus le projet vers les villageois. Cela voudrait dire que s’ils souhaitent continuer

avec le projet, les responsables des bureaux exécutifs devront désormais venir à Makokou

pour montrer leur motivation ainsi que leurs projets » a déclaré le nouvel Assistant technique

devenu le nouvel Exécutant du projet. Il poursuivit en disant que « s’ils ne viennent pas nous

voir c’est qu’ils ne veulent plus continuer avec le projet ». D’une part, ces déclarations

avaient pour objectif de faire renaître la détermination et l’intérêt pour DACEFI 2, pour des

villageois passifs attendant que tout leur soit donné d’avance. D’autre part, ces déclarations du

nouvel exécutant peuvent révéler être un piège. Il savait en effet, que les villageois ne

viendraient pas vers le projet ; d’abord parce que Makokou est très éloigné des villages et

pour y aller il faut emprunter un véhiculer et payer les frais de transports, ce qui serait très

difficile pour les membres des bureaux n’ayant pas de trésorerie. Ensuite, les villages

considèrent cela comme une manière de les bannir du projet de façon diplomatique.

L’assistant technique ainsi que certains agents du projet, déclarent qu’ils considéreront

comme un refus de continuer le projet de la part des villageois si seulement les villageois

Page 343: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

342

évoquent la difficulté de transport et de finance pour se rendre à Makokou, parce que certains

d’entre eux viennent faire leurs courses à Makokou et pourront en profiter pour rencontrer les

agents du projet. Cette réflexion n’est pas mauvaise en soi, mais on voit aussi que les agents

ne veulent pas ménager les villageois. Ils n’ignorent pas les difficultés que rencontrent les

villageois. De plus, cette nouvelle norme ne correspond pas aux pratiques de DACEFI 1. La

logistique fait partie du matériel obtenu grâce au financement des bailleurs de fonds pour

faciliter le déplacement des agents sur les sites du projet. Demander alors aux villageois de

payer leur transport pour l’intérêt porté au projet est un peu déplacé. Les agents de DACEFI 2

se sont recroquevillés sur les nouveaux sites pour justifier leurs activités.

3.2. Lancement du projet dans de nouveaux villages

L’objectif principal de DACEFI 2 est d’amener à terme les activités entamées dans la

première phase qui étaient inachevées jusqu’à l’acquisition des premières forêts

communautaires. Par la suite, étendre le projet aux autres villages. Avant le lancement de la

deuxième phase, DACEFI 2 a fait l’état de lieux et le point sur l’ensemble des activités

communautaires menées dans les villages pilotes de la première phase quand le projet était

absent. Le bilan était peu positif parce qu’en l’absence de DACEFI 1, les associations des

trois villages n’ont pas organisé des assemblées générales, et leurs activités collectives ne se

sont pas développées. Des situations conflictuelles ont été observées comme nous l’avons dit

plus haut. Seule l’association du village de La Scierie avant le décès de son chef de village a

pu construire deux cases des enseignants, mais il n’y a qu’une case qui est terminée et les

travaux de l’autre case ont été arrêtés depuis la disparition du chef. L’association du village a

aussi acheté un groupe électrogène pour l’alimentation du village en électricité. C’est suite à

ce constat que DACEFI 2 a décidé de travailler dans de nouveaux sites. L’appel a été lancé à

tous les villages désirant avoir une FC, mais seuls les villages ayant montré de la volonté et de

la motivation ont été retenus. Mieux que la phase précédente, la nouvelle phase s’est ouverte à

plus de villages dans lesquelles elle a mené une vaste campagne de sensibilisation. Au total 42

villages ont été sensibilisés dans trois provinces (Ogooué-Ivindo, Estuaire et Moyen-Ogooué).

Dans l’Ogooué-Ivindo ce sont dans les villages de Massah, Hendje et Ebyeng que DACFEI 2

mène le projet.

De tous les nouveaux sites de DACEFI 2, c’est le village Ebyeng qui a le plus retenu notre

attention. Premièrement parce que lors de nos entretiens avec les agents du projet (assistants

Page 344: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

343

techniques, exécutant, agronome), ils ne cessaient de mettre en avant le site Ebyeng dans

lequel ils travaillent sans difficulté. Ces villageois sont motivés et avancent bien dans les

activités entreprises, de telle manière que leur dossier de demande d’attribution de la FC a été

déposé par les agents de DACEFI au Ministère des Eaux et Forêts. Deuxièmement, si les

textes d’attribution étaient validés, Ebyeng devrait être le premier site à recevoir la FC au plus

tard en Décembre 2012. Nous nous sommes alors demandé quelle est la particularité de ce

village ? Pourquoi en trois ans seulement de la deuxième phase, une FC peut être attribuée à

cette communauté alors qu’au terme de la première phase qui avait la même durée, aucune FC

n’a été attribuée ? Ces questions nous ont conduits à avoir un entretien avec les membres du

bureau de l’association du village en Août 2012.

Ebyeng est un village Fang, situé à 18 kilomètres de Makokou. Ebyeng-edzuameniene est

l’association de deux villages (Ebyeng et Edzuameniene). Elle a été crée en Octobre 2002

pour lutter contre l’exploitation anarchique de leur forêt par un exploitant. Afin de faire des

doléances (construire une école, embaucher les villageois) à l’exploitant et d’imposer

certaines choses (par exemple la manière dont devait être coupé le bois), les villageois ont

trouvé l’utilité de créer une association pour être unanimes et imposants. L’association n’avait

pas encore de statut légal. C’est en 2010 lorsque DACEFI 2 décide de travailler avec les

villageois que la procédure de légalisation de l’association est lancée. Ils reçoivent un

récépissé provisoire en Juin 2010. DACEFI 2 trouve un village qui avait une organisation et

dans lequel l’esprit associatif était présent, à la différence des autres villages de DACEFI 1.

La majorité des villageois sont dans l’association. Ils se réunissent chaque dimanche et

cotisent 1 500 FCFA par mois. Faire du sciage, construire des infrastructures pour le village

sont les objectifs de l’association. DACEFI 2 apporte une aide technique aux villageois. Nous

citons les activités que le projet a réalisées avec les villageois d’Ebyeng :

- Formation de trois scieurs,

- Formation d’une pépiniériste,

- Construction d’une pépinière,

- Mise en place d’une bananeraie agroforestière depuis Janvier 2012,

- Mise en place d’un plan simple de gestion avec la participation des villageois,

- Préparation du dossier de la FC.

Page 345: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

344

Ces activités sont identiques à celles qui ont été menées dans les villages de DACEFI 1. Mais

les villageois d’Ebyeng connaissent les mêmes difficultés que les autres villageois. Ils

pratiquent une agriculture vivrière dans laquelle le manioc qui est l’aliment de base des

villageois est représentatif. Le plus d’Ebyeng c’est d’avoir créé une association plutôt avant

l’arrivée du projet. DACEFI 2 n’a fait que renforcer les initiatives de l’association par la SIEF

dont quelques formations étaient : gestion d’association, élaboration de grilles d’analyse,

d’autonomie pour le suivi de l’évolution des communautés. Etant donné que l’association joue

un rôle important dans la FC, le village Ebyeng qui a une association bien organisée bien

qu’ayant aussi quelques difficultés (implication finale des jeunes) a effectivement le droit

d’obtenir sa FC. C’est un village où DACEFI 2 n’a pas eu du mal à travailler et à solliciter

l’implication des villageois.

3.3. L’absence de forêts communautaires

À l’heure actuelle aucune FC n’a été octroyée à une communauté villageoise, suite à

l’absence des décrets d’application, montrant une impréparation de l’administration en charge

des forêts. En principe, lorsque le projet a commencé les décrets devraient aussi suivre. Même

si l’administration prétend justifier ce retard par le fait qu’elle veut d’abord « tester les

différentes initiatives expérimentales sur le terrain avant toute attribution qui ouvrirait la voie

à de nombreuses demandes » (Meunier et al., 2001: 17). Cela n’est pas raisonnable d’autant

puisque l’administration savait bien que cet handicap juridique limiterait la réussite du projet

et des résultats attendus. Une autre contradiction de l’administration en charge des forêts est

l’attribution des Permis Gré à Gré (PGG) dans les villages partenaires de DACEFI 1 alors

qu’elle était au courant de leur projet sur les FC. Il est difficile de croire que l’administration

ne savait pas que des négociations étaient en cours dans le but d’envisager une deuxième

phase du projet. Ainsi, l’octroi des PGG vient complètement montrer l’absence de soutien de

l’administration au projet. C’est ce qui s’est passé à Melane et à La Scierie comme nous

l’avons déjà souligné. Rien ne laisse croire qu’ils auront leur FC quand bien même les textes

seront validés, puis que DACEFI 2 n’a pas encore démarré dans ces villages.

Le PGG est régit par le décret n°0725/PPR/MEFEPA du 09/09/08. Les villageois de La

Scierie et de Melane s’en sont servis entre 2009 et 2010. Ce sont les originaires gabonais et

résidant en permanence dans une communauté qui ont le droit d’avoir un PGG de cinquante

pieds maximum de toutes espèces commerciales. Cependant, les bénéfices issus de ces PGG

Page 346: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

345

sont dérisoires, puis que les villageois n’exploitant pas eux-mêmes de façon artisanale leur

bois, ce qui leur serait plus avantageux, font des marchés avec des exploitants industriels

habitués au profit. Ainsi, « les prix de vente annoncés par les villageois sont très bas,

concédant un arbre pour moins de 15 000 FCFA (soit environ 22 euros), alors que le volume

de bois obtenu a certainement pu être revendu par l’exploitant à plusieurs centaines de

milliers de francs CFA en fonction de l’espèce » (Meunier et al., op.cit: 19). De même, cette

situation a contribué à détruire l’esprit communautaire que DACEFI 1 avait eu du mal à

établir entre villageois, même si on ne peut pas dire que c’était gagné d’avance ; mais les

agents du projet s’efforçaient à le faire comprendre aux villageois. Pour être en accord avec le

projet, les PGG ne doivent plus être autorités parce qu’ils détruisent la cohésion sociale dans

les villages, en occasionnant des rivalités et jalousies entre villageois, et la destruction de leur

forêt sans véritable profit.

Une des solutions trouvées pour aider les populations villageoises des anciens sites du projet

et même ceux des nouveaux sites à garder leur forêt de toute exploitation incontrôlée et

infructueuse, est de geler leurs forêts en attendant le processus d’acquisition des FC. Grâce à

un dossier de réservation montrant les limites des futures FC, que les villageois soumettraient

à l’administration, permettrait qu’aucun permis ne soit plus attribué dans ces forêts. Cela s’est

fait au Cameroun avec succès (Julve et Vermeulen, 2008)92

. Mais pour que ce dispositif soit

efficace, il faudrait que toutes les administrations qui ont un rôle important à jouer dans

l’attribution des FC décident enfin de résoudre le problème juridique constaté. Car, plus ils

prennent du temps, plus les forêts sont pillées et plus grand-chose ne reste pour la FC, même

si les villageois peuvent tout de même avoir leur FC bien que les forêts aient été exploitées

industriellement.

Au cours de l’analyse, nous avons quelques fois évoqué ce qui fait obstacle à l’acquisition des

premières forêts communautaires. Il nous revient de revenir plus explicitement sur ces

handicaps à travers quelques points pour montrer combien il est important d’agir au plus vite.

La résolution de ces handicaps est très utile pour aider le projet DACEFI et même celui de

l’OIBT à réussir. Au terme de cette analyse ainsi faite, un bilan peut être fait.

92

Cité par Meunier et al., op.cit : 21

Page 347: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

346

Tableau 29: Bilan des activités de DACEFI

Projet Activités Situation Résultats

Phase 1

(2006-2008)

-SIEF

-Activités en agroforesterie

-Détermination des plans simple de

gestion des FC

-Délimitation des FC

-Exploitation artisanale du bois

-Préparation des dossiers de

demande de la FC

Achevé Absence de FC attribuées

Phase 2

(2010-2014)

- SIEF

-Introduction de nouveaux sites

-Pépinières

-Plans simple de gestion

-Délimitation des FC

-Préparation des dossiers de

demande de la FC

-Vulgarisation de la foresterie

sociale et communautaire

-Mise en place d’un programme

environnementale dans neufs écoles

primaires villageoises

En cours

-Abandon des anciens sites

pilotes

-Absence de FC attribuées

dans les anciens sites

-Site Ebyeng en attente de

sa FC

4. Handicaps à l’obtention d’une forêt communautaire

Les handicaps observés qui entravent jusque là la demande d’une forêt communautaire, en

passant par les activités villageoises, jusqu’à son obtention sont d’ordre juridique,

administratif et social.

4.1. Absence et imprécision des textes

Si la Loi 016/2001 et son décret d’application ont été les supports de la mise en place des FC,

il a été cependant remarqué des limites à ces supports juridiques. Ces limites ont été révélées

par les interrogations concernant certains domaines contribuant à l’exécution des FC. Par

exemple les arrêtés d’application qui jusque là ne sont pas encore validés empêchent le projet

DACFECI d’atteindre ses objectifs ; il en va de même pour le projet OIBT qui porte sur le

développement des forêts communautaires au Gabon (DFCG en abrégé). Ce nouveau projet

mis en place par le Ministère des Eaux et Forêts avec l’aide financière de l’OIBT et du

gouvernement dans le but de l’étendre aux autres provinces, a été créé pour comparer les

expériences avec le projet DACEFI. Tout comme DACEFI, le projet OIBT est aussi un projet

expérimental, mais qui est également confronté aux mêmes difficultés.

