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LE PATRIOTISME éCONOMIQUE UNE EXCEPTION FRANCAISE ? OCTOBRE 2015 ISSN 2265-447X Groupe de veille et d’analyse Travaux de la 18 e Session nationale spécialisée 2014-2015 « Protection des entreprises et intelligence économique » TRAVAUX DES AUDITEURS Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice

LE PATRIOTISME éCONOMIqUE

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le patriotisme économique

une exception francaise ?

octobre 2015ISSN 2265-447X

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Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice

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le patriotisme économique : une exception française ?

Groupe de veille et d’analyse – 18e Session nationale spécialisée 2014-2015 « Protection des entreprises et intelligence économique »

2 © IINHeSJ – octobre 2015 – rapport du Groupe de veille et analyse « colbert »

ce document ne saurait être interprété comme une position officielle ou officieuse de l’institut ou des services de l’État. Les opinions et recommandations qui y sont exprimées n’engagent que leurs auteurs. Il est publié sous la responsabilité éditoriale du directeur de l’institut.

Directeur de la publication M. Cyrille SCHOTT, directeur de l’INHESJ

Les Membres du Groupe de Veille et d’Analyse « coLbert »

Les auteurs de ce travail intitulé : « Le patriotisme économique : une exception française ? » sont :

• antoine de La rOCHeBrOCHard

• Jean-Paul BONNet

• elizabeth O’reiLLY

• Nicolas KatZ

• thierry MarQueZ

• Mayte MartiN serra

• Laurent OHeix

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INtroductIoNdepuis une vingtaine d’années, avec comme acte fondateur le rapport parlementaire d’Henri MArtre (1994) puis les 38 propositions du rapport cArAyoN (2003) portant sur la détermination et la mise en œuvre de l’intelligence économique, suivis en 2014 de l’adoption de la loi Florange, issue des mesures proposées par le ministre A. MoNtebourG, le patriotisme économique est devenu un thème récurrent qui vient au premier plan de la scène politique et médiatique dès lors que les fleurons industriels ou économiques nationaux paraissent menacés par « l’étranger ».

Le rôle potentiel de l’État, stratège et partenaire des entreprises, a été durant cette période régulièrement et exhaustivement analysé par une série d’auteurs, chercheurs et journalistes (cf. par exemple, http://www.portail-ie.fr/categorie/28/bibliographie). Les centres de formation, instituts, écoles et universités dédiés, peu ou prou, à l’intelligence économique et au patriotisme du même nom se sont multipliés. A même été publié un Routard de l’Intelligence Economique, régulièrement actualisé et mis en ligne un portail de l’Ie, fédérateur et fort bien documenté (http://www.portail- ie.fr/).

et pourtant, l’actualité (Alstom, Alcatel…) ne cesse de rappeler que le « dispositif patriotique France », politique, législatif, économique, d’intelligence… ne permet pas toujours aux fleurons français, des groupes mais aussi des PMe de haute-technologie de demeurer dans le giron national.

cependant, le patriotisme économique à la française est souvent présenté comme du protectionnisme, Paris se trouvant de facto être, selon une série de commentateurs, l’exception parmi les nations tenantes du libéralisme. et ce alors même que l’administration obama, en 2008, n’a pas hésité à prôner l’interventionnisme étatique et le « buy American » afin que le plan de relance national bénéficie en premier lieu aux entreprises américaines. Le congrès des États-unis avait alors refusé de voter les crédits nécessaires à la mise en œuvre de cette politique 1.

dans ce contexte, qui pourrait être qualifié de passionnel, où d’aucuns mêlent ou confondent patriotisme et protectionnisme, mots qui peuvent avoir l’un comme l’autre des connotations positives ou négatives selon leur contexte, il convient d’envisager ce que d’autres nations mettent en œuvre et leur manière de le faire.

Au-delà des cas classiques, régulièrement abordés par la presse comme les experts (politique d’investissements américaine, britannique…), parti a été pris de retenir deux pays continents dits « émergents », la chine et la russie, désormais acteurs incontournables du libéralisme mondialisé. Sera également étudié le cas français de Latécoère, tout à fait actuel. Il s’avère révélateur de la prise de conscience (ou non) par la France des enjeux de souveraineté.

Avant d’aborder ces études de cas, riches en enseignements, notamment sur le rôle de stratège des États étudiés, sera considérée la politique économique du cadre structurant de la France, l’europe, en matière d’investissements directs étrangers (Ide) et de sécurité économique de l’union européenne (ue).

(1) Le congrès est hanté par le spectre de la loi Smoot-Hawley, qui avait été responsable du déclenchement d’une réaction en chaîne et d’une guerre commerciale générale, et contribua à la Grande dépression. (Source : http://mobile.agoravox.fr/tribune-libre/article/mondialisation-et- protectionnisme-59119).

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Sommaire

introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

étude de cas : le contrôle des ide dans l’ue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

étude de cas : Gazprom, un outil de puissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

étude de cas : le développement de la filière aérospatiale chinoise . . . . . . . . . . . . 11

étude de cas : la stratéGie de la chine sur les terres rares . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

étude de cas : le Groupe français latécoère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

conclusion – préconisations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

BiBlioGraphie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

séCurité PrivéeRapport du Groupe de veille et d’analyse

– 18e Session nationale spécialisée 2014-2015« Protection des entreprises

et intelligence économique »

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Étude de cas : Le coNtrôLe deS Ide

dANS L’ue

« L’indépendance politique n’existe que si l’indépendance économique est assurée », disait le Général de Gaulle.

La démission de l’État stratègeLe 14 avril 2015, Nokia annonçait son intention de lancer une oPA sur le groupe français Alcatel-Lucent. Alors que toutes les grandes économies mondiales ont renforcé leur positionnement stratégique dans l’industrie depuis 2008, le gouvernement français permet à un pan entier de son industrie de quitter le giron national.

en effet, après les matériaux avec Lafarge et l’énergie avec Alstom, la France voit ses fleurons la quitter dans le domaine stratégique de l’économie du futur, les télécommunications, secteur dans lequel elle possède une avance technologique certaine. L’information pourrait être interprétée comme le symbole du renoncement industriel français.

Le contexte de guerre économiquec’est pourquoi, dans un contexte que d’aucuns qualifient de guerre économique « hors limite » et de délocalisation massive mais, a contrario, d’intégration européenne se pose la question de la capacité de l’union européenne à protéger son bassin industriel.

de fait, l’union européenne ne semble pas protéger suffisamment ses groupes industriels des investisseurs étrangers qui agissent trop souvent comme de véritables prédateurs.

Ainsi, entre 2000 et 2006, le leader français des technologies de cartes à puce Gemplus faisait les frais des méthodes utilisées par une multinationale américaine pour prendre son contrôle, ce qui suscita une prise de conscience de la réalité des échanges internationaux dans les domaines les plus stratégiques.

en outre, les règles européennes en vigueur limitent radicalement la constitution de champions industriels européens. EADS/AIRBUS n’aurait pas vu le jour si l’union européenne ne s’était invitée à la table des négociations.

de nouvelles règles s’imposent donc afin de se substituer aux anciennes pratiques de contrôle pour satisfaire des impératifs de souveraineté dans les secteurs les plus sensibles comme, par exemple, l’énergie, les télécommunications ou les technologies à double usage civil et militaire (dual).

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Les investissements directs étrangers dans l’union européenneLes Ide constituent un facteur essentiel de l’attractivité économique d’une nation. Les études macro-économiques ne cessent de démontrer le lien fort entre les Ide et la croissance économique enregistrée par un pays, principalement sous l’effet de l’attractivité des territoires et du développement d’activités nouvelles. à l’échelle européenne les Ide peuvent constituer un facteur déterminant de création de richesses et avoir des effets de levier de croissance, en soutenant l’innovation et donc en confortant l’emploi.

Au sein de l’union européenne, les Pays-bas sont les premiers bénéficiaires des Ide provenant des États-unis, avec un total estimé à 625 milliards d’euros à la fin de l’année 2012, puis viennent le royaume-uni, le Luxembourg et l’Irlande. Alors qu’en Allemagne les Ide s’élevaient seulement à 121 milliards de dollars, ce qui représente un niveau exceptionnellement bas pour l’ensemble des secteurs de son économie. Au demeurant, la France avait connu quant à elle une situation comparable dans les années 2009/2010.

Pourtant, dans l’union européenne, les Ide sont encore insuffisants. L’Institut allemand pour la recherche économique (dIW) a calculé qu’ils représentent quelques 200 milliards d’euros, soit 2 % du PIb de la zone euro.

Mais à l’échelle mondiale, la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (cNuced), se montre plus optimiste et estime le montant mondial des Ide voisin de 1 800 milliards de dollars à l’horizon 2015-2016, après avoir constaté une progression globale de 9 % en 2013, pour un montant supérieur à 1 450 milliards.

