Les camps de concentrations commencèrent à émerger en Europe dès 1933 (camp de Dachau).Dabord...
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Le dessin dans le système concentrationnaire
Les camps de concentrations commencèrent à émerger en Europe dès 1933 (camp de Dachau).Dabord sous forme de ghettos destinés à isoler certaines populations,
Les camps de concentrations commencrent merger en Europe ds
1933 (camp de Dachau).Dabord sous forme de ghettos destins isoler
certaines populations, tels que les tziganes, ou notamment les
prisonniers politiques. Ce systme concentrationnaire pris de
lampleur durant la seconde guerre mondiale. Ces camps se
caractrisaient par des conditions de vie dpourvues dhumanisme. Ce
sont alors mis en place, une activit interdite sur ces lieux (parmi
tant dautres), le dessin. Activit qui perdura aussi aprs la
libration de certains dtenus. Dessiner, pour rsister, tmoigner ou
survivre ?
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Introduction Lorganisation des camps tait telle que tout tait
mise en place afin de rduire ltre humain lchelle dun animal, dun
parasite, insufflant la mort partout. Chemins et fours crmatoires,
forts de leur symbolique, taient gnralement situs mme le milieu du
camp. Par ailleurs, les personnes en quarantaine se trouvaient
parfois juste dans la salle au dessus de ceux devant se faire
excuter, dans certains cas. Les humiliations taient aussi
quotidienne, ajoutes cela des conditions de vie effroyables. Leur
humanit tait elle aussi mise en jeu dans ce systme. On pourrait les
comparer des animaux, or mme certains animaux du camp taient mieux
traits (par exemple, un jour au camp de Buchenwald, un kapo fut
puni pour avoir lectrocut un des animaux de la mnagerie des
SS).
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Etant dailleurs entasss dans les blocks, sur les lieux de
travail ou durant lappel, la manire de troupeaux, exhibs nus aux
yeux de tous lors des examens mdicaux, les dtenus taient aussi
pousss se comporter eux-mmes la faon de bte, en spouillant, en
mangeant dans une mme gamelle et ce, avec leurs doigts. Gnralement
vtus de haillons, inadapts leur taille, dailleurs tous identiques.
LHomme ne devait tre quune masse dpourvue de volont et didentit
propre, comme le dmontrent le numro tatou sur leur bras. Mmes les
morts ntaient pas respects, gisant parses, enterrs, brls plusieurs
dans un mme four (ce qui tait oppos aux lois concernant la crmation
en Allemagne, avec beaucoup dautres faits similaires, tels que la
chaleur du four par exemple). La rsistance saffiche alors par
lespoir, lopposition, la soif de vivre en dpit de ces conditions.
Culture en tout genre (telle que le dessin, lcriture, le langage,
les religions) joua aussi un rle important pour la rsistance au
sein de ce systme.
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Dessiner pour rsister Dshumanisation et rsistance Dessiner pour
rsister
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Dshumanisation et rsistance Tout dabord, il sagirait de dire
que la dshumanit commence ds que lon refuse de voir lhumanit comme
une valeur fondamentale, que la dshumanit sexprime par la volont de
dconstruire ce qui est lessence mme de la vie, plutt que linverse.
Autrement dit, lhumanit est premire, car cest la destruction (et
donc la dshumanisation) qui est oppose cette source essentielle.
Ensuite, on peut dire que rsistance et dshumanisation sont
imbriques et lis entre et malgr elles, lune nexistant pas sans
lautre. En effet, si la dshumanisation est la volont de dtruire
lessence- mme de la vie, il ny a pas de dshumanisation sans la
volont de sopposer cette destruction.
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Sil ny a donc pas de dshumanisation sans rsistance, on peut
considrer que la rsistance incite en quelque sorte la
dshumanisation. On conclue alors que la dshumanisation nest pas
premire, puisque cest lhumanit qui lest, et qui na pas de
commencement. Partout alors, mme dans des conditions totalitaires,
la dshumanisation vient aprs lhumanit.