Page 348: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

347

Il est observé des imprécisions dans certains textes. En effet, « les textes actuels ne précisent

pas que l’exploitation des forêts communautaires doit être artisanale, afin de correspondre à

une exploitation étalée sur des temps longs (permettant la régénération naturelle). Ce vide

juridique permet d’envisager actuellement une coupe industrielle en un seul passage, à

l’opposé immédiat de toute la philosophie sous tendue par la foresterie communautaire »

(Vermeulen et Doucet, op. cit. : 12). Cette imprécision sur la nature de l’exploitation du bois

situé dans les FC a été à l’origine des tensions entre les villageois d’Ebe-Messe-Mélane, ceux

de La Scierie qui ont fait exploiter leur forêt industriellement et les agents de DACEFI.

De même, les textes d’application sont imprécis sur le fait que l’intervention des

administrations doit être gratuite. Ces textes ne déterminent pas explicitement la gratuité de

toutes les aides que devraient apporter les administrations pour l’établissement des FC. Cette

carence ralentit l’aide que l’administration des Eaux et Forêts ainsi que l’administration

territoriale sont tenus d’apporter aux villageois. Jusqu’à ce jour, à notre connaissance, aucune

association des villages qui ont accueilli DACEFI 1 n’a été validée par le Ministère de

l’intérieur. Elles n’ont que des récépissés. Or, aucune FC ne peut être accordée à une

communauté villageoise si au préalable elle n’a pas une association validée. Le rôle de

l’association est de permettre aux villageois d’arrêter des activités qu’ils estiment rentables

pour leur communauté et que celles-ci soient entreprises collectivement. Au cours des

entretiens, les responsables des associations, ainsi quelques membres de leurs bureaux

n’étaient pas motivés de travailler parce qu’ils ont l’imprécision que depuis 2006 rien avance

pour eux ; d’où leur découragement.

Enfin, une autre imprécision des textes qui peut conduire à agir autrement est « l’absence de

rappel du caractère très agricole et agroforestier des espaces villageois […]. Ce caractère

implique d’une part, l’autorisation expresse de pratiquer l’agriculture dans les forêts

communautaires et d’autre part des normes d’inventaires et d’aménagement spécifiques

simplifiées, éloignées des normes d’aménagement traditionnelles » (Vermeulen et Doucet, op.

cit. : 12). De même, le fait que la loi ignore les PFNL (champignons, vin de palme, fruits, etc.)

qui sont massivement présents dans ce qui deviendraient les FC, limitent leur bonne gestion.

La liste des exemples montrant l’absence et l’imprécision des textes n’est pas exhaustive.

C’est suite à ces limites, que le Ministère des Eaux et Forêts et les acteurs concernés par les

FC ont organisé en début Octobre 2012 un atelier pour valider les projets de textes

réglementaires prévus pour résoudre les carences observées. Il s’agissait précisément de

Page 349: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

348

légaliser un Arrêté fixant les procédures d’attribution d’une FC ; un Arrêté fixant les

modalités de délimitation d’une FC ; une Décision portant attribution d’une FC ; une Décision

accordant une réservation de forêt à une communauté villageoise. Par la même occasion le

rôle de chacun des acteurs devait être redéfini dans le but d’être plus concret sur le terrain.

4.2. Absence d’esprit communautaire au sein des communautés

L’handicap majeur constaté chez les communautés forestières est l’absence de l’esprit

associatif. Ce manque ralentit non seulement les activités qui doivent être entreprises

ensemble, mais aussi l’obtention des FC (exemple la situation observée à La Scierie et à

Melane). Le développement d’une communauté rurale tout comme l’amélioration des

conditions de vie qui entrent dans les objectifs de la création des FC ne peut aboutir si les

ruraux ne travaillent pas ensemble.

Pendant longtemps les activités ont été menées dans le monde rural sans viser à mettre en

place l’esprit communautaire. Les villageois vivaient repliés et chacun œuvrait pour soi-

même, même lorsque les projets initiés visaient le profit de toute la communauté. Il ressort

après analyse et témoignages que l’échec de ces nombreux projets est en partie dû à l’absence

de solidarité dans les villages. C’est vers cette situation que va le projet DACEFI. Hormis les

handicaps précités, DACEFI 2 en particulier a trouvé une désorganisation sociale qu’elle a du

mal à gérer. Cela est dû au fait que l’esprit associatif arrive tardivement au Gabon. DACEFI

au Cameroun est face à d’autres réalités, mais l’esprit associatif antérieurement développé

favorise l’acceptation et l’avancement des projets communs.

L’exemple camerounais

Dans la sous-région, le Cameroun a toujours été considéré comme un pays agricole parce

qu’il produit beaucoup grâce à sa forte population rurale comme nous l’avons vu dans le

chapitre précédent, ce qui lui permet de ravitailler en produits agricoles les pays de la sous-

région, tels que le Gabon. Malgré cette position, le Cameroun connaît toutefois des difficultés

économiques comme le reste des pays de la sous-région. Cela va davantage amener l’Etat à se

désengager dans plusieurs politiques de développement et à libéraliser l’économie. Cette

situation va avoir des répercussions lourdes dans le développement rural camerounais, même

Page 350: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

349

situation vécue dans l’ensemble des pays de la sous-région. Cependant, le malaise ressenti

dans le monde rural camerounais a fait naître plusieurs initiatives collectives dans le but

d’aider les populations villageoises et d’assurer leur développement local.

C’est particulièrement à travers les Groupes d’Initiatives Communes (GIC) dont les modalités

de création repose sur la Loi n°92/006/ du 14 août 1992 que plusieurs résolutions ont été

prises par les villageois camerounais pour le développement de leurs localités. Plusieurs

organisations villageoises s’appelant désormais GIC depuis 1992, sont alors créées pour ainsi

donner au développement rural une spécificité participative. Se sentant aussi responsables de

leur développement, les villageois développent plusieurs activités dans le but de résoudre les

problèmes liés à la pauvreté. Ceci a favorisé une importante évolution numérique des GIC au

Cameroun, grâce au cadre juridique mise en pace par l’Etat en 1993. Elong (2004) dans son

étude montre que de 1993 à 2003, 10 911 GIC ont été créés dans la province du Centre. Ce

chiffre est spectaculaire et montre une adhésion massive aux associations par les villageois

camerounais ; ce qui n’est pas le cas au Gabon. Peut-on imaginer le nombre actuel des GIC au

Cameroun ? Aujourd’hui les villageois prennent conscience de l’importance des GIC pour le

bien de leurs communautés. « Certains de ces groupements se sont donc engagés à élargir

l’esprit de solidarité à l’ensemble de leurs villages en devenant les porte-parole des

problèmes de société auxquels ces derniers étaient confrontés » (Elong, op.cit: 63). Ainsi,

« les GIC ont connu dans la zone forestière [camerounaise] un développement remarquable

et l’on peut aujourd’hui cerner les contours d’un tel engouement comme l’impact de celui-ci

sur le vécu quotidien des ruraux » (Ibid. : 76). C’est grâce à cet environnement favorable à

l’esprit communautaire mis en place par les GIC que le projet sur les FC n’a pas eu du mal à

se mettre en place.

Les GIC n’ont pas que comme acteurs les villageois. Ces GIC ont été aussi créés avec l’apport

des élites, des ONG et de quelques politiques. Ce qui n’a pas toujours eu des effets positifs.

Pour ce qui est des ONG, beaucoup d’entre elles ont imposé leurs visions de choses aux GIC

grâce à leur implication et à leur financement. De même, les élites aussi ont favorisé la

création des GIC fantômes, ainsi que le détournement des fonds, parce que certains d’entre

eux concevaient les projets pour demander éventuellement des financements. Ces GIC ont

également eu le soutien de nombreux sans-emploi revenus vivre désormais au village, et les

retraités. L’objectif principal de la création des GIC était de sortir les paysans de l’attentisme

pour désormais atteindre « les dimensions économiques, développant des compétences

Page 351: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

350

professionnelles dans leurs filières respectives ». Pour ainsi les aider à créer eux-mêmes leurs

propres projets et bien les gérer pour leur bien. L’aspect économique étant prépondérant, les

GIC à travers les compétences acquises œuvrent dans les domaines tels que

l’approvisionnement des intrants, l’usinage, le suivi et contrôle de la qualité, la

commercialisation. Les paysans deviennent eux-mêmes les opérateurs économiques et

s’informe de tout ce qui concerne le marché de leur filière, pour devenir plus efficaces.

Ce sont de nouvelles formes d’organisations qu’ils ont mises en place. « Le fonctionnement

des marchés groupés est donc devenu la règle dans la zone forestière, et les résultats concrets

que les paysans en tirent sont évalués à la base, c’est-à-dire au niveau du GIC, noyau

principal où s’effectue la production » (Elong, op. cit. : 92). Les principales activités

entreprises dans les GIC en vue de créer des revenus aux paysans sont notamment,

l’agriculture, l’élevage, les prestations des services, puis viennent les activités secondaires

telles que l’artisanat, la promotion de la culture et des œuvres sociales, la transformation

alimentaire, la transformation du bois, la pisciculture. Si les GIC ont favorisé la promotion de

plusieurs activités de production dans le monde rural camerounais, cependant,

l’individualisme a toujours influencé ces activités, ce qui va à l’encontre de l’esprit

communautaire. Ceci est également un handicap pour augmenter la production qui était l’un

des objectifs visés. « La production demeure individuelle parce que l’appropriation foncière

reste au centre de nombreux litiges entre les familles dans la zone forestière. Personne ne

peut guère se risquer de céder de la terre à un GIC pour ses activités de production, car

inévitablement, quelqu’un d’autre en revendiquera la propriété, et le plus souvent sans

fondement légal » (Ibid. : 104). Ainsi, le problème que suscite le foncier fait entrave aux

actions communautaires dans les villages camerounais. Face à ce problème qui est connu par

l’ensemble des pays de la sous-région, le projet sur les forêts communautaires a été lancé en

l’occurrence au Gabon et au Cameroun pour permettre aux communautés villageoises de

posséder des titres fonciers communs pour des activités communes.

Cependant, il existe des limites à l’organisation paysanne camerounaise :

- L’imprécision et la méconnaissance des limites des villages,

- Le fait qu’on peut trouver des habitants d’un village qui ne font pas partie d’un GIC.

Cela est dû au fait qu’il y a des villages forestiers qui n’ont pas en leur sein un GIC, ce

qui est un handicape à la cohésion sociale. Les GIC peuvent regrouper des habitants de

plusieurs villages, ce qui permet d’établir et de resserrer les liens entre villages. Pour

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

351

qu’un GIC regroupant les paysans de plusieurs villages soit efficace il faut que ces

villages aient les mêmes réalités socio-économiques.

4.3. Activités villageoises à long terme

Pour l’instant les activités villageoises économiques compatibles avec une gestion durable des

ressources prévoient un long processus. C’est à long terme que les résultats seront obtenus. La

mise en place d’un verger ne produit de l’argent que quelques années plus tard lorsque par

exemple les arbres fruitiers seront arrivés à maturité et dont les fruits seront vendus sur les

marchés. Les villageois ne croient pas trop à cette vision de chose lointaine même s’ils

devraient y croire pour l’avenir de leurs enfants. Les communautés villageoises sur lesquels

repose le projet sont d’un certain âge. Parce que l’espérance de vie au Gabon est de 62 ans en

2011 que les villageois disent qu’ils ne seront plus en vie lorsque les arbres fruitiers auront

grandi pour en bénéficier, ce qui n’est pas faux.

Même arrivés à maturité, les fruits des villages du projet auront de mal à se vendre, parce

qu’il y aura les fruits identiques sur le marché, à moins qu’ils soient vendus plus moins chers

que les autres. Ceci pose aussi le problème de type de choix des activités à mener dans la FC.

Les arbres fruitiers issus des vergers plantés ne diffèrent pas des arbres que l’on retrouve dans

les champs, anciens villages et jardins de cases des localités qui ne font pas partie du projet.

Pourquoi les fruits issus des FC seront-ils privilégiés sur les marchés urbains par rapports aux

autres fruits ? Concrètement, ni la création d’un verger qui nécessite un temps moyen, ni le

reboisement un temps long, ne parviennent pas à convaincre véritablement les villageois, dans

la résolution des problèmes qui touchent les ruraux. Ils restent encore persuadés que

l’exploitation forestière et le sciage de bois sont les seules activités qui produisent pour

l’instant un profit immédiat.

