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BERTRAND LANGLOIS/AFP VINCENT BOURDON ZAER BELKALAI/AFP JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP Alain Peyreffite l’a rêvé, Sarkozy l’a fait. De Gaulle ne disposait au début de son mandat que d’une chaîne de télévision, il considérait qu’il y était chez lui. Le Président avait fait de la télévision sa chose. Cinq décennies plus tard, le paysage audiovisuel n’a plus aucun rapport avec la situation des années soixante, mais le chef de l’État continue de préempter le petit écran, s’imposant à tous les médias d’information. Voilà des années que s’exprimer sur une seule chaîne généraliste semble insuffisant aux yeux d’un Président français : depuis des lustres, il lui en faut au moins deux voire trois. Mais à la veille de l’élection présidentielle, pour le « pas encore candidat » qu’est Nicolas Sarkozy c’est apparemment encore trop peu. Voici qu’il s’expose sur six voire huit chaînes. Dans quel autre pays démocratique le chef de l’État s’accapare ainsi l’audiovisuel ? Aucun, sauf à l’occasion de situations très exceptionnelles. La France souffre d’un mal il est vrai largement alimenté par les médias eux-mêmes. Détenus par l’État ou par des groupes en relation d’affaires quotidiennes avec le Gouvernement, ces médias ne sont guère enclins à s’opposer au pouvoir. Ce mal n’est pas d’aujourd’hui. À l’exception de Lionel Jospin entre 1997 et 2002, la gauche avec François Mitterrand, Laurent Fabius et beaucoup d’autres, a elle aussi en son temps largement considéré que la télé- vision lui appartenait. Et Nicolas Sarkozy aura beau jeu de montrer du doigt ses prédécesseurs qui ne se sont guère mieux comportés. Est-ce une raison pour se résoudre à considérer que les chaînes de télévision sont pour l’éternité des instruments de pouvoir au service du seul pouvoir ? De sérieux progrès avaient été faits depuis quelques années, notamment sur le service public. On l’a vu lors des débats organisés à l’occa- sion de la primaire socialiste. Malheureusement, il s’agit d’un arbre qui ne cache pas la forêt : depuis le début de ce quinquennat, les mauvais coups portés à la presse et aux médias se sont multipliés. La nomination par le président de la République du président de France Télévisions n’étant pas le moindre signe d’une grave régression. Les candidats à la présidentielle sont peu diserts sur le sujet. Faut-il y voir une confirmation que, quel que soit l’occupant de l’Élysée, il ne se comportera pas différemment des locataires passés. La campagne qui s’ouvre pourrait être l’occasion d’engagements précis assurant une réelle indépendance des médias. On peut toujours rêver. Sans trop y croire. Et aussi Le chiffre Éditorial Robert Namias Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com Un déficit d’identité Face à l’ancrage à gauche de François Hollande, Nicolas Sarkozy a cherché dimanche soir à remobiliser son camp. Avec la même difficulté pour le candidat socialiste et le Président sortant : se différencier radicalement tout en restant suffisamment ouvert pour rassembler au deuxième tour. Par Philippe Tesson D eux données objectives. La première : la droite est majori- taire aujourd’hui dans le pays. Toutes les enquêtes d’opinion le disent. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est la droite. On y reviendra. La seconde : la gauche est donnée largement gagnante à l’élection présidentielle de mai prochain. Tous les sondages s’accordent là-dessus. Quelles sont les clés de cette contradiction ? D’abord un homme : le Président sor- tant, sa personnalité, ses comporte- ments, son image. Le rejet qu’il provoque est à la mesure de l’espoir qu’il portait. Tel est l’effet pervers de la présidentialisation progressive du régime qui nous gouverne. Ensuite sa politique, confuse, précipitée, dont les bénéfices ont été compensés ou neutralisés par les pertes. L’Histoire fera l’inventaire exact du bilan. > Lire la suite p. 6 et « La droite aujourd’hui » p. 2, 3 et 4 NUMÉRO 433 — MERCREDI 1 ER FÉVRIER 2012 — 2,15 ¤ Matraquage 3 , 8 milliards d’euros Dominique Reynié P. 4 Hervé Morin P. 3 Jean-François Copé P. 2 Christine Boutin P. 3 Les voix gaulliennes de Marine Le Pen Admiratrice de Jeanne d’Arc, Marine Le Pen se déclare aujourd’hui gaullienne. Une forme d’émancipation à l’égard du père qui a combattu toute sa vie l’homme du 18-Juin. > Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 5 JOËL SAGET/AFP C’est le montant des retraits effectués en 2011 sur les comptes d’assurance-vie. C’est un chiffre record qui signe une année noire. La Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) précise que, pendant cinq mois d’affilée, les retraits ont été supérieurs aux versements l’an dernier. Au sommaire Les Cahiers de Michèle Cotta >p. 7 Le martyre du Président par Bruno Jeudy >p. 8 Pression fiscale : une subtile alchimie par Florence Cohen >p. 12 Une nouvelle guerre avant l’automne ? par François Clemenceau >p. 13 PHILIPPE WOJAZER/AFP La problématique de la gauche et de la droite Nicolas Sarkozy à Lanvéoc, en Bretagne. Le Président sortant a trois mois pour reconstruire son image

