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CAMPUS DURABLES DE DEMAIN Ce qui va changer à l’horizon 2030 Tendances et perspectives d’évolution Avec le soutien de © ENSTIB NOVEMBRE 2013

L'étude Campus durables de demain

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  • CAMPUS DURABLES DE DEMAIN

    Ce qui va changer lhorizon 2030Tendances et perspectives dvolution

    Avec le soutien de

    ENSTIB

    novembre 2013

  • p.02

    Linitiative Campus Responsables

    notre vision : Lducation est un levier prioritaire pour russir la transition vers le dveloppement durable en changeant les modes de vie et de dcision - c'est a fortiori vrai pour l'enseignement suprieur qui forme les dcideurs de demain, dans les entreprises et les administrations. Et les tablissements denseignement doivent incarner, par leurs pratiques, le monde quils souhaitent contribuer crer.

    nos missions (depuis 2006) : Inciter les grandes coles et les universits franaises intgrer le dveloppement durable leurs enseignements et leur fonctionnement. Les accompagner dans cette dmarche en leur donnant des exemples inspirants, des pistes daction, des outils pratiques et des occasions d'change. Crer une saine mulation entre les campus - via des initiatives valorisant leurs engagements et leurs actions comme le Guide des Campus, les Trophes 2014, le site internet

    Les membres actuels de Campus responsables

  • p.03

    Un label pour amliorer les services de Restauration sur les Campus

    Une tude sur lEmpreinte conomique Locale des Campus

    Des outils pour favoriser le Bien-tre tudiant

    Le Guide annuel des Campus Responsables

    Linitiative Campus Responsables

    Les projets mens ou en cours

    Une initiative de En Partenariat avec Avec le soutien de

    Principaux enseignements du guide complet disponible sur www.campusresponsables.com

  • p.04

    Liste des personnes & organisations inteRviewes

    AGneS maxime : Charg de mission dveloppement durable lInstitut Polytechnique Lassalle Beauvais, France.AmArA Kader : Secrtaire gnral, responsable RSE, Ecole des Mines de Douai, France.bArbAT Guillaume : Charg de mission RSE et coordinateur pdagogique (chaire dveloppement durable et responsabilit sociale des organisations) chez Kedge Business School, Bordeaux. bAUDIn mathieu : Directeur et fondateur de lInstitut des Futurs souhaitables (IFs), historien et prospectiviste, enseignant lEcole dingnieur du Cnam, et ancien directeur pdagogique du CHEDD, Collge des hautes tudes de lenvironnement et du dveloppement durable. bernArDeAU Alain : Ex-directeur gnral de lInstitut suprieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage (Agrocampus Ouest).boUrG Dominique : Philosophe franais, professeur lUniversit de Lausanne, ses domaines de recherche : lthique du dveloppement durable, la construction sociale des risques, lconomie de fonctionnalit et la dmocratie participative. CArTeron Jean-Christophe : Directeur dlgu la RSE, Kedge Business School Marseille et membre du groupe Dveloppement durable la CGE.CAZI Caroline : Responsable diversit et RSE au sein du groupe Sup de Co Montpellier.CHAmberLAIn rhiannon : Responsable de ladministration et de la communication du rseau australien des campus durables : Australian Campuses Towards Sustainability (ACTS), Australie.CHArbonnIer olivier : Directeur gnral dInterface (conseils, tude et formation), co-auteur de Faut-il encore apprendre? Editions Dunod, 2010.Costes marie Alexandra : Service Innovation et Dveloppement durable, Caisse des dpts .LArSSon Christer : Architecte et directeur du centre municipal durbanisme et damnagement de Malm, Sude. DAGnAUD monique : Directrice de recherches au CNRS, sociologue et enseignante lEcole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Auteure de Gnration Y, les jeunes et les rseaux sociaux : de la drision la subversion, Paris : Presses de Science Po, 2011. DArTIGUePeYroU Carine : Prospectiviste, conseil en stratgie et management, membre du Think Tank numrique de lInstitut Mines Tlcom, membre du conseil scientifique et intervenante lInstitut des Futurs Souhaitables, prsidente du Club de Budapest. DevAUCHeLLe bruno : Charg de mission TICE lUniversit Catholique de Lyon, et professeur associ et chercheur lUniversit de Poitiers, auteur de louvrage Comment le numrique transforme les lieux de savoir. Editions Fyp, 2012. Socit de la connaissance. Broch.

    FAU Isabelle : Directrice et responsable Dveloppement durable de lInstitut suprieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage (Agrocampus Ouest).FeSSAnT Alain : Responsable formation, directeur des tudes et responsable dveloppement durable, Universit de Brest.FLorenon Yann : Expert en stratgie urbaine et en concertation publique (modlisation de scnarios urbains prospectifs).ForTIn Jacques : Directeur HEC Montral, Canada.FrUnD benot : Vice-recteur et directeur durabilit et campus lUniversit de Lausanne. GAUDIn Thierry : Ingnieur gnral des Mines, docteur en Sciences de linformation et de la communication, expertise en innovation et prospectiviste. Fondateur de Prospective 2100. GAUZIn-mLLer Dominique : Architecte et rdactrice en chef de la revue EcologiK. mULLer Thibaut : Etudiant lUniversit de Cambridge, groupe des physiques de haute nergie.GrAnDe Daniel : Chef de projet au Dpartement Innovation Recherche Universits et direction du dveloppement Territorial du Rseau, Caisse des dpts.HoPKInS rob : Initiateur du mouvement Des villes en transition , auteur de The power of just doing stuffs. HUA Laurent : Ex-directeur gnral de lcole dingnieurs ECE Paris, initiateur du programme pdagogique Valorisation des Projets Etudiants (valorisation des projets tudiants orients vers linnovation, en relation avec le monde de lentreprise)ISobe masahiko : Chef du projet Campus durable daujourdhui de lUniversit de Tokyo.JUUL Helle : Architecte, directrice gnrale du cabinet darchitecture JUUL I FROST, Malmo, Danemark. Auteur de ltude Campus and study Environment, physical framework for universities of the future (2009). LemoULT bernard : Professeur, Responsable RSE lEcole des Mines de Nantes et coordinateur de la recherche action sur la transition nergtique pour la Chaire dveloppement humain durable et territoires. LevIonnoIS Jean-Franois : consultant lInstitut dtudes et de sondages LH2, a ralis une tude pour les campus de Saclay et de Montpellier sur les campus davenir. LULe Jonathan : Charg de mission de dveloppement durable lUniversit Catholique de lOuest.CHAAb meriam : Architecte-urbaniste, chercheur au Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), a fait une thse sur campus et ville, et travaille sur les knowledge industries. .mATTHIeU nathanael : fondateur de LBMG Worklabs et de No-Nomade, spcialiste du co-working et des nouveaux lieux de travail.

    PArADISe Caroline : Architecte, chercheur et responsable de la recherche et du dveloppement chez IBI Nightingale, confrence permanente de pratiques du design pour les secteurs de lducation, de la sant et de la science, Pays de Galles, Grande Bretagne. PASCAUD Ivan : Ancien prsident et membre du conseil national pour la transition nergtique au REFEDD (Rseau Franais des Etudiants pour le Dveloppement Durable)PATTon Ian : Directeur dEAUC (The Environmental Association for Universities and Colleges) : le rseau anglais des campus durables, Grande-Bretagne.PeLeGrIn-GeneL elisabeth : Architecte chez DPLG, urbaniste et psychologue du travail Paris. Consultante sur les problmatiques despace, de travail et dorganisation. Auteur de Une autre ville sinon rien. Paris : Editions La Dcouverte, 2012 . PUYbArAUD marie : Directrice du centre de recherche Global WorkPlace Innovation chez Johnson Controls, entreprise spcialise dans les environnements de travail intelligents.reDSLUnD PoULSen Tomas : Directeur du projet Green Campus de luniversit de Copenhague, Danemark.roSebrooK Jaclyn : Responsable de Projets lEcole de Management de Grenoble, responsable de la coordination du projet GLOBAL COMPACT (Dveloppement Durable et RSE).roWLAnD Paul : Directeur gnral chez Paul Rowland Higher Education Consulting PRHEC, prsident de AASHE, rseau des campus durables aux Etats Unis. rUbIn Patrick : Architecte et directeur gnral de Canal Architecture, il a particip la rdaction de Le logement jeune nest-il quun produit ? : Enqute et convictions pour une requalification du logement partag. 2010.SCHmIeD Caroline : Responsable RSE et ouverture sociale chez France Business School.SennI Aziz : Fondateur de lAssociation Nationale des Jeunes Entrepreneurs, et co-fondateur de lEcole des Dcouvertes (formation de jeunes issus de milieu dfavoris aux mtiers de linformatique). Auteur du livre Lascenseur social est en panne, jai pris lescalier. Editions LArchipel, 2005. ServAn Thibault : Manager tudes conomiques, Dpartement stratgie chez AREVA. vALerIUS madely : Charge de Mission RSE lESCP Europe. vInCenT-LAnCrIn Stephan : Responsable du projet Lenseignement suprieur lhorizon 2030 : accs, qualit et mondialisation, Organisation de coopration et de dveloppement conomiques (OCDE).WeSTIn birgitta : Directrice environnemental lInstitut royal de technologie (cole dingnieurs) de Stockholm en Sude.

  • p.05

    Listes des rapports et ouvrages Consults

    BERGER, Vincent. Assises de lenseignement suprieur et de la recherche : rapport au Prsident de la Rpublique. 2012. Lien

    THE DANISH UNIVERSITY AND PROPERTY AGENCY UNDER THE AUSPICES OF THE DANISH MINISTRY OF SCIENCE, TECHNOLOGY AND INNOVATION. Campus and study environment : physical framework for universities of the future. Denmark. 2009.

    OCDE/France, Four Future Scenarios for Higher Education. 2010. Lien

    THE HIGHER EDUCATION ACADEMY. Universities and the green economy : graduates for the future ; Higher Education Academy Policy think tank report, 2012. Lien

    DEVAUCHELLE, Bruno. Comment le numrique transforme les lieux de savoir. Editions Fyp, 2012. Socit de la connaissance. Broch, 192 pages.

    CANAL ARCHITECTURE. Le logement jeune nest-il quun produit ? : Enqute et convictions pour une requalification du logement partag. 2010. Lien

    SERRES, Michel. Petite Poucette. Le Pommier. 2012.

    BARBER Michael, DONNELLY Katelyn, RIZVI Saad. Oceans of innovation : The Atlantic, the Pacific, global leadership and the future of education. 2012.

    BARBER Michael, DONNELLY Katelyn and RIZVI Saad. An avalanche is coming : higher education and the revolution ahead. Institute for Public Policy Research. 2013.