L’ue n’est pas dotée de mécanisme de contrôle pour les investissements stratégiques. en effet, chaque pays a des caractéristiques particulières pour l’accueil comme pour la production de ses Ide. Pour trouver un équilibre entre les préoccupations économiques légitimes et le maintien de l’attractivité économique et politique, il conviendrait au préalable de s’assurer que les investissements ne sont pas néfastes à l’indépendance économique de chacun des États membres, quand ils proviennent de pays à risque tels que la chine, les Émirats-Arabes-unis, les États-unis, la russie ou encore le Qatar.

Mais cet équilibre n’existe pas en europe. Le droit européen prône le principe de liberté de circulation des capitaux de la zone ue et vis-à-vis des États tiers. Malgré la faible marge de manœuvre des États membres pour intervenir à l’échelle européenne, plusieurs pays se sont dotés de mécanismes de contrôle nationaux sur des secteurs stratégiques, en vertu de l’article 65 tFue, qui autorise les dérogations à l’article 63 tFue pour des motifs liés à l’ordre public, à la sécurité publique, à la défense des intérêts essentiels, à la sécurité nationale ou encore pour lutter contre l’évasion fiscale.

en termes de contrôle, des pays membres de l’ue ont pourtant mis en place des mécanismes qui ont montré des signaux encourageants :

L’Italie a accordé des pouvoirs exceptionnels à ses ministres en matière de contrôle dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale, ainsi que dans l’énergie, les transports et les communications.

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L’espagne a mis en place une procédure de vérification préalable par la direction générale des transactions extérieures, lorsque l’investissement a pour conséquence de porter à plus de 50 % du capital d’une société espagnole la participation étrangère totale. de surcroît, une autorisation préalable, délivrée par le conseil des ministres, est exigée pour les investissements impliquant des intérêts vitaux.

Mais force est de constater qu’un mécanisme européen de contrôle des Ide n’est pas prêt de naître. cela tient probablement au fait que l’ue ne possède pas l’ensemble des attributions d’un État, mais constitue avant tout un marché commun de pays ayant leurs propres intérêts.

Aussi, le rapport parlementaire du député GuILLoN de janvier 2012 a-t-il proposé à la commission européenne d’organiser des veilles nationales stratégiques sur les Ide.

Il conviendrait, cependant, d’aller plus loin en incitant la commission européenne à étendre la notion de sécurité publique au domaine économique. La modification des traités est une option qui serait envisageable dans une optique plus fédéraliste de l’union européenne.

L’option, tout à fait hypothétique, de la sortie de l’union européenne pourrait permettre à la France d’appliquer les décrets VILLePIN (2005) et VALLS (2014) qui ont élargi considérablement les secteurs stratégiques soumis à autorisation préalable du gouvernement avant une prise de contrôle « étrangère ».

Faut-il s’inspirer ou non du modèle américain ?

Les instruments américains de contrôle des Ide (Small Business Act et American Buy Act) pourraient largement inspirer l’ue, en soumettant les prises de contrôle étrangères à une enquête préalable du Foreign Investment in National Security Act (FINSA). cela permettrait de protéger les secteurs d’importance vitale. de plus, la menace d’un droit de veto national participerait à prévenir des oPA hostiles de la part des multinationales sur les secteurs stratégiques. ce modèle a largement inspiré l’espagne, les Pays-bas et l’Italie. Pourrait-il être envisagé à l’échelle de l’union européenne ?

conclusionL’ue et ses états membres doivent prendre conscience que, dans les domaines stratégiques – qu’il s’agisse des secteurs de la défense, de l’aéronautique, des télécommunications, des technologies duales ou encore du numérique (l’économie de l’avenir) –, des multinationales peuvent investir dans ces secteurs pour des raisons technologiques ou pour éliminer un concurrent, et cela, sans aucune préoccupation pour le tissu industriel, l’emploi ou la croissance nationale.

ce type de pratiques dont l’ampleur a été révélée par plusieurs affaires, Gemplus hier, Nokia avec Alcatel aujourd’hui, est préjudiciable à la sécurité économique de l’union européenne et de ses États membres.

enfin, il est essentiel de faire prévaloir dans les échanges économiques mondiaux le principe de réciprocité pour que le « vieux continent » ne soit plus la cible de multinationales, derrière lesquelles se cache parfois la « main invisible » de puissances étrangères.

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Le conflit ukrainien, depuis plusieurs années, illustre les liens de dépendance mutuelle entre Kiev et Moscou, tant sur le plan industriel que sur le plan économique. Si l’ukraine est dépendante du gaz de Moscou, elle est aussi l’un des grands fournisseurs de pièces détachées et de moteurs du secteur militaro-industriel russe. en outre, pour faire fonctionner son complexe métallurgique et bien que possédant le bassin de donbass, l’ukraine doit importer du charbon de chez ses voisins car elle n’en produit pas suffisamment. Son principal fournisseur est, là encore, la russie.

Moscou, à travers son engagement, sa victoire géostratégique puis militaire, pourrait parvenir à affirmer sa position dominante sur le marché énergétique, face aux intentions belliqueuses de l’occident, en particulier, grâce à son outil de puissance : la société Gazprom.

Introductionen recherche d’une solution pour prendre le contrôle de Gazprom en 2001, l’État russe avait réussi, dans un premier temps, à nommer MM. Alexeï MILLer et dimitri MedVedeV, deux anciens collaborateurs de Vladimir PoutINe à Saint-Pétersbourg, à la présidence du directoire et du conseil d’administration de cette société. dans un deuxième temps, l’État annonçait, en 2005, la fusion de Gazprom avec la compagnie pétrolière publique Rosneft.

en 2006, a débuté la phase opérationnelle de la stratégie russe par l’arrêt des livraisons de gaz à la biélorussie, l’ukraine et la Géorgie, ce qui aura produit des effets jusqu’en Italie et en France, où a été enregistrée une légère baisse de la pression de l’arrivée du gaz. Les mêmes mesures ont été répétées durant l’hiver 2008-2009 lorsque Gazprom a fermé les vannes, accusant l’ukraine de défaut de paiement et de détournement de gaz. La tension russo-ukrainienne a fortement inquiété les pays de l’union européenne fortement dépendants du gaz russe.

La rivalité géopolitique entre les États-unis et la russie s’est alors ravivée notamment dans sa dimension économique qui porte plus particulièrement sur l’exploitation et le contrôle des ressources, notamment dans le domaine de l’énergie.

Étude de cas : GAzpROM, uN outIL de PuISSANce

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repères : les crises gazièresdécembre 2006 : crise en Biélorussie. La biélorussie, liée par un traité d’union à la russie, est le dernier pays de l’ex-union soviétique à bénéficier de prix inférieurs à ceux du marché mondial.

Gazprom menace, en décembre 2006, de couper les robinets de gaz si Minsk n’accepte pas une hausse du prix du gaz. un accord finira par être signé le 31 décembre qui se traduira par une hausse du prix du gaz importé, de 46 à 100 dollars les 1 000 m3, un niveau qui reste à l’époque inférieur au prix du marché.

Janvier 2006 : crise en ukraine. Après des semaines de négociations qui n’aboutissent à aucun accord et face au refus ukrainien d’accepter une considérable augmentation du prix du gaz, Gazprom décide d’interrompre sa livraison de gaz le 1er janvier, ce qui signifie un risque pour l’europe occidentale puisque 90 % du gaz russe qu’elle reçoit transite par l’ukraine. Les ukrainiens acceptent finalement d’acheter le gaz russe au prix international, soit 230 dollars pour 1 000 m 3, à la place de 50 dollars 2.

automne 2006 : crise en Géorgie. Gazprom oblige tbilissi, sous menace de suspendre ses livraisons de gaz, à payer 230 dollars les 1 000 m3, c’est-à-dire, le double de ce que la Géorgie payait auparavant (110 dollars les 1 000 m3)3.

été 2008 : deuxième crise en Géorgie. La deuxième crise d’ossétie du Sud, en août 2008, oppose la Géorgie à sa province séparatiste d’ossétie du Sud et à la russie. une fois encore, Gazprom, le bras armé du Kremlin, est à l’origine du bras de fer énergétique (débuté à l’automne 2006).

hiver 2014 : alexeï miller, directeur général de Gazprom, annonce à l’ukraine la fin du prix préférentiel du gaz. Vladimir PoutINe fait savoir, à travers la presse, que la dette gazière ukrainienne est proche de 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros) fin février 4.

