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MARIE LUGAZ Les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises : vers un nouveau modèle de justice pénale internationale ? Mémoire présenté à la Faculté de Droit de l’Université Aix-Marseille pour l’obtention du Master 2 Droit de la reconstruction des États DAKAR 2014 © Marie Lugaz 2014 Ce mémoire est à jour au 15 juillet 2014 et ne lie que la personne l’ayant écrit. Il n’engage ni les Chambres africaines extraordinaires, ni le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires.

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MARIE LUGAZ

Les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions

sénégalaises : vers un nouveau modèle de justice pénale internationale ?

Mémoire présenté

à la Faculté de Droit de l’Université Aix-Marseille

pour l’obtention du Master 2 Droit de la reconstruction des États

DAKAR 2014

© Marie Lugaz 2014

Ce mémoire est à jour au 15 juillet 2014 et ne lie que la personne l’ayant écrit. Il n’engage ni les Chambres

africaines extraordinaires, ni le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires.

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REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire a pris une tournure tout à fait spéciale du fait de l’accueil et de la

confiance qui m’ont été réservés par les membres du Parquet Général des Chambres africaines

extraordinaires, M. Mbacké FALL, M. Youssoupha DIALLO, Mme Anta N’diaye DIOP et M.

Moustapha KA, que je souhaite remercier chaleureusement.

Je souhaite remercier plus particulièrement M. Youssoupha DIALLO pour le temps qu’il m’a

accordé afin d’échanger avec moi sur toutes les questions pouvant entourer les Chambres

africaines extraordinaires. Ces discussions ont été d’une grande inspiration pour la réalisation

de ce mémoire.

Mes remerciements les plus sincères vont également à M. Hugo JOMBWE, du Cabinet Primum

Africa Consulting, qui m’a permis d’en apprendre davantage sur les questions de sensibilisation

auprès des populations concernant le travail des Chambres. Cette thématique me tenait vraiment

à cœur.

La réalisation de ce stage de six mois aux Chambres africaines extraordinaires n’aurait pu avoir

lieu sans la confiance et le soutien de la Professeure Fannie LAFONTAINE, directrice de la

Clinique de droit international pénal et humanitaire de l’Université Laval (Québec, QC,

Canada). Je souhaiterais la remercier de m’avoir transmis d’une manière si inspirante cette

passion pour la justice pénale internationale.

Enfin, je souhaiterais adresser mes plus précieux remerciements à M. Cheikh DIAKHATE, pour

m’avoir fait vivre au plus près cette téranga sénégalaise. L’accueil de sa famille et ses précieux

conseils, y compris pour la réalisation de ce mémoire, me marqueront pour longtemps.

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« Le moyen d’acquérir la justice parfaite,

c’est de s’en faire une telle habitude

qu’on l’observe dans les plus petites choses,

et qu’on y plie jusqu’à sa manière de penser. »

Montesquieu

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3

Remerciements ......................................................................................................................... 1

Introduction .............................................................................................................................. 4

Chapitre 1 : Le contexte de création des Chambres africaines extraordinaires ................................................... 5

Section 1. Le Sénégal : entre incapacité juridique et manque de volonté politique ................................ 5

Paragraphe 1 : La procrastination du Sénégal à l’épreuve de l’éveil de la Belgique dans le cadre de

« l’affaire Hissène Habré » ........................................................................................................................ 5

Paragraphe 2 : La délégation par le Sénégal de ses obligations internationales à l’Union africaine ...... 8

Paragraphe 3 : Les premières initiatives du Sénégal freinées par la Cour de Justice de la CÉDÉAO ..... 9

Paragraphe 4 : Les facteurs d’accélération de la procédure .................................................................. 12

Paragraphe 5 : La question primordiale de la légalité des Chambres africaines extraordinaires ......... 13

Section 2. Une approche régionale de justice pénale internationale ? ................................................... 14

Paragraphe 1 : Une approche africaine du fait des circonstances de « l’affaire Hissène Habré » ........ 15

Paragraphe 2 : Vers une Cour pénale africaine ? ................................................................................... 16

Chapitre 2 : Le fonctionnement des Chambres africaines extraordinaires ........................................................ 17

Section 1. Les aspects juridiques ............................................................................................................... 17

Paragraphe 1 : Une juridiction spéciale pour exercer une compétence universelle ad hoc .................... 18

Paragraphe 2 : Une juridiction à caractère international au sein des juridictions sénégalaises ............ 19

Paragraphe 3 : La définition des crimes et des modes de responsabilités selon le Statut des Chambres 20

Paragraphe 4 : Le droit applicable aux Chambres africaines extraordinaires ....................................... 23

Paragraphe 5 : Le déroulement du travail des Chambres avant l’ouverture de tout procès ................... 26

Paragraphe 6 : La place des victimes ...................................................................................................... 29

Section 2. Les aspects politiques ................................................................................................................ 31

Paragraphe 1 : Les critiques liées à un exercice sélectif par les Chambres de leur compétence ............ 31

Paragraphe 2 : Les enjeux liés à la coopération du Tchad ..................................................................... 33

Paragraphe 3 : La question du financement des Chambres .................................................................... 33

Chapitre 3 : L’impact espéré des Chambres africaines extraordinaires ............................................................ 35

Section 1. Rendre la justice visible ............................................................................................................ 35

Paragraphe 1 : Le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires ............ 36

Paragraphe 2 : L’enregistrement et la diffusion des audiences ............................................................... 38

Section 2. L’impact espéré des Chambres au Sénégal ............................................................................. 40

Section 3. L’impact espéré des Chambres au Tchad ............................................................................... 42

Section 4. L’impact espéré des Chambres en Afrique et dans le reste du monde ................................. 44

Chapitre 4 : Les Chambres africaines extraordinaires : un modèle à reproduire ?............................................ 45

Section 1. Les atouts d’un tel modèle ........................................................................................................ 45

Section 2. Les défis à relever ...................................................................................................................... 47

Conclusion ............................................................................................................................... 49

Bibliographie ........................................................................................................................... 52

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INTRODUCTION

Au jour où ce mémoire est rédigé, les Chambres africaines extraordinaires au sein des

juridictions sénégalaises sont en plein cœur de l’instruction du dossier Hissène Habré et autres.

Le choix du sujet de mémoire a donc été influencé par le secret de l’instruction, mais également

par le caractère novateur de cette institution mise en place au Sénégal. Les Chambres africaines

extraordinaires ont été créées à l’issue de longues et nombreuses péripéties. De façon certaine,

il s’agit d’une juridiction totalement nouvelle dans le domaine de la justice pénale

internationale. Pour la première fois, une juridiction spéciale est créée pour exercer une

compétence universelle ad hoc. La question se pose néanmoins de la nécessité d’une telle

démarche.

Un modèle est « ce qui est donné pour être reproduit »1. Serait-il envisageable de

reproduire ce nouveau type de juridiction que sont les Chambres africaines extraordinaires ?

Comment ces dernières fonctionnent-elles ? Quelles sont leurs particularités ? Au jour

d’aujourd’hui, les Chambres ont encore le temps de faire leurs preuves. Mais il est d’ores et

déjà possible d’analyser les avantages d’une telle juridiction, les critiques qu’il est possible de

faire à son encontre, ainsi que les défis auxquels elle va devoir faire face.

Outre la question de l’éventuelle reproduction d’un tel modèle, il est également

nécessaire d’évoquer l’objectif principal des Chambres africaines extraordinaires, qui est de

rendre justice aux victimes des crimes présumés commis au Tchad sous le régime de Hissène

Habré, entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990. Mais il convient aussi d’analyser la manière

dont elles vont pouvoir réaliser cet objectif, cette justice étant attendue depuis plus de 20 années.

Tous les yeux sont rivés sur le Sénégal aujourd’hui. Les Chambres africaines

extraordinaires seront-elles à la hauteur de leur ambition ? Leur vocation pédagogique ne fait

pas l’ombre d’un doute, que ce soit pour le Sénégal, le Tchad, l’Afrique et même le reste du

monde. Elles ont donc un énorme défi à relever.

Néanmoins, à supposer qu’un tel système ne soit pas reproductible, cela ne pourrait nous

empêcher de considérer les Chambres africaines extraordinaires comme un modèle de justice

pénale internationale. Si elles réussissent à relever les nombreux défis qui s’imposent à elles

1 Dictionnaires de français LAROUSSE, Définitions : modèle, en ligne : Larousse

<http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/mod%C3%A8le/51916> (consulté le 7 mai 2014).

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dans le contexte dans lequel elles s’insèrent, alors elles pourront sans aucun doute être

considérées comme un modèle ad hoc de justice pénale internationale.

Chapitre 1 : Le contexte de création des Chambres africaines

extraordinaires

Pourquoi et comment le Sénégal en est-il arrivé, avec l’Union africaine, à mettre sur pied les

Chambres africaines extraordinaires ? Toute la problématique liée à l’institution des Chambres

se situe ici. Il est indispensable de comprendre dans quel contexte cette juridiction s’insère,

pour mieux appréhender les raisons pour lesquelles le Sénégal a estimé qu’il était inéluctable

de la créer.

Section 1. Le Sénégal : entre incapacité juridique et manque de volonté politique

Premier État à devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale2 (ci-après

« Statut de Rome ») après l’avoir ratifié le 2 février 19993, le Sénégal semblait destiné à jouer

un rôle d’impulsion pour l’Afrique dans le domaine de la justice pénale internationale.

Néanmoins, lorsqu’il a été mis face à ses obligations internationales par les victimes présumées

des crimes internationaux commis au Tchad sous le régime de Hissène Habré, ce dernier ayant

trouvé refuge sur le territoire sénégalais après avoir fui son propre pays, le Sénégal n’a cessé

de tergiverser pour y échapper.

Paragraphe 1 : La procrastination du Sénégal à l’épreuve de l’éveil de la

Belgique dans le cadre de « l’affaire Hissène Habré »

Arrivé au Sénégal en 19904 après avoir fui le Tchad, Hissène Habré y a alors vécu

pendant des années sans être inquiété, tissant même selon les dires d’Alioune Sall « un solide

2 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 Juillet 1998, 2187 RTNU 3. 3 Cour pénale internationale, États Parties au Statut de Rome, États d’Afrique, Sénégal, en ligne : CPI

<http://www.icc-cpi.int/fr_menus/asp/states%20parties/african%20states/Pages/senegal.aspx> (consulté le 13

juin 2014). 4 Human Rights Watch, La plaine des morts, Le Tchad de Hissène Habré, 1982-1990, 2013, p. 29.

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réseau sinon d’amitiés du moins de sympathies […], avantage propre, sur une terre encline aux

emportements empathiques, à lui éviter les foudres de la justice […] »5.

Le 26 janvier 2000, une première plainte a été déposée par sept victimes à l’encontre de

Hissène Habré, pour actes de torture, de barbarie et crimes contre l’humanité6. Ce dernier a

alors été inculpé par le Doyen des juges d’instruction du Tribunal régional hors classe de Dakar,

le juge Demba Kandji, et placé en résidence surveillée7. Premier espoir pour les victimes, celui-

ci a vite été atténué lorsque la Cour d’appel de Dakar8 a invalidé cette inculpation, en retenant

l’incompétence des tribunaux sénégalais pour connaître de cette affaire, au motif que les crimes

n’avaient pas été commis sur le territoire sénégalais. Cette décision a été confirmée par

l’ancienne Cour de cassation, aujourd’hui la Cour Suprême, le 20 mars 20019.

À l’époque en effet, les articles 664 et suivants du Code de procédure pénale du

Sénégal10 ne permettaient pas expressément aux tribunaux sénégalais d’exercer leur

compétence universelle, c’est-à-dire de connaître des crimes commis en dehors du territoire

sénégalais par un ressortissant d’un État étranger. Néanmoins, depuis 1986, le Sénégal avait

ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou

dégradants11 du 10 décembre 1984 (ci-après « Convention contre la torture »), qui oblige les

États parties, en vertu de son article 5, paragraphe 2, à prendre les mesures nécessaires pour

établir leur compétence universelle à l’égard des personnes soupçonnées d’être impliquées dans

des crimes de torture. En n’ayant pas modifié son Code de procédure pénale pour établir la

compétence universelle de ses tribunaux dans ce domaine, le Sénégal a donc manqué à ses

obligations internationales en vertu de la Convention contre la torture. Cette responsabilité du

Sénégal sera par la suite mise en cause devant le Comité contre la torture (voir paragraphe ci-

dessous), ainsi que par la Belgique devant la Cour internationale de Justice (voir I-A-4).

5 SALL, Alioune, L’affaire Hissène Habré, Aspects judiciaires nationaux et internationaux, L’Harmattan, 2013,

pp. 13-14. 6 Supra note 4, p. 29. 7 Supra note 4, p. 30. 8 République du Sénégal, Cour d’appel de Dakar, Chambre d’accusation, Ministère Public et François DIOUF

Contre Hissène HABRÉ, Arrêt n° 135 du 4 juillet 2000, en ligne : Human Rights Watch

<http://www.hrw.org/french/themes/habre-decision.html> (consulté le 13 juin 2014). 9 République du Sénégal, La Cour de cassation, Première chambre statuant en matière pénale, Souleymane

Guengueng et autres Contre Hissène Habré, Arrêt n° 14 du 20 mars 2001, en ligne : Human Rights Watch

<http://www.hrw.org/french/themes/habre-cour_de_cass.html> (consulté le 13 juin 2014). 10 Code de procédure pénale du Sénégal, version antérieure à la Loi n° 2007-05 du 12 février 2007, en ligne :

Douanes < http://www.douanes.sn/fichiers/Code_De_Procedure_PENAL.PDF> (consulté le 13 juin 2014). 11 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre

1984, 1465 RTNU 85.

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Au niveau national, cette décision a été critiquée, certains juristes arguant du fait qu’elle

était « une négation manifeste du principe de l’application directe des conventions

internationales au Sénégal dès leur ratification et publication »12. Le Sénégal étant un système

moniste en vertu de l’article 98 de sa Constitution, il est en effet caractérisé par le principe de

primauté des engagements internationaux régulièrement ratifiés et publiés sur le droit interne,

ainsi que par le principe de leur applicabilité directe. Néanmoins, la particularité du droit pénal

rend souvent nécessaire l’adoption de lois d’adaptation du droit interne lorsque des traités

concernant ce domaine particulier sont ratifiés. Le Sénégal était donc lié par la Convention

contre la torture depuis 1986, date de sa ratification. Cependant, en pratique, à la date de la

décision de la Cour de cassation, il n’avait pas la capacité d’exercer sa compétence universelle

concernant les crimes de torture, son droit interne n’ayant pas été modifié en ce sens.

Néanmoins, comme l’a rappelé le Comité contre la torture dans sa décision du 17 mai 2006,

aucun État partie « ne peut invoquer la complexité de sa procédure judiciaire ou d’autres raisons

dérivées de son droit interne pour justifier le manque de respect à ses obligations » en vertu de

la Convention contre la torture13. Quels que soient les arguments que le Sénégal ait pu avancer

pour justifier l’incompétence de ses tribunaux à l’égard de Hissène Habré, ceux-ci n’étaient

donc pas admissibles en droit international.

Influencées par le sens de la décision rendue par la Cour d’appel de Dakar, des victimes

tchadiennes vivant en Belgique ont porté plainte à Bruxelles en novembre 2000 contre Hissène

Habré14. La Belgique a alors procédé à une instruction qui a duré quatre ans15, pendant laquelle

une commission rogatoire a même été réalisée au Tchad. Il convient de rappeler ici que la

Belgique est pionnière dans le domaine de la compétence universelle, ayant adopté une

première loi le 16 juin 199316, limitée néanmoins aux crimes de guerre. Cette loi fut modifiée

le 10 février 199917 pour y ajouter la poursuite des crimes contre l’humanité et du crime de

12 Afrimap et Open Society Initiative for West Africa, Sénégal, Le secteur de la justice et l’État de droit, Dakar,

2008, en ligne : Afrimap <http://www.afrimap.org/english/images/report/AfriMAP-Senegal-Justice.pdf>

(consulté le 13 juin 2014), p. 27. 13 Comité contre la Torture, Suleymane Guengueng et autres c. Sénégal, Communication n° 181/2001, UN Doc.

CAT/C/36/D/181/2001 (2006), en ligne : University of Minnesota

<http://www1.umn.edu/humanrts/cat/decisions/Fdecisions/181-2001.html> (consulté le 13 juin 2014). 14 Human Rights Watch, La plaine des morts, Le Tchad de Hissène Habré, 1982-1990, 2013, p. 31. 15 Ibid., p. 32. 16 Loi du 16 juin 1993 relative à la répression des infractions graves aux Conventions internationales de Genève

du 12 août 1949 et aux Protocoles I et II du 8 juin 1977, en ligne : Wordpress

<http://competenceuniverselle.files.wordpress.com/2011/07/loi-du-16-juin-1993-texte-de-loi.pdf> (consulté le 27

juin 2014). 17 Loi de 1993 telle que modifiée par la loi du 10 février 1999 relative à la répression des violations graves du

droit international humanitaire, en ligne : Wordpress

<http://competenceuniverselle.files.wordpress.com/2011/07/loi-de-1993-telle-que-modifiee-par-la-loi-du-10-

fevrier-1999-texte-de-loi.pdf> (consulté le 27 juin 2014).