    CHARBONNIER Olivier et ENLART Sandra. Faut-il encore apprendre ? Paris : Editions Dunod, 2010. Tendances Psy. 208 pages.

    CAHIER DES TERRITOIRES N7. Villes et universits : le rayonnement universitaire de la ville, PREDAT Midi-Pyrnes, mai 2011. Lien

    GABIZON, Ccilia. Les facs franaises se lancent dans la bataille du numrique. Le Figaro Etudiant [en ligne]. Publi le 13 janvier 2013. Lien

    ORSU, Observatoire de la Responsabilit Socitale des Universits. Universits et Territoires : un tat des lieux des pratiques en termes de Responsabilit Socitale des Universits. 2013. Lien

    CAUDIT, JISC, SURF and EDUCAUSE. The Future of Higher Education : beyond the campus. Janvier 2010. Lien

    TADDEI, Franois. Former des constructeurs de savoirs collaboratifs et cratifs : un dfi majeur pour lducation du 21me sicle. Fvrier 2009. Lien

    TADDEI Franois, Centre for Research and Interdisciplinarity. Universities X.0 : integrating new educational and research tools to build networks of ideas, collaborative knowledge-builders, and learning spaces to transform the world into an evolving global campus open to all. Paris-Descartes University, 2010. Accs au document

    BORDIER Romain, KIRCHNER Alos et NUSSBAUMER Jonathan. Adapter la formation de nos ingnieurs la mondialisation. Institut Montaigne, fvrier 2011. Lien

    INTERDEPENDANCES, La revue des nouveaux enjeux de socit. Dossier : Quelle cole pour le XXIme sicle ? Avril-mai-juin 2012, n85. Lien

    LACOMBES E. et ZETLAOUI-LEGER J. Lamnagement des sites universitaires en France. Quelle qualit dusage, urbanistique et paysagre ? Recherche exploratoire pour le Plan Urbanisme Construction Architecture, 2012.

    OCDE, Organisation de coopration et de dveloppement conomique. Etude : Regards sur lducation. Septembre 2013. 109 pages. Lien

    OCDE, Organisation de coopration et de dveloppement cono-mique. Lenseignement suprieur lhorizon 2030 : accs, qualit et mondialisation. Paris, 2008. Lien

    OCDE Organisation de coopration et de dveloppement conomique, Center for effective Learning environments. Compendium of exemplary educational facilities. Third Edition. 2011. 117 pages. Lien

    OBLINGER, Diana. "From the Campus to the Future". Revue Educause, vol. 45, Janvier/fvrier 2010, p42-52. Lien

    CAISSE DES DEPTS. Mmento co-campus : objectifs, critres, bonnes pratiques pour la conduite de projets de campus durables. Confrence des prsidents duniversit, fvrier 2010. Lien

    THE ASPEN INSTITUTE CENTER FOR BUSINESS EDUCATION. The sustainable MBA : the 2011-2012 guide to business schools that are making a difference. 2009.

    THE HEINZ FAMILY FOUNDATION. Blueprint for a green campus : the campus earth summit initiatives for higher education. 1995.

    Revue URBANISME. "Universits : Innovation, recherche, territoires". Hors srie n 43. Dcembre 2012.

    BERNARD P., AUST J., BRUSTON A., [et al.]. Universits et territoires : nouveaux enjeux et questions de recherche. PUCA, fvrier 2012. Lien

    MESR, Ministre de lEnseignement Suprieur et de la Recherche. Guide nergie-carbone pour le patrimoine universitaire. 2011.

    RATCLIFFE J., SAURIN R., PUYBARAUD M. WorkPlace Futures : A prospective Through Scenarios. Johnson Controls, Facilities Innovation Programme, 2007. Lien

    RATCLIFFE J., SAURIN R., PUYBARAUD M. Towards Tomorrows Sustainable WorkPlace : Imagineering a Sustainable Workplace Future. Johnson Controls, Global WorkPlace Innovation, 2008. Lien

    JOHNSON CONTROLS. The Smart WorkPlace in 2030 [Summary]. 2009. Lien

    JOHNSON CONTROLS, Global WorkPlace Innovation. Digital Natives : Born to be connected. Lien

    JOHNSON CONTROLS, Global WorkPlace Innovation. Generation Y and the WorkPlace : Annual Report. 2010. Lien

    GALLAND Olivier, VERLEY Elise et VOURCH Ronan. Les Mondes Etudiants. Enqutes conditions de vie 2010. La Documentation Franaise, 2011. Lien

    ISCN, International Sustainable. Campus Network, The Power of Partnerships. 2012. Lien

    REGARDS SUR LE NUMERIQUE. Rubrique Tendances : Bienvenue lcole du futur ! Mars 2008. Lien

    USBEK & RICA. Dossier La Revanche des cancres. Bienvenue dans lcole du futur . Septembre 2012. N 7, 2012.

    MESR, Ministre de lEnseignement Suprieur et de la Recherche. Opration Campus : Bibliothques universitaires, guide pour un projet de construction. 2012 Lien

    DEN HEIJER Alexandra. Programme de recherche Managing the university campus. Lien

    ALASTAIR BLYTH. Designing the Interaction to Create Space for Learning. Juin 2013. Lien

    UNIVERSITY OF NEW HAMPSHIRE PRESS. The Sustainable Learning Community : One Universitys Journey to the Future. University Press of New England, 2009.

    WALDEN UNIVERSITY. 2012 Social Change, impact report. 2012. Lien

    EUROMED MANAGEMENT. Manager et Responsable : Le guide du manager nouvelle gnration. 2012 Lien

    ARUP Foresight. Campus of the future. February 2012. Lien

    CAMPUS PARIS SACLAY. Enqute sur les usages, transports, logements et service. Lien

    UNIVERSITE DE BORDEAUX, NOBATEK. Initiatives Campus Verts. 2010. Lien

    JUUL I FROST ARCHITECTS. Campus and study Environment, physical framework for universities of the future. 2009. Lien

    NOVATLANTIS, SIA, SUISSE ENERGIE. Vivre plus lgrement, vers un avenir nergtique durable : lexemple de la socit 2000 watts. 2010. Lien

    Sites internet :

    www.future-campus.org

    alastair-blyth.com

  • p.06

    intRoduCtion

    "Le changement historique survient comme une avalanche. Tout commence avec un flanc de montagne recouvert de neige, qui semble solide. Tous les changements se produisent sous la surface, de manire invisible. Mais quelque chose va se produire. Et il est juste impossible de savoir quand."

    norman Davies, historien, Financial Times, oct. 2012Cit dans An avalanche is coming Higher education and the revolution ahead de Michael Barber,Katelyn Donnelly & Saad Rizvi, mars 2013, IPPR

  • p.07

    intRoduCtionrsilience climatique, dveloppement durable, internationalisation, diversit, technologies du digital, conomie de la connaissance : ces tendances ont transform les entreprises durant les deux dernires dcennies. Elles vont dsormais transformer lenseignement, et notamment lenseignement suprieur, dans les vingt prochaines annes. Cest partir de ce postulat que nous avons voulu raliser cette tude sur les campus durables de demain, illustres par des bonnes pratiques dj existantes sur les campus pour identifier les tendances structurantes et facteurs dvolution que peuvent, ou doivent, anticiper ds aujourdhui les tablissements de lenseignement suprieur afin de ne pas les subir demain et si possible d'en faire des opportunits dinnovation et de diffrenciation.

    Le sujet est large mais passionnant puisquil touche dabord la mission ducative mme. Ce secteur, dont la mission est de former des jeunes, doit forcment se rinventer prsent quarrive une gnration de digital natives connects, depuis leur naissance et en permanence, aux technologies qui bouleversent le savoir et la faon dy accder. Aprs avoir rvolutionn le monde de la presse, de la musique ou de la vido, Internet et le digital sattaquent dsormais dautres domaines, comme la sant ou justement lducation. Le vingt-et-unime sicle est, rsolument, le sicle de la connaissance, qui demandera aux jeunes dtre en capacit dinnover, de se dpasser pour rsoudre des problmes indits, et pas juste de mmoriser les solutions de problmes dj rsolus. C'est la fin de lcole de limitation, et le dbut de lcole de linnovation! La demande en comptences et en talents se modifie : les entreprises recherchent de plus en plus de collaborateurs que Tom Friedman qualifie de crateurs cratifs bien forms, imaginatifs,

    collaboratifs, ayant confiance en eux, capables de faire preuve de responsabilit et de leadership. Car ils auront de plus en plus besoin de crer des emplois et pas uniquement de les remplir

    Linternationalisation est un autre facteur majeur de changement : elle renforce la diversit dans tous les pays et en particulier dans les grandes villes. Elle impacte aussi directement lenseignement suprieur en permettant un nombre croissant de jeunes de choisir o ils veulent faire leurs tudes, et d'arbitrer entre des tablissements et campus situs diffrents endroits du monde. Le secteur de lducation, qui tait fondamentalement national, devient international. Et dans un contexte conomique incertain, les coles et universits sont de plus en plus en concurrence : elles doivent se diffrencier en proposant une formation qui booste lemployabilit.

    Naturellement, ces lments se combinent et sont lis aux enjeux du dveloppement durable, qui transforment en profondeur le contenu-mme des enseignements (puisque la transition cologique concerne tous les mtiers, et pas juste les mtiers verts ), les btiments et la gestion des espaces (pour sadapter au changement climatique et minimiser limpact environnemental), mais aussi les faons de travailler (avec la monte des approches collaboratives)

    La mtaphore consistant voir ce changement comme une avalanche qui se prpare a un intrt : elle nous rappelle que, si la bonne stratgie est encore incertaine, elle ne saurait en aucun cas consister se tenir debout, sur le chemin, sans rien faire. Cest bien tout ce qui rend les annes venir rsolument passionnantes pour les acteurs de lenseignement suprieur.