La joint-venturec’est en 2008 que Gazprom et Société houillère énergétique de Sibérie (SueK) signent un protocole d’intention annonçant la création d’une compagnie conjointe basée sur leurs actifs électro-énergétiques et houillers. Au sein de la nouvelle compagnie, Gazprom détiendra 50 % plus une participation, Société houillère énergétique de Sibérie 50 % moins une participation 5.

d’après le rapport d’information n°182, du Sénat, de titre : « russie : puissance ou interdépendance énergétique ? », la société Gazprom distribue le quart de la consommation de gaz de l’ue, possède environ 20 % des réserves mondiales de gaz et 155 000 kilomètres de gazoducs. L’État russe est actionnaire majoritaire de l’entreprise qui tient une place centrale dans la stratégie d’influence énergétique du pays. c’est en 2005 que Gazprom cède une part importante d’action à l’État afin de lui permettre de passer de 38 % à 50,01 % du capital. Au demeurant par certains aspects elle s’inscrit dans la continuité de l’héritage de l’ex-union soviétique. Gazprom s’est mondialisée et se façonne aux logiques du marché : entrée en bourse, 50 % du cA réalisé à l’export et acquisition de technologies.

(2) http://www.lemonde.fr/economie/visuel/2007/12/21/gazprom-l-instrument-de-la-puissance- russe_992563_3234.html

(3) Ibid.

(4) http://www.lemonde.fr/ economie/article/2014/03/05/gazprom- va- augmenter- les- tarifs- du- gaz- vendu- a- l- ukraine_4378010_3234.html

(5) http://fr.sputniknews.com/ economie/20070213/ 60671214.html

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elle est dirigée par Alexeï MILLer, président et directeur général et dimitri MedVedeV, président du conseil de surveillance. 6

La SueK était en 2007 la plus grande compagnie houillère russe. elle assurait 30 % de la houille pour chaudière en russie et environ 20 % des exportations. La SueK produisait environ 89,7 millions de tonnes de houille, dont elle vendait 85,7 millions.

La Société houillère énergétique de Sibérie est l’actionnaire privé le plus important de compagnies sur tout le territoire. Avant la fusion avec Gazprom elle projetait, par ailleurs, d’exporter en 2007 jusqu’à 30 millions de tonnes contre 23,5 millions en 2006, soit une hausse de 14,9%. elle est dirigée par le milliardaire Vladimir rASHeVSKy, président et directeur général.

Gazprom détient 85 % des réserves de gaz et de pipeline en russie. Il est indéniablement le leader sur le marché des exportations. Par ailleurs, en prenant le contrôle de la Société houillère énergétique de Sibérie, Gazprom devient premier producteur et exportateur de charbon. SueK contrôlait à elle seule deux tiers des réserves mondiales des gisements dont 77 mines et 27 centrales nucléaires. 7

rôle de l’ÉtatLa joint-venture entre Gazprom et la Société houillère énergétique de Sibérie a permis de réunir leurs actifs électriques et miniers, et, par la même occasion, à Gazprom de prendre le leadership en devenant actionnaire majoritaire.

Le tour de passe-passe a consisté à faire passer la part du chiffre d’affaires que représente le charbon dans le bilan énergétique russe, pour pouvoir exporter plus de gaz, beaucoup plus rémunérateur pour Gazprom. ceci a inévitablement provoqué une hausse du prix du gaz sur le marché intérieur. La concurrence, notamment la Société de production d’Électricité, avait fortement critiqué cet abus de position dominante.

L’État russe contrôle très efficacement les firmes étrangères avec qui il entretient des rapports conflictuels. L’ouverture aux capitaux étrangers, initiée dans les années 1990, s’est ralentie à partir de 2000, quand les milliardaires russes ont fait pression pour l’instauration d’un protectionnisme exacerbé 8. c’est à ce moment-là que des contraintes douanières et juridiques aux investissements directs étrangers ont été établies. enfin, c’est en réorganisant l’ensemble de la filière énergétique et en redistribuant les cartes entre les firmes publiques et privées (nationales et étrangères) que fut renforcée l’influence de la russie dans le monde.

(6) http://www.senat.fr/rap/r09- 182/r09- 182_mono.html

(8) Ibid.

(7) h t t p : / / c a f e - g e o .n e t / w p - c o n t e n t /u p l o a d s / c a f % c 3 % A 9 -% c 2 % A d G % c 3 % A 9 o -%c2%Adbaudelle.pdf

conclusionLes concepts du soft, du hard et maintenant du smart power, ont été largement utilisés par les États comme des outils de conquêtes et d’influences. en outre, c’est ce qui permettra à la russie de revenir, en seulement 15 ans, dans le top 5 des Nations, non pas grâce à son arme nucléaire, mais avec l’aide de son complexe industriel minier et gazier.

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La chine est un exemple révélateur de volontarisme à rattraper son retard technologique, notamment dans le secteur aérospatial. Avec pour objectif de s’affirmer comme un acteur de premier plan incontournable dans le domaine, les dirigeants chinois ont développé une méthodologie et des pratiques d’intelligence économique remarquables, caractérisées par une forte institutionnalisation.

IntroductionAprès des années de maoïsme, la chine, consciente de son retard technologique sur les pays occidentaux, décide de mettre en place, au début des années 1980, une stratégie politique très axée sur la recherche scientifique. Il s’agit non seulement de l’amélioration des technologies existantes, mais de poursuivre une stratégie d’indépendance technologique, voire de leadership mondial à long terme.

en dehors des raisons pragmatiques et économiques, la chine éprouvait le besoin de récupérer la place prépondérante qui lui correspondait, selon l’inconscient collectif chinois qui n’a jamais cessé de se sentir l’« empire du Milieu ».

depuis l’arrivée de deng XIAoPING, la chine multiplie ses efforts dans les domaines de la science et de la haute technologie pour figurer parmi les pionniers mondiaux.

…Avec un lobby énergie savamment structuré et la société Gazprom placée au cœur du dispositif des jeux d’influence, force est de constater que la russie a démontré aux puissances occidentales que sa stratégie de diplomatie d’entreprise, le smart power, a très bien fonctionné.

L’émergence de la menace de l’exploitation du gaz schiste en occident et particulièrement aux etats-unis n’a pas déstabilisé Gazprom. Mieux encore, elle n’aura fait que conforter la russie dans sa stratégie d’influence par l’arme énergétique et par la recherche de nouvelles opportunités pour vendre le gaz.

Le lobby énergie est devenu le bras armé de la politique étrangère de la russie. d’où l’importance du conflit depuis une décennie dans le bassin du donbass.

Étude de cas : Le dÉVeLoPPeMeNt de LA FILIère

AÉroSPAtIALe cHINoISe

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Pour la chine, l’aérospatial est recouvert d’une dimension symbolique forte qui contribue au prestige et à la fierté nationale, tout comme à la reconnaissance internationale. on pourrait même dire qu’il y avait toute une perception idéologique du rôle de la science et de la technologie dans le développement et le renforcement du socialisme, transposée aujourd’hui dans la recherche de la puissance.

ceci explique que les plus hautes instances politiques du parti soient impliquées dans les programmes spatiaux et aéronautiques, tout comme les ministères de coopération et des affaires étrangères.

Programmes et directives : les moyens de ses ambitionsL’intelligence économique en chine, dans ce but de récupération de leur retard technologique, est comprise comme une obligation patriotique, sur fond nationaliste.

Les directives d’acquisition des hautes technologies sont émises au niveau central, par le Ministère des sciences et de la technologie, et ratifiées par le conseil d’État et la Présidence.

Les premières directives, dite des « Quatre modernisations » des secteurs considérés prioritaires par le gouvernement chinois (agriculture, industrie, domaines scientifique et technologique) sont élaborées en 1979.

en 1983, elles prennent la forme d’un « plan de développement des hautes technologies pour le XXIe siècle » et concernent sept secteurs qui constituent encore aujourd’hui des secteurs clés : les systèmes spatiaux, les lasers de grande puissance, les systèmes automatisés de contrôle, les biotechnologies, les systèmes d’information et la micro-électronique, l’énergie, et les nouveaux matériaux.

en 1995, le conseil d’État prend la « décision sur l’accélération du développement scientifique et technique », aussi appelée « décision du 6 mai ». cette décision comprenait une série de points, très précis et révélateurs des pratiques d’intelligence économique que la chine mettra en place par la suite.

Quelques-uns de ces points sont : l’obligation « d’aboutir à des réalisations proches ou concurrentes des pays avancés », l’obligation « d’accroître les capacités chinoises de création de technologies autochtones et de maîtrise des technologies industrielles clés » ; la nécessité de « combiner la recherche autonome et l’importation des technologies étrangères » ; « la Chine doit améliorer l’utilisation des technologies de pointe par l’industrie de la défense (…) et mettre l’accent sur les technologies duales militaire-civil » ; les organisations impliquées dans les sciences et la technologie doivent avoir recours aux investissements étrangers pour mettre en place des co-entreprises (joint-ventures) ; obligation de former des spécialistes en hautes technologies ; mettre l’accent sur la coopération internationale 9.