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La limite ambige entre bourreau et victime rentre aussi dans la
notion de rsistance, car nier cette diffrence pourrait revenir
radiquer la notion de rsistance. En effet, dans les camps la notion
de victime tait particulire, car certains dtenus taient obligs
dinfliger eux-mmes certains actes commandits par les SS ou certains
kapos. Ce qui engendre certains comportement, qui ont voir avec de
la rsistance, rsistance elle-mme nuance. Par exemple, les
responsabilits trs lourdes ont parfois men certains dtenus se
suicider. Ceci afin de ne pas contribuer au systme, il sagirait
alors de rsistance, puisque cela correspond la volont de sopposer
au fonctionnement impos, mais paradoxalement, cela revient aussi
aller dans le sens de lobjectif des SS, lexcution, la mort dethnies
particulires.
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Cette ambigit mne aussi la notion de double jeu, ou de double
conscience, qui consiste entrer dans le systme afin de le
fragiliser, de mieux laffaiblir. Ce double-jeu prsente des risques
importants, soit lon perd, soit lon gagne, lintrt tant de faire
durer le plus longtemps possible mme dans le cas o il serait
question de dfaite. Concrtement, la dfaite implique la mort, il
sagit de retarder celle-ci jusqu obtenir un maximum dinformation ou
jusqu ce que le camp soit libr. Du ct des SS, il ny avait pas de
quota prdfini atteindre, ce qui impliquait que nimporte qui pouvait
tre tu, bien que jouant un double-jeu et donc ayant probablement
une quelconque relative- utilit pour ces derniers. De ce fait, le
systme se trouvait tre complexe, et pouvait tre sujet des brusques
retournements de situation.
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Le double-jeu et donc une manire de rsister parmi dautres, le
tout dans la rsistance, tant de ne pas nier son humanit. Il est
possible de mettre cette notion de double conscience, en relation
avec certains faits de rsistance concernant le dessin. Par exemple,
au camp de Buchenwald, on trouva des fleurs gravs dans la pice o
vivaient des dtenus chargs de brler les corps (pice juxtapose celle
des fours). Ces prisonniers taient obligs de faire fonctionner un
systme malgr eux, et y chappaient et y rsistaient par cet
acte.
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Dessiner pour rsister Comme indiqu prcdemment, dessiner tait
interdit dans les camps (sauf dans certains cas o il pouvait sagir
dune commande dun SS par exemple), de ce fait, le seul fait de
dessiner correspondait un acte de rsistance, car dessiner, ctait
sopposer au systme qui voulait interdire toutes les liberts.
Seulement, il ne suffisait pas de vouloir dessiner, il fallait
aussi pouvoir. Ainsi, avant mme davoir dessin, la recherche du
matriel constituait un acte de rsistance. Il fallait en effet
trouver des crayons, et du papier sur lequel dessiner. Le moment et
le lieu taient eux aussi difficiles atteindre. En permanence occups
ou surveiller, dessiner implique de nombreux risques.
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Il sagissait aussi de les cacher afin quils ne tombent pas
entre les mains de kapos ou SS, ou mme quils ne soient pas dnoncs.
Ce qui fut le cas de Leo Haas, les SS eurent vent de son activit,
mais ni ses camarades ni lui navourent o se trouvaient les dessins,
mme sous la torture (probablement avaient-ils compris lenjeu de ce
quils reprsentaient). Ces derniers furent donc retrouvs la
libration du camp. Certains y parvinrent tout de mme, en dpit des
complications. Lon Delarbre par exemple obtint un crayon en se
proposant de dessiner le portrait du secrtaire.