  • III

    II

    I

    p.08

    sommaiRe Premire partie : les facteurs de changement1/ La gnration numrique & le nouvel ge de laccs aux contenus ....... p.12

    2/ Lexplosion du savoir et la ncessaire volution de lenseignement ....... p.13

    3/ Vers la transdisciplinarit ......................................................................... p.17

    4/ Lapprentissage tout au long de la vie et lexplosion du modle scolaire

    traditionnel ..................................................................................................... p.18

    5/ Laugmentation des cots de lenseignement suprieur oblige les tablissements trouver de nouvelles sources de financement ........... p.19

    6/ Laugmentation des frais de scolarit - en France aussi...

    entraine un endettement croissant des tudiants ........................................ p.22

    7/ La tension sur la valeur des diplmes sur le march de lemploi ........... p.25

    8/ Linternationalisation de lenseignement suprieur ................................ p.27

    9/ Lintensification de la concurrence ........................................................... p.28

    10/ Des infrastructures vieillissantes et inadaptes face aux enjeux de la transition nergtique ........................................................................... p.29

    11/ La dgradation des conditions de vie des tudiants .............................. p.32

    12/ Les campus lpreuve de la diversit ................................................... p.33

    1/ Rompre lisolement des campus et brasser les profils ........................... p.63

    2/ Ouvrir le campus sur le monde professionnel ......................................... p.66

    3/ Re-crer une vie sur le campus ................................................................ p.71

    4/ Ouvrir le campus sur la ville ..................................................................... p.78

    5/ Relever le dfi de la mutualisation et des nouveaux usages des campus .p.88

    6/ Renforcer la rsilience climatique des campus ....................................... p.92

    7/ Faire du campus un lieu intgrant les TIC et privilgiant le travail collaboratif..............................................................p.95

    8/ Dvelopper des outils pdagogiques numriques adapts lenseignement suprieur...........................................................................p.101

    9/ Assurer la formation ncessaire la transition cologique ...................p.105

    1/ Lessor des contenus en ligne ................................................................... p.37

    2/ Le rle de lenseignant volue................................................................... p.46

    3/ La valeur ajoute dun campus nest plus le contenu .............................. p.48

    4/ Le lieu physique des campus dhier nest pas adapt lenseignement de demain ....................................................................................................... p.50

    5/ La transversalit aussi appelle un lieu nouveau ...................................... p.51

    6/ La ncessaire ouverture sur la diversit, les NTIC, la vie professionnelle, le local .......................................................................................................... p.54

    7/ Vers un nouveau modle de financement ? .............................................. p.60

    Deuxime partie : les consquences pour les campus

    Troisime partie : les pistes pour le campus durable du futur

  • premire partie les facteurs de changementI

    p.09

  • premire partie les facteurs de changement

    I

    p.10

    1/ La gnration numrique & le nouvel ge de laccs aux contenus ............................................................................................p.122/ Lexplosion du savoir et la ncessaire volution de lenseignement ............................................................................................p.133/ Vers la transdisciplinarit ..............................................................................................................................................................p.174/ Lapprentissage tout au long de la vie et lexplosion du modle scolaire traditionnel ................................................................p.185/ Laugmentation des cots de lenseignement suprieuroblige les tablissements trouver de nouvelles sources de financement ......p.196/ Laugmentation des frais de scolarit - en France aussi...entraine un endettement croissant des tudiants ..........................p.227/ La tension sur la valeur des diplmes sur le march de lemploi ................................................................................................p.258/ Linternationalisation de lenseignement suprieur .....................................................................................................................p.279/ Lintensification de la concurrence ................................................................................................................................................p.28 10/ Des infrastructures vieillissantes et inadaptes face aux enjeux de la transition nergtique ...............................................p.2911/ La dgradation des conditions de vie des tudiants ................................................................................................................... p.32 12/ Les campus lpreuve de la diversit ........................................................................................................................................ p.33

  • p.11 PR

    ESSE

    ART

    les Campus en tensions et en mouvement !

    personnalisation des cursus

    moindre valeur sur le march

    innovation et diffrenciation

    indpendance des tablissements

    ancrage local/territorial

    Fin du savoir et de la transmission

    des contenus

    Comment mettre de la vie professionnelle

    dans lapprentissage ?

    standardisation (issue du digital)

    Hausse du cot des diplmes

    meilleures pratiquesmassification/partenariats

    internationalisation

    socit du savoir & conomie

    de la connaissancela vie professionnelle comme apprentissage

  • p.12

    Sans que nous nous en apercevions, un nouvel tre humain est n, pendant un intervalle bref, celui qui nous spare des annes 70 (). Ces enfants habitent donc le virtuel. Les sciences cognitives montrent que lusage de la Toile, la lecture ou lcriture au pouce des messages, la consultation de Wikipdia ou de Facebook nexcitent pas les mmes neurones ni les mmes zones corticales que lusage du livre, de lardoise ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations la fois. Ils ne connaissent, ni nintgrent, ni ne synthtisent comme nous, leurs ascendants.

    Michel SERRESExtrait de Petite Poucette(Le Pommier, 2012)

    1/ la gnration numrique et le nouvel ge dor de laccs aux contenus

    Les gnrations Y (fin 70ies- fin 90ies) et Z (fin 90ies - dbut 2000) sont nes avec la technologie, qui fait partie intgrante de leur vie : ces jeunes sont connects 24/7.

    Leur monde est un monde digital, quil sagisse dappren-dre, de partager des infos, de crer des rseaux ou daccder lenseignement.

    Les contenus sont accessibles immdiatement : any-time, anywhere, any device . Par tlphone cellulaire, ils accdent toutes personnes ; par GPS, tout lieu ; par la Toile, tout savoir.

    Ces jeunes sont aussi des digital naves pour qui les technologies sont plus des moyens de communication et de divertissement que de vritables outils de travail et dapprentissage . Il leur est dsormais ncessaire dacqurir un niveau suffisant de connaissances mais aussi de matrise de ces technologies.

  • p.13

    2/ lexplosion du savoir

    explosion du langage : depuis Richelieu, l'Acadmie franaise publie, peu prs tous les 20 ans, pour rfrence, le Dictionnaire de la langue franaise. Aux sicles prcdents, la diffrence entre deux publications s'tablissait autour de 4 5 000 mots, chiffre peu prs constant ; entre la prcdente et la prochaine, elle sera de 35 000 mots environ.

    evolution du statut de lcrit : de nouvelles formes dcriture (courriels, textos) remettent en cause le statut de lcrit et les rgles dcriture.

    explosion du savoir et croissance exponentielle de la quantit dinformation : selon Eric Schmidt, patron de Google, on produit tous les deux jours autant dinformation quentre les dbuts de la civilisation et 2003 .

    Quand Newton a dcouvert la gravit, il avait lu et tudi tout ce qui avait t crit avant lui sur la mcanique cleste ce qui serait inimaginable aujourdhui.

    Lide-mme de savoir est dsormais obsolte, puisque vous pouvez trouver linformation, quelle quelle soit, au moment prcis o vous aurez besoin de la connatre. Sugata Mitra, in The Future of learning (vido produite par Ericsson, 2013)

  • p.14

    et la ncessaire volution de lenseignement

    Historiquement, lenseignement volue avec le couple support-message :

    Jadis, le savoir avait pour support le corps enseignant du savant ou du griot, vritable bibliothque vivante.

    Puis le savoir sobjectiva : au moment de l'invention et de la propagation de l'criture, les Grecs inventrent la paidea ducation et apprirent crire ou dmontrer.

    Avec larrive de l'imprimerie, la Renaissance, l'ducation se transforma nouveau et les traits de pdagogie pullulrent.

    De mme, la pdagogie change totalement avec les nouvelles technologies et la Toile, support de messages et d'information.

    Laccs linformation et lenseignement taient historiquement la mme chose. Mais dsormais, il y a une grande diffrence entre lun et lautre. Seth Godin

    La technologie et linternationalisation ont transform lconomie depuis 20 ans : elles vont transformer lenseignement dans les 20 annes venir.

  • p.15

    la ncessaire volution de lenseignement (suite)

    La passivit historique des lves (soumis aux matres mais surtout au savoir, souverain et magistral Silence et prostration selon M. Serres) fait place une posture active issue de lordinateur ou du portable : Il n'y a plus que des conducteurs, que de la motricit ; plus de spectateurs, l'espace du thtre se remplit d'acteurs, mobiles ; plus de juges au prtoire, rien que des orateurs, actifs ; plus de prtres au sanctuaire, le temple se remplit de prcheurs ; plus de matres dans l'amphi, partout des professeurs. - Michel Serres

    Pour plusieurs experts (s. Godin, K. Robinson), cest linadquation du systme denseignement actuel aux nouvelles gnrations qui aboutit notamment au diagnostic erron dune soi-disant pidmie de troubles du dficit de lattention ou hyperactivit chez les enfants.

    Lide-mme de tests et examens standardiss o ltudiant espre ne pas avoir de surprise est remise en cause : comment ces tests pourraient-ils prparer les tudiants au monde rel, o chaque jour va les surprendre ? () Il faut apprendre aux jeunes rsoudre des problmes indits, pas mmoriser les solutions de problmes dj rsolus. Seth Godin in The future of learning (Ericsson)

    Hier, lenseignant, dans sa classe ou son amphi, dlivrait un savoir qui, en partie, gisait dj dans les livres. Il organisait de l'crit ( ). Sa chaire faisait entendre ce porte-voix. Pour cette mission orale, il demandait le silence. Il ne l'obtient plus ( ) Pourquoi Petite Poucette bavarde-t-elle, parmi le brouhaha de ses bavards camarades ? Parce que, ce savoir annonc, tout le monde l'a dj. En entier. A disposition. Sous la main. Accessible par Web, Wikipdia, portable, par n'importe quel portail. Expliqu, document, illustr, sans plus d'erreurs que dans les meilleures encyclopdies. Nul n'a plus besoin des porte-voix d'antan, sauf si l'un, original et rare, invente. Fin de l're du savoir.

    Michel SERRESExtrait de Petite Poucette(Le Pommier, 2012)

  • p.16

    Le systme ducatif actuel est structur dans lintrt de lindustrie, et son image : les coles sont encore organises en lignes de production () avec un cloisonnement des savoirs et une formation des lves sur des lignes de spcialisation, des tests standardiss, un regroupement des enfants ou des jeunes par lots de classes dge prsupposant que ce quils ont de plus important en commun est leur date de production Tout cela est trs standardis. Et je crois quil faut aller exactement dans la direction oppose.

    Le modle militaire puis industriel qui a prsid lorganisation de lducation telle que nous la connaissons avait pour but de produire des individus aux comptences standardises et interchangeables pour rpondre aux besoins de main duvre en soldats, puis en ouvriers dans les usines. Aujourdhui encore, nous produisons 20 30 enfants en mme temps, chaque classe est un lot semblable ce que lon trouve dans une usine. Si vous ratez votre anne, on vous refait passer dans la machine et on vous re-processe. Mais ce modle issu de lre industrielle nest plus pertinent dsormais que nous navons plus besoin douvriers dans les usines.

    Sir KEN ROBINSONChanging Education Paradigm - RSA Animates

    SETH GODINIn The future of learning , une vido ralise par Ericsson

  • p.17

    Cela n'existe nulle part autant quen France : il n'y a pas de tronc commun, les gens ne se connaissent pas, ils sont trop commerce ou trop "ingnieur", la synthse ne se fait plus comme elle se faisait dans le quartier latin ou les villes universitaires. Du coup, ces gens se dcouvrent dans l'entreprise, avec une vision caricaturale de l'autre et un mpris rciproque (on dit " c'est un produit d'ingnieur" ou "c'est un produit de marketing). On a tendance produire de la technologie sans savoir quoi elle va servir, et l'inverse l'ingnieur se sent dpossd de son invention quand il la partage avec quelquun qui a un profil plus "communication".