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génocide. Quatre mandats d’arrêts internationaux18 ont été émis au total contre Monsieur Habré

par la Belgique. Le Sénégal s’est toujours déclaré incompétent pour se prononcer sur les

demandes d’extradition formulées par la Belgique et n’y a donc jamais donné suite19.

Il est apparu au fil des années qu’il y avait une réelle réticence du Sénégal à extrader

Hissène Habré vers la Belgique. Le discours présent sur le continent africain relatif à une

prétendue sélectivité discriminatoire vis-à-vis des dirigeants africains et la question de la dignité

et de la souveraineté africaine ne seraient pas totalement étrangers à cette position. Pris en étau

entre les décisions de ses tribunaux internes selon lesquelles il n’était pas possible de juger cette

affaire et les demandes d’extradition de la Belgique auxquelles il ne souhaitait pas donner une

suite favorable, le Sénégal s’est alors tourné vers l’Union africaine pour tenter de trouver une

solution à « l’affaire Habré ».

Paragraphe 2 : La délégation par le Sénégal de ses obligations

internationales à l’Union africaine

Le 25 novembre 2005, la Cour d’appel de Dakar s’est déclarée incompétente pour se

prononcer sur une demande d’extradition de la Belgique20. Deux jours plus tard, Abdoulaye

Wade, Président du Sénégal de l’époque, a demandé à l’Union africaine d’intervenir en

désignant « la juridiction compétente pour juger cette affaire »21. Comme le mentionne Alioune

Sall, en agissant ainsi, M. Wade a transféré la responsabilité d’un État souverain (l’exercice de

la compétence universelle à défaut d’extradition) à une organisation politique22.

En janvier 2006, lors de la 6ème session extraordinaire de l’Assemblée de l’Union

africaine, un Comité d’éminents juristes23 a donc été nommé par le Président en exercice de

18 Human Rights Watch, Questions et réponses sur l’affaire Hissène Habré devant les Chambres africaines

extraordinaires au Sénégal, 21 mai 2014, en ligne : Human Rights Watch

<http://www.hrw.org/fr/news/2012/09/11/questions-et-r-ponses-sur-l-affaire-hiss-ne-habr-devant-les-chambres-

africaines-extr> (consulté le 13 juin 2014). 19 Ibid. 20 Human Rights Watch, L'avis de la Cour d'appel de Dakar sur la demande d'extradition de Hissène Habré (extraits), 25 novembre

2005, en ligne : Human Rights Watch <http://www.hrw.org/fr/news/2005/11/25/lavis-de-la-cour-dappel-de-dakar-

sur-la-demande-dextradition-de-hiss-ne-habre-extrai> (consulté le 13 juin 2014). 21 Human Rights Watch, Communiqué du Ministère des Affaires étrangères, 27 novembre 2005, en ligne : Human

Rights Watch <http://www.hrw.org/fr/news/2005/11/26/communiqu-du-minist-re-des-affaires-trang-res-27-

novembre-2005> (consulté le 13 juin 2014). 22 Supra note 5, p. 64. 23 Union africaine, Conférence de l’Union africaine, Sixième session ordinaire, 23-24 janvier 2005, Khartoum

(Soudan), Décisions et Déclarations, Assembly/AU/Dec.103 (VI) page 1, en ligne : ISS Africa

<http://www.issafrica.org/uploads/ASSDECJAN06FR.PDF> (consulté le 13 juin 2014), Décision sur le procès

d’Hissène Habré et l’Union africaine, Doc. EX.CL/Assembly/AU/8 (VI).

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l’Union africaine, en consultation avec le Président de la Commission de l’Union africaine. Ce

Comité avait pour mission l’examen des options disponibles pour arriver au jugement de

Hissène Habré. Son rapport24, qui a été soumis à la Conférence de l’Union africaine pour sa

session ordinaire de juillet 2006, expose la responsabilité internationale du Sénégal de juger ou

extrader M. Habré. Ayant été mandaté par l’Union africaine et non par le Sénégal, le Comité

recommande une « solution africaine » et évoque l’idée de la création d’un tribunal ad hoc

appuyé par l’Union africaine. Le Comité n’a donc pas mis le Sénégal face à ses obligations,

notamment concernant la modification de sa législation pour y inclure les crimes

internationaux, ne faisant qu’évoquer cette responsabilité, et proposant même une voie

alternative pour y échapper. C’est ainsi que lors de sa session de juillet 200625, l’Union africaine

s’est appropriée le dossier Habré et a mandaté le Sénégal de poursuivre et de faire juger Habré

« au nom de l’Afrique ». Il n’y a cependant pas de doute concernant le fait que l’intervention

de l’Union africaine n’altère en aucun cas les obligations internationales du Sénégal liées à

« l’affaire Habré »26.

Paragraphe 3 : Les premières initiatives du Sénégal freinées par la Cour de

Justice de la CÉDÉAO

Le Sénégal a enfin décidé de mettre son droit interne en conformité avec ses

engagements internationaux, et plus particulièrement avec le Statut de Rome, en adoptant la Loi

n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le Code pénal27 ainsi que la Loi n° 2007-05 du 12

février 2007 modifiant le Code de procédure pénale relative à la mise en œuvre du Traité de

Rome instituant la Cour pénale internationale28. En plus de poser les incriminations nécessaires

à la poursuite des crimes internationaux, ces textes fondent la compétence universelle des

tribunaux sénégalais pour connaître de ces crimes.

24 Union africaine, Rapport du Comité d’éminents juristes africains sur l’affaire Hissène Habré, en ligne : ddata

<http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/35/48/78/S-n-gal/Rapport-de-juristes-africains-sur-affaire-Habre.pdf>

(consulté le 13 juin 2014). 25 Union africaine, Conférence de l’Union africaine, Septième session ordinaire, 1-2 juillet 2006, Banjul (Gambie),

Décisions et Déclarations, Assembly/AU/Dec.127 (VII) page 1, en ligne : Union africaine

<http://www.au.int/en/sites/default/files/ASSEMBLY_FR_01_JULY_03_JULY_2006_AUC_SEVENTH_ORDI

NARY_SESSION_DECISIONS_DECLARATIONS.pdf> (consulté le 13 juin 2014), Décision sur le procès

d’Hissène Habré et l’Union africaine, Doc. Assembly/AU/3 (VII). 26 SALL, Alioune, L’affaire Hissène Habré, Aspects judiciaires nationaux et internationaux, L’Harmattan, 2013,

p. 67. 27 Loi n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le Code pénal, (10 mars 2007) JORS, 6332 : 2377. 28 Loi no 2007-05 du 12 février 2007 modifiant le Code de procédure pénale relative à la mise en œuvre du Traité

de Rome instituant la Cour pénale internationale (10 mars 2007) JORS, 6332 : 2384.

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Poursuivant ses efforts, le 23 juillet 2008, le Sénégal a décidé d’amender sa

Constitution29. Cet amendement visait notamment à aménager le principe de non-rétroactivité

des lois pénales en se basant sur les règles du droit international relatives au génocide, aux

crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre.

En prenant de telles mesures, le Sénégal souhaitait permettre à ses juridictions de

répondre en pratique à la demande de justice formulée par les victimes des crimes présumés

commis au Tchad sous le régime de Hissène Habré, et d’une manière plus large, leur permettre

de poursuivre et juger tous les auteurs de crimes internationaux, peu importe leur nationalité et

le lieu de commission de ces crimes. Faisant ainsi face à un changement de droit dans cette

affaire, 14 victimes ont déposé une nouvelle plainte au Sénégal contre Hissène Habré, le 16

septembre 2008, pour crimes de torture et crimes contre l’humanité.

Inquiété par ces évolutions, M. Habré a saisi la Cour de Justice de la CÉDÉAO30 dès

octobre 2008, afin de faire constater que toutes poursuites qui seraient engagées à son encontre

par le Sénégal se feraient au mépris d’un certain nombre de principes tels que la non-

rétroactivité de la loi pénale ou encore l’autorité de la chose jugée31. Alors même, comme l’a

soulevé le Sénégal, qu’aucune procédure judiciaire n’avait encore été engagée à l’encontre de

M. Habré, la Cour de Justice s’est déclarée compétente pour connaître de cette affaire dans

l’arrêt n° ECW/CCJ/ADD/02/10 du 14 mai 2010, rejetant par la même occasion les exceptions

préliminaires soulevées par le Sénégal.

L’arrêt sur le fond de l’affaire a été rendu le 18 novembre 201032. La Cour de Justice a

alors constaté que les réformes opérées par le Sénégal étaient de nature à créer un risque

d’atteinte aux droits de M. Habré et elle a ordonné à cet État « le respect du principe absolu de

non-rétroactivité ». Selon la Cour de Justice, « le mandat reçu par lui de l’Union africaine lui

confère plutôt une mission de conception et de suggestion de toutes modalités propres à

29 BOLLE, Stéphane, Quand Wade fait réviser sa Constitution, 8 juin 2008, en ligne : La Constitution en Afrique

<http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-19524487.html> (consulté le 13 juin 2014). 30 La Cour de Justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (la CÉDÉAO) a été créée

suite à l’adoption du Traité révisé de la CÉDÉAO le 24 juillet 1993. Cette Cour a pour mission de garantir le

respect des règles de droit et des principes d’équité, ainsi que l’interprétation et l’application des dispositions du

Traité révisé de la CÉDÉAO et de tout autre instrument juridique adopté par la Communauté. Elle peut donc rendre

à la fois des avis et des décisions tranchant notamment des contentieux mettant en cause la responsabilité d’États

membres de la Communauté. Dans ce type de cas, elle peut être saisie par un État membre ou un individu victime

d’une violation de ses droits sur le territoire d’un État membre. 31 Cour de Justice de la CÉDÉAO, Affaire Hissein Habré c. République du Sénégal, 18 novembre 2010, en ligne :

Human Rights Watch <http://www.hrw.org/fr/news/2010/11/18/arr-t-cedeaoecowas-ruling-hissein-habr-c-r-

publique-du-s-n-gal> (consulté le 16 juin 2014). 32 Ibid.

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11

poursuivre et faire juger dans le cadre strict d’une procédure spéciale ad hoc à caractère

international telle que pratiquée en droit international par toutes les nations civilisées […] ».

L’affirmation selon laquelle la mise en place d’une telle procédure éviterait une

violation du principe de non-rétroactivité est tout à fait contestable33. L’exercice de poursuites

à l’encontre de Hissène Habré par les juridictions sénégalaises de droit commun n’y aurait pas

porté atteinte. Une analyse de la portée de ce principe a notamment été réalisée par la Chambre

d’appel du Tribunal spécial pour le Liban (ci-après « TSL ») dans sa décision préjudicielle sur

le droit applicable du 16 février 201134, qui critique ouvertement la décision de la Cour de

Justice de la CÉDÉAO, estimant que sa conclusion « ne semble pas logique et juridiquement

fondée »35. La décision de la Chambre d’appel du TSL fait référence à l’article 15 (2) du Pacte

international relatif aux droits civils et politiques36, également utilisé par la Cour de Justice de

la CÉDÉAO, qui autorise le « jugement ou […] la condamnation de tout individu en raison

d’actes ou d’omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels,

d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations ». À l’époque des

faits sur la base desquels le Sénégal souhaitait à l’époque lancer une procédure à l’encontre de

M. Habré, soit entre 1982 et 1990, les comportements incriminés dans le droit sénégalais en

2007 étaient déjà incriminés par le droit international, qu’il soit conventionnel ou coutumier37.

Les lois de 2007 ont donné au Sénégal un titre de compétence pour poursuivre les auteurs

présumés de ces infractions. Les juridictions sénégalaises de droit commun n’auraient donc pas

méconnu le principe de non-rétroactivité si elles s’étaient saisies de l’affaire Habré.

Étant obligé de se conformer à l’arrêt de la Cour de Justice de la CÉDÉAO, il était

cependant délicat pour le Sénégal de confier l’affaire Habré à ses juridictions. Néanmoins, la

nature internationalisée des Chambres africaines extraordinaires ne les dispensera pas de

33 KHELIFA, Judith, Chambres extraordinaires africaines au Sénégal, modèle ou exception ?, 15 décembre 2013,

en ligne : Chroniques internationales collaboratives

<http://chroniquesinternationalescolla.wordpress.com/2013/12/15/chambres-extraordinaires-africaines-au-

senegal-modele-ou-exception/> (consulté le 13 juin 2014). 34 Chambre d’appel du Tribunal Spécial pour le Liban, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme,

complot, homicide, commission, concours de qualification, 16 février 2011, en ligne : TSL <http://webtest.stl-

tsl.org/x/file/TheRegistry/Library/CaseFiles/chambers/20110216_STL-11-

01_R176bis_F0010_PRES_Interlocutory_Decision_filed_EN-FR.pdf> (consulté le 13 juin 2014), considérants

131 et suivants. 35 Ibid., note de bas de page 240. 36 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, 999 RTNU 171, article 15 (2) :

« Rien dans le présent article ne s’oppose au jugement ou à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou

omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d’après les principes généraux de

droit reconnus par l’ensemble des nations. » 37 WILLIAMS, Sarah, The Extraordinary African Chambers in the Senegalese Courts, An African Solution to an

African Problem?, Journal of International Criminal Justice 11 (2013), 1139-1160, p. 1157.

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prouver le respect du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, contrairement à ce que

semble suggérer la Cour de Justice de la CÉDÉAO38.

Paragraphe 4 : Les facteurs d’accélération de la procédure

Faisant face à un continuel rejet par le Sénégal de ses demandes d’extradition concernant

Hissène Habré, la Belgique a décidé de saisir la Cour internationale de Justice le 19 février 2009

afin que cette dernière ordonne au Sénégal de poursuivre ou d’extrader Hissène Habré. Dans sa

décision du 20 juillet 2012 sur l’Affaire des questions concernant l’obligation de poursuivre ou

d’extrader39, la Cour a souligné que le Sénégal avait manqué à un certain nombre de ses

obligations en vertu de la Convention contre la torture, insistant pour qu’il soumette « le cas de

M. Hissène Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale, s[‘il] ne

l’extrade pas ». En effet, en prenant un retard inacceptable dans la mise en conformité de son

droit interne aux engagements internationaux et en refusant à de nombreuses reprises

l’extradition de M. Habré vers la Belgique, le Sénégal a engagé sa responsabilité au plan

international.

Parallèlement à cette procédure, en décembre 2010, le Président Wade est allé jusqu’à

vouloir renvoyer M. Habré au Tchad40, où il avait été condamné à mort par contumace pour son

rôle présumé de soutien aux mouvements rebelles. En janvier 2011, M. Wade a rejeté le plan

proposé par l’Union africaine pour faire juger M. Habré41, alors même qu’il avait accepté la

demande de l’Union africaine de juger ce dernier « au nom de l’Afrique » en 2006. Son attitude

depuis lors avait en effet consisté à refuser d’exécuter cette demande tant que le Sénégal n’aurait

pas reçu les fonds pour financer un procès. Il est donc possible de se demander si cette attitude

ne traduisait pas un manque de volonté de la part du Président Wade de prendre la responsabilité

du jugement de M. Habré. Jacqueline Moudeina, avocate des victimes dans cette affaire, n’a

pas hésité dans ce cadre à parler de véritables « tergiversations »42 du Sénégal.

38 Ibid., p. 1159. 39 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012,

p. 422. 40 Abdoulaye Wade veut « se débarrasser » d’Hissène Habré, 11 décembre 2010, en ligne : Jeune Afrique

<http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20101211102518/> (consulté le 27 juin 2014). 41 Human Rights Watch, Sénégal : Le procès Habré n’a été à ce jour qu’une illusion, 9 juin 2011, en ligne : Human

Rights Watch <http://www.hrw.org/fr/news/2011/06/09/s-n-gal-le-proc-s-habr-n-t-ce-jour-qu-une-illusion>

(consulté le 16 juin 2014). 42 Sénégal : Hissène Habré placé en garde à vue, 30 juin 2013, en ligne : RFI <http://www.rfi.fr/afrique/20130630-

senegal-hissene-habre-place-garde-vue/> (consulté le 10 juillet 2014).