Pour ce faire, le conseil d’État met en place différents programmes dont : le programme 863 (Programme de recherche et de développement des technologies de pointe) et le programme Torch. ce programme était particulièrement axé sur l’intelligence économique et il demandait « d’ouvrir des canaux intérieurs et extérieurs d’information et d’établir des réseaux d’information ».

(9) ScHAeFFer, daniel, La pratique de l’intelligence économique chinoise dans l’acquisition des hautes technologies, IecI, Paris 2006.

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Les outils principaux du Programme Torch sont les ZdIHt (zones de développement industriel des hautes technologies et les centres pionniers de service), dont l’une des fonctions est d’être « la fenêtre ouverte sur le monde extérieur » 10 et d’obtenir des technologies de pointe étrangères pour les adapter aux besoins nationaux chinois.

Les acteurs de la question aérospatiale

Les acteurs du secteur aérospatial sont organisés en deux niveaux : le niveau politique et décisionnaire et le niveau administratif ou de pilotage de projets.

Au niveau politique, se situe le bureau politique du comité central du Parti communiste chinois (bP/cc/Pcc), qui détient le rôle central dans les questions spatiales, car elles font partie des objectifs de politique générale. L’organe permanent, responsable des programmes stratégiques (dont le spatial), est la commission militaire centrale (cMc). Le conseil d’État, ou gouvernement chinois, interagit directement avec la cMc. du conseil d’État dépendent les différents acteurs du spatial chinois, dont les entreprises d’État (CASTC, Chinese Aerospace Science and Technology Corporation ; et CASIC, China’s Aerospace Science and Industry Corporation), pour garantir une cohérence des directives (cf. annexe A).

Les dispositions de la « décision du 6 mai » imposaient un « Groupe dirigeant », décideur de la politique nationale chinoise dans le domaine des sciences et de la technologie. ce groupe dirigeant se trouve au sein du Ministère des sciences et de la technologie et coordonne les affaires spatiales avec la coStINd et les niveaux considérés administratifs, à savoir, les différents ministères concernés, le vice-ministre des affaires étrangères et le vice-président du comité d’État pour la planification centrale.

Les questions spatiales sont ensuite traitées par des commissions ad hoc. ces commissions supervisent les niveaux inférieurs : académies, universités, laboratoires, etc. L’Académie des Sciences a un rôle particulièrement important puisqu’elle s’occupe, entre autres, de la coopération scientifique internationale. Les instituts, dépendants des académies sont les responsables de la recherche des technologies étrangères.

Les méthodestoute cette structure s’est appuyée sur différentes méthodes, toujours de manière très centralisée, pour atteindre ses objectifs.

on lui reproche souvent, et avec des arguments solides, ses méthodes grises voire noires, comme : le reverse-engineering, l’espionnage, la création de sociétés écran chinoises à l’étranger pour drainer le savoir technologique vers la chine, le contournement d’embargos, la violation de la propriété intellectuelle (un des domaines les moins protégé au monde malgré les dénégations chinoises), etc.

(10). Ibid.

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La chine a le mérite d’avoir su profiter et tirer le meilleur parti de la veille de sources ouvertes, nombreuses dans les pays occidentaux (publications scientifiques, salons...), de la coopération scientifique internationale, du transfert technologique grâce aux investissements directs étrangers en chine (notamment dans les ZdIHt), du retour des universitaires chinois de l’étranger, des joint-ventures, etc.

La modernisation de l’aéronautique militaire et de l’aérospatial a été fortement liée aux achats faits à la russie depuis plus de 60 ans.

dès les années 1950, l’union soviétique permet à la chine de copier plusieurs modèles d’armement de basse technologie. en 1992, la chine est le premier pays hors de l’union soviétique à acquérir un Su-27. en 1996, la chine achète la licence pour assembler le Su-27 sur son territoire. en 1997, La chine achète deux destructeurs Sovremenny-class à la russie. en 2002, elle acquiert huit sous-marins et deux autres avions destructeurs, encore à la russie. Finalement, la chine dévoile son J-11B, dont la russie dit être une copie de son Su-27, tout comme le Shenyang J-15 qui possède une grande ressemblance avec le Sukhoi Su-33 russe.

Actuellement, la chine essaie d’obtenir le Su-35 et le système de radar IRBIS russes. Le Pentagone affirme que si la chine réussit à les acheter, ils entreront en service vers 2018 et l’armée chinoise opérera dès lors avec une force militaire aérienne composée majoritairement d’avions de quatrième génération.

en 1995, Jiang ZeMIN, profitant de l’éclatement de l’union soviétique, passe des accords avec la russie pour l’achat à bas coût de la technologie du vaisseau russe Soyouz et de tous les systèmes de support-vie, avec l’intention de lancer un programme de prestige de développement d’un vaisseau habité et de la création d’une station spatiale. Les équipages chinois sont même formés à la cité des Étoiles de Moscou.

Le premier vol du vaisseau spatial Shenzhou 1 a lieu le 20 avril 1999, le jour du 50e anniversaire de la fondation de la république populaire de chine. La chine devient la troisième nation spatiale après l’union soviétique et les États-unis. deux autres vols ont eu lieu en 2008 et 2011.

La production actuelle et futureLa chine produit actuellement, sur son territoire, deux modèles d’avion de ligne commerciaux : le MA60-series turbopropulsé et le jet ARJ21. elle fait également l’assemblage final de l’Airbus A360 et produit le erJ-145 sous licence.

Le MA60 est un avion de ligne turbopropulsé, de 60 passagers. Il est produit par la Xi’an Aircraft Corporation (XAc), une filiale d’Aviation Industry Corporation of China (AVIc), créée par le ministère de l’Industrie aérospatiale chinoise. ce modèle est le produit d’un reverse-engineering de l’Antonov An-24 qui est rentré en service d’Aeroflot en 1963.

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La chine avait acheté 40 de ces Antonov et, en 1982, elle a commencé à les commercialiser sous le nom de Yun-7. Le MA60 n’est qu’une mise à jour du Yun-7.

L’ARJ21 est un exemple de co-production. L’ARJ21 est un avion de ligne de 90 sièges qui est en période d’essai depuis novembre 2008. Le fabriquant, Commercial Aircraft Corporation of China (coMAc), en partenariat avec bombardier avait basé sa conception sur le MD-90 McDonnel Douglas, dont la chine avait coproduit quelques exemplaires dans les années 1990. tous les sous-systèmes principaux viennent de compagnies Nord-Américaines : GE, Rockwell&Collins et Honeywell, entre autres. Les ailes, la partie la plus délicate d’un avion, ont été conçues par le groupe technico-scientifique aéronautique d’Antonov en ukraine.

Lors du salon de Zhuhai, du 11 novembre dernier, AVIc et son homologue russe United Aircraft corporation (uAc) ont annoncé la création d’une co-entreprise pour la fabrication d’un long-courrier de 250-300 places, similaire à l’A-330. Le projet sera dirigé par un chinois et un russe mais, encore une fois, ils auront tout de même besoin de technologies occidentales. en effet, cette co-entreprise fera appel aux équipementiers occidentaux et devra acheter les moteurs chez GE et Rolls-Royce pour la fabrication du long-courrier.

La chine a bénéficié, pendant les dernières décennies, et de manière significative, de l’avantage de « ceux qui suivent » et, certes, elle a fait peu de progrès dans le développement de nouvelles technologies.

comme on vient de voir, le problème le plus important de l’industrie aérospatiale chinoise actuelle est sa faible capacité d’innovation et d’invention. Ses avions militaires, missiles guidés, propulseurs, sont plus ou moins le résultat d’une piraterie suspectée et certains sont même la reproduction exacte d’inventions étrangères. Si la chine continuait dans cette voie, elle resterait dépendante de l’obtention des technologies de l’occident et son industrie aérospatiale continuerait à être très limitée.

Il y a, cependant, des mesures importantes et relativement récentes que la chine a mises en place pour le développement de son industrie aérospatiale, et qui n’ont nul recours à des méthodes illicites.

en 2009, AVIC XAC a acquis 90% des participations d’Austria’s Future Advance Composite Component (FAcc). FAcc est une entreprise spécialisée dans le développement et la production de matériaux composites d’aviation. cette acquisition a été la première que la chine a faite d’une industrie aéronautique étrangère. AVIC a mis 4 000 personnes dans le projet de recherche et de développement du C919 et de son moteur.

AVIC s’est servie de FACC comme r&d et comme centre de test de matériaux composites. de surcroît, pour mettre en place le projet, les deux compagnies ont lancé un programme mondial de recrutement de talents. Leur objectif est de recruter 3 000 personnes de spécialités différentes en 8 ans. de cette manière, la chine compte acquérir et « nationaliser » de la technologie étrangère à travers le recrutement de spécialistes internationaux.