Les villageois ne sont pas encore préparés à entreprendre les activités à long temps. Cela

serait-il dû à l’absence de culture entrepreneuriale ? En effet, « il n’existe pas à proprement

parlé d’institutions opérationnelles de microcrédit au Gabon ni de structures spécifiquement

en charge du financement des micros et petites entreprises » (PNUD Gabon, 2003: 4), qui

pourraient permettre aux gabonais de mener des activités personnelles. De plus, « Le crédit

aux entreprises étant essentiellement fait par les banques commerciales, qui ont un système

de fonctionnement inadapté aux micros et petites entreprises, ne parvient qu’aux promoteurs

justifiant d’une expérience professionnelle et de garantie solides » (Idem). Le micro projet a

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

352

pour but de favoriser le lancement des activités personnelles, en entraînant l’autonomisation

des entrepreneurs dans le but d’éradiquer le secteur informel (nuisible à l’économie nationale)

et de lutter contre la pauvreté. Ainsi, le micro projet est une solution qui pourrait être

généralisée dans le monde rural pour aider les ruraux à améliorer leurs conditions de vie. Par

exemple dans le cadre des FC, ce serait plutôt les associations qui en bénéficieront afin de

fortifier la cohésion sociale et les activités communes bénéfiques au développement local.

Au terme de cette partie, il convient de s’interroger sur l’avenir des FC au Gabon. Combien

de FC seront-elles attribuées aux communautés villageoises ? Les FC sont-elles une véritable

solution pour sortir les villageois gabonais de la pauvreté comme cela a été prévu au départ,

au regard des limites auxquelles elles sont confrontées ? Encore une fois de plus, les projets

sur les FC n’entrent-ils pas dans le lot des projets ruraux qui n’ont pas réussi ? Des questions

qui amènent encore une fois de plus à réfléchir sur le devenir du monde rural gabonais.

Le projet sur les FC n’est pas mauvais en soi. S’il a eu des répercussions positives au

Cameroun, il devait en être aussi ainsi au Gabon. Cependant, le contexte socio-économique

n’est pas identique dans les deux pays. L’esprit entrepreneurial de même que l’esprit

associatif sont très enracinés au Cameroun. L’esprit d’entreprise notamment « se fonde sur un

comportement d’épargne régulièrement soutenue, d’investissements, et de verrouillage

efficace des causes de désinvestissement, en d’autres termes, sur une logique

d’entrepreneur » (Warnier, 1993: 28). Pendant les débuts d’accumulation, les entrepreneurs

camerounais réduisent au minimum la consommation pour épargner (exemple chez les

Bamileké). Cependant, ces entrepreneurs, parce qu’ils savent que sans épargne il leur sera

difficile d’atteindre les objectifs visés, sont prêts à tout. Au Gabon, cette attitude est peu

commune, car se priver quand on peut s’offrir quelle que chose au profit des affaires est très

rare. Les entreprises individuelles au Cameroun fonctionnent durablement grâce à l’épargne, à

la bonne gestion, au réinvestissement, etc.

Quant à l’esprit associatif au Cameroun que l’on peut remarquer avec la tontine qui est

relativement bien développée chez les Camerounais, indique une particularité camerounaise.

La tontine montre la solidarité qui existe entre individus, surtout les ressortissants d’un même

village lorsqu’ils se retrouvent en ville. C’est une sorte d’entre aide qui permet de faire une

épargne rotative. Les ressortissants camerounais en portent avec eux la tontine encrée dans

leur culture, quand ils immigrent. C’est ainsi qu’elle est rependue et pratiquée par les

Gabonais.

Page 354: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

353

L’esprit d’entreprise et d’association sont des bases solides pour la réussite des FC, c’est

pourquoi en parlons. Leur absence ou le fait qu’il ne soit pas très implanté dans les mentalités

des Gabonais fausse la logique dans laquelle s’inscrivent les projets (OIBT et DACEFI) au

Gabon. Même si les FC sont attribuées à toutes les communautés rurales du territoire

gabonais, le problème de pauvreté sera toujours présent, sauf si les communautés elles-mêmes

décident d’agir autrement. C’est-à-dire qu’au-delà des limites sociales, politiques et

économiques, les villageois d’une même communauté se mettent en ensemble pour œuvrer

pour le bien de leurs localités sans attendre l’intervention de l’Etat.

Conclusion du chapitre VII

On a bien observé une motivation des ruraux lors de la première phase à travers leur

participation dans les activités entreprises conjointement avec les agents du projet. Cependant,

cette motivation diminue davantage à cause des handicaps mentionnés. Pour l’instant, vu les

résultats partiels du projet DACEFI, les FC ne sont pas un projet qui parvient à régler les

tensions dues au partage des terres. De même, il ne parvient pas à améliorer les conditions de

vie dans les zones dans lesquelles elles sont en expérimentation.

La question du développement rural reste toute entière. Comment favoriser le développement

des villages gabonais ? Les solutions trouvées présentent toujours des limites même si dans le

fond elles sont bonnes. Le projet DACEFI montre déjà ses limites comme les autres projets

antérieurs exécutés dans le monde rural gabonais. En effet, l’absence d’esprit d’entreprise,

d’esprit associatif sont de réels handicaps au développement de ce projet ; sans oublier la

nonchalance législative et administrative observée.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

354

Page 356: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

355

Conclusion de la troisième partie

Les deux chapitres de cette troisième partie avaient pour but de montrer les situations

conflictuelles vécues dans le monde rural gabonais et les tentatives de solutions qui y sont

apportées. Les conflits nés de la conservation et de la production sont multiples, mais ce sont

les principaux conflits qui ont été traités. Leurs causes sont aussi multiples que leurs

conséquences. Ainsi, les solutions à apporter doivent tenir compte des impacts de ces deux

concepts chez chaque type d’acteur ; puis que « les questions d’environnement et de

développement sont inséparables » (Le Prestre, op.cit: 16). On ne peut donc pas les traiter de

façon distincte.

Au terme de cette partie, on retient que les conflits persistent dans le monde rural gabonais, et

que les solutions trouvées telles que le projet sur les FC présentent des carences. Ce qui ne

favorise pas le développement rural tant attendu. De plus, « les solutions proposées aux

problèmes de développement et d’environnement doivent viser un équilibre entre la

croissance, l’équité et la démocratie. On ne peut conserver les ressources naturelles et

ignorer les droits des Etats ou les habitants qui en vivent ou qui vivent parmi elles » (Ibid.:

15). C’est dire que pour qu’il y ait une bonne gestion environnementale, une croissance et un

quelconque développement local des solutions combinant tous ces éléments sont à encore

certainement à trouver.

À un an de la fin de DACEFI 2, il serait peut être trop tôt de dire que le projet n’a pas

fonctionné et que les objectifs arrêtés n’ont pas été atteints. Il est vrai que la philosophie de la

FC qui consiste à faire participer les populations locales dans la gestion environnementale de

leurs milieux et de profiter des avantages de leur forêt est une solution appropriée pour

résoudre les conflits dans les espaces ruraux, et de conduire ainsi au développement rural qui

est un long processus. Cependant, les résultats obtenus résultant de la phase 1 et de la moitié

de la phase 2, ne sont guère satisfaisants. Nous ne perdons pas de vue que la FC est un

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

356

nouveau mode de gestion foncière et environnementale au Gabon, qui a sans doute besoin de

temps pour s’affirmer et produire des résultats probants.

Pour avoir un aperçu général des FC et des résultats finaux obtenus dans les autres localités

où se font les projets DACEFI et OIBT, il est souhaitable d’attendre la fin de ces projets.

Ainsi, il sera plus facile de voir si les FC peuvent être créées dans l’ensemble du monde rural

gabonais ou pas. La FC reste en effet un moyen pour décentraliser la gestion des ressources

forestières à l’avantage des ruraux. Il existe cependant d’autres types de gestion spatiale et des

ressources forestières dans les villages qui privilégient entre autre les gestions familiale,

lignagère, associative et individualisée93

, ce qui signifie qu’il n’existe pas un mode unique de

gestion villageoise. Le concept de FC revêt donc « un caractère exogène » (Pierre et al.,

2000 : 21). Ainsi, « le développement d’une gestion de type « forêts communautaires » ne

peut pas être envisagé au Gabon sous la forme d’un modèle standard et unique applicable à

l’ensemble du territoire à travers un texte de Loi unique, ce qui rend plus difficile

l’élaboration d’un cadre juridique adapté à la diversité des situations locales » (Idem). Il est

aussi utile de rappeler aux villageois qui désirent voir les retombées immédiats d’une FC, que

cette dernière se présente d’abord comme un patrimoine naturel à long terme au profit des

générations futures.

93

C’est la typologie des modes de gestion des ressources observée par les experts de LUTO et du CIRAD-Forêt

en 2000 dans le monde rural gabonais.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

357

Conclusion générale

Il est de coutume, lorsqu’on parle du monde rural gabonais, d’évoquer toutes les difficultés

socio-économiques et démographiques qu’il rencontre depuis plusieurs décennies. Ne pouvant

passer outre cette tradition, nous nous sommes attachés dans le chapitre II à décrire le monde

rural gabonais en général, de l’époque précoloniale à nos jours, et les difficultés qui sont les

siens. Mais avant, particulièrement dans le chapitre I, nous avons fait un détour vers les pays

occidentaux pour décrire les concepts de production et de conservation qui leurs ont donné

forme, puis dans les pays tropicaux dans lequel se trouve le Gabon où ils ont leurs

répercussions. C’est grâce à ce détour que nous avons pu analyser dans le chapitre III les

activités de production qui sont pratiquées dans le monde rural gabonais, de même que

l’avènement des politiques environnementales et les activités de conservation observées, sans

oublier les acteurs qui ont permis leur mise en place.

Il a paru nécessaire de faire aussi une description particulière de la zone d’étude tout en

évoquant la méthodologie utilisée, dans le chapitre IV. L’objectif était d’observer à travers

des exemples palpables le vécu des villageois ogivins dans l’application des activités de

production et de conservation. Ainsi, partant du global au local il ressort après analyse que les

difficultés que connaissent les ruraux ogivins sont les mêmes dans l’ensemble du monde rural,

à la différence que les milieux ruraux très proches des parcs nationaux (les villages de la

Lopé) connaissent des situations particulières, telles que la récurrence des conflits Homme-

faune. C’est dire que les activités de conservation de plus en plus présentes et les activités de

production dont les pratiques sont bien antérieures, ne favorisent pas le développement des

localités dans lesquelles elles sont pratiquées, c’est-à-dire les milieux ruraux. Nous l’avons

vu, il n’existe pas de développement réel pour ces milieux ; et les populations qui y habitent

sont confrontées à de véritables difficultés. Si certains d’entre elles décident de partir, pour

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

358

améliorer leurs conditions de vie, d’autres par contre bien qu’étant un faible nombre ont

décidé de rester au village, mais pourquoi ?

Le chapitre V nous a permis de répondre à cette question et surtout aux interrogations que

justifiait l’intitulé du chapitre sur les villages gabonais malgré leurs problèmes, à travers les

analyses faites sur la zone étudiée.

À quoi servent les villages gabonais ? Tel est l’intitulé du chapitre V. On pourrait se

demander pourquoi une telle formulation ? Cette formulation pose le problème du rôle du

monde rural gabonais et de son rôle dans l’économie et la société gabonaise contemporaine.

On l’a vu, il est difficile de considérer que cet espace remplit la fonction nourricière que l’on

attend, a priori, d’un monde rural.

Cette situation rend plus criante encore la question de la faiblesse de la production d’aliments

au Gabon. Au moment où la sécurité alimentaire devient une priorité tant dans les pays

d’Afrique centrale qu’à l’échelle planétaire, répondre aux besoins alimentaires des

populations devient pour les gouvernements une réelle préoccupation. C’est dans cette

optique que s’est inscrit la thèse doctorale de Galley (2010), intitulée le Gabon peut-il se

nourrir ? À travers la zone étudiée, nous avons montré que les villages produisent très peu,

les surfaces sont très insuffisantes et la main-d’œuvre agricole toujours en déclin. Cette

situation connue dans l’ensemble du monde rural gabonais, montre qu’on ne peut pas compter

sur les villages pour nourrir les populations.

La forte dépendance du Gabon en produits alimentaires, malgré le développement des cultures

aux périphéries des centres urbains, grâce à la présence des ruraux dans ces mêmes milieux et

à l’activité maraîchère pratiquée en majorité par la population étrangère, amène à s’interroger

sur l’impact, positif ou non, de ces nouvelles pratiques sur la production agricole nationale. La

question de la crise alimentaire est toujours d’actualité, même si elle s’est atténuée depuis

2008, date à laquelle les pays de la sous-région ont connu une importante crise alimentaire

due à la forte augmentation des cours internationaux des produits indispensables à

l’alimentation (CNUCED et OIF, 2008). Il s’agit notamment du blé, du riz et du maïs dont les

quantités importées sont très importantes pour l’ensemble des pays de la sous-région ; leur

enchérissement constitue une menace alimentaire pour les personnes les plus démunies. En

effet, « tous les pays d’Afrique Centrale, importent généralement des quantités importantes

de blé et de riz qui sont principalement destinées aux consommateurs des zones urbaines.

Page 360: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

359

Trois pays de la sous région, le Congo, le Gabon et la Guinée Equatoriale, dépendent

presque entièrement des marchés internationaux pour combler leurs besoins en matière de

céréales (blé et riz) et autres produits alimentaires » (FAO, 2013)94. Cette forte importation

de ces produits est due à la faible production locale des produits de base constatée. Même si

certains pays se démarquent comme la République Centrafricaine et le Cameroun « [qui] sont

généralement auto-suffisants pour le maïs, leur denrée de base ; mais les perspectives

demeurent incertaines pour la récolte de l’année 2012, et il se peut qu’ils aient recours à des

importations en 2013 » (Idem). C’est dire que la flambée des prix de ces produits constitue

une insécurité alimentaire pour les populations de ces pays et surtout pour le Gabon.