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13

Le 25 mars 2012, Macky Sall a été élu Président du Sénégal. Cette alternance politique,

combinée avec la décision de la Cour internationale de Justice rendue quelques mois plus tard,

semble avoir permis une accélération de l’affaire, le Président Sall ayant affirmé, alors qu’il

était candidat à l’élection présidentielle, sa volonté de mettre en pratique les décisions de

l’Union africaine s’y rapportant. C’est ainsi que le 24 juillet 2012, le Sénégal a donné son accord

au projet de l’Union africaine prévoyant la création d’une juridiction spéciale au sein du

système judiciaire sénégalais, composée de juges africains nommés par l’Union africaine. Le

22 août 2012, le Sénégal et l’Union africaine ont signé un accord portant sur la création des

Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises43, auquel est annexé

le Statut des Chambres44, adopté le 30 janvier 2013.

Paragraphe 5 : La question primordiale de la légalité des Chambres

africaines extraordinaires

La mise sur pied des Chambres africaines extraordinaires répond à la demande de justice

formulée par les victimes des crimes présumés commis au Tchad sous le régime de Hissène

Habré et sans cesse renouvelée pendant plus de 20 années.

Les modalités de création de ces Chambres sont assez particulières. Pour la première

fois, une juridiction pénale internationalisée est mise en place conjointement par un État, le

Sénégal, et une instance régionale, l’Union africaine. Cette particularité n’a pas échappé à

Hissène Habré, qui a de nouveau saisi la Cour de Justice de la CÉDÉAO le 27 mars 2013,

estimant d’une part que l’accord créant les Chambres, ainsi que leur Statut, violaient notamment

le droit constitutionnel sénégalais et le droit international, et d’autre part que leur simple

existence entraînait la violation de ses droits45. La Cour de Justice de la CÉDÉAO s’est

néanmoins déclarée incompétente pour se prononcer sur la requête de M. Habré, étant donnée

la nature des autorités ayant conclu l’accord de création des Chambres46. Loin de se satisfaire

de cette décision, les avocats de M. Habré ont saisi le Conseil constitutionnel sénégalais d’un

recours contre le Décret n° 2013-212 du 30 janvier 2013 portant autorisation de nomination des

43 Accord entre le Gouvernement de la République du Sénégal et l’Union africaine sur la création de Chambres

africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises, Dakar, 22 août 2012. 44 Statut des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour la poursuite des

crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, 30 janvier 2013. 45 Cour de Justice de la CÉDÉAO, Affaire Hissein Habré Contre République du Sénégal, 5 novembre 2013, en

ligne : Chambres africaines extraordinaires <http://www.chambresafricaines.org/index.php/l-affaire-habre/552-

d%C3%A9cision-de-la-cour-de-justice-de-la-cedeao.html> (consulté le 16 juin 2014). 46 Ibid.

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magistrats sénégalais près les Chambres africaines extraordinaires. La décision est toujours

attendue.

L’Union africaine avait-elle le pouvoir de créer une juridiction pénale internationalisée

en Afrique ? Parmi ses objectifs listés dans son Acte Constitutif47, on trouve à l’article 3-h la

promotion et la protection « des droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte

africaine des droits de l’homme et des peuples et aux autres instruments pertinents relatifs aux

droits de l’homme […]. » La protection des droits de l’Homme passe par la condamnation de

tout acte de violation de ces droits, dont un des objectifs est la non-répétition de l’atteinte à ces

droits. L’article 4 de l’Acte Constitutif de l’Union africaine présente ensuite les principes de

fonctionnement de l’Union africaine, parmi lesquels on trouve à l’alinéa h « le droit de l’Union

d’intervenir dans un État membre sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances

graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité […]. » Ces

trois crimes internationaux figurent dans le Statut des Chambres. On trouve également comme

principe à l’article 4-o le « respect du caractère sacro-saint de la vie-humaine et [la]

condamnation et [le] rejet de l’impunité, des assassinats politiques, des actes de terrorisme et

des activités subversives […]. » Il va sans dire que l’Accord signé entre l’Union africaine et le

Sénégal avait pour objectif de mettre fin à l’impunité des crimes internationaux présumés

commis au Tchad entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990. Enfin, parmi les pouvoirs et

attributions de la Conférence de l’Union africaine, que l’on trouve à l’article 9 de l’Acte

Constitutif de l’Union africaine, figure la création de tout organe de l’Union. Au regard de son

Acte Constitutif, il semble donc que l’Union africaine était habilitée à participer à la création

des Chambres africaines extraordinaires.

Section 2. Une approche régionale de justice pénale internationale ?

Les Chambres africaines ayant été créées par l’Union africaine et le Sénégal pour connaître

d’une situation ayant eu lieu au Tchad, la question se pose de savoir si cette juridiction est

caractéristique d’une nouvelle approche de justice pénale internationale, qui serait régionale.

47 Acte Constitutif de l’Union africaine, Lomé (Togo), 11 juillet 2000, en ligne : Union africaine

<http://www.au.int/fr/sites/default/files/ConstitutiveAct_FR.pdf> (consulté le 16 juin 2014).

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Paragraphe 1 : Une approche africaine du fait des circonstances de

« l’affaire Hissène Habré »

Si le Sénégal se retrouve aujourd’hui contraint de poursuivre et éventuellement juger

Hissène Habré, c’est en raison du fait que l’ancien Président du Tchad, après un court séjour au

Cameroun, a élu domicile sur le territoire sénégalais après sa fuite de l’État tchadien. Le

Cameroun est connu pour être une zone de transit pour les hauts dirigeants soupçonnés d’être

liés à des crimes de masse et fuyant leur pays d’origine se trouvant dans cette région. Prenons

à titre d’illustration le cas de François Bozizé48, qui s’est rendu au Cameroun après avoir fui la

République centrafricaine en janvier 2013, ou encore celui de Goukouni Oueddei, Président du

Tchad de 1979 à 1982, qui a transité par le Cameroun après avoir été destitué par M. Habré lui-

même49. Comme M. Bozizé et M. Oueddei cependant, M. Habré, à l’époque, a été sommé de

quitter le pays, qui se trouvait par ailleurs bien trop proche du territoire tchadien, ce qui n’était

pas dans son intérêt et qui risquait de nuire aux relations entre le Cameroun et le Tchad. C’est

donc sur le Sénégal d’Abdou Diouf que le choix de M. Habré s’est porté pour élire son domicile.

A-t-il vraiment eu le choix ? Rien n’est moins sûr. Toujours est-il que c’est cette présence de

M. Habré sur le territoire du Sénégal qui a poussé ses victimes présumées à se tourner vers cet

État dans leur quête de justice.

La compétence universelle aujourd’hui exercée par les Chambres africaines

extraordinaires au sein des tribunaux sénégalais est liée à des crimes qui concernent la

communauté internationale dans son ensemble. Ces crimes sont présumés avoir été commis sur

le territoire d’un État étranger, le Tchad, à l’encontre de victimes en grande majorité

tchadiennes. Mais leur nature particulière fait que chaque État était concerné par la poursuite et

le jugement des auteurs de ces crimes. Rappelons que la Belgique a demandé à plusieurs

reprises l’extradition de M. Habré au Sénégal, en vain toutefois. Toute éventualité d’un procès

en Occident était en effet à bannir selon le Sénégal. C’est aujourd’hui d’ailleurs l’une des

principales raisons pour lesquelles les pays africains ont des réticences à coopérer avec la Cour

pénale internationale (ci-après « CPI ») lorsque celle-ci est amenée à connaître de situations les

48 Le président centrafricain déchu, François Bozizé, s’est réfugié au Cameroun, 25 mars 2013, en ligne :

L’Express <http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/le-president-centrafricain-dechu-francois-bozize-s-

est-refugie-au-cameroun_1234576.html> (consulté le 16 mars 2014). 49 Hissène Habre, Goukouni Oueddeï, Ange-Félix Patassé, François Bozize… Cameroun, couloirs de transit pour

dictateurs déchus, 28 mars 2013, en ligne : Kongossa <http://kongossa.fr/politique/5744--hissene-habre-

goukouni-oueddei-ange-felix-patasse-francois-bozize-cameroun-couloirs-de-transit-pour-dictateurs-

dechus.html> (consulté le 27 juin 2014).

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concernant, même si la position officielle de l’Union africaine consiste plutôt à critiquer le fait

que seuls des États africains font l’objet de situations devant la CPI.

Paragraphe 2 : Vers une Cour pénale africaine ?

Se poser la question de l’existence d’une nouvelle approche de justice pénale

internationale qui serait régionale, c’est forcément se poser la question du développement d’une

Cour pénale africaine, souvent promue par l’Union africaine50. Il est arrivé d’entendre la

question de savoir si les Chambres africaines extraordinaires pourraient éventuellement voir

leurs compétences prolongées après leur mandat initial, pour devenir à terme une Cour pénale

africaine51. Une partie de la presse sénégalaise52 a même lancé des rumeurs – infondées bien

entendu – selon lesquelles Amadou Toumani Touré, ancien Président du Mali en fuite au

Sénégal, serait poursuivi et jugé par les Chambres africaines extraordinaires. Cela démontre un

réel manque de compréhension du mandat des Chambres.

Les Chambres africaines extraordinaires n’ont pas vocation à dépouiller la Cour pénale

internationale de sa compétence. Rappelons tout d’abord que les Chambres ont reçu le mandat

de l’Union africaine de « poursuivre et juger le ou les principaux responsables des crimes […]

commis sur le territoire tchadien durant la période allant du 7 juin 1982 au 1er décembre

1990 »53, époque pour laquelle la Cour pénale internationale n’a pas compétence54. Si les

Chambres ont été mises sur pied, c’est justement pour lutter contre l’impunité de crimes pour

lesquels la Cour pénale internationale n’a pas compétence, objectif qui est plus généralement

celui de la compétence universelle. Le mandat des Chambres est limité dans le temps et dans

l’espace, ce qui l’empêche de se saisir par exemple d’une éventuelle affaire Amadou Toumani

Touré, ou encore de se transformer en une Cour pénale africaine. En outre, leur dissolution est

prévue par l’article 37-1 de leur Statut.

50 IRIN, Analyse : Vers la création d’une cour pénale africaine ?, 14 juin 2002 : en ligne : IRIN

<http://www.irinnews.org/fr/report/95652/analyse-vers-la-cr%C3%A9ation-d-une-cour-p%C3%A9nale-

africaine> (consulté le 16 juin 2014). 51 Débat public organisé par le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires, Les

Chambres africaines extraordinaires, pourquoi au Sénégal et quels apports éventuels pour le Sénégal et l’Afrique,

Dakar, 15 avril 2014. 52 Audio – Macky Sall veut livrer l’ancien Président malien ATT à IBK, 14 avril 2014, en ligne : Leral

<http://www.leral.net/Audio-Macky-Sall-veut-livrer-l-ancien-President-malien-ATT-a-IBK_a110968.html>

(consulté le 16 juin 2014). 53 Statut des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour la poursuite des

crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, 30 janvier 2013,

article 3. 54 Supra note 2, article 11-1.

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Les Chambres africaines extraordinaires sont donc bien une juridiction régionale, mais

pour des raisons liées aux modalités de leur création et de leur composition, et non pas pour des

raisons liées à leur compétence, celle-ci étant limitée au territoire tchadien.

L’étude du contexte de création des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions

sénégalaises permet de mieux comprendre, sans pour autant l’accepter, pourquoi la poursuite

des crimes internationaux présumés commis au Tchad sous le régime de Hissène Habré a pris

tant de temps, et pourquoi il est apparu nécessaire pour le Sénégal de mettre en place un tel type

de juridiction. Les particularités des Chambres africaines extraordinaires, en plus d’être liées

aux origines de sa création, sont dues aux modalités de son fonctionnement, qu’il convient

d’analyser de plus près.

Chapitre 2 : Le fonctionnement des Chambres africaines extraordinaires

Les Chambres africaines extraordinaires sont une juridiction internationalisée, créée pour

exercer une compétence universelle sur une base ad hoc. S’agit-il d’une nouveauté en droit

international pénal ? Comment ces Chambres fonctionnent-elles concrètement ? Le fait

d’échanger avec les membres du Parquet Général près les Chambres sur des questions liées aux

éléments de fait du dossier, mais également sur des questions juridiques en lien avec

l’institution même des Chambres, a permis de mettre en lumière les lacunes auxquelles fait face

cette nouvelle juridiction, ce qui contribue à faire émerger des solutions pour améliorer son

fonctionnement et son impact. Rappelons cependant qu’outre leur fonctionnement en vertu des

textes qui les ont créées et des textes selon lesquels elles sont amenées à fonctionner, il est

impossible de se dispenser de l’analyse de l’impact du domaine politique sur le travail des

Chambres.

Section 1. Les aspects juridiques

Quelles sont les modalités de fonctionnement de cette nouvelle juridiction que sont les

Chambres africaines extraordinaires ? En quoi se distinguent-elles des précédents tribunaux

pénaux internationaux mis en place jusqu’alors ? Il paraît indispensable d’analyser ces

questions pour mieux comprendre la spécificité de cette juridiction, qui est aujourd’hui,

rappelons-le, en pleine phase d’instruction.

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Paragraphe 1 : Une juridiction spéciale pour exercer une compétence

universelle ad hoc

Pour la première fois dans le domaine de la justice pénale internationale, une juridiction

spéciale a été créée pour exercer une compétence universelle. La Belgique55, le Canada56 ou

encore la France57, pour ne prendre que ces exemples, ont été amenés à exercer leur compétence

universelle. Cette compétence est d’ordinaire une compétence étatique, raison pour laquelle il

a été requis du Sénégal qu’il poursuive et juge M. Habré, ce dernier se trouvant sur son territoire.

Parallèlement, la différence entre la Cour pénale internationale et les Chambres

africaines extraordinaires réside dans le fait que la première est une juridiction à vocation

universelle mais n’exerçant pas une compétence universelle, sa compétence étant limitée aux

crimes commis après son entrée en vigueur58 sur le territoire d’un État partie au Statut de

Rome59, ou bien par une personne ressortissante d’un État partie60. Précisons néanmoins que le

Statut de Rome prévoit certains aménagements à la compétence territoriale de la Cour61. Même

s’il s’agit d’une juridiction spéciale et non purement étatique, on peut considérer que les

Chambres africaines extraordinaires exercent une compétence universelle car elles s’insèrent

au sein des juridictions sénégalaises.

Les Chambres africaines extraordinaires n’ont cependant pas été mises sur pied pour

exercer la compétence universelle du Sénégal de manière permanente, leur compétence a au

contraire été établie sur une base ad hoc. En vertu de l’article 3 de leur Statut, elles « sont

habilitées à poursuivre et juger le ou les principaux responsables des crimes et violations graves

du droit international, de la coutume internationale et des conventions internationales ratifiées

par le Tchad, commis sur le territoire tchadien durant la période allant du 7 juin 1982 au 1er

décembre 1990 ». Elles ont donc une compétence territoriale et temporelle limitée. L’absence

de précision quant à la nationalité du ou des « principaux responsables » de ces crimes laisse

55 Cour d’assises de l’arrondissement administratif de Bruxelles-capitale, Affaire Ntezimana, Higanico,

Mukangango et Mukabutera, 8 juin 2001 ; Cour d’assises de l’arrondissement administratif de Bruxelles-capitale,

Affaire Nzabonimana et Ndashyikirwa, 29 juin 2005 ; Cour d’assises de l’arrondissement administratif de

Bruxelles-capitale, Affaire Ntuyahaga, 4 juin 2007 ; Cour d’assises de l’arrondissement administratif de Bruxelles-

capitale, Affaire Nkezabera, 1er décembre 2009. 56 R. c. Munyaneza, 2006 QCCS 8006 ; R. c. Jacques Mungwarere, 2013 ONCS 4594. 57 Cour d’Assises de Paris statuant en première Instance, Affaire Pascal Senyamuhara SAFARI alias Pascal

SIMBIKANGWA, 14 mars 2014. 58 Supra note 2, article 11-1 59 Supra note 2, article 12-2-a 60 Supra note 2, article 12-2-b 61 Supra note 2, articles 12-3 et 13-b.

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penser que la compétence des Chambres n’est pas limitée aux personnes de nationalité

tchadienne. Une fois que le mandat qui leur a été attribué sera réalisé, les Chambres seront

dissoutes62. Cette dissolution ne signifiera pas pour autant la fin de la compétence universelle

au Sénégal. Cet État s’est doté de lois qui lui permettent dès aujourd’hui d’exercer sa

compétence universelle, et ce de manière permanente.

Paragraphe 2 : Une juridiction à caractère international au sein des

juridictions sénégalaises

Les Chambres africaines extraordinaires ont été créées au sein des juridictions

sénégalaises, ce qui fait d’elles une juridiction internationalisée. Ce modèle rappelle bien

évidemment les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (ci-après

« CETC »), à la différence près que ces dernières ont leur siège dans l’État sur le territoire

duquel les crimes ont été commis et qu’elles n’exercent donc pas une compétence universelle.

Le caractère international des Chambres africaines extraordinaires est lié tout d’abord à

la nature des crimes qu’elles ont la compétence de poursuivre. Rappelons également qu’elles

ont été créées par un accord signé entre l’Union africaine et le Sénégal.