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conclusionAprès 60 ans de réformes et de développement, l’industrie aérospatiale chinoise, malgré une croissance lente et limitée, a obtenu de nombreux résultats positifs.

Pendant longtemps, la chine a envisagé le renforcement des standards de son industrie aérospatiale par la copie des produits finis, acquis de l’étranger ou directement de la production oeM (Original Equipment Manufacturer).

Les premiers résultats obtenus par la chine, à travers cette approche, ont été l’apprentissage de certaines technologies clés dont la chine manquait et même l’amélioration de certains produits étrangers, en y apportant des innovations.

de manière générale, la chine a une capacité considérable de production locale à bas coût. dès que la chine aura atteint un certain seuil, elle sera capable de transformer quantité en qualité, ce qui lui permettra d’atteindre son aspiration de pays pionnier dans l’innovation et le développement de la technologie aérospatiale.

L’industrie aérospatiale chinoise doit encore faire face à des nombreux problèmes et à des lacunes vis-à-vis d’autres pays plus avancés technologiquement.

Malgré tout, et grâce au remarquable patriotisme économique de l’État chinois, qui se donne les moyens de ses ambitions, l’industrie aérospatiale chinoise a toutes ses chances de progresser et de devenir l’un des principaux concurrents aéronautiques sur le marché international.

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riche en terres rares, la chine développe une politique agressive de renforcement de sa position stratégique par son action sur la production, la maîtrise des prix, l’acquisition des sociétés exploitant les terres rares sur d’autres continents, la r&d, le renforcement de ses technologies de manière à maîtriser la chaîne de valeurs de la production au consommateur final.

IntroductionAujourd’hui les « terres rares » entrent dans la fabrication de nombreux produits industriels de haute technologie comme les ordinateurs, les téléphones portables, l’armement et les matériels destinés à la production des énergies renouvelables.

Le développement des nouvelles technologies a donc fortement accru la dépendance des États aux terres rares que sont entre autres l’antimoine, le gallium, le germanium, l’indium, la fluorine et le tungstène. La possession de ces ressources rares est devenue, depuis les années 1990, un enjeu majeur de puissance économique et stratégique.

La chine dispose d’un quasi-monopole dans la production de ces minerais hautement stratégiques (97 % de la production mondiale) et son sous-sol recèlerait, selon les analyses, entre 25 à 50% des réserves mondiales.

La guerre des terres raresen 1992, deng XIAoPING annonçait dans l’indifférence générale : « Le Moyen Orient a du pétrole, la Chine a les terres rares ».

consciente de son avantage stratégique, la chine a su renforcer ses positions stratégiques en menant plusieurs politiques :

accroissement de sa production : la production de terres rares s’est accru de 40 % par an entre 1978 et 1989 ; la chine a alors pu inonder les marchés mondiaux en cassant les prix et provoquer la fermeture de nombreuses mines étrangères. en 1988, elle devint ainsi le premier producteur mondial devant les États-unis. La chine est dès lors passée de 27 % à plus de 95 % de la production mondiale entre 1990 et 2011.

Étude de cas : LA StrAtÉGIe de LA cHINe

Sur LeS terreS rAreS

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mise en place du programme national de r&d sur les technologies de pointe incluant les terres rares.

acquisitions et prises de participations dans d’autres pays :

– China Non Ferrous Co prend le contrôle de Lynas, petite société australienne d’exploitation de terres rares, à partir du gisement de Mount Weld.

– China Non Ferrous Co entre dans le capital d’Arafura (Australie) à hauteur de 25 %, et China Investment Corp prend 17 % du capital de Tek Resources (canada).

négociation et de fixation des prix : de 2006 à 2010, la chine a réduit le nombre de licences d’exportation, durci ses quotas d’exportation de 5 % à 10 % par an et la production a été limitée en même temps que les taxes à l’exportation progressaient. ces actions volontaires ont eu pour effet de provoquer une hausse des prix mondiaux des terres rares (décuplement entre janvier 2010 et janvier 2011) et une accélération des délocalisations de firmes étrangères sur le territoire chinois.

maximisation des ressources tout en les préservant : les quatre principaux oligopoles publics dans le domaine des terres rares ont été renforcés ; les mines illégales ont été fermées sous l’action des pouvoirs publics chinois ; des quotas de production ont été définis strictement. enfin, pour repousser le spectre de la pénurie, la chine constitue un stock stratégique des quatre terres rares lourdes critiques. 11

renforcement du savoir-faire technologique : que ce soit en amont de la filière (séparation des éléments et métallurgie) ou en aval (produits de hautes technologies).

cette politique a offert à la chine la maîtrise de l’ensemble de la chaîne des valeurs des terres rares, de la mine au consommateur final. La chine, aujourd’hui, a la capacité de faire planer la menace de limitations d’exportations et de placer de facto les industries des pays riches en situation de dépendance.

La réponse internationale : le Japon et la FranceLa réponse des principaux pays concernés par cette menace se fait sur deux axes principaux :

– La sécurisation des approvisionnements en métaux stratégiques.

– L’identification et le stockage des métaux stratégiques.

dans le cas du Japon, l’État s’est doté d’une société publique, la Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (JoGMec) qui assure l’approvisionnement du pays en métaux via un stock d’État. cette entreprise est très active pour sécuriser les importations et les stocks de métaux critiques (terres rares, nickel, chrome, tungstène, cobalt, molybdène, manganèse, vanadium, indium et gallium).

(11) h t t p : / / w w w . c e p i i .f r / b l o g / b i / p o s t .asp?Idcommunique=126

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en outre, les firmes nippones SOJITz, SUMITOMO et TOYOTA TSUSHO CORpORATION se sont ainsi alliées avec des entreprises nord-américaines et australiennes (MATAMEC, MOLYCORp et LYNAS), pour réduire leurs importations de terres rares chinoises.

Le Japon s’est également lancé dans la recherche de gisements sous-marins de terres rares dans l’océan Pacifique.

La France possède aussi un instrument lui permettant d’assurer ses approvision-nements miniers, le bureau de recherches Géologiques et Minières (brGM). en février 2014, le ministre du redressement productif a annoncé la ,création d’une compagnie nationale des Mines de France (cMF) formée à partir du brGM.

en 2011, le bureau de recherches Géologiques et Minières crée une alliance avec la société KAzATOMpROM, d’origine kazakhe, pour prospecter des nouvelles opportunités en matière de terres rares et de métaux critiques 12.

La création de la CMF doit permettre à la France de retrouver une certaine influence dans le secteur minier sur la scène mondiale car « un État qui ne maîtrise pas son approvisionnement est soumis aux décisions des autres, aux prix et aux quantités fixées par les autres » 13. cette société publique sera chargée d’inventorier et d’exploiter les ressources des sous-sols de la métropole et des dépendances ultramarines.

(12) h t tp ://www.mi lk ip ress .fr/2014-08-31-geopolitique-des-metaux-rares.html

(13) http://www.http://www.l e p a r i s i e n . f r / e s p a c e -premium/actu/

Étude de cas : Le GrouPe FrANçAIS

LATÉCOèRE

Le cas de Latécoère nous montre comment le désengagement de l’État français au niveau de la politique industrielle à long terme conduit à négliger un fleuron national dans un secteur stratégique et rentable au profit de fonds américains et britanniques.

IntroductionLatécoère est l’exemple d’une prise de contrôle par des fonds américains et britanniques, via la dette de l’entreprise.

Les opérations boursières de prise de contrôle de nos fleurons français ne semblent plus être d’actualité. on s’oriente désormais vers l’acquisition de la dette pour avancer en toute discrétion. Il s’agit de progresser pas à pas, dans la prise de contrôle d’une entreprise, en prenant l’aspect d’un sauveur là où l’État ne joue pas son rôle de défenseur des fleurons français.

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Au 30 décembre 2013, Latécoère, trop lourdement endetté – à hauteur de 320 millions € par rapport à son flux de trésorerie – n’avait pas respecté ses covenants (les clauses restrictives de la dette), ce qui a conduit à la conversion des créances en dettes à court terme. durant l’année 2014, deux tiers de la dette de Latécoère ont été rachetés sur le marché secondaire par deux fonds d’investissement : Apollo (fond américain spécialisé dans des situations de « distressed ») et Monarch (fond britannique avec une expérience dans le secteur aéronautique), auprès des banques françaises (Crédit Agricole, BNp paribas, Crédit Mutuel, HSBC et BpCE) avec de fortes décotes (jusqu’à 40 %). cependant, deux banques françaises, Crédit Lyonnais et Société Générale (SocGen) semblent encore détenir environ 36 % de la dette restante de Latécoère et donc peuvent avoir une position bloquante dans les négociations. Latécoère a une capitalisation boursière de 132 millions € et une base d’investisseurs français en equity assez fragmentée (salariés : 9,1 %, Salvepar : 6,5 %, Financière de l’Echiquier : 4,74 %, Alura : 3.2 %, Moneta : 3,2 % - source : Boursorama).

