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R E V U E S C I E N T I F I Q U E Les Cahiers Internationaux du Tourisme Centre International de Recherche Vatel en Tourisme et Hôtellerie 1

Les Cahiers Internationaux du Tourisme

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R e v u e S c i e n t i f i q u e

Les Cahiers Internationauxdu Tourisme

Centre International de Recherche Vatelen Tourisme et Hôtellerie

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N°1

Centre International de Recherche Vatelen Tourisme et Hôtellerie

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PRÉFACEAlain SEBBAN,

Président de Vatel et du CirVath

Je me réjouis de l’aboutissement de cette revuescientifique, au terme d’un long partenariat entre Vatel,l’Université de Perpignan et beaucoup d’amis quipartagent nos convictions. Je félicite, d’ailleurs, lesauteurs de ce premier numéro, la rédactrice en chef,Anne-Marie Mamontoff, ainsi que toute l’équipetechnique. Mais je tiens à remercier très sincèrement,Jean-Michel Hoerner, Doyen de la Faculté “Sport,Tourisme, Hôtellerie Internationale” de l’Université dePerpignan Via Domitia, qui, depuis la constitution duCirVath a oeuvré avec beaucoup d’énergie et de volontéafin de faire émerger “sa” science du tourisme,aujourd’hui reconnue par beaucoup, et qui permettra dedynamiser notre profession et d’élever le niveau de nosétudiants. En créant ensemble le CirVath, nous avionsl’ambition de soutenir les chercheurs désireux de mieuxcomprendre la complexité de l’industrie touristique ethôtelière. En diffusant Les cahiers internationaux dutourisme, selon une périodicité bisannuelle et sur la basede normes rigoureuses, nous voulons montrer que laprofessionnalisation des formations, à laquelle noustenons beaucoup, demeure compatible avec une réflexion

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sur nos métiers et les disciplines qui les préparent. Nousavons déjà la chance, comme nos collègues del’université engagés dans la même voie que nous, d’offrirdes emplois à nos étudiants et d’espérer, pour eux,d’excellentes carrières, mais nous ne serons pleinementsatisfaits que si leurs niveaux, nourris par des recherchessouvent appliquées mais aussi fondamentales,deviennent reconnus par tous.

C’est le but du CirVath et de ces CahiersInternationaux du Tourisme. C’est un objectif ambitieuxmais réaliste, dès lors que nous aspirons à former desmanagers à Bac + 5. Nous savons que le tourisme etl’hôtellerie représentent aujourd’hui la première activitémondiale, et nous désirons être à la hauteur de cetteréussite. Le monde change, les formations supérieuresévoluent, le savoir-faire français s’impose partout dans lemonde dans notre domaine, et nous sommes fiers derépondre à ces enjeux. Cependant, nous savonségalement que nous voulons innover et surprendre. Noussavons que les enseignements techniques doivent êtreaméliorés et que le tourisme, en tant que phénomène desociété, mérite une réflexion audacieuse. C’est pourquoi,je fais confiance à toute l’équipe du CirVath et de cesCahiers Internationaux du Tourisme, pour relever lesdéfis qui s’imposent à nous tous. La recherche entourisme et en hôtellerie sera créative ou ne sera pas…

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AVANT-PROPOS : UNE NOUVELLE REVUEAnne-Marie MAMONTOFF,

Maître de Conférences en psychologie socialeà l’Université de Perpignan Via Domitia

et Rédactrice en chef de la revue“ Les Cahiers internationaux du tourisme”

Le tourisme est devenu la première activitééconomique mondiale et doit faire face aux mutations dela société. Plus que jamais, les entreprises hôtelières ettouristiques doivent s’adapter aux évolutions profondesdes environnements. La construction européenne, lamondialisation de l’économie, l’essor des technologiesde l’informatique et de la communication, l’évolutiondes formes et des temps de travail, le développement dessociétés du temps libre et des loisirs sont autant devariables qui bouleversent les manières de vivre et depenser. Ces transformations ont une incidence capitalesur les entreprises et les activités liées au tourisme. Pources raisons, le tourisme mérite d’être placé au centre derecherches pluridisciplinaires permettant des regardscroisés et des approches comparées. Il doit être soumis àl’analyse des processus de transformations sociales et àleurs répercussions dans un secteur particulièrementconfronté à la compétitivité et à la modernisation. Cetteoptique pluridisciplinaire et/ou interdisciplinairetémoigne donc de la complexité du phénomène étudié.

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Or, depuis de nombreuses années, on constate lacarence, en France, de revues de niveau internationaldans ce domaine. Notre objectif est de construire unerevue scientifique marquée par le pluralisme desapproches, dans laquelle le terrain devient prioritaire. Eneffet, la diversité des terrains permet des comparaisons,qui incitent à de nouvelles clés d’interprétation. Cetterevue est alors conçue comme un instrument de travail etde réflexion, qui donne la liberté d’utiliser des schémasthéoriques propres à certaines disciplines et desapproches méthodologiques différentes. Elle permetégalement des analyses globales non cloisonnées par leschapelles disciplinaires. Ceci dans la perspectived’établir un lien entre chercheurs et praticiens, entreanalyse et intervention. Cette ouverture pluraliste auxdivers apports a le souci d’une véritable rechercheappliquée. Dans cet objectif, les articles de la revue sontrédigés par des personnalités appartenant à plusieursunivers professionnels, à des cadres et des dirigeantsd’entreprises, à des chercheurs universitaires, à des hautsfonctionnaires, rendant compte de leur expérience et deleur perception de l’évolution du monde économique etsocial.

La création de cette revue aujourd’hui, sondéveloppement à l’avenir, sont rendus possibles grâce àl’association de deux institutions différentes : Vatel(Ecole Supérieure de Commerce et Gestion dédiée ausecteur de l’Hôtellerie et du Tourisme) à travers leCirVath (Centre International de Recherche Vatel enTourisme et en Hôtellerie), et la Faculté “Sport,Tourisme, Hôtellerie Internationale” de l’Université dePerpignan Via Domitia. Nous remercions Alain Sebban,

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fondateur de cette association d’appui à la recherche, quiapporte son soutien financier à la revue, et Jean-MichelHoerner, Doyen de la Faculté, Professeur de géopolitiqueet auteur de nombreux ouvrages sur le tourisme. Noussouhaitons que cette revue soit un espace de discussion,un support privilégié pour les praticiens et leschercheurs. Elle doit permettre l’élargissement et ladiffusion des travaux, tout en les soumettant à descritères de sélection académiques, qui soient enconformité avec les règles de production scientifiqueinternationale. Ce premier numéro s’inscrit dans ladiversité, par l’approche de professionnels etd’universitaires, et par la pluralité des disciplines et desthématiques abordées.

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SOMMAIRE

Préface, Alain Sebban 1

Avant-propos, Anne-Marie Mamontoff 3

L’importance de la recherche dans les programmes des Instituts Vatel”, Henri Magne 9

Emploi- formation-emploi, Alain Raluy 19

Le colonisme des classes moyennes, Jean-Michel Hoerner 39

Enjeux et limites des destinations “E-attraction”Laurent Botti, Andrès Guzman Sala, Nicolas Peypoch et Bernardin Solonandrasana 61

La démarche expérientielle en hôtellerie, une innovation, Saida Mérasli 77

Les découvreurs du tourisme, aux sources de la réflexion scientifique, Catherine Sicart 109

Créer avec succès son entreprise dans le domaine de l’hôtellerie et du tourisme : une stratégie en huit étapes, Christine Pagnon-Maudet 125

Note de lecture : La famille Fenouillard fait son tourisme, Une farce théâtrale de Jean-Michel Hoerner et de Laurent Prat. 139

Caractéristiques des “Cahiers internationaux du tourisme” 145

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L’IMPORTANCE DE LA RECHERCHEDANS LES PROGRAMMES DE VATEL

Henri MAGNE, Secrétaire Général du CirVathet Directeur international du Groupe Vatel

Quelle différence peut-il y avoir entre une écolede niveau universitaire et une université ? Certains seplaisent à dire que les institutions font double emploi. Ilsont tort. Il s’agit en fait de deux formationscomplémentaires et d’un intérêt comparable, qui sontproposées aux futurs diplômés : le choix d’uneorientation théorique de haut niveau qui est l’apanage del’université et l’option plus pragmatique d’une formationde niveau équivalent, avec une orientation pédagogiqueaxée prioritairement vers les applications et l’insertiondans le monde du travail.

L’enseignement supérieur de type long, prépareles futurs cadres et futurs directeurs de l’hôtellerie et dutourisme à affronter concrètement une réalitééconomique de plus en plus dure et exigeante, sans pourautant négliger l’acquisition de bases théoriques solidesindispensables à la compréhension de la complexité del’environnement compétitif qui est progressivementdevenu le nôtre. Dans ce contexte d’exigences multiples,la recherche appliquée s’avère indispensable. Certainsproblèmes sont trop ancrés dans le concret pour tenter à

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priori les chercheurs universitaires, or ils se posentquotidiennement à nos concitoyens et nous trouvonsdans la résolution de problèmes de ce type, une gammeétendue de sujets de recherche.

En créant le Centre international de rechercheVatel en tourisme et hôtellerie – CirVath – le groupeVatel a voulu se doter d’un outil performant visant àdévelopper une recherche fondamentale et appliquéedans le domaine du tourisme et de l’hôtellerie. Prenantconscience que l’industrie du tourisme est un modèle àréinventer, que son modèle de gestion est inopérant etque le secteur a besoin à la fois d’un changement deculture et d’un mode d’exercice de son activité, leCirVath se propose donc d’être un pôle de réflexions etd’analyses touristiques qui contribue à redéfinir laculture du tourisme, à refonder l’industrie touristique et àrequalifier les métiers et les emplois.

En favorisant la recherche au sein du groupeVatel :

- Le CirVath favorise le développementprofessionnel du corps enseignant parl’élargissement des connaissances et descompétences, par une meilleure imbricationentre théorie et pratique et par la création d’unenouvelle identité professionnelle.

- Il crée une dynamique nouvelle au sein dugroupe : de nouvelles formes de contact, deséchanges plus nombreux entre professeurs etchercheurs favorisent l’esprit d’équipe, motiventet apportent un esprit nouveau.

- Il permet d’améliorer l’enseignement : à desquestions issues de la pratique sont apportées

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des réponses, des solutions, des évaluations, desméthodes, une compréhension théoriquenouvelle qui retourne dans la pratique.

- Le CirVath, enfin, met le groupe Vatel en contactavec d’autres institutions de formation ou derecherche, françaises et étrangères, favorisantainsi l’interdisciplinarité, voire mêmel’internationalité. En se profilant comme centrede compétences, le groupe Vatel devient l’un despartenaires privilégiés de l’Université dePerpignan Via Domitia, mais aussi celui d’autresécoles et institutions spécialisées dans le monde.

En outre, chacun reconnaît que l’on assiste de nosjours à la mutation profonde de l’enseignement supérieurconcomitamment à l’évolution rapide et spectaculairedes métiers du tourisme et de l’hôtellerie. En signant enjuin 1999 les fameux Accords de Bologne, les ministreseuropéens de l’enseignement supérieur l’avaient biencompris et ils ont donc décidé de :

- Mettre en place, en Europe, une harmonisationde l’enseignement supérieur visant à augmenterl’attractivité des études grâce à un systèmecomparable fondé sur trois cycles d’étudesfinalisés par un diplôme.

- Faciliter la mobilité des étudiants et deschercheurs grâce à un système de transfert etd’accumulation de crédits qui permet desajustements et des emprunts non disciplinaires.

- Reconnaître les qualifications académiquesgrâce à un système de diplômes lisibles etcomparables que l’on désigne communémentL.M.D.

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À l’échelle de la planète, l’enseignementsupérieur européen est aujourd’hui en concurrence avecles autres modèles existants comme le modèle anglo-saxon ou modèle asiatique, par exemple. Le tourismeoccupe chaque jour une place prépondérante dansl’économie mondiale. Il ne connaît ni frontières nicultures ni religions mais il est, en quelque sorte, unesynthèse de toutes les attentes, de tous les désirs, detoutes les techniques. Si les emplois sont globalement enforte croissance, les métiers changent et secomplexifient. Les nouvelles technologies del’information s’imposent, la consommation touristiquese modifie à travers les courts séjours, les voyageslointains et plus fréquents, les attentes desconsommateurs évoluent vers des niveaux de forteexigence, la concurrence mondiale, enfin, devientimpitoyable.

Face à ce constat, le milieu enseignant ressentfortement la nécessité d’actualiser en permanence sesenseignements en imaginant et en concevant denouveaux cours, de nouveaux programmes. Transmettreles connaissances acquises par d’autres ne le satisfaitplus complètement car, pour être crédible etconvainquant auprès de ses étudiants il a besoinaujourd’hui, de transmettre le résultat de ses propresrecherches ou de celles auxquelles il a contribué. Il veutdonc pouvoir trier l’information, la confronter avecd’autres et en dégager son utilité pour le milieuprofessionnel dans lequel les étudiants se destinent àévoluer. L’ultime étape consisterait donc à amenerl’étudiant à faire ses propres recherches en équilibrantdans le cadre des cursus, les mémoires de recherche et les

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mémoires professionnalisés et en considérant que larecherche est l’un des moyens de réinventer la réalité.L’enseignant chercheur, faut-il le rappeler, est celui quimarque et dont on se souvient toute sa vie d’adulte.

Pour l’étudiant enfin, la recherche constitue uneassurance “qualité” incontestable qui honore et valoriseles établissements d’enseignement qui la réalisent. Ellelui permet d’aiguiser sa curiosité, développer son espritcritique, ses facultés d’analyse et son esprit de synthèse.Il peut donc, en toute sécurité, se remettre en cause,refuser l’acquis, avoir son propre jugement, innover,prévoir et se projeter dans l’avenir. Autant decompétences nouvelles qu’il devra nécessairementmaîtriser pour conduire à bon port les entreprises dedemain qui lui seront confiées ou qu’il aura lui-mêmecréées.

Précisons-le, l’enseignement de niveauuniversitaire que dispense le groupe Vatel n’a pas pourvocation de produire de purs intellectuels détachés descontingences matérielles, mais il ne peut pas non plus secontenter de diplômer des techniciens compétents prêts àse soumettre aux directives des patrons de l’industrie dutourisme et de l’hôtellerie. La spécificité de sonenseignement réside bien dans la préparation desmanagers compétents, responsables, raisonnés etd’autant plus critiques justement qu’ils se saventresponsables.

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THE IMPORTANCE THAT RESEARCHPLAYS IN THE VATEL’S PROGRAMMES

Henri MAGNE, CirVath’s General Secretaryand Director of International Development

for the Vatel Group

What difference can there be between a universitylevel school and a university? Some say that institutionsare redundant. They are wrong. It is in fact it is a questionof two complementary educations, and of a comparableinterest, which are proposed to future graduates: thechoice of a high level theoretical orientation which is auniversity’s prerogative and the more pragmatic optionof an equivalent level education whose teaching methodsare primarily orientated towards application andinsertion into the workforce.

Lengthy higher education prepares future hoteland tourism executives and managers to concretely facean increasingly harder and more demanding economicreality without neglecting the acquisition of solidtheoretical bases essential to the comprehension of ourcomplex and competitive environment. In this multiplerequirement context, applied research is essential.Certain problems are too deeply anchored in the concreteto, at first glance, tempt university researchers, howeverthese problems present themselves daily to our fellow-citizens and we find in the resolution of these types ofproblems, a wide range of research subjects.

By creating the Center for Vatel’s InternationalResearch in the Tourism and Hotel industry– CirVath –the Vatel Group wanted to obtain a powerful tool aimedat developing a fundamental and applied research in thefield of hotel and tourism management. In becoming

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aware that the tourism industry is a model to bereinvented, that its management model is ineffective andthat the sector needs at once changes to its culture andexercise mode, the CirVath proposes to be a thinking andanalytical pole for tourism and continues to contribute tothe redefinition of tourism culture, the re-establishing oftourist industry and the re-qualification of trades andemployment.

By favouring research within the Vatel Group:- The CirVath favours the professional

development of the teaching body by thewidening of knowledge and competences, by abetter overlapping of theory and practice and bythe creation of a new professional identity;

- It creates new dynamics within the group: newforms of contact, more exchanges betweenprofessors and researchers favour team spirit,motivate and bring new ideas;

- It allows teaching improvements: questionsresulting from practice find answers, solutions,evaluations, methods and a new theoreticalcomprehension which in turn improves practice;

- Lastly, the CirVath puts the Vatel Group incontact with other educational or researchinstitutions, both French and foreign, thusfavouring interdisciplinary and eveninternational exchanges. In becoming a center ofcompetences, the Vatel Group has not onlybecome one of the privileged partners of theUniversité de Perpignan Via Domitia, but also apartner to other schools and specializedinstitutions throughout the world.

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Moreover, everyone recognizes that today we arewitnessing major changes to higher education, changesconcomitant with the fast and spectacular evolution oftourism and hotel professions. By signing the famousJune 1999 Bologne Accords, the European Ministries forHigher Education understood this and thus decided:

- To set up, in Europe, a harmonisation of highereducation aimed at increasing the attractivity ofstudies thanks to a comparable system foundedon three cycles of studies and ending in theobtaining of a degree.

- To facilitate student and researcher mobility byway of a credit transfer and credit accumulationsystem which allows non-disciplinaryadjustments and the borrowing of ideas.

- Upon the recognition of academic qualificationsby way of visible and comparable degrees,commonly referred to as L.M.D

On the international scale, today European highereducation competes with other models existingthroughout the world, such as the Anglo-Saxon andAsian models for example. Every day the worldeconomy is dominated by tourism. Tourism knows noborders, cultures or religions but is, as it were, thesummary of all expectations, desires and techniques. Ifoverall, employment is in full growth, then theprofessions are changing and becoming more and morecomplex. New information technologies make theirmark and tourist consumption changes by way of shortstays, more frequent voyages to far-off destinations,more demanding consumer expectations, internationalcompetition until at last it becomes merciless.

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Faced with these factors, necessity leadseducation to constantly update its teachings while at thesame time imagining and conceiving new courses andnew programs. The transmission of knowledge obtainedby others no longer completely satisfies because, in orderto be credible and convince students, it presently needs topass on the result of its own research, or the researchwhich it contributed to. It thus wants to be able to sortthis information, to confront it with others and allow itsutility in the professional environment, an environmentin which students are destined to evolve in. Thus, theultimate stage would consist in leading the student toconduct his or her own research at the same time as theirstudies and within the cursus’ framework; research andprofessional thesis by considering that research is one ofthe means of reinventing reality. It should be recalled thatthe teacher-researcher is the one that creates the strongestimpression and by consequence, is the one that thestudent will remember throughout his or her adult life.

Lastly, for the student research constitutes anundeniable assurance of quality which honours andvalorises the educational establishments which conductit. It enables the student to hone his or her curiosity anddevelop his or her critical thinking, analytical andsynthesis faculties. Thus the student can, in full safety,question themselves, reject accepted facts, use his or herown judgement and innovate, anticipate and plan his orher future. In short, acquire and master as many newcompetences as necessary to lead and manage thecompanies of tomorrow which will be entrusted to him orher or which he or she will create.

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To clarify, the role of Vatel Group’s universitylevel teaching is not to produce pure intellectuals who aredetached from material contingencies, however, neithercan it, nor should it, be satisfied with awarding degreesto qualified technicians who are ready to follow thedirectives of Tourism and hotel industry managers. Thespecificity of Vatel’s teaching lies in the preparation ofqualified, responsible and reasoning managers, managerswho are all the more critical precisely because they knowthemselves to be responsible.

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EMPLOI-FORMATION-EMPLOIAlain RALUY, Directeur du Cabinet Arthis

Résumé : Les liens entre les trois phases de la vied’un collaborateur sont intimement imbriqués etprogressifs. Il faut rationaliser et donc professionnaliserles personnels ainsi que les employeurs du secteurtouristique. Enfin, “les formateurs” doivent se mettre enposition de vigilance, puis devenir de véritables acteursde la fonction Recherche et Développement (R & D).

Abstract : The bonds between the three phases ofthe life of a collaborator are closely overlapping andprogressive. It is necessary to rationalize and thusprofessionalize the personnel as well as the employers ofthe tourist sector. Lastly, “the trainers” must be inposition of vigilance, then to become true actors of thefunction Research and Development.

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Lors d’un Forum AMFORHT, à Marrakech en2002, les organisateurs m’avaient demandé de piloter unatelier portant sur la relation entre la formation etl’emploi. Le contexte de ce Forum, au tout début de lamise en œuvre par le pays hôte d’un vaste plan dedéveloppement touristique et hôtelier, rendait la questionformation emploi essentielle. Comment organiser lesressources de la formation de telle sorte qu’elles puissentcontribuer aux besoins du pays et accueillir les milliersde futurs professionnels ?

Très vite cependant, nous nous sommes aperçusqu’il ne suffisait pas de développer des écoles, desinstituts, des universités, mais qu’il fallait aussi faire serencontrer les professionnels du secteur, les candidatspotentiels et les institutions dédiées à la formation. Lefait générateur est l’emploi qui conditionne, entraîne,donne un format à la formation. Nous avons doncproposé d’inverser les termes et d’affirmer désormaisque l’emploi précède la formation. Les descriptions depostes et de fonctions donnent aux “formateurs”, toute la“matière” ou les “matières” de l’enseignement, del’éducation, de la formation.

Il ne convient pas non plus d’ignorer que letourisme n’est pas une activité qui vient de naître, cen’est pas internet il y a quinze ans. Il y a des millions decollaborateurs dans le monde aujourd’hui qui travaillentdans les hôtels, les restaurants, les centres de loisirs, quiassurent l’interface entre le consommateur et leprestataire touristique, qui conduisent les touristes dansleur découverte, qui les transportent, animent leursloisirs, les aident à prendre soin d’eux, les sécurisent. Leschiffres les plus récents prévoient que dans la tranche2005 à 2020, le nombre d’emplois du tourisme va

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s’accroître de façon considérable (OMT). Leperfectionnement, l’adaptation, le développement desconnaissances, l’intégration des nouvelles méthodes, desnouveaux outils, des nouveaux clients (de tous les paysqui ont récemment ouverts leurs portes aux aspirantstouristes out going ou in coming) sont aussi essentielsque la formation initiale. Nous avons donc bouclé notreformulation de départ par l’emploi.

Nous avions donc ainsi calé le thème de travail surlequel nous avons continué à travailler pendant 4 ansjusqu’au Forum de Prague en novembre 2006, où nousavons pu présenter nos conclusions… ou plutôt un pointd’étape car la situation Emploi-Formation-Emploi resteperpétuelle, et doit en permanence mobiliser les équipes,qu’il s’agisse des entrepreneurs du tourisme, des“formateurs et enseignants” et des collaborateurs eux-mêmes qui peuvent de plus en plus prendre eux-mêmesleur destin professionnel en mains.

Apporter une contribution complémentaire etactualisée c’est aussi un acte d’engagement fort. Depuisprès de dix ans, j’interviens régulièrement devant lesétudiants de Vatel et je crois qu’il est indispensable derelier les positions des futurs professionnels avec lesprofessionnels d’aujourd’hui.

Où en sommes-nous aujourd’hui de nos réflexions etaffirmations de propositions ?