Même si des mesures sont prises par chaque gouvernement pour essayer de résoudre ce

problème chronique, à l’exemple de notre pays d’étude où les prix de certains produits de

première nécessité ont été plafonnés et les droits de douane et de TVA sur quelques produits

alimentaires (riz, poisson, fruits et légumes) suspendus, pour une certaine durée. Ces mesures

ne suffisent toutefois pas pour résoudre la problématique de l’inflation alimentaire.

Encourager l’augmentation de la productivité des produits de base semble être pour le

gouvernement gabonais la solution idoine pour limiter ses importations alimentaires et pour

assurer des prix locaux raisonnables.

Le monde rural gabonais est questionné à cause du fait qu’il ne remplit pas son rôle premier :

nourrir les populations. Si le gouvernement importe 250 milliards de FCFA/an (382 millions

d’euros par an) pour l’importation des denrées alimentaires, cela veut dire que la production

agricole du monde rural gabonais est très faible. Et s’il ne produit pas comme il devrait le

faire, alors à quoi sert-il ? Tenter de répondre à cette interrogation « essentielle » a représenté

le fil conducteur de nos recherches doctorales.

De cette préoccupation, il convient de retenir que les territoires situés aux périphéries des

parcs nationaux de la zone d’étude présentent plusieurs atouts. Si les villages ne remplissent

pas leur fonction première, ce qui amène le gouvernement à se tourner vers l’extérieur, sur

d’autres plans, ces villages continuent d’être sollicités. Sur le plan social, les territoires ruraux

constituent des espaces de vie et d’accueil de deux catégories de populations : les enfants et

leurs grands-parents ; pendant les vacances, ces villages reçoivent également la visite de

94

http://www.fao.org/africa/central/actualites/fpxali/fr/

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

360

plusieurs citadins. Ces espaces pourraient de même peut-être constituer des lieux de loisirs

naturels et culturels pouvant favoriser le tourisme naturel et culturel. Mais encore faudrait-il

qu’une politique volontariste en ce sens soit menée et qu’elle soit appropriée par les

populations rurales. C’est ce plan social, de même que l’aspect culturel qui justifient

l’existence actuelle des villages gabonais. Ce qui permet de dire que ces villages remplissent

mieux les fonctions sociale et culturelle, qu’agricole.

Les territoires ruraux représentent également sur le plan économique des lieux « favoris » de

la production de bois et de grumes, avec près de 60 essences différentes exploitées, ainsi que

de pétrole et de minerais. Le secteur forestier est très important dans le pays parce qu’il

constitue l’employeur principal du secteur privé, avec près de 20 000 emplois directs et

indirects, soit le second domaine d’emplois du Gabon après le secteur public. La filière bois

dégage de même des revenus importants, avec 251 millions d’euros provenant des

exportations des grumes, soit 12 % des exportations totales pour l’année 2008 (c’est le

deuxième secteur d’exportation), avant l’application des reformes gouvernementales qui

consistent à favoriser la transformation des grumes sur le territoire national.

Pour ce qui est du pétrole, 220 000 à 240 000 barils de pétrole sont extraits chaque jour de

zones rurales, ce qui permet au pétrole de participer à hauteur de 40 % au PIB. En 2010, la

production de pétrole s’élevait à 12,431 millions de tonnes, dont 11,23 millions de tonnes à

l’exportation. Quant à la production minière, c’est le manganèse qui est le minerai le plus

exporté. Ce secteur minier emploie 1 492 agents. Ainsi, le pétrole, le manganèse et le bois

constituent les grands produits d’exportation au Gabon. Pourtant, ces territoires sont exploités

de manière extractive, sans générer d’activité localement – au contraire, ces activités privent

l’agriculture d’une main-d’œuvre pas trop rare.

Les espaces ruraux remplissent aussi des fonctions environnementales, par leur biodiversité.

Ces ressources naturelles permettent d’affronter les défis que posent le changement climatique

et l’appauvrissement de la biodiversité. Mais, au regard du constat fait, ces territoires ont aussi

des handicaps et défis auxquels ils font face. D’une part, le mauvais état des routes, l’exode

rural, la sous-production agricole, etc. fragilisent ces territoires. D’autre part, nourrir les

villes, assurer la protection environnementale, maintenir la vie au village et continuer de

répondre aux besoins économiques entraînant le développement économique du pays

représentent les véritables défis auxquels sont constamment confrontés les territoires ruraux.

Page 362: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

361

La situation décrite plus haut est commune à tous les territoires ruraux gabonais. Cependant,

dans les territoires ruraux étudiés, seules quelques activités (foresterie, agriculture

traditionnelle et conservation) sont à relever. De même, de nombreux acteurs considèrent les

territoires ruraux comme leur appartenant à cause des activités qu’ils y entreprennent. Le désir

de s’approprier les territoires tout en excluant la possibilité de les partager avec d’autres

acteurs crée des tensions aux périphéries des parcs nationaux ogivins. De même, la

juxtaposition de diverses activités appartenant à plusieurs acteurs engendre des tensions.

Ainsi, l’ensemble des atouts, handicaps et défis existant dans les territoires ruraux ogivins,

occasionne de nombreuses situations conflictuelles analysées dans le chapitre VI. Parmi ces

conflits figure le conflit Homme-faune qui perturbe particulièrement la vie des ruraux et leur

activité agricole. La problématique foncière résultant de la mauvaise gestion spatiale est la

principale raison des conflits relevés dans le monde rural; et c’est pourquoi le partage de la

terre constitue la solution « fondamentale » à la résolution de ces conflits.

C’est dans cette perspective qu’a été lancé le projet DACEFI sur les forêts communautaires.

Mais, comme nous l’avons vu dans le dernier chapitre (VII), ce projet ne produit pas

aujourd’hui les résultats attendus. À travers l’exemple des premiers villages qui ont accueillis

le projet, nous avons montré que le problème foncier et les tensions demeurent. D’un autre

côté, l’un des handicaps majeurs que connaît l’évolution de ce projet, qui en est à sa deuxième

phase, est l’absence d’esprit d’équipe tel que décrit dans le chapitre VII. L’individualisme

reste encore dominant dans les associations villageoises gabonaises. Ceci constitue un frein

majeur au développement rural auquel les villageois doivent tous désormais participer. À cet

effet, l’exemple camerounais a paru utile pour montrer comment les associations villageoises

d’un pays de la sous-région très proche du Gabon travaillent ensemble pour essayer de sortir

de la pauvreté.

Bien entendu, certaines organisations paysannes camerounaises ont disparu, d’autres par

contre continuent d’exister et rassemblent environ 10 % des paysans forestiers (Elong, 2004).

Si quantitativement ce pourcentage n’est pas important, qualitativement, ces résultats peuvent

être appréciés. En effet, « les organisations de la zone forestière ont tout de même commencé

à laisser leurs empreintes matérielles et immatérielles sur le milieu rural sous la forme de

« signatures sociales » (Morin S. 1996) à partir des activités qu’elles ont entreprises »

(Elong, 2004 : 235). Aussi peut-on considérer ces Groupes d’Initiatives Communes (GIC)

comme un important facteur de dynamique rurale. Les actions posées au sein de ces

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

362

organisations permettent de noter que les paysans peuvent eux-mêmes se prendre en charge.

Les paysans camerounais ont ainsi montré leur capacité à développer leurs entreprises,

pouvant conduire à l’émergence d’une réelle « professionnalisation » grâce à un commerce

groupé autour notamment de la production cacaoyère. De même les GIC ont favorisé des

évolutions dans les prises de décision avec le développement des décisions concertées pour

lesquelles les avis de ses membres comptent fortement.

De plus, sur le terrain aussi, des évolutions ont été observées grâce aux organisations

paysannes. « Les interventions sur le terrain sont dorénavant liées à des calendriers

prévisionnels d’activités et à des budgets pour éviter au maximum des improvisations »

(Elong, 2004 : 237). Des points positifs sont aussi notés en ce qui concerne le désir des

paysans participant aux GIC de pourvoir à leurs besoins « correctement ». « Au-delà de ces

mutations, l’état actuel du fonctionnement des unions et fédérations des GIC révèle des

indices de bonne cohésion qui les prédisposent à jouer un rôle positif dans la construction des

territoires et des territorialités » (Elong, 2400 : 237). Tous ces points positifs représentent un

espoir en ce qui concerne le développement rural. Toutefois, les organisations paysannes ne

sont pas encore très « matures » pour agir seules dans ce dernier domaine. En effet, les GIC

ne devraient pas qu’accorder une importance capitale aux activités économiques mais aussi

aux activités socio-éducatives et culturelles. Or, pour y arriver, il faut que l’État camerounais

remplisse aussi ses devoirs, par exemple en participant au désenclavement des milieux ruraux.

Dans le même sens, le désenclavement des milieux ruraux gabonais constitue en effet un réel

problème comme nous l’avons démontré dans notre analyse. Le monde rural gabonais a

besoin de connaître le dynamisme qu’il n’a jamais connu ou a perdu. « Et pourtant, des

structures telles que l’Igad, l’Apg/Fida constituent des réponses crédibles aux problèmes du

monde rural » (Galley, op. cit. : 346). Ces instruments, créés par l’État avec les partenaires

étrangers dans le but de résoudre les problèmes ruraux et de favoriser leur développement, ont

montré leurs limites. Peut-on ainsi croire aux PSE comme une autre solution pour résoudre les

problèmes des villageois ? Pour l’instant, ceux-ci ne sont pas encore appliqués et des études

sont faites pour les rendre applicables. Bien que de façon générale il existe une large

documentation sur les PSE, dans les pays du bassin du Congo, dont le Gabon, leur mise en

place reste pour l’instant très limitée. Les projets initiés pour les PSE posent plus de questions

qu’ils n’apportent de solutions « palpables ». Ce fait amène à se demander s’il existe bel et

bien des marchés pour les SE de la forêt tropicale en général. En effet, si on désire mettre en

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

363

place un mécanisme de rémunération par rapport à la production ou la protection d’un SE, on

doit s’assurer en amont que ce service ait une demande « solvable et permanente » (Lescuyer

et al., op. cit. : 139). Si pour la séquestration du carbone les fonds qui lui sont décernés

peuvent favoriser leur mise en œuvre, il n’en est pas ainsi pour les REDD dont l’applicabilité

est incertaine.

Ainsi, les enjeux des PSE se heurtent à des difficultés importantes. En effet, l’une d’entre

elles provient du concept de biodiversité même : il est « globalisant », parce qu’il est

difficilement quantifiable par rapport à sa gestion. C’est pour cette raison que le concept

d’écosystème a été retenu pour favoriser la gestion des ressources.

Cela peut se justifier par le fait que lier la biodiversité à un quelconque SE dont l’impact est

visible et direct sur le bien-être des hommes n’est pas commode, parce que les liens entre

biodiversité – écosystème – bien-être humain sont jusqu’à maintenant méconnus (Ridder,

2008)95. De plus, la durabilité d’un PSE repose sur une réalité tangible : il faut que ceux qui

bénéficient d’un SE, qui en sont les acheteurs/ clients potentiels, aient des moyens financiers

bien supérieurs à ceux qui sont censés garder ou produire ce SE. Ceci sous-entend que

quelque soit le domaine (protection de la biodiversité, bilan carbone, ou encore la

conservation des bassins versants), il y ait des entreprises ou groupements internationaux qui

puissent être des clients à la hauteur des achats qu’imposent les SE (Lescuyer et al., op.cit).

Les mécanismes des PSE exigent donc un cadre bien précis pour qu’ils soient effectifs et

efficaces. En dehors du fait qu’il faut qu’il existe des acheteurs capables de payer un SE, il

faut aussi qu’un SE soit éligible à un paiement : c’est le critère « d’additionnalité » qui

consiste à faire payer un SE plutôt menacé, par les activités des hommes. De plus, le

mécanisme des PSE peut entraîner un changement de comportement chez les acteurs, ce qui

pourrait rendre difficile la conservation d’un SE.

Or, ce changement d’habitude n’est pas toujours évident pour des populations locales qui sont

habituées à « se servir de la nature, à l’exemple des droits d’accès et d’usage des ressources »

(Ibid. : 140), considérés comme « légitimes » par ces populations qui les « possèdent » depuis

des générations. Payer ces populations pour qu’elles favorisent le maintien des SE plutôt que

leur dégradation revient à leur faire renoncer à leurs droits, ce qui n’est pas toujours chose

facile. Il est vrai que ces droits reposent souvent sur des institutions locales mais ils ne sont

95

Cité par Cité par Lescuyer et al., op.cit : 139

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

364

pas toujours légaux. C’est pour quoi il faudrait un cadre institutionnel bien établi96 avec des

lois bien définies pour sécuriser les PSE. De même, l’institution en charge de leur gestion doit

être capable de résister à toute pression nuisible au bon fonctionnement des PSE.

Enfin, une autre contrainte limitant l’efficacité des PSE est leur « coût d’opportunité ». Il

faudrait en effet que la rémunération proposée aux bénéficiaires des PSE puisse dépasser

largement celle qu’ils pourraient obtenir en prélevant ou en vendant ces ressources naturelles.