Le 29 avril 2015, la cotation des titres de Latécoère a été suspendue en bourse dans l’attente d’un accord sur la restructuration de sa dette.

Le 30 avril 2015, Latécoère annonce la signature d’un accord sur sa restructuration financière. Les deux fonds d’investissement américain et britannique, Apollo et Monarch deviennent de facto et en douceur, les actionnaires de référence du Groupe Latécoère.

Le 4 mai 2015, la reprise de cotation des titres de Latécoère est en baisse de plus de 20 %.

Présentation du Groupe LatécoèreFondée en 1917 par Pierre-Georges LAtÉcoère, la société était connue notamment pour ses hydravions et était à l’origine de 31 records du monde français, ainsi que d’une des plus belles aventures humaines du siècle, avec la création des lignes Latécoère où s’illustrèrent des pilotes prestigieux comme : Mermoz, Saint-exupéry ou Guillaumet.

Le groupe Latécoère, dont le siège se trouve à Montaudran, est un partenaire incontournable des plus importantes sociétés de la filière aéronautique (Airbus, Boeing, Embraer, Bombardier, Dassault), notamment dans la production de fuselage, des portes d’avion et le câblage embarqué. Latécoère est présent dans tous les segments de cette filière, avions civils comme militaires 14. à ce jour, le Groupe emploie 4 500 salariés.

L’un des points forts de Latécoère est sa capacité à apporter des solutions globales à ses clients, grâce à son vaste réseau de filiales et de sous-traitants à l’international. Les trois secteurs d’activité du groupe sont 15 :

aérostructure industrie, chargée de la production de portes et de fuselage. elle représente à elle seule 55 % du chiffre d’affaires de 2013.

(14) h t t p : / / f r . w i k i p e d i a .o r g / w i k i / G r o u p e _Lat%c3%A9co%c3%A8

(15) w w w. a c t u s n ews . c o m /communique.php?ActuS- ‐0- ‐36774

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aérostructure services, chargée de mener des études et des recherches sur des produits industriels, ainsi comme la conception, production et entretien de machines et d’outillages. elle apporte 15 % du cA de 2013.

systèmes d’interconnexion (28 % du CA 2013) : câblage, meubles électriques et équipements embarqués.

Au 30 décembre 2014, Latécoère annonce un chiffre d’affaires de 664 M€, un portefeuille de commandes de 2,66 milliards € (4 fois le CA annuel) (figure 1) et une marge opérationnelle (ebIt) de 5,6 % (5,2 % en 2013). Les chiffres clé sont indiqués ci-dessous :

figure 1 : carnet de commandes et ca de latécoère en millions d’euros

figure 2 : eBit (cashflow) et endettement net en millions d’euros

EXERCICE

   

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des portes d’avion et le câblage embarqué. Latécoère est présent dans tous les segments de cette filière, avions civils comme militaires14. A ce jour, le Groupe emploie 4500 salariés. L’un des points forts de Latécoère est sa capacité à apporter des solutions globales à ses clients, grâce à son vaste réseau de filiales et de sous-traitants à l’international. Les trois secteurs d’activité du groupe sont15 :

• Aérostructure Industrie, chargée de la production de portes et de fuselage. Elle représente à elle seule 55% du chiffre d’affaires (CA) (2013)

• Aérostructure Services, chargée de mener des études et des recherches sur des produits industriels, ainsi comme la conception, production et entretien de machines et d’outillages. Elle apporte 15% du CA (2013)

• Systèmes d’Interconnexion (28% du CA 2013) : câblage, meubles électriques et équipements embarqués.

Au 30 décembre 2014, Latécoère annonce un chiffre d’affaires de 664 M€, un portefeuille de commandes de 2,66 milliards € (4 fois le CA annuel) (Figure 1) et une marge opérationnelle (EBIT) de 5,6% (5,2% en 2013). Les chiffres clé sont indiqués ci-dessous :

Figure 1 : Carnet de commandes et CA de Latécoère en Millions d’Euros

Figure 2 : EBIT (cashflow) et endettement net en Millions d’Euros

Source : Rapport annuel, Latécoère, Note 1 : L’Ebit négative en 2013 est le « write-off » sans effet de cash.

La répartition du chiffre d’affaires parmi les clients, au 30 décembre 2013, indique l’enjeu stratégique : Airbus (58.7%), Embraer (13.8%), Dassault (9.1%), Boeing (9.1%) et autres (9.6%). La performance financière (endettement lourd, marge fluctuante) indique aussi le besoin fondamental de restructurer et de repenser le business model et sa place dans la consolidation sectorielle. Il lui manque les capitaux nécessaires pour pouvoir suivre la montée en cadence des rythmes des productions des avionneurs. Actuellement

                                                                                                                         14  http://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Lat%C3%A9co%C3%A8  15  www.actusnews.com/communique.php?ACTUS-­‐0-­‐36774    

EXERCICE

   

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des portes d’avion et le câblage embarqué. Latécoère est présent dans tous les segments de cette filière, avions civils comme militaires14. A ce jour, le Groupe emploie 4500 salariés. L’un des points forts de Latécoère est sa capacité à apporter des solutions globales à ses clients, grâce à son vaste réseau de filiales et de sous-traitants à l’international. Les trois secteurs d’activité du groupe sont15 :

• Aérostructure Industrie, chargée de la production de portes et de fuselage. Elle représente à elle seule 55% du chiffre d’affaires (CA) (2013)

• Aérostructure Services, chargée de mener des études et des recherches sur des produits industriels, ainsi comme la conception, production et entretien de machines et d’outillages. Elle apporte 15% du CA (2013)

• Systèmes d’Interconnexion (28% du CA 2013) : câblage, meubles électriques et équipements embarqués.

Au 30 décembre 2014, Latécoère annonce un chiffre d’affaires de 664 M€, un portefeuille de commandes de 2,66 milliards € (4 fois le CA annuel) (Figure 1) et une marge opérationnelle (EBIT) de 5,6% (5,2% en 2013). Les chiffres clé sont indiqués ci-dessous :

Figure 1 : Carnet de commandes et CA de Latécoère en Millions d’Euros

Figure 2 : EBIT (cashflow) et endettement net en Millions d’Euros

Source : Rapport annuel, Latécoère, Note 1 : L’Ebit négative en 2013 est le « write-off » sans effet de cash.

La répartition du chiffre d’affaires parmi les clients, au 30 décembre 2013, indique l’enjeu stratégique : Airbus (58.7%), Embraer (13.8%), Dassault (9.1%), Boeing (9.1%) et autres (9.6%). La performance financière (endettement lourd, marge fluctuante) indique aussi le besoin fondamental de restructurer et de repenser le business model et sa place dans la consolidation sectorielle. Il lui manque les capitaux nécessaires pour pouvoir suivre la montée en cadence des rythmes des productions des avionneurs. Actuellement

                                                                                                                         14  http://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Lat%C3%A9co%C3%A8  15  www.actusnews.com/communique.php?ACTUS-­‐0-­‐36774    

Source : Rapport annuel, Latécoère. Note 1 : L’Ebit négative en 2013 est le « write-off » sans effet de cash.

Source : Rapport annuel, Latécoère. Note 1 : L’Ebit négative en 2013 est le « write-off » sans effet de cash.

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La répartition du chiffre d’affaires parmi les clients, au 30 décembre 2013, indique l’enjeu stratégique : Airbus (58,7 %), Embraer (13,8 %), Dassault (9,1 %), Boeing (9,1 %) et autres (9,6 %).

La performance financière (endettement lourd, marge fluctuante) indique aussi le besoin fondamental de restructurer et de repenser le business model et sa place dans la consolidation sectorielle. Il lui manque les capitaux nécessaires pour pouvoir suivre la montée en cadence des rythmes des productions des avionneurs. Actuellement étranglé par sa dette (charges financières d’environ 12,5 millions € par an pour un endettement net de 320 millions € fin 2014), Latécoère ne peut plus investir.

La dette est largement liée à la croissance que Latécoère a connue sur les quinze dernières années (progression d’un cA de 60 M € à presque 700 M €), due aux très nombreux appels d’offres remportés pour Airbus, Dassault et Boeing et le risk sharing partnership, avec les fournisseurs de rang 1.

Les fournisseurs de rang 1 partagent avec le client le financement, le risque commercial et la fluctuation monétaire des nouveaux programmes, en contrepartie de la visibilité à côté du client sur la durée de vie du programme. Pour financer ces nouveaux développements très coûteux, Latécoère a eu recours à l’endettement.