Le caractère interne des Chambres est quant à lui notamment dû au fait que la loi

sénégalaise s’applique pour les cas non prévus au Statut des Chambres63. En outre, les

Chambres font partie de l’organisation judiciaire du Sénégal en vertu de la Loi n° 2012-29 du

28 décembre 2012 modifiant l’article premier de la loi n° 84-19 du 2 février 1984 fixant

l’organisation judiciaire64. Encore une fois, le fait que le droit de l’État sur le territoire duquel

se trouve la juridiction s’applique rappelle les CETC. En revanche, si nous prenons l’exemple

du Tribunal Spécial pour le Liban, cette juridiction est située sur le territoire des Pays-Bas, mais

le droit qui s’applique, sous réserve des dispositions de son Statut, est le droit de l’État sur le

territoire duquel les crimes ont été commis, c’est-à-dire le droit libanais65. Enfin, le caractère

62 Statut des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour la poursuite des

crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, 30 janvier 2013,

article 37-1. 63 Ibid., article 16. 64 Loi n° 2012-29 du 28 décembre 2012 modifiant l’article premier de la loi n° 84-19 du 2 février 1984 fixant

l’organisation judiciaire, (9 février 2013) JORS 6712. 65 Statut du Tribunal spécial pour le Liban, 10 juin 2007, article 2.

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interne des Chambres est également dû au fait que la juridiction est en grande majorité

composée de membres ayant la nationalité sénégalaise66.

Néanmoins, les magistrats sénégalais sont « nommés par le Président de la Commission

de l’Union africaine sur proposition du Ministre de la Justice du Sénégal »67, après que leur

nomination au niveau des Chambres ait été autorisée par le Conseil Supérieur de la

Magistrature. En outre, les Présidents respectifs de la Chambre africaine extraordinaire

d’assises68 et de la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel69 devront être

ressortissants d’un autre État membre de l’Union africaine. Même au travers de leur

composition, les Chambres ne sont donc pas purement une juridiction interne.

En vertu de l’article 2 du Statut, les Chambres sont au nombre de quatre : une Chambre

africaine extraordinaire d’instruction au sein du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, une

Chambre africaine extraordinaire d’accusation à la Cour d’appel de Dakar, une Chambre

africaine extraordinaire d’Assises à la Cour d’appel de Dakar et une Chambre africaine

extraordinaire d’assises d’Appel près la Cour d’Appel de Dakar. Les Chambres sont mises sur

pied au fur et à mesure de l’avancée de la procédure. Étant donné le caractère limité du budget

des Chambres, les Chambres de jugement ne seront formées qu’au dernier moment.

Comme le précise l’article 12, paragraphe 1 du Statut des Chambres, « [l]e Procureur

général représente en personne ou par ses adjoints le ministère public auprès des Chambres

africaines extraordinaires. » Le second paragraphe de l’article 12 du Statut précise que « [l]e

ministère public exerce l’action publique devant les Chambres africaines extraordinaires et sauf

disposition contraire du présent Statut. » Les Chambres africaines extraordinaires sont assistées

de greffiers, en vertu de l’article 13 de leur Statut. Enfin, l’administration des Chambres est

régie par l’Administrateur, dont les fonctions sont prévues à l’article 15 du Statut.

Paragraphe 3 : La définition des crimes et des modes de responsabilités

selon le Statut des Chambres

Bien qu’il ne soit pas possible, étant donné le secret de l’instruction, de s’intéresser aux

faits du dossier, une analyse succincte de la définition des crimes et des modes de responsabilité

permet de mettre en évidence les principales innovations, ou à l’inverse certaines lacunes du

66 Supra note 62, article 11. 67 Supra note 62, article 11. 68 Supra note 62, article 11-3. 69 Supra note 62, article 11-4.

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Statut des Chambres, auxquelles ces dernières sont amenées à faire face dans le cadre du

déroulement de leur travail.

Première innovation, au sein de la liste des crimes internationaux à l’égard desquels les

Chambres africaines extraordinaires sont compétentes, qui figure à l’article 4 de leur Statut, les

trois principaux crimes que sont le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de

guerre sont accompagnés du crime de torture. De manière exceptionnelle, la torture est ici

appréhendée comme crime autonome. Sa définition figurant à l’article 8 du Statut des Chambres

est la même que celle contenue à l’article 1, paragraphe 1 de la Convention contre la torture70

du 10 décembre 1984. La torture au sens du Statut n’est réprimée que si l’acte incriminé est le

fait d’un « agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à

son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite »71. La torture est donc incriminée à

la fois en tant qu’acte sous-jacent du crime contre l’humanité72 et du crime de guerre73, mais

également en tant que crime autonome. Dans ce dernier cas, la torture n’a donc pas besoin, pour

être caractérisée, d’avoir été commise dans le contexte d’une attaque généralisée ou

systématique contre toute population civile, ni d’avoir été commise dans le cadre d’un conflit

armé. Néanmoins, lorsque la torture est incriminée par le Statut comme acte sous-jacent du

crime contre l’humanité ou du crime de guerre, il est prévu qu’elle doit correspondre à ces

caractéristiques respectives.

Pour ce qui est du crime de génocide, la définition figurant à l’article 5 du Statut est

similaire à sa définition habituelle, telle que prévue à l’article 2 de la Convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide74 par exemple, adoptée le 9 décembre 1948 à

70 Supra note 11, article 1, paragraphe 1 : « Aux fins de la présente Convention, le terme “torture” désigne tout

acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à

une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la

punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de

faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé

sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées

par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec

son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement

de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. » 71 Supra note 62, article 8. 72 Supra note 62, article 6, paragraphe g. 73 Supra note 62, article 7, paragraphe 1, alinéa b. 74 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, 78 RTNU 277, article

2 : « Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans

l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe; b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c)

Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale

ou partielle; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) Transfert forcé d'enfants du groupe

à un autre groupe. »

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New York, ou encore à l’article 6 (a) du Statut de Rome75. Ainsi, sont incriminés les actes sous-

jacents prohibés s’ils sont « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe

national, ethnique, racial ou religieux, comme tel […]. »

Pour ce qui est du crime contre l’humanité, la définition figurant à l’article 6 du Statut

prévoit que sont incriminés les actes sous-jacents prohibés s’ils sont « commis à l’occasion

d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile […]. » Cet

article contient une liste exhaustive d’actes sous-jacents du crime contre l’humanité. Aucun lien

avec un conflit armé n’est nécessaire, pas plus qu’il ne faut prouver une quelconque intention

discriminatoire basée sur une appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse. Il n’est

pas nécessaire non plus que l’acte sous-jacent en question du crime contre l’humanité ait été

commis en connaissance de l’attaque.

Pour ce qui est des crimes de guerre, l’article 7 du Statut a expressément criminalisé les

infractions graves76 ainsi que les violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de

Genève77, commises dans le cadre d’un conflit armé, qu’il soit international ou non

international. L’article 7, paragraphe 2 du Statut des Chambres contient deux actes sous-jacents

qui ne figurent pas habituellement dans la définition des crimes de guerre. Il s’agit des

châtiments corporels et de la menace de commettre les actes sous-jacents figurant à l’article 7,

paragraphe 2.

Concernant les modes de responsabilité, tout d’abord, l’article 10, paragraphe 2 du

Statut des Chambres prévoit les modes de responsabilité pénale individuelle. Est principalement

prévue la commission d’un « crime visé aux articles 5 à 8 du Statut ». Les autres modes de

responsabilité, dit secondaires, regroupent l’ordre, la planification, l’incitation à commettre un

de ces crimes, ou de toute autre manière, l’aide et l’encouragement à la planification, la

préparation ou l’exécution d’un de ces crimes.

L’article 10, paragraphe 2 du Statut des Chambres évoque la commission comme mode

de responsabilité. La commission conjointe et la commission par l’intermédiaire d’une autre

personne, qui figurent dans le Statut de Rome78, ne sont cependant pas expressément prévues

75 Supra note 2, article 6-a. 76 Supra note 62, article 7, paragraphe 1. 77 Supra note 62, article 7, paragraphe 2. 78 Supra note 2, article 25-3-a

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dans le Statut des Chambres. Peut-être sera-t-il possible néanmoins de considérer que le terme

« commis » englobe ces deux modes particuliers de responsabilité79.

Enfin, l’article 10, paragraphe 4 du Statut des Chambres prévoit la responsabilité pénale

du supérieur hiérarchique. Les conditions pour engager la responsabilité du supérieur

hiérarchique devant les Chambres sont cumulatives : il faut tout d’abord que le supérieur ait su

ou ait eu des raisons de savoir que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait,

mais il faut également que le supérieur n’ait pas pris les mesures nécessaires et raisonnables

pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.

Paragraphe 4 : Le droit applicable aux Chambres africaines extraordinaires

Les Chambres africaines extraordinaires fonctionnent sur la base de l’accord signé entre

le Sénégal et l’Union africaine80, qui les a créées, et du Statut qui y est annexé. En outre, dans

le cadre du déroulement de leurs activités, les Chambres sont amenées à fonctionner grâce à

l’Accord de coopération judiciaire signé entre la République du Sénégal et la République du

Tchad81. Cet accord est indispensable pour permettre aux Chambres de réaliser leur travail sur

le territoire du Tchad, lieu de commission des crimes. Il régit notamment la réalisation des

commissions rogatoires82, bien qu’en pratique les choses se déroulent différemment (voir II-A-

5), ainsi que le témoignage au Tchad83 par exemple.

Pour ce qui est de l’interaction entre droit international et droit sénégalais, le Statut des

Chambres prévoit l’application d’un principe de subsidiarité. Ainsi, l’article 16 du Statut

dispose que les Chambres appliquent le Statut et, pour les cas non prévus par celui-ci, la loi

sénégalaise. Le premier paragraphe de l’article 17 du Statut prévoit l’application de ce même

principe de subsidiarité pour ce qui est du droit applicable à la procédure. Il est également fait

référence au Code de procédure pénale sénégalais tout au long du Statut. Ainsi, l’article 12,

paragraphe 2 du Statut prévoit que le ministère public dispose, pour exercer l’action publique

devant les Chambres, « des pouvoirs qui lui sont conférés par le Code de procédure pénale

79 OUIGOU SAVADOGO, Raymond, Les Chambres africaines extraordinaires : compétence, définition des crimes,

modes de responsabilité et participation des victimes, 23 avril 2013 en ligne : Blogue de la Clinique de droit

international pénal et humanitaire <https://www.cdiph.ulaval.ca/blogue/les-chambres-africaines-extraordinaires-

competence-definition-des-crimes-modes-de> (consulté le 2 mai 2014). 80 Supra note 43. 81 Accord de coopération judiciaire entre la République du Sénégal et la République du Tchad pour la poursuite

des crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, Dakar, 3 mai

2013. 82 Ibid., article 16. 83 Ibid., article 10.

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sénégalais. » Les attributions des greffiers sont également déterminées par le Code de procédure

pénale sénégalais, en vertu de l’article 13, paragraphe 1 du Statut des Chambres. Autre exemple,

les modalités de la participation des victimes, sous réserve des dispositions du Statut, sont régies

par le Code de procédure pénale sénégalais84.

L’analyse du déroulement du travail des Chambres permet de constater certaines lacunes

dans les textes. Tout d’abord, les Chambres, à la différence de la majorité des tribunaux pénaux

internationaux, ne sont pas dotées d’un règlement de procédure et de preuve. Leur Statut ne leur

confère malheureusement pas la compétence d’adopter un tel règlement après leur création. Or,

ce texte aurait pu leur permettre de combler certaines carences du Statut, du Code de procédure

pénale sénégalais, et même de l’Accord de coopération judiciaire conclu entre le Sénégal et le

Tchad.

Au fur et à mesure du déroulement de leur travail, les membres du Parquet Général des

Chambres se sont trouvés face à des questions pour lesquelles les textes susmentionnés ne leur

permettaient pas d’apporter une réponse claire ou adaptée. Il est intéressant de mentionner

certaines de ces questions.

Premier exemple, le 2 juillet 2013, le Procureur Général des Chambres, dans son

réquisitoire introductif, a requis des juges de la Chambre africaine extraordinaire d’instruction

qu’ils décernent des mandats d’arrêt internationaux contre cinq tchadiens. Trois de ces mandats

concernent Guihini Korei, Abakar Torbo Rahama et Zakaria Berdei, qui ne se trouveraient pas

sur le territoire tchadien, ou du moins qui seraient actuellement toujours en liberté. Les deux

autres mandats concernent Mahamat Djibrine dit « El Djonto » et Saleh Younouss, tous deux

détenus à N’Djamena. Les mandats d’arrêts ont été émis par la Chambre africaine extraordinaire

d’instruction, qui attend la remise par le Tchad des deux individus détenus à N’Djamena. Le

Tchad, de son côté, a déclaré qu’il attendait toujours de recevoir les mandats d’arrêt, et qu’une

fois qu’il les aurait reçus, il procéderait à leur exécution. Cette attitude rappelle quelque peu les

tergiversations du Sénégal à l’époque où la Belgique demandait l’extradition de M. Habré. La

situation concernant les Chambres est différente néanmoins, étant donné que dans ce cadre

particulier, c’est la procédure de la remise d’individus vers un tribunal international et non le

droit de l’extradition qui doit s’appliquer.

Le droit applicable aux Chambres est-il adapté pour régler cette question ? L’article

premier de l’Accord de coopération judiciaire conclu entre le Sénégal et le Tchad mentionne

84 Supra note 62, article 14, paragraphe 5.

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que l’assistance légale et judiciaire que s’accordent mutuellement les Parties se fait « en faveur

des Chambres extraordinaires ». Cet accord prévoit que cette assistance est « la plus large

possible »85. L’article 4, alinéa j de l’accord prévoit qu’entre dans le champ d’application de

l’entraide judiciaire « le transfert de personnes détenues, aux effets du présent Protocole […]. »

Néanmoins, en vertu de l’article 12 de l’accord, lorsqu’un transfert de personnes détenues a

lieu, c’est « en qualité de témoins ou pour aider à enquêter. » Bien que la remise de personnes

de nationalité tchadienne actuellement en détention au Tchad et poursuivies par les Chambres

semble rentrer dans l’objet de l’accord, aucun article n’est consacré expressément à la remise

de personnes détenues au Tchad pour être jugées au Sénégal devant les Chambres africaines

extraordinaires. Le Statut des Chambres est également silencieux sur cette question.

Second exemple, l’État du Tchad a déposé le 25 février 2014 une constitution de partie

civile au greffe de la Chambre africaine extraordinaire d’instruction. Cette démarche a fait

réagir les victimes elles-mêmes constituées en partie civile, qui ont déposé une requête devant

la Chambre africaine extraordinaire d’instruction afin de contester cette constitution de partie

civile qu’elles estiment irrecevable. Le Parquet Général des Chambres a lui-même remis un

réquisitoire à la Chambre d’instruction, allant dans le même sens que la requête des victimes.

La première question à se poser néanmoins consistait à savoir si le juge d’instruction avait le

pouvoir d’apprécier la recevabilité d’une telle constitution de partie civile qui avait eu lieu par

intervention. Le Statut des Chambres est silencieux sur la question des pouvoirs du juge

d’instruction, si bien qu’il faut s’en référer de manière subsidiaire au Code de procédure pénale

sénégalais86. Malheureusement, ce Code ne prévoit rien non plus pour ce qui est des pouvoirs

du juge d’instruction dans le cadre de la constitution de partie civile par voie d’intervention.

L’article 78 du Code de procédure pénale se limite en effet à préciser que « [l]a constitution de

partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l’instruction ». Le Parquet Général des

Chambres a réussi à motiver sa requête de manière à fonder la compétence du juge d’instruction

pour apprécier la recevabilité d’une telle constitution de partie civile, mais toujours est-il que

le Statut des Chambres comme le Code de procédure pénale sénégalais ne sont pas adaptés

concernant ce sujet. Dans cette affaire, la Chambre africaine extraordinaire d’instruction a rendu

une ordonnance portant irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’État du Tchad le 21

mai 2014, en précisant que « c’est dans les attributions de toute juridiction d’apprécier la

recevabilité des demandes qui lui sont soumises ; qu’en l’absence d’une disposition contraire

85 Supra note 81, article premier. 86 Supra note 62, article 16.

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prévue par le statut des [Chambres africaines extraordinaires] ou la loi sénégalaise, la

compétence de la chambre pour apprécier la recevabilité des constitutions de parties civiles ne

peut être valablement contestée, d’autant plus que le Ministère public et les conseils des parties

ont saisi la chambre pour statuer sur ce point […] ». L’État tchadien a interjeté appel de cette

ordonnance dès le 22 mai 2014.