Cependant, « L’estimation des coûts d’opportunité est un exercice délicat, notamment en

Afrique centrale, où, contrairement à la vision figée d’un changement technique faible ou nul

dans le temps (Ferraro, 2002 ; Wunder, 2006), la situation socio-économique en milieu rural

connaît des dynamiques importantes depuis quelques années : accroissement du prix des

matières agricoles, multiplication des tronçonneuses et des motos, facilité de l’exploitation

individuelle (et illégale) des bois sur pied, rétrocession d’une partie des redevances,… »

(Lescuyer et al., op. cit. : 141-142). Malgré les obstacles auxquels sont confrontés les PSE, on

peut tout de même continuer de croire au fait qu’ils pourraient résoudre les problèmes

découlant de la protection environnementale, si et seulement si ces mêmes obstacles sont

solutionnés auparavant.

En attendant l’action des PSE, nous faisons quelques suggestions pouvant conduire au

développement rural, en plus de ce qui se fait déjà :

1. Outre le développement des activités non agricoles qui sont très importantes en ce qui

concerne le développement rural, il est nécessaire que les villageois puissent prendre

conscience de l’importance de l’activité agricole. Pour ce, il faudrait que le

gouvernement intervienne fortement dans ce domaine en :

Favorisant une immigration orientée des agriculteurs des localités africaines

reconnues comme étant travailleurs et aimant l’agriculture. C’est le cas des

agriculteurs burkinabé, camerounais, centrafricains, etc. En s’installant dans

les milieux ruraux, ils pourraient planter principalement les produits vivriers

96

Il faut que l’institution qui sera établie ait de l’autorité aux yeux des populations. Mais il existe un véritable

problème dans les pays d’Afrique centrale notamment sur la conception de la communauté. Lors des projets à

réaliser, il est observé une certaine confusion entre les entités sociale et géographique. En effet, la communauté

qui est une entité sociale ne doit pas être nécessairement assimilée au village qui lui par contre est une entité

géographique. Karsenty (2008), cité par Lescuyer et al. (op.cit :140) considère que cela constitue l’une des

raisons importantes des échecs de certaines expériences qui ont eu lieu dans ces pays.

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

365

(banane et tubercules) qui sont les produits de base de l’alimentation des

Gabonais et qui sont très prisés dans les marchés urbains. Dans un premier

temps, cela fera que les autochtones apprécient mieux le travail de la terre. Il

est vrai que la population gabonaise est peu nombreuse pour constituer en soi

un marché potentiel pour ces cultures vivrières. Cependant, nous avons bien

souligné que le pays est très dépendant de l’extérieur pour répondre aux

besoins alimentaires de sa population. De plus, un important budget est alloué

chaque année pour les dépenses alimentaires. Cette initiative sur les

immigrants agriculteurs97 permettrait de réduire la dépense alimentaire et les

difficultés qu’elle entraîne dans un second temps.

En intensifiant l’octroi de crédits pour financer les micros-projets portant sur

les cultures vivrières. C’était assurément une erreur d’avoir mis en avant le

développement des produits agro-industriels dans les années 1970, au

détriment des produits vivriers qui sont plus importants pour l’alimentation des

Gabonais. De même, le développement du réseau routier qui a cours dans le

pays facilitera l’écoulement des produits vers les marchés urbains, pourvu que

ce développement des routes puisse toucher tous les territoires enclavés du

pays.

2. Enfin, les associations qui interviennent dans l’environnement devraient davantage

amener les populations rurales à s’intégrer aux politiques environnementales, tout en

leur faisant comprendre leur responsabilité sur le devenir de leurs villages, tant sur les

plans environnemental, qu’économique et social. Cependant, il faudrait qu’en amont

les problèmes liés à la gestion foncière puissent trouver de véritables solutions en vue

d’une meilleure gestion foncière et environnementale.

97

Il est vrai que de façon générale les gabonais sont hostiles à l’immigration étrangère, même si à certains

moments elle a été utile pour renforcer la main-d’œuvre dont avaient besoins les entreprises, à cause du sous-

peuplement gabonais. Mais, l’immigration clandestine des populations d’Afrique centrale et de l’Ouest

notamment venus pour améliorer leurs conditions de vie, a amené les gabonais à les rendre responsables de

plusieurs problèmes qu’ils rencontrent (chômage, insécurité, problème foncier).

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Le monde rural gabonais - entre production et conservation

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Table des illustrations

Liste des annexes

Annexe 1 : Organigramme de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux ............................................ 383

Annexe 2 : Informations sur les PFNL ................................................................................................ 386

Annexe 3 : Lettre de revendication du village Kazamabika ................................................................ 388

Annexe 4 : Lettre de revendication du village Makoghé..................................................................... 389

Annexe 5 : Lettre de revendication du village Mikongo ..................................................................... 390

Annexe 6 : Questionnaire Agro-Socio-Économique ........................................................................... 392

Liste des cartes

Carte 1 : Les trois parcs nationaux de la zone d’étude .......................................................................... 12

Carte 2 : L’agriculture au Gabon ........................................................................................................... 95

Carte 3 : Le réseau d'aires protégées du Gabon en 1960 ..................................................................... 121

Carte 4 : Aires protégées existantes et proposées au Gabon en 1996 .................................................. 123

Carte 5 : Nouveau réseau des aires protégées ..................................................................................... 125

Carte 6 : L’Ogooué-Ivindo dans le Gabon .......................................................................................... 170

Carte 7 : Le parc national de Mwagné ................................................................................................. 175

Carte 8 : Le parc national de l’Ivindo .................................................................................................. 179

Carte 9: Le parc national de la Lopé ................................................................................................... 183

Carte 10: Les migrations des populations de la zone d'étude .............................................................. 246

Carte 11 : Les villages dans le parc de la Lopé ................................................................................... 298

Carte 12 : Les permis forestiers dans quelques villages étudiés .......................................................... 302

Cartes 13 : Juxtaposition des parcs nationaux et des permis forestiers ............................................... 304

Carte 14 : Superposition des permis forestiers et des parcs nationaux ................................................ 307

Carte 15 : Les sites de DACEFI 1 ....................................................................................................... 321

Carte 16 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon .............................................................................. 321

Carte 17 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon .............................................................................. 321

Carte 18 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon .............................................................................. 321

Cartes 19 : Les délimitations foncières du regroupement villageois ................................................... 325

Cartes 20 : Les délimitations foncières du village La Scierie ............................................................. 327

Page 383: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

382

Liste des graphiques

Graphique 1 : Répartition du PIB gabonais par secteurs d’activités de 2001 à 2010 .......................... 114

Graphique 2 : Données démographiques des villages ......................................................................... 188

Graphique 3 : Tranches d’âges de la population interrogée ................................................................ 189

Graphique 4: Population totale et part de la population urbaine au Gabon (1960-2011) .................... 229

Graphique 5: Pyramide des habitants de la zone d'étude en 2011 (villages et la Lopé) ...................... 231

Graphique 6 : Pourcentage du temps de vie passé en ville des ruraux de plus de 50 ans.................... 237

Graphique 7 : Les migrations des enfants de la Lopé.......................................................................... 240

Graphique 8: Les migrations des enfants villageois ............................................................................ 240

Graphique 9: Les migrations par sexe ................................................................................................. 242

Graphique 10 : Les professions des enfants de la Lopé ...................................................................... 243

Graphique 11 : Les professions des enfants villageois ........................................................................ 244

Graphique 12 : Les professions des enfants par sexe .......................................................................... 245

Graphique 13 : Activités dans les villages .......................................................................................... 248

Graphique 14: Féculents de base dans les villages .............................................................................. 255

Graphique 15 : Les emplois forestiers par année ................................................................................ 260

Graphique 16: Les emplois liés aux parcs nationaux par année .......................................................... 261

Graphique 17 : Acceptation du parc national ...................................................................................... 292

Graphique 18 : Arguments développés en faveur ou contre le parc national ...................................... 293

Graphique 19 : Pourcentages de la population rurale dans la CEMAC en 2005 ................................. 308

Liste des photos

Photo 1 : Le parc à bois de la Lopé ..................................................................................................... 217

Photo 2: Une bananeraie en milieu forestier ....................................................................................... 251

Photo 3 : Attaque d’un champ de Manioc par un éléphant ................................................................. 279

Photo 4 : Un champ de manioc après le passage des éléphants .......................................................... 280

Photo 5 : La pépinière de Nzé Vatican ................................................................................................ 329

Photo 6 : Le verger du village ............................................................................................................. 331

Liste des planches

Planche 1 : A Nzé Vatican .................................................................................................................. 177

Planche 2 : Apperçu du village Makoghé ............................................................................................ 186

Planche 3 : Quelques bungalows de l’association Mogheso de Makoghé........................................... 207

Planche 4 : Le marché et l’école de Boléko (la Lopé)......................................................................... 209

Planche 5 : Lopé hôtel ......................................................................................................................... 214

Planche 6 : Un safari à la Lopé ............................................................................................................ 215

Page 384: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

383

Planche 7: Champs de manioc en monoculture dans la périphérie de la Lopé .................................... 250

Planche 8: L'Iboga ............................................................................................................................... 263

Planche 9 : Différents matériaux utilisés contre l’intruison des animaux autour du parc de la Lopé . 287

Planche 10 : Le verger du regroupement des villages Ebe-Messe-Melane ......................................... 330

Liste des tableaux

Tableau 1 : Évaluation conjointe des principaux éléments contribuant au manque de conformité aux

lois forestières dans les cinq régions ..................................................................................................... 60

Tableau 2 : Comparaison entre les superficies forestières conservées par les communautés et les aires

publiques protégées ............................................................................................................................... 66

Tableau 3 : Dénominations des niveaux d’encadrement ....................................................................... 88

Tableau 4 : Typologie des aires protégées au Gabon .......................................................................... 134

Tableau 5 : Espèces animales protégées .............................................................................................. 136

Tableau 6 : Liste des ONG environnementales gabonaises ................................................................ 147

Tableau 7 : Evolution des investissements entre 1984 et 1993 (milliards FCFA) .............................. 167

Tableau 8 : Atouts et difficultés des villages étudiés .......................................................................... 190

Tableau 9 : Estimation de la population des villages en rapport avec le nombre d’élèves ................. 194

Tableau 10 : Chefs de famille interrogés à la Lopé par sexe et par tranches d’âges ........................... 209

Tableau 11 : Lieu de vie des individus des différentes cohortes ......................................................... 234

Tableau 12: Nombre moyens de migrations ........................................................................................ 235

Tableau 13 : Pourcentage du temps de vie passé dans le monde rural par cohorte ............................. 236

Tableau 14 : Pourcentage du temps de vie passé dans le monde rural par sexe .................................. 238

Tableau 15: Les enfants de la zone étudiée ......................................................................................... 239

Tableau 16 : Les migrations des enfants ............................................................................................. 239

Tableau 17 : Les professions des enfants ............................................................................................ 243

Tableau 18: Calendrier cultural des produits vivriers ......................................................................... 249

Tableau 19: Evaluation des rendements moyens de manioc ............................................................... 252

Tableau 20: Productivité et production du manioc en 2007 ................................................................ 257

Tableau 21 : Nombre moyen de changements de profession par individu .......................................... 259

Tableau 22 : Les professions exercées au cours de la vie des personnes enquêtées (en nombre

d’années de vie active) ........................................................................................................................ 260

Tableau 23 : Les facteurs qui sont à l’origine des CHF au Gabon ...................................................... 277

Tableau 24 : Zoonoses présentes au Gabon ........................................................................................ 281

Tableau 25 : Estimation du manque à gagner des populations victimes ............................................. 284

Tableau 26 : Réponses données à la question : Etes-vous d’accord avec la création du parc ? .......... 293

Tableau 27 : Finages villageois et zones potentielles pour la mise en place de forêts communautaires

pilotes .................................................................................................................................................. 326

Tableau 28: Etat des travaux de production et de diffusion de plants d’arbres fruitiers et de bois

d’œuvre réalisés en 24 mois (août 2008). ............................................................................................ 332

Tableau 29: Bilan des activités de DACEFI ........................................................................................ 346

Page 385: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

384

Annexe 1 : Organigramme de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux

COMITE DE GESTION

Président du comité

Le collège des pouvoirs publics comprend : -un représentant du Premier Ministre ;

-un représentant du Ministre chargé des Eaux et Forêts ;

-un représentant du Ministre chargé des Parcs Nationaux ; -un représentant du Ministre chargé du tourisme ;

-un représentant du Ministre chargé de l’Environnement ;

-un représentant du Ministre chargé de la Recherche ; -un représentant du Ministre chargé de l’Aménagement du

Territoire ;

-un représentant du Ministre chargé des Finances ; -un représentant du Ministre chargé de la Planification ;

-un représentant du Ministre chargé de l’Artisanat ;

-un représentant du Ministre chargé de la Culture.

Le collège des partenaires comprend : -un représentant des organisations non gouvernementales

nationales spécialisées en conservation ;

-un représentant des organisations non gouvernementales internationales spécialisées en conservation ;

-un représentant du secteur touristique lié aux parcs

nationaux.