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Ce dernier eut dailleurs quelques problmes concernant la cache
dans laquelle il avait dissimul ses dessins, car il sagissait de
son tablit de travail, lequel avait t un jour dplac. Ils pouvaient
aussi tre dissimuls dans les vtements ou parfois avec leurs rares
effets personnels si la situation et/ou le camp le permettait. La
dysenterie au petit camp, par Lon Delarbre
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Le dessin en lui-mme se faisait sur des petits morceaux de
chiffon en papier, demballages de cartouche, enveloppes usages,
etc., gnralement de format trs rduit. De plus, le dessin tait une
activit dautant plus dlicate que certains navaient auparavant
jamais dessin, ctait le cas de Jeannette lHerminier. Dessin de
Jeannette lHerminier ralis sur un emballage de cartouches
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Pour cette raison, et pour le manque de temps, ses dessins
taient gnralement trs simples, mais expressifs. Les femmes quelle
dessinait sont dailleurs reprsentes sans visages, tout dabord pour
ces raisons (manque de temps et dexp rience) mais aussi par souci
danonymat. Les reprsentations de Jeannette lHerminier ntaient pas
fidles ce quelle voyait rellement, car ses portraits avaient pour
but dembellir ltat de physique de ses camarades, afin de leur
apporter un soutien moral, en arrangeant leur coiffure, leurs
vtements, et ainsi rtablir une certaine fminit et coquetterie
travers ses images. Dailleurs, la signature mme dun dessin,
lidentification relve de la rsistance, car cest en quelque sorte
une rappropriation de son identit, de sa condition humaine pourtant
bannie par le systme concentrationnaire.
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Le camp de Terezin est intressant ce sujet car le dessin
engendra la rsistance divers niveau. Ce camp tait en effet un des
rares o se trouvaient des enfants (il sagissait plus exactement dun
ghetto, les conditions taient toutes aussi misrables que dans les
camps, des personnes plus ges et des enfants y taient prisonniers
en plus dadultes, gnralement avant dtre dports ailleurs, et
gnralement pour tre extermins dans le cas des enfants). La prsence
de ces enfants poussa les adultes du camp maintenir une certaine
ducation (qui premirement fut interdite, et ensuite tolre). Ces
enfants symbolisant aux yeux des adultes un avenir meilleur, ils
leur important de maintenir une certaine culture et un certain
panouissement en dpit des circonstances. Les activits telles que le
dessin leur permettait de structurer leurs penses, de rapprendre
jouer, de reconstituer certains vnements de leur mmoire. Certains
journaux, illustrs, taient aussi publis, ils donnaient lieu un
travail collectif, valorisant et reconnu, et donc une certaine
fiert.
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Dans ce camp, le dessin tait donc un moyen de rsister car il
permettait aux enfants de contrer la dshumanisation, le systme
concentrationnaire, de reconstruire un tant soit peu lenfance qui
leur avait t vole. Mais ctait aussi une action de rsistance pour
les adultes qui mettaient en place ces activits, tout dabord parce
quelles taient premirement prohibes, ensuite car cela leur
permettait desprer et de construire des projets, insuffler de un
minimum despoir travers ces enfants, dans un lieu o la misre et la
mort rgnaient. Dessin dEdita Pollakova, 1932
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Dessiner pour survivre Survivre ou rsister, nuance Survivre en
dessinant dans les camps
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Survivre ou rsister, nuance Survivre dans les camps pouvait
correspondre plusieurs choses. Il pouvait sagir de rester en vie,
vivre en dpit de la mort omniprsente, et dans ce cas, dessinant
pour vacuer les motions, dessinant comme par besoin vital,
obsession, voire obligation. Lacte en lui-mme reste un acte de
rsistance, tant donn que cela tait interdit et que cette activit
tait toute une organisation, pour trouver le matriel, trouver le
lieu o dessiner et o les cacher. Cependant, dessiner avec la volont
primaire de rpondre un besoin vital est mon sens diffrent du dessin
ralis avec la conscience de rsister, mme si dans lacte en lui-mme,
ils sont similaires. Il pouvait aussi sagir damliorer ses
conditions de vie. Dans le cadre de cette amlioration, la morale a
aussi sa place.
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En effet, il est possible damliorer les conditions en question,
en se mettant au service dun kapo, dun SS, en rendant quelques
services qui apportent des avantages. Le dessin tait dailleurs un
de ces services qui pouvaient tre demands, portraits divers,
reprsentations de la maison dun SS laide dune description, en
change dun morceau de pain ou dune autre denre. Cela impliquait
cependant des svices auprs des codtenus, et correspond au terme de
zone-grise trouv par Primo Levi, qui diffrenciait les dtenus qui
intgraient le systme (pour Primo Levi, quil y ait rsistance ou non
au sein du systme en question) de ceux qui taient exclusivement
prisonniers.