Ces exemples dans lesquels les lacunes du Statut des Chambres ne sont pas compensées

par les dispositions du Code de procédure pénale sénégalais sont assez nombreux. Ils

concernent également les modalités de protection des témoins, ou encore la question du

jugement par contumace, le Statut des Chambres n’étant pas clair à ce sujet87. Tous ces

exemples seront à garder en mémoire lorsqu’il s’agira d’amender l’actuel Code de procédure

pénale sénégalais, qui n’est donc pas totalement adapté pour permettre à une juridiction

sénégalaise d’exercer la compétence universelle. En effet, il est tout à fait envisageable que les

juridictions sénégalaises de droit commun soient amenées à exercer elles-mêmes cette

compétence dans le futur. Il est donc indispensable qu’elles bénéficient alors des éventuelles

avancées techniques que la pratique des Chambres africaines extraordinaires aura permis de

réaliser.

Paragraphe 5 : Le déroulement du travail des Chambres avant l’ouverture

de tout procès

Le 8 février 2013, l’inauguration des Chambres africaines extraordinaires a eu lieu dans

la grande salle du Palais de Justice de Dakar, en présence de tous les membres des Chambres.

Des locaux ont été mis à la disposition du Parquet Général des Chambres pour qu’il puisse

travailler sur le réquisitoire introductif d’instance. Il est en effet prévu à l’article 17, alinéa 3 du

Statut des Chambres que le ministère public détient le monopole du déclenchement de l’action

publique, mais il peut néanmoins ouvrir une information notamment « sur plaintes des victimes

sans préjudice de leur domiciliation »88. Le travail du Parquet a consisté à rassembler les

documents en provenance d’ONG et de gouvernements et à les analyser. En effet, l’article 17,

alinéa 4 du Statut des Chambres prévoit également que « [l]e Procureur peut ouvrir une

information d’office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des

87 L’article 21, paragraphe 4, alinéa d du Statut des Chambres prévoit seulement que « [l]ors de l’examen des

charges portées contre lui conformément au présent Statut, tout accusé a doit au moins aux garanties suivantes :

[…] d) être présent à son procès […] ». Faut-il en déduire que le Statut exclu le jugement par contumace ? Une

chose est sûre, cette possibilité n’est pas expressément prévue par le Statut des Chambres. 88 Supra note 62, article 17, alinéa 4.

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gouvernements, organisations internationales et non-gouvernementales […]. » Pendant cette

période, les membres du Parquet ont aussi été formés en droit international pénal par des experts

internationaux.

Le problème pour la Chambre africaine extraordinaire d’instruction est que le délai

d’instruction de 15 mois, qui lui a été imposé par le Comité de pilotage des Chambres ainsi que

par leur acte de nomination en provenance de la Présidence de la Commission de l’Union

africaine, a commencé à courir dès le commencement du travail du Parquet Général sur le

réquisitoire introductif d’instance. Pendant près de quatre mois, la Chambre d’instruction a reçu

des documents de lecture de la part du Parquet pour que les juges puissent s’imprégner du

dossier, mais elle n’a réalisé aucun travail de fond.

La procédure suivie par le Parquet Général des Chambres dans le cadre de l’enquête

préliminaire fut quelque peu différente de celle suivie dans le cadre d’une enquête préalable

devant les juridictions sénégalaises ordinaires. D’habitude, le Parquet mène son enquête

préalable avec des officiers de police judiciaire. Dans le cadre des Chambres africaines

extraordinaires, le Parquet a exploité les preuves récoltées par d’autres organisations ou

gouvernements, mais il s’est également déplacé en Belgique, État qui avait déjà mené une

instruction concernant Hissène Habré, ainsi qu’au Tchad, afin de confirmer certaines preuves

préalablement versées au dossier, mais également de rencontrer les associations tchadiennes de

victimes présumées de la répression ayant eu lieu au Tchad sous le régime de M. Habré. Dans

le cadre de l’entraine judiciaire, la Belgique a également remis au Parquet Général une copie

du dossier pendant à Bruxelles ainsi que l’ensemble des pièces annexes.

Au mois de mai 2013, le Parquet des Chambres s’est installé dans les locaux dans

lesquels il travaille actuellement. Le 30 juin 2013, Hissène Habré a été arrêté. Le 2 juillet 2013,

le Parquet a remis son réquisitoire introductif d’instance à l’encontre de M. Habré et autres à la

Chambre africaine extraordinaire d’instruction. À partir de ce moment-là, les missions du

Parquet ont évolué. Le travail de fond a été confié aux juges, ce qui a orienté le Parquet vers

des travaux de recherche sur différents points de droit pouvant éventuellement poser problème.

La Chambre d’instruction a désormais le monopole de l’instruction. Elle peut par

exemple demander à entendre des témoins. Le Parquet Général peut alors requérir d’autres

auditions, ou proposer de nouveaux actes d’instruction. Les Chambres africaines

extraordinaires interviennent au Tchad pendant l’instruction, par le biais de commissions

rogatoires internationales (ci-après « CRI »). Avant chaque CRI, le Parquet reçoit un document

avancé en provenance de la Chambre africaine extraordinaire d’instruction recensant les actes

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qui seront réalisés au Tchad. Le Parquet a alors la possibilité d’ajouter des noms à la liste des

témoins à auditionner ou de proposer des actes par exemple, puis le document est renvoyé à la

Chambre d’instruction, seul organe habilité à établir la dernière version de la CRI, qui est

ensuite transmise au Parquet Général pour envoi aux autorités judiciaires du Tchad, par le biais

du Ministère de la Justice du Sénégal.

Les CRI, contrairement à ce qui est prévu à l’article 16 de l’Accord de coopération

judiciaire conclu entre le Tchad et le Sénégal, sont des mandats délivrés par les Chambres aux

autorités tchadiennes. Pendant la phase d’instruction, pour ce qui est des actes réalisés au Tchad,

les Chambres sont en quelque sorte composées de magistrats instructeurs et de parquetiers à la

fois sénégalais et tchadiens. Il appartient en réalité aux autorités tchadiennes d’exécuter les

actes que leur déterminent les Chambres. La seule exigence est que les juges d’instruction et

les membres du Parquet des Chambres se rendent au Tchad pour assister à l’exécution de chaque

CRI, dans la limite permise par le budget des Chambres. Ceux-ci viennent assister aux

auditions, c’est-à-dire que les autorités tchadiennes posent les questions en leur présence. Ils

ont également le droit de proposer des questions aux juges tchadiens, qui les posent ensuite aux

témoins. De la même manière, les juges tchadiens peuvent solliciter de leurs collègues

sénégalais quelques précisions sur le contenu du dossier.

Au total, les Chambres africaines extraordinaires ont réalisé quatre CRI au Tchad89. Cela

leur a permis d’auditionner des victimes en qualité de parties civiles et des témoins, de visiter

les bâtiments ayant servi de centres de détention, d’exploiter les archives de la Direction de la

documentation et de la sécurité (la DDS, pointée comme ayant été le principal organe de

répression sous le régime de Hissène Habré), d’explorer des sites censés abriter des charniers

et même de commander l’analyse d’ossements et de restes découverts dans ces sites. Sur ce

dernier point, les Chambres ont reçu l’assistance d’experts anthropologues argentins, qui se

sont rendus au Tchad pour procéder à l’exhumation de certains ossements.

Les documents compilés au Tchad lors des CRI ont ensuite été transmis au Parquet des

Chambres par la voie diplomatique, avant d’être envoyés à la Chambre d’instruction. Le

Parquet et la Chambre d’instruction sont donc en possession des mêmes informations.

Étant donné que les Chambres fonctionnent selon leur Statut et pour les cas non prévus

par ce texte selon le Code de procédure pénale du Sénégal90, le travail des Chambres se déroule

89 1ère CRI du 20 août au 2 septembre 2013, 2ème CRI du 2 au 22 décembre 2013, 3ème CRI du 15 au 30 mars 2014

et 4ème CRI du 24 mai au 9 juin 2014. 90 Supra note 62, article 16.

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en partie comme le travail d’une juridiction sénégalaise de droit commun. Le Parquet a les

mêmes attributions devant les Chambres que devant une juridiction ordinaire. La différence se

ressent davantage au niveau de la Chambre d’instruction, qui voit son travail réalisé en partie

par les autorités tchadiennes. Néanmoins, rien ne permet de dire que les CRI se seraient

déroulées d’une façon différente si la procédure actuellement en cours devant les Chambres

avait eu lieu devant une juridiction sénégalaise de droit commun.

Pour ce qui est du travail des Chambres au Sénégal, il se déroule de manière semblable

à celui exécuté par les juridictions sénégalaises ordinaires et les attributions des différents

organes sont les mêmes. La Chambre africaine extraordinaire d’instruction a par exemple

procédé à l’interrogatoire de M. Habré à de nombreuses reprises, ainsi qu’à l’ouverture des

scellés à la suite de la perquisition réalisée à son domicile.

Paragraphe 6 : La place des victimes

Les victimes ont la possibilité de participer aux procédures devant les Chambres

africaines extraordinaires de plusieurs façons. Tout d’abord, preuve de l’influence du système

civiliste, l’article 14, paragraphe 1 du Statut leur permet de se constituer partie civile « à tout

moment au cours de l’instruction ». Le deuxième paragraphe de cet article précise que « [l]es

victimes peuvent former des groupes et décider d’être représentées par un représentant choisi

en commun. » Dans l’affaire Habré, les victimes se sont regroupées en plusieurs groupes :

l’Association des Victimes des Crimes de Répression Politique (AVCRP), l’Association pour

les Victimes de la Répression en Exil (AVRE), l’Association des Victimes de Crimes du

Régime de Hissène Habré (AVCRHH) et l’Association Tchadienne pour la Promotion des

Droits de l’Homme (ATPDH). Il est important de préciser que ces associations se sont battues

pour certaines d’entre elles depuis l’an 2000, et même avant, pour le déclenchement de

poursuites à l’encontre de M. Habré. Elles sont donc à l’origine de la procédure actuellement

en cours devant les Chambres

Le Statut des Chambres projette également d’impliquer les victimes d’une autre

manière. En vertu de l’article 27 du Statut, ces dernières peuvent se voir accorder des

réparations. L’article 28, paragraphe 1 du Statut prévoit même la création d’un fonds au profit

des victimes, « alimenté par des contributions volontaires de gouvernements étrangers,

d’institutions internationales, d’organisations non gouvernementales et d’autres sources

désireuses d’apporter un soutien aux victimes. » Sans que cela porte atteinte à la présomption

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d’innocence, un appel peut être lancé aux potentiels bailleurs pour le financement du fonds. Le

second paragraphe de l’article 28 du Statut prévoit une attribution des réparations aux victimes

sur une base individuelle ou collective, « qu’elles aient ou non participé aux procédures devant

les Chambres africaines extraordinaires. » Le principe de l’attribution de réparations aux

victimes de crimes internationaux n’est pas nouveau. La règle 98 du Règlement de procédure

et de preuve de la Cour pénale internationale prévoit également la création d’un tel fonds. À la

différence du Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale, le Fonds des

Chambres n’exerce pas une mission d’assistance, il n’a qu’un mandat judiciaire, à savoir

administrer les éventuelles ordonnances de réparation.

Aujourd’hui, près de 2000 victimes ont été entendues par les Chambres dans le cadre de

l’instruction. Dans l’éventualité où un procès s’ouvrirait concernant M. Habré, comment

organiser les dépositions de ces victimes ? Leur regroupement en associations sera très utile

lors d’une phase de jugement. Rien n’empêche cependant le Parquet Général des Chambres de

solliciter uniquement l’audition des victimes présentant à ses yeux le plus d’intérêt dans le cadre

de l’accusation. Si le ou les accusés venaient à être condamnés et que les Chambres africaines

extraordinaires décidaient d’accorder des réparations aux victimes, comment procèderaient-

elles ? Après avoir localisé les bénéficiaires éventuels des réparations, il sera nécessaire

d’identifier les ressources pour payer ces réparations91. Il peut arriver cependant que les

personnes condamnées soient déclarées indigentes, comme ce fut le cas de Thomas Lubanga

Dyilo devant la Cour pénale internationale92, ou encore que leur patrimoine soit dissimulé ou

inaccessible. C’est souvent à ce moment-là que l’alimentation externe du fonds au profit des

victimes se révèle utile, sous réserve que celle-ci soit suffisante. Sur ce dernier point, il est

nécessaire de préciser qu’il serait contre-productif et malséant d’annoncer aux victimes qu’elles

pourront recevoir des réparations si en réalité cela est inenvisageable au vue de l’alimentation

du fonds. L’on pourrait alors questionner l’opportunité des dispositions du Statut des Chambres

qui laissent entrevoir des indemnisations, si celles-ci venaient à ne pas être réalisables.

Néanmoins, il faut souligner que l’indemnisation n’est pas la seule forme de réparation

prévue par le premier paragraphe premier de l’article 27 du Statut des Chambres. Sont

également énumérées la restitution et la réhabilitation. Cette dernière forme de réparation n’est

91 Open Society Justice Initiative, Crimes internationaux, Justice locale, 2011, en ligne : Open Society Foundations

<http://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/crimes-internationaux-justice-locale-20120908.pdf>

(consulté le 26 mars 2014), pp. 144-145 92 CHAN, Janet, Le Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale, en ligne : Blogue de la Clinique

de droit international pénal et humanitaire <https://www.cdiph.ulaval.ca/blogue/le-fonds-au-profit-des-victimes-

de-la-cour-penale-internationale> (consulté le 5 juin 2014).

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31

pas souvent mise en avant par les tribunaux, alors même qu’il s’agit d’un des éléments essentiels

à la reconstruction des victimes. Dans le cadre du processus de consultation des parties civiles

organisé par les CETC par exemple, les projets liés à la réhabilitation consistaient en la mise en

place de services et de soins médicaux et psychologiques et en soutien apporté par

l’intermédiaire de groupes d’entraide93. Les Chambres africaines extraordinaires devront donc

s’assurer, dans l’éventualité d’un procès menant à une ou plusieurs condamnations, qu’elles

accordent bien aux victimes la forme la plus appropriée de réparation. La réalisation de cet

objectif est facilitée par le troisième paragraphe de l’article 27 du Statut des Chambres, qui

prévoit qu’« [a]vant de rendre une décision en vertu du présent article, les Chambres africaines

extraordinaire peuvent solliciter les observations de la personne condamnée, des victimes et des

autres personnes ou États intéressés. »

Section 2. Les aspects politiques

Les juridictions pénales internationales font souvent l’objet de critiques. Le Tribunal militaire

de Nuremberg a ainsi été accusé de mettre en place une justice des vainqueurs. De la même

manière, il est fréquemment reproché à la Cour pénale internationale de ne focaliser son

attention que sur des situations ayant lieu en Afrique. Il est donc pertinent de s’intéresser de

plus près aux principaux débats entourant les Chambres africaines extraordinaires.

Paragraphe 1 : Les critiques liées à un exercice sélectif par les Chambres

de leur compétence

Les Chambres ont une compétence territoriale et temporelle limitée. Elles ne peuvent

s’intéresser qu’aux crimes commis « sur le territoire tchadien durant la période allant du 7 juin

1982 au 1er décembre 1990 »94, période pendant laquelle Hissène Habré était à la tête du Tchad.

Le caractère limité de la compétence temporelle des Chambres a donné lieu à certaines

critiques. En effet, comme le révèle un rapport de l’organisation Human Rights Watch datant

de 200795, le renversement de M. Habré par l’actuel Président du Tchad, Idriss Déby Itno,

93 FIDH, Les droits des victimes devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC),

2012, en ligne : FIDH <http://www.fidh.org/IMG/pdf/cetc_dtsvict_rap_nov2012_fr_web.pdf> (consulté le 14

juillet 2014). 94 Supra note 62, article 3, paragraphe 1. 95 Human Rights Watch, Trop jeunes pour la guerre, Les enfants soldats dans le conflit tchadien, Volume 19, n°

9 (A), juillet 2007, en ligne : Human Rights Watch

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n’aurait pas pour autant mis fin à la commission de violations graves du droit international sur

le territoire tchadien. On pourrait donc critiquer les Chambres en les accusant d’avoir été créées

pour exercer une compétence sélective. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que les Chambres

ont été créées pour répondre à une demande de justice émanant des victimes des crimes

présumés commis sur le territoire du Tchad sous le régime de Hissène Habré. L’on peut

s’interroger néanmoins sur la possibilité d’une coopération judiciaire du Tchad si les Chambres

avaient eu pour mandat de connaître des violations graves du droit international au-delà de la

période visée96.