l'Hémicycle - #433

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l'Hémicycle numéro 433 du mercredi 1 février 2012 Au sommaire : - Les Cahiers de Michèle Cotta >p. 7 - Le martyre du Président par Bruno Jeudy >p. 8 - Pression fiscale : une subtile alchimie par Florence Cohen >p. 12 - Une nouvelle guerre avant l’automne ? par François Clemenceau >p. 13

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Alain Peyreffite l’a rêvé, Sarkozy l’afait. DeGaulle ne disposait au débutde sonmandat que d’une chaîne detélévision, il considérait qu’il y étaitchez lui. Le Président avait fait de latélévision sa chose. Cinq décenniesplus tard, le paysage audiovisuel n’a

plus aucun rapport avec la situationdesannées soixante,mais le chefde l’État continuedepréempter lepetit écran,s’imposant à tous lesmédias d’information.Voilà des années que s’exprimer sur une seule chaînegénéraliste semble insuffisant aux yeux d’un Présidentfrançais : depuis des lustres, il lui en faut aumoins deuxvoire trois. Mais à la veille de l’élection présidentielle,pour le « pas encore candidat » qu’est Nicolas Sarkozyc’est apparemment encore trop peu. Voici qu’il s’exposesur six voire huit chaînes.Dans quel autre pays démocratique le chef de l’États’accapare ainsi l’audiovisuel ? Aucun, sauf à l’occasionde situations très exceptionnelles. La France souffred’un mal il est vrai largement alimenté par les médiaseux-mêmes. Détenus par l’État ou par des groupes enrelation d’affaires quotidiennes avec le Gouvernement,cesmédias ne sont guère enclins à s’opposer aupouvoir.Ce mal n’est pas d’aujourd’hui. À l’exception de LionelJospin entre 1997 et 2002, la gauche avec FrançoisMitterrand, Laurent Fabius et beaucoup d’autres, a elleaussi en son temps largement considéré que la télé-vision lui appartenait. Et Nicolas Sarkozy aura beau jeude montrer du doigt ses prédécesseurs qui ne se sontguère mieux comportés.Est-ce une raison pour se résoudre à considérer que leschaînes de télévision sont pour l’éternité des instrumentsdepouvoir au serviceduseul pouvoir?Desérieuxprogrèsavaient été faitsdepuisquelquesannées, notamment surleservicepublic.Onl’avu lorsdesdébatsorganisésà l’occa-sion de la primaire socialiste. Malheureusement, il s’agitd’unarbrequi ne cachepas la forêt : depuis ledébutdecequinquennat, lesmauvais coupsportés à la presse et auxmédias se sont multipliés. La nomination par le présidentde laRépubliqueduprésidentdeFranceTélévisionsn’étantpas lemoindre signed’une grave régression. Les candidatsà la présidentielle sont peudiserts sur le sujet. Faut-il y voirune confirmation que, quel que soit l’occupant de l’Élysée,ilnesecomporterapasdifféremmentdes locatairespassés.La campagne qui s’ouvre pourrait être l’occasiond’engagements précis assurant une réelle indépendancedes médias. On peut toujours rêver. Sanstrop y croire.