L’Etat des lieux du secteur CHR (Café-Hôtel-Restaurant) en France, d’après les dernières donnéesdisponibles (INSEE 2004) :

- 195 967 entreprises- 864 693 en Equivalents Temps Plein

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- Un CA de 60 milliards d’euros- 70 % des emplois de service aux particuliers- 59 % du CA correspondant aux services aux

particuliers- Une progression des effectifs salariés de 3,1 %

par an entre 1996 et 2004 (contre 1,6 % tous secteursconfondus

Selon une enquête du FAFIH (Fonds d’assurancede l’Industrie Hôtelière), de 2002, nous disposons d’uneimage des principaux métiers du secteur dans les effectifssalariés :

Le client à nouveau au centre des préoccupations detous les professionnels

Cette tendance affirmée de plus en plus par laplupart des professionnels est accentuée aussi par l’accèsde plus en plus aisé à un grand nombre aux technologiesde l’information. Chacun, chez soi peut étudier,

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comparer, se décider et acheter. Les messages sont donc“clientèle-centrés” et quittent petit à petit la seulelogique des produits. Les incidences sont nombreuses surles emplois.

a) La compétition et la concurrence : - Les entreprises communiquent de plus en plus à

propos de leurs équipes, de leurs personnels, deleur marge de décision (“satisfait ou rembours锓Yes, I can”…) et tentent ainsi de prendre unavantage concurrentiel sur les seuls argumentsproduits ou services.

- Le développement du tourisme, des destinationsnouvelles, la bataille entre les destinations, lesmodifications des comportements d’achatsconduisent les entreprises du secteur à un besoinde réactivité très important. S’adapter, adapterles structures, les effectifs, les servicesconstituent autant d’impératifs.

- Le développement aussi de la mobilité descollaborateurs qui n’hésiteront plus à quitter unemploi pour répondre aux sirènes de laconcurrence. Une chasse impitoyable auxcompétences est organisée par des employeursou des “chercheurs” d’expertises.

b) Les engagements qualité, les engagements versl’économie et la consommation durables :

- Parmi les messages et les engagements pris parles entreprises, nous trouvons de plus en plusd’identification à des systèmes de référencescomme des certifications, des engagements sousforme de charte. Ces engagements suivent

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souvent un long travail participatif avec leséquipes pour définir les motus operandi ou les“promesses clients”.

- L’engagement vers l’économie durable est ausside plus en plus affirmé et recherché par le clientconsommateur. Il ne s’agit pas seulement d’unobjectif de réductions des charges (“aidez-nous àéconomiser l’eau, éteignez les lumières quandvous sortez de votre chambre, placez dans labaignoire les pièces de linge que vous voulezvoire changées et ainsi réduire les rejets deproduits lessiviels…”), il s’agit aussi desensibiliser les clients (et le personnel) à ladéfense des producteurs présentant des labels dequalité, des modes de culture.

c) Fidélisation, fonds de commerce, zapping,modifications des comportements de consommation :

- Afin de maintenir un niveau d’activitésatisfaisant, la plupart des entreprises ontimaginé, développé, mis en œuvre desprogrammes de fidélisation de la clientèle.Chacun a bien compris qu’il convenait de toutfaire pour s’attacher un fond de commerce. LesCompagnies aériennes ont mis en place leursprogrammes de “frequent flyers”, et permettentl’attribution de billets gratuits ou à réduction.Les hôteliers et restaurateurs ont aussi souventlancé leurs cartes de fidélité, qui permettentd’obtenir des nuits ou des repas gratuits. Lescartes de crédit ont-elles aussi développé dessystèmes qui permettent de constituer des créditscadeaux. Tous ces systèmes doivent être animés

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par des collaborateurs compétents, se mettant àla disposition du consommateur, du client, duprospect.

- Pendant ce temps et parce qu’il est très sollicité,le consommateur a développé une certaineforme d’infidélité à ses fournisseurs. Il est unzappeur passant d’un fournisseur à un autre. Lescomparatifs de prix qu’il peut consulter surinternet développent aussi cette attitude. Levoyageur qui avait l’habitude de traverser laManche à bord des ferries avec sa caravane ouson mobil home préfère de plus en plus utiliserles services d’une compagnie low cost, puisarrivé sur place de louer un véhicule. Il a gagnédu temps et sûrement aussi engagé des dépensesinférieures.

- Enfin il faut aussi bien comprendre que lesclients ont modifié leurs manières d’acheter, deconsommer : grignotage, multiplication desdéplacements de courte durée, achat en directdepuis son ordinateur personnel, comparaisonsde prix, recherche du rapport qualité prix, attraitpour l’éco tourisme.

- Toutes ces modifications doivent aussiconstituer une base de travail pour lesentrepreneurs et leurs équipes, et développer leniveau des compétences de toutes les équipes.

d) Le tourisme comme cible pour certains“destabilisateurs” :

- Enfin et pour peaufiner ce tableau, il convientaussi de se rappeler que l’activité touristiqueconstitue une cible pour bien des mouvements

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qui veulent déstabiliser un pays, ungouvernement. La liste des attentats est longue,la liste des victimes est très longue. A chaquefois on a assisté à une période d’arrêt, puis de lapart des autorités, à la mise en place de mesuresde protection, d’encadrement. Les clientsconsommateurs reviennent peu à peu mais enattendant les professionnels du tourisme ontbeaucoup souffert et l’emploi a étéimmédiatement réduit. L’OMT indique que prèsde 150 000 emplois ont été perdus après le 11septembre… Quant au tsunami de 2005, il aaussi eu des effets énormes sur le tourisme enAsie.

- Ces risques, qui ne peuvent être totalementréduits conduisent aussi les professionnels àdevoir précariser l’emploi et à prévoir dessolutions de repli, de redéploiement, et donc degérer une économie à géométrie de plus en plusvariable.

Le champ des évolutions professionnelles

a) Au niveau des attentes, nous avons conduit denombreuses missions d’études et de conseils auprès desentreprises du secteur de l’hôtellerie, de la restauration,des loisirs et du tourisme. Depuis cinq ans environ nousobservons des modifications essentielles :

- “La pluri-compétence” devient une tendancelourde. Il ne s’agit plus de la polyvalence tropsouvent considérée à juste titre comme unmoyen de “remplir” un emploi du temps, maisplutôt de développer de vraies aptitudes et une

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vraie maîtrise de plusieurs composantes d’uneactivité. La mobilisation vers le service client esttrès importante et il n’est plus rare de voir uncollaborateur s’avancer vers le client pour luiproposer aide, assistance, vente, conseils…Avoir mieux aussi réfléchi aux équipementsprofessionnels, avoir engagé de vraies réflexionsergonomiques, avoir mieux défini les postes de travail, les gestes et postures, tout celaconduit naturellement à d’autres emplois… (lesexemples comme Ibis sont significatifs).

- La composante “relationnelle” : il n’y a pas silongtemps, on conseillait aux étudiants desécoles professionnelles à rester à distance de leurclient, et seuls les “cadres” disposaient de ceprivilège… Aujourd’hui au contraire, chaqueentrepreneur compte sur la proximité entre soncollaborateur et le client pour développer unerelation de confiance, faciliter l’actecommercial, tenter de fidéliser le client (lesdispositions adoptées par des groupes commeHyatt sont également très intéressantes avecleurs programmes corportate).

- La composante “communication” : il s’agit làaussi de développer de manière déterminante lescapacités de communication de chacun. Desséminaires nombreux animés par des acteursdonnent cette “spontanéité” nécessaire auxcollaborateurs en contact avec la clientèle. Lamaîtrise de plusieurs langues étrangères est aussiindispensable.

- La composante “technologie” : les technologiessont omniprésentes (ou peuvent l’être

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aujourd’hui) et exigent de la part des personnelsplus de rigueur, de précision, de contrôles, derégularité. Elles simplifient aussi une partie desactivités et donnent donc plus de disponibilité àla relation clientèle.

- La composante “qualité” : comme nous l’avonsprécisé plus haut, elle est un aspect trèsimportant de l’évolution des entreprises. Parfoisconsidérée à tort comme un gadget, la dimension“qualité” constitue de fait un formidable moyende fédération des équipes, un engagement de lafirme vis-à-vis de son marché, une garantie pourle client. L’engagement “qualité” constitue aussiun vrai travail participatif, travail de réflexion, ettouche aux méthodes de travail, à la productivitéau climat général.

b) Les points d’exigence économiques et les affiliationsou regroupements :

- La contribution de chaque salarié oucollaborateur à la création d’un résultat doitpasser par plus d’informations économiques, parplus de transparence sur les coûts, les profits, etchacun veut savoir mieux où il se situe, où il va.

- Mobiliser ses collaborateurs autour des margeset plus seulement du chiffre d’affaires. Là aussi,il s’agira de développer des points de repèresimples, des règles de calculs accessibles etactualisées.

- Continuer à maîtriser les coûts par la recherched’économies, par la centralisation des achats oudes moyens, par l’externalisation de certainesactivités (d’administration, par exemple).

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- Chercher par des regroupements ou affiliations àdévelopper l’activité, à réduire des charges, àmutualiser des moyens. Dans certains cas leregroupement est le seul moyen de survivre (serappeler qu’en France, le nombre d’hôtels estpassé de 20 000 en 1980 à 18 100 en 2006, etque cette chute correspond principalement à ladisparition de petits établissements indépendantsqui n’ont plus de marché ou de candidatpropriétaire… En revanche, la part de chambresest en augmentation, la capacité moyenne dechaque établissement s’adaptant aussi aumarché.

c) Les points d’exigence commerciaux et les affiliationsou regroupements :

La répartition du parc hôtelier publiée récemment parl’INSEE et la Direction du Tourisme permet de bienposer les bases de cette nouvelle exigence.

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d) Cette présentation montre plusieurs élémentsstructurels :

- Développement de la part des chaînes intégrées,franchisées, volontaires ce qui confirme le besoin de cohésion, de réseaux decommunication et de commercialisation, lebesoin d’apparaître de manière plus pertinenteaux yeux du marché et de porter des valeurscommunes. La naissance dans un groupe commeAccor d’une nouvelle marque, qui pourrarassembler les hôtels non normés ou atypiques,est très intéressante.

- La réduction progressive du parc indépendantqui ne peut lutter contre le professionnalisme desgroupes.

- La bonne résistance des affiliations volontairesqui, elles aussi, cherchent à développer leurprofessionnalisme (nous avons pu tester etapprécier il y a peu la réactivité commerciale degroupes comme Inter Hôtels, ou Logis deFrance).

- Le développement par les sites internet de laprésence et réactivité des professionnels quianiment de plus en plus leurs bases de données,les informations et ont appris à maîtriser le YieldManagement et le revenu management.

- Ces tendances ont d’évidentes contributions surles exigences des emplois que nous avionsidentifiées dès le début de notre travail d’études(maitrise des technologies, maîtrise de larelation clientèle, réactivité, négociationcommerciale permanente).

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e) Les points d’exigence sociaux et les modes derémunération, l’attractivité et le recrutement :

- Les métiers de l’hôtellerie, de la restauration etdu tourisme ont pendant longtemps souffertd’une image de marque difficile (conditions detravail, horaires, rémunération, stress client…).Cette époque semble révolue en grande partie.

- La signature en France en février dernier d’unaccord national entre les représentants de laprofession et les principaux syndicatsreprésentants les personnels donne bienclairement un signal fort. Les caractéristiquesd’exploitation des établissements sontclairement identifiées et permettent la mise enœuvre de modèles d’organisation quiprivilégient la modulation du temps de travailen fonction de l’activité, voire mêmel’annualisation du temps de travail.

- Le temps de travail est défini, sa mesureimposée, son paiement clairement défini.

- Dans cet accord, de nombreuses précisions sontapportées aussi pour tous les emplois à tempspartiel, les emplois saisonniers et les extras,toutes variables d’ajustements des effectifs auxbesoins de fonctionnement.

- La dimension formation est clairement reconnueet le développement de la formation réaffirmécomme un besoin essentiel de la profession.

- Les modes de rémunération sont aussi en pleineévolution et chacun peut en fonction del’entreprise définir des méthodes, des clés, dessystèmes qui associent les collaborateurs à la“bonne” marche de l’entreprise. Nous sommes

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quand même assez loin encore d’une stratégieclaire que l’on pourrait traduire selon troisméthodes différentes :

1) rémunération basée sur l’emploi ; coûtfixe, salaire de base, retraite = valeur del’emploi dans l’entreprise2) rémunération basée sur la performance :bonus, “stock options” = contributionindividuelle3) rémunération sur l’environnement :opportunités = engagement employeurcollaborateur.

- Considérés souvent comme des activitésd’insertion, les métiers de l’hôtellerie et dutourisme voient chaque année arriver de trèsnombreux jeunes qui et à juste titre peuventtrouver rapidement une activité d’appoint (jobd’étudiant) ou d’insertion dans une ville ou unerégion. Faut-il continuer à vouloir fidéliser sescollaborateurs ? Une étude de Watson Wyatt (cecabinet spécialisé dans les domaines de larémunération a mené une étude en 2004, auterme de laquelle on a pu noter que 30 % dessalariés européens envisagent de quitter leuremployeur dans les 12 prochains mois :Allemagne 16 %, Pays Bas 20 %, Belgique 27%, Suisse 29, Portugal 38 %, Italie 40 %,Royaume Uni 40 %, France 41 %, Espagne 44%, Irlande 45 % et Suède 49 % !)

Par conséquent, le positionnement vis-à-vis dumonde de l’éducation et la formation continue. Après unelongue période de cohabitation, les entrepreneurs et lesenseignants ont compris enfin qu’ils devaient collaborer.

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Le champ de l’éducation

a) L’offre de formation présente les tendances suivantes :- L’élévation générale des niveaux de formation

devrait permettre au secteur professionnel dedisposer des mêmes niveaux de formation quen’importe quel autre secteur. La mise en place duLMD (dont Licence-Master) procède de cettedémarche d’harmonisation.

- La difficulté de recrutement de jeunes étudiantsou scolaires rend une partie des dispositifs deformation initiale inopérants, alors que le niveaud’exigence des postes progresse.

- Les études sur l’emploi devraient permettre demieux faire coïncider l’offre de formation(anciennetés, départs en retraite, turnover…).Un rapprochement entre entreprises, écoles etinstitutions devrait faciliter cette démarche.

b) La compétition internationale : Il existe indéniablement une compétition entre lesinstitutions, les écoles, les pays et des structuresassociatives internationales qui apportent une meilleurevisibilité aux compétences de chacun. Au-delà, laréflexion et les colloques qui les réunissent, permettentaussi d’améliorer progressivement la relation Emploi-Formation-Emploi.

c) La formation professionnelle continue (FPC) :Elle est à notre connaissance en pleine évolution. La FPCs’appuie désormais de plus en plus sur la gestion par lescompétences, en considérant que les aspects métiers sontmaîtrisés et simplifiés.

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- La coopération entre entreprises, universités,écoles, institutions, permet aussi de développerune plus grande pertinence des apports (nourrispar les concepts et les approches théoriques, etmise au service des opérations et de leursclients).

- Les catalogues de formation sont en pleineévolution eux aussi et développent des accès à laformation à distance, à l’auto-formation, et à laprogression individualisée, qui peuventconstituer des réponses intelligentes aux besoinsdes acteurs du secteur.

d) Le positionnement vis-à-vis du monde professionnel :- La profession, nous l’avons dit, a pris depuis

longtemps conscience de l’impérieuse nécessitéde la formation, formation initiale calée sur lesemplois d’aujourd’hui, formation continuedestinée à mettre le personnel en permanence auniveau des exigences des postes et du maintiende l’emploi.

- Les initiatives sont nombreuses et les groupes detravail se multiplient. Peut-être faut-il encoreconvaincre certains employeurs de cettenécessité.

Le champ des collaborateurs

a) L’attractivité des activités touristiques et l’image de cesecteur :

Lors du colloque de l’AMFORHT à Prague,j’avais insisté sur le fait que certains emplois séduisentles étudiants (évènementiel, développement commercial,Yield Management, contrôles financiers et gestion…)

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mais nous savons tous qu’une armée “mexicaine” nepeut vraiment faire face à l’adversité et à la concurrence.

Les postes de back office mobilisent aussi celles etceux qui redoutent le contact client ou pensent à géreraussi leur temps personnel. Nous savons bien que ce sontplutôt ces activités qui seront les premières externalisées,et que l’entrepreneur souhaitera d’abord développer sonactivité et réduire ses charges de structures.

Une grande partie de l’encadrement desentreprises du secteur est composée de professionnelsqui ont “grandi” dans ce secteur et qui, souvent, y ont étépromus à des fonctions de responsabilité, d’encadrementd’équipes. On avait reconnu leur expérience au niveau N – 1. Est-ce suffisant pour devenir et rester un cadre ouun agent de maitrise chargé d’animer une équipe ? C’estsur cette population, que repose en grande partie laréussite des entreprises du secteur. Mais ont-ils lescompétences nécessaires, sont ils assez disponibles auxautres ou bien cumulent-ils aussi des activitéséquivalentes à celles de leurs subordonnés ?

L’encadrement souffre souvent d’un manque dereconnaissance mais aussi d’un manque évident desavoir faire managérial.

b) La relation entre formation et emploi telle qu’elle estperçue :

Nous avons exposé plus avant la structure desentreprises CHR en France. Si l’on observe l’effectifmoyen en restauration on pourra constater que noussommes principalement dans la TPE (très petiteentreprise).

- Pour les 152 273 entreprises qui constituent lesecteur (source INSEE enquête annuelle 2004)

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l’effectif moyen en restauration commercialeest de 3,5

- Pour les restaurants traditionnels, il est de 4,3- Pour la restauration rapide, il est de 4- Pour les cafés-tabacs, il est de 2,1- Pour les débits de boissons, il est de 1,6- Pour les hôtels, il est aujourd’hui de 8,4 (chiffre

qui bien sûr confond de grandes disparités, maisles établissements français les plus importantsne dépassent jamais 1 000 Equivalents TempsPlein)

Il existe de fait deux niveaux d’entreprise, lesgrandes ou celles qui sont organisées en réseaux(intégrés, franchisés ou volontaires) qui peuvent disposerde structures, de références formation par desprogrammes corporate, et les PME ou TPE qui enpeuvent accéder qu’à des formations inter-entreprises àla programmation proposée par des centres de formationmais qui ne correspondent pas forcément à la simpledisponibilité des aspirants formés.

La formation proposée aux chefs d’entreprisen’est pas non plus toujours accessible et correspondsouvent à des coûts qui ne peuvent être supportés parl’entreprise elle-même. Des initiatives menées par desorganismes paritaires tentent de combler ces lacunesmais avec difficulté (trouver des participants en nombresuffisant et de niveaux cohérents pour le moins)

Trop souvent enfin les formations sont perçuescomme décalées ou déconnectées quelques soient lesefforts d’adaptation.

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Conclusion : Emploi-Formation-Emploi pour unprochain quinquennat 2007-2012 (Sans aucuneréférence à un quelconque calendrier présidentiel…)

La Stratégie de l’Entreprise doit disposer d’un voletspécifique Stratégie du capital Humain :

- Maîtriser les conditions de travail. - Développer une qualité de vie professionnelle. - Maîtriser l’organisation et la planification du

travail. - Maîtriser la gestion du temps. - Mettre en œuvre une vraie communication, des

méthodes de coordination et de concertation. - Développer la formation intégrée ou la

formation emploi-compétences (donner uneplace à la formation à distance, à l’E@ learning,développer les formations manageriales, laformation des tuteurs, des formateurs internes,faire du stage un vrai moyen de formation et deprogression.

- Mettre en œuvre ces stratégies et les auditer detemps en temps.

La Stratégie des Institutions de Formation :- Veiller à ce que les flux de sortie des Institutions

correspondent aux besoins prévisionnels dusecteur et cela par niveau en particulier pourl’enseignement supérieur.

- Ne plus abandonner les formations de bases. - Internationaliser les formations, les référentiels. - Multiplier les spécialisations en fonction des

modifications des emplois et des compétences. - Perfectionner les enseignants, actualiser et faire

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actualiser leurs connaissances, les placer enentreprises.

- Développer la formation continue à l’intérieurdes entreprises.

- Rendre lisibles les diplômes pour les étudiants,leurs parents et leurs futurs employeurs.

- Développer une fonction R & D.

Les pistes de progrès pour boucler harmonieusement lecercle Emploi-Formation-Emploi :

- Des partenariats Entreprises-Institutions deformation Gagnant-Gagnant.

- Des partenariats Etudiants-Institutions deformation Gagnant-Gagnant.

- Responsabiliser les entrepreneurs à leursresponsabilités formation et management.

- Développer le Droit et le Devoir à la formationdes collaborateurs en place.

- Mutualiser les moyens de la formation pouréviter le clivage entre grandes et petitesentreprises.

Se souvenir enfin des quelques citations suivantes :- “Les deux choses qui n’apparaissent pas au bilan

d’une entreprise sont sa réputation et seshommes” (Henri Ford).

- “Former les hommes ce n’est pas remplir unvase mais c’est allumer le feu” (Aristophane).

- “Ce n’est pas en perfectionnant la bougie quel’on a découvert l’électricité” (Anonyme).

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LE “COLONISME” DES CLASSES MOYENNESJean-Michel HOERNER,

Professeur de géopolitique et de tourisme, Doyen de la Faculté

“Sport, Tourisme, Hôtellerie Internationale”de l’Université de Perpignan Via Domitia

Résumé : Les classes moyennes du Nord,incapables d’intégrer les immigrés chez elles, sont deplus en nombreuses à pratiquer le tourisme internationalau Sud. Or, en raison de nombreux problèmesinterculturels et sociaux, ce mouvement Nord-Sudpourrait s’appeler le colonisme. En tout état de cause,l’homo festivus des classes moyennes, qui dominent lamondialisation économique sans la contrôler, symbolisele rôle majeur du tourisme international dans le monde,comme s’il s’agissait d’un phénomène de société. À cetitre, il devrait participer au développement économiqueet social du Sud, et ne pas creuser un nouveau fossé entreles nantis du Nord et les pauvres du Sud.

Abstract: The middle class of North,incompetents to integrate the immigrants in their place, ismoreover into many to practise international tourism inthe South. But, because of many problems interculturels

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and social, this North-South movement could be calledthe colonism. In any event, the homo festivus of themiddle class, which dominates world globalizationwithout controlling it, symbolizes the major role ofinternational tourism in the world, as if it were about asocial phenomenon. For this reason, it should take part inthe economic and social development of the South, andnot dig a new gap between the rich of North and the poorof South.

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Lorsqu’on publie des livres1, ses articles s’eninspirent forcément. Or, parmi les nombreuses questionsque l’étude du tourisme m’inspire, il y a l’invasioncroissante des touristes du Nord dans le Sud émergent.Elle correspond à une double préoccupation. Celle, toutd’abord, entre mon ancienne spécialité, le sous-développement et le tiers monde, et la recherchetouristique qui accapare désormais beaucoup de montemps. Celle, ensuite, entre le tourisme et les classesmoyennes, que je situe désormais presquesystématiquement au centre de tous mes ouvrages. Laproblématique est presque trop simpliste : 200 millionsde touristes du Nord aujourd’hui, 500 probablement dansmoins de quinze ans, séjournent et séjourneront dans lespays plus pauvres du Sud. Il en résulte une sorted’affrontement qui situe le tourisme international aucentre du questionnement de la géopolitique.