    MARC GIGET Institut Europen de Stratgies Cratives et dInnovation

    3/ vers la transdisciplinarit

    Cest la fin du cloisonnement des savoirs issu de lre industrielle, qui se retrouve dans lorganisation physique des campus : des classifications savantes distribuaient chaque discipline sa part, sa section, ses locaux, ses labos, sa tranche de bibliothque, ses crdits, ses porte-voix et leur corporatisme. (Michel Serres)

    En France, notamment, il y a une dichotomie historique entre les coles d'ingnieurs et les coles de commerce : lisolement gographique des campus renforce lesprit de chapelle, d'appartenance ou de "corps" qui va avec le bizutage, les mariages entre diplms d'une mme cole... et ne favorise pas louverture.

    Or les entreprises attendent dsormais des jeunes diplms quils soient transdisciplinaires, ouverts plusieurs courants de pense, innovants

  • p.18

    La formation tout au long de la vie devrait avoir comme consquence la plus importante une ouverture des campus toutes sortes de publics, souvent exclus par lorganisation scolaire traditionnelle. Un campus rserv aux tudiants en formation initiale, cela a-t-il encore du sens aujourdhui ? Un campus durable refltera la diversit des moments dapprentissage et des parcours professionnels.

    LAURENT HUA Ex-Directeur,ECE Paris

    4/ lapprentissage tout au long de la vie et lexplosion du modle scolaire traditionnel

    La salle de classe nest plus le seul lieu des apprentissages auxquels la technologie numrique donne une bien plus grande flexibilit gographique.

    Le besoin dapprentissage se fait sentir tout au long de la vie, et il est de plus en plus ncessaire de combler lcart entre la thorie et la pratique : lconomie et la technologie changent trop rapidement pour quun investissement initial dans une formation paye tout au long de la vie (). Si la vie professionnelle devient un apprentissage, alors lapprentissage doit aussi avoir un pied dans la vie professionnelle. La sparation entre la thorie et la pratique na plus lieu dtre, cest tout le sens de la socit du savoir et de lconomie de la connaissance. (Michael Barber in An avalanche is coming - IPPR)

    Lincertitude conomique fait que beaucoup dtudiants combinent dj travail et tudes, pour moins sendetter, augmenter leur employabilit et rduire le risque de ne pas trouver de travail (en France, 35% des jeunes tudiants prfrent travailler plutt que de sendetter (Laurent Hua Ex-directeur de ECE Paris)). Cest la fin du modle reposant sur une formation initiale de 3 ou 4 ans, qui serait ensuite rentabilise tout au long de la vie professionnelle.

  • p.19

    5/ laugmentation des cots de lenseignement suprieur

    Le cot de lenseignement suprieur augmente partout plus vite que linflation, du fait de diffrents facteurs :

    La massification de lenseignement suprieur : dans le cadre de la stratgie Europe 2020 . LUE sest fixe un objectif qu'au moins 40 % des jeunes gnrations soient diplms de lenseignement suprieur.

    Laugmentation du nombre de bacheliers et dinscrits en premire anne dtudes suprieures : la rentre 2011, l'enseignement suprieur en France tait compos de 2 359 200 tudiants, soit une augmentation de 1,7 % par rapport la rentre 2010.

    Le besoin d'quipements technologiques sophistiqus et dinvestissement dans la vie tudiante pour maintenir lattractivit du campus.

    Le cot de linternationalisation, qui est dsormais incontournable pour envoyer ses tudiants l'tranger et accueillir les tudiants trangers.

    entre 2005 et 2010, les dpenses intrieures dducation par tudiant ont progress de 15% dans lHexagone, contre 8% en moyenne dans les pays de loCDe.

    Avec 15 067 dollars par tudiant en 2010, la France, longtemps reste derrire ses voisins dans ce domaine, dpasse mme dsormais la moyenne OCDE des dpenses par tudiants, qui stablit 13 528 dollars.

  • p.20

    oblige les tablissements chercher du financement

    Le syndrme du bigger & better , dans un contexte de crise conomique, change la donne - les tablissements doivent trouver de nouvelles sources de financement :

    Fin 2011, 2 grandes coles et 5 universits franaises taient places sous la surveillance financire de leur recteur, suite deux annes successives de dficit.

    En dcembre 2009 : lancement du vaste programme d'investissements d'avenir (dans le cadre du Grand emprunt ), vot par le Parlement, qui reprsente 35 milliards deuros dont 22 milliards consacrs l'enseignement suprieur et la recherche, afin de leur donner les moyens datteindre le meilleur niveau mondial (rle clef dans la relance et la recherche de la croissance conomique).

    Des nouvelles pratiques de fundraising apparaissent via, notamment, des fondations universitaires ex. la Fondation HEC (dure : 2008 2013) levant 100 M auprs des individus et des entreprises, ou la Fondation Polytechnique (dure : de 2008 2012) levant 35 M auprs des anciens lves et autres particuliers.

    Depuis dix ans, des fonds dinvestissement trangers et des groupes privs spcialiss investissent dans les grandes coles et attendent une rentabilit allant de 8 20% sur 5 7 ans ex. Career Education Corporation (cot au Nasdaq, CA = 1,8 Md$ pour 116 000 tudiants dont le groupe INSEEC en France), Englefield Capital (fonds dinvestissement britannique ayant pour filire franaise Studialis, cre conjointement avec le groupe Paris Graduate School of Management) ou encore Laureate (groupe amricain spcialis dans lducation ayant pour filire franaise lESCE, ECE et IFG).

  • p.21

    LInstitut technologique suprieur de Monterrey (Instituto Tecnolgico y de Estudios Superiores de Monterrey, or ITESM), au Mexique, est un groupe priv cr en 1943 autour dune vision entrepreneuriale de lducation. Il a historiquement jou un rle clef dans le dveloppement de la mdecine et de l'ingnierie locales.

    LITESM est trs avanc dans le dveloppement de lensei-gnement distance, avec des outils trs sophistiqus initialement mis en place pour former ses enseignants. Cr en 1997, Monterrey Tech Virtual University voit aujourdhui ses cours suivis par 80 000 tudiants sur 1 270 sites au Mexique et 160 sites dans 10 autres pays sud-amricains.

    Les 31 campus physiques, trs bien quips, servent faire venir au Mexique les meilleurs tudiants.

    Forte pression la formation des enseignants : en 2008, 11% dentre eux taient aussi tudiants dans un programme de mastre ou de doctorat.

    Parmi les innovations, un systme original a t mis en place pour financer son dveloppement, puisque ltablissement ne reoit pas de financement public, via une dition spciale de la loterie nationale. Trois fois par an (Sorteo Tec), 450 000 tickets sont vendus chaque fois, et gnrent des revenus de 97M$ par an et des prix de 23M$.

    www.itesm.mx

    FoCusexemple dun groupe priv dducation au mexique

  • p.22

    6/ laugmentation des frais de scolarit - en France aussi

    A moyen terme, Fitch estime que les frais de scolarit devraient augmenter afin de se rapprocher du cot rel des formations suprieures et de maintenir la situation financire des tablissements (source : rapport Lenseignement suprieur, un secteur stratgie en voie de mutation , 2012).

    Selon dautres sources (Institut Montaigne), des frais de scolarit plus levs pourraient remplir une double fonction daiguillon de la concurrence entre les tablissements et de responsabilisation des tudiants dans leurs choix dorientation avec redistribution plus forte vers les tudiants dans le besoin.

  • p.23

    entrane un endettement croissant des tudiants

    La situation est moins marque que dans dautres pays : aux USA, 43% des tudiants de moins de 26 ans ont un prt tudiant en 2013, contre 25% en 2003. Le montant emprunt y a lui aussi doubl, passant de 10 000$ 20 000$ aujourdhui (parlons-patrimoine.com)

    Ce phnomne international tait jusqu prsent attnu en France puisque les tudes y sont gratuites ou presque (parmi les frais de scolarit les plus bas, trs en de du cot rel) : lendettement des tudiants y oscille entre 6,4% (Observatoire de la vie tudiante OVE, 2010) et 8% (Union nationale des tudiants de France UNEF).

    Selon une tude de la Commission europenne daot 2011, environ 70% des tudiants de lenseignement suprieur paient des frais de scolarit en France, les autres peroivent des bourses daide sociale en fonction des revenus.

  • p.24

    FoCusune start-up californienne propose en ligne et moiti-prix un enseignement de grande qualit lattention de llite des pays du sud

    minerva University a t cre en 2012 par le fondateur de Snapfish (un laboratoire de dveloppement photo en ligne, rachet par HP) San Francisco, avec une leve de fonds initiale de 25m$ apporte par benchmark Capital, investisseur de la premire heure d'ebay.

    Lobjectif de cette start-up de lenseignement suprieur : proposer en ligne un enseignement litiste de trs grande qualit, rivalisant avec les plus grandes universits amri-caines, moiti prix.

    La cible : les milliers dtudiants trs prometteurs dans les pays en dveloppement qui ne peuvent aller dans les campus les plus prestigieux pour des raisons de cots ou de visa.

    Lapproche : pas de confrence de masse mais des cours suivre en ligne, puis des discussions animes par les enseignants dans tous les cas avec moins de 20 tudiants par classe. Les lves seront encourags passer un semestre au moins sur chaque campus et rsidence tudiante Minerva - situs San Francisco et dans six autres pays.

    Pour en savoir plus : www.minervaproject.com

  • p.25

    7/ la tension sur la valeur des diplmes sur le march de lemploi

    Des inquitudes croissantes pour lemploi des jeunes et un nouveau dfi pour lenseignement suprieur : lemployabilit

    Actuellement les jeunes ont globalement un risque trois fois plus lev que leurs ans de se retrouver sans emploi

    En Grce, Espagne et Afrique du sud, plus de la moiti des jeunes sont sans emploi ; des taux de chmage des jeunes de 25% sont communs en Europe, au Moyen-Orient, et en Afrique du Nord.

    En France, la situation de l'emploi pour les jeunes dipl-ms se dgrade : en 2013, six mois aprs l'obtention de leur diplme, 61% d'entre eux sont sans emploi (57% en 2012) et 22% de ceux qui ont un emploi sont en CDI.

  • p.26

    la multiplication des diplmes naide pas

    en France, une offre de formations juge trop "foisonnante" et "illisible" ne facilite pas la comprhension et la valorisation des diplmes sur le march :

    Diplme national de master dlivr par les universits (296 000 tudiants, 60 % du total) : avant la loi Fioraso, on comptait 7 700 masters dont 1 841 en mentions et 5 806 en spcialits, avec le plus souvent des intituls difficilement lisibles, ne facilitant pas le reprage, posant des problmes de dbouchs et risquant denfermer les jeunes dans des niches trop troites.