Et aussi Le chiffre

ÉditorialRobert Namias

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

L’HÉM

ICYCLE

www.lhemicycle.com

Un déficit d’identitéFace à l’ancrage à gauche de François Hollande, Nicolas Sarkozya cherché dimanche soir à remobiliser son camp.Avec lamêmedifficulté pour le candidat socialiste et le Président sortant :se différencier radicalement tout en restant suffisammentouvert pour rassembler au deuxième tour.ParPhilippeTesson

Deux données objectives. Lapremière : la droite est majori-taire aujourd’hui dans le pays.

Toutes les enquêtes d’opinion le disent.Encore faut-il s’entendre sur ce qu’estla droite. On y reviendra. La seconde :la gauche est donnée largementgagnante à l’élection présidentielle

de mai prochain. Tous les sondagess’accordent là-dessus. Quelles sont lesclés de cette contradiction?D’abord un homme: le Président sor-tant, sa personnalité, ses comporte-ments, son image. Le rejet qu’ilprovoque est à la mesure de l’espoirqu’il portait. Tel est l’effet pervers de

la présidentialisation progressive durégime qui nous gouverne. Ensuitesa politique, confuse, précipitée, dontles bénéfices ont été compensés ouneutralisés par les pertes. L’Histoirefera l’inventaire exact du bilan.

>Lire la suite p. 6 et« La droite aujourd’hui » p. 2, 3 et 4

NUMÉRO 433 — MERCREDI 1ER FÉVRIER 2012 — 2,15 ¤

Matraquage

3,8 milliardsd’euros

DominiqueReyniéP.4

HervéMorinP. 3

Jean-François CopéP. 2

Christine BoutinP. 3

LesvoixgaulliennesdeMarineLePenAdmiratrice de Jeanne d’Arc, Marine Le Pense déclare aujourd’hui gaullienne. Une formed’émancipation à l’égard du père qui acombattu toute sa vie l’homme du 18-Juin.>Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 5

JOËL

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C’est le montant des retraits effectués en 2011 surles comptes d’assurance-vie. C’est un chiffre recordqui signe une année noire. La Fédération françaisedes sociétés d’assurances (FFSA) précise que,pendant cinq mois d’affilée, les retraits ont étésupérieurs aux versements l’an dernier.

Au sommaire • Les Cahiers deMichèle Cotta>p. 7 • Lemartyre du PrésidentparBruno Jeudy>p. 8 •Pression fiscale : une subtile alchimie parFlorenceCohen>p. 12 •Une nouvelle guerre avant l’automne ? par François Clemenceau>p. 13 •

PHILIPPE

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La problématique de la gauche et de la droite

Nicolas Sarkozy à Lanvéoc, en Bretagne.Le Président sortant a trois mois pour

reconstruire son image

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À la veille de la présidentielle,jugez-vous la majoritésuffisamment unie ?Quand je suis arrivé à la tête del’UMP, il y a un peu plus d’un an,le rassemblement de la majoritéétait un de mes objectifs priori-taires. On nous prédisait alors desdivisions. J’ai donné des responsa-bilités à toutes les sensibilités denotre famille et j’ai fait vivre le débat.Aujourd’hui, nous sommes tousunis derrière Nicolas Sarkozy, prêtsà nous lancer dans la bataille de laprésidentielle et des législatives.

Quels gestes allez-vous faire pourfavoriser le ralliement de ceux quiveulent encore se présenter faceà Nicolas Sarkozy ?Nous ne sommes pas dans uneperspective de marchandage.Contrairement au PS, qui sembleprêt à tous les arrangements pourficeler des alliances avec les écolo-gistes et l’extrême gauche !En revanche, nous n’avons jamaiscoupé les ponts avec ceux qui ontgouverné avec nous, car ce qui nousrassemble est plus important que cequi nous divise. J’ai bon espoir qu’ilsnous rallient le moment venu.

Dominique de Villepin,qui multiplielesattaquescontreNicolasSarkozy,fait-il, selon vous, encore partiede la majorité ?J’ai été un ministre heureux dansson gouvernement. Nous avons faitdu bon travail. J’ai de l’amitié pourlui et du respect pour l’homme etson parcours. Je sais aussi que c’est

un homme responsable qui neprendrait pas le risque de faireperdre son camp. Pour moi, saplace est dans la majorité.