SECRÉTARIAT

EXÉCUTIF

AGENCE

COMPTABLE

Secrétaire Exécutif

Secrétaire Exécutif adjoint

Conseillers

Secrétaire particulière

Assistante de direction

Agence comptable

Contrôleur du trésor

Secrétaires

Directeur de la communication Directeur Technique Directeur Administratif et

Financier

Directeur des

Opérations

Chef de service

Information Éducation

Communication Externe

Chef de service Documentation

Audio-visuel

Chef de service

Appui aux parcs nationaux

Appui

Agents

Directeur Technique

Adjoint

Chef de Services

Programmation

planification

Chef de service

Surveillance et

Opération de police

Chef de service des budgets

décentralisés

Chargés d’études

Assistante

Agents

Responsable Passation de marchés

Chef comptable

Responsable des

Ressources Humaines

Assistante

Agents

Logisticien sénior

Logisticien

Assistante

Page 386: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

385

Conservateurs des parcs nationaux

AKANDA : Jean Jacques TANGA

BIROUGOU: Daniel Arnaud NZAME

IVINDO : Dr. Joseph OKOUYI OKOUYI

LOANGO : Brice Léandre MEYE

LOPE : Louis S. NDONG OBIANG.

MAYUMBA : Solange NGOUESSONO

MINKEBE : Hervé NDONG ALLOGHO

MONTS DE CRISTAL : Simon ANGOUE OVONO

MOUKALABA DOUDOU : Roger AZUI NYAMENGO

MWAGNA : Serge NKALA- Y ETHENO

PLATEAUX BATEKE : Jean TONDAGOYE

PONGARA : Eric OGOWET

BONGUINO.

WAKA : Benoît NZIENGUI

STRUCTURE DECENTRALISÉE Conservateurs Adjoints

Adjoints techniques

Écogardes

Page 387: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

386

Annexe 2 : Informations sur les PFNL

Informations issues de l’atelier sous-régional sur « l’harmonisation des revues nationales sur

les produits forestiers non ligneux (PFNL) en Afrique centrale », 17-18 mai 201, Douala,

Cameroun, Rapport général, p. 17-18.

1. DEFINITION PFNL

En référence aux législations nationales et à la définition de la FAO

Les PFNL sont les produits forestiers biologiques autres que le bois d’œuvre. Ils intègrent les

produits végétaux non ligneux, les produits fauniques et les produits halieutiques :

Catégorie Exemples

1- Les produits végétaux

non ligneux

a. Fruits

b. Feuilles

c. Ecorces

d. Sève

e. Racines

f. Etc

2- Les produits

fauniques

a. Chenille

b. Larves

c. Insectes

d. Escargot

e. Trophées

f. Gibiers

3- Halieutiques a. xx

b. xx

c. xxx

4- Autres Champignon

NB. (1) Sont exclus de cette liste les produits exotiques (2) Le bois énergie est pris en compte dans

certains pays comme le Gabon, la RCA, le Cameroun.

Page 388: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

387

2. PRIORISATION DES PFNL DANS LES PAYS CONCERNÉS98

L’utilisation de ces différents produits se situe à différentes échelles. Aussi sur la base des critères liés

à la production, à la commercialisation et la consommation, les produits forestiers dits prioritaires sont

consignés dans le tableau ci-dessous

Niveau d’intégration PFNL prioritaires

Prioritaire dans les 6 pays 0

Prioritaire dans 5 pays 1. Gnetum spp.

2. Darcyodes edulis

Prioritaire dans 4 pays 1. Maranthacées

2. Rotin

Prioritaire dans 3 pays 1. Piper guineensis

2. Rauvolphia vomitoria

Prioritaire dans moins de 3 pays 1. Raphia

2. Coula edulis

3. Irvingia sp.

4. Garcinia Kola

5. Elaeis guineensis

Etc.

BN. Les Directives de la COMIFAC se réduisent pour l’instant aux produits forestiers

végétaux non ligneux. Cependant les termes de référence de la revue commise par FORENET

intègrent les produits forestiers végétaux non ligneux, les produits fauniques et les produits

halieutiques.

98

Ces PFNL sont prioritaires à cause de leur forte utilisation par les populations forestières. C’est ce qui

explique le renforcement de leur protection.

Page 389: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

388

Annexe 3 : Lettre de revendication du village Kazamabika

Page 390: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

389

Annexe 4 : Lettre de revendication du village Makoghé

Page 391: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

390

Annexe 5 : Lettre de revendication du village Mikongo

Page 392: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

391

Page 393: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

392

Annexe 6 : Questionnaire Agro-Socio-Économique

Questionnaire n° :

Date :

1. Identification du lieu d’enquête

-Nom du lieu :

-

Département :………………………………………Province :……………………………………………………..

2. Identification du chef de famille

-Sexe :…………………………………………………………………………………………..................................

-Situation matrimoniale :…………………………………………………………………………………………….

*Si polygame, combien d’épouses :…………………………………………………………………………………

-Date de naissance :…………………………………………………………………………….................................

-Lieu de naissance :……………………………Département :……………………………………………………..

Migration Profession

Année et âge Commune Province Code Métier Secteur Statut

19 0

19 1

19 2

19 3

19 4

19 5

19 6

19 7

19 8

19 9

19 10

19 11

19 12

19 13

19 14

19 15

19 16

19 17

19 18

Page 394: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

393

19 19

19 20

19 21

19 22

19 23

19 24

19 25

19 26

19 27

19 28

19 29

19 30

19 31

19 32

19 33

19 34

19 35

19 36

19 37

19 38

19 39

19 40

19 41

19 42

19 43

19 44

19 45

19 46

19 47

19 48

19 49

19 50

19 51

19 52

19 53

Page 395: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

394

3. Trajectoire professionnelle géographique

3.1. Antécédents de la famille (restreinte) de l’enquêté

*Informations sur les parents de l’enquêté

19 54

19 55

19 56

19 57

19 58

19 59

19 60

19 61

19 62

19 63

19 64

19 65

19 66

19 67

19 68

19 69

19 70

19 71

19 72

19 73

19 74

19 75

19 76

19 77

Année de : Précision du lieu

(Rural ou Urbain)

Lieu d’habitation

actuel

Activité principale et lieu

Naissance Décès Naissance Décès Rural Urbain A 15 ans Aujourd’hui

Père

Page 396: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

395

*Informations sur ses frères et sœurs

-Nombre de frères et sœurs :

-Pour chacun d’eux :

Sexe

Année et lieu de : Lieu de

résidence actuel

Activité principale

et secteur d’activité

Statut

***** Naissance Décès ************* **************** **********

1.

2.

3.

4.

5.

6.

7.

8

9.

3.2. Nombre d’enfants de l’enquêté

Année de

Lieu de

naissance

Profession

Actuelle

Si élève,

niveau

d’étude

Etat

civil

Nombre

d’enfants

Lieu de

Résidence

Préciser

sexe

N D

1. enfant

………..

2. enfant

………..

3. enfant.

………...

4. enfant

………..

5. enfant

………..

6. enfant

………..

7. enfant

……….

8. enfant

……….

9. enfant

………..

10.enfant

……….

11.enfant

…………

12.enfant

Mère

Page 397: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

396

…………

4. Informations générales sur la propriété et la parcelle -La propriété est-elle une portion continue de terre ?

-Possédez-vous plusieurs propriétés ? Si oui, définir chacune :

Superficie

(ha)

Localisation Code Date d’acquisition Moyen

d’acquisition

Propriété 1

Propriété 2

Propriété 3

Propriété 4

Propriété 5

-En aurez-vous déjà vendu ?.............................................Si oui combien ?....................................

*Au cas où il en aurait vendu :

Superficie (ha) Localisation Date de vente Somme perçue

(FCFA)

Propriété 1

Propriété 2

Propriété 3

Propriété 4

Propriété 5

-Possédez-vous des parcelles de cultures ?.....................Si oui combien ?..................................

*Au cas où il posséderait plusieurs parcelles, renseigner sur chacune :

*Si on en prend

-Avez- vous déjà vendus des parcelles ?........................................................................................

*Si oui, remplir le tableau suivant :

Dimension

(ha)

Localisation Date de vente Prix de vente

(FCFA)

Parcelle 1

Date d’

acquisition

Mode d’

acquisition

Dimension

(ha)

Localisation

Forêt ou savane

N° de photo*

Parcelle 1

Parcelle 2

Parcelle 3

Parcelle 4

Parcelle 5

Parcelle 6

Parcelle 7

Page 398: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

397

Parcelle 2

Parcelle 3

Parcelle 4

Parcelle 5

Parcelle 6

Parcelle 7

5. Conditions de vie

5.1. Les conditions relatives à la maison

Matériaux

de

revêtement

de la

maison

Matériaux

de la

toiture

Matériaux

des

fenêtres

Type

d’énergie

alimentant

la maison

(T ou M)

Type

d’énergie

utilisé pour

la cuisson

Nombre de

chambres

dans la

maison

Mode de

gestion des

déchets

Type

d’accès à

l’eau

dispose la

maison

5.2. Conditions de vie liées aux biens qui appartiennent à la famille

Lequel des énoncés suivants avez-vous dans votre propriété ?

Oui / non Combien ?

Radio

Télévision

Réfrigérateur

Congélateur

Téléphone cellulaire

Moto

Voiture

Bicyclette

Réchaud à gaz

Lampe

Groupe électrique

Brouette

Fusil

Autres (préciser)

5.3. Autres renseignements par rapport aux conditions de vie

-De quelle activité vivez-vous principalement ?.............................................................................

Nombre de jours de travail Somme perçue Employeur

Par mois Par année Par mois Par année

Agriculteur indépendant

Page 399: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

398

Agriculteur salarié

Autres ; préciser :

-Quelles difficultés rencontrez-vous le plus souvent ?................................................................................................

………………………………………………………………………………………………...……………………..

-Vos enfants fréquentent quelle école ?......................................................................................................................

-Elle est située à combien de km de la maison ?.........................................................................................................

-Comment y vont-ils ?................................................................................................................... ..............................

-Comment faites-vous pour vous approvisionner, soit en denrées alimentaires, soit en d’autres

produits ?........................................................................................................................................................... ..........

.....................................................................................................................................................................................

-A quelle distance se situe votre lieu d’approvisionnement ?.....................................................................................

-A quelle distance votre source d’approvisionnement en eau se situe-t-elle ?............................................................

6. Informations sur l’agriculture

6.1. Informations concernant l’activité agricole du cultivateur en 2009

6.1.1. Par rapport aux produits et champs cultivés en 2009

Types de cultures

saisonnières

Types de cultures semi-

pérennes

Types de cultures

pérennes

Superficie

Champ 1

Champ 2

Champ 3

Champ 4

Champ 5

*Informations supplémentaires

Dire si on plante

seul ou avec des

aides (en préciser)

Dire combien on

dépense pour payer

des aides

Durée sur la

parcelle

Dire après combien

de temps on compte

revenir sur la

parcelle

Champ 1

Champ 2

Champ 3

Champ 4

Champ 5

6.1.2. Par rapport aux produits consommés et/ ou vendus en 2009

Cultures cultivées

Quantité

produite (kg)

Quantité

consommée (kg)

Quantité vendue

(kg)

Prix de vente en

F.CFA

Type 1 :

Type 2 :

Type 3 :

Type 4 :

Type 5:

Type 6:

TOTAL VENDU

Page 400: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

399

6.2. Informations concernant l’activité agricole du cultivateur en 2010

6.2.1. Par rapport aux produits et champs cultivés en 2010

Types de cultures

saisonnières

Types de cultures

semi-pérennes

Types de cultures

pérennes

Superficie

Champ 1

Champ 2

Champ 3

Champ 4

Champ 5

*Informations supplémentaires

Dire si on plante

seul ou avec des

aides (en préciser)

Dire combien on

dépense pour payer

des aides

Durée sur la

parcelle

Dire après combien

de temps on compte

revenir sur la

parcelle

Champ 1

Champ 2

Champ 3

Champ 4

Champ 5

6.2.2. Par rapport aux produits consommés et/ ou vendus en 2010

Cultures cultivées

Quantité

produite (kg)

Quantité

consommée (kg)

Quantité vendue

(kg)

Prix de vente

en F.CFA

Type 1 :

Type 2 :

Type 3 :

Type 4 :

Type 5:

Type 6:

TOTAL VENDU

7. Outillage utilisée pour l’agriculture

Combien ?

Machette

Daba

Lime

Panier à dos

Hotte

Hache

Tronçonneuse

Autres

Page 401: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

400

8. Organisation sociale locale et autres informations sur l’agriculture

- Excepté les personnes dont vous avez fait mention plus haut, y a-t-il encore des personnes avec qui vous avez

des liens de parenté qui vivent dans la même localité que vous ?...............................................................................

………………………………………………………………………………………………….................................

- Avez-vous un syndicat ? …………………………………………………………………………………………..

*Si oui que fait-il, concrètement ?.…………………………………………………………………………………..

-Quelqu’un vous donne-t-il des conseils sur vos méthodes culturales ?.....................................................................

*Si oui, comment cela se passe-t-il ?..........................................................................................................................

…………………………………………………………………………………………………..…………………

…………………………………………………………………………………………………………………...

-Avez-vous reçu une formation pour cultiver ?..........................................................................................................

* Si oui, laquelle ?.....................................Combien de temps ?............,Où ?...........................................................