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Mme si le dessin en lui-mme nest pas dangereux pour les autres,
moralement accepter de rendre service ainsi et donc quelque part se
plier au systme pouvait dranger moralement, la personne concerne
voire dautres dtenus (comme a a t le cas de Primo Levi). Cependant,
le principe mme de la survie est de vivre en dpit du reste. On peut
donc considrer que dans ce cas, la morale et les remords pouvaient
tre mis de ct, de manire ne pas perdre de vue le but primordial de
la survie. La survie pouvait donc se faire au dpend des autres ou
non.
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Survivre en dessinant Dessin de David Olre illustrant bien le
principe de survie grce au dessin. Lartiste sest probablement
lui-mme reprsent, peignant sur une lampe un paysage marin dcrit par
un kapo. Moyennant probablement quelques bnfices.
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Peinture de David Olre ralise aprs sa dportation.
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Pourtant du mme auteur, on remarque que le genre nest pas du
tout le mme. Cette peinture est trs expressive, tant par le fond
que par la forme. Les personnages sont reprsents hurlant, le dcor,
avec le zyklon B est quivoque. David Olre a reprsent des personnes
se faisant gazes, cependant il ne peut vraiment sagir dun tmoignage
car il naurait pu voir cette scne et en rendre compte ensuite Les
couleurs froides et la composition accentuent aussi lexpressivit de
limage. Lauteur sest servi ici de la peinture comme dun exutoire,
il cherche exprimer son vcu, le traumatisme de sa dportation. Bien
quayant t ralis aprs sa dtention, on peut imaginer quil a prouv un
rel besoin de peindre cette uvre, comme vital. Lexpression de ces
vnements probablement permis aux survivants de confier ce quils
avaient vcu (dautant quil tait difficile den parler), et ainsi, de
survivre. Car certains, mme aprs avoir t librs, ny parvinrent
pas.
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Dessin de Zoran Music ralis suite sa libration
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On suppose ici aussi que Zoran Music a ralis cette peinture
avec en lui un besoin vital dexprimer tout ce quil a pu vivre
durant ses annes passes dans les camps de concentration. Et donc
ainsi, survivre. On remarque dailleurs quici, compar luvre
prcdente, les dtails ne sont pas aussi prsents. Le trait est
davantage brouill, les corps ne sont pas termins, on devine alors
davantage la porte de ce dernier (le prcdent aurait pu tre considr
comme ayant une porte informative). Les motions sont ici exprimes
par les couleurs, brun, rouge, noir et blanc. Couleurs symboliques
qui transmettent aisment le message, une certaine angoisse,
douleur, souffrance, ainsi que la mort. Les traits torturs du
visages sont mis en avant, par leur couleur, leur paisseur. Pour
conclure, cette uvre est une expression des sentiments de lauteur
motive par le besoin dextrioriser son pass afin de survivre.
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Dessin ralis par un des enfants du camp de Terezin
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Dessiner pour les enfants dans le camp de Terezin tait quelque
chose de probablement ncessaire leur survie, leur survie en tant
qutre humain et en tant quenfant. En effet, dans des milieux tels
que les camps de concentration, les enfants nauraient pas pu vivre
en tant que tels faute de pouvoir spanouir grce aux activits telles
que le dessin ou encore le jeu, les activits de groupe, etc.
Dessiner leur permit alors de retrouver leur enfance qui leur avait
t substitue. Il sagissait aussi, comme pour les adultes, de
dessiner afin dexprimer leurs envies, leurs dsirs et leur mal-tre,
ceci dans le but de concrtiser cela sans avoir a placer de mots qui
pour la plupart ntaient pas toujours vident trouver. Empreints de
navet pour certains, dessins denfants avaient une double porte
quant leur survie.