Cette confrontation s’explique déjà par celle quioppose les deux mondes qui survivent à la fin du blocsocialiste et le début de la mondialisation (années 1989-91). Elle implique l’abandon du concept de tiers mondeet la résurgence de l’opposition Nord-Sud. Lorsque dansles années soixante-dix, le Président Valéry Giscardd’Estaing l’avait proposée, beaucoup la jugeaient trèsmièvre. Pourtant, elle devient de plus en plus cohérente.D’un côté, le Nord est riche et le symbole géographique,à quelques exceptions près (exemples antagonistes del’Australie et de l’Europe de l’est), demeure juste. Del’autre, hormis ses États les plus émergents (l’Inde, leBrésil, et la Chine quoique déjà au Nord), le Sud estglobalement pauvre malgré ses inégalités dedéveloppement. Plus rural, avec de fortes proportions

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d’analphabètes et le poids des traditions, les populationsdu Sud vivraient, selon Fernand Braudel, dans“d’innombrables puits hors du temps du monde”2.

Ensuite, la confrontation entre les dizaines demillions de touristes du Nord appelés par les sirènesexotiques du Sud, et les millions de migrants du Suddésireux de s’intégrer à la prospérité du Nord, confirmele rôle des classes moyennes. En effet, dans leurspérégrinations touristiques Nord-Sud, elles secomporteraient aussi mal que lorsqu’elles isolent lesmigrants Sud-Nord dans leurs ghettos urbains. Ellespartagent souvent le même espace économique et social.Chez elles, il s’agit d’un rejet social de classe. Au Sud, ilpourrait s’agir d’une forme de néocolonialisme, nourripar l’installation permanente de touristes-colons du Nordau sein de quelques pays du Sud. Toutefois, peut-onutiliser le terme de néocolonialisme, qui signifie lapoursuite de la mainmise économique des colonisateurssur leurs anciennes colonies lato sensu ? Je proposequ’on lui substitue le faux néologisme de colonisme3.

La question des classes moyennes, qui nedéfiniraient plus un avenir sombre4, est donc au cœur dela réflexion, dans la mesure où elles sont à l’origine dutourisme de masse dans lesdits pays du Sud. C’est letroisième sommet du triangle, avec les migrations dutourisme et du travail. Certes, la nature des populations,leur genre de vie, leurs motivations bien sûr et souventles moyens de transport utilisés, sont différents, mais lesunes et les autres créent le même malaise interculturel,suscitent les mêmes déficiences d’intégration. En outre,les touristes internationaux concernés s’inscrivent dans

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un mouvement circulaire, suggéré par le préfixe “tour”de tourisme : on part à l’étranger mais on revient toujourschez soi. Ce phénomène, qui ne se limite plus auxquelques voyageurs élitistes d’autrefois, pourrait créer uncataclysme à l’échelle planétaire. Les raisons sontsimples. Les touristes internationaux des classesmoyennes, dans leur grégarité, ont le comportement decolonies de vacances qui vont à l’étranger comme dansun lieu de loisir tout exprès organisé pour eux, d’où lecolonisme. Les populations visitées du Sud estimentqu’elles doivent se mettre au service d’étrangersseulement privilégiés par leur origine, et subissent doncleurs caprices, sinon leur arrogance, sans avoir lesentiment d’en tirer un réel profit : c’est encore ce quijustifie le terme de colonisme.

La géopolitique des touristes internationaux

Dès la première page de son livre, Yves Lacostelaisse entendre que “l’attaque du 11 septembre 2001 estperçue par les Américains comme l’équivalent du raiddes Japonais sur Pearl Harbor en 1941”5 et que, pourcette raison, elle devient sans doute le fondement de lagéopolitique du 21e siècle. Or on peut lui adjoindre lecommentaire du philosophe allemand, Peter Sloterdijk :“Soudain, l’irruption du voisin devient l’évènement leplus traumatisant pour les Américains (car) l’ennemiarrive sous le masque du visiteur. Le voisin hostileapparaît comme touriste, et le touriste devient une figuredu mal. À partir de là, il faut repenser tous les conceptseuropéens du passage entre l’état naturel et l’état civilisé,(c’est-à-dire) le remplacement de la guerre”6. Ces deuxthèses, curieusement, apparaissent complémentaires, et

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donnent un autre sens au tourisme international. Certes,les terroristes intégristes, qui ont commis l’attentat, sontdes touristes particuliers mais les symboles demeurent.Ils se sont bien fait passer pour des touristes et ont utilisédes avions des lignes régulières pour commettre leurforfait. Mais, curieusement, ils auraient pu égalementfaire partie du vaste flux migratoire Sud-Nord. Cetteconcomitance, qui n’est peut-être pas fortuite, me faitpenser à un morceau d’anthologie d’Alfred Jarry, le pèred’Ubu. Après avoir comparé “la mobilisation destouristes”, à “une force navale, (qui) couvre les flotsd’une substance dont la formule est tenue encore secrètepar le ministre de la Marine”, il ajoute avec humourqu’on ne prononcerait pas le terme de “touristes (…)dans l’intention évidente de dérober l’importance decette manœuvre aux puissances étrangères, mêmealliées”7.

On comprendra qu’on s’intéresse ici seulement autourisme international et à ses quelque 800 millionsd’arrivées chaque année, ce qui ne signifie pas autant detouristes, bien sûr, car chacun d’eux peut séjournerplusieurs fois à l’étranger. Pour autant, la qualitéd’étranger des touristes n’est peut-être pas usurpée,malgré l’importance du domestic tourism interne auxpays. Dans un ouvrage déjà ancien8, René Duchet faitainsi remarquer, qu’en Suisse alémanique,Ausländerverkehr (littéralement, “l’industrie desétrangers”), est le terme utilisé pour qualifier le tourisme.Dans ce même état d’esprit, on doit se souvenir que lesÉtats totalitaires socialistes, tels que l’URSS, nefavorisaient pas la venue de touristes étrangers et,

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qu’auparavant, Mussolini disait que “nous ne sommespas un pays pour voyage de noces”. Tous cesavertissements, qui ne pouvaient tout de même pasempêcher les attentats de 2001, montrent que lestouristes internationaux, malgré leurs motivationspacifiques, peuvent créer du désordre. Celui qu’onperçoit n’est pas tragique mais il demeure très inquiétant.

On a ainsi du mal à imaginer l’intrusion demillions de touristes étrangers dans le Sud, sans qu’il yait des incidences dans la vie quotidienne despopulations visitées et sur leur économie en construction.Une multitude d’images viennent en mémoire : cellesd’habitants pauvres qui côtoient des touristes aisés ouseulement affichant leur supériorité, celles de laprostitution et parfois de la pédophilie des plus pauvresprofitant d’un marché lucratif, et la honte qui en résulte,la détérioration des emplois traditionnels et lesfréquentes déconvenues de travailleurs espérant en vainbénéficier de la manne touristique, les conséquencesinflationnistes du marché de l’immobilier aux dépens desclasses moyennes locales en voie d’émergence, les effetsd’une inflation importée dans le registre des produits deconsommation, le sentiment enfin que les pays visitésvendent leur âme en même temps que leur peuple. Ce quiserait très répréhensible, c’est la propension despopulations du Sud à s’adapter au phénomènetouristique, voire à l’intégrer dans leur quotidien. ÀTuléar, par exemple, dans le sud de Madagascar, desparents poussent leurs filles pubères à se prostituer carcela serait conforme au mariage à l’essai pratiqué encoredans certains villages… On peut rappeler également ces

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nombreux touristes occidentaux, qui se font faire desprothèses mammaires, des liftings complets ou desimplants dentaires, au Maghreb et ailleurs. Les médecinset les dentistes du Sud ne devraient-ils pas plutôt sepréoccuper des populations locales évidemment malsoignées ? Pour résumer ce qu’il a de plus pernicieuxdans ce type de tourisme international, je citerai la petitephrase de Mimoun Hillali qui, en bon observateur duMaroc où il réside, n’hésite pas à prétendre que “letourisme risque d’être assimilé à un mouvementnéocolonial”9. A posteriori, peut-être aurait-il parlé, luiaussi, d’un mouvement coloniste…

La vague de fond du tourisme international

Les voyageurs d’autrefois étaient peu nombreuxalors que les touristes d’aujourd’hui sont innombrables.Le tourisme international s’est développé avec lamondialisation, qu’on fait donc remonter à“l’effondrement des blocs (et à) la chute des murs”10, en1990, selon Paul Claval. Cependant, alors que cegéographe mentionne même la théorie de la fin del’Histoire et Francis Fukuyama, jamais il ne suggèrel’accroissement des entrées touristiques dans une grandequantité de pays du Sud, soit plus de 150 millions en1995, 50 fois plus que le nombre d’arrivées de migrantsqui, cette année là, sont allés du Sud au Nord.L’ouverture des frontières, la libre circulation descapitaux, la dérégulation aérienne et l’attractivité dedestinations de plus en plus lointaines, expliquent cetteévolution synthétisée dans le tableau suivant :

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Tableau 1 : Entrées touristiques internationales par zones

(source : Maison de la France, OMT11

et Jean-Michel Hoerner, Op. cit.)

Ces données sont peut-être sujettes à caution maisexpriment de réelles tendances. La formidable croissanceentre 1970 et 1995 favorise les ex-pays de l’Est, tels quela Hongrie, la Pologne, l’Ukraine, la Tchéquie et mêmela Russie, mais surtout l’ensemble du Sud. Pour ce qui leconcerne et sans tenir compte des Amériques, onconstate ainsi une croissance annuelle de 39% de 1970 à1995 et de 7% de 1995 à 2003. La prospective de 2010,pour l’Asie du Sud et surtout le Moyen-Orient (Turquie,Egypte et pays du Golfe), qui a été formulée à la fin desannées quatre-vingt-dix, ne tient pas compte del’expansion actuelle dans cette dernière zone, malgrél’état de guerre, d’où une donnée prévue à la baisse nonjustifiée : ne devrait-on pas compter 88 millionsd’entrées en 2020, selon l’OMT ?12 D’ailleurs, lesprojections de 2020 pour le Sud laissent pantois. L’Asiede l’Est, le Pacifique, l’Amérique Latine, l’Afrique, le

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Moyen-Orient et l’Asie du Sud, connaîtront unecroissance annuelle de 6 à 7%, et recevront une arrivéesur 2 pour un total dépassant les 760 millions d’entrées !Les pays traditionnels du Nord, auxquels on pourraitadjoindre la Chine, resteront bien sûr les principauxfoyers émetteurs, mais l’ensemble conforterait l’ampleurdu colonisme…

Les classes moyennes occidentales vont doncdéferler en plus grand nombre vers le Sud, probablementsans qu’on fixe des seuils de fréquentation à l’instar desSeychelles. Autrement dit, puisque toutes lesconséquences fâcheuses déjà évoquées ne risquent pas dedisparaître, voire de s’amplifier encore, y aura-t-il unecompensation au colonisme pour le Sud ? Le pari engagéest considérable et demeure très incertain, ce qui meconduit à utiliser les quatre projections géopolitiquesformulées par la CIA13 (National Intelligence Concilaméricain). D’emblée, on éliminera la dernière, “le cyclede la peur” car, si “la mondialisation risque d’être la vraievictime”, le tourisme international ne vaudra guèremieux. Cependant, un tel chaos est toujours possible…Selon la première hypothèse du “Monde selon Davos”, laplus favorable, l’Afrique et l’Asie seraient plusavantagées que le Moyen-Orient, et le tourisme pourraitfaire réellement partie des facteurs de développement.Dans l’hypothèse de la “Pax americana”, les Américainssont pessimistes et imaginent la montée descommunautarismes (un islam plus dur), une immigrationdéstabilisatrice au Nord et, malgré une certaineprospérité économique, l’arrêt de la démocratisation.Pour le tourisme international du Sud, ce serait donc lapoursuite du processus actuel, avec une certaine

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aggravation. Enfin, dans l’hypothèse plus aléatoire d’un“nouveau califat” inspiré par Al-Qaida, on assisterait à“la transmutation du terrorisme international”, doubléed’une “insécurité omniprésente”. Le tourisme du Sud selimiterait alors à l’Amérique latine et aux lointainescontrées d’Asie.

Cependant, il est probable que toutes ceshypothèses, qui sont déjà visibles aujourd’hui sans acuitéparticulière, aillent de pair. Il est même vraisemblableque, malgré toutes les menaces, le Sud accueille, commeon l’a dit plus haut, de plus en plus de touristesinternationaux. Or, même si le Nord en tire le plus grandprofit, on créera des richesses et des emploissupplémentaires au Sud, bien qu’on ne puisse éviter lestensions sociales, sinon le pire au sein de l’oumma despeuples musulmans, c’est-à-dire l’extension des attentatsterroristes. Certes, les métiers du tourisme et del’hôtellerie seront mieux valorisés mais, pour conserverses avantages comparatifs, le Sud risque de ne pasconnaître un développement spectaculaire grâce à sesactivités touristiques. Son éventuelle embellie résulterade la poursuite du tourisme de masse, de plus en plusconséquent, et ne dépendra que du comportement desclasses moyennes du Nord. Autrement dit, lecolonisme évoqué, plus patelin que le colonialisme ouque le néocolonialisme, ne fera que de banaliser leshiérarchies touristiques. Il pourrait même concrétiser unpeu plus “le choc des civilisations” que promet Samuel P.Huntington, même si cet auteur américain se range demanière polémique dans le camp de la culturechrétienne14.

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Les fondements du tourisme de masse

Philippe Muray n’a sans doute pas tort deprétendre que “le nihilisme touristique ne veut pas laconnaissance, (mais) l’instauration d’un nouveau paradismorbide à travers lequel (le touriste) puisse se déplaceren toute impunité”15. L’homo festivus qu’il imagine sera-t-il le vainqueur du Sud, comme il tend à ériger au Nordune société fondée sur l’uniformité et une gestioncapitaliste, où les managers qu’il diligente éliminent lepatronat après avoir beaucoup réduit la classe ouvrière ?L’enjeu est de taille. On a beau prévoir l’émergence denouvelles puissances, telles que la Russie, la Chine,l’Inde ou le Brésil, les anciens pays riches ne s’effacerontpas aussi vite. Devant la montée des identitéscommunautaristes et le risque d’un déclin, ilscomposeront alors avec leurs classes moyennes qui, demanière paradoxale, forment un mélanged’individualisme, de désacralisation et de mouvementscollectifs de type populiste. Or ce sont elles qui portentle tourisme de masse, car il fait intrinsèquement partie deleur genre de vie. Comme le note encore Muray, “lestouristes composent l’armée de métier chargée de fairerégner par tous les moyens la nouvelle moraletransfrontalière d’une post-humanité qui a chassé toutviolence d’elle-même, au profit de la violence sans fin desa propre vision du monde”16.

On peut s’étonner du choix du terme colonisme, etpourtant il exprime fort bien le rôle réel des classesmoyennes. Leur domination ou plutôt leur dominancen’a aucun intérêt financier, ni même quelque nouvelobjectif colonial. En envahissant le Sud, elles croient

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prolonger le rêve qui leur donne à croire qu’elles ontobtenu le droit de satisfaire tous leurs caprices. Leursindividus, apparemment soudés par des certitudesexistentielles non démontrables, mus par des intérêtscollectifs incontrôlables, murés dans des convictionsformées dans le vécu, prolongent indéfiniment unesensation de fausse puissance. Aristote, qui s’est penchésur les déliquescences de la bonne démocratie endémocratie absolue (peut-être la dictature du prolétariatau 20e siècle), en oligarchie ou en tyrannie, a fait de laclasse moyenne, avant l’heure, le deus ex machinaaveugle de la société, simplement tiraillée sur sesextrêmes par les pauvres et les riches. Il s’agit d’un blocfragile, puissant mais vulnérable, toujours à la recherchede son identité et comme tel, souvent méprisant etcoupable du pire. Sait-elle qu’elle possède 60% ducapital boursier mondial ? En Amérique, elle doutecertainement du pouvoir des fonds financiers qu’ellealimente et en France, elle oublie que sa frange la plusaisée, celle qui dispose de la majorité de son capital, estissue d’une même culture qu’elle. Louis Chauvel17

considère qu’elle représente 50% de la populationfrançaise, alors que je pense que ce taux est prochedes deux-tiers18, mais le “ni riches ni pauvres” définipar Aristote et Nietzsche ne se quantifie vraiment :elle est l’expression de la société des paysoccidentaux, l’héritière de la Neue Mittelstandallemande des années 20…

Dans un récent essai19, j’étudie la bande dessinéede La famille Fenouillard, publiée en 1893 par unéminent botaniste qui a pris le pseudonyme deChristophe20. Bien sûr, puisque le genre est mineur,

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personne ne s’est vraiment intéressé à cet album enthéorie réservé aux enfants. C’est dommage. En effet, auterme de son analyse, on comprend que les classesmoyennes d’alors, en voie de disparition à l’instar desbonnetiers que sont les Fenouillard, ressembleront auxtouristes de masse actuels. Christophe a alors une visionprémonitoire : grâce à l’un de ses personnages, le docteurGuy Mauve, ils voyagent seulement dans leur sommeil,“on les voyage” dirait Nietzsche, et donc ce ne sont quedes touristes. Cela rappelle les bandes dessinées duSuisse Rodolphe Töppfer, plus anciennes encore(Voyages en zig-zag, 1844) où, comme le fait remarquerMarc Boyer, il “distingue voyage et tourisme. Il vante lepremier, voyage éducatif, libre, sac au dos sur la route. Ilcaricature les touristes… qui vont aux mêmes rites centcinquante ans avant le guide du Routard”21. LesFenouillard, lorsqu’ils vont chez les Sioux ou chez lesPapous cannibales, croient à la domination absolue deleur civilisation. Tous les ingrédients d’une forme decolonisme sont rassemblés, ce qui est peut-être un piedde nez de l’auteur à son époque coloniale.

Est-ce que le fait de voyager dans son sommeilinnocente la responsabilité des classes moyennes ? Fauted’en faire une question de morale, on doit toutefoisreconnaître qu’il s’agit là de la meilleure illustration dutourisme de masse. Il y a effectivement de l’inconsciencechez ces touristes internationaux, qui ne représentent pasl’élite de leur société mais prolongent agréablement leurgenre de vie, comme si leurs jardins traversaient les merset baignaient le pied des monuments historiques des payspauvres du Sud. Les classes moyennes du Nord ne sontpas seulement aisées, pour la plupart, elles intègrent

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aussi les temps de loisirs dans leur temps de travail, cequi leur donne une étonnante légitimité. Autrefois, lacolonisation exigeait des expéditions militaires et, encoreaujourd’hui, le néocolonialisme exprime la volontépolitique des États et de leurs entreprises afin de mettrele monde en coupe réglée. Le colonisme paraît, aucontraire, une tentative sans fondement véritable, quiconfirmerait seulement la griserie de populations nantiesqui ne veulent du mal à personne, en font sans le vouloir,et repoussent leurs frontières à l’infini.

Le règne de “l’homo festivus”

Il est assez rare, hormis l’essai de PhilippeMuray22, qu’une étude sur le tourisme aboutisse à unenouvelle perception de notre civilisation. D’une part, lephénomène touristique est largement sous-estimé et,d’autre part, la meilleure géopolitique du monde metplutôt en exergue la mondialisation des firmesmultinationales, la crise des énergies et les dangersenvironnementaux, les fléaux nationalistes et terroristes,et le rôle particulier des Etats-Unis. Il n’est pas non plustrès fréquent qu’on s’attache beaucoup aux ambitions desclasses moyennes, voire à leur comportement de classe.Parce qu’elles épousent, sans l’exprimer, la fausseidéologie de “l’ère des managers” et balbutient leurvolonté d’exister dans des courants politiques malidentifiés, on les assimile à une masse informe,dépourvue d’objectifs précis et au caractère moutonnier.C’est peut-être cela la “post-humanité” que certainsavancent sans trop y croire. Pourtant, je n’oublie pas lessignes précurseurs. Ni la thèse d’Aristote, au demeurant.Il s’agirait alors du paradoxe de la démocratie…

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Je ne reviendrai pas sur la faillite de la NeueMittelstand allemande des années vingt qui porta Hitlerau pouvoir. C’est pourtant un signe fort, qu’on a tort denégliger. Mais où en serait-on aujourd’hui ? Lacampagne présidentielle française de 2007 est riched’enseignements quant au rôle des classes moyennes.Tout d’abord, la question migratoire et ses relentsd’insécurité y sont omniprésents. Plus que le problèmesouvent dramatique des délocalisations et la critiquepresque unanime de la mondialisation – qui évite sansdoute de mieux comprendre l’évolution financière dulibéralisme – l’ouverture des frontières demeure uneobsession. Autrement dit, on voudrait qu’elle soit à sensunique : permettre aux touristes des classes moyennesd’aller où bon leur semble, même de manière quasi-permanente pour les seniors fuyant les contingencesfiscales, et restreindre l’entrée des migrants du Sud quifuient la pauvreté de leurs territoires d’origine. Ensuite,la question du travail, a contrario celle des 35 heures etdu faible taux d’activité de la population active engénéral, sont sur la sellette. Tous les professionnels dutourisme ne réclament pas autre chose pour leur clientèle,que de disposer de temps libre et de bons revenus. Enfin,beaucoup craignent l’élargissement du corps électoral,lié à l’inscription massive de jeunes sur les listesélectorales. Seul le vote massif des classes moyennesaisées et plus aisées contrarierait cette nouvelle donne,car elles demeurent contrôlables en théorie. Enconclusion, à l’instar de l’exemple français, lagéopolitique des pays riches est fondée sur le rôle desclasses moyennes…

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Or le vieil adage romain, panem et circenses, s’ila les accents de la décadence, résumerait l’idéaldémocratique qui prédomine. Augmenter les revenus desclasses moyennes et accroître le tourisme de masseiraient de pair, et le colonisme apparaîtrait même commela solution apparente d’associer le développement despays pauvres à la richesse des pays riches. Ce ne seraitpas le revers de la mondialisation, mais plutôt unemesure d’accompagnement. Dans cette perspective, leconcept de “développement durable”, qui n’a pas vingtans, apporte la caution nécessaire, comme la tragédieenvironnementale annoncée devient le carcan utile pourplacer les populations des pays riches dans une situationde culpabilité. Je ne prétends pas, pour autant, que cesdeux idées soient stupides, mais elles corroborent levaste projet démocratique des pays riches. On peutpenser que je vois le mal où il n’est pas, mais j’avancerail’excuse qu’il ne s’agit, globalement, que d’unehypothèse générale.