    Carence de lEtat rgulateur : avec larrive du systme LMD en 2002 (Licence Master Doctorat) visant lharmonisation europenne, les diplmes de master parfois lis aux recherches de tel ou tel enseignant, tel endroit, dans telle universit se sont multiplis, sans matrise du processus.

    rsultat : aujourd'hui, l'offre de formations est antidmocratique, car ceux qui n'ont pas le dcodeur, proximit ou dans leur rseau social, sont toujours les jeunes issus de milieux modestes.

    Cest tout lintrt de la loi Fioraso du 22 juillet 2013, dont lobjectif est de facilit la comprhension des diplmes en divisant par dix le nombre de mentions et en faisant disparatre 5 800 spcialits.

  • p.27

    8/ linternationalisation de lenseignement suprieur

    Le nombre dtudiants dans le monde va doubler dici 2025

    Le nombre d'tudiants en mobilit internationale a t multipli par 4 depuis 30 ans, passant d'un million en 1980 plus de 4,2 millions en 2010 (OCDE, 2012).

    Laugmentation du nombre dtudiants interviendra surtout dans les pays en dveloppement, dont la moiti de la hausse en Chine : les tudiants chinois suivant leurs tudes hors de Chine, reprsentent 14% de la population tudiante mondiale vivant hors de leur pays d'origine.

    Certains campus se dveloppent l'tranger

    Cest le cas, par exemple, de Yale Singapour avec la National University of Singapore et du campus de NYU Abu Dhabi (15 000 candidats pour 150 places en 2016).

    La France reste la 3e destination prfre des tudiants et chercheurs trangers au niveau mondial (en 2010)

    12% de la population tudiante dans l'enseignement suprieur franais est trangre (288 540 tudiants en 2011-2012, dont 212 624 l'universit, contre 161 148 en 1990, en hausse de +75%). Ce chiffre monte 15,2 % dans les universits franaises et 41,3% au niveau doctorat.

  • p.28

    9/ lintensification de la concurrence

    outre linternationalisation, une concurrence nou-velle est lie la mise en ligne, par les universits trangres, des cours les plus prestigieux : lenjeu est de conserver/renforcer lattractivit de la France et dviter la fuite des cerveaux.

    Lducation comme source de profit lexport

    Les pays anglophones ont longtemps domin le march international de lducation mais la situation est en train de changer : Singapour, la Malaisie, la Thalande et des pays du Proche-Orient sont en train de dvelopper une industrie exportatrice. Singapour prvoit dattirer 150 000 tudiants trangers dici 2015, la Malaisie 100 000 et la Jordanie 100 000 dici 2020.

    La France la trane des classements mondiaux

    4 tablissements franais seulement (Paris 6, Paris Sud, ENS et Strasbourg) figurent dans les 100 premiers du clas-sement Shanghai Ranking 2013 (portant sur la recherche).

    4 tablissements franais seulement sont dans le clas-sement Times Higher Education World University Rankings 2012-2013 (Thomson Reuters).

    Lavenir est compltement incertain. Les ex-pays industriels voient leur croissance se tasser et le monde se rquilibre. Dans ces pays, dont lEurope, les campus vont devenir plus pauvres et la mobilit tudiante va changer : on imaginera trs vraisemblablement des mobilits au long cours, plus clates. Rien voir avec le fait de passer un week-end Barcelone.

    DOMINIQUE BOURG Philosophe,Professeur lUNIL (Universit Lausanne)

  • p.29

    10/ des infrastructures vieillissantes et inadaptes face aux enjeux de la transition nergtique

    En France, le secteur du btiment est le plus gros consommateur dnergie - soit 42% de lnergie finale totale - et gnre 23% des missions de gaz effet de serre. Le patrimoine immobilier des tablissements denseignement suprieur, datant majoritairement des annes 60 et 70, et reprsentant plus de 18 millions de m2 de bti, constitue une cible prioritaire en matire de rduction nergtique. Ce patrimoine immobilier arrivera en fin de cycle de vie horizon 2020-30, si rien n'est entrepris... Quel est limpact environnemental des campus franais ?La cartographie energie Co2 du parc universitaire fran-ais, mene en 2010 par la Caisse des Dpts et la CPU* sur 13 millions de m2 de btiments universitaires (grandes coles, universits et CroUS) montre que :

    Le parc universitaire est positionn en catgorie D sur lti-quette nergtique des btiments tertiaires (avec 300 kwh.ep.m/an et 31 gr de CO2 /m

    2/an). 58% du patrimoine immobilier universitaire est positionn entre la catgorie D et G.

    Le ratio nergie CO2 est plus lev dans les btiments destins aux laboratoires, services de restauration et hbergement.

    Les estimations montrent que 20 50% dconomies sur la facture nergtique pourraient tre ralises sur les campus en mettant en oeuvre des actions damlioration de la performance nergtique des btiments et de changement des usages.

    Laugmentation du cot de lnergie dici 2020, (estime entre 8 et 10%) multiplierait par 2 voire par 4 la facture nergtique des campus de France. Il sagit donc dune vraie bombe retardement. Les campus vont devoir faire face une augmentation croissante de leurs cots dexploitation (dj engage avec un doublement de ces cots ces 10 dernires annes) alors que sopre en parallle depuis plusieurs annes une baisse des budgets de maintenance.

    * Confrence des Prsidents duniversit

  • p.30

    un bilan carbone important, li aux difficults daccs, linternationalisation et la vtust des btiments

    Les bilans carbone, dsormais obligatoires pour les universits et grandes coles, montrent quen moyenne :

    La principale source dmission de CO2 est lie aux dplacements des personnes (entre 30% et 70% des missions selon les sites) avec un fort impact des dplacements linternational des tudiants et des chercheurs, mais aussi des dplacements domicile-campus surtout sur les sites hors centre-ville et mal desservis.

    La 2ime source dmissions est lie aux consommations nergtiques (chauffage, climatisation, quipements).

    Un parc insuffisamment entretenu

    En 2008, de nombreux btiments taient dgrads et insuffisamment entretenus. Un tiers des locaux apparat au mieux comme vtuste, 15 % taient mme considrs comme inadapts lenseignement et la recherche (Source : classification de ltat du bti de la Direction gnrale de lenseignement suprieur).

  • p.31

    les rnovations du bti sont ncessaires, et facilites par les plans campus, lopration Campus davenir Des campus dconnects des villes Les campus ont t construits dans les annes 60 et 70 souvent en priphrie des villes, voire dans des zones non urbanises, sans commerces, ni quipements culturels. Les campus ne permettent pas toujours un hbergement sur place. Les tudiants peuvent avoir besoin dun vhicule personnel pour aller en ville ou pour se dplacer entre plusieurs sites d'un mme tablissement. Souvent monofonctionnels, les campus nutilisent pas compltement leurs quipements et ne les partagent pas assez avec les autres acteurs et les collectivits. Par exemple :des btiments ou quipements entiers sont vides le week-end et pendant les vacances scolaires.

    Processus dautonomisation des universits en France Lautonomisation des universits dans la loi LRU de 2007, prvoyait que les 83 universits franaises soient autonomes en 2012 dans les domaines budgtaire et de gestion des ressources humaines. Le but tait de les inciter laborer une planification sur le long terme, et rduire leurs cots de fonctionnement et leur facture nergtique. Celles qui le souhaitaient, pouvaient aller plus loin en demandant la dvolution de leur patrimoine immobilier. A date, seules 3 universits l'ont obtenu en 2011 : Toulouse 1, Poitiers et Clermont 1. Les autres demandes sont suspendues.

    nouvelles rglementations et objectifs atteindre La loi Grenelle 1 (2009) impose, notamment, de rnover pour rduire dau moins 38 % les consommations dnergie et de 50 % les missions de gaz effet de serre (GES) dici 2020. La RT2012 impose de nouvelles performances nergtiques aux btiments universitaires : 80kWh/m2/an (nergie primaire) sur des btiments rnovs et 50kWh/m2/an sur les btiments neuf. La Rglementation Thermique 2020 (RT 2020) qui porte sur lefficacit nergtique des btiments publics existants exigera de rnover 3%/an des btiments existants. Linspection gnrale de ladministration de lducation nationale et de la recherche (IGAENR) estime quune rduction de 10 20% des surfaces universitaires serait possible (sauf cas particulier de lIle de France qui manque de surfaces).

  • p.32

    Les tudiants font face des difficults conomiques qui impactent leurs conditions de vie. Quelles rpercutions cela a-t-il sur les campus ?

    Augmentation du stress Lge moyen dapparition des premiers signes de dpression tait de 29 ans dans les annes 60 et est aujourdhui de 14 ans. Le stress, en dehors des effets sur la sant, a aussi des effets sur la crativit, la concentration, la mmoire. Le systme ducatif franais est accus daccrotre le stress, notamment du fait du systme de notation, de la mritocratie, de llitisme la franaise.

    Sant et conditions de vie des tudiants - enqute nationale ralise en 2012 par la LmDe. Plus de la moiti des tudiants vivent avec moins de 400 euros par mois (provenant de salaires, aides sociales et familiales) soit sous le seuil de pauvret (954 /mois). 28% des tudiants dclarent exercer une activit rmunre en parallle des tudes. 82% des tudiants sestiment en bonne sant mais 34% des tudiants dclarent avoir renonc consulter un mdecin au cours de lanne (manque de temps ou de moyens, automdication) dont 20 % des tudiants pour des raisons financires (contre 13 % en 2005). Les tudiants salimentent mal : selon l'enqute de l'Union nationale des mutuelles tudiantes rgionales (USEM), 44 % des tudiants sautent le petit-djeuner en semaine et 14 % dentre eux dclarent ne pas manger de fruit ou de lgume. Lalcoolisme des tudiants progresse avec des effets sur la sant et la scurit des jeunes (soire dintgration, ftes, week-end, binge drinking) mais aussi sur la russite scolaire.

    emploi et russite scolaire 73% des tudiants occupent un emploi pendant lanne ou lt (enqute OVE, 2010) et 15% des tudiants occupent un emploi jug concurrent aux tudes (cest--dire autre quun stage, internat hospitalier). Au dessus de 15-20h de travail par semaine, les tudiants mettent en pril leurs chances de russite mme si cela dpend videmment de la nature des tudes, du niveau dtudes et des profils tudiants.