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Dessiner pour tmoigner Tmoigner du systme concentrationnaire
Diffrentes sortes de dessins pour tmoigner
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Tmoigner du systme concentrationnaire Sous diverses formes,
certains dtenus des camps de concentration tmoignrent, que ce soit
pendant la dtention, ou suite la libration. Le dessin fut lune de
ces faons de garder traces de ce qui se produisit. Les dessins
constituent une part importante des tmoignages concernant ces
camps, tant donn que leur existence-mme tait volontairement
dissimule, de nombreuses preuves furent dtruites avant la
libration. Si la vrit ntait pas cache, elle tait parfois dguise. La
rumeur courait par exemple que les personnes dportes allaient dans
des camps de vacances.
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Il importait donc de relater dune manire ou dune autre leur
quotidien afin de faire savoir la vrit. Le dessin permit dexprimer
ce que les mots ne pouvaient probablement pas dcrire, il y aussi
une instantanit et une universalit qui est prsente dans le dessin.
Certains prirent donc le risque de dessiner leur quotidien, vif,
afin de garder une trace de leur dtention et de leurs conditions de
vie, ainsi que des vnements qui pouvaient marquer les journes.
Dautres prfrrent dessiner suite leur libration, tout dabord car les
possibilits de le faire dans les camps taient limites et risques,
et ensuite probablement car certains eurent besoin dun certain
recul pour retranscrire leur vcu.
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Le fait que le sujet resta tabou durant des annes poussa
certainement aussi les dtenus dessiner. Peu dentre eux taient
capable den parler leurs proches, dailleurs, peu pensaient vridique
ce qui tait racont. De plus, lors de la monte du ngationnisme, le
dessin fut un moyen de faire valoir ce qui fut vcu, par les dessins
raliss lpoque, et ceux raliss aprs, qui reprenaient parfois des
dtails prcis. Le dessin valeur de tmoignage est gnralement empreint
au maximum dauthenticit, sans artifices afin de retranscrire les
situations au plus juste. Cependant, il ne sagit pas de faire
valoir davantage le dessin qui vise au plus juste celui qui vise
retranscrire une motion ou vacuer les tensions sur le moment.
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Diffrents tmoignages Ci-dessus un schma explicatif de David
Olre, un dtenu polonais qui travailla dans le sonderkommando.
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Il tait alors charg de transporter les corps des chambres gaz
jusquaux fours crmatoires. Habituellement ce poste est de courte
dure afin dviter de conserver des personnes pouvant tmoigner de ces
faits lors de la libration, mais ses comptences linguistiques et
artistiques le sauvrent (en effet le dessin tait source de
divertissement pour les kapos et la matrise de plusieurs langues
tait un fort avantage l o plusieurs sortes de nationalits se
mlaient). La prcision, les nombreuses informations ainsi que la
vision densemble font de ce dessin un tmoignage important. Un point
de vue neutre est donn, il sagit ici de montrer le fonctionnement
du crmatorium, en toute objectivit.
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Ce dessin de Lon Delarbre reprsentant un four crmatoire de
lextrieur est lui aussi un tmoignage important.
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Il tmoigne tout dabord du fonctionnement du camp, ainsi que de
son ambiance gnrale, de latmosphre, tout en restant simple et
concis, ce qui accentue la force de ce dessin. Croqu, rapide, le
four semble tre enfui au milieu du ciel, de lombre des baraquements
et de la fume, seule ressort la chemine. On remarque donc qu la
fois sont montrs ici le fonctionnement du camp, avec la chemine et
le four prsent au beau milieu des baraquements, ainsi quun signe de
la forte prsence de la mort et de langoisse, ainsi que lurgence de
lacte dans le geste des traits et dans la schmatisation des
lments.
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Ci-dessus un dessin de Serge Smulevic, ancien dport qui
contribua beaucoup par ses dessins au tmoignage de lhistoire des
camps, allant jusqu utiliser certains de ses dessins dans des
procs.
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Serge Smulevic dcida de faire certains de ces dessins sur des
fonds colors. En effet, selon lui, les couleurs pouvaient aussi
sintgrer ce thme, par exemple par les fleurs quils pouvaient voir
en allant travailler dans des kommandos extrieurs au printemps,
mais aussi car la souffrance ne se symbolise pas que par des
couleurs sombres. Ses dessins sont composs de peu de traits,
presque schmatiss, mais reprsentent nanmoins des scnes dtailles.