La dette s’est accumulée pour deux raisons 16 :

Les trop nombreux appels d’offres auxquels Latécoère avait répondus ont pris un retard de trois à cinq ans. Latécoère a dû investir des sommes considérables avant de pouvoir récupérer peu à peu son investissement avec la facturation des premiers avions. Le rythme de production de Latécoère est actuellement optimale (« pleine cadence ») pour la plupart de ses programmes, ce qui lui permet de récupérer son flux de trésorerie.

La deuxième raison est liée, comme l’explique M. Frédéric MIcHeLLANd, dans son interview à La Tribune du 24 novembre dernier, à une « courbe d’apprentissage » mal maîtrisée. en effet, les coûts de production n’ont pas baissé au rythme prévu alors qu’augmentait la production.

Affaiblie par son endettement excessif (320 millions € fin 2014) et malgré les négociations menées sous l’égide du ministère de l’Économie, le groupe a vu plusieurs de ses créanciers historiques vendre leurs créances au fonds d’investissement américain Apollo et au britannique Monarch Capital. 17

L’américain Spirit, le néerlandais Fokker-Stork, le britannique GKN et même le chinois AVIC montraient leur intérêt pour le dossier Latécoère quand celui-ci a réussi à obtenir un rééchelonnement de sa dette. en 2015, l’équipementier se présente à nouveau devant ses créanciers, mais cette fois-ci pour négocier une recomposition des rapporteurs de capitaux. 18

Le dossier serait suivi de très près par les pouvoirs publics, ainsi que par Airbus, dont Latécoère est l’un des principaux fournisseurs.

depuis plusieurs mois, les fonds vautours Apollo Global Management et Monarch Alternative Capital acquéraient discrètement la dette de Latécoère auprès des banques, qui n’hésitaient pas à la céder à bas prix. de cette manière, ces fonds devenaient des prêteurs incontournables et pouvaient prendre le contrôle de l’entreprise. 19

(16) h t t p : / / o b j e c t i f n e w s .l a t r i bune . f r/bu s i ne s s/latecoereladette-est-entre-l e s -ma i n s - de -p l u s i eu r s -fonds -d - i nves t i s semen t -i n t e r v i e w - f r e d e r i c -michelland-24112014

(17) http://www.ladepeche.fr/article/2014/11/07/

(18) h t t p : / / w w w. l e m o n d e .f r / e c o n o m i e /article/2014/10/02

(19) h t t p : / / w w w. l e m o n d e .f r / e c o n o m i e /article/2014/10/02/

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Le marché de l’aéronautique n’a jamais été aussi porteur ni le carnet de commandes de Latécoère aussi rempli (un chiffre d’affaires augmenté de 7 % en 2014 et un carnet de commandes de 2,6 milliards d’euros, en décembre 2014), et pourtant, l’avenir de celui-ci est fort compromis par ses nouveaux créanciers activistes.

La pression exercée par les différentes compagnies aériennes sur Airbus et Boeing pour la livraison d’avions, n’a pas été sans conséquences pour Latécoère. en effet, l’équipementier a été également poussé à augmenter son rythme de production pour satisfaire la demande des deux constructeurs aéronautiques. boeing, par exemple, avait annoncé vouloir augmenter sa production de 42 à 52 appareils en 2018 20. Pour Latécoère, c’est cette accélération de production qui lui a empêché de réduire ses coûts et a fortiori, de respecter les ratios financiers auxquels il s’était engagé. Les banques ont accepté d’ajourner leur demande de remboursement de la dette, le temps d’arriver à un accord. or, quelques-unes d’entre elles (Crédit Agricole, BNp paribas, Crédit Mutuel, HSBC et BpCE) n’ont pas hésité à vendre leurs fonds à Apollo et Monarch, principalement.

L’accord inédit du 30 avril 2015

Avec 2/3 de la dette de Latécoère dans les mains d’Apollo et Monarch, il était illusoire de penser que la direction de Latécoère était vraiment en position de piloter un accord (même avec la présence de leur conseil, la banque rothschild) et de préserver Latécoère en tant que société française. de surcroît, les intérêts du management ne semblent pas alignés avec l’avenir de la société comme entité indépendante. Les bons de sortie du management (dans le cas d’un « remerciement » suite à l’arrivée d’un nouvel investisseur) avaient en effet été négociés de longue date 21.

en outre, l’État français semblait être présent pour la forme, sans jouer un rôle décisif dans le maintien de Latécoère au sein du giron France. L’État aurait pu interdire à Apollo et Monarch de l’emporter– chose qu’il n’a pas faite.

L’accord prévoit une injection de 278 millions d’euros de fonds propres – 55,6 millions pour les créanciers en forme d’actions 22 – et un apport de 100 millions d’argent dit « frais » ; la réduction de la dette, de 178 millions d’euros à 100 millions ; et l’arrivée d’Apollo et Monarch comme actionnaires de référence (détenant entre 25,1 % et 45,9 % des participations). 23

Le projet stratégique de Latécoère est de se positionner sur les activités les plus rentables, de réduire ses coûts de production et de renforcer son savoir-faire en créant des partenariats stratégiques. 24

cet accord dépend de la réalisation des points suivants :

le feu vert de tous les créanciers,

la validation du tribunal de commerce de toulouse,

l’augmentation de capital avant septembre 2015,

l’exemption de l’AMF pour éviter une oPA,

la tenue d’une Assemblée Générale d’ici Juin 2015.

(20) Ibid.

(21) Source : rapport annuel Latécoère 2013.

(22) h t t p : / / w w w . c a p i t a l .f r /bou rse/ac t ua l i t e s/latecoere-resultats-annuels-

(23) h t t p : / / w w w .cha l l enges . f r/ f i nance -e t -marche/20150430.r e u 0 8 9 9 / l e a d - 1 -latecoere-accord-sur-la-dette

(24) h t t p :// f r . reu t e r s . com/article/freurorpt/

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Intérêt de Latécoère pour les fonds Apollo et Monarch

prix intéressant via la dette et sans enchèreApollo et Monarch ont racheté, avec une décote estimée entre 30 à 40%, environ 2/3 de la dette de Latécoère, devenant de facto, les actionnaires de référence d’une société qui a un carnet de commandes ferme de 2,6 milliards (4 fois le cA annuel) et un endettement net beaucoup plus léger après l’accord d’environ 100 millions e et un cashflow d’environ 38 millions e.

en acquérant le contrôle de la société via la dette, Apollo et Monarch ont réussi à éviter de participer dans une enchère beaucoup plus coûteuse.

Potentiellement, ils pourraient éviter de faire une oPA, si leur demande auprès de l’AMF était accordée, et ceci malgré leur détention, après conversion, de plus de 25% de la société.

retour sur investissementApollo a pour objectif de faire un trI minimum de 25 % net et scrute avec attention les opportunités de transactions avec la possibilité de création de valeur. 25 Le choix de Latécoère n’est donc pas anodin.

consolidation sectorielleLe groupe EADS pourrait participer à la consolidation sectorielle en fusionnant sa filiale Stelia avec Latécoère. un bilan plus léger (l’opération avec Apollo) faciliterait cette transaction.

bien entendu, il y a d’autres prétendants possibles, comme ceux déjà mentionnés, pour une société qui possède maintenant un bilan plus allégé et ce sans que l’accord explicite de l’État français ne soit exigé.

transfert de technologie aux Américains et aux britanniques.

clients de première gamme telle que Airbus, Boeing, Dassault.

Absence de l’État dans les décisions à « enjeu national »

Le calendrier est parfait.

(25) Présentation Apollo Feb 2015.

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La conservation de Latécoère comme société française

La question du rôle de l’État se pose clairement concernant ce dossier et, en particulier, l’intérêt national avec le passage d’un fleuron français dans un secteur économique, stratégique, voire de défense, sous la coupe des fonds américains et britanniques. L’inactivité de l’État pourrait laisser entendre que Latécoère ne représente pas un enjeu stratégique pour la France.

depuis l’acquisition des dettes par les deux fonds étrangers (américain et britannique) jusqu’à l’annonce de l’accord du 30 avril 2015, très peu d’articles de presse sur Latécoère ont été publiés.

Le manque de pression médiatique et le faible poids financier de Latécoère (la société ne pèse que 700 millions € de chiffres d’affaires), n’incite pas forcement l’État à agir.

or, il devrait s’intéresser non seulement aux grandes capitalisations boursières mais aussi aux PMe.

L’État se réserve toujours un « droit de veto » sur les opérations dans les secteurs stratégiques. Il semble que l’État n’a pas souhaité utiliser ce droit. La technologie de Latécoère va, en conséquence, passer aux mains américaines et britanniques sans que l’État n’émette de signe apparent de préoccupation.