Le règne de l’homo festivus, plus inévitable qu’onne le dit, ne peut pourtant pas s’imposer sans garde-fou.Mais, puisqu’il est le propre des classes moyennes despays riches et qu’on a choisi de les étudier dans lecontexte du tourisme international des pays pauvres (cf. le colonisme), il convient sans doute de montrercomment le Nord cherche à intégrer le Sud dans saspirale de développement. C’est-à-dire comment il peutdonner l’impression de se préoccuper de son avenir sansremettre en cause sa suprématie. Tout laisse à penser queles revenus en devises du Sud proviennent de plus enplus du tourisme international, qui représentent déjàquelque 200 milliards $ par an et sont en constante

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augmentation. Ils deviennent, en tout cas, supérieurs aurapatriement d’une partie des salaires des immigrés duSud au Nord (170 milliards $ par an, les remesas à Cuba),et plus élevés que les IDE ou investissements directs àl’étranger (165 milliards $), à divers financementsprivés, parfois liés au tourisme (135 milliards $) et àl’aide officielle internationale multilatérale ou bilatérale(80 milliards $). Cependant, au total, cela ne fait guèreplus de 750 milliards $, soit 2% du PIB de la planète…

Le tourisme international participerait donc deplus en plus au développement du Sud et sans doute àcelui qui est le moins émergent. Cette observationrenvoie à la problématique initiale fondée sur lescourants migratoires et à l’opportunité, pour les classesmoyennes, de changer de comportement. En effet, onpeut se demander si un certain tourisme solidaire,concept plus fort que le tourisme durable, ne serait passusceptible d’aboutir à des opérations de co-développement. Elles associeraient alors des touristesinternationaux, des migrants exilés et les populationslocales. Cette utopie vaut-elle mieux que l’hypothèsemondialiste évoquée ci-dessus ? Conjuguée au tourismede masse, qui perdurerait, elle modifierait en profondeurles relations du binôme touristes-visités. Mais, une foisencore, elle supposerait que les classes moyennes, quin’intègrent déjà pas les migrants du Sud chez eux, soientcapables d’initier des programmes justes et structurants.Après avoir assombri le tableau, on peut rêver etdemander, avec Aminata Traoré23, de “mettre un terme àcet état de dépersonnalisation absolue dont parlait FranzFanon”, c’est-à-dire “le viol de l’imaginaire” selon letitre même de son ouvrage publié en 2002…

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Conclusion

En termes géopolitiques, il y a un lien fort entre lecolonisme et le tourisme de masse des classes moyennes.Certes, en termes comptables, la contribution dutourisme international au développement du Sud estappréciable. Mais, sur le plan social sinon moral, lerésultat n’est guère brillant. Ainsi, dès lors que les paysdu Sud sont envahis par des cohortes de touristesoccidentaux, curieux mais irrespectueux par manqued’éducation, mais surtout soucieux d’élargir leur sphèrede loisirs à l’ensemble de la planète, il ne faudrait pasque le sacrifice des populations visitées n’ait aucunecompensation. L’industrie touristique, n’en déplaise àcertains de ses managers, doit devenir une activitééconomique lucrative pour tous, créatrice de richessespartagées, et pourvoyeuse d’emplois qualifiés et bienrémunérés. Hélas, dans l’extension du tourisme actuel,on pourrait croire qu’on assiste de nouveau à quelque“conquête de l’ouest”, où les migrants temporairesaccompagnent des financiers souvent sans scrupule et oùles populations visitées s’apprêteraient à vivre dans desréserves comme les Indiens d’Amérique du Nord. C’estle sens du terme de colonisme, que je propose…

Tout dépendra pourtant de l’évolution des classesmoyennes au sein des pays riches, et c’est pourquoi jen’ai pas dissocié leur attitude dans le Sud de leur modede vie chez elles. Des ONG24 auront beau tenter demettre en place un tourisme équitable, complice despopulations locales, cela restera toujours confidentielsans un engagement plus fort d’une partie des millions etdes millions de touristes qui veulent séjourner dans le

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Sud. On doit former de véritables professionnels dans leSud mais on doit également mieux orienter les classesmoyennes qui y déferlent. L’OMT et les États devraientenfin sérieusement songer à des opérations de co-développement qui, outre les questions touristiques,apporteraient aussi d’autres perspectives aux problèmessans fin de l’immigration. La solution est donc politiqueet s’inscrit dans le cycle de la mondialisation. Sansréitérer mes craintes, que j’ai formulées sansménagement, je prétends que ce sont les classesmoyennes qui détiennent la clé d’un développementharmonieux du Sud. Or elles dominent sans réguler. Ellessont omniprésentes sans dessiner aucun contour sérieuxdans leurs pays riches. Elles veulent jouir du bon tempssans consentir de sacrifices. Elles sont incontrôlables,comme le tourisme de masse…

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ANNOTATIONS & BIBLIOGRAPHIE

1 Jean-Michel Hoerner, Géopolitique du tourisme, à paraître chezArmand Colin et Géopolitique du capital aux Éditions Ellipses.

2 Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris,Ed. Arthaud, 1985.

3 Le terme “colonisme” a été utilisé lors de la conquête coloniale del’Algérie, au 19e siècle, puis a été abandonné.

4 Jean-Michel Hoerner, Les classes moyennes dans la barbarie(Ed. Balzac, 2002).

5 Yves Lacoste, Géopolitique, Paris, Larousse, 2006.

6 Peter Sloterdijk, in Les battements du monde (Alain Finkielkraut etPeter Sloterdijk), Paris, Pauvert / Fayard, 2003.

7 Alfred Jarry, La chandelle verte, 1907.

8 René Duchet, Le tourisme, à travers les âges sa place dans la viemoderne, Paris, Vigot Frères Éditeurs, 1949.

9 Mimoun Hillali, Le tourisme international vu du Sud, Presses del’Université du Québec, 2003.

10 Paul Claval, Géopolitique et géostratégie, Paris Nathan, 1994.

11 Organisation mondiale du tourisme.

12 OMT, Tourisme, horizon 2020, Madrid, 1999.

13 Alexandre Adler (présentation), Le rapport de la CIA, comment serale monde en 2020 ?, Paris, Robert Laffont, 2005.

14 Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.

15 Philippe Muray, Après l’Histoire II, Paris, Les Belles Lettres, 2000.

16 Philippe Muray, Op. cit.

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17 Louis Chauvel, Les classes moyennes à la dérive, Paris, Le Seuil, 2006.

18 Géopolitique du capital, Op. cit. à paraître.

19 Jean-Michel Hoerner, Essai sur la famille Fenouillard, à paraître.Cf. l’article in fine sur la comédie La famille Fenouillard fait sontourisme, écrite par Jean-Michel Hoerner et Laurent Prat, et montéepar la troupe “Le théâtre chez soi” (2007-2008).

20 Christophe, La famille Fenouillard, Paris, Ed. Armand Colin, 1893.

21 Marc Boyer, Histoire du tourisme de masse, Paris, PUF/Que sais-je ?n° 3480, 1999.

22 Op. cit.

23 Interview d’Aminata Traoré (une femme en colère), Le Monde 2n°72 de juillet 2005.

24 Organisation non gouvernementale.

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ENJEUX ET LIMITESDES DESTINATIONS “E-ATTRACTION”Laurent BOTTI, Andrès GUZMAN SALA,

Nicolas PEYPOCH et Bernardin SOLONANDRASANAde l’Université de Perpignan Via Domitia

Résumé : Il est désormais admis que le tourismeengendre des répercussions économiques, plus ou moinspositives, sur l’économie locale. L’objectif de ce papierest d’analyser ces répercussions. Pour cela, l’article estbasé sur le concept d’attraction touristique et notammentla notion de “E-attraction”. La connexion est établieentre différents éléments de l’économie du tourisme,durée de séjour et fréquentation, et ce type d’attraction.

Ces connexions permettent d’identifier les enjeuxet les limites pour une destination d’être perçue par lestouristes comme une “E-attraction”. Plus précisément, ilapparaît que le fait d’être considéré par les touristescomme une “E-attraction” permet à une destinationd’augmenter la durée de séjour de ses touristes maisqu’un tourisme durable pour une telle destinationnécessite une attention particulière en ce qui concerneson niveau de fréquentation.

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La croissance du tourisme mondial et les avancéesdans la théorie des externalités1 ont poussé, ou permis, àde nombreux chercheurs d’analyser les impacts del’activité touristique sur une destination. Pourtant, ilsubsiste des zones d’ombre dans ce domaine derecherche notamment si l’on considère que l’activitétouristique dépend principalement de “l’attractivité” dela destination en question. Cette hypothèse de travailn’est en rien étrange puisque, même si la fréquentationfuture d’une destination est liée à de nombreux facteurscomme la promotion, il est évident que la venue destouristes dans une destination dépend essentiellement dela manière dont ces derniers la considèrent en termed’“attraction”. Certains auteurs soulignent même quesans attraction, le tourisme cesserait d’exister (Gunn,1972, Pigram, 1983) tandis que d’autres y ont consacréune grande partie de leurs travaux (Lew, 1987, Leiper,1990).

Il apparaît ainsi nécessaire de relier l’étude desimpacts de l’activité touristique sur une destination à sonattractivité. D’autant plus que les sites les plusimpressionnants de notre planète, ceux que l’on peutconsidérer comme les plus attractifs, sont souvent ceuxqui doivent faire face aux externalités les plus difficiles àgérer. Les touristes arrivent quand ils le désirent,provoquant des retards et des encombrements, ce quigâche une partie de la satisfaction qu’ils retirent du site,et ce qui risque de les décourager de réitérer leur séjourou de recommander la destination à leurs proches.

Cet article a pour objectif d’approfondir l’analysedes impacts de l’activité touristique sur une destination.Pour les raisons que nous venons d’évoquer, cette

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analyse se fera à partir du concept d’attractiontouristique. La première section y sera consacrée. Nous yprésenterons plus en détail la notion de “E-attraction”instruite par Caccomo et Solonandrasana (2002) et nousmontrerons que le fait que les touristes considèrent ladestination comme une “E-attraction” peut influer surleur durée de séjour. Nous étudierons ainsi les avantagespour une destination à être vues par les touristes commeune “E-attraction”. Au contraire, la section 3 présenterales impacts négatifs liés au fait que les touristesidentifient la destination à une “E-attraction”. Dans laquatrième et dernière section, nous verrons dans unpremier temps que les externalités négatives étantessentiellement liées au “tourisme de masse” il estnécessaire de prendre en compte la notion de “capacitéde charge”. Dans un second temps, nous présenteronsnos conclusions.

Attraction touristique et durée de séjour

L’attraction touristique est l’élément qui tire letouriste hors de son environnement habituel (Lew, 1987).Cette définition, très large, ne précise pas quelles formespeut prendre l’attraction touristique et il est utile de sepencher sur les nombreuses classifications pour mieuxidentifier ce qu’est, ou ce que peut être, une attractiontouristique.

Les classifications des attractions touristiques

Mehmetoglu et Abelsen (2005) ont récemmentrésumé les différentes classifications proposées mais,parce qu’elles permettent de mieux cerner le concept

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d’attraction touristique, il est toutefois pertinent derevenir sur les classifications de Leiper (1990), de Gunn(1994), de Wall (1997) et de Benckendorff (2006).

La première dresse une classification à partir del’intensité de la motivation à visiter l’attraction. Leiperdistingue ainsi les attractions primaires, secondaires ettertiaires. L’attraction primaire est celle qui correspondau motif du voyage, elle est donc déterminante dans lechoix de la destination. Au contraire, les attractionssecondaires et tertiaires ne jouent aucun rôle dans cechoix. Ce qui permet de les distinguer est la connaissanceque le touriste en a ou pas avant son arrivée sur le site. Ilsoupçonne l’existence des attractions secondaires alorsqu’il n’a aucune idée de la présence des attractionstertiaires.

La classification de Gunn (1994) propose declasser les attractions à partir de trois critères. Le premiercritère repose sur le statut de l’organisation qui gèrel’attraction : organisation publique, association ouentreprise commerciale. Le deuxième critère est la naturede la ressource sur laquelle repose l’attraction : ressourcenaturelle ou créée par l’homme. Le dernier critèrecherche à identifier l’importance de l’attraction : est-ellel’unique raison de la venue du touriste sur la destinationou est-elle la composante d’un circuit touristique?

La typologie de Wall (1996) suggère que lesattractions sont de trois types en fonction de leurdimension spatiale : en dimension 0, un point (musée) ;en dimension 1, une ligne (plage) ; en dimension 2, uneaire (station de ski).

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La plus récente des classifications est celle deBenckendorff (2006). L’auteur propose une présentationordonnée des différentes attractions touristiques à partirde la figure ci-dessous. L’axe vertical distingue lesattractions suivant leur origine naturelle ou humainealors que l’axe horizontal fait la différence entre lesattractions permanentes et temporaires2.

Figure n°1Les différents types d’attractions

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Les notions de “D-attraction” et de “E-attraction”

En s’appuyant sur les touristes, sur leur façon deconsommer l’attraction, Caccomo et Solonandrasana(2002) ont proposé une typologie originale desattractions touristiques. Pour ces auteurs, toutes lesattractions peuvent être regroupées en seulement deuxtypes d’attractions : les “attractions Découverte”appelées “D-attraction” ou bien les “attractions Evasion”appelées “E-attraction”. C’est le touriste qui détermine,en la consommant, à quel type d’attraction appartientl’attraction qu’il fréquente. Plus précisément, c’estl’étude de l’évolution de sa satisfaction (S) qui permet dequalifier l’attraction de “E-attraction”, si la satisfactionperdure, ou de “D-attraction”, si la satisfaction atteintplus ou moins rapidement un point de satiété3. Cetteclassification des attractions se distingue donc de celleprésentée précédemment dans la mesure où le touriste estici au cœur de la classification.

Récemment, Peypoch et Solonandrasana (2007)ont prolongé ces concepts. Ils se sont focalisésprincipalement sur le concept de “E-attraction” enmontrant que l’enjeu pour une destination touristique estd’être considérée par les touristes comme une “E-attraction”. En effet, la caractéristique principaled’une “E-attraction” étant son attrait permanent pour letouriste, le comportement de ce dernier à son égard peutêtre répétitif4. Cette répétition de la consommation peutse traduire concrètement par l’extension de sa durée deséjour. On comprend rapidement que l’enjeu est de tailledans la mesure où une nuitée supplémentaire effectuéepar des millions de touristes représente des recettesappréciables pour l’économie locale.

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Attraction touristique et fréquentation

Pour une destination à prédominance “E-attraction” donnée, si chaque touriste peut allonger sadurée de séjour ou revenir fréquemment, alors lafréquentation touristique de cette destination seradéterminée en tenant compte de ses différentesexternalités. C’est dans cette optique que nousaborderons l’étude de la fréquentation touristique avec lamise en avant de ses spécificités.

Fréquentation touristique et externalités

L’analyse du secteur touristique se trouvegrandement enrichie par la théorie économique desréseaux. Cette théorie, développée dans les années 80pour comprendre les processus de diffusion à l’œuvredans le développement des nouvelles technologies del’information, repose en grande partie sur le conceptd’externalités. Ce concept est crucial pour mettre enévidence les phénomènes spécifiques à la fréquentationtouristique.

Les externalités de réseaux constituent un typeparticulier d’externalités dans lequel l’utilité d’unindividu pour un bien dépend du nombre de personnesqui consomment ce bien5. A l’échelle internationale,espace de développement des réseaux d’informations, leréseau Internet a une plus grande “valeur” que le réseauMinitel puisque le nombre de personnes connectées et deservices offerts y est plus important (Caccomo etSolonandrasana, 2001).

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L’analyse de la fréquentation touristique peut êtreenrichie à partir de ce phénomène d’externalités deréseau. En effet, bien qu’une destination soit composéed’un patrimoine, d’un environnement spécifique ou detoute autre raison objective qui constitue son attractivitéintrinsèque, elle n’a de la valeur que lorsqu’il y a destouristes. Un site, comme une station balnéaire ou uneville, est touristique parce que des touristes lefréquentent. C’est donc la fréquentation touristique quiconfère une valeur touristique à la destination ; entredeux destinations présentant les mêmes caractéristiques,celle qui sera la plus fréquentée sera aussi considéréecomme la plus touristique.

Le phénomène de mode joue donc un rôleimportant dans le comportement des touristes. L’attraitd’un site historique, d’une réserve ou d’un parc à thèmepeut être partiellement influencé par le fait que d’autrespersonnes ont déjà choisi cette même destination. Demême, il a été mainte fois observé qu’un restaurant videexerce moins d’attractions aux yeux des chalands qu’unrestaurant fréquenté ; et que sur une plage, les vacanciersont tendance à se placer les uns à côté des autres plutôtqu’à rechercher un endroit complètement délaissé.

Ce phénomène de mimétisme ou d’agglomérationest intimement lié au problème, bien connu deséconomistes, de l’asymétrie d’information qui sévitlorsque le consommateur doit prendre des décisions parrapport à un bien d’expérience6. En effet, le fait qu’unrestaurant soit plutôt bien fréquenté délivre uneinformation précieuse aux yeux du touriste non informé :a priori, c’est un signe de qualité. Ainsi, le comportement

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du touriste est influencé par le comportement des autrestouristes car l’observation des autres apporte uneinformation précieuse dans le cas de la consommationdes biens d’expérience.

De plus, les touristes ne consommentexclusivement le site que rarement. En effet, peu detouristes sont en quête de solitude et ceux-ci recherchentsouvent un environnement sociologique pouraccompagner le site. Cet environnement sociologique, liéà l’intensité de la fréquentation du site, entre alors dansla “valeur touristique” de la destination.

La courbe de fréquentation touristique

Traditionnellement, la courbe de demande indiquele prix maximal que les consommateurs sont prêts àpayer pour acquérir une quantité de bien donné. Enprésence d’externalités de consommation, nous savonsque la “valeur” du bien dépend du nombre de personnesqui consomment ce bien.

La figure ci-après représente une courbe de lafréquentation touristique d’une destination en fonctionde la disposition à payer des touristes. Cette relation estcaractérisée par l’existence d’externalités deconsommation.

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Figure n°2La courbe de fréquentation touristique

en présence d’externalités

La courbe ci-dessus est composée de deux partiesillustrant l’effet de deux phénomènes. D’une part, dans lapremière partie de la courbe, c’est-à-dire pour tous lesniveaux de fréquentation inférieur à F*, la fréquentationet la disposition à payer varient dans le même sens.L’augmentation de la fréquentation étant un indicateur dequalité, la destination prend de la valeur aux yeux destouristes. L’externalité de consommation est ici positive,c’est-à-dire que l’affluence envoie un signal positif etaugmente la valeur du produit.

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D’autre part, dans la deuxième partie de la courbe,c’est-à-dire pour tous les niveaux de fréquentationsupérieur à F*, l’augmentation de la fréquentationentraîne une diminution de la disposition à payer destouristes. La fréquentation et la disponibilité à payervarient ici dans le sens opposé parce que l’externalité deconsommation est devenue négative. Les phénomènes decongestion et d’encombrement liés à une augmentationde la fréquentation diminuent la valeur du produit.

Au point F* qui représente le point deretournement, la disposition à payer des touristes, D*,est donc maximale. Au-delà de ce niveau defréquentation, la disposition à payer des touristescommence à diminuer. Si la destination veut continuer àattirer des touristes, il faut que les prix diminuent parceque le dépassement de ce point est perçu comme unedégradation de la qualité du produit aux yeux destouristes.

Les différents équilibres

Afin d’analyser la dynamique du marchétouristique en présence d’externalités, il faut introduire lacourbe d’offre touristique. Cette courbe d’offre établittraditionnellement une relation entre la quantité offertede bien et le prix. Pour un souci de simplicité et sansperte de généralité, nous allons supposer que la courbed’offre touristique est représentée par une droite verticaleà un prix égal au coût moyen (Varian, 2003).

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Figure n°3La dynamique du marché touristique

en présence d’externalités

Par la confrontation de l’offre et de lafréquentation, la figure n°3 révèle l’existence de deuxpositions : ce sont les points d’équilibre E et E’. Au pointE, l’équilibre est instable avec une faible fréquentationqui s’établit au niveau F. En ce point, les touristesconsidèrent cette faible fréquentation comme un signe dequalité insuffisante – peut-être n’est-elle pas encore à lamode – de sorte qu’ils ne sont pas disposés à payer pluspour s’y rendre.

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Le point E’ traduit un équilibre stable quicorrespond à une forte fréquentation donnée par leniveau F’. Un tel équilibre caractérise les destinations quiaccueillent un tourisme de masse. Dans ce contexte, leprix est faible car les touristes supplémentairesn’attribuent pas une grande valeur au produit malgré lafréquentation élevée. Dans ce cas les externalitésnégatives l’emportent sur les externalités positives, doncla fréquentation est en relation inverse avec la qualité.

On voit donc clairement, par l’existence dutourisme de masse, toute l’importance pour lesdestinations d’être caractérisées comme des “E-attractions” par les touristes. Cependant, bien quel’allongement de la durée de séjour et/ou la répétition dela consommation soient considérés comme bénéfiques entermes de retombés économiques, ce phénomène posedes problèmes quant à la gestion de la masse des touristesprésents sur la destination.

Conclusion et discussion

Ce papier a mis en évidence les différents impactséconomiques pour une destination touristique lorsqu’elleest considérée comme une “E-attraction” par lestouristes.

Nous l’avons vu, l’effet cumulatif de lafréquentation touristique dans de telles destinations,même s’il augmente les revenus touristiques, peut aussigénérer des problèmes d’encombrements. Ces problèmessont intimement liés à la “capacité de charge” de ladestination7. Cette notion peut être définie comme le

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nombre maximum de touristes que la destination peuttolérer sans que se produisent une détérioration del’environnement et/ou une diminution de la satisfactiondes touristes.

Au regard de la destination étudiée, la capacité decharge peut avoir un caractère plus ou moins flexible. Eneffet, lorsque le nombre de visiteurs est excessif auregard de la capacité de charge matérielle, ou capacitéd’accueil, de la destination, il est parfois possible decréer des capacités supplémentaires pour réduire lesexternalités négatives que produit un nombre tropimportant de touristes (augmentation des prix, bruit,problème de stationnement…). Il est donc importantd’analyser la capacité de charge dans une optiquedynamique puisqu’elle est conditionnée par unenvironnement plus ou moins modifiable.

De plus, il faut noter que l’innovation peut jouerun rôle primordial dans l’augmentation de la capacité decharge d’une destination et on pourrait considérer quel’augmentation de la fréquentation touristique peutapparaître comme un stimulus pour les innovationspermettant d’accueillir toujours plus de touristes. Defutures recherches devraient tenter d’étayer ce point.

Ainsi, la principale recommandation que notrepapier permet de formuler est que les destinationsconsidérées comme des “E-attraction” doivent contrôlerla répétition de la consommation de leurs touristes afinde pouvoir bénéficier des retombées économiquesqu’elle suscite tout en garantissant une offre de qualitésur le long terme.

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ANNOTATIONS

1 Rappelons que les économistes utilisent ce terme pour décrire dessituations dans lesquelles la consommation d’un individu influencedirectement l’utilité d’un autre individu.

2 Dans ce papier, nous ne ferons pas de distinction entre les attractionstouristiques et le terme “attraction” représentera de manièreindifférenciée l’un des éléments de la figure ci-dessous.

3 Afin d’illustrer ces propos, considérons l’exemple d’un touriste quivisite une grotte. Si ce dernier n’est pas passionné par la spéléologie,il ne vient que pour contempler le site et se comporte comme unsimple spectateur. Une fois le site découvert et sa curiosité assouvie,la visite ne présente plus aucun intérêt pour lui et sa satisfactiondécroît si celle-ci traîne en longueur. En revanche, si le touriste estamateur de spéléologie, le site présente un attrait permanent pour luiet sa satisfaction croit au fur et à mesure qu’il explore ce dernier sansatteindre de point de retournement.

4 Le comportement des touristes par rapport à une répétition de leurconsommation permet donc d’identifier le type de l’attraction. Sil’effet de répétition est identifié, alors la destination est àprédominance “E-attraction” aux yeux du touriste ; dans le cascontraire, les touristes considèrent la destination comme une “D-attraction”.

5 La valeur d’un réseau de communication est, par exemple, liée aunombre de personnes connectées à ce réseau. Si personne n’a detéléphone, il n’est pas intéressant d’en acheter.

6 Rappelons qu’un bien d’expérience est un bien dont on peutdifficilement juger la qualité avant de l’avoir consommé.

7 A ce sujet, voir Peypoch et al. (2005).

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LA DÉMARCHE EXPÉRIENTIELLE EN HÔTELLERIE : UNE INNOVATION NÉCESSAIRE

Saida MERASLI, Professeur Agrégé à l’Université de Perpignan Via Domitia

Résumé : En hôtellerie de nouvelles offres sont entrain d’émerger où l’expérience de séjour devient leproduit. Le service de base (la chambre) devient quasiaccessoire face à la multiplication des servicespériphériques, l’offre d’un produit aux formats plusindividualisés voire thématisés contribue à marquer leséjour touristique comme une véritable expérience.L’objectif de cet article est de proposer après une mise enperspective de l’hôtellerie aujourd’hui, une réflexionautour de la consommation touristique. Nous tenteronsde montrer notamment à travers l’exemple du nouveauconcept promu par le produit Novotel du groupe Accorque la démarche expérientielle est particulièrement enadéquation avec le produit hôtelier et son évolution.

Mots clés : produit hôtelier, expérience deconsommation, démarche expérientielle, innovation.

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Abstract : New formulas in hospitality areemerging where the stay experience becomes theproduct. The basic service (the room) becomesincidental, facing the multiplication of the peripheralsservices, the offer of a product to more individualizesformats, and indeed it contributes to mark the tourist stayas a true experience. This article is an attempt to proposeafter a placement in perspective of the hospitalityindustry today a reflection around the touristconsumption. We expect to show through the example ofthe new concept of Novotel of the Accor group that thegait experiential is particularly in appropriateness withthe hospitality product and his evolution.

Key words: hospitality product, consumptionexperience, experiential marketing, innovation.

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L’hôtellerie1 est un maillon majeur de la chaîne duvoyage, mais aussi un secteur d’activité en forte mutationet complexe. Ce secteur s’industrialise et seprofessionnalise face à des attentes du consommateur enpleine évolution dans un environnement fortementconcurrentiel. L’idée de nouvelles formules émerge enhôtellerie, cette tendance est confortée par les propos deGilles Larivière et Jocelyn Jussaume (2004), lorsqu’ilsdéclarent :

“(…) on se rend maintenant bien compte que“l’expérience de séjour” est devenue “le produit” de cesecteur et que “la chambre” ne joue plus qu’un rôleaccessoire. Ce sont ceux qui auront vu venir cechangement qui marqueront l’avenir”. L’offre enhôtellerie doit être repensée à l’aune de ces changementspour intégrer une démarche innovante, celle du modèleexpérientiel. Nous proposons dans cet article après unemise en perspective de l’hôtellerie aujourd’hui et uneréflexion autour de la consommation touristique, demontrer notamment à travers l’exemple du nouveauconcept promu par le produit Novotel du groupe Accorque la démarche expérientielle est particulièrement enadéquation avec le produit hôtelier et son évolution.

Le dynamisme du secteur du tourisme reposenotamment sur sa capacité d’innovation, la démarcheexpérientielle participe à ce mouvement d’innovation.Cette nouvelle approche répond à une demande de plusen plus exigeante en attente d’une offre plus attractive entermes de prix mais aussi de formats plus individualiséset plus thématisés qui renforce l’idée que le séjourtouristique est un véritable produit d’expérience. Cettedémarche s’inscrit dans le cadre plus général dumarketing expérientiel2.

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L’hôtellerie et l’innovation

Rappelons que l’hôtel est un établissementcommercial qui offre des prestations d’hébergement etaccessoirement de restauration, d’animation, à uneclientèle de passage et l’innovation est un facteurd’accélération des mutations de l’industrie hôtelière.

Innovation et dynamique de l’industrie hôtelière

Dans son sens large, l’innovation désigne toutchangement introduit dans le système productif. Letourisme a longtemps était perçu comme un secteurd’activité utilisateur d’innovations technologiques maispas comme un secteur porteur et catalyseur d’innovation.C’est ce que confirme les propos de François-XavierDecelle (2004) : “Pourtant, on a longtemps pensé que letourisme en particulier, et les services en général, étaientdes activités peu productives, peu capitalistiques etincapable d’innover”. Le client étant considéréaujourd’hui comme le point de départ de l’innovation etnon plus comme le point final, l’intégration très tôt duclient qui est le destinataire de l’innovation est uneapproche nouvelle où la demande devient le moteur de ladynamique de l’offre. L’innovation part du client pouraboutir au client en instaurant une boucle itérativevertueuse. L’offre du “produit” hôtelier s’appuie de plusen plus sur les concepts de “séjour” et d’expérience.

Dans cet article, nous nous interrogeons sur ladimension innovatrice du modèle expérientiel dansl’industrie hôtelière. Ce qui semble important dans unecréation d’expérience, c’est d’insister sur le coté

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dynamique de ce système d’offre. La “spiraleexpérientielle” mettant en interaction tous les leviers,repose sur les axes suivants : surprendre leconsommateur, thématiser et théâtraliser l’offre etutiliser l’esprit de la marque ou enseigne. La recherched’expérience gagne le consommateur touristique quicherche à s’évader vers des expériences différentes,aujourd’hui la seule satisfaction des besoins n’est plussuffisante. Dominique Bourgeon et Marc Filser (1998)relèvent notamment que le comportement duconsommateur de services dépend davantage del’expérience vécue que des attributs du produit luimême : “(…) de variables qui gouvernent lecomportement dans les domaines où l’expérience vécuepeut être plus importante que les attributs du produit oudu service consommé.”3. Le consommateur de servicestouristiques ne déroge pas à cette règle. En effet,l’expérience vécue repose sur la relation co-productiveentre les deux acteurs et dès lors que le service estimpliquant, comme c’est le cas pour le produittouristique, cette expérience joue un rôle clé dans laperception de la prestation consommée et le degré desatisfaction du consommateur.

La délimitation des attentes du touriste n’est passimple, le terme d’attente convient d’ailleurs mieux quecelui de besoin (qui est plus couramment admis enEconomie), car les désirs et les souhaits sont pour unebonne part implicites voire tacites. Le rôle du personnelde front et back office, est de comprendre les attentes duclient et de les traduire dans la prestation touristiqueofferte. Cet état, confère par conséquent un rôle clé auxacteurs en présence lors de la consommation du service,

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à savoir, le client bien sûr mais aussi le personnel. Leconcept de servuction permet d’éclairer les spécificitésde la production du produit hôtelier (figure 1). “Laservuction est l’organisation systématique et cohérentede tous les éléments physiques et humains de l’interfaceclient-entreprise, nécessaire à la réalisation d’uneprestation de service dont les caractéristiquescommerciales et les niveaux de qualités ont étédéterminés.” Pierre Eiglier et Etienne Langeard (1987)4.La servuction modélise le processus de production desservices et formalise bien l’approche, centrée sur laparticipation du client au processus de production“customer involvement approach” selon Ronald Chase 5(1995). L’output (le service produit) n’est pas du seulressort de la firme mais dépend aussi du“professionnalisme” du client. L’efficacité de lacoproduction dépend donc forcément de la capacité de lafirme à piloter la participation du client. Le processus deservuction peut se schématiser au travers de troisniveaux mettant en interaction le front office6, le backoffice et le client :

- l’entreprise en contact avec le client : personnel etenvironnement matériel (guichet, cabine d’avion,chambre d’hôtel…). Il s’agit des aspects visiblespar le client, c’est-à-dire le personnel d’avant-scène ou de font office et tous les élémentstangibles.

- les moyens de l’entreprise inaccessibles auxclients (invisibles) mais nécessaires à laproduction des services. Ces moyens sont

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invisibles aux yeux du client car ils appartiennentà la dimension dite back office ou d’arrière-scène.

- les relations des clients entre eux qui se traduisentpar les nombreux contacts qui se créent entre lesindividus au moment du service ou après laconsommation du service. Ces relations ont unréel impact sur la perception du service par lesclients à travers le “bouche-à-oreille” notamment.

Dans le cadre de la prestation hôtelière quatresous-systèmes en interaction peuvent être repérés (figure 1) : le premier sous-système celui du client (sesbesoins, sa capacité à participer, ses ressources…), ledeuxième sous système est constitué par le supportphysique (la chambre d’hôtel, le mobilier, les partiescommunes : bar…), le troisième comporte le personnelde contact (réceptionniste, femme de chambre,gouvernante…) et enfin le service lui-même. Grâce auxnouvelles technologies de l’information et aux outilsqu’elles apportent, les hôteliers par exemple disposent demoyens de plus en plus performants pour mieuxconnaître leur clientèle et en tirer avantage afin deproposer une offre de plus en plus individualisée.

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Figure 1La Servuction de l’entreprise hôtelière

La prestation de service est par essencehétérogène. L’hétérogénéité renvoie à l’idée que leservice est difficile à standardiser, même si au cours de la

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période de développement de l’activité touristique selonle modèle fordiste, le tourisme de masse s’est employé àhomogénéiser l’offre. Le service touristique est fonctionà chaque fois de l’expérience vécue par l’individu aucours de son séjour touristique. Cette caractéristique créechez le consommateur un sentiment d’incertitude qu’iltente de réduire, notamment en ayant recours aux outilsqui sont mis à sa disposition par le prestataire deservices. Dans l’industrie du tourisme où les servicesproposés ont une haute intensité de main-d’œuvre,l’hétérocentrique encourage à la fidélité duconsommateur lorsque ce dernier vit une expériencequ’il juge de grande qualité.

Il faut enfin noter que le service a un caractèremultidimensionnel en raison de deux de sescomposantes. La prestation de service elle-même offerteau consommateur : transport, hébergement, animationsculturelles ou sportives… et l’expérience ressentie par leclient lors de la prestation. Même si la prestation estbonne, le consommateur peut ressentir une insatisfactionimputable à l’expérience vécue lors de l’achat de service(qualité de l’accueil, ambiance, temps d’attente, humeurdes employés…). Cela doit conduire l’entreprise àmaîtriser l’ensemble des composantes de la prestation deservices. La participation active du consommateur auprocessus de production suppose qu’il existe commepréalable un climat de confiance7 entre le client etl’entreprise comme le confirme Franck Tannery (1997) :“L’offre de service forme un catalogue de possibles etrequiert de bénéficier d’une confiance en l’effet qui seraobtenu (…) de même le client ne doute pas que les drapsde la chambre d’hôtel ont été changés, en conséquence

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l’entreprise doit jouer sur la croyance et l’espérance pourque le client accepte la prise de risques que constitue sademande de service”, p. 66.

Services de base et services périphériques aucœur de l’offre touristique

Le tourisme, premier secteur économique mondial,est exemplaire du fait de la multiplicité des services debase ou périphériques composant l’offre. Cette offre estconstituée par une chaîne de services qui renvoie à lanature composite du produit touristique. Le produittouristique en tant que produit de services compositescomprend des services de base et des servicespériphériques ayant une vocation à différencier le produitselon le segment de clientèle mais aussi à positionnerl’offre vis-à-vis des concurrents.

En clivant les services offerts en services de baseet services périphériques, cela nous permet decomprendre comment la firme peut agir pour différencierson offre de produits et de prix. Le service de basecorrespond à la vocation première de l’entreprise. Pourune compagnie aérienne, c’est le transport de voyageursou de frets ; pour un hôtelier, c’est l’hébergement. Lesservices périphériques peuvent être analysés en termesde services “facilitateurs” ou de services“différenciateurs”. Les premiers permettent la prestationdes services de base, ils peuvent être indispensablescomme la billetterie ou la réservation. Les seconds, lesservices différenciateurs sont des servicescomplémentaires qui sont des “plus” pour les clients(exemples : service de restauration, téléphone, vente derevues, collations diverses…).

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Les services de base et les services périphériquesne sont pas figés. Les services différenciateurs sont trèsrapidement copiés par la concurrence et doivent fairel’objet d’innovations constantes. D’autre part ce qui est considéré aujourd’hui, comme un servicedifférenciateur peut devenir demain un service standard,devant figurer obligatoirement dans le service de base.C’est le cas du téléphone et de la télévision qui étaientconsidérés il y a une quinzaine d’années comme desservices différenciateurs pour les hôtels deux étoiles.Aujourd’hui ils sont devenus un service de base dans ceshôtels. C’est ainsi que les offres en matière de confortayant tendance à s’uniformiser, poussent les entreprises àêtre innovantes pour pouvoir différencier les prestations.L’exigence d’innovation en matière de servicepériphérique est impérative dans la mesure où peu à peutout service périphérique tend à être absorbé dans l’offrede service de base. L’innovation produite tend à êtreimitée, reproduite par les concurrents. Aussi, lesopérateurs touristiques sont contraints à poursuivre voireà renforcer leurs efforts en matière d’innovation pourgarder une longueur d’avance et ainsi différencier leuroffre sur le marché.

Les différents éléments qui composent le produittouristique forment selon Jean Stafford (1996) le cœur dece dernier. Ces éléments qui composent le produittouristique sont étroitement imbriqués les uns dans lesautres: “En tourisme, il n’y a pas de cercle de servicespériphériques qui soit négligeable. Le moindre problème,à un niveau, se répercute sur les autres et nuit à la qualitéglobale de l’ensemble. Cette interdépendance étroite està la fois un atout et une difficulté pour l’industrie

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touristique”. Jean Stafford 1996, p.45. Les servicespériphériques qui à priori peuvent être considérés commemoins importants jouent cependant un rôle déterminantsoit pour permettre la réalisation du service de base, soitpour tenter de légitimer une différentiation des prix pourune même prestation. Ils ont, en outre, un impact tout àfait réel sur la qualité globale du produit touristique, doncsur la compétitivité. L’éventail de services périphériquesfait l’objet d’une recherche permanente en termed’innovation. Des efforts continus sont nécessaires pourproposer des nouveautés, différencier l’offre. Ladifférenciation en renouvelant l’offre de produit permetde lutter contre le vieillissement du produit et permet derallonger son cycle de vie.

Le modèle expérientiel : la réponse aux nouvellesattentes de la clientèle touristique.

Parler de la démarche expérientielle dansl’hôtellerie8, sans évoquer la clientèle hôtelière etl’évolution de la demande de cette clientèle, estimpossible. Il s’agit, par conséquent de cerner lesgrandes tendances dans les attentes et le comportementd’achat de cette clientèle. Fondé sur un comportementhistorique des clients, la mise en œuvre d’une démarchede type expérientielle suppose une connaissance fine dela clientèle. Les données relatives aux réservations desclientèles dans l’hôtellerie doivent engendrées aprèstraitement un cercle vertueux qui se traduira à la fois parune offre adaptée au comportement d’achat de chaquesegment de clientèle mais aussi à une fidélisation de plusen plus sophistiquée.

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Comportement du consommateur touristique ou leconsommateur : à l’origine de la création du produittouristique

L’acte de consommation occupe une placecentrale dans la mesure où le tourisme est avant tout unfait de consommation. “C’est le comportement dutouriste qui est la source de l’émergence du produittouristique” selon Jean-Louis Caccomo et BernardinSolonanadrasana (2002, p.69). C’est le touriste quiconfère un caractère touristique au produit qu’ilconsomme. En effet, le contexte de consommation feraqu’une dépense est d’ordre touristique ou pas.L’identification d’un produit en tant que produittouristique n’est pas vérifiable avant le moment où il estconsommé (Sessa A, 1989).

L’avis du consommateur est de plus en plus pris encompte. Alvin Toffler (1990) parle de prosumer,néologisme pour désigner de nouvelles interactions entrele consommateur et le producteur. Cette interaction, sil’on en croit Valérie Patin (2005) modifie la définitionclassique du produit touristique comme assemblage deprestations : “(…) La construction du produit qui était, ily a quelques années, du domaine exclusif duprofessionnel du voyage, appartient aujourd’hui, pourune très large part au client. Grâce à Internet, le voyageurpeut s’informer, choisir les prestations qui luiconviennent le mieux, les assembler sous sa propreresponsabilité (…). L’ensemble du système touristique setrouve ainsi remodelé.”9. La définition traditionnelle duproduit touristique ne rend plus compte de la réalitéd’aujourd’hui.

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Le consommateur du produit touristique est àdouble titre un facteur clé dans la réussite d’unedémarche expérientielle. Il est à la fois, comme on vientde le voir le “déclencheur” de l’activité touristique entant qu’individu qui ressent le besoin de consommer duvoyage (il va allouer des ressources pour satisfaire cebesoin : du temps et des ressources monétaires) maiségalement, il est le co-producteur du produit qu’il vaconsommer. En effet le service est “fabriqué” enprésence du client, il se crée au fur et à mesure de laprestation. Le voyage se construit au fur et à mesure deson déroulement par le consommateur-touriste :souvenirs, relations avec l’Autre (personnels, autresvisiteurs, visités…). A cet égard, il est un produitd’expérience comme le souligne C. Ryan (1991) :“Essentially, tourism is about experiences of place. Thetourism “product” is not the tourist destination, but it isabout experience of that place and what happens there:[which is] a series of internal and external interactions.”

C’est ainsi que le produit doit maximiser lasatisfaction10 et l’utilité du consommateur et minimiserles coûts, être rentable pour dégager de la valeur. Le cultedu consommateur entraîne : écoute, anticipation, réactionrapide à ses besoins et à ses insatisfactions. Leconsommateur en même temps évolue ainsi que sesattentes pour devenir de plus en plus exigeant. Sonexpertise va croissante et il est davantage vigilant enmatière de qualité, de prix de l’offre qui lui est proposésur un marché concurrentiel mais aussi d’expérience quimarquera son séjour. S’interroger sur l’essence duproduit touristique, c’est mieux comprendre la nécessitéde la démarche expérientielle et que cette innovation estparticulièrement opportune pour ce produit.

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La perspective de recherche expérientielle commecadre d’étude du comportement du consommateurtouristique

Il fut un temps où le consommateur était qualifiéde “caméléon” pour souligner ses facultés adaptatives.On l’a ensuite appelé “cocooner”, “zappeur” ou encore“entrepreneur”, les métaphores ne manquent pas. Maisles opérateurs touristiques se trouvent face à desconsommateurs aussi imprévisibles qu’exigeants etcomplexes qui savent “lire” les offres proposées. Le but,dans cet article, n’est pas d’effectuer une synthèse del’ensemble des comportements de consommation repérésdepuis des décennies, mais de chercher à mettre enperspective quelques unes des caractéristiques quisemblent être originales et éclairer la demandetouristique future.

Le consommateur touristique est un individupoly-sensoriel comme le confirme Marc Filser (1996)quand il considère que le consommateur moderne sedétermine de plus en plus sur des critères affectifs, sanspour autant abandonner les critères cognitifs. PourFranck Oettgen (2004), “il s’agit d’une modificationimportante car elle implique une réelle adaptation enterme de marketing : il ne s’agit plus seulement d’évaluerun produit ou un service au travers de ses attributsintrinsèques mais de l’envisager dans un contexted’appréhension globale selon son aptitude à éveiller lessens”. Ainsi, pour proposer une offre en matièred’hébergement touristique marchand il s’agit de sollicitertous les sens du consommateur : l’odorat, le toucher,l’ouie, la vue et le goût pour procurer émotion et plaisir.

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Stimuler les sens du consommateur devient une variablecapitale. On peut le comprendre, ce ne sont plusseulement les concepts traditionnels de besoin et demotivation qui nous permettent de comprendre lesconsommateurs.

Le marché touristique est un marché asymétriqueoù les produits échangés sont à la fois des produitsd’expérience et des produits de confiance. RonaldNelson (1970) a défini trois groupes de produits selonleur sensibilité à l’asymétrie d’information (tableau 1).La perspective expérientielle introduit une nouvelledimension dans l’acte d’achat opéré par leconsommateur. Il y a une sorte de passage d’une valeurd’échange à une valeur d’usage au moment de la décisiond’achat. La transaction n’est plus réduite de manièreexclusive à l’acte d’achat via sa valeur d’échange maiselle porte aussi sur l’expérience voire sur la valeur que latransaction et donc la consommation vont procurer. Entant que produit d’expérience, la transaction qui porte surle produit touristique doit prendre en compte cette idéeque le touriste recherche une expérience à vivre voire desvaleurs spécifiques.

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Tableau 1Groupes de produits

et asymétrie d’information

Les attributs de recherche correspondent à despropriétés des produits vérifiables par le consommateuravant l’achat dans une situation où l’information estsymétrique entre le producteur et le consommateur.Alors, le problème de l’évaluation de la qualité duproduit est déterminé “à l’inspection du produit avantl’achat” (Lancaster K, 1996). Or pour le produittouristique, les attributs de confiance et d’expériencel’emportent sur la dimension recherche. Ainsi, les

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attributs d’expérience nécessitent d’expérimenter leproduit. L’approche expérientielle s’attache à expliquerle comportement de l’individu en considérant laconsommation de produit plus dans une rechercheexpérientielle plutôt que dans une recherche utilitariste.La consommation du produit touristique qui s’apparenteà une véritable expérience où le consommateur al’impression de vivre une expérience unique enséjournant dans tel ou tel lieu touristique. On passe ainsid’une valeur d’échange à une valeur d’usage dans lamesure où on propose de l’expérience à un momentdonné. Le comportement sur lequel s’appuie cetteapproche expérientielle est un comportement de typeexploratoire (Berlyne D, 1960) et de type observatoire.En terme d’expérience touristique, nous pouvons penserque le consommateur imagine ex ante son expérience enla construisant sur des attentes, des souvenirsd’expériences déjà vécues et qu’il vit et consommeensuite pendant son séjour une expérience à travers desévénements qu’il va vivre, des sensations qui vontconstruire des souvenirs ex post.

En tant que produit de confiance, le produittouristique s’appuie sur le concept de confiance12. Laconfiance est une “institution invisible” (Arrow K,1974), un “lubrifiant” des rapports économiques(Lorentz E, 1988), “une condition préalable à lacompétitivité” (Sabel C, 1992). Dans un contexte delimites cognitives dans lequel se trouve le consommateurtouristique la confiance devient nécessaire pourpermettre la réalisation de l’échange.

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Mise en œuvre de l’offre touristique : lathéâtralisation

Pour prendre en compte cette dimensionexpérientielle recherchée par le consommateur, une offredoit être mise en œuvre via une certaine forme dethéâtralisation. La théâtralisation de la prestationhôtelière suppose des acteurs (les clients et le personnel),un décor et une mise en scène, l’ensemble devantproduire et stimuler des sensations et contribuer à créerune expérience unique. Les deux acteurs qui se trouventsur le lieu (le théâtre) de l’expérience sont d’une part lesclients bien sûr mais également le personnel de contact(personnel de front office que certains appellent lepersonnel d’avant-scène). La présence de ce dernier estun élément qui participe à la production du service maisaussi au décor, à la théâtralisation de l’espacecommercial (l’hôtel). Le décor, l’environnementphysique de l’offre donne une indication matérielle dupositionnement de l’offre. A l’instar de Joseph Pine etJames Gilmore (2002), nous pouvons parler à propos del’organisation de la prestation hôtelière, d’uneorganisation de spectacle où le client participe auspectacle qui lui est offert.

La présence ou l’absence du personnel de contact,son rôle, ses compétences sont autant de facteurs quivont influencer le résultat de l’expérience sur leconsommateur. Le personnel de contact personnalise enquelque sorte l’établissement hôtelier aux yeux du client.Il joue un rôle primordial dans la satisfaction du client etpar la suite dans sa fidélité. Il participe à la consolidationdurable de la relation avec la clientèle. On ne dira jamais

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assez, que le personnel de front office qui est au contactdu consommateur contribue fortement à la perception duproduit donc du séjour touristique. Le client, quant à lui,participe directement à la production du service, donc àla création de sa propre expérience, il est “partieprenante” de la servuction touristique.

La stimulation des sens, permet de contribuer à lacréation d’un voyage sensoriel. Réveiller les sens duconsommateur, lui faire vivre des expériencessensorielles fortes, relèvent des ressorts incontournablesdu marketing expérientiel. Pour toucher unconsommateur toujours plus hédoniste, il s’agit d’utilisertous les facteurs de stimulation sensorielle. L’heure estaujourd’hui à la création d’ambiances qui vonttransporter le consommateur dans d’autres univers pourcréer une rupture avec ses espaces quotidiens et répondreau sentiment de “désirs d’ailleurs” (Michel F, 2000). Ladémarche expérientielle met l’accent sur des aspectssensoriels, cognitifs, émotionnels et relationnels del’expérience plutôt que sur les seules caractéristiquesfonctionnelles du produit. Pour stimuler leconsommateur, certains nouveaux ressorts comme lesémotions et les sensations qui répondent à une attitudeplus prégnante aujourd’hui, celle de l’écoute de soi, sontà même de séduire le touriste.

La “thématisation” des espaces a fait ses preuvesdans le secteur de la restauration, elle est en passe dedevenir un facteur clé de la réussite de l’hôtellerie dufutur. Elle participe de la tentative de différenciation del’offre qui permet un positionnement stratégique sur lemarché. La différenciation versus thématisation passe

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notamment par le développement d’expériencesmémorables qui accentue la perception et l’identificationde l’offre par la clientèle. L’objet de cette créationd’expériences est de contrer la banalisation du produit enincitant le client à s’engager émotionnellement dansl’offre proposée. Les produits plus thématisés ont alors lacapacité d’offrir des ambiances, des expériences quiséduisent aujourd’hui le consommateur. En offrant des imaginaires attractifs que l’on met en scène pourfaire ressentir ou expérimenter des ambiances, l’offredevient plus subjective et répond au phénomèned’individualisation des pratiques de consommation quicaractérise l’univers du tourisme d’aujourd’hui.

L’émergence de nouvelles offres en hôtelleries’inscrit comme le soulignent Gilles Larivière et JocelynJussaume (2004) dans de nouvelles approches et unenouvelle vision du client. “L’arrivée du client à l’hôtel oùl’attend un valet qu’il ne connaît pas et qui, pourtant,s’adressera à lui par son nom, et où son café préféré, sonjournal habituel ainsi qu’une foule de petites attentionspersonnalisées lui seront offerts dans sa chambre, sansmême qu’il ait à demander quoi que ce soit, ne fait pluspartie de la fiction”. A l’avenir, l’expérience de séjour setrouve au cœur de l’offre des établissements hôteliers.L’étude du comportement du consommateur dans sonenvironnement expérientiel de consommation, ce quecertains désignent par “l’expérilogie” ainsi que l’art dudesign pour habiller cette expérience “l’expéritecture”doivent permettre de construire une offre plus enadéquation avec la demande qui ne cherche plusseulement à satisfaire les besoins traditionnels mais àéprouver des émotions diverses dans des cadresdifférenciés voire thématisés.

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Le concept Novotel

Novotel, marque emblématique du groupe Accor,a vu le jour à Lille en 1967, les innovations se sontsuccédées depuis ce jour : gratuité pour les enfants dès1985 par exemple ou encore intégration de Lenôtre à laformation de l’ensemble des chefs de cuisine… En 2003,Novotel crée une nouvelle révolution avec la mise sur lemarché d’une nouvelle chambre Novation et l’adoptiond’une démarche résolument expérientielle.

Le produit hôtelier et la création d’expérience

Au premier abord, tout confirme qu’unétablissement hôtelier est capable de faire vivre uneexpérience à ses clients. Le personnel de contact estpartie prenante dans la création d’expérience pour leconsommateur. Pour créer l’expérience, le personnel defront office ou d’avant-scène doit être fortement impliquévoire “passionné”, l’immersion du client et son accès àl’expérience passe par la satisfaction et l’implication dupersonnel. Le personnel revêt un rôle relationnelfondamental dont les caractéristiques selon Eiglier etLangeard (1987) comportent trois dimensions : le visibleou l’apparence globale des personnes (sexe, apparences),le gestuel et le comportement (disponibilité, écoute) et leverbal (expression, élocution). Ce personnel de contactest aussi une sorte de relais entre le back office et leclient.

Pour appréhender la démarche expérientielle enhôtellerie, on peut convoquer la théorie de la proxémieétablie par Edward Hall (1966), bien connue chez les

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architectes et qui met en exergue la relation entre les cinqsens et la perception de l’espace. Une relation entre lessens et l’appropriation spatiale permet d’établir unedifférenciation entre les “récepteurs à distance” et les“récepteurs de contact”. On distingue ainsi, les sens del’éloignement qui sont la vue, l’audition et l’olfaction carle récepteur ou l’individu peut rester éloigner de lasource. En revanche, le toucher et plus particulièrementle goût, sont des sens de proximité, des “récepteurs decontact”, car l’individu se trouve proche de la sourcesensorielle. On peut considérer que la consommationd’un séjour dans un hôtel relève d’une expérience deconsommation caractérisée par “l’intensité des réponsesémotionnelles suscitées chez le consommateur” dont lescapteurs sensoriels jouent un rôle déterminant dans laperception du service offert.

Approche mercatique de l’expérience

L’expérience13 peut être définie en marketingcomme la connaissance acquise après une pratique et uneobservation conjuguées dans le cadre de laconsommation. Marc Filser (2002), répertorie plusieurscaractéristiques de l’expérience qui permettent declarifier le concept. L’expérience est subjective, elleinclut aussi une composante non expérientielle et ellerelève enfin d’une création individuelle. L’expérience estsubjective, elle se caractérise par l’intensité des réponsesémotionnelles positives ou négatives suscitées chezl’individu. L’expérience de consommation inclut unecomposante non expérientielle (fonction utilitaire) et une composante expérientielle. L’expérience deconsommation peut relever d’une création individuelle,

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elle s’appuie sur des interactions avec d’autres individusqui facilitent la production de cette expérience (il s’agiten particulier du personnel de contact qui joue un rôledéterminant dans ce processus, nous y reviendrons). PourMorris Holbrook et Elizabeth Hirschman (1982),l’élaboration d’expérience dans la consommation est lastimulation des cinq sens, la création d’univers quisortent le consommateur de son quotidien, le font rêveravec des concepts de plus en plus sophistiqués oùl’ambiance et l’esthétique sont omniprésents. Satisfaireun besoin d’inattendu des consommateurs est unedimension importante. Ils sont désormais attirés par desconcepts novateurs, qui révolutionnent un peu leurquotidien et qui, le temps de leur séjour, leur permettrade s’extraire totalement de leur quotidienneté.

Le nouveau concept Novotel Expérience

Novotel répond aux nouvelles attentes duconsommateur en réconciliant espace de travail et dedétente dans la même surface : bureau modulable etpivotant, branchements téléphone et ordinateur cotétravail ; tête de lit ergonomique, canapé convertible pourles enfants, décloisonnement de la salle de bain, espacede remise en forme, éclairage adapté et matériaux utiliséscoté détente. Ainsi, on peut constater qu’un Novoteldistingue plusieurs univers avec pour chacun, plusieursfonctions : le restaurant, le bar, le lobby, la chambre,l’espace forme.

- un espace restauration avec une nouvelleapproche : les concepts Novotel Café en France,Element Food en Grande Bretagne ou encore

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Clavaria en Espagne, donnent la possibilité auclient de choisir le moment, le lieu, le plat et laquantité désirée.

- le lobby, est un espace d’accueil mais égalementun espace de détente avec la structuration enplusieurs espaces : lecture, télécommunication,jeux pour les enfants.

- la chambre, aux cotés des fonctions classiques derepos et de travail, la chambre d’hôtel renfermeune dimension détente très étudiée (design, litergonomique, décloisonnement…)

- l’espace forme. Chaque hôtel dispose d’un espaceremise en forme, bien-être ou spa. Cet espacerépond aux besoins hédonistes du client où lesnotions de détente, de sérénité, d’apaisement et deressourcement. La largeur des espaces, leurconfort, l’ambiance lumineuse et élégante, flatteles sens.

- l’espace séminaire doté d’équipements moderneset pratiques et d’espaces modulables mis à ladisposition de la clientèle selon ses besoins.

Cet ensemble constitue la nouvelle offre hôtelièrequi invite à un voyage sensoriel qui stimule les sens àtravers une ambiance non seulement sonore mais aussivisuelle (les couleurs et les lumières) ainsi que les choixesthétiques résolument tournés vers la volonté d’unedémarche expérientielle. Cela contribue à créer uneatmosphère propre et à se démarquer sur le marché.Ensomme, les espaces sont mis en valeur de manièrespécifique, et les expériences “esthétiques” que va vivre“l’invité” seront différentes. Accor, dans ce nouveauconcept Novotel, considère l’esthétique différemment,

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c’est-à-dire non pas comme un attribut, mais comme uneforme d’interaction avec le client. C’est une manière demontrer à ses clients que Novotel se soucie d’eux etprend en compte leurs nouvelles attentes : formes etfonctions se trouvent réunis pour le bien-être et lasatisfaction du consommateur. L’esthétique est une voieà part entière pour séduire le consommateur en quêted’émotions et d’achats affectifs. Dès lors qu’elle faitpartie de l’ambiance, l’esthétique contribue à lamatérialisation de l’offre. Elle devient un langage etdonne une image de celui qui s’en sert, elle remplit unefonction imaginaire et une fonction sociale à la fois.Novotel devient alors un espace de vie où l’on peut à lafois flâner, prendre son temps, ou au contraire aller trèsvite, c’est un lieu qui permet une “multi-temporalité” etdes rythmes différents selon les individus ou selon lesmoments.

Ce qui donne une identité propre au conceptNovotel c’est la thématique du Natural living. Cettethématique que Novotel développe dans son nouveauconcept, adopte un nouveau slogan “Novotel, designedfor natural living”14. Le retour au naturel, dans lathématique Novotel a accordé une place importante auxéléments naturels : verre, acier, bois et céramique auniveau des espaces communs, mais aussi au niveau deschambres. La thématisation des espaces n’est pasquelque chose de nouveau, cependant pour créer uneexpérience, thématiser permet d’immerger et de toucherle consommateur et ainsi de marquer le séjour. Lesressorts de la thématisation sont nombreux, Novotel achoisi pour sa nouvelle stratégie de décliner celui duNatural living.

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Le nouveau consommateur est multi-facettes, ilest empreint et désireux d’affectif dans une volonté dechangements. La variable cognitive et rationnelle quicaractérisait exclusivement le consommateur d’autrefoisest insuffisante aujourd’hui pour cerner ses attentes et yrépondre. Par une offre avec de nouveaux formatsmettant l’accent sur l’expérience du séjour, l’industriehôtelière sera en capacité de mieux satisfaire leconsommateur. En effet, l’approche expérientielle estune réponse aux nouvelles attentes du consommateur oùl’expérience de séjour est appelée à jouer un rôledéterminant dans les futurs développements del’industrie hôtelière.

Ainsi le nouveau concept Novotel proposeaujourd’hui une offre nouvelle où le consommateur créeson expérience dans un contexte multi-rythmé.L’exemple de Novotel est emblématique de l’évolutionde l’offre touristique en matière d’hébergementmarchand autrement dit en matière d’hôtellerie.

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ANNOTATIONS

1 Jean Stafford (2004) souligne que : “l’hôtellerie est au tourisme ceque la route est aux voitures : nécessaire, mais insuffisante”.L’évolution de l’industrie hôtelière peut freiner ou accélérer ledéveloppement du tourisme, en étudiant l’évolution de l’offre del’industrie hôtelière, on éclaire les évolutions de toute l’industrietouristique.

2 Le marketing expérientiel est une révolution en rupture avecl’approche conventionnelle de la gestion de la clientèleparticulièrement en phase avec la prestation hôtelière. La gestion desservices a connu une trajectoire centrée sur les aspects opérationnelset sur une démarche mettant l’accent sur une gestion traditionnellede la clientèle. Les solutions opérationnelles proposées parl’approche classique dénient une partie de la nature intrinsèque de larelation de service : sa dimension émotionnelle ainsi que la valeurexpérientielle de l’offre.

3 Bourgeon D et Filser M. Les apports du modèle expérientiel àl’analyse du comportement dans le domaine culturel, uneexploration conceptuelle et méthodologique. Recherche etApplication. Vol 10, Marseille, 1998. P. 309-328.

4 Langeard E, Eiglier P. Servuction : le marketing des services. McGraw, 1987.

5 Chase R. The customer contact approach to service: theorical basesand practical extensions. Operation Research. N° 29, 1995.

6 C’est à Ronald Chase (1978) que l’on doit la dichotomie entre“front” et “back office”. Cette approche vise davantage à définir lesmoyens nécessaires pour réaliser le service qu’à définir le concept deservice (le contenu du service)

7 La confiance est une notion polysémique, une sorte d’engagementtacite qui peut être définie selon D Gambetta (1988) “la confiance(ou symétriquement la méfiance) est un niveau de probabilitésubjective avec laquelle un agent va évaluer la performance d’unautre agent ou groupe d’agents, avant qu’il puisse contrôler une telleaction […] et dans un contexte ou cette action affecte sa propreaction. Quant on dit qu’on fait confiance à quelqu’un, on signifie quela probabilité qu’il fera une action bénéfique ou au moins nonnuisible nous paraît assez élevée pour nous engager dans une formede coopération avec cette personne.»

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8 Si un hôtel reste un lieu où dormir et où prendre des repas àl’occasion d’une mobilité touristique, une même prestation doitsatisfaire des besoins différenciés. Selon le motif du voyage, le clientn’a pas les mêmes attentes vis-à-vis des services offerts par l’hôteloù il séjourne.

9 Patin V. Tourisme et patrimoine. La documentation Française. 2005. P. 22.

10 La satisfaction du consommateur est un moyen d’évaluer la qualitéde la prestation fournie par l’entreprise et des taux élevés desatisfaction des consommateurs laissent entrevoir des profits futursimportants (Kotler P, 1991).

11 Le mécanisme de “sélection adverse” est l’un desdysfonctionnements du marché mis en évidence par GeorgesAkerlof (1970). Ce mécanisme repose sur le phénomène d’asymétried’information qui existe entre le producteur et le consommateur.Certains biens comme le produit touristique qui ne peuvent êtreévalués qu’à posteriori font l’objet d’une décision d’achat par leconsommateur qu’à partir d’une information imparfaite.

12 Ce concept de confiance fait l’objet d’une recherche assez fécondedans le domaine de la science économique et dans celui de lagestion. Malgré de nombreux travaux qui ont mis en exergue le rôleclé de la confiance dans la coordination des échanges, la notion deconfiance reste ambiguë. La confiance peut avoir deux natures, laconfiance personnelle et la confiance système.

13 La notion d’expérience vient du latin experientia, de experir “fairel’essai de”, elle résulte de la confrontation de l’individu au milieuextérieur.

14 “Novotel : conçu comme un espace naturel”.

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LES DECOUVREURS DU TOURISMEAux sources de la réflexion scientifique

sur le tourismeCatherine SICART,

Enseignante en science du tourisme à l’UFR-STHI,Université de Perpignan Via Domitia

Résumé : La démarche scientifique œuvre à laredéfinition du tourisme. Le tourisme qui apparaît en1763 ne suscite guère la réflexion universitaire et profiteà la haute société anglaise qui affirme sa différence decaste en cultivant la jouissance face à l’émergence d’uneclasse qui élève travail, productivité, réussite par l’effortet le mérite. Le tourisme au cours du XVIIe, XIXe siècleset jusqu’au début du XXe siècle, est une activité futile.Dans la deuxième moitié du XIXe siècle,l’industrialisation et l’apparition du chemin de ferrendent le tourisme beaucoup plus accessible. Larecherche thérapeutique et médicale en hydrologie créeun tourisme de soins avec l’émergence des stationsthermales qui permettent de développer l’économielocale. La réflexion scientifique interviendra avec lagrande crise de 1929. Au seuil des années 1930 apparaîtl’ouverture officielle du chantier scientifique dutourisme.

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Abstract : The scientific step works with theredefinition of tourism. Tourism which appears in 1763hardly causes the university reflexion and benefits theEnglish high society which affirms its difference of casteby cultivating the pleasure vis-a-vis the emergence of aclass which raises work, productivity, success by theeffort and the merit. Tourism during the XVIIth, XIXthcenturies and until the beginning of the XXth century, isa futile activity. In second half of the XIXth century, theindustrialization and the appearance of the railroad maketourism much more accessible. Therapeutic and medicalresearch in hydrology creates tourism of care with theemergence of the thermal spas which make it possible todevelop the local economy. The scientific reflexion willintervene with the great crisis of 1929. With the thresholdof the years 1930 appears the official opening of thescientific building site of tourism.

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Le mode d’existence scientifique du tourisme seconstruit par élaboration de points de vues inédits sur unphénomène, certes déjà connu en tant que support dediverses fonctions et manifestations, mais, par là, recrééet ouvert à des possibles inexplorés. La démarchescientifique œuvre à sa redéfinition. Ce processus peutcongrûment être qualifié de “découverte”, ou, selonl’épistémologie constructiviste, d’”invention”, car il meten lumière des attributs, principes et effetsantérieurement inconnus. “La découverte ne désigne pas[…] une identité entre “ce qui” préexistait et “ce que”l’on désignera en tant que découvert […]”1.

Lors de l’avènement de sa forme moderne, dont lapériode instauratrice se situe “entre 1763 et la RévolutionFrançaise”2, le fait touristique, perçu comme un artrelevant d’une culture aristocratique de l’inutile, surlequel se superpose au cours du XIXe siècle uneappréciation technico-commerciale de ses évolutions, nesuscite guère la réflexion universitaire3. Il bénéficie alorsd’un unique éclairage scientifique, celui de la médecine,et plus particulièrement d’une de ses spécialités,l’hydrologie.

Dans le premier tiers du XXe siècle, quelqueslueurs académiques, discrètes et discontinues, émanantde points de vue autres, commencent à mettre enévidence des dimensions novatrices, essentiellementéconomiques et historiques, ce dans un contexteexclusivement européen.

L’Europe de l’ouest en effet (Angleterre, France,Italie, Suisse principalement) constitue l’aired’expression fondatrice du fait touristique.

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Le Tour-ist fait son apparition sémantique outre-manche, en 1780, attesté par New English Dictionary onHistorical Principles4, et, en France, en 1803, introduitpar Ferry de Saint-Constant dans Londres et les anglais5,où l’appellation désigne exclusivement l’anglaisvoyageur, avant d’être employée, hors particularismebritannique, en 1833, par Balzac dans Correspondances(p.392), en 1838, par Hugo dans Le Rhin (lettre 9),vulgarisée, en cette même année, par le scandalestendhalien de Mémoires d’un touriste. Elle est ensuiteofficialisée par Littré(1872)6, Larousse(1875)7, et, leDictionnaire de l’Académie (1878) dont la définitionpasse sous silence la noble origine historique et fige laconnotation dépréciative du touriste qui devient “ celui,celle, qui voyage en amateur”.

Le phénomène, dont la représentation mentale estmoins immédiate que celle du sujet, est substantivé sousla forme Tour-ism, en 1811, dans les colonnes de la revueanglaise Sporting Magazine, et, en France, en 1841,année où naît d’ailleurs l’industrie du même nom8, puisdéfini par Larousse en 18759. Les langues d’origineitalique l’adoptent progressivement. En revanche, leslangues d’origine germanique -nordique et westique -déjà dotées de travel et Fremdenverker, lui opposentquelque résistance10.

Outre-atlantique, l’absence de reconnaissanceofficielle de ce vocable concept, dont nulle mention n’estfaite dans la 14e édition de Encyclopaedia Brittanica(1929) ni dans Webster’s New World Dictionary of theAmerican Language (1952)11, reflète l’expositiondifférée du nouveau continent au fait touristique, et

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participe à l’orientation initiale des recherches nord-américaines vers l’étude du loisir.

De l’art de l’inutile…

Le substrat culturel de l’exclusion du tourisme dela sphère scientifique trouve racine dans l’avènementmême du fait touristique dont Marc Boyer situe lapériode instauratrice “entre 1763 et la RévolutionFrançaise”12.

Le tourisme en son acception moderne y naît dansun contexte élitiste.

La haute société anglaise en invente les diversaspects et lieux.

Tour ou grand tour éducatifs sur le continent, ritede passage par lequel le jeune noble devientcosmopolitan et gentleman, villégiature ou séjour estivalde plaisance, thermalisme mondain balnéaire oumontagnard et migrations hivernales vers la Rivieragénèrent un ensemble d’innovations qualifié de“révolution touristique”13, contemporain des révolutionsindustrielle, agricole, démographique, bancaire quisignent alors l’avance en tout secteur de la Grande-Bretagne14.

Le premier tourist(e), anglais de haute lignée,rentier désoeuvré au train de vie dispendieux, est censés’instruire par le voyage et cherche à se divertir.

Il affirme sa différence de caste en cultivant lajouissance face à l’émergence d’une classe issue de la

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fabrique et du négoce qui élève travail, productivité,réussite par l’effort et le mérite, au dépend de lanaissance, en système de valeurs et, par eux, s’élève. Illeur oppose le gaspillage de temps et argent érigé enmode (fashion) qui elle-même devient mode de vie. Uneculture du superflu, dont participent le voyage, le jeu, lesport, l’attrait de la Rome ancienne et de la langue latinecessée d’être véhiculaire, signe la singularité et fondeune forme de domination symbolique, veille du déclin dela fonction sociale et du pouvoir politique effectifs de lanoblesse15.

Au XIXe siècle, ce modèle est imité par la classemontante qui lui succède.

Si la bourgeoisie érige le labeur en vertu, elledonne à voir sa réussite sociale par l’investissementfinancier dans le temps libre, le lieu prisé et le biencoûteux16. Elle adopte les “emblèmes de “classe”,classés et classant”. L’appropriation matérielle ouculturelle est sous-tendue par l’appropriation de ces“signes distinctifs”, objets de luxe ou pratiques de mêmeteneur qui situent dans l’espace social17. Le nouveaunanti affiche, par ces stratégies de différentiation, sonstatut.

Dans ce contexte, “le tourisme est un art, l’artd’être touriste”18.

Associé à la vie mondaine, récréative, badine,associé au ludique, au faste, à la débauche, le tourisme,aux cours des XVIIIe, XIXe siècles et jusqu’au début du

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XXe siècle, activité futile ou inactivité, ne s’intègre pasdans les systèmes de pensée susceptibles de fonder unedémarche d’élaboration cognitive. Par ailleurs, leglissement opéré, à partir de la deuxième moitié du XIXesiècle, vers les prémices d’un processusd’industrialisation - sous l’impulsion de l’évolution destransports, notamment l’apparition du chemin de fer quirend le déplacement accessible au grand nombre, alliéeaux mutations du système bancaire, de l’urbanisme, etaux bases de l’organisation du voyage élaborées parThomas Cook19 - lui confère un aspect opératoire qui n’apas alors atteint ses pleines dimensions et expressions,mais dont l’esquisse ne le situe pas dans l’aired’investigation des sciences. La réalité des implications,inflexions et impacts sous-jacents qui préparent lesconditions de profonds bouleversements des sociétés estd’autant moins perceptible que l’image hédoniste lamasque. D’autre part, les outils susceptibles de forger unregard autre sur un objet de connaissance potentiel sont,eux-mêmes, en phase d’élaboration. Le XIXe siècle voiten effet l’émergence de deux puissants appareils dedécryptage du social, la sociologie et l’économie, ce, surfond de crise d’un monde en devenir, finissant detrancher ses liens avec l’Ancien Régime à travers lessoubresauts révolutionnaires de 1848 et la force motricede grands courants de pensée - le positivisme fondé parAuguste Comte, l’évolutionnisme transposé aux sociétéshumaines par Herbert Spencer, le modèle démocratepromu par Alexis de Tocqueville, le matérialismehistorique théorisé par Karl Marx et Friedrich Engels, lastructuration internationale du mouvement ouvrier, larationalisation du monde dégagée par Max Weber,

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l’interrogation d’Emile Durkheim sur les fondements dulien social - autant d’apports au combat de la modernitéen construction.

En ce contexte de questionnements et tensions, deruptures et recompositions sur le plan économique,social, politique, culturel, les productions écrites sur letourisme sont majoritairement littéraires inscrites dans latradition des récits de voyages réels ou imaginaires,reports précis de faits dans leur déroulement effectif, oubien romancés, ou bien encore fictifs: Journaux devoyage, Correspondances, Mémoires. Le succès delibrairie de Romans et de recueils de Nouvelles peut créerl’événement touristique, initier la vogue d’une station.Elles sont, d’autre part, pratiques de type Guides,Itinéraires, Descriptions ; Itinéraires et descriptionsferroviaires, par exemple, prospèrent à partir du milieudu XIXe siècle. Elles sont riches en Histoires, Tableauxet Statistiques à visée encyclopédique et autres étudesnon académiques, ce à trois exceptions qui ouvrent letourisme à son histoire d’objet de connaissance, en untemps de recomposition du paysage scientifiquemoderne. En effet, différenciée par la segmentation ensecteurs et disciplines selon la loi du développementappliquée à la connaissance dont la croissance provoquel’éclatement, l’activité intellectuelle trouve désormaisancrage dans une typologie qui circonscrit les champs decompétence.

Dans ce tracé de lignes de démarcation, letourisme naît à la prise en charge de la réflexionscientifique dont les divisions détermineront les modesd’approche mis en œuvre.

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… à l’objet de science

La recherche thérapeutique, inaugurale etinfluente au sens où elle participe à fonder une formespécifique de tourisme, conserve longtemps l’hégémoniede l’approche scientifique. Dans des visées d’hygiène,lutte contre la tuberculose - notamment sous sa forme dephtisie -, la recherche médicale analyse les vertuscuratives des eaux minérales, de la qualité de l’air, etfavorise les migrations de santé, thermalisme balnéaire,ou, sur son modèle, cure climatique en altitude,villégiature et hiver sous de clémentes latitudes. Elleprescrit le voyage, remède à la mode, façonne le tourismede soins qui accompagne l’émergence des stations.

Les recherches en hydrologie, dont les premiersrésultats sont publiés dès la Renaissance, reçoivent uneimpulsion décisive au XVIIIe siècle au cours duquel sontproduites les premières études, doublée, au seuil duXIXe siècle, d’une démarche de nature clinique donnantlieu à la rédaction de rapports dressés par des médecins-inspecteurs sur l’issue des séjours aux eaux et adressés àl’Académie de médecine qui en publie des synthèses.Des monographies médicales, manuels et traitésd’hydrologie se multiplient au cours du XIXe siècle, nondénués, pour certains, de préoccupations mercantiles20.A la fin du XIXe siècle, l’introduction officielle del’hydrologie dans les enseignements des facultés demédecine s’avère compromise, mais des cercles d’étudesmédicales fondés à Montpellier et à Paris en poursuiventl’analyse, et, des thèses doctorales de pharmacie sontpubliées21 - Delorme (1905)22, Revelli (1918)23,Richaud (1925)24 Pouvy (1932)25.

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Parallèlement, l’engouement mondain galvanisela fréquentation croissante des villes d’eaux. Laréputation d’une station repose bientôt davantage sur lesatouts touristiques des lieux et autres effets de mode quesur des considérations d’ordre médical26.

En termes de développement des infrastructuresd’accueil et apports financiers pour les communes,établissements de bains, casinos et hôtels, lesconséquences des flux de clientèles sont importantesouvrant un nouveau marché immobilier et médical.

Les travaux initiaux en économie apparaissent, en1911, en Suisse, sous la plume de Schullern zuSchrattenhofen. Le tourisme est présenté comme “uneactivité économique destinée à fournir tout ce qui estnécessaire aux mouvements des étrangers”. Ce“mouvement des étrangers”, nommé Industrie desvoyageurs, est par ailleurs analysé par Picard (1911)27.En 1917, Stadner, dans La percée du tourisme, observe“l’impact touristique sur les économies locales” etannonce “une théorie de la consommation touristiquepériphérique à partir de revenus gagnés dans les “centrescréateurs””28. Ce n’est qu’en 1926 que la politiqueéconomique des stations thermales est étudiée parWerner Sombart29.

La recherche en ce domaine reste ponctuelle et isolée

L’importance économique du tourisme échappeconjointement aux autorités. Aucune structureadministrative d’expertise ou réglementation desactivités touristiques n’est envisagée30. Les formalités

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aux frontières en matière de prescriptions douanières,passeports et visas, importation ou exportation dedevises, mesures sanitaires, étant les premiersinstruments d’évaluation, soulignons l’absence delimitation et contrôle de la traversée des frontières,notamment européennes, antérieurement à la GrandeGuerre31.

L’histoire, quant à elle, articule sa rechercheautour de quatre axes majeurs : le voyage dansl’antiquité, le voyage aux XVIIe et XVIIIe siècles,l’histoire des stations balnéaires ou thermales et celle del’alpinisme.

Fridlander (1907)32 produit une oeuvred’envergure, restée inégalée pendant plus d’un demi-siècle, sur les mœurs et coutumes du Haut empireromain. Deux parties de cette étude – “Verkehrwesen” et“Die Reisen der Touristen” - sont consacrées à l’histoiredu voyage à travers l’empire, ainsi qu’à l’émergence dela résidence secondaire aux abords de la Baie de Naples.L’étude du tour et grand tour focalise plusparticulièrement l’attention. Les britanniques, Bates(1911)33, Mead (1914)34, Parkes (1925)35, Maxwell(1932)36 rendent compte des conditions de voyage ethébergement, des coûts et dangers, des pays visités,tandis que le point de vue français reflète, dans lestravaux de Babeau (1885)37 ou Hallays (1929)38, le rôleréceptif de la France. L’Italie et les villégiaturesromantiques sont observées par Bertaut (1925, 1927)39.Les villes d’eaux sont étudiées, dans un contextebritannique, par Barbeau (1904)40, dans unenvironnement français, par Porcheron (1911)41, et les

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sommets par Joutard (1886)42, L’invention du Mont-Blanc, Lunn (1912)43, Histoire du ski, puis Raymann(1913)44 et Benson (1913)45, entre autres.

La grande crise de 1929 intervient en tant qu’étapedécisive dans la reconnaissance de l’intérêt de la prise encharge du tourisme par la réflexion scientifique46. Elleest en effet vectrice de la prise de conscience par la classedirigeante de l’impact du tourisme sur la balance despaiements et de la nécessité de le mesurer.

Action collective en faveur du Tourisme, thèsedoctorale soutenue par Mouginet, situe lephénomène dans sa pleine dimension :

“[Le tourisme est]…une industrie mère, une industrie clef.Son développement ne se présente pas comme un facteur isolé dela prospérité du pays, il se répercute sur toutes les branches del’activité nationale dont il accroît le rendement” (1933)47

Mais comment procéder à l’évaluation des effetstouristiques? La démarche appelle une opérationdéfinitoire liminaire. Recenser les touristes exige dedéterminer ce que le terme désigne48. L’entreprise, peusimple dans la configuration disciplinaire instituée,marque, au seuil des années 1930, l’ouverture officielledu chantier scientifique du tourisme.

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2 M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme. XVIe-XIXe siècles,Editions de l’Aube, 2000, p.275

3 M. Boyer, Op.Cit., Idem., p. 9-10

4 New English Dictionary, suppl.2, ancêtre de Oxford EnglishDictionary

5 J.L. Ferry de Saint-Constant, Londres et les anglais, Paris : Colnet etDebray, an XII-1804, 4 vol., in. 8°, 1803, p.333-334, in Höfler Anglic.

6 Première définition de touriste : “Se dit des voyageurs qui neparcourent des pays étrangers que par curiosité et désoeuvrement,qui font une espèce de tournée dans des pays habituellement visitéspar leurs compatriotes. Se dit surtout des voyageurs anglais enFrance, en suisse et en Italie – E. Angl. Tourist, de tour, voyage, quiest le français tour, 2”, Littré, 1872

7 “Touriste, personne qui voyage par curiosité et par désoeuvrement”,Larousse, 1875

8 Thomas Cook organise en effet le premier voyage à forfait le 05juillet 1841

9 Première définition de tourisme : “Tourisme, passion, habitude detouriste. Exemple : “Ces heureux de la terre se sentent tout à couppiqués de la mouche du tourisme, contagion inévitable du mondeélégant” in Guichard, Voyage d’un français en Angleterre, 1841,Larousse, 1875

10 M. Boyer, Le tourisme de l’an 2000, Presses universitaires de Lyon,1999, p. 41

11 R. McIntosh, “Early Tourism Education in the United States”,Journal of Tourism Studies, vol.3, n°1, 1992, p.2

12 M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Ibidem, p. 275

13 M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Ibid., p.189,

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14 M. Boyer, “Le Tourisme, une épistémologie spécifique en quête deparadigmes”, Loisir et société/ Society and Leisure, 20 (2), 1997,p.455-477, p.455

15 M. Boyer, Op. Cit, Ibid., p.456

16 T. Veblen, The Theory of the Leisure Class, New-York; London:Penguin, 1994 [1899] (traduction française aux éditions Gallimard,Paris, 1979)

17 P. Bourdieu, La distinction, Paris, Editions de Minuit, 1979, p.278-279

18 M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Op.Cit., Ibid., p.9

19 Thomas Cook invente un système d’achat de billets groupés à prixréduits, crée la première agence de voyages dont les succursales serépandent de par le monde, adopte le voyage individuel à forfaitincluant transport, restauration et hébergement, élabore les Cook’scircular notes , précurseurs du traveller’s cheque.

20 P.Gerbod, Tourisme et thermalisme en France au XIXe siècle, inDeux siècles de Tourisme en France, Actes du colloque tenu auCentre Duguesclin (Université Paul Valéry, Montpellier III), Ville deBéziers/ Presses universitaires de Perpignan, 2001

21 Banque de données du système universitaire de documentationwww.sudoc.abes.fr

22 J. Delorme, Etude sur les eaux sulfureuses des Fumades, Ecolesupérieure de pharmacie de Montpellier, Imprimerie Firmin,Montade et Sicardi, Montpellier, 1905, Thèse pharmacie

23 J. Revelli, Contribution à l’étude historique et chimique du bassinhydrominéral de Marseille, Ecole supérieure de pharmacie deMontpellier, Imprimerie régionale, Toulon, 1918, Thèse pharmacie

24 J. Richaud, Etude sur les eaux sulfureuses de Pietrapola-les-bains(Corse), Faculté de pharmacie de Montpellier, Imprimerie Frmin etMontane, Montpellier, 1925, Thèse pharmacie.

25 J. Pouvy, Les eaux minérales du Mazel des Laubies (Lozère),Faculté de pharmacie de Montpellier, Imprimerie Notre-Dame,Nîmes, 1932, Thèse pharmacie

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26 J-D. Urbain, Sur la Plage, Payot, 1994A. Rauch, Vacances en France de 1830 à nos jours, HachetteLittératures, 1996, p.15-40

27 E. Picard, “L’industrie des voyageurs”, Revue économiqueinternationale, vol.4, 1911, p. 207-223

28 R. Lanquar, L’économie du Tourisme, PUF : Que sais-je ? 1987[1983], p.5-6

29 W. Sombart, “Le problème des stations thermales sous leur aspect depolitique économique”, Transports et Thermes, Berlin, n°38, 1926

30 M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Ibid., p.9

31 R. Lanquar, Le tourisme international, PUF : Que sais-je ? 1995, p.14

32 L. Friedlander, Roman Life and Manners under the Early Empire,translated by L.A. Magnus, reprinted edition (4 vols.), London:Routledge and Kegan Paul, [1907], 1965

33 L.S. Bates, Touring in 1600 : A Study in the Development of Travelas a Means of Education, London, Constable, 1911

34 W.E. Mead, The Grand Tour in the Eighteen Century, New-York:Houghton Mifflin, 1914

35 J. Parkes, Travel in England in the Seventeenth Century, London,Oxford, 1925

36 C. Maxwell, The English Traveller in France. 1698-1815, London,Routledge, IX, 1932

37 A. Babeau, Les Voyageurs en France depuis la Renaissance jusqu’àla Révolution, Paris, Firmin Didot, 1885

38 A. Hallays, Le voyage en France, Paris, Hachette, 1929

39 J. Bertaut, L’Italie vue par les français, Paris, Ann.Pol. et Litt.s.d.,1925, et Villégiatures romantiques, Paris, Descros, 1927

40 A. Barbeau, Une ville d’eaux anglaise au XVIII°. La sociétéélégante et littéraire à Bath sous la reine Anne et sous les Georges,Paris, Picard, VIII, 1904.Thèse Lettres

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41 Dr L. Porcheron, Les villes d’eaux, Les stations climatiquesfrançaises, Paris, Malani, VIII, 1911

42 P. Joutard, L’invention du Mont-Blanc, Collection Archives, Paris,Gallimard, 1886

43 A. Lunn, Skiing, 1912, traduit : Histoire du ski, Paris, Payot, 1953

44 A. Raymann, Evolution de l’alpinisme dans les Alpes françaises,Grenoble, Léon Aubert, VII, 1913

45 E.F. Benson, Winter Sports in Switzerland, London, George Allen, 1913

46 M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Ibid., p.9

47 Mouginet, Action collective en faveur du Tourisme, Bordeaux,1933, Thèse économie

48 M. Boyer, Op.Cit, Ibid.

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CRÉER AVEC SUCCÈS SON ENTREPRISE DANS LEDOMAINE DE L’HÔTELLERIE ET DU TOURISME :

UNE STRATÉGIE EN HUIT ÉTAPESChristine PAGNON-MAUDET1,

Vice Doyen de la Faculté de Tourismeet d’Hôtellerie Internationale,

Université de Perpignan, France

Résumé : Créer une entreprise avec succès dansle domaine de l’hôtellerie et du tourisme induit derespecter une méthodologie proposée ici en huit étapes.Toutefois, la démarche serait inopérante si chaquecréateur n’adaptait pas le processus à la spécificité de sapropre situation ainsi qu’aux nombreux paramètrespouvant avoir une incidence sur sa future activité.

Abstract : To create a company successfully inthe field of hotel trade and tourism induced to respect amethodology suggested here in eight stages. However,the step would be inoperative if each creator did notadapt the process to specificity of his own situation liketo the many parameters which can affect his futureactivity

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Qui n’a jamais désiré être le créateur de sa vieprofessionnelle et en maîtriser l’évolution ?

Du rêve à la réalité, de l’idée au projet, duprocessus de création d’entreprise à son réelfonctionnement, à chacun(e) son parcours en fonction deses paramètres spécifiques qu’il convient d’analyser avecpertinence et objectivité quand l’on désire s’investir dansl’aventure entrepreneuriale.

Le secteur du tourisme, et particulièrement celuide l’hôtellerie-restauration-limonaderie, est porteur en lamatière : il profite à la fois d’un accroissement de lademande d’activités touristiques de loisirs2 et d’une plusgrande souplesse au niveau législatif3. Le phénomèned’expansion du secteur touristique et hôtelier estquasiment mondial malgré les mutations et les quelquescrises sectorielles actuelles. Les flux économiques qui ysont liés constituent la première activité internationale envolume d’affaires, devançant en cela les autresindustries. Les investissements touristiques et hôteliersont un impact sur de plus en plus de populations, à la foisau niveau des zones émettrices de touristes que desdestinations d’accueil. Il ne faut cependant pas occulterles risques économiques, socioculturels, géopolitiques etenvironnementaux qui agitent et perturbent certains pansde cette industrie de services fortement liée aux voyages,aux évolutions sociétales, aux standards de vie, auxmodes de consommation et à l’imaginaire, sans pourautant que soit affectée sa croissance planétaire globale.Les chiffres communiqués régulièrement parl’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) et lesinstitutionnels du tourisme sont évocateurs à cet égard 4.

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Se lancer dans l’aventure de la créationd’entreprise dans ce domaine précis prédisposerait doncà la réussite. Toutefois, s’y engager sans respecter uneméthodologie rationnelle et exhaustive relève de lagageure et pourrait mener à l’échec. Cependant, il ne fautpas s’imaginer qu’appliquer stricto sensu une méthodeglobale de création d’entreprise suffit pour réussir :chaque créateur devra adapter son processus créatif etbâtir sa propre stratégie en fonction de sa situationconcrète d’environnement, de marché, de vie. En soi, iln’y a pas réellement de bonne ou de mauvaise stratégiede création d’entreprise mais plutôt des choix personnelsà optimiser en fonction d’opportunités et circonstancesparticulières, différentes selon chacun(e).

Quoiqu’il en soit, c’est fort de ses capacitésd’imagination, analyse, méthode, rigueur, patience,modestie, réalisme, persévérance et goût du risqueraisonné, que le créateur deviendra l’artisan de sonavenir en respectant huit étapes incontournables qui leguideront sur le chemin du succès.

Avant d’aborder la mise en place proprement ditedes éléments fondateurs d’une nouvelle entreprise, quelque soit son type d’activité, il est impératif d’analyser laconjoncture dans laquelle la création est envisagée. Unefois ces paramètres bien établis et maîtrisés, le créateurpourra finaliser son projet et le concrétiser réellement.Certaines étapes seront menées successivement ; d’autrespeuvent fort bien l’être simultanément afin de pouvoirles conforter, vérifier leur cohérence, les ajuster, lescorriger, voire changer de cap !

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Tout au long de son processus, le futur chefd’entreprise devra maintes fois se questionner : sespropres réponses lui permettront de moduler sa stratégie,faisant preuve ainsi de ses capacités à la remise en cause,à l’adaptation et à l’évolution dans ses prises dedécisions5.

1re Étape : La définition du positionnementpersonnel du créateur

Il lui faudra tout d’abord être parfaitement auclair à la fois avec ses propres motivations et avec lesfuturs composants de l’entreprise dont il rêve. Répondreavec objectivité aux interrogations suivantes luipermettra, d’emblée, de bien se positionner… sans allerà l’encontre de ses valeurs et désirs profonds.

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1.1 L’idée et le domaine de création ?1.2 Les objectifs poursuivis ?1.3 Les capacités du créateur (personnelles,

professionnelles, financières) ?1.4 Le pays et la ville d’implantation ?1.5 L’emplacement désiré ?1.6 L’entourage du créateur ?1.7 Le positionnement global (marché touristique

visé, clientèle cible) ?

2e Étape : La maîtrise de l’environnement de lafuture entreprise

Il appartient ensuite au créateur de mesurer lesconséquences de son environnement sur la nature mêmeet la localisation souhaitée pour son entreprise. Bienconnaître son futur champ d’activités permet de mieuxmaîtriser ses composantes et l’ensemble de sesévolutions politiques, économiques, sociales, sociétaleset concurrentielles.

2.1 Le macro-environnement (politico-légal,climatique et naturel, culturel, monétaire,fiscal,démographique, économique, technologique,socio-culturel) ?

2.2 L’environnement public (pouvoirs publics,syndicats et groupements d’intérêts, médias,institutionnels locaux) ?

2.3 L’environnement immédiat (concurrents directs,prestataires de services, public local) ?

2.4 Les facteurs de choix des futurs clients(personnels, sociologiques, psychologiques,motivations) ?

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2.5 Les influences subies par les futurs clients(religion, perceptions, processus mentaux, pertesde repères) ?

2.6 Le rôle des évolutions actuelles (marché dutravail, technologies, transports, modes de vie) ?

2.7 Les nouvelles valeurs de la consommationtouristique (impacts des socio-styles, modes ettendances touristiques) ?

3e Étape : L’analyse des atouts et des opportunités àvaloriser

Analyser ses atouts et les mettre en avantpermettra au futur entrepreneur touristique de découvrirses opportunités de conquête d’un marché potentiel. Sansclient, le produit ou le service n’auront aucun sens…

3.1 Les atouts spécifiques du créateur ?3.2 Les opportunités du marché potentiel (positionnement

géographique, activité propre, attributs del’environnement, intensité concurrentielle) ?

3.3 L’étude de marché (méthode et étapes :segmentation de clientèle et définition du marchéutile, clientèle cible et couple marché- produit) ?

3.4 Les méthodes d’enquêtes (techniques d’entretiens,sondage) ?

4e Étape : La prise de conscience des menaces et desfaiblesses à affronter

Une vision objective des risques et des diversescontraintes à subir au cours du processus de créationd’entreprise est indispensable pour que le futur chefd’entreprise soit en capacité d’y suppléer.

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4.1 Les risques (risques globaux concernant le macroenvironnement, le micro environnement, lescomportements des clientèles ; risques spécifiquesconcernant le choix de projet, les compétencesnécessaires) ?

4.2 Les contraintes (environnementales, légales,fiscales, sociales, de marché, de produits) ?

4.3 Les barrières (à l’entrée et à la sortie du marché) ?4.4 Les faiblesses du créateur (techniques,

psychologiques, financières) ?

5e étape : Les choix fondateurs à effectuer par lecréateur

Afin de pouvoir vendre une productiontouristique, il est impératif de mettre en place un planmercatique adapté à la cible visée.

5.1 L’incidence du positionnement clientèle ?5.2 Les produit(s) ou services proposés (nom

commercial, marque : protection en France, enEurope, hors Europe) ?

5.3 Les prix (contraintes internes : nature de laproduction, gamme proposée, coûts, marge ;contraintes externes : demande, concurrence,canal de distribution, contraintes légales, stratégieet méthodes de fixation de prix) ?

5.4 La “place” sur le marché (mode de distribution,critères de choix, service ventes) ?

5.5 La promotion (communication interne, externe,promotion média, hors média, budgetpromotionnel, calendrier) ?

5.6 L’incidence des 4 “P” complémentaires ?

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6e étape : Les moyens financiers nécessaires pourconcrétiser le projet

Sans disposer de moyens suffisants, impossibled’assurer investissements et frais de fonctionnement. Unplan financier cohérent et viable, assorti de tableauxprévisionnels, constitue l’outil principal d’une gestionefficace.

6.1 Les besoins financiers (investissement,fonctionnement) ?

6.2 Les moyens financiers (fonds propres, capitauxempruntés : capital de proximité, pratique desbanques, garanties à fournir) ?

6.3 Les aides à obtenir (fonds de garantie ; businessangels et sociétés de capital-risque) ?

6.4 Les tableaux financiers (plan de financement,compte de résultat, plan de trésorerie, ratiosfinanciers : point mort ou seuil de rentabilité,capacité d’auto-financement, ratios de rentabilitécommerciale ; bilan initial) ?

7e étape : Un montage juridique adapté

Réaliser des choix juridiques, fiscaux et sociaux,parfaitement adaptés à la situation personnelle ducréateur et à la nature même de son projet, va luipermettre d’optimiser la création et d’envisager avecsérénité le développement, voire plus tard l’éventuellecession de l’entreprise.

7.1 Créer une structure civile (démarrage en solo,création d’une association) ?

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7.2 Créer une structure commerciale (choix d’uneactivité individuelle : statut d’entrepreneurindividuel, constitution d’une EURL, option de laSASU ; choix de s’associer : statuts, critères dechoix d’un régime juridique moins risqué) ?

7.3 La portée de l’engagement (biens personnels,immeubles, régime matrimonial) ?

7.4 Le choix d’un statut fiscal adapté (coûts fiscaux etexonérations) ?

7.5 Le choix de la protection sociale du créateur(statut social, obligations sociales) ?

8e étape : Les démarches obligatoires à entreprendre

Cette étape, vécue souvent comme la pluslaborieuse, donnera à l’entreprise l’existenceadministrative indispensable pour démarrer légalementson activité.

8.1 La concrétisation de la création (entrepriseindividuelle, société, validation administrative) ?

8.2 Les procédures d’agrément et de conformité (enmatière d’hygiène, de sécurité, d’ordre public,d’information du consommateur) ?

8.3 Conditions personnelles et obligations du créateur ?

Enfin, le montage d’un business plan réaliste,résumant prévisions mercatiques, économiques etfinancières, juridiques et administratives, va permettre aufutur créateur de rassembler son travail en un documentunique de présentation. Ainsi, il rassurera à la fois ses partenaires sur la qualité de sa future prestation etpourra obtenir des aides logistiques et pécuniaires

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indispensables à la concrétisation de son projet. Peuimporte en fait la façon de présenter un business-plan :les interlocuteurs apprécieront surtout un exposé logiqueet objectif, ainsi que le fait que leur soient proposésplusieurs scénarii détaillés (hypothèses haute, moyenneet basse), même si le porteur de projet est intimementpersuadé que seul le plus optimiste ne peut qu’aboutir !

Imagination, organisation et innovation seront desressources indubitables de développement et de profitspour l’entreprise nouvellement créée. Toutefois, lapropre expérience de terrain du créateur est la seulevéritablement formatrice et lui permettra d’atteindre sonbut : devenir “chef d’entreprise”, véritable praticien desaffaires… sans omettre de rester philosophe et de savoiraccepter les échecs ! 6

Ces quelques maximes peuvent stimuler un futurcréateur…

“Un pessimiste voit une difficulté dans touteopportunité. Un optimiste voit une opportunité danstoute difficulté”. Winston Churchill

“Si tu n’espères pas l’inespéré, tu ne le trouveraspas”. Proverbe japonais

“Il faut de l’audace, toujours de l’audace, encorede l’audace”. Danton

“Le doute est la clé de toute connaissance. Qui nedoute de rien ne sait rien”. Proverbe persan

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ANNOTATIONS

1 Christine Pagnon-Maudet vient de publier un ouvrage détaillant cemême thème aux Editions Ellipses : Stratégies de création d’uneentreprise hôtelière et touristique, huit étapes pour réussir, Paris,2007 (358 pages).

2 Des chiffres pour vous convaincre : en France, en 2006, près de230 000 entreprises ont été répertoriées comme exerçant leur activitédans le tourisme. Ce secteur représente 2 millions d’emplois, directset indirects (calcul en équivalent temps plein : ETP). Les créationsd’entreprises touristiques y vont bon train : selon l’INSEE, en 2005,il en a été dénombré 37 213 et ce chiffre a augmenté d’environ 4%en 2006. Elles représentent 12 % des créations, tous secteursconfondus (315 538 créations en 2005). La part essentielle concerneles restaurants (64%), particulièrement la restauration rapide ; lacréation d’hôtels de tourisme se ralentit au profit d’autres modesd’hébergement ; celle des agences de voyages chute régulièrementdepuis la généralisation des réservations en ligne. Le secteur deshôtels-cafés-restaurants (HCR) représente 92% de l’activitétouristique globale et compte plus de 865 000 emplois salariésdirects en France. Depuis 2003, l’emploi salarié de ce secteur croîtrégulièrement, signe de sa bonne santé : le tourisme est devenu letroisième secteur créateur d’emplois après les services auxentreprises et la construction Sources : Répertoire des entreprisesnationales et des établissements(SIRENE et INSEE-Unedic 2006).

3 Les lois sur l’initiative économique, dites Loi Dutreuil (Août 2003et Août 2005), ont particulièrement stimulé la création d’entrepriseen simplifiant le processus, en améliorant la sécurité juridique ainsique l’accès au financement, et en allégeant le quotidien administratifde l’entrepreneur.

4 Consulter le site de l’OMT : www.world-tourism.org ; Lire, entreautres : Le tourisme en France, INSEE, Edition 2005.

5 La stratégie de création d’entreprise hôtelière et touristique proposéedans cet article est largement illustrée d’exemples propres auxprofessions concernées dans l’ouvrage de l’auteur cité en référence 1.

6 Quelques ouvrages sont à conseiller au futur créateur dans lesdomaines de l’hôtellerie et du tourisme (voir bibliographie en fin detexte)

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BIBLIOGRAPHIE

1 - Concernant la création d’entreprise en général

Adetinet B., Dujoncquoy M., Sananikone S., Le guide del’entreprise individuelle, Dalloz-Sirey, 2006 ; Agence pour la créationd’entreprises, Financer votre projet d’entreprise, Editions d’organisation,2006 ; Casteran S., Créer son entreprise : Le guide pratique, 2006 ;Cesbron C., S ‘installer à son compte, Delmas, 2006 ; Chambaud V., Créerson activité en solo, Dunod, 2005 ; Coste J., Lafond P., Mémento decréateur d’entreprise, Le Monde de l’Entreprise, 2006 ; Courrent J-M.,Sammut S., Elaborer son dossier financier de création, Dunod, 2005 ;Cova B., Innover en marketing, Tec & doc-Lavoisier, 2006 ; Cram T.,Optimisation prix, Village mondial, 2006 ; Darpy D., Volle P.,Comportements du consommateur, Dunod, 2003 ; Ducreux J.M.,Marchand-Touel M., Stratégie, les clés du succès concurrentiel, Editionsd’organisation, 2004 ; Duplat Cl., Financer la création et ledéveloppement de son entreprise, Vuibert, 2005 ; Engrand S., Le grandguide pour se mettre à son compte, Maxima, 2003 ; Fayolle A., Devenirentrepreneur, Village mondial, 2006 ; Fayolle A. Introduction àl’entrepreneuriat, Dunod, 2005 ; Fayolle A., Le métier de créateurd’entreprise, Editions d’organisation, 2003 ; Greffe, Se mettre à soncompte, Dunod, 2003 ; Groupe de recherches et d’études financières,fiscales et économiques, Se Mettre à son compte, Dunod, 2005 ; JuvenonA., Liard J.M., Roy E., Se connaître pour entreprendre, Dunod, 2002 ;Kotler P., Dubois B., Marketing, management, PubliUnion 2001 ; Leger-Jarniou C., Réaliser l’étude de marché de son projet d’entreprise, Dunod,2004 ; Le Seigneur V., Tourisme, environnement, territoires, Ifen, 2000 ;Massol J-L., Trouver une idée de création d’entreprise, Editionsd’organisation, 2007 ; Maoler H.P., Clef E., Comment manager un projet,Editions d’organisation, 2002 ; Merlin P., Tourisme et aménagementtouristique, La documentation Française, 2001 ; Montebello, M., Créationd’entreprise, Economica, 2004 ; Papin R., Stratégie pour la Créationd’Entreprise, Reprise, Développement, Dunod, 2007. Paysant M.,S’installer à son compte, Editions d’organisation,2005 ; Périer, C., Créerson entreprise, Jacob-Duvernet, 2006 ; Piganeau L., Le guide de la micro-entreprise, Editions d’organisation, 2006 ; Pialot D., Le guide complet dela création d’entreprise, Express éditions, 2005 ; Pierrat C., La gestionfinancière de l’entreprise, la Découverte, 2006 ; Potier F., Tourisme etinnovation, La documentation Française, 2004 ; Sens R., Je crée mon

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entreprise, Maxima 2003 ; Thiollet J-P., Créer ou reprendre un commerce,Vuibert, 2005 ; Trout J., L’essentiel de la stratégie, Village mondial, 2004 ;Yde V., Créer son entreprise, Vuibert, 2007.

2 - Concernant la création d’entreprise dans les domaines de l’hôtellerie et du tourisme

Abric D., Briot J.C., Ouvrir une agence de voyages, ACFCI,1996 ; Agence pour la création d’entreprises, Ouvrez un restaurant,Editions d’organisation, 2006 ; Amirou R., Imaginaire du tourismeculturel, PUF, 2000 ; Arnaud G., Réenchanter la France, Ladocumentation Française, 2004 ; Caccomo JL., Solonandrasana B.,L’innovation dans l’industrie touristique, L’Harmattan, 2006 ; Code duTourisme, Les éditions des Journaux Officiels, 2005 ; Duprez G., Coudert,G., Gérer un camping : création, rachat, administration, législation,Editions Puits Fleuri, 2004 ; Durand A., Réussissez vos premiers pas dansl’hôtellerie, Editions CCI, 2005 ; Heumann B., Ouvrir un hôtel, ACFCI,1994 ; Heumann B., Ouvrir un restaurant, ACFCI, 1993 ; Hoerner JL.,Traité de tourismologie, PUP, 2002 ; Hoerner J.M., Sicart C., La sciencedu tourisme, Balzac Editeur, 2003 ; INSEE, Le tourisme en France,Ministère délégué au Tourisme, 2005 ; Legoupil D. J’ouvre un café,CECOD, 1996.

Leguevaques, Ouvrir un camping, ACFCI, 1994 ; Pagnon-Maudet C., La création d’une entreprise hôtelière et touristique, EditionsEllipses, 1999 ; Pialot D., Créer son entreprise, L’entreprise, 2006 ; PlasaitB., L’accueil des touristes dans les grands centres de transit, Ladocumentation Française, 2004.

3 - Concernant des aspects spécifiques de la création d’entreprise hôtelière et touristique

3 - 1 - Mercatique

Balfet M., Marketing des services touristiques et hôteliers,Ellipses, 2001 ; Barma J.L., Marketing du tourisme et de l’hôtellerie,Editions d’organisation, 2000 ; Chétochine G., Le blues duconsommateur, Editions d’organisation, 2005 ; Cova V., Cova B.,Alternatives marketing, Dunod, 2003 ; Gicquel Y., Le marketing tribal, Legénie des glaciers, 2006 ; Gicquel Y., Le marketing polysensoriel, Legénie des glaciers, 2006 ; Gicquel Y., Le marketing ethnique, Le génie des

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glaciers, 2006 ; Gicquel Y., Le street marketing, Le génie des glaciers,2006 ; Gicquel Y., Le buzz marketing, Le génie des glaciers, 2006 ;Gicquel Y., Le marketing des juniors, Le génie des glaciers, 2006 ;Parenteau A., Le marketing pratique du tourisme réceptif européen,Jacques Lanore éditions, 1997 ; Tauran-Jarmelin V., Marketing dutourisme, Breal, 2002 ; Tocquer G. et Zins M., Marketing du tourisme,Gaëtan Morin, 1999 ; Tregner J.P., Seagti J.M., Les nouveaux marketings,Dunod, 2003.

3 - 2 – Gestion

Falcoz J.L., Investir dans le tourisme, Collection Guides,1999 ; Robinet J.Cl., Adam C., Le Management hotelier, Edition DeBoek, 2003.

3 - 3 – Juridique

Chambaud V., Guide fiscal et social du créateur d’entreprise,Dunod, 2003 ; Lafforgue A., Raffir R., Droit économique du tourisme,Edition Jacques Lanore, 2001 ; La revue financière, Cahier juridique : RF951, RF 955, FH 3174, FH 3175, FH 3176, 2006.

3 - 4 - Ressources humaines

C. Dejoux, Les compétences au cœur de l’entreprise, Editionsd’organisation, 2001 ; M. Jolis, La compétence au cœur du succès de votreentreprise, Editions d’organisation, 2000 ; J. P. Lozato-Giotart, M. Balfet,Management du Tourisme, Edition Pearson, 2004 ; H. Mintzberg, Lemanager au quotidien, Editions d’organisation, 1993 ; J.C. Robinot, C.Adam, Le management hôtelier, Edition De Boek, 2003.

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NOTE DE LECTURE :“LA FAMILLE FENOUILLARD FAIT SON TOURISME”,

Une farce de Jean-Michel HOERNER et de Laurent PRAT “THÉÂTRE CHEZ SOI”

Il n’est pas fréquent, dans une revue scientifique,de présenter une pièce de théâtre (la “première” estprévue début 2008). En outre, cette “note de lecture” estparticulière, dans la mesure où l’œuvre susdite n’est pasencore publiée…

Il a été rappelé dans l’introduction que les étudessur le tourisme ont besoin de toutes les approchespossibles. Pour autant, cette approche n’est paspionnière : dans un ouvrage scientifique réputé1, ArmandFrémont ne trace-t-il pas les limites d’une géographie del’espace vécu à partir de Madame Bovary, le roman deGustave Flaubert ? Ce qui est plus innovant, en revanche,c’est la nature de cette démarche théâtrale. En effet, lesauteurs pensent que leur farce dessine, plus qu’aucunouvrage savant, la problématique du tourisme de massedes classes moyennes au sein de nos sociétés, c’est-à-direla remise en cause de leurs fondements démocratiques.Eugène Ionesco, lorsqu’il imagine la “rhinocérite” danssa comédie, Le rhinocéros (1960), ne suggère-t-il pas,mieux que n’importe quelle thèse, le péril du fascisme ?

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La famille Fenouillard au grand complet…

La farce présentée s’intitule La familleFenouillard fait son tourisme et s’inspire largement de lapremière bande dessinée française, La familleFenouillard de Christophe2, où cet éminent botaniste dela Sorbonne raconte l’étrange tour du monde d’unefamille de bonnetiers de la Somme-Inférieure. Après unepremière partie, pendant laquelle ils se mêlent, demanière infructueuse, aux touristes anglais de la leisureclass, de Paris aux plages normandes, les Fenouillard seretrouvent sur un paquebot transatlantique. À partir de là,Agénor et Léocadie, les parents, Artémise et Cunégonde,leurs filles, vont fréquenter des factions politiques à NewYork, des Sioux, des trappeurs canadiens, des Japonais,des Papous cannibales… Leurs aventures sont drôles et

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souvent insolites. Elles sont parfois tendancieuses, dansla mesure où les Fenouillard affichent de manièreostentatoire la supériorité de leur civilisation, bien qu’ilsn’apparaissent pas toujours à leur avantage. Parfois, on amême droit à des connotations racistes, plus tolérées à lafin du 19e siècle que maintenant. Enfin, on s’étonne de laprésence de plus en plus prégnante d’un médecin de lanavale, le docteur Guy Mauve, qui prend la familleFenouillard comme cobaye en tant “qu’animauxhibernants”. Lorsqu’elle revient triomphante chez elle,n’apprend-on pas que ledit docteur est originaire de sonvillage ?

La farce de La famille Fenouillard fait sontourisme choisit d’interpréter la bande dessinée dans lesens d’une œuvre prémonitoire sur le tourisme de masse,en conservant les costumes de la fin du 19e siècle maisen se situant à notre époque. Autrement dit, puisque lesFenouillard voyagent dans leur sommeil (sic), ce sont destouristes incapables de vraiment voyager. Sur la based’une critique courante selon laquelle le tourisme nepourrait jamais s’assimiler à un vrai voyage, les touristesFenouillard sont en fait hypnotisés par le docteur. Or lacomédie ne se contente pas de l’hypothèse suggérée d’untraitement de la névrose résultant d’un goût exacerbépour les voyages. En effet, si Christophe voulait déjàamuser les enfants, la pièce de théâtre est plusambitieuse, même si la bande dessinée initiale porte enelle tous les ressorts utilisés dans cette farce. Avec lerecul, on constate ainsi que la satire du tourisme naissantde l’époque, en tant qu’activité de “désœuvrement”(Littré), anticipe la vision du tourisme de masse actuel…

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Le docteur Guy Mauve est alors présenté commeun démiurge fascisant, qui manipule les Fenouillard. Iln’a d’autre but que d’expérimenter le moyen de fairerêver les classes moyennes pour mieux les asservir, c’est-à-dire de pratiquer sur elles une sorte de tourismehypnotique. Parce que l’état de touriste est le modusvivendi des classes moyennes, il les fait voyager dansl’imaginaire afin de leur faire comprendre qu’ils doiventdormir pour échapper, dans leur faux voyage, à lamenace des voyous de tout acabit dans leur lotissementd’origine. En tant que touristes et faux voyageurs, lesFenouillard vivent donc de faux dangers, en oubliant leréel péril qu’ils courent dans leur environnementfamilier. Cette distanciation entre les deux réalités estobtenue par le recours au mode de la commedia dell’arte,avec l’utilisation de masques de cuir. Outre l’hommagerendu à la bande dessinée, l’artifice revêt un sensimaginaire qui répond à l’objectif du tourisme de masse :croire qu’il s’agit d’une exploration du monde, penser, enmême temps, qu’il est le prolongement, par lamondialisation, de la domination sans limite de lacivilisation occidentale, et exprimer dans la viequotidienne le rôle des classes moyennes.

Toutefois, le message de la pièce de théâtredemeure en filigrane. On rit beaucoup, on partage lesaventures désopilantes de touristes à la limite decaricature et on sourit de la prétention diabolique dudocteur Guy Mauve. Dans un contexte satirique,l’hypnose devient le prétexte d’une farce, pendantlaquelle les Fenouillard visitent les Sioux, se rendent enChine et sont prisonniers du pirate Barbe-Noire. Ledocteur Guy Mauve, assistée de sa secrétaire dont la

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présence échappe aux Fenouillard, apparaît comme unapprenti sorcier qui veut manipuler des touristes de laclasse moyenne, et son déguisement final en DocteurFolamour de Kubrick laisse augurer l’enjeu politique.Finalement, le tourisme devient ici le comportementd’une classe qui croit dominer le monde alors qu’elle estmenacée dans ses fondements.

L’œuvre de Christophe serait donc portée à sonparoxysme. L’universitaire percevait la fin d’un monde,qui se projetait dans l’illusion du tourisme, et la farceproposée, en s’inspirant peut-être de l’homo festivus cherà Philippe Muray3, suggère la lecture touristique dumonde, y compris dans sa menace terroriste. C’est peut-être aussi la version théâtrale du colonisme traité dansl’un des articles de cette revue. La confrontation d’unesociété de nantis qui, par centaines de millions detouristes, part à la conquête du monde le plus pauvre.L’incompréhension des cultures qui s’opère par letourisme international. La vanité des classes moyennes,qui apprennent que leur domination est fragile.L’ampleur, finalement, du phénomène touristique quin’accapare pas 10% des revenus mondiaux sansconséquences.

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Résumé : Une pièce de théâtre, La familleFenouillard fait son tourisme, écrite par Jean-MichelHoerner et Laurent Prat, et montée par la troupeperpignanaise du Théâtre chez soi, exprime, aussi bienqu’un article savant, l’étrange phénomène de sociétéqu’est le tourisme de masse. Elle s’inspire de la bandedessinée de Christophe (La famille Fenouillard, 1893),qui a sans doute un caractère prémonitoire.

Abstract: A play, La famille Fenouillard fait sontourisme, written by Jean-Michel Hoerner and LaurentPrat, and produced by the perpignanaise company of theTheatre chez soi, expresses, as well as an erudite article,the strange phenomenon of society which is tourism ofmass. This joke draw its inspiration from the comic stripof Christophe (La famille Fenouillard, 1893), who isundoubtedly premonitory.

ANNOTATIONS

1 Armand Frémont, La région, espace vécu, Paris, PUF, 1976.

2 Christophe, La famille Fenouillard, Paris, Armand Colin, 1893.

3 Philippe Muray, Après l’Histoire II, Paris, Les Belles Lettres, 2000.

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CARACTÉRISTIQUESDES “CAHIERS INTERNATIONAUX DU TOURISME”

Direction :

- Rédactrice en chef : Anne-Marie Mamontoff,Université de Perpignan Via Domitia.

- Directeur de la publication : Alain Sebban, Président duGroupe Vatel et du CirVath.

- Secrétaires de rédaction : Claudie Carrère, Universitéde Perpignan Via Domitia, et Patricia Decret, Vatel.

Partenariat :

La revue est adossée au CirVath (Centre International deRecherche Vatel en Tourisme et en Hôtellerie).

Structure générale :

- Des articles en provenance de disciplines diverses,essentiellement des sciences humaines et sociales, quiabordent des problématiques du tourisme.

- Des articles consacrés expressément à des approchescomparatistes interculturelles.

- Des articles émanant de professionnels du tourisme etde l’hôtellerie.

- Une rubrique “Discussion” permettra un débat entredeux chercheurs sur une question vive en matière detourisme.

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- Une rubrique “Réponse” permettra à un auteur deréagir à un article précédemment publié dans la revue.

- En outre, sera créée une rubrique “Notes de lecture”.

Sélection des articles :

Le mode d’évaluation des articles s’effectue sur lemodèle des revues indexées internationales. Ils sontexpertisés par deux rapporteurs.

Le comité scientifique :

Il est international et pluridisciplinaire.

Parution :

La périodicité de la revue est de deux numéros par an(1er et 3e trimestres). Des numéros spéciaux pourrontêtre proposés ainsi que des numéros à thème.

Organisation du contenu :

La revue comportera un maximum de dix articles parnuméro. Ils peuvent être écrits en français, en anglais ouen espagnol, et doivent comprendre un résumé enfrançais et en anglais.

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CIRVATHCentre International de Recherche Vatel en Tourisme et en Hôtellerie

VATEL - 8 rue Duhamel - 69002 Lyon - France

Imprimé par Papier Vert - Lyon

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R e v u e S c i e n t i f i q u e

Les Cahiers Internationauxdu Tourisme

Centre International de Recherche Vatelen Tourisme et Hôtellerie

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