Les critiques visent également la stratégie de poursuites des Chambres. En dépit du fait

que le Parquet Général assure avoir examiné tous les éléments de preuve qu’il a pu avoir en sa

possession, certains ne manqueront pas de pointer du doigt l’absence de poursuites contre

l’actuel Président du Tchad, M. Déby, qui a été chef d’État-major des Forces armées nationales

tchadiennes (FANT), l’armée régulière du Tchad, sous le régime de Hissène Habré. Une

suspicion pourrait demeurer même si le Parquet Général assure n’avoir pas reçu de plaintes

étayées à ce sujet et qu’il lui est apparu que le cœur de la répression au Tchad à cette période

était la DDS, dont M. Déby n’a pas été responsable. Mais l’organisation Human Rights Watch

rapporte par exemple que M. Déby aurait pu être poursuivi par les Chambres pour des crimes

présumés commis à l’époque où il était chef d’État-major des FANT, soit entre 1983 et 198597.

Les avocats de Hissène Habré s’appuient sur la stratégie de poursuites des Chambres pour

avancer que les efforts pour poursuivre leur client ont été influencés par M. Déby lui-même98.

Ces propos omettent le fait que les véritables protagonistes derrière ces efforts visant à

poursuivre et juger M. Habré sont en réalité les victimes des crimes présumés commis sous le

régime de ce dernier.

Ces critiques ne devraient pas altérer le travail des Chambres. Il est possible de critiquer

le choix de limiter temporellement leur compétence, mais leur Statut leur impose aujourd’hui

de fonctionner de la sorte. Quant au choix de ne pas poursuivre M. Déby, il s’agit de leur

stratégie de poursuites, qui est des plus réalistes. Aurait-il été raisonnable que les Chambres

<http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/chad0707frwebwcover_0.pdf> (consulté le 16 juin 2014), pp. 21-

30. 96 OUIGOU SAVADOGO, Raymond, Les Chambres africaines extraordinaires : compétence, définition des crimes,

modes de responsabilité et participation des victimes, 23 avril 2013 en ligne : Blogue de la Clinique de droit

international pénal et humanitaire <https://www.cdiph.ulaval.ca/blogue/les-chambres-africaines-extraordinaires-

competence-definition-des-crimes-modes-de> (consulté le 2 mai 2014). 97 Supra note 18. 98 Les avocats de Hissène Habré boycottent les Chambres Africaines Extraordinaires, 4 juillet 2013, en ligne :

Pressafrik <http://www.pressafrik.com/Les-avocats-de-Hissene-Habre-boycottent-les-Chambres-Africaines-

Extraordinaires_a106938.html> (consulté le 27 juin 2014).

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mettent en péril la coopération des autorités tchadiennes afin de ne pas être accusées de mener

des poursuites soi-disant sélectives ? Rien n’est moins sûr.

Paragraphe 2 : Les enjeux liés à la coopération du Tchad

Les Chambres africaines extraordinaires étant amenées à exercer une compétence

universelle, la coopération de l’État sur le territoire duquel les crimes sont présumés avoir été

commis, à savoir le Tchad, est indispensable. Rappelons-le, un Accord de coopération judiciaire

a été signé entre le Tchad et le Sénégal le 3 mai 2013. Malgré cet Accord, le bon déroulement

du travail des Chambres dépend de la volonté des autorités tchadiennes de coopérer avec ces

dernières.

Aujourd’hui, comme nous l’avons vu plus haut, la coopération entre les deux permet

aux Chambres de se rendre sur le territoire tchadien pour rechercher des preuves dans le cadre

de l’instruction. Cependant, il ne faut pas oublier que deux personnes inculpées par les

Chambres sont actuellement détenues à N’Djamena, le Tchad n’ayant toujours pas procédé à

leur remise. Peut-on parler dans ce cas d’une pleine et entière coopération des autorités

tchadiennes ?

Il convient également de rappeler que l’État du Tchad s’est constitué partie civile dans

le cadre de l’affaire Habré en février 2014. À la fin du mois de mai 2014, les juges de la

Chambre africaine extraordinaire d’instruction ont rendu une ordonnance déclarant cette

constitution de partie civile irrecevable. Cette ordonnance aura-t-elle des répercussions sur la

coopération des autorités tchadiennes ? L’avenir nous le dira.

Il est donc risqué pour les Chambres de faire dépendre le bon déroulement de leur travail

de la coopération des autorités tchadiennes. Pour cette raison, il serait préférable qu’elles

réalisent elles-mêmes les actes qui ont lieu au Tchad, sans être dépendantes de leur réalisation

par les autorités tchadiennes. Cela reviendrait à appliquer strictement l’Accord de coopération

judiciaire signé entre le Tchad et le Sénégal.

Paragraphe 3 : La question du financement des Chambres

L’article 3, paragraphe 1 de l’accord portant création des Chambres, signé entre l’Union

africaine et le Sénégal, dispose que « [l]a mise en place et le fonctionnement des Chambres

africaines extraordinaires sont financés par le budget approuvé par la Table ronde du 24

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novembre 2010. » Le compte-rendu de cette Table ronde99 énonce des intentions de

contributions chiffrées émanant d’États ou d’organisations régionales. Parmi les pays et

organisations donateurs, on trouve aujourd’hui le Tchad, l’Union européenne, les États-Unis,

les Pays-Bas, l’Union africaine, la Belgique, l’Allemagne, la France et le Luxembourg. Ces

États et organisations composent le Comité de pilotage des Chambres100, qui a un rôle purement

budgétaire.

Les avocats de M. Habré critiquent ce financement des Chambres, estimant que cela

crée une situation de dépendance de la juridiction vis-à-vis des donateurs101. Cette critique vise

surtout le financement des Chambres par l’État tchadien. Difficile néanmoins d’imaginer le

fonctionnement d’une telle juridiction sans le financement de l’État sur le territoire duquel les

crimes sont présumés avoir été commis. En outre, le financement des Chambres par ces

différentes entités n’entraîne pas en soi une dépendance de ces dernières dans leur travail au

fond. La seule difficulté que cela entraîne est la réduction de leur marge de manœuvre. En effet,

le fonctionnement des Chambres dépend de ces financements, qui sont bien évidemment

limités.

Comment la nature limitée du budget des Chambres se ressent-elle quotidiennement ?

Tout d’abord, lors des deux dernières commissions rogatoires internationales qui ont lieu au

Tchad, tous les membres du Parquet Général des Chambres n’ont pas pu se déplacer. En outre,

les membres du Parquet Général qui ont été choisis pour aller sur place ne se sont pas déplacés

avec leurs greffiers. Mais le caractère limité du budget des Chambres réduit également leur

durée de vie. Il ne faudrait pas que ce budget soit épuisé avant leur dissolution, situation qui

devrait mettre une certaine pression aux juges. Or, l’instruction, qui devait se terminer le 31

mai 2014, a été prolongée de huit mois. Précisons néanmoins que cette prolongation a été

approuvée par le Comité de pilotage des Chambres, qui a accepté de réaménager leur budget102.

99 Human Rights Watch, Table ronde des donateurs pour le financement du procès de Monsieur Hissène Habré,

24 novembre 2010, en ligne : Human Rights Watch

<http://www.hrw.org/sites/default/files/related_material/Table%20ronde%20donateurs%20document%20final.p

df> (consulté le 16 juin 2014). 100 Human Rights Watch, Questions et réponses sur l’affaire Hissène Habré devant les Chambres africaines

extraordinaires au Sénégal, 21 mai 2014, en ligne : Human Rights Watch

<http://www.hrw.org/fr/news/2012/09/11/questions-et-r-ponses-sur-l-affaire-hiss-ne-habr-devant-les-chambres-

africaines-extr> (consulté le 22 mai 2014). 101 Tchad : Procès Habré – La défense demande une enquête parlementaire sur le financement, 9 avril 2014, en

ligne : allAfrica <http://fr.allafrica.com/stories/201404100481.html> (consulté le 16 juin 2014). 102 Affaire Habré : Le délai de l’instruction a été prolongé de 8 mois, 17 avril 2014, en ligne : Chambres africaines

extraordinaires <http://www.chambresafricaines.org/index.php/le-coin-des-medias/evenements/588-affaire-

habr%C3%A9-le-d%C3%A9lai-de-l%E2%80%99instruction-a-%C3%A9t%C3%A9-prolong%C3%A9-de-8-

mois.html> (consulté le 14 juillet 2014).

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Le fait que l’instruction ait été prolongée a pour conséquence qu’un éventuel procès ne pourrait

avoir lieu avant plusieurs mois. Les victimes dans cette affaire vont donc devoir s’armer de

patience. Dans le même temps, ce délai signifie également que les Chambres africaines

extraordinaires ont encore tout le temps de faire leurs preuves.

Chapitre 3 : L’impact espéré des Chambres africaines extraordinaires

"Not only must Justice be done; it must also be seen to be done."

R v Sussex Justices, Ex parte McCarthy ([1924] 1 KB 256, [1923] All ER Rep 233)

« Un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre. »

Winston Churchill

Il ne fait aucun doute que beaucoup est attendu de la part des Chambres africaines

extraordinaires. On espère qu’elles deviendront un symbole de la lutte contre la culture de

l’impunité et pour la justice en Afrique. C’est un défi pour le Sénégal, qui joue sa place de

leader africain dans le domaine de la justice pénale internationale. Derrière le Sénégal, il y a

l’Afrique toute entière, qui souhaite prouver qu’elle a la capacité de poursuivre les auteurs

présumés de crimes internationaux, y compris des anciens Chefs d’État ou de Gouvernement.

Mais la question principale est de savoir quel impact les Chambres auront au Tchad, que ce soit

pour les victimes présumées des crimes commis sous le régime de M. Habré comme pour le

reste de la population, et même pour le système judiciaire tchadien. Rappelons que 4000 km

séparent Dakar de N’Djamena : de quelle manière les effets de la justice rendue au Sénégal

pourront-ils être ressentis au Tchad ? En outre, au sein de la société sénégalaise, tout le monde

n’est pas à même de maîtriser les procédures qui se déroulent devant les Chambres africaines

extraordinaires. Il est donc nécessaire de vulgariser l’information relative aux Chambres, de la

communiquer largement, et de sensibiliser le public du monde entier sur ces questions.

Section 1. Rendre la justice visible

La procédure ayant lieu devant les Chambres africaines extraordinaires ne doit pas être

accaparée par les juristes. Les citoyens doivent également être en mesure de s’approprier ce

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processus africain, aussi exceptionnel soit-il. Outre la Cellule de communication des Chambres

africaines extraordinaires, qui a pour mission d’informer le public sur les procédures se

déroulant devant les Chambres, un Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines

extraordinaires a été mandaté, afin de confier aux publics cibles une information plus

développée et accessible sur le rôle et les enjeux des activités des Chambres, mais surtout afin

de les sensibiliser sur cette juridiction, d’organiser des débats à ce sujet et d’encourager leur

participation au processus de justice. Enfin, dans l’éventualité d’un procès, le Statut des

Chambres prévoit l’enregistrement des audiences en vue de leur diffusion103.

Paragraphe 1 : Le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines

extraordinaires104

Le troisième paragraphe de l’article 15 du Statut des Chambres prévoit que

« [l]’Administrateur des Chambres africaines extraordinaires peut conclure les accords

appropriés pour la mise en œuvre d’actions de sensibilisation et pour informer l’opinion

publique africaine et internationale au sujet du travail des Chambres africaines

extraordinaires. » C’est la première fois que la sensibilisation est prévue dans les termes mêmes

du Statut d’une juridiction de cet ordre, ce qui a pour conséquence de faciliter la mise en place

d’activités de sensibilisation de manière organisée.

Sur la base de cet article, l’Administration des Chambres, en accord avec le Comité de

pilotage, a lancé un appel d’offres pour mettre sur pied un projet de sensibilisation sur les

Chambres africaines extraordinaires. Le Consortium a répondu à cet appel d’offres en

soumettant une liste d’experts et un projet concret. Le Consortium est composé de trois entités,

Primum Africa Consulting qui est un cabinet au Sénégal faisant office de chef de file, Magi

Communication presse et services qui est un cabinet tchadien et RCN Justice et Démocratie,

une ONG belge active dans les domaines du droit et de la justice dans de nombreux pays.

Une fois le Consortium sélectionné, un séminaire d’adaptation, déjà prévu dans le projet

soumis à l’appel d’offres, s’est tenu. À cette occasion, le Consortium a laissé la parole aux

membres des Chambres afin qu’ils proposent éventuellement certains ajustements au projet

sélectionné. Ce séminaire s’est révélé assez utile puisqu’il a donné lieu à l’ajout de deux

103 Supra note 62, article 36. 104 Source principale : interview de M. Hugo JOMBWE, Cabinet Primum Africa Consulting, Consortium de

sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires.

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activités et à la modification de l’approche des différentes activités. Par exemple, le choix a été

fait de ne pas organiser d’activités à l’occasion desquelles l’Accusation et la Défense seraient

mises face à face, pour éviter tout risque de confrontation et de « procès avant le procès ».

À travers les activités qu’il organise, le Consortium a pour objectif de contribuer à la

sensibilisation du public sur la procédure ayant lieu devant les Chambres, et plus largement de

développer l’État de droit au Sénégal et au Tchad, en rendant accessible le travail réalisé par

cette juridiction. Son ambition est en effet de faire en sorte que la justice rendue soit comprise

par la population, en particulier sénégalaise et tchadienne, et qu’elle ait des retombées au Tchad,

État concerné au premier plan par les procédures ayant lieu devant les Chambres. Dans ces

activités de sensibilisation, il est évident que le Consortium doit tout faire pour respecter la

présomption d’innocence.

La sensibilisation sur un mécanisme de justice pénale internationale permet en effet aux

individus concernés par cette justice de se l’approprier105. Le Consortium a pour mission

d’enseigner au public des concepts juridiques, de vulgariser les procédures ayant lieu devant

les Chambres, puis de lancer les discussions. Cela permet de gérer les attentes du public et en

particulier des victimes106.

Le Consortium a débuté ses activités en février 2014. Depuis lors, il a par exemple

organisé la formation de journalistes au Tchad et au Sénégal sur le travail réalisé par les

Chambres africaines extraordinaires. Par ailleurs, des débats ont été et vont être organisés au

Sénégal et au Tchad, en présence de membres des Chambres lorsque cela est possible. Le

premier débat organisé à Dakar le 15 avril 2014 s’est par exemple tenu en présence de M.

Moustapha Ka, Procureur Général adjoint des Chambres africaines extraordinaires. De cette

manière, le Consortium tente d’habituer l’institution des Chambres à la transparence et à

l’entretien d’une relation interactive avec le public, qu’il s’agisse de professionnels du droit ou

de citoyens.

Pour ce qui est des activités du Consortium au Tchad, les missions consistent notamment

à sensibiliser la population sur les procédures en cours devant les Chambres, afin de continuer

à rassembler les victimes – qui parfois ne sont pas au courant de ce qu’il se passe à Dakar – et

de mieux faire comprendre aux tchadiens les enjeux d’une telle affaire. Il s’agit donc d’une

mission éducative : les connaissances des experts du Consortium sur la question du travail des

105 Supra note 91, p. 37. 106 Supra note 91, p. 37.

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Chambres sont transmises aux membres d’organisations de la société civile tchadienne afin

qu’eux-mêmes servent de relai auprès des citoyens.

La sensibilisation concerne également tout ce qui a trait aux politiques mémorielles.

Beaucoup de familles de victimes n’ont jamais pu récupérer le corps de leurs proches. Les lieux

supposés abriter des charniers sont peu à peu en train d’être recouverts par des constructions,

les terrains sont vendus à des promoteurs immobiliers, ce qui fait qu’aucun signe extérieur ne

permet d’identifier ces charniers. Le Consortium souligne donc l’importance des politiques

mémorielles, les victimes et la société civile pouvant par la suite elles-mêmes réclamer la prise

de mesures dans ce sens par les autorités tchadiennes. Le Consortium a donc véritablement un

rôle de sensibilisation et d’impulsion auprès des victimes.

Paragraphe 2 : L’enregistrement et la diffusion des audiences

Comme évoqué plus haut, l’article 36 du Statut des Chambres dispose que « [l]es

audiences devant les Chambres africaines extraordinaires, sous l’autorité du Procureur général,

sont filmées et enregistrées afin d’être diffusées sauf si cela contrevient aux mesures nécessaires

à la protection des témoins et autres participants. »

Les raisons qui ont motivé la rédaction de l’article 36 du Statut des Chambres sont

nombreuses. Tout d’abord, l’enregistrement de telles audiences permet la constitution

d’archives. En effet, l’une des retombées attendues d’un éventuel procès est sa dimension

pédagogique. Il est donc indispensable de permettre à la population tchadienne d’avoir accès à

ces images, afin qu’elle puisse connaître la vérité sur les crimes présumés commis au Tchad.

Les générations futures de la société tchadienne auront accès à ces archives, ce qui permettra

d’honorer un devoir de mémoire. En outre, cette disposition du Statut des Chambres concrétise

le droit à l’information, qui concerne tant la population tchadienne que la population

sénégalaise, et même le reste du monde. Ce droit à l’information va de pair avec le besoin de

transparence et le principe de publicité des débats.