    11/ la dgradation des conditions de vie des tudiants

  • p.33

    La mixit sociale reste un dfi pour lenseignement suprieur, et pour lenseignement en France plus gnralement

    La France reste un des pays o les destins scolaires sont le plus fortement corrls aux origines sociales et au statut culturel des familles. Alors qu lentre en 6me, 45% des lves sont des enfants douvriers ou demploys, ils ne sont plus que 36% parmi les bacheliers, 20% parmi les bacheliers gnraux avec mention et seulement 13 % entrer en classe prparatoire aux grandes coles (CPGE). Dans le mme temps, les enfants de cadres, des professions librales et denseignants qui ne reprsentent que 19% des effectifs lentre en 6me, reprsentent 26% des bacheliers, 46% des bacheliers gnraux avec mention et 54% des entres en classe prparatoire aux grandes coles (CPGE). On a approximativement la mme distribution au niveau Master, que le diplme soit prpar luniversit ou dans une grande cole.

    Une autre particularit rside dans les ingalits inhrentes au systme ducatif franais. La France est, au sein de lOCDE, le pays o lcart de rsultats entre les lves de statuts favoris et dfavoris est le plus important de lordre du double de celui du Japon, du Canada, ou de la Finlande.

    Certes, le taux daccs lenseignement suprieur a considrablement progress entre les annes 1970, o un enfant douvrier avait 28 fois moins de chances daccder lenseignement suprieur quun enfant de cadre suprieur, et aujourdhui, o il a 7 fois moins de chance quun enfant de cadre suprieur daccder lenseignement suprieur. Mais la probabilit, pour un enfant de cadre suprieur ou denseignant dentrer dans une grande cole reste de 20 points suprieure celle dun enfant douvrier, et de 15 points suprieure celle dun jeune issu de milieu intermdiaire.

    Les campus doivent mieux reflter la diversit sociale, faute de quoi ils seront tt ou tard fortement contests et en dcalage avec le march du travail : llitisme, voire lexclusion sociale ou encore le sexisme ne produisent pas, loin sen faut, la palette des comptences ncessaires.

    Sources : rapports de la Cour des Comptes ( Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves , 2010) et de Salima Saa, Prsidente de lAcs, ( Une chance de russite pour tous louverture sociale dans lenseignement suprieur , 2012)

    12/ les campus lpreuve de la diversit

  • p.34

    la mixit sociale : un enjeu majeur qui commence trs en amont, ds la maternelle et le primaire

    Les quotas de boursiers sont une excellente ide. 80% des lves de Normale suprieure ou de Polytechnique sont des enfants de cadres suprieurs ou de professions librales, des fils d'enseignants, et sont issus de grandes villes. Cela ne peut pas durer. Les lites franaises sont monochromes, ce n'est pas ainsi que l'on va sortir de la crise, sauver le pays, se renouveler. Il est impratif de se diversifier, comme la fait Richard Descoings Sciences Po : cela na rien chang la valeur de lcole, les candidats affluent et les diplms sont toujours aussi convoits par les employeurs ( ).La France va continuer de dcliner et perdre totalement son rang avec des lites aussi peu ractives aux transformations du monde et tellement attaches l'entre-soi ( ). En ralit, la question de la dmocratisation de l'enseignement se pose bien avant le recrutement dans ces tablissements : en primaire et en maternelle. Mme si on triple les effectifs des grandes coles, on ne rsoudra pas le problme. Ce sont des actions porte limite, qui arrivent trop tard dans les parcours scolaires. Or, il faut renforcer les aides aux lves issus des milieux populaires ds leur plus jeune ge, comme font tous les autres pays : la Finlande, l'Allemagne... Nous sommes les seuls la trane. Pour cela, il faut prodiguer de vritables aides de soutien et non des mesures cosmtiques. Il s'agit aussi de lutter contre le redoublement - 15 ans, 40 % des enfants ont dj redoubl, triste record mondial. La France est dote d'un systme qui limine ds la maternelle et favorise trs tt les enfants bien ns.(Extraits dune interview LExpress, le 5 janvier 2010)

    Christian BAUDELOTsociologue, co-auteur de LElitisme rpublicain (Seuil)

  • Deuxime partie Les consquences pour les campus

    p.35

    II

  • Deuxime partie Les consquences pour les campus

    p.36

    1/ Lessor des contenus en ligne ........................................................................................................................................................p.372/ Le rle de lenseignant volue........................................................................................................................................................p.463/ La valeur ajoute dun campus nest plus le contenu ...................................................................................................................p.484/ Le lieu physique des campus dhier nest pas adapt lenseignement de demain ............................................................p.505/ La transversalit aussi appelle un lieu nouveau ...........................................................................................................................p.516/ La ncessaire ouverture sur la diversit, les NTIC, la vie professionnelle, le local ..................................................................p.547/ Vers un nouveau modle de financement ? ...................................................................................................................................p.60

    II

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    1/ Lessor des contenus en ligne

    Ds le dbut des annes 2000, sont apparus les premiers supports virtuels de cours avec la captation vido, et les ressources en ligne (prises de notes des tudiants, supports de cours, examens). Cest le cas avec Premier Canal-U en France (2001), et au MIT (USA) avec Open Course Ware (2001).

    Le mouvement sintensifie avec lapparition des MOOC (Massive Online Open Course) en 2012. Ces cours en ligne, ouverts tous, gratuits, sanctionns (ou pas) par un examen, sont proposs par les plus grandes universits, ou par des start-ups spcialises, visant dmocratiser lenseignement suprieur de qualit :

    Udacity (2012) : premier MOOC cr par un ancien universitaire de Stanford, Sbastian Thrun, aprs quil ait mis en ligne son cours sur lintelligence artificielle qui, depuis son lancement, a t suivi par 160 000 tudiants, de 190 pays. Aujourdhui, Udacity propose une vingtaine de matires, en majorit scientifiques, gratuites, dans 40 langues. Fin 2012, 750 000 tudiants taient inscrits.

    EdX (2012) : fond par le MITx et Harvard sous forme dassociation but non lucratif (afin de ne pas laisser le monople aux structures prives), il mobilise de nombreuses universits qui partagent leurs contenus en crant des cours spcifiques. La plateforme est utilise par 1 million dtudiants et un partenariat a t annonc en octobre 2013 avec 8 des 10 plus grandes universits chinoises.

    Et de nombreux autres MOOC ex. en Espagne, celui de Universidad Oberta de Catalunya ou, en Inde, le National Program on Technology Enhanced Learning.

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    Cre en 2012 par des professeurs de Stanford sous la forme dune start-up vocation sociale et avec une leve de fonds initiale de 16M$, Coursera est un MOOC qui propose aux plus grandes universits de mettre leurs meilleurs cours en ligne, gratuitement.

    Plus de 100 universits partenaires (dont Stanford, Princeton, les Universits dEdimbourg, de Londres ou de Jrusalem, lEcole Polytechnique Fdrale de Lausanne) y proposent plus de 500 cours, dans toutes les matires.

    Plus de 5 millions dtudiants dans 196 pays suivent ces cours - les cours les moins frquents ont 10 000 lves inscrits et une frquentation moyenne correspond 50 - 60 000 lves.

    Focuscoursera

  • p.39

    La rvolution de lducation distance et pour tous a commenc avant les NTIC, avec la radio ou tlvision par exemple : il existe 800 chanes ducatives dans le monde, rien quen Inde il y en a 74 En France, on en avait trois qui ont t arrtes en 1983 : sans commentaire ! Pourtant, la qualit des cours sur ces chanes est trs bonne, on y trouve en prime time des programme ducatifs trs attractifs faits comme des documentaires, lUniversit de Toronto investit jusqu' 1 million de dollars pour produire 2h de cours !Cette rvolution est emmene par les Finlandais, les Sudois, et les Danois (dont les tudiants suivent leurs cours dans le monde entier et utilisent les campus comme des bases de vie o ils se rencontrent), mais la France ny participe pas vraiment y compris en Franais, qui est pourtant la septime langue dans le monde. Cest aussi trs efficace pour la formation continue : en Inde, 6 millions de mdecins ont un cours en ligne obligatoire tous les vendredi sur les pandmies en cours En France, cela nexiste tout simplement pas ! Ici, on est plutt numerus clausus, pour empcher les gens de suivre des formations, et notre systme d'ducation est le plus rigide : il est ancien, payant et cher. Dans les grandes coles, on pense encore que le gratuit est un dangereux prcdent, et que la TV c'est pour les PVD ! Ailleurs, ces questions ne se posent pas, il y a tant de gens former : en Inde ou en Chine, le nombre d'lves a deux zros de plus, et l'Inde diffuse tous ses programmes sur toute l'Afrique. Dans les pays mergents, on touche 20 fois plus de monde avec un cours radio plutt que vido.

    La rvolution de laccs une ducation suprieure de qualit pour tous

    Marc GIGET Institut Europen de Stratgies Cratives et dInnovation

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    Les cours en ligne ont certes un impact mais il faut quand mme se mfier du ct hier, ctait comme a et demain, ce sera radicalement diffrent . Le savoir est dynamique, il n'est pas rductible des botes de conserve : le propre d'une facult est aussi d'avoir des gens qui produisent du savoir, donc on ne peut pas abandonner tout fait la transmission du savoir, mme sil faut aussi introduire du coaching des tudiants, en petit groupe, avec plus de petites salles conviviales Il ne suffit pas d'accder au savoir pour s'y reprer, il faut quand mme 15 ou 20 ans de pratique pour avoir les repres qui se transmettent. Il faut sans doute aussi repenser l'ide de premier cycle, de doctorat, etc. Lobjectif tant de mieux identifier ce que lenseignant peut apporter chaque phase, et aussi les choses qui devraient tre acquises plus personnellement : il faudrait peut-tre qu'au dbut, il y ait plus de cours en ligne et progressivement, pour des apprentissages plus complexes, on pourra faire du coaching plus personnalis et de l'interaction, plus tard dans le cursus Accessoirement, cela pose aussi la question du modle conomique car les universits ne pourront pas forcment se payer un professeur pour 7 tudiants Evidemment, cela obligera aussi redfinir les paliers dans l'accs l'enseignement, et travailler sur lvaluation et la slection permettant de passer d'un palier un autre. Aujourd'hui, on reste encore sur une formule classique (cours, examens...) mais dans une priode en transition, les deux systmes vont devoir fonctionner en parallle.

    Les campus face au dfi de la transition numrique

    DOMINIQUE BOURG Philosophe,Professeur lUNIL (Universit Lausanne)

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    La France est en retard sur les dmarches ducatives numriquesDans le domaine du numrique appliqu lducation, la France tait, il y a peu, classe la 24e place (sur 27) des pays de lOCDE. Or, les tudiants et les enseignants manifestent un intrt croissant pour les approches ducatives numriques rendues possibles, entrautres par les MOOC.