-Lors de vos travaux champêtres, avez-vous déjà rencontrés des difficultés ?..........................................................

*Si, oui lesquelles et que faites-vous ?.......................................................................................................................

…………………………………………………………………………………………………...………………..…

……………………………………………………………………………………………........................................

9. Informations concernant le village (à poser une seule fois / village)

-Votre village a-t-il combien d’habitants?..................................................................................................................

-Le village a-t-il un hôpital ?.............................................................................................. .........................................

*Si oui est-il bien équipé ?............................................................................................................ ..............................

*Si non comment faites-vous en cas de besoin ?........................................................................................................

…………………………………………………………………………………………………................................

-Que souhaiteriez-vous pour votre hôpital ?................................................................................. ..............................

………………………………………………………………………………………………….................................

-Le village a-t-il une pompe d’eau ?...........................................................................................................................

*Si oui, l’eau est-elle de bonne qualité ?...................................................................................... ..............................

*Si non, comment faites-vous pour avoir de l’eau ?..................................................................................................

-Le village a-t-il un groupe électrique ?.....................................................................................................................

-Est-il de bonne qualité ?.............................................................................................................. ..............................

-Alimente-t-il toutes les habitations ?........................................................................................... ..............................

-Quels sont les manquements observés ?...................................................................................... ..............................

……………………………………………………………………………………………………………………….

-Le village a-t-il une école ?.......................................................................................................... ..............................

*Si oui de quel niveau ?................................................................................................................ ..............................

-Quels sont les difficultés souvent observées dans l’école ?.......................................................................................

………………………………………………………………………………………………….................................

-Qui y remédie ?............................................................................................................................ ..............................

……………………………………………………………………………………………………………………….

-Si non, où sont scolarisés les enfants du village ?.....................................................................................................

………………………………………………………………………………………………….................................

-Comment y vont-ils ?................................................................................................................... ..............................

-Quelles difficultés rencontrent-ils en y allant,……………………………………………………………………...

………………………………………………………………………………………………….................................

-Y a-t-il un marché au village ?..................................................................................................... ..............................

*Si oui qu’est-ce qu’on y vend ?................................................................................................... ..............................

…………………………………………………………………………………………………...…………………..

*Si non y a-t-il des lieux qui les remplacent ?............................................................................................................

……………………………………………………………………………………………….....................................

-Comment trouvez-vous la vie au village ?.................................................................................................................

……………………………………………………………………………………………………………………….

- Quels services manquent à votre village ?................................................................................................................

………………………………………………………………………………………………….……………………

……………………………………………………………………………..………………………………………...

-Quelles sont vos attentes ?........................................................................................................... ..............................

……………………………………………………………………………………………………………………….

Page 402: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

401

-Pour vous, votre village connaît-il une évolution ?...................................................................................................

*Si oui, pourquoi ?........................................................................................................................ ..............................

………………………………………………………………………………………………………………………

*Si non, pourquoi ?....................................................................................................................... .............................

……………………………………………………………………………………………………………………...

Recevez-vous des aides du gouvernement ?................................................................................ ..............................

*Si oui, lesquelles ?..................................................................................... ..............................................................

………………………………………………………………………………………………………………….……

-Avez-vous le sentiment d’être oublié ?........................................................................................ ..............................

*Si oui, pourquoi ?........................................................................................................................ ..............................

*Si non, pourquoi ?.....................................................................................................................................................

-Quels rapports entretenez-vous avec les autres villages ?.........................................................................................

………………………………………………………………………………………………….................................

-Connaissez-vous l’exode rural ?.................................................................................................. ..............................

*Si oui, préciser :……… … ……peu…..…….. ………..moyen……………………beaucoup.

-En donner les causes :………………………………………………………………………....................................

……………………………………………………………………………………………………………………….

*Si non, pourquoi ?.....................................................................................................................................................

……………………………………………………………………………………………………………………….

10. Autour des services environnementaux

-Connaissez-vous le parc qui est proche de votre village ?.........................................................................................

-Depuis combien de temps a-t-il été considéré comme un parc ?...............................................................................

-Etes-vous d’accord pour la création d’un parc ?........................................................................................................

*Si oui, pourquoi ?........................................................................................................................ ..............................

………………………………………………………………………………………………….................................

*Si non pourquoi ?........................................................................................................................ ..............................

…………………………………………………………………………………………………................................

-Y a-t-il des rapports entre le village et le parc ?.......................................................................................................

*Si oui, lesquels ?.......................................................................................................................... .............................

………………………………………………………………………………………………..……………………..

……………………………………………………………………………….............................................................

-Que pensez-vous de la préservation de l’environnement ?........................................................................................

………………………………………………………………………………………………….................................

-Avez-vous été sollicité par les responsables du parc pour préserver l’environnement ?...........................................

-A l’intérieur ou à l’extérieur du parc ?.....................................................................................................................

Préciser actions Demande faite par les

responsables du parc ?

A quel prix ?*

Demande faite par

le gouvernement ?

A quel prix ?*

Demande faite

Par les ONG ? A quel

prix ?*

*Dire si c’est l’action et la rémunération sont périodiques, mensuelles ou annuelles.

-Cela vous tient-il à cœur, et pourquoi ?................................................................................... .................................

…………………………………………………………………………………………………................................

-Aujourd’hui, pouvez-vous dire qu’il existe une préservation de l’environnement dans votre milieu, et

pourquoi ?............................................................................................... .....................................................................

………………………………………………………………………………………………….................................

………………………………………………………………………………………………………………………

………………………………………………………………………………………………………………………

-D’après vous quelles sont les limites à la préservation de la nature dans votre milieu ?..........................................

………………………………………………………………………………………………….................................

……………………………………………………………………………………………………………………….

-Avez-vous des suggestions ?......................................................................................................................................

*Si oui, lesquelles ?....................................................................................................................... ..............................

Page 403: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

402

Page 404: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

403

Table des matières

Dédicace .................................................................................................................................................. 1

Remerciements....................................................................................................................................... 3

Sigles et abréviations ............................................................................................................................. 5

Sommaire ............................................................................................................................................... 7

Introduction générale ............................................................................................................................ 9

Première partie : Les activités de production et de conservation dans les pays du Sud et au

Gabon ................................................................................................................................................... 25

Chapitre I : Produire et conserver dans les pays du Sud ............................................................. 27

1. La production, historique, évolution et répercussions dans les pays du Sud ..................... 28

1.1. La production et les révolutions agricoles .......................................................................... 29

1.2. Bref aperçu de la production dans un système de civilisation occidental .......................... 30

1.2.1. La production dans la civilisation occidentale ............................................................ 30

1.2.2. La production dans l’économie de marché .................................................................. 31

1.2.3. La production dans le système capitaliste ................................................................... 32

1.3. La production dans les sociétés tropicales .......................................................................... 34

1.3.1. La production dans l’économie des peuples forestiers tropicaux ................................ 34

1.3.2. L’agriculture et les systèmes agraires des sociétés tropicales ..................................... 37

1.3.2.1. Une production généralement faible ..................................................................... 38

1.3.2.2. La déforestation, une des conséquences immédiates des cultures sur abattis-brûlis

........................................................................................................................................... 40

2. La conservation, historique, évolution et répercussions dans le monde tropical ............... 41

2.1. Vision de la nature et de sa conservation dans les pays occidentaux ................................. 41

2.2. De l’origine de la culture conservationniste occidentale des espaces aux politiques

environnementales dans les pays tropicaux ............................................................................... 44

2.2.1. Les objectifs généraux de la conservation dans les pays tropicaux ............................. 45

Page 405: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

404

2.2.1.1. L’arrêt de la dégradation de l’environnement naturel de la planète ..................... 46

2.2.1.2. Vers un équilibre climatique................................................................................. 47

2.2.2. Principaux acteurs de la conservation dans le monde tropical .................................... 48

2.2.2.1. Les organismes internationaux et leurs actions dans les pays tropicaux .............. 48

2.2.2.2. Les organisations non gouvernementales dans le monde tropical ........................ 52

2.2.2.2.1. Les ONG internationales dans le monde tropical........................................ 52

2.2.2.2.2. Les ONG nationales ...................................................................................... 56

2.2.2.3. Les autres acteurs de la conservation (administrations publiques, les entreprises

privés et les populations locales) ....................................................................................... 59

2.2.2.3.1. Les administrations publiques ...................................................................... 59

2.2.2.3.2. Les entreprises privées .................................................................................. 62

2.2.2.3.3. Les populations locales, l’exemple des EFC ............................................... 65

2.2.3. La conservation dans les sociétés tropicales ................................................................ 67

3. Les polémiques actuelles sur la conservation ........................................................................ 71

3.1. Débat sur croissance économique et protection de la biodiversité ..................................... 72

3.2. La problématique du développement durable .................................................................... 76

Conclusion du chapitre I ................................................................................................................ 78

Chapitre II : Étude du monde rural gabonais .............................................................................. 79

1. Aperçu historique du monde rural gabonais ........................................................................ 79

1.1. Le monde rural gabonais pendant les périodes précoloniale et coloniale........................... 79

1.1.1. L’ère précoloniale ........................................................................................................ 80

1.1.2. L’ère coloniale ............................................................................................................. 83

1.2. De l’Indépendance à aujourd’hui ....................................................................................... 85

1.3. La délimitation du monde rural gabonais ........................................................................... 86

1.4. Description du monde rural ................................................................................................ 88

1.4.1. Un habitat aux caractéristiques communes ................................................................. 89

1.4.2. La structure agraire ...................................................................................................... 91

1.4.3. Les paysages ruraux .................................................................................................... 91

2. L’économie villageoise............................................................................................................. 92

2.1. L’économie de l’arrière-cour .............................................................................................. 92

2.2. L’économie vivrière ........................................................................................................... 93

2.3. Autres sources économiques .............................................................................................. 94

3. Des espaces ruraux en perpétuelle crise ................................................................................ 96

3.1. Le déclin de l’agriculture familiale .................................................................................... 96

3.2. L’exode rural et le vieillissement de la population rurale .................................................. 96

3.3. Le mauvais état des infrastructures de transport ................................................................ 98

Page 406: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

405

3.4. Le déficit de structures de premières nécessités ............................................................... 100

3.5. Un environnement économique peu propice .................................................................... 101

3.5.1. Une agriculture face à plusieurs concurrents ............................................................. 101

3.5.2. Le choix des agro-industriels ..................................................................................... 103

3.5.3. Le développement rural en question .......................................................................... 105

4. Quelques actions du gouvernement visant à redynamiser le monde rural ...................... 107

4.1. La politique de décentralisation ........................................................................................ 107

4.2. La restructuration du secteur agricole .............................................................................. 109

Conclusion du chapitre II ............................................................................................................ 111

Chapitre III : Production et conservation au Gabon face à la problématique du

développement durable ................................................................................................................. 113

1. Les principales activités de production dans les milieux ruraux et leurs impacts ........... 114

1.1. L’exploitation forestière et la filière bois ......................................................................... 115

1.2. L’exploitation minière ...................................................................................................... 117

1.3. L’exploitation pétrolière ................................................................................................... 118

1.4. L’influence de la production sur l’économie gabonaise ................................................... 118

2. Historique de la conservation et son évolution au Gabon .................................................. 119

2.1. La gestion forestière au Gabon, de la période coloniale à aujourd’hui ............................ 120

2.2. Les politiques environnementales gabonaises .................................................................. 125

2.2.1. Les cadres législatif et institutionnel de la gestion des ressources naturelles au Gabon

............................................................................................................................................. 126

2.2.2. Avancée des politiques nationales conservationnistes .............................................. 130

2.2.2.1. La révision de quelques codes ............................................................................ 130

2.2.2.2. L’intégration de la dimension conservatrice dans les programmes nationaux ... 132

3. Les activités et les acteurs de conservation au Gabon ........................................................ 133

3.1. Les activités de conservation au Gabon ........................................................................... 134

3.1.1. Les aires protégées .................................................................................................... 134

3.1.2. Le reboisement .......................................................................................................... 137

3.1.3. L’aménagement des concessions forestières ............................................................. 139

3.1.4. La certification du bois .............................................................................................. 140

3.2. Les principaux acteurs de la préservation de l’environnement au Gabon ........................ 142

3.2.1. Les administrations nationales .................................................................................. 142

3.2.2. Les ONG .................................................................................................................... 144

3.2.2.1. Les ONG internationales .................................................................................... 144

3.2.2. Les ONG nationales .................................................................................................. 147

3.2.2.1. Les Amis du pangolin ......................................................................................... 148

Page 407: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

406

3.2.2.2. Gabon environnement ........................................................................................ 150

3.2.2.3. Brainforest .......................................................................................................... 151

3.2.3. Les populations locales .............................................................................................. 152

4. Les débats actuels sur la conservation des ressources naturelles ...................................... 153

4.1. Une gestion participative rationnelle des ressources de plus en plus envisagée .............. 153

4.2. Approche des services environnementaux comme moyen d’incitation vers l’application

des politiques environnementales dans les pays tropicaux ...................................................... 155

4.2.1. Définition des services écosystémiques .................................................................... 155

4.2.2. Le cas des mécanismes de paiement pour services environnementaux ..................... 156

4.2.3. Polémiques actuelles sur la rémunération des SE et les problèmes qu’ils posent ..... 158

4.2.4. Exemples de quelques services issus de la nature déjà monnayés ou en cours ......... 161

Conclusion du chapitre III ........................................................................................................... 162