En avril 2014, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (ci-après « CNRA ») a

émis un avis dans lequel il s’opposait à tout projet de retransmission audiovisuelle de l’éventuel

procès à l’encontre de M. Habré. Le CNRA s’est basé pour rendre son avis sur des principes

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tels que la préservation de la présomption d’innocence, le droit à l’image, ou encore la dignité

de toutes les parties au procès107.

Néanmoins, il convient de rappeler que le CNRA n’a rendu qu’un avis, qui ne lie pas

les Chambres et qui va à l’encontre de leur Statut. Ces dernières pourront organiser la

retransmission audiovisuelle d’un éventuel procès puisque leur Statut les y autorise. Sur ce

point, la création d’une juridiction spéciale est un réel atout puisqu’elle permet de passer outre

le caractère inadapté du droit sénégalais par rapport à ce genre de procédures tout à fait

exceptionnelles. Le Statut précise également les limites dans lesquelles il sera procédé à

l’enregistrement et à la diffusion des images. Pour autant, il sera nécessaire de réfléchir aux

modalités de diffusion de ces images. Faudra-t-il retransmettre le procès en totalité ou en

partie ? La diffusion des images aura-t-elle lieu en direct ou de manière différée ?

Les Chambres africaines extraordinaires ne sont pas la première juridiction pénale

internationale à prévoir l’enregistrement des audiences : cette possibilité est également prévue,

par exemple, à l’article 81 des Règlements de procédure et de preuve des Tribunaux pénaux

internationaux pour l’ex-Yougoslavie (ci-après « TPIY ») et pour le Rwanda (ci-après

« TPIR »), ainsi que pour la CPI. Pour ce qui est des audiences devant le TPIY par exemple,

celles-ci sont retransmises avec un décalage de 30 minutes, ce qui permet notamment aux

techniciens audiovisuels de protéger les informations qui auraient été divulguées par erreur à

l’audience108. Compte tenu du nécessaire tri des informations, il serait difficilement réalisable

pour les Chambres africaines extraordinaires de procéder à une diffusion des images d’un

éventuel procès en direct.

Pour terminer sur ce point, les termes de l’article 36 du Statut des Chambres sont

quelque peu critiquables. Cette disposition prévoit que l’enregistrement et la diffusion des

audiences doit se faire dans le respect des « mesures nécessaires à la protection des témoins et

autres participants ». Doit-on considérer que cette formulation englobe la protection de

l’accusé ? L’article 34 du Statut concerne la protection « des parties et témoins aux procès ».

Dans cet article, l’expression « les parties » semble englober l’accusé. Pourquoi avoir fait la

différence entre les « parties » et les « participants » ? Pourrait-on considérer que ces derniers

regrouperaient les témoins et experts, participants extérieurs au procès donc ? Si tel était le cas,

107 Affaire Habré : Le CNRA ne veut pas de télé au procès, les Chambres africaines extraordinaires persistent, 8

avril 2014, en ligne : Sen24heures <http://www.sen24heures.com/spip.php?article2863> (consulté le 16 juin

2014). 108 Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Équipement des salles d’audience, en ligne : TPIY

<http://www.tpiy.org/sid/167> (consulté le 16 juin 2014).

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40

les Chambres pourraient procéder à l’enregistrement et à la diffusion des audiences même si

cela contrevenait aux mesures nécessaires à la protection de l’accusé. Le Statut aurait dû être

plus précis pour éviter toute équivoque. Si l’on prend l’exemple du droit français, l’article 6 de

la Loi du 11 juillet 1985109, qui concerne cette thématique, dispose par exemple que « [l]es

enregistrements sont réalisés dans des conditions ne portant atteinte ni au bon déroulement des

débats ni au libre exercice des droits de la défense. […] » Néanmoins, il est raisonnable de

considérer que l’expression « participants » englobe l’accusé. Il ne serait en effet pas dans

l’intérêt des Chambres d’avancer un argument selon lequel elles n’auraient pas à tenir compte

du respect des droits de la défense dans le cadre de l’enregistrement et de la diffusion des

audiences. Le ou les accusés pourront donc avancer des arguments selon lesquels

l’enregistrement et la diffusion des audiences violeraient les droits de la défense, arguments que

les Chambres devront ensuite apprécier avant de décider si oui ou non tel est le cas.

Autre aspect critiquable cependant, l’article 36 du Statut des Chambres prévoit que

l’enregistrement et la diffusion des audiences se font « sous l’autorité du Procureur général » et

non des juges. Toute appréciation du respect des droits de la défense dans le cadre de

l’enregistrement et de la diffusion des audiences reviendrait donc au Procureur Général, partie

au procès, ce qui est critiquable. Il eût été pertinent, afin d’éviter toute critique à ce sujet, de

confier la décision en matière aux juges.

Section 2. L’impact espéré des Chambres au Sénégal

Si les Chambres parviennent à relever tous les défis qui s’imposent à elles (voir IV-B),

on peut s’attendre à ce que cela ait des répercussions positives pour le Sénégal. Cet État

affirmerait en effet sa place de leader dans le domaine de la justice pénale internationale,

capable d’exercer la compétence universelle. L’image qu’il renverrait serait donc celle d’un

État en possession d’experts dans le domaine du droit international pénal, apte à renouveler

l’exercice d’une telle compétence si cela devait arriver. Le Sénégal enverrait en outre un signal

fort aux Chefs d’État ou de Gouvernement en refusant que les crimes commis par ces derniers

à l’encontre de leur population demeurent impunis. Mais l’image la plus importante qui serait

renvoyée serait celle d’un État qui a enfin réussi à répondre à une demande de justice formulée

109 Loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 tendant à la constitution d’archives audiovisuelles de la justice, en ligne :

Légifrance

<http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19850712&pageDebut=07865&p

ageFin=&pageCourante=07866> (consulté le 16 juin 2014), article 6.

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par des victimes trop souvent habituées à une situation d’impunité. En conclusion, le premier

impact espéré des Chambres réside donc dans la fierté et le sentiment de devoir accompli que

ressentirait le Sénégal d’avoir enfin pu contribuer à la lutte contre l’impunité.

Le second impact, et non des moindres, est pédagogique. Tout d’abord, la mise en place

des Chambres implique la nomination de magistrats sénégalais. Or, ces magistrats n’ont jusque-

là pas été amenés à se spécialiser en droit international pénal. À travers le déroulement de leur

travail, ces professionnels vont être confrontés aux particularités de ce droit et vont apprendre

à fonctionner avec. N’oublions pas non plus que des formations ont été organisées, afin de leur

permettre de mieux appréhender les spécificités de ce droit. La coopération des autres

juridictions pénales internationales avec les Chambres est sur ce point très utile. Le Procureur

Général des Chambres a par exemple été reçu à Arusha (Tanzanie) par le Procureur du TPIR.

L’objet de la visite était d’échanger les points de vue sur la pertinence de l’expérience de ce

Tribunal pour les Chambres africaines extraordinaires. De la même manière, les membres de la

Chambre africaine extraordinaire d’accusation ont suivi une formation par des membres de la

CPI. Les Chambres se sont ainsi insérées dans le concert des acteurs de la justice pénale

internationale à travers des sessions de formation et des sollicitations de stages venant de

l’extérieur. Il existe désormais au Sénégal des magistrats formés en droit international pénal et

dotés désormais d’une expérience pratique en la matière. Cette main d’œuvre ne restera pas

invisible aux yeux des experts internationaux à la recherche de professionnels qualifiés pour

contribuer à la lutte contre l’impunité des crimes internationaux, que ce soit dans les tribunaux

pénaux internationaux existants ou dans l’éventualité de la création d’un nouveau modèle de

justice pénale internationale. Cette place occupée par le Sénégal au sein de la justice pénale

internationale ne fera que développer le grand intérêt des universitaires, chercheurs et autres

praticiens du droit sénégalais pour ce domaine.

La dimension pédagogique des Chambres comporte un second volet. En effet, outre

l’amélioration des compétences de son personnel judiciaire, le Sénégal contribue également à

l’amélioration de son système de droit. L’attente vis-à-vis des Chambres sur ce point est la prise

en compte de leur expérience dans le déroulement de leur travail pour améliorer les textes sur

la base desquels elles ont été amenées à fonctionner. En l’espèce, les Chambres ont fonctionné

en l’absence d’un Règlement de procédure et de preuve, grâce à leur Statut et, de façon

subsidiaire, au Code de procédure pénale du Sénégal. Les lacunes dans ces textes, qui ont été

et continueront d’être révélées au fur et à mesure du déroulement du travail des Chambres,

devront être relevées et prises en compte dans le cadre d’une future réforme du droit pénal et

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procédural sénégalais. Cette démarche servirait les juridictions sénégalaises à la fois dans le

cadre des procédures de droit commun, mais également si à l’avenir elles sont de nouveau

amenées à exercer une compétence universelle. Si ce processus est suivi, il sera possible de dire

sans l’ombre d’un doute que les Chambres africaines extraordinaires ont eu un véritable impact

en droit sénégalais.

Il est donc attendu des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions

sénégalaises qu’elles remplissent les deux objectifs qui sont attribués de manière générale aux

juridictions pénales internationalisées : la lutte contre l’impunité, ainsi que le renforcement des

structures pénales internes.

Section 3. L’impact espéré des Chambres au Tchad

En tant qu’État concerné au premier plan par les procédures se déroulant devant les

Chambres africaines extraordinaires, on espère que le Tchad ressentira directement les effets

de cette justice rendue au Sénégal. Le premier objectif attendu est la lutte contre l’impunité au

Tchad, et plus généralement contre la culture de l’impunité dans cet État. Lors du premier débat

organisé par le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires à

Dakar, après que des participants aux discussions ont évoqué la crainte dans les années 2000 de

voir Hissène Habré extradé puis jugé par la Belgique, Jacqueline Moudeina, Présidente de

l’ATPDH et avocate des victimes, a insisté sur le fait que peu importe où elle se ferait, ce que

les victimes veulent, c’est la justice. Lutter contre l’impunité permettra en effet d’aider à

restaurer la dignité des victimes, mais également à établir la vérité sur ce qu’elles ont subi.

L’espoir est que le fait de savoir comment les évènements se sont déroulés permettra de prévenir

la résurgence de comportements pouvant mener à la commission de crimes internationaux. La

lutte contre l’impunité poursuit en effet un double objectif de prévention et de dissuasion.

Cette justice rendue par les Chambres au Sénégal devra être comprise par les tchadiens.

Le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires a sur ce point

particulier un rôle extrêmement important à jouer, en vulgarisant l’information relative au

travail des Chambres et à leur impact. Plus cette justice sera comprise par les tchadiens, plus il

sera possible d’espérer une reconstruction des victimes et l’établissement d’une conscience

collective tchadienne qui pourra éventuellement laisser augurer une réconciliation nationale.

Si l’on continue de s’intéresser à l’impact des Chambres sur les victimes, on peut

également évoquer la question de leur indemnisation. Celle-ci est prévue par le Statut des

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Chambres, mais son exécution effective demeure assez idéaliste néanmoins. Pour autant,

l’indemnisation fait-elle partie des retombées qui sont attendues des Chambres au Tchad ? Les

experts du Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires sont entrés

en contact avec certaines de ces victimes présumées du régime de Hissène Habré. Ces victimes

résident parfois dans des zones reculées et il est arrivé que ce soient ces experts qui les informent

des procédures actuellement en cours à Dakar. Leur premier désir est de raconter ce qui est

arrivé. La justice, il faut dire qu’elles ne l’espéraient plus. Leur première demande n’est donc

pas de recevoir une indemnisation financière, même si, bien évidemment, une fois que celle-ci

est évoquée, elle intéresse.

Parmi les impacts espérés des Chambres au Tchad, il convient également d’évoquer leur

influence sur le devoir de mémoire. En effet, parmi les questions relatives à l’héritage des

tribunaux internationaux, on trouve la formation de la mémoire historique collective110. Les

Chambres contribueront à faire connaître aux tchadiens leur histoire et à les faire prendre

conscience du devoir qui appartient à l’État tchadien de faire en sorte que cette histoire soit

transmise aux générations futures, qu’elle soit marquée par le choix de journées de

commémoration ou la construction de monuments symboliques. La consécration de ce devoir

de mémoire peut consister en une forme de réparation collective, destinée tant aux victimes

qu’à la population tchadienne dans son ensemble, et surtout aux générations futures.

Enfin, on peut espérer que l’activité des Chambres pousse le Tchad à accélérer les

réformes de son droit interne, et notamment sa mise en conformité avec un certain nombre de

conventions internationales auxquelles il est lié. Le droit tchadien ne prévoit en effet toujours

pas la répression des crimes internationaux. Les victimes des crimes présumés commis au

Tchad entre 1982 et 1990 ne pouvant donc espérer que justice leur soit rendue sur ce territoire,

elles se sont tournées vers le Sénégal puis vers la Belgique dans leur quête de justice. La volonté

d’entreprendre une modification du droit tchadien s’est accélérée suite à la création des

Chambres africaines extraordinaires, le Tchad ayant pris conscience que cette affaire le

concernant au premier degré lui échappait en grande partie. Malgré une coopération avec les

Chambres dans le cadre de l’instruction, la remise au Sénégal des deux tchadiens inculpés par

les Chambres et détenus à N’Djamena est toujours attendue. Le Tchad espère en effet pouvoir

poursuivre et juger ces individus pour les faits ayant eu lieu au Tchad sous le régime de Hissène

Habré, mais pour des crimes de droit commun et non pour des crimes internationaux. Quelle

que soit la décision du Tchad sur la question des deux inculpés, des réformes sont en cours afin

110 Supra note 91, p. 25.

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que cet État mette enfin son droit en conformité avec ses engagements internationaux,

notamment afin de se saisir lui-même à l’avenir d’affaires telles que celles sur lesquelles

travaillent les Chambres africaines extraordinaires.

Section 4. L’impact espéré des Chambres en Afrique et dans le reste du monde

Le Sénégal est en passe de devenir un modèle en Afrique dans le domaine de la justice

internationale pénale. On s’attend à ce que l’expérience des Chambres révèle qu’il n’y a pas

que les États européens et Nord-américains qui ont la volonté et la capacité d’exercer leur

compétence universelle, qui plus est à l’encontre d’anciens Chefs d’État. Il s’agirait donc d’une

fierté pour le Sénégal à l’égard de l’Afrique, et pour l’Afrique à l’égard du reste du monde.

Néanmoins, cette conclusion ne fera pas oublier les vingt années pendant lesquelles les victimes

tchadiennes ont attendu que le Sénégal se conforme à ses obligations internationales.

En outre, l’implication de l’Union africaine dans la mise en place d’une telle juridiction

ne passera pas inaperçue si cette dernière parvient à rendre justice d’une manière crédible, dans

le respect des standards internationaux de justice. Le succès d’une telle mission serait donc,

outre le succès du Sénégal, celui de l’Union africaine, en tant qu’institution panafricaine ayant

d’une certaine manière favorisé la création d’une telle juridiction. Mais cela ne fera pas pour

autant oublier la position de cette institution comme farouchement opposée à la poursuite des

Chefs d’État ou de Gouvernement en exercice, attitude allant à l’encontre de la lutte contre

l’impunité111.

À travers l’expérience des Chambres, le Sénégal gagnerait donc en crédibilité et en

expertise dans le domaine de la justice pénale internationale. Mais il s’agirait surtout pour le

Sénégal d’envoyer un message clair, signifiant qu’il refuse désormais de devenir un refuge pour

les auteurs présumés de crimes internationaux en leur garantissant l’impunité, même s’il s’agit

d’anciens Chefs d’État ou de Gouvernement. Il s’agit là de l’objectif principal de la compétence

universelle : si un tel individu dresse un inventaire des États sur le territoire desquels il peut se

réfugier, il devra désormais exclure le Sénégal. Plus les États accepteront d’exercer cette

111 Draft Protocol on Amendments to the Protocol on the Statute of the African Court of Justice and Human Rights,

First Meeting of the Specialized Technical Committee on Justice and Legal Affairs, 15-16 May 2014, Addis

Ababa, Ethiopia, en ligne : Coalition for the ICC

<http://www.coalitionfortheicc.org/documents/African_Court_Protocol_-

_July_2014.pdf?utm_source=CICC+Newsletters&utm_campaign=0eb9c44f8c-

7_3_14_GlobalJustice_Weekly+FRENCH&utm_medium=email&utm_term=0_68df9c5182-0eb9c44f8c-

%5BLIST_EMAIL_ID%5D&ct=t%287_3_14_GlobalJustice_Weekly+FRENCH%29> (consulté le 14 juillet

2014).

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compétence, moins il y aura de zones de refuge pour ce type d’individus. Le fait de devoir se

retrouver tôt ou tard face à leurs responsabilités dissuade les individus de participer à ce genre

de crimes. On retrouve ici la dissuasion comme objectif de la lutte contre l’impunité.