    Des initiatives existent depuis quelques annes mais sont loin de rpondre aux nouveaux besoins et usages des tudiants

    Dans un grand nombre de campus, des outils en ligne sont mis disposition dans le but dapprofondir les cours, de faire des exercices pratiques, doffrir laccs des forums dchanges avec les enseignants, de mettre disposition des quipements de visio-confrence pour suivre les cours distance. Cest notamment le cas lInstitut Suprieur dIngnierie et de Gestion de lEnvironnement, l'Universit Claude Bernard Lyon, lUniversit Toulouse Le Mirail, et dans beaucoup dautres coles et universits.

    Depuis 2012, quelques coles dveloppent leurs propres MOOC diplmants, comme par exemple : Ecole Centrale de Lille : formation diplmante en Gestion de projet (janvier 2013, 3 500 inscrits au dmarrage, 50% de russite contre 10% aux EU). Institut MinesTlcom : propose depuis 2012 le cours Introduction aux rseaux cellulaires 3G/4G , ouvert tous sans connaissances pralable requise. En 2013, 4 MOOCs sont proposs par lcole. Ecole Polytechnique : 3 nouveaux MOOC la rentre 2013Mais aussi : Universit de Lorraine, INSA Toulouse

    Selon un sondage Opinion Way doctobre 2013, seulement 5% des tudiants et 18% des enseignants savent ce quest un MOOC. Mais aprs explication, 94% des tudiants et 77% des enseignants disent quils utiliseraient les MOOC sils en avaient la possibilit.

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    un nouvel agenda numrique pour lenseignement suprieur

    En octobre 2013, Genevive Fioraso a annonc le lancement dun plan dactions pour acclrer la rvolution numrique dans le suprieur, avec trois mesures prioritaires :

    La mise en place dun agenda numrique sur 5 ans et 18 actions, avec lobjectif quen 2017, 100% des tudiants disposent de cours numriques de qualit, chaque tape de leur parcours, et pour tous les parcours.

    Louverture de la premire plateforme franaise de cours en ligne ou MOOCs (www.france-universite-numerique-mooc.fr) mise disposition des tablissements de lenseignement suprieur franais et de leurs partenaires acadmiques dans le monde entier. Lobjectif est de fdrer les projets des universits et coles franaises pour leur donner une visibilit internationale, et permettre tous les publics, o quils soient dans le monde, daccder des cours varis et de qualit avec 25 premiers MOOCs ds 2014, en histoire, biologie, management ou encore droit, dveloppement durable, sant, numrique... Pour accompagner cette dynamique, 12 M du programme des investissements davenir seront mobilisables sous forme dappels projets successifs pour soutenir le dveloppement des MOOCs y compris pour la formation continue.

    La cration dune fondation pour coordonner le volet formation de lagenda, mais aussi labelliser et rendre visible les formations numriques, former les enseignants et valoriser leurs initiatives, faciliter la dmocratisation dInternet (lutter contre la fracture numrique), veiller ce que le numrique soit bien intgr dans la construction et la rnovation des btiments

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    Fond en octobre 2012 par des enseignants de Centrale Nantes et Tlcom Bretagne, ITyPA se prsente comme le premier MOOC ou CELMO (cours en ligne massivement ouvert) francophone. Il est ax sur la question : " comment apprendre en ligne ? " et vise construire chez les apprenants, via les ressources et outils en ligne, un environnement dapprentissage personnel.

    Concrtement, ITyPA est un cours en ligne, communautaire, gratuit et ouvert tous, dans lequel les participants sont les principaux contributeurs (et aussi leurs propres valuateurs, travers un systme de certificats et de badges numriques), tout en tant encadrs par un groupe danimateurs, crateurs des diffrents contenus du cours. Pariant sur lapprentissage en rseau, ce MOOC favorise linteraction entre les participants. Du contenu est cr par les participants la formation, et publi, des discussions sensuivent et une communaut se tisse autour du thme de la formation, chacun contribuant laugmentation du savoir partag.

    De manire intressante, ITyPA a commenc avec un cours posant la question de la place de lenseignement suprieur dans la socit du XXIme sicle. ITyPA fait partie du cursus propos aux tudiants de Centrale Nantes et Tlcom Bretagne, qui rejoignent ainsi le millier dinternautes de France, Belgique, Suisse, Pays-Bas, Afrique, Martinique, Madagascar, Canada et Etats-Unis inscrits ce cours.

    Pour en savoir plus : http://itypa.mooc.fr/

    FocusITyPA - Internet, Tout Y Est Pour Apprendre (2012)

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    Qui est ltudiant digital et quelles sont ses attentes ?

    Qui est le digital native ?

    INTER-CONNECT ENSEMBLE

    COLLABORATIF DE MANIRE INTERACTIVE

    MOBILE O ET QUAND IL LE VEUT

    CRATIFDE MANIRE

    LUDIQUE

    MULTI-TACHE ON-LINE

    Comment souhaite-t-il apprendre ?

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    2/ Le rle de lenseignant volue

    La technologie ne remplacera pas l'enseignant mais amne un enseignement diffrent car les tudiants nauront plus besoin dtre sur place pour une bonne partie des cours.

    Ils suivront les cours en ligne et viendront sur le campus pour travailler dans les labos

    Le campus devient un espace o lon rencontre d'autres individus pour les travaux de groupe, les sminaires

    Les technologies numriques seront mobilises pour trois usages principaux, selon Philippe Mrieu, Professeur lUniversit de Lyon 2 : la recherche documentaire, loutil dentranement et le travail collaboratif.

    Lenseignement prsentiel se transforme en squences de recherche et dchanges collectifs, aides par un enseignant qui facilite le processus de questionnement, la capacit distinguer un contenu pertinent, avoir un regard critique vis--vis de linformation. Un rapprochement entre lenseignant et ses tudiants sopre.

    Pour linstant, ces mutations se mettent en place aprs la licence en M1 et M2 dans certaines universits en France, mais les cours de licence conservent leur structure traditionnelle de cours magistraux, peu interactifs.

    Comment faire concider cette volution avec le modle universitaire de lenseignant-chercheur ?

    Lvolution du mtier denseignant-chercheur tend donner naissance deux profils distincts : celui du chercheur, et celui du facilitateur - coach (particulirement important dans le cadre dune pdagogie par projets). Un peu comme un directeur de thse - dont les comptences sont assez proches de celles du matre dapprentissage dans les formations en alternance mais dans des contextes trs diffrents - ces deux fonctions constituent une sorte de mta-modle dans lequel activit propre (recherche ou responsabilit oprationnelle) et formation dautrui ne sont pas dissocies.

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    Le fait-mme de savoir quelque chose est une ide dpasse, puisque dsormais vous pouvez trouver linformation quand vous en avez besoin. Dans ce contexte, le travail de lenseignant est dorienter les jeunes esprits de ses lves vers les bonnes questions. Lenseignant na pas besoin de donner les rponses, puisque les rponses sont partout. De surcrot, nous savons, lissue dannes dexpriences et de mesures, que les lves qui trouvent les rponses par eux-mmes les mmorisent bien mieux que si on la leur avait donne.

    () Dune certaine faon, cela renvoie lducation et les enseignants leur vocation initiale, o lenseignant anime un dialogue avec les tudiants et les aide dvelopper leurs capacits danalyse, leur crativit pour trouver des solutions aux problmes, leur passion pour telle ou telle discipline bref, toutes ces choses qui sont bien plus.

    Le rle de lenseignant volue

    Sugata MITRAProfesseur lUniversit de Newcastle (GB),Chercheur en sciences de lducation

    (Extrait dinterview dans The future of learning vido ralise par Ericsson, 2012)

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    3/ La valeur ajoute dun campus nest plus le contenu

    Le savoir tant dsormais disponible tous et en tout lieu, le contenu des cours cessera d'tre un facteur dterminant et diffrenciant pour un campus. De manire croissante, laccent est mis sur ce que le campus construit et propose autour du contenu, qui redonne du sens lexistence physique dun campus :

    La qualit des enseignants La qualit des approches pdagogiques et du coaching La flexibilit des contenus et des infrastructures daccueil La facilitation du dialogue et la collaboration entre les tudiants (y compris au niveau international) et entre tudiants et professeurs Les ponts construits avec le monde du travail Louverture sur les attentes de la socit (pdagogie par projets, expriences hors-cursus) La qualit de vie sur le campus et sa connexion avec la ville Les quipements de travail mis disposition (numrique, laboratoires, espaces de travail)

    Cest aussi l que sont les gros gisements d'innovation pour les campus de demain.

    Seuls les pays qui mettent en uvre des politiques de rforme de leur systme ducatif pour promouvoir ladaptabilit et la crativit chez ladulte et lenfant sont susceptibles de demeurer la pointe du dveloppement humain et technologique

    Franois TADDIDirecteur Recherche lINSERM *

    *Auteur de Training Collaborative and creative knowledge-builders, a major challenge for the 21st century education, OCDE, 2009.

    Le campus sera le tiers-lieu par excellence, o lon trouvera ce qu'on naura pas en ligne ou dans les MOOC savoir les changes avec dautres tudiants, avec les enseignants, et aussi la mise en pratique concrte sur des projets mens avec des entreprises. Nathanal Mathieu - fondateur de LBMG Worklabs et de No-Nomade

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    Cit dans de nombreux rapports sur linnova-tion dans lenseignement suprieur (voir par exemple The Innovative University de Clayton Christensen) comme une voie alternative intres-sante au bigger & better , Brigham Young Uni-versity Idaho (BYU-Idaho) a su renouveler le modle classique, autour de diffrents lments :

    Un mix d'enseignements en ligne et en face--face : les cours magistraux en plnire ne reprsentent plus que 20% de lenseignement, contre 80% prcdemment. BYU Idaho propose 159 cours en ligne et 135 lieux relais dans 16 pays pour les suivre.

    Laccent est mis sur des tudes de cas, servant de supports des sessions de discussions entre lves et enseignants, en utilisiant un matriel pdagogique de grande qualit appartenant dautres tablissements (ex. bibliothque dtudes de cas de Harvard) pour amliorer la qualit de

    lenseignement tout en baissant les cots de manire servir plus dtudiants.

    Un focus sur quelques disciplines et limplication active des lves dans les ateliers pdagogiques.

    Un fonctionnement tout au long de lanne, moyennant un raccourcissement trs significatif de la longue pause estivale.

    FocusBrigham Young university - Idaho (BYu-Idaho)

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    4/ Le lieu physique des campus dhier nest pas adapt lenseignement de demain

    Le modle de lamphi, avec sa focalisation vers le power point de lestrade et de lenseignant dtenteur du savoir comme le prtoire vers le juge, le thtre vers la scne, la cour royale vers le trne, l'glise vers l'autel, ou l'habitation vers le foyer na plus de sens.