Si l’État venait à jouer de son droit de veto, quelles seraient donc les solutions possibles ? Il existe en France plusieurs fonds d’investissements spécialisés dans les retournements et les négociations des structures de dette. L’État aurait pu exiger une remise d’un certain montant de la dette (ce qui a été le cas, de toute façon, si l’on prend le cas des banques cédantes avec une forte décote leurs créances à Apollo et Monarch) et obliger les fonds étrangers à céder leur créances au prix racheté.

Apollo et Monarch détiendront entre 25,1 % à 45,9 %, suite à l’augmentation de capital et à la conversion de leurs créances en actions.

Leçons à tirer et questions à poser sur la fin d’un fleuron

Même si l’État ne s’est pas interposé dans le cadre des négociations précédentes, aurait-il la volonté de s’opposer à une mainmise encore plus importante dans le cadre d’une cession à une société américaine, chinoise ou autre ? dans l’éventualité d’un tel scénario, quelle sera la réaction, voire l’intervention des partenaires/clients de Latécoère ?

Avec la performance du groupe durant toutes ces années, certaines questions concernant la qualité du management et son impunité méritent d’être posées.

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Pourquoi avoir laissé Latécoère s’empêtrer dans une dette insurmontable qui a fragilisé l’entreprise et forcer son changement de main ? changement de main qui aurait dû être opéré depuis fort longtemps par les instances de l’État, ses constituantes bancaires ou d’autres fonds d’investissement français ?

Les PMe opérant dans les secteurs stratégiques, sont-elles réellement suivies par l’État ? Si oui, comment justifier un tel manque de réactivité de la part de l’État ?

Il semble grand temps de mettre en place un « fonds d’investissement patriotique » similaire au fonds patriotique américain, avec l’objectif d’investir dans les secteurs clés et stratégiques pour la France, tout en cherchant une rentabilité et un retour sur investissement.

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Les cas concrets considérés, comme l’étude préalable portant sur les Ide, visent à mettre en lumière les forces et faiblesses des outils mis en place par les États étudiés. Il ne s’agit naturellement pas de céder à cette tendance contemporaine de l’autodénigrement, autrement appelée « French Bashing », mais bien d’envisager des pistes qui permettraient à la France de posséder des outils au niveau de son rang (membre du conseil de sécurité de l’organisation des Nations unies, 6e puissance mondiale, etc.) en adaptant son dispositif de souveraineté économique au contexte de la globalisation.

Le point de débat sur patriotisme ou protectionnisme s’avère, à l’étude, peu pertinent. outre les États-unis, dont la politique souverainiste a été abondamment commentée par ailleurs, les cas de la russie comme de la chine sont l’illustration que ces États ont su, dès les années 1990, déterminer leurs priorités stratégiques, promouvoir les vecteurs de cette stratégie (terres rares, aérospatiale, ressources énergétiques, etc.) et ordonner/subordonner leurs outils (organes gouvernementaux, centres de recherche, universités, vecteurs d’influence, etc.) à l’objectif de puissance poursuivi. c’est ainsi que les tactiques des États répondent aux impératifs stratégiques.

La France se trouve naturellement placée dans un contexte complexe que ne connaissent pas ces « nations continents » que sont les États-unis, la chine ou la russie. Paris s’inscrit de fait dans un concert de capitales européennes dont l’orchestration bruxelloise demeure cacophonique, notamment dans le domaine économique.

Le cas de Latécoère se trouve ainsi être symbolique : le postulat de libre concurrence de l’ue comme l’absence d’intervention stratégique de l’État conduise la région hôte de l’entreprise et du pôle d’excellence aéronautique à intervenir. cette intervention régionale, même si non couronnée de succès, illustre là encore la non maturité de l’europe dont les centres de décision demeurent à déterminer (bruxelles, capitales, régions ?) assortis de moyens de « protection du patrimoine ».

c’est ainsi qu’au sein de l’ue, la politique européenne de contrôle des Ide doit être renforcée, comme l’avait souligné, dès 2005, le rapport d’information parlementaire des députés bernard deFLeSSeLLeS et Jean MIcHeL, portant sur « la participation des capitaux étrangers aux industries européennes d’armement ».

coNcLuSIoN

PrÉcoNISAtIoNS

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Les principales « préconisations européennes » de ce rapport demeurent actuelles :

renforcer les dispositifs de veille et d’alerte autour des industries sensibles en promouvant la mise en place d’organismes interministériels de concertation et d’analyse, en confiant à l’Agence européenne de défense une mission de veille, en suscitant une plus ample coopération des services de renseignements des États membres.

développer les moyens de financement des entreprises stratégiques en encourageant la mise en place d’un fonds d’investissement européen soutenant les entreprises innovantes (défense, dual ou de haute technologie).

Favoriser l’harmonisation de la réglementation européenne en matière de contrôle des investissements directs étrangers, notamment en se fondant sur les législations les plus abouties des États membres.

Se fonder sur les législations et s’inspirer de l’organisation de pays tiers (États- unis, russie, chine, etc.) pour renforcer les réglementations européennes et mettre fin au déséquilibre protectionniste des « continents ».

Mais la France ne doit pas fonder sa politique de préservation et de promotion de ses intérêts stratégiques, qui reposent sur ses entreprises d’excellence, quelles qu’en soient leur taille, sur la seule perspective européenne.

Les « grands groupes », ceux du cAc 40, s’avèrent être au centre de l’attention régalienne, pour des raisons politiques, électorales et médiatiques. La loi Florange et son objectif de promotion des investissements durables, en est une bonne illustration.

demeurent, cependant, à établir une base de données des entreprises stratégiques et des fournisseurs critiques (cf. la proposition du rapport parlementaire cité plus haut). Le service central du renseignement territorial (gendarmerie) s’attache à remplir cette mission (cf. annexe B) mais la coordination interministériel reste insuffisante y compris par la délégation Interministérielle à l’Intelligence Économique (d2Ie), de facto en marge du dispositif français de protection des « intérêts vitaux », en matières financières et économiques (cf. annexe B).

c’est ainsi que pourrait être proposée une révision du périmètre de la Politique Publique d’Intelligence Économique (PPIe), incarnée par la d2Ie, qui devrait être mieux maillée-connectée à la Politique Publique du renseignement dans son volet renseignement Économique et Financier (reF). Il apparaîtrait ainsi opportun d’institutionnaliser et formaliser les relations entre le d2Ie et le coordonnateur National du renseignement (cNr). outre l’établissement d’une cartographie des entreprises sensibles ou stratégiques (dont de très nombreuses PMe), le rapprochement d2Ie-cNr permettrait la mise en œuvre d’une politique d’influence mieux ciblée, ainsi qu’une meilleure coordination avec les régions, le législatif (chambre des députés et Sénat) et l’exécutif.

Par ailleurs, les modalités pratiques de la mise en place d’une coordination accrue entre les organismes de l’État en charge du renseignement, notamment dans son volet économique, ont été traitées de manière exhaustive par le député Jean-Jacques urVoAS dans son rapport 2014, portant sur les activités de la délégation parlementaire au renseignement.

Au total, la France doit considérer qu’elle est encore loin de pouvoir être légitimement taxée « d’exception » du fait des mesures de patriotisme économique mises en place. bien au contraire, en l’état, la France demeure, parmi les grandes Nations, une exception du fait de sa faible capacité à anticiper, protéger, promouvoir le cœur de ce qui constitue sa richesse, l’exceptionnel savoir-faire d’entrepreneurs français du cAc 40, mais aussi, et surtout peut-être, de PMe et, de plus en plus, de start-ups.

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http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20150430.reu0899/lead-1- latecoere-accord-sur-la-dette-et-nouveaux-actionnaires.htm

conclusion - préconisationsurVoAS J.J. Rapport relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014, 18 décembre 2014.

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le patriotisme économique : une exception française ? Groupe de veille et d’analyse – 18e Session nationale spécialisée 2014-2015 « Protection des entreprises et intelligence économique »

© INHeSJ – octobre 2015 – rapport du Groupe de veille et analyse « colbert » 33

Annexe A cartographie et fonctionnement

de la filière aérospatiale chinoise

ANNeXeSEXERCICE

   

29  

IX. Annexes

A. Cartographie et fonctionnement de la filière aérospatiale chinoise.

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le patriotisme économique : une exception française ?

Groupe de veille et d’analyse – 18e Session nationale spécialisée 2014-2015 « Protection des entreprises et intelligence économique »

34 © IINHeSJ – octobre 2015 – rapport du Groupe de veille et analyse « colbert »

Annexe bLe renseignement économique en France : une stratégie manquant de coordination avec un dispositif éclaté

EXERCICE

   

30  

B. Le renseignement économique en France : une stratégie manquant de coordination avec un dispositif éclaté

.

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Page 36: LE PATRIOTISME éCONOMIqUE

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