La particularité des Chambres africaines extraordinaires est que tout est fait pour que le

processus en cours devant elles soit connu par les populations sénégalaises et tchadiennes, et

surtout mieux compris. Cela devrait permettre de faire en sorte que la justice rendue par les

Chambres et les réflexions qui auront été engendrées par son fonctionnement aient des effets

durables au Tchad et au Sénégal, mais également des répercussions politiques importantes en

Afrique et dans le reste du monde. Étant donnée la spécificité de cette institution, due à la fois

au contexte de sa création et à son mode de fonctionnement, la question se pose désormais de

savoir s’il s’agit d’un modèle de justice pénale internationale à reproduire.

Chapitre 4 : Les Chambres africaines extraordinaires : un modèle à

reproduire ?

Bien que la nécessité de leur création soit critiquable, les Chambres africaines extraordinaires

ont été élaborées et mises sur pied, selon un modèle totalement nouveau dans le domaine de la

justice pénale internationale. Étant donné les circonstances spécifiques qui ont mené à leur

création, serait-il envisageable de reproduire un tel modèle ? La compétence universelle doit-

elle demeurer une compétence étatique ? À l’inverse, l’intégration d’un volet international par

la création d’une juridiction spéciale pour exercer cette compétence est-elle un avantage ? Il

apparaît nécessaire pour répondre à ces questions d’exposer les atouts d’un tel modèle de

juridiction, ainsi que les défis auxquels les Chambres doivent faire face.

Section 1. Les atouts d’un tel modèle

Pour rappel, les spécificités du modèle de justice pénale internationale que sont les

Chambres africaines extraordinaires sont les suivantes. Tout d’abord, nous sommes pour une

fois confrontés à une justice pénale africaine n’impliquant que des africains. Si nous prenons

l’exemple du TPIR, il convient de rappeler que celui-ci a été créé à la suite d’une résolution du

Conseil de sécurité des Nations Unies. Pour ce qui est du Tribunal spécial pour la Sierra Leone,

celui-ci a également été créé, du moins en partie, par les Nations Unies. Ensuite, deuxième

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spécificité, de manière totalement novatrice, une juridiction spéciale a été créée pour exercer

une compétence universelle ad hoc en Afrique.

Aujourd’hui, étant donnée l’attitude hostile de l’Union africaine et de certains États

africains à l’encontre de la CPI, une justice régionale paraît être la meilleure manière de lutter

contre l’impunité en Afrique. Mettre sur pied une juridiction africaine sur la base d’un accord

conclu entre un État et l’Union africaine est donc un modèle qui attire. Cette option laisse

augurer une réticence moins importante de l’État sur le territoire duquel les crimes ont été

commis pour ce qui est de la coopération avec cette juridiction, qui ne se fera pas attaquer sur

la base de liens avec l’Occident. En outre, l’avantage indéniable d’une telle option est la

proximité géographique – bien que celle-ci soit à nuancer – et culturelle entre le lieu de

poursuites et le lieu de commission des crimes.

Ces atouts sont semblables à ceux de la complémentarité. Quelle était l’utilité cependant

de mettre en place un tribunal ad hoc pour exercer une telle compétence ? Le premier impact

positif de ce type de tribunal est qu’il améliore les capacités nationales de l’État sur le territoire

duquel il se situe. Le Sénégal aurait-il eu la capacité, si abstraction est faite de la décision de la

CÉDÉAO du 18 novembre 2010, d’exercer sa compétence universelle à l’encontre de Hissène

Habré sans un appui international ? Techniquement, probablement. Les différents membres des

Chambres ont même eu l’occasion d’améliorer leurs connaissances grâce aux formations en

droit international pénal qui leur ont été dispensées. Pour autant, il ne faut pas oublier que le

Sénégal aurait difficilement pu exercer sa compétence universelle sans un appui financier

international.

Plutôt que de créer une juridiction à caractère purement international, il a été choisi de

l’intégrer aux juridictions sénégalaises. L’expérience des Chambres va donc permettre à État

sénégalais d’améliorer ses capacités dans le cadre de la poursuite et du jugement des auteurs de

crimes internationaux, mais également de développer ses capacités pour ce qui est de l’exercice

de la compétence universelle. Ce modèle de juridiction est donc l’occasion pour un État

d’améliorer ses compétences dans le domaine de la justice pénale internationale d’une manière

vraiment complète. On peut donc affirmer sans l’ombre d’un doute que ces Chambres ont un

réel atout pédagogique.

Enfin, le fait pour le Tchad de voir le Sénégal s’occuper d’une affaire tchadienne pousse

cet État à prendre des initiatives pour modifier son propre droit, afin d’être en mesure, à l’avenir,

de poursuivre et juger ses propres ressortissants accusés de crimes internationaux. Les autorités

tchadiennes, même si elles ont accepté de le faire, n’étaient pas enclines à coopérer avec les

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Chambres dans le cadre de l’instruction. Rappelons que pendant les CRI, elles ont accepté de

coopérer avec autorités sénégalaises dans la mesure où elles exécuteraient elles-mêmes les actes

relatifs à la procédure sur leur territoire. Voir le Sénégal poursuivre les principaux auteurs des

crimes internationaux commis sur le territoire tchadien sous le régime de Hissène Habré

pourrait être considéré comme un échec pour le Tchad. Cela lui rappelle en effet qu’il n’a pas

été capable de le faire lui-même. Il est vrai que pour M. Habré, la question de la poursuite et du

jugement est particulière, puisqu’il s’est réfugié au Sénégal après avoir fui le Tchad. Il ne faut

pas oublier néanmoins que deux tchadiens inculpés par les Chambres sont aujourd’hui toujours

en détention à N’Djamena, mais que les autorités tchadiennes n’ont pas pour autant la capacité

de les poursuivre et de les juger pour les crimes internationaux dont les Chambres les accusent.

Cette situation devrait pousser le Tchad à mettre enfin son droit en conformité avec ses

obligations internationales, s’il ne souhaite pas à l’avenir voir de nouveau ses ressortissants

poursuivis et jugés par d’autres États.

Section 2. Les défis à relever

Le succès ou l’échec des Chambres africaines extraordinaires sera déterminé en fonction

de la manière dont elles auront réussi à relever les défis qui s’imposent à elles. Les Chambres

vont devoir faire preuve d’une extrême rigueur dans le déroulement de leur travail. Cela

commence notamment par le respect du délai raisonnable de l’instruction. Celui-ci a été

prolongé de huit mois le 31 mai 2014, mais il serait fortement préjudiciable pour l’image des

Chambres de ne pas respecter ce nouveau délai. Autres points centraux sur lesquels les

Chambres seront évaluées : le caractère équitable d’un éventuel procès et le respect des droits

de la défense. La presse sénégalaise, souvent alertée par la Défense toujours prête à

communiquer dans son intérêt, a souvent critiqué les procédures devant les Chambres, jusqu’à

ce que la formation des journalistes par le Consortium de sensibilisation sur les Chambres

africaines extraordinaires soit organisée. La presse sénégalaise semble aujourd’hui plus

autonome pour ce qui est de cette affaire, cette formation ayant permis d’augmenter la capacité

des journalistes à connaître le travail des Chambres. Pour autant, cette démarche n’est pas

forcément suffisante pour éradiquer toute presse partisane. Néanmoins, les journalistes

désormais au fait de la procédure se déroulant devant les Chambres ne manqueront pas de

soulever toute atteinte aux garanties d’indépendance de celles-ci, au caractère équitable du

procès ou au respect des droits de la défense en général. La pression est donc importante, mais

même sans cela, les Chambres se doivent d’être exemplaires dans le déroulement de leur travail,

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afin d’assurer leur crédibilité aux yeux de ceux qui les observent de près et surtout afin de

garantir leur impact.

La question des garanties d’indépendance interpelle notamment sur l’influence

éventuelle de l’État tchadien sur les Chambres. Ce dernier est un important bailleur du Comité

de pilotage des Chambres, ce qui a alimenté les arguments des détracteurs des Chambres. Ces

dernières vont devoir refuser de faire dépendre le bon déroulement de leur travail de la volonté

des autorités tchadiennes de coopérer ou non avec elles. Cette coopération concerne le

déroulement des commissions rogatoires internationales au Tchad, ainsi que la remise des

inculpés détenus à N’Djamena. Étant donné que trois autres personnes inculpées par les

Chambres sont toujours en fuite, on peut se demander si le fait pour les Chambres d’être une

juridiction internationalisée est un facteur qui les empêche d’obtenir facilement la coopération

des autres États, pour le bon déroulement de leur travail. Rien ne peut garantir qu’une juridiction

purement internationale aurait été mieux à même d’obtenir une parfaite coopération du Tchad

et la remise des inculpés actuellement en fuite. Néanmoins, les Chambres vont devoir prouver

qu’en tant qu’institution insérée au sein des juridictions sénégalaises elles ont tout de même la

capacité d’obtenir la coopération des autres États. Il s’agit pour autant ici d’un défi auquel sont

amenés à faire face tous les États ayant jusque-là exercé leur compétence universelle, ainsi que

la majorité des tribunaux pénaux internationaux.

Les Chambres vont également devoir s’assurer que Hissène Habré est bien à la

disposition de la justice, et non l’inverse. Une justice trop laxiste pour ne pas être critiquée n’est

pas une bonne solution. Ce n’est pas forcément en se pliant à la moindre exigence d’une

personne inculpée que l’on respecte ses droits. Il en va également de la crédibilité de la justice

et de ses effets sur les victimes.

Un autre défi de cette juridiction spéciale exerçant une compétence universelle est le fait

de devoir rendre justice à des victimes de crimes commis à des milliers de kilomètres du

territoire sur lequel elle est établie. Il est vrai que cette situation concerne également la majorité

des juridictions pénales internationales, ainsi que tous les États amenés à exercer leur

compétence universelle. Pour autant, il s’agit là d’une réelle difficulté. L’Union africaine a

tendance à promouvoir une justice régionale. Parmi les arguments avancés, on retrouve la

question de la proximité géographique par rapport au lieu de commission des crimes. Or, le

Tchad est situé à plus de 4 000 km du Sénégal. La prise en compte de cette distance dans la

manière de rendre justice est donc un autre défi à prendre en compte par les Chambres. Le

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travail du Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires joue sur ce

point un rôle fondamental.

L’atout pédagogique des Chambres est également un réel défi à relever. Le système de

justice sénégalais n’est pas parfaitement adapté pour exercer une compétence universelle. Au

fur et à mesure du déroulement de leur travail, les Chambres découvrent ces lacunes. La

modification du Code pénal et du Code de procédure pénale du Sénégal est un projet sur lequel

se penche actuellement la Commission des lois sénégalaise. Il serait très utile que les Chambres

fassent connaître les lacunes qu’elles ont remarquées dans le droit sénégalais afin que celles-ci

soient comblées au plus vite.

L’un des défis majeurs sur la base duquel l’effet positif des Chambres pour le Sénégal

sera évalué réside dans la volonté de ses membres à transmettre les connaissances théoriques et

pratiques accumulées dans le cadre de cette expérience. En effet, dire que le Sénégal est

désormais un modèle africain dans le domaine de la justice pénale internationale n’a pas de

réelle portée si seule une poigné d’individus est capable de participer à la poursuite et au

jugement des auteurs de crimes internationaux. Il faut garder à l’esprit qu’une fois les Chambres

dissoutes, le Sénégal pourra très bien être amené de nouveau à exercer sa compétence

universelle. Il serait également possible que des magistrats sénégalais expérimentés pour

exercer ce type de compétence soient nommés au sein d’une autre juridiction internationale. Il

est donc impératif que ces connaissances accumulées soient transmises à d’autres magistrats

pour multiplier le nombre de personnes ayant les compétences pour connaître de tels crimes. Si

l’on pousse encore plus loin la réflexion, ce sont bien évidemment les étudiants en droit qu’il

faut former en droit international pénal. N’oublions pas en effet que les étudiants d’aujourd’hui

sont pour certains les avocats et les juges de demain.

CONCLUSION

Les Chambres africaines extraordinaires sont assurément un nouveau modèle de justice

pénale internationale. Pour autant, reproduire un tel modèle de juridiction ne paraît pas

nécessaire. En effet, c’est l’exercice même de la compétence universelle qu’il convient

d’améliorer. Pourquoi créer une juridiction internationalisée et non purement interne si sa

caractéristique principale est justement le fait d’être insérée au sein des juridictions nationales

et de fonctionner de manière quasiment identique à celles-ci ? L’intérêt est bien évidemment la

présence du Statut, contenant des dispositions non prévues dans les Codes sénégalais, mais

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celui-ci étant imparfait, la plupart du temps les Chambres sont amenées à se plonger dans le

Code de procédure pénale du Sénégal – lui-même incomplet d’ailleurs –, pour fonctionner.

Si l’on devait faire un bilan du travail réalisé jusqu’à présent par les Chambres, il

faudrait souligner le fait qu’elles ont permis une prise de conscience des lacunes du droit

sénégalais pour ce qui est de la poursuite et du jugement des auteurs de crimes internationaux.

Elles ont également permis à des magistrats sénégalais de se former dans ce domaine. On espère

que cela poussera le Sénégal à être moins réticent à l’avenir pour exercer sa compétence

universelle, ayant désormais les capacités pour le faire. En outre, il est fort probable que le

système sénégalais, amélioré par l’expérience des Chambres, soit vu comme un modèle par les

autres pays africains pour améliorer leur propre droit. Il se pourrait également que ces

magistrats sénégalais désormais spécialisés dans ce domaine soient amenés à participer à

l’établissement de nouveaux modèles de justice pénale internationale en Afrique.

Bien que la question de la nécessité de la reproduction d’un tel modèle se pose, il ne

faut pas oublier que les Chambres sont une réponse apportée à la demande de justice formulée

par les victimes des crimes internationaux commis au Tchad il y a plus de vingt ans. Le Sénégal,

bien qu’il ait longtemps tergiversé avant de le faire, a accepté de relever ce défi. Malgré toutes

les difficultés auxquelles il a fait face pour en arriver là, cette expérience sera bénéfique pour

son système judiciaire et l’image qu’il renvoie sur la scène internationale. Après avoir

longtemps été considéré comme le premier État à être devenu partie au Statut de Rome, le

Sénégal deviendrait ainsi le premier État africain à avoir exercé avec succès sa compétence

universelle.

Au-delà de la compétence universelle néanmoins, la question essentielle qui reste à

aborder est celle d’un modèle africain de justice pénale internationale. En matière de justice

pénale internationale, l’Afrique devra-t-elle s’accommoder des modèles existants que sont la

Cour pénale internationale et l’exercice de la compétence universelle, ou bien promouvoir ses

propres outils et institutions ?

Il convient d’évoquer ici la question de l’élargissement de la compétence de la Cour

africaine de justice et des droits de l’homme, afin d’en faire la première Cour régionale dotée

d’une section pénale lui conférant la capacité de poursuivre et juger les auteurs présumés de

crimes internationaux. Ce projet ambitieux aurait éventuellement pu satisfaire au principe de

complémentarité de la Cour pénale internationale, si les chefs d’État et de gouvernement de

l’Union africaine réunis pour leur 23e sommet ordinaire n’avaient pas décidé de garantir aux

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dirigeants et hauts responsables africains en exercice l’immunité pour toute implication dans

des crimes internationaux112.

Pour parer à ce retour en arrière dans la lutte contre l’impunité au niveau continental,

les États africains doivent prévoir dans leur législation interne la répression des crimes

internationaux et conférer à leurs tribunaux la compétence à l’égard de ces crimes, afin que

ceux-ci soient dotés de capacités satisfaisantes et qu’ils soient à même d’exercer la compétence

universelle. Mais les États africains doivent également reconnaître la pertinence de l’institution

de la Cour pénale internationale, en tant que menace crédible de dernier recours pour les États

n’ayant pas la volonté ou la capacité de poursuivre et juger les auteurs de crimes

internationaux113. L’Afrique pourrait dépasser ces modèles de justice pénale internationale, en

s’inspirant éventuellement de l’expérience des Chambres africaines extraordinaires, mais pas

en instaurant un système régional garantissant l’immunité aux dirigeants et hauts responsables

en exercice.

112 African leaders vote themselves immunity from new human rights court, 3 juillet 2014, en ligne: The Guardian

<http://www.theguardian.com/global-development/2014/jul/03/african-leaders-vote-immunity-human-rights-

court?CMP=twt_gu> (consulté le 14 juillet 2014). 113 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 Juillet 1998, 2187 RTNU 3, article 17.

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BIBLIOGRAPHIE

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pour la poursuite des crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982

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Statut des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour la

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extraordinaires, Les Chambres africaines extraordinaires, pourquoi au Sénégal et quels

apports éventuels pour le Sénégal et l’Afrique, Dakar, 15 avril 2014.

Interview de M. Hugo JOMBWE, Cabinet Primum Africa Consulting, Consortium de

sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires.