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ELIOT PRESS ‘‘ POPULISTE ? LE MOT NE ME GENE PAS ’’ Époque Interview Une Française à Manhattan Marine Le Pen n’est venue aux États-Unis qu’une seule fois, en 2003. Malgré un staff dépassé, elle a réussi à serrer la main de quelques personnalités. De Washington, à la Floride, en passant par New York, la députée européenne a passé cinq jours en Amérique. NOUS AVONS RENCONTRÉ LA CANDIDATE DU FN À LA PRÉSIDENTIELLE LORS DE SON VOYAGE AUX ÉTATS- UNIS. LA CRISE, LA PEINE DE MORT OU LES ARMES À FEU, FRANÇOIS HOLLANDE, NICOLAS SARKOZY ET ISRAËL : ELLE A RÉPONDU À TOUTES NOS QUESTIONS. Marine Le Pen PAR MAXIME ROBIN, À NEW YORK

LE PEN

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"Populiste, le mot ne me gêne pas"

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Page 1: LE PEN

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‘‘ POPULISTE ? LE MOT NE ME GENE PAS’’

Époque Interview

Une Française à Manhattan Marine Le Pen n’est venue aux États-Unis

qu’une seule fois, en 2003. Malgré un staff dépassé, elle a réussi à serrer la

main de quelques personnalités. De Washington, à la Floride, en passant

par New York, la députée européenne a passé cinq jours en Amérique.

NOUS AVONS RENCONTRÉ LA CANDIDATE DU FN À LA PRÉSIDENTIELLE LORS DE SON VOYAGE AUX ÉTATS-UNIS. LA CRISE, LA PEINE DE MORT OU LES ARMES À FEU, FRANÇOIS HOLLANDE, NICOLAS SARKOZY ET ISRAËL : ELLE A RÉPONDU À TOUTES NOS QUESTIONS.

Marine Le Pen

P A R M A X I M E R O B I N , À N E W Y O R K

Page 2: LE PEN

Le voyage de Marine Le Pen aux États-Unis, d’abord à Washington, puis à New York et enfi n en Floride, tour-nait au vinaigre. Mais à New York, coup de théâtre : en trinquant avec l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, la candidate à la présidence a gagné son pari en offrant à son parti un lifting antixénophobie. Même si le minis-tère des Affaires étrangères israélien

a ensuite qualifi é cette entrevue de « bourde ». Mais la présidente du FN ne gardera pas de Washington un excellent souvenir. Sa rencontre au Capitole avec Ron Paul, un candidat républicain de bas de tableau, qu’elle a paru quémander, n’a duré que dix minutes. Lors des quelques minutes passées dans le bureau de Joe Walsh, le benjamin des Tea Party à la Chambre basse, aucun des membres du mouvement n’a officiellement voulu se faire prendre en photo avec elle. Et la presse n’a pas été conviée. La visite au musée de l’Holocauste ? Annu- lée. Les rendez-vous avec un « représentant de la communauté noire » et des congressmen démo-crates ? Oubliés. Herman Cain, le favori républicain des sondages, était dans la capitale ce jour-là. Elle ne lui serrera pas la main. Et au siège de l’ONU, aucun ambassadeur francophone ne s’est déplacé

pour son déjeuner. N’en jetez plus… La faute à « la pression des médias », « du gouvernement Sarkozy », s’emporte Marine. Mais pas au côté im-provisé de son aventure. « Elle n’a pas su s’entourer », tranche un habitué des offi cines de Washington. L’anecdote qui résume tout : alors qu’elle sortait de voiture pour un point presse devant le siège du FMI, des gardiens lui sont tombés dessus. « Nous n’étions pas au courant de sa venue », expliquera la sécurité de l’immeuble, contactée par VSD. In-terview de la candidate après une pause-cigarette, dans le hall du Millenium Plaza, à New York. VSD. Vous êtes aux États-Unis, alors que Sarkozy et Obama sont en France à se congratuler au 20-heures... Marine Le Pen. Ah bon ? Sur les photos, j’ai surtout vu Obama avec Mme Mer-kel… Que voulez-vous ! Les décideurs décident, les peuples trinquent. Guerres, G20, sommet fran-co-allemand : les gesticulations internationales de Sarkozy ne le rendent pas davantage populaire, tous les sondages le montrent. VSD. Qu’êtes-vous venue chercher, ici ?M. Le P. Je ne suis rien venue chercher, je suis venue apporter des idées, peu développées aux États-Unis, il est vrai, mais qui vont germer dans les mois

qui viennent : le retour à l’étalon or, une autre vision du pouvoir mondial qui signerait l’arrêt de l’ultralibéralisme. VSD. François Hollande, à 60 % dans les son-dages, est-il votre adversaire le plus sérieux ? M. Le P. François Hollande va essayer de parler le moins possible. Il s’adresse exclusivement à la gauche. Il veut faire gagner la gauche, pas les Fran-çais. Son intérêt est le même que Nicolas Sarkozy : une bipolarisation de la vie politique. Il n’aborde pas les vrais sujets. Voyez comment il a été mal à l’aise sur le référendum grec. Il a mis cinq heures à

pondre un communiqué qui ne veut rien dire. Sur les problèmes fondamentaux comme l’euro, l’immigration, l’insécurité, il a un mal fou à se positionner. Les

grandes questions, ce sont la dette, la souveraineté. Va-t-on accepter d’être une province de l’Europe ? VSD. Le Premier ministre grec vient d’abandon-ner l’idée d’un référendum. Vous étiez pour…M. Le P. La Grèce était le berceau de la démocra-tie, elle en est devenue le cercueil… L’Union européenne est à présent une sorte d’Union soviétique européenne, qui a décidé de gouver-ner contre les peuples. Mais l’euro va s’effondrer, et j’espère anticiper cette sortie plutôt que de la

“ Il faut alléger la bureaucratie pour obtenir une arme”

subir. Je veux qu’on planifi e le retour à la mon-naie nationale. Si je suis élue, ça prendra six mois. VSD. Six mois ?M. Le P. Oui, il suffi t de changer les planches à billets. Techniquement, ce n’est pas bien compliqué.VSD. Pour vous il n’y a plus ni droite ni gauche en politique, mais des « nationaux » et des « mondialistes ». Si l’on va au bout de votre raisonnement, vous êtes dans le même bateau que Mélenchon et Montebourg...M. Le P. Non, parce qu’ils constatent l’échec de la mondialisation mais n’en tirent pas les consé-quences. Ils rament au milieu du gué, sans être clairement pour la souveraineté nationale. Ils sont pour l’immigration, qui est un des éléments du mondialisme. Moi, je suis pour réarmer la France. VSD. Que signifi e votre poignée de main avec Ron Prosor, l’ambassadeur israélien à l’ONU ? M. Le P. Il y a manifestement un confl it diploma-tique en Israël, où certains ont décidé de ne plus bannir le FN et d’instaurer un dialogue. Hélas, il existe une diplomatie que je qualifi erais d’israélo-française, incarnée par Richard Prasquier, président du Crif. Il se comporte comme s’il était l’ambassa-deur d’Israël... Je devais aller en Israël, mais un cer-tain nombre de personnes m’en ont empêchée. Le FN n’a jamais été antisémite. Certains hommes

politiques cyniques se sont approprié les propos de mon père, pour créer une ambiguïté et marquer le FN du sceau de l’infamie. Mais je condamne tout soupçon d’antisémitisme dans nos rangs. Ce n’est pas pour rien si j’ai viré du FN un type qui s’est fait prendre en train de lever le bras droit. (Alexandre Gabriac, élu FN, avait fait un salut nazi devant un drapeau à croix gammée, NDLR.)VSD. Mais les propos de votre père ? Le « point de détail », « Durafourcrématoire » ? Vous vous en démarquez ? M. Le P. Je ne sais pas si c’est un changement, mais c’est comme ça. En tout cas, les juifs de France n’ont rien à craindre du FN.VSD. Et les musulmans français ?M. Le P. Un musulman qui accepte nos valeurs n’a rien à craindre non plus. On raconte trop de bêtises aux musulmans français. Il faut faire de la pédago-gie. Pour les fondamentalistes qui veulent faire plier la République au nom de leur foi, c’est différent. VSD. Vous pensez que vous êtes suffi sam-ment pédagogue avec les musulmans de France pour qu’ils votent pour vous ?M. Le P. Peut-être pas assez, mais je fais la différence entre ceux qui respectent nos lois et les autres, qui prennent par exemple l’espace public en otage en priant dans la rue Myrha, à Paris.

La rencontre de tropRichard T. Hines

Pour lisser son image, il y a mieux que déjeuner avec un lobbyiste ségrégationniste.

VSD. Parce qu’ils n’ont pas d’autre endroit…M. Le P. S’ils prient dans la rue, c’est qu’ils le veu-lent. C’est un acte politique. Prier dans la rue est interdit en Algérie, où l’islam est religion d’État ? VSD. Vous vous sentez proche du Tea Party ? M. Le P. Nous nous retrouvons sur des thèmes comme l’immigration, les dangers de l’islamisme. Le Tea Party et le FN sont des mouvements po-pulaires – ou populistes, le mot ne me gêne pas.VSD. Et le port d’arme ?M. Le P. Il faut alléger la bureaucratie pour obtenir une arme.VSD. Malgré les risques de dérapage ? M. Le P. Et alors ? Les seuls armés devraient être les voyous ? On impose des règles aux braves gens et on laisse les armes pulluler dans les cités. VSD. Et la peine de mort ? M. Le P. Au FN, certains sont pour, d’autres contre. Si je suis élue, je ferai un grand référendum. Les Français doivent s’exprimer là-dessus. VSD. Pourquoi tant de gens n’ont-ils pas voulu vous voir lors de ce voyage ? M. Le P. On a dit que je n’étais pas assez connue ? Je ne le crois pas, le magazine Time m’a classée parmi les cent personnes les plus influentes du monde. La proximité des campagnes présiden-tielles rend les gens prudents. �

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Marine Le Pen a été surprise par des journalistes déjeunant au club des républicains de Washington avec Richard T. Hines (photo). Même les conservateurs

les plus échevelés ne parlent qu’en off de celui qui fi nance l’organisation « néoconfédérée » des « vétérans de Caroline du Sud » (SCV) et qui signe des contrats de ventes d’armes : « On l’évite un peu. C’est une chose d’étudier l’histoire des Étatsesclavagistes, c’en est une autre de vouloir sortir le drapeau confédéré des musées pour le voir fl otter sur le parlement de Caroline du Sud. Il va trop loin et n’a aucun problème à évoquer un retour à laségrégation. » En 1996, Hines défi le à Richmond pour protester contre une statue du tennisman noir Arthur Ashe, « une poutre dans l’œil de ceux qui honorent l’héritage confédéré ». Hines a aussi dirigé le Southern Partisan, magazine néosécessioniste de référence, pendant près de vingt ans. Marine Le Pen nous rétorque qu’ils n’ont parlé que « des positions des différents membres du congrès. Si ce monsieur était sulfureux, croyez- vous que d’autres personnes auraient déjeuné avec nous ? ». Justement. Les deux lobbyistes anticharia présents ont quitté la table. « Cette discussion, c’est entre eux, ça les regarde », conclut Marine Le Pen, qui ne parle pas anglais. � M. R.

Tournée américaine À Washington, ici devant son hôtel (1), elle reçoit

le drapeau d’un Tea Party au Press Club (2) avant

de prendre le train pour New York, au côté de

Louis Aliot, son compagnon et numéro 2 du parti (3).

Elle y a déjeuné avec des ambassadeurs à

l’ONU, dont l’Israélien Ron Prosor (4), qui a

déclaré «aimer la diversité d’opinion ».

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EN ISRAËL, CERTAINS ONT MANIFESTEMENT DÉCIDÉ DE NE PLUS BANNIR LE FN ET D’INSTAURER UN DIALOGUE

Marine Le Pen, en compagnie de Ron Prosor