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Le territoire intouchable des Valaisans

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Le Temps, article du 7 février 2013. Bernard Attinger s'exprime et se fâche ...

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valais valais Jeudi7 février 2013

Le territoire intouchable des ValaisansLe territoire intouchable des ValaisansPar Marie ParvexPar Marie Parvex

En Suisse, il est le canton qui devra dézoner le plus de terrains si laEn Suisse, il est le canton qui devra dézoner le plus de terrains si larévision de la LAT est acceptée. «Le Temps» a rencontré ceux quirévision de la LAT est acceptée. «Le Temps» a rencontré ceux quiont œuvré à l’aménagement du territoire. Pour comprendreont œuvré à l’aménagement du territoire. Pour comprendrecomment on en est arrivé làcomment on en est arrivé là

Ils sont retraités depuis longtemps. Mais dans un Valais en guerre contre le dézonage de milliersd’hectares que veut lui imposer la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT),ceux qui ont travaillé au développement territorial du canton racontent leur histoire. Le Temps aentendu leurs récits pour comprendre comment le Valais est devenu le cancre de la Suisse, le cantondoté de la plus grande zone à bâtir proportionnellement au nombre d’habitants.

«A l’époque, il y avait déjà un souci d’utiliser le sol judicieusement mais la rationalité économiqueprimait, se souvient Bernard Comby. Nous avions élaboré la première délimitation régionale du Valais,qui a notamment servi de base territoriale pour une planification hospitalière et scolaire.» Formé enéconomie, il a 25 ans quand il dirige pendant deux ans l’Office de la planification, entre 1965 et 1966,l’ancêtre du Service de développement territorial. Il deviendra ensuite, pendant treize ans, le seulconseiller d’Etat radical au sein d’un exécutif PDC.

A ce moment-là, la notion de zone à bâtir n’existe que dans les agglomérations. Ailleurs, on peutconstruire n’importe où. «Le premier choc des Valaisans date de 1972, quand la loi fédérale sur laprotection des eaux entre en vigueur», raconte Jean-Daniel Crettaz. Formé comme architecte à l’EPFZ,il est adjoint puis chef de l’Office de la planification de 1969 à 1979. «Cette loi exige la réalisationd’un plan directeur des égouts, qui fixe un périmètre et fait la différence entre zone à bâtir et zonenon constructible, explique-t-il. Jusque-là, beaucoup pensaient que seul l’équipement d’un terrainétait déterminant pour le rendre constructible.»

La même année, le canton se bat contre les AFU, des arrêtés fédéraux urgents dont les aménagistes sesouviennent encore. Le peuple suisse ayant refusé la première LAT en 1971, ces textes ont amené lecanton à définir des zones à bâtir restreintes pour les communes n’ayant pas de plan de zones. Toutce qui était hors périmètre était gelé jusqu’à l’adoption d’un plan. «Ça a fait un tollé ici», se souvientJean-Daniel Crettaz. Avec quelque 14 000 recours en justice.

«A cette époque, les communes ont planifié leur zone pour une population qui allait doubler, commel’exigeaient les AFU», explique Bernard Attinger, ancien architecte cantonal, formé en aménagementdu territoire et en urbanisme à Paris, qui a chapeauté l’office au début des années 80. «Mais pouréviter des zones à bâtir trop petites qui auraient fait grimper les prix des terrains, on a défini degrandes surfaces avec une faible densité de constructions.» Certaines d’entre elles n’ont pas étéutilisées dans les villages de montagne, dont la population a peu augmenté. Elles s’additionnent

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aujourd’hui pour former une zone à bâtir trop vaste et jamais corrigée.

Au début des années 80, l’office aide les communes dans l’élaboration de ces plans. «Je me souviensd’une séance à Savièse, avec quelques centaines de citoyens, raconte Bernard Attinger. Certainsd’entre eux ont fait remarquer que les zones à bâtir avaient été placées là où se trouvaient les terrainsdu président ou des conseillers majoritaires. Le président a répondu: «On nous aurait pris pour descrétins si on ne s’était pas servis les premiers!»

En 1985, René Schwery, ingénieur de la Ville de Sion, est nommé chef du premier véritable Service del’aménagement du territoire. Les mentalités changent: le Valais approuve avec 75% des voix lapremière loi cantonale d’aménagement du territoire (LCAT). Une révolution, quinze ans après le chocdu plan directeur des égouts. René Schwery est resté en poste jusqu’en 2009, date à laquelle il a faitvaloir son droit à une retraite anticipée. Il a refusé de témoigner. Pour plusieurs interlocuteurs, sesrelations avec Jean-Michel Cina étaient difficiles. Le nouveau conseiller d’Etat, élu en 2005, estconfronté à un chef de service qui bénéficie d’appuis politiques et ne partage pas sa vision du Valais.«Le problème de René Schwery, c’est qu’il n’a pas de formation adéquate et qu’il a engagé quelquespersonnes qui avaient aussi une formation insuffisante en aménagement du territoire», estime BernardAttinger.

«La situation actuelle est le résultat d’une structure sociopolitique et culturelle propre au Valais, où lescommunes ont un pouvoir plus important qu’ailleurs», analyse Bernard Comby. Les présidents decommune intercèdent souvent auprès du Conseil d’Etat en cas de conflit. «Cela se fait assez souventen Valais, quel que soit le parti politique», souligne-t-il. Des communes ont ainsi pu être avantagéespar leur lien avec des ministres. «Le canton a freiné certaines ardeurs, mais pas aussisystématiquement que l’auraient voulu certains aménagistes, reconnaît-il. Cette proximité despouvoirs communaux et cantonaux présente des aspects positifs; mais elle n’a pas toujours favoriséune politique judicieuse d’aménagement du territoire!»

70% des Valaisans sont propriétaires, souvent par héritage. Or, ce sont eux qui valident les plansd’aménagement communaux pendant les assemblées primaires. Pour autant qu’ils tombent d’accord.Nendaz n’a par exemple toujours pas réussi à valider le sien. Comme une dizaine d’autres communes.Le gouvernement peut établir un plan de zones si les pouvoirs locaux ne s’exécutent pas. Mais cela nes’est jamais fait dans toute l’histoire du service…

Au départ de René Schwery, Jean-Michel Cina saisit l’occasion de reprendre le pouvoir sur son Servicedu développement territorial. Il y nomme Damian Jerjen, un économiste qui termine tout juste unpost grade en aménagement du territoire. Le service compte aujourd’hui 14 équivalents plein temps,dont une bonne proportion de jeunes urbanistes, et un budget de 3 millions. Des moyens suffisants,selon Damian Jerjen. Qui estime que la taille des zones à bâtir actuelle est quasiment équivalente àcelles dessinées en 1985. «Globalement, la surface de zones dévolues à l’habitat s’étendait surenviron 13 000 hectares, selon une étude de 1985, explique-t-il. Selon les chiffres 2012 de l’Officefédéral du développement territorial (ARE), la surface des zones d’habitation est aujourd’hui de 13 549hectares.» Le Valais aurait donc respecté les exigences de la Confédération en augmentant peu sazone à bâtir ces dernières décennies.

A travers Damian Jerjen, le Valais d’aujourd’hui parle de fusions de communes, de collaborationsrégionales, d’une mentalité qu’il convient de faire évoluer pour une «utilisation plus solidaire desterrains». Le «cancre» fait tout pour apprendre. Mais dans quatre ans, Jean-Michel Cina aura terminé

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son dernier mandat. Et l’avenir du service dépendra de la volonté politique de son successeur.

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