    Dsormais distribu partout, le savoir se rpand dans un espace homogne, dcentr, libre de mouvements. La salle d'autrefois est morte, mme si encore, on ne voit qu'elle, mme si on ne sait construire qu'elle, mme si la socit du spectacle cherche l'imposer encore. Michel Serres

    Il faut repenser l'amnagement de l'espace - dans une salle de classe par exemple, la prsence de la technologie sur le bureau a une consquence ergonomique assez forte. Des entreprises du secteur travaillent sur le sujet : Microsoft a un super laboratoire Paris sur la classe du futur o ils amnent des gamins pour tester la technologie; Steelcase a fait plein d'tudes sur le mobilier d'cole... Cela change aussi les relations entre enseignants et lves : un amnagement o les lves sont les uns derrire les autres comme au thtre ou au contraire avec des tables regroupes en petits lots change le style d'enseignement. Marie Puybaraud Johnson Controls

    Sur la lvre aval de cette faille, voici des jeunes gens auxquels nous prtendons dispenser de l'enseignement, au sein de cadres datant d'un ge qu'ils ne reconnaissent plus : btiments, cours de rcration, salles de classe, amphithtres, campus, bibliothques, laboratoires, savoirs mme Cadres datant, dis-je, d'un ge et adapts une re o les hommes et le monde taient ce qu'ils ne sont plus.

    Michel SERRESExtrait de Petite Poucette(Le Pommier, 2012)

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    5/ La transversalit aussi appelle un lieu nouveau

    Pour rpondre la multiplication des licences / mastres / filires spcialiss, il est aujourdhui ncessaire dabattre les frontires entre les dpartements/expertises/disciplines, dencourager les changes, les collaborations et les fertilisations croises.

    La capacit intellectuelle absorber des contenus thoriques pointus nest plus lunique ssame des tudes suprieures : le nouvel acte intellectuel authentique, c'est l'invention pour rsoudre des problmes indits (vs reconstituer la solution un problme qui a dj t rsolu) - qui suppose de sortir du cadre.

    La fin des classes spcialises dont chacune avait son btiment laisse place aux espaces de circulation, facilitant les mouvements libres, la srendipit de linvention et lhybridation des savoirs. Les espaces ordonns et rationnels disparaissent, ce qui invite imaginer le campus sur le modle organique du jardin o les espces sont complmentaires et forment un cosystme.

    quand des campus plaant le dpartement de physique ct de la philosophie, la linguistique en face des mathmatiques, la chimie prs de lcologie ?

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    Du fait du pouvoir de la technologie, certains pensent que lavenir de lenseignement suprieur sera compltement en ligne, avec des tudiants qui suivront les cours depuis leur domicile sans avoir rellement dinteraction avec quiconque. Nul doute que cela se passera dans certains cas, mais les tablissements qui croient encore la valeur irremplaable de linteraction humaine dans lapprentissage devront mettre en uvre une judicieuse combinaison des connections virtuelles et physiques. Cela pourrait mme bien devenir la marque de fabrique des universits de qualit. Elles devront permettre aux individus dapprendre leur rythme et depuis leur domicile, mais elles devront aussi leur permettre de se connecter les uns aux autres. Lchange dinformations, de connaissances et dides est essentiel pour apprendre mais aussi pour gnrer des ides nouvelles. Le psychologue canadien Kevin Dunbar a montr que linnovation dans le milieu de la micro-biologie survenait rarement chez un individu derrire un microscope mais le plus souvent dans des conversations entre reprsentants de diffrentes disciplines. De mme, le chercheur sudois Ola Thufvesson a tudi 480 Prix Nobel et montr que les rencontres fortuites dans les couloirs ou les escaliers entre reprsentants de diffrentes disciplines taient la premire source de gnration et de diffusion des ides. Quelles consquences

    pour l'environnement physique des campus ? Il y a moins besoin de grandes salles de confrences, et plus de demandes en espaces varis, plus petits, permettant le travail individuel et en groupe. Ces espaces peuvent se trouver sur le campus, mais ils peuvent aussi tre dissmins en ville. Cette tendance ne concerne pas que l'ducation : on la retrouve sur la sant (moins de grands hpitaux, plus de petites cliniques, avec la personnalisation de la mdecine) et aussi dans l'entreprise, o l'on cherche avant tout permettre aux salaris d'interagir entr'eux, mme quand ils ne sont pas au bureau.(Extrait du blog Alastair-blyth.com, article de mai 2012, University of the future : connected environments )

    Les lieux physiques, facteurs dinnovation ?

    Alastair BLYTHExpert en conception despaces ducatifsEx-Analyste Spcialis Education lOCDE

  • p.53

    Aujourdhui, dans les concours de rsidences tudiantes en France, on bute sur une vision qui a beaucoup volu pour considrer que chaque tudiant doit avoir sa cuisine et sa salle de bains - contrairement ce qui se faisait avant, quand les chambres taient disposes autour dun espace central collectif, avec la cuisine, les douches et les toilettes. Le modle de l'htel s'impose partout, avec des espaces privatifs permettant chacun dtre chez soi et de fermer sa porte . Cette vision est une erreur pour diffrentes raisons : dabord sur les aspects psycho-sociaux, car les tudiants sont malheureux d'tre tout seul a fortiori quand ils sont trangers, et en plus on individualise les tudiants plutt que de leur faire vivre des expriences plus collectives. Du coup, je ne crois pas que cela rponde aux besoins des tudiants : ds qu'ils peuvent, ils s'enfuient du campus et prfrent louer des appartements plusieurs, avec entr'aide, vie tudiante et possibilit de faire la java !Aux Pays-Bas, en Sude ou aux tats-Unis, on s'inspire plus de la co-location, avec des appartements pour 2, 4 ou 6 tudiants, de sorte que lon peut transformer les rsidences en d'autres usages plutt que de navoir des btiments qui ne pourront, quoiquil arrive, servir que pour des personnes seules. Accessoirement, de plus en plus d'tudiants vivent en couple... Et de toute faon, il y a sur les campus franais de plus en plus d'trangers, qui nont pas la mme culture que nous et ont envie de plus de partage

    Les logements aussi doivent se faire collaboratifs

    Elisabeth PELLEGRIN-GENELArchitectePsychologue du travail

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    Il y a besoin d'un plus grand brassage culturel et dune meilleure diversit sur les campus. Et l'accs l'international amne aussi plus d'argent donc les universits ouvrent leurs portes. Ce levier conomique accentue la tendance. De toute faon, les jeunes sont connects cette diversit et ont besoin de cette ouverture Enfin, la demande de diversit vient aussi des employeurs. Les campus doivent s'adapter et on n'est pas trop en avance. La technologie va faciliter les choses, puisquau lieu de faire venir les tudiants chinois ou brsiliens, les universits ouvrent des campus l'tranger, les campus vont vers la diversit, c'est un changement radical. A Singapour, j'ai vu un campus en majorit peupl d'tudiants trangers : leur priorit tait de les attirer, avec un campus tout neuf et fabuleux, dune qualit incroyable, o tout est ax sur la collaboration, avec des salles de travail trs bien quipes que les tudiants pouvaient rserver comme on le fait dans une entreprise. Pour attirer le meilleur, il faut lui donner le meilleur dans l'environnement physique : un campus innovant, avec des salles la pointe de la technologie, attire forcment les meilleurs lves et enseignants. Cest videmment un problme pour les universits qui n'ont pas forcment les moyens d'investir... Do la tendance aux PPP (Partenariats public-priv) que dveloppent les campus avec des fonds privs qui dveloppent les campus. En France, part Grenoble, qui a mis le paquet sur l'amnagement, on n'a pas vraiment de campus innovant contrairement ce que lon voit aux Etats-Unis, en Angleterre, Duba, Singapour, Shangha, ou Abu Dhabi.

    6/ La ncessaire ouverture sur la diversit, les NTIc, la vie professionnelle, le local

    Marie PUYBARAUDDirectrice du Global Workplace InnovationJohnsons Control

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    Louverture sur les acteurs locaux est de plus en plus clef

    Paradoxalement, l're de la globalisation, les relations avec la ville ou la rgion deviennent de plus en plus importantes pour les campus. Les campus sont de gros contributeurs l'conomie locale en tant que gnrateurs demplois (directs, indirects et induits), sans compter leur impact en tant que ples de recherche, d'innovation et d'attraction de talents.

    Plusieurs composantes font lexcellence dun campus parmi lesquelles les relations avec les entreprises et les pouvoirs publics, les partenariats de recherche avec des start-ups locales, la contribution au dveloppement des territoires, la cration de lieux emblmatiques d'une certaine qualit de vie (pour boire un caf ou couter de la musique, par exemple). Tout cela, un campus physique peut le proposer, pas une universit virtuelle ou un MOOC.

    Lexcellence scientifique, cratrice de liens locaux Lopration Campus, lance en 2008 par le gouvernement Fillon, avait comme double objectif de faire merger douze ples universitaires dexcellence de niveau international, et de passer une logique de regroupement (PRES - Ple de Recherche et dEnseignement Suprieur) des acteurs de lenseignement suprieur et des acteurs du territoire.

    Le financement de la recherche est dsormais pluri-acteurs : les PRES, ples de comptitivits, clusters, appels projets lis aux investissements davenir, crations de laboratoires de recherche inter-universitaires sont autant de dispositifs au service du dveloppement de linnovation au niveau local.

    Linnovation doit tre porte aussi en rgionLes SATT (Socit dAcclration du Transfert Technologique) ont t cres pour identifier, sur un territoire, des inventions issues de la recherche acadmique, et de les accompagner pour tre transfrables sur le march (dpts et ventes de brevets, test abouti des ides).

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    Louverture ncessaire sur la vie professionnelle

    Combler lcart entre la thorie et la pratique Lide nest pas de confondre la thorie et la pratique les deux doivent avoir leur place dans le cursus des tudiants. Mais une dmarcation stricte entre lune et lautre, y compris dans les mthodes, na plus de sens.

    Lapprentissage et le travail sont trs mls dans lconomie de la connaissance . La vie professionnelle devient un lieu dapprentissage continu, et les lieux dducation doivent mieux intgrer lapprentissage professionnel au cur des campus.

    Les pistes dactions sont nombreuses pour faire du campus un lieu dintgration de lducation et de lapprentissage professionnel : Rviser le statut des stages : tout le monde saccorde dire quil faut en amliorer la qualit et certains se posent la question de les supprimer, en les accusant de tuer l'emploi des jeunes diplms et en rappelant que les stages nexistent pas dans de nombreux pays.

    Attirer les entreprises pour quelles investissent au cur des universits (cration d'incubateurs, de centres de recherche, comme cela se fait aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne...).

    Mener des actions dans lesquelles le monde acadmique et le monde de lentreprise se