Ici par exemple une scne reprsentant une exprience sur un dtenu. On
ne sait exactement le but de lopration, mais ce genre de dessin
laisse penser quil y avait donc des expriences diverses. Serge
Smulevic tmoigne donc de lorganisation et du systme interne du
camp, et dvoile un autre des crimes contre lhumanit qui fut commis
au sein de ce milieu.
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Nous organisons , de Thomas Geve, un jeune, dport qui ne fut
pas extermin. Il travailla dans des camps tels que Auschwitz et
Buchenwald.
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Au moment de la libration, le jeune Thomas tait trop faible
pour tre vacu. Faute de pouvoir sortir, il demanda de quoi dessiner
et retranscrit le plus fidlement possible ce quil avait pu
emmagasiner durant sa dtention. Bien que nayant aucune pratique du
dessin, ses reprsentations sont dessentiels tmoignages. Une fois de
plus nous pouvons remarquer que la schmatisation renforce
lobjectivit et la fonction informative du dessin. Allant
lessentiel, Thomas Geve a su apporter et/ou confirmer de prcieuses
informations, bien que trs simples voire minimaliste, ses dessins
sont des preuves part entire. La simplicit et une sorte de navet se
retrouvent dans de nombreux dessins jeunes dports, dont la majorit
purent se prter cette activit dans le camp de Terezin.
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Celui-ci contraste en divers points avec le prcdent dessin
David Olre, tout dabord, il ne sagit pas dun schma, de plus,
lauteur a volontairement commis une erreur, il a reprsent les
chambres gaz juxtaposant les fours crmatoires, ce qui na jamais t
le cas.
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Il peut cependant parfaitement sagir dun choix, tant donn que
David Olre a fait parti du sonderkommando, et la vue de la prcision
de son schma concernant le crmatorium, il tait certain quil avait
une connaissance prcise du fonctionne des crmatorium. De plus, ce
dessin peut tout de mme tre vu comme un tmoignage, si lon excepte
ce fait. En effet, les dtails sont tout de mme fort prsents, que ce
soit au niveau de la chambre gaz, par la construction de la porte,
ou les corps des dfunts, la zone de rserve en dessous des fours
pour rcuprer la graisse, ou encore par luniforme de lhomme droite
ou de la physionomie du personnage central. Le style est raliste et
percutant, on sent que lartiste na pas chercher amplifier, il a
seulement probablement juxtapos fours et chambre gaz de manire
concentrer les deux ides et afin de mieux illustrer son ide.
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En tout cas, le mlange de ces deux donnes contradictoires
nchappa pas aux ngationnistes. Quelque fut la volont de David Olre
par ce dessin, ces derniers sen servir de manire discrditer les
tmoignages ce sujet, et retourner ce dessin contre lauteur. Alors
que son schma et la place quil occupait au sein du camp dmontrent
bien sa connaissance sur le sujet. Ce genre de fait montre combien
la notion de tmoignage est dlicate et fragile. Il faut veiller tre
le plus juste possible afin dviter de sy mprendre, surtout avec des
thmes comme celui-ci qui peuvent tre sujets des controverses.
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Conclusion Le dessin dans les camps de concentration peut donc
avoir plusieurs portes, celle de tmoigner, en relatant les faits de
la manire la plus objective possible, traitant des vnements de
manire informative, ou encore celle de rsister, en sopposant au
systme concentrationnaire grce la volont de faire valoir ses
qualits dtre humains. Le dessin peut aussi tre utilis de manire
survivre, que ce soit pendant la dtention ou suite la libration,
afin dextrioser leur traumatisme. Lunivers concentrationnaire a
ouvert diffrentes portes au niveau artistiques, telles que le thtre
(Rplika de Jozek Szajna) ou lcriture (Si cest un homme de Primo
Levi), ou encore les sculptures (Monument aux dports de Buchenwald,
cimetire du Pre Lachaise de Buncel Louis)