Conclusion de la première partie ................................................................................................. 165

Deuxième partie : La survie des villages gabonais ......................................................................... 167

Chapitre IV : Description de la zone d'étude .............................................................................. 169

1. Choix de la zone d’étude ....................................................................................................... 174

1.1. Le parc national de Mwagné ............................................................................................ 175

1.2. Les villages voisins au parc de Mwagné .......................................................................... 176

1.2.1. Le village Nzé Vatican .............................................................................................. 177

1.2.2. La Scierie ................................................................................................................... 178

1.3. Le parc national de l’Ivindo ............................................................................................. 178

1.4. Les villages proches du parc de l’Ivindo .......................................................................... 181

1.4.1. Ebe-Messe ................................................................................................................. 181

1.4.2. Melane ....................................................................................................................... 182

1.5. Le parc national de la Lopé .............................................................................................. 182

1.6. Les villages périphériques au parc de la Lopé .................................................................. 185

1.6.1. Ayem ......................................................................................................................... 185

1.6.2. Kazamabika ............................................................................................................... 185

1.6.3. Makoghé .................................................................................................................... 185

1.6.4. Mikongo .................................................................................................................... 186

1.6.5. Ramba ........................................................................................................................ 187

2. Atouts et difficultés rencontrés dans les villages ................................................................. 189

2.1. Les atouts des villages ...................................................................................................... 192

2.1.2. L’école ....................................................................................................................... 192

2.1.2. Le dispensaire ............................................................................................................ 195

2.1.3. Le groupe électrogène ............................................................................................... 197

Page 408: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

407

2.1.4. La pompe hydraulique ............................................................................................... 199

2.1.5. La boutique ................................................................................................................ 200

2.2. Les difficultés rencontrées dans les villages..................................................................... 201

2.2.1. Le problème de transport et le mauvais réseau routier .............................................. 202

2.2.2. La destruction des cultures ........................................................................................ 202

2.2.3. L’absence des activités non agricoles ........................................................................ 204

3. Lopé ........................................................................................................................................ 208

3.1. Les commerces ................................................................................................................. 211

3.2. Les services et autres activités .......................................................................................... 216

3.3. Les activités touristiques .................................................................................................. 219

Conclusion du chapitre IV ........................................................................................................... 222

Chapitre V : À quoi servent les villages gabonais ? ................................................................... 223

1. Exode rural et structure de la population des villages ....................................................... 226

1.1. Bref aperçu historique des villages étudiés ...................................................................... 226

1.2. La diminution de la population rurale gabonaise ............................................................. 228

1.3. Les migrations des populations de la zone étudiée : une agonie démographique ?.......... 230

1.3.1. L'histoire des personnes - migrations ........................................................................ 231

1.3.1.1. Nombre de migrations ........................................................................................ 235

1.3.1.2. Lieux de vie ........................................................................................................ 236

1.3.2. La localisation des enfants ......................................................................................... 238

1.3.2.1. Les migrations des enfants de la zone étudiée .................................................... 239

1.3.2.2. Les professions des enfants ................................................................................ 243

1.4. Représentation des migrations des informateurs .............................................................. 245

2. Les activités économiques des villages ................................................................................. 247

2.1. L’agriculture ..................................................................................................................... 248

2.1.1. Les types de champs chez les Ogivins....................................................................... 249

2.1.2. Rendements et estimations des quantités produites ................................................... 251

2.2. Les diverses entrées financières villageoises .................................................................... 257

2.3. Histoire professionnelle : la place des activités liées à l’extraction forestières et aux parcs

nationaux ................................................................................................................................. 259

3. Les villages comme lieux favoris de la tradition ................................................................. 262

3.1. Les initiations pendant les vacances ................................................................................. 262

3.2. Les tradi-praticiens et leurs cliniques ............................................................................... 264

3.3. Le tourisme initiatique dans les villages........................................................................... 266

Conclusion du chapitre V ............................................................................................................ 268

Conclusion de la deuxième partie ................................................................................................ 271

Page 409: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

408

Troisième partie : Crises et mutations des espaces forestiers périphériques aux parcs nationaux

............................................................................................................................................................. 273

Chapitre VI : Analyse des tensions existantes aux périphéries des parcs nationaux de la zone

étudiée ............................................................................................................................................. 275

1. Conflits Homme-faune .......................................................................................................... 276

1.1. Analyse des conflits Homme-faune .................................................................................. 278

1.1.1. Les principaux conflits directs ................................................................................... 278

1.1.1.1. Mort et dommages corporels .............................................................................. 278

1.1.1.2. Destruction des cultures ..................................................................................... 279

1.1.1.3. D’autres dégâts ................................................................................................... 280

1.1.2. Les principaux conflits indirects ............................................................................... 281

1.1.2.1. Limitation des mouvements nocturnes ............................................................... 281

1.1.2.2. La psychose chez les populations locales ........................................................... 282

1.2. Les espèces et les lieux privilégiés des conflits ................................................................ 282

1.2. Les conséquences et gestion des conséquences des conflits Homme-faune .................... 284

1.3. Les moyens utilisés pour résoudre les conflits ................................................................. 285

2. Conflits entre villageois et agents des parcs nationaux ...................................................... 290

2.1. Manifestations des conflits ............................................................................................... 290

2.2. Quelques raisons des conflits entre villageois et agents de conservation ......................... 294

2.2.1. Les parcs nationaux, un projet inopiné ...................................................................... 294

2.2.2. Absence ou insuffisance de textes juridiques ............................................................ 297

3. Conflits entre villageois et exploitants forestiers ................................................................ 299

3.1. Des explications aux conflits ruraux-sociétés d’exploitations.......................................... 300

3.1.1. Des activités d’exploitations toujours en expansion .................................................. 300

3.1.2. Une inégale répartition de l’occupation spatiale ....................................................... 303

4. Les impacts des conflits sur le développement rural et sur la gestion des ressources ..... 304

4.1. Impact sur les populations et le développement rural ...................................................... 305

4.2. L’exode rural .................................................................................................................... 308

4.3. Impact sur la gestion des ressources ................................................................................. 309

4.3.1. La non-sanction en cas de violation .......................................................................... 310

4.3.2. Le braconnage ........................................................................................................... 310

Conclusion du chapitre VI – Quelques résolutions aux conflits dans les territoires ruraux ........ 312

Chapitre VII : Les forêts communautaires comme solution à la résolution des conflits dans le

monde rural gabonais ................................................................................................................... 315

1. Les forêts communautaires, un nouveau mode de gestion rationnelle à la portée des

ruraux ......................................................................................................................................... 316

1.1. Les forêts communautaires, un outil pour atténuer les tensions ....................................... 317

Page 410: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

409

1.2. Historique et établissement des forêts communautaires dans l’Ogooué-Ivindo : cas du

projet DACEFI ........................................................................................................................ 318

1.3. Activités spatiales du projet DACEFI .............................................................................. 321

1.4. Organisation du projet ...................................................................................................... 322

1.5. Implication des populations locales .................................................................................. 322

1.5.1. Les activités villageoises ........................................................................................... 323

1.5.1.1. La proposition d’un plan simple de gestion ........................................................ 323

1.5.1.1.1. Ebe-Messe-Melane ...................................................................................... 324

1.5.1.1.2. La Scierie ..................................................................................................... 326

1.5.1.2. La conception d’une pépinière ........................................................................... 327

1.5.1.2.1. Ebe-Messe-Melane ...................................................................................... 328

1.5.1.2.2. La Scierie ..................................................................................................... 328

1.5.1.2.3. Nzé Vatican .................................................................................................. 329

1.5.1.3. La mise en place d’un verger .............................................................................. 329

1.5.1.3.1. Ebe-Messe-Melane ...................................................................................... 330

1.5.1.3.2. La Scierie ..................................................................................................... 331

1.5.1.3.3. Nzé Vatican .................................................................................................. 332

1.5.1.4. Les formations villageoises ................................................................................ 332

1.5.1.4.1. La Scierie ..................................................................................................... 333

1.5.1.4.2. Ebe-Messe-Melane et Nzé Vatican .............................................................. 334

1.5.2. Les associations villageoises ..................................................................................... 334

1.5.2.1. L’association d’Ebe-Messe-Melane ................................................................... 335

1.5.2.2. L’association de La Scierie................................................................................. 336

1.5.2.3. L’association de Nzé Vatican ............................................................................. 338

2. Tensions dans le projet DACEFI ......................................................................................... 338

2.1. Distensions entre villageois .............................................................................................. 339

2.2. Tensions entre les agents de DACEFI et les ruraux ......................................................... 339

3. Bilan des activités DACEFI .................................................................................................. 341

3.1. Ralentissement des activités dans les anciens sites ...................................................... 341

3.2. Lancement du projet dans de nouveaux villages .............................................................. 342

3.3. L’absence de forêts communautaires ............................................................................... 344

4. Handicaps à l’obtention d’une forêt communautaire ........................................................ 346

4.1. Absence et imprécision des textes .................................................................................... 346

4.2. Absence d’esprit communautaire au sein des communautés ............................................ 348

4.3. Activités villageoises à long terme ................................................................................... 351

Conclusion du chapitre VII ......................................................................................................... 353

Page 411: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Le monde rural gabonais - entre production et conservation

410

Conclusion de la troisième partie ................................................................................................. 355

Conclusion générale ...................................................................................................................... 357

Bibliographie .................................................................................................................................. 367

Table des illustrations ....................................................................................................................... 381

Liste des annexes ............................................................................................................................... 381

Liste des cartes ................................................................................................................................... 381

Liste des photos .................................................................................................................................. 382

Liste des planches .............................................................................................................................. 382

Liste des tableaux .............................................................................................................................. 383

Annexe 1 : Organigramme de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux ..................................... 384

Annexe 2 : Informations sur les PFNL ............................................................................................ 386

Annexe 3 : Lettre de revendication du village Kazamabika .......................................................... 388

Annexe 4 : Lettre de revendication du village Makoghé ............................................................... 389

Annexe 5 : Lettre de revendication du village Mikongo ................................................................ 390

Annexe 6 : Questionnaire Agro-Socio-Économique ....................................................................... 392

Table des matières ............................................................................................................................. 403

Page 412: LE MONDE RURAL GABONAIS ENTRE PRODUCTION ET …

Résumé

Le monde rural gabonais est un espace en grande partie vidé de ses populations, soumis depuis

longtemps aux pressions de l’exploitation forestière et, depuis une vingtaine d’années, à une politique

de conservation très volontaire. Nous avons voulu étudier l’impact de ces pressions sur le monde

rural contemporain en nous centrant plus particulièrement sur les aires de conservation. C’est

dans la province de l’Ogooué-Ivindo, autour de trois parcs nationaux (Ivindo, Mwagné et

Lopé), que nous avons examiné les activités de conservation, de production, les acteurs

impliqués ainsi que les conflits qui en résultent. En dépit d’une histoire largement défavorable

au monde rural, en dépit aussi de la mauvaise répartition des richesses, des infrastructures et

des services, profitant presqu’exclusivement aux villes au détriment des zones rurales, et en

dépit enfin de politiques de conservation très contraignantes pour les populations rurales, les

villages continuent à exister – en grande partie grâce à la tradition. Les solutions proposées

telles que l’attribution des forêts communautaires initiée récemment par l’état gabonais,

peuvent-elles permettre de raviver les villages et de faire participer les populations rurales au

processus de développement de leurs localités ? Au-delà de cette question, cette thèse permet

d’engager des réflexions sur des actions possibles pour éviter l’extinction des villages gabonais.

Mots clés : monde rural gabonais, Ogooué-Ivindo, villages ogivins, parcs nationaux, service

environnemental, agriculture, exode rural, conflit Hommes-faune, forêt communautaire.

Summary

Gabonese rural world is an area largely emptied of its populations, subjected for a long time

to the pressures of the forestry development and, for about more than twenty years, to a very

voluntary conservation policy. We have wanted to study the impact of these pressures on the

contemporary rural world by focusing our work particularly on the conservation areas. It is in

the province of Ogooué-Ivindo, around three national parks (Ivindo, Mwagné and Lopé) that

we examined the activities of conservation and production, the actors involved as well as the

conflicts which result from them. The history widely unfavorable to the rural world, the

unequal distribution of wealth, infrastructures and services, benefiting almost exclusively the

cities to the detriment of the rural areas and the conservation policies too binding for the rural

populations have made it difficult for villages to survive. In despite of all this, they still exist -

largely thanks to the local tradition. But, can possible solutions such as the attribution of

community forests, introduced recently by the Gabonese state, bring villages back to life and

make rural populations participate in the process of developing their localities? Beyond this

question, this thesis seeks to initiate a process of reflection on possible actions to stop the

extinction of the Gabonese villages.

Keywords: rural Gabonese world, Ogooué-Ivindo, ogivin villages, national parks, environmental

services, agriculture, rural depopulation, human-wildlife conflict, community forest.

UNIVERSITÉ DE PAU ET DES PAYS DE

L’ADOUR

*École Doctorale 481Sciences Sociales et Humanités *

LABORATOIRE SET - UMR 5603 CNRS