Où situez-vous François Bayrou ?Depuis 2007, il s’est situé dans unregistre critique, souvent carica-tural, de la politique de NicolasSarkozy. Mais quand on regardeau-delà de cette posture, les chosessont bien différentes. Sur toutesles questions clés de notre temps– dette, compétitivité, droits etdevoirs, etc. – cela saute aux yeux :François Bayrou partage beaucoupplus de valeurs et de convictionsavec l’UMPqu’avec le PS. D’ailleurs,n’a-t-il pas dit que le projet so-cialiste est « insoutenable » ? C’estquasiment mot pour mot ce quenous pensons aussi.

Craignez-vousun21avrilà l’envers?À l’envers comme à l’endroit, lamenace existe. Voilà pourquoi j’in-siste sur la nécessité de se rassem-bler dès le premier tour derrièreNicolas Sarkozy ! Et je veux direà tous ceux qui sont tentés devoter pour Marine Le Pen queson programme est une impasse,qui serait cataclysmique pour laFrance. Imaginez la dette abyssaleengendrée par la seule sortie del’euro ! Le FN n’a aucun intérêtobjectif à régler des problèmes quisont son fonds de commerce. Sanscrise, le vote FN serait marginal. Jerappelle aussi que, en 1997, le voteFN a entraîné tant de triangulairesqu’il a offert la victoire à Lionel

Jospin qui est alors resté cinq ansau pouvoir. En 2012 aussi, voterMarine le Pen, c’est prendre lerisque de faire gagner la gauche.

Le moral n’est pas au mieux dansles rangs UMP.Comment le faireremonter ?Je vois au quotidien les élus etles militants de l’UMP, je peuxvous assurer qu’ils ne sont pasdéprimés. Au contraire, noustravaillons d’arrache-pied pourpréparer la campagne. Et quandon est mobilisé comme nous lesommes à l’UMP, on n’a pas letemps d’avoir des états d’âme !Notre Conseil national, samedi 28janvier, a été une démonstrationtrès réussie de notre mobilisation.Vous savez, j’ai été éduqué à l’écolechiraquienne et je sais le peu decrédit qu’on peut accorder auxsondages. Je conseille à mes amisde ne pas leur accorder trop d’im-portance : quand ils sont bons, ilsdémobilisent, quand ils sont mau-vais, ils dépriment. Nous sommesmobilisés et n’allons nous laisserdéstabiliser par tel ou tel effet demode ou tel ou tel sondage.

Comment faire patienterles militants désireux d’endécoudre dès maintenant ?Rassurez-vous, on ne les fait paspatienter ! Ils sont déjà en mou-vement, sur le terrain à dialogueravec les Français, à défendre notrebilan, à promouvoir notre projet età soutenir notre action. Toutes lessemaines, je me déplace dans toute

la France et j’ai le bonheur deles voir mobilisés comme jamais.C’est vrai que le jour où notre can-didat se déclarera, la dynamiques’accélérera encore plus ! Sur le ter-rain, les militants sont beaucoupplus confiants qu’on ne voudrait lelaisser croire dans le « petit mondeparisien », qui est bien le seul àcroire que les jeux sont déjà faits.

L’UMP est-elle encore le partiunique de la droite et du centre ?« Parti unique », c’est un mot queje n’aime pas du tout. L’UMP in-carne les différentes sensibilités dela droite et du centre et répond àune attente de notre électorat quine supporte pas les divisions. J’aitoujours veillé à ce que chaque sen-sibilité puisse s’exprimer librement,de la droite humaniste à la droitepopulaire. Nous partageons tous unsocle de valeurs communes et fon-damentales. Le vieux clivage entrele RPR et l’UDF est dépassé. N’ou-blions pas que, grâce à l’UMP, nousavons gagné deux présidentielleset deux législatives de suite. Ce quel’UDF et le RPR n’avaient jamaisréussi quand ils étaient séparés.Nombre de jeunes élus et militantsarrivés après 2002 ne connaissentpas ce temps où la droite était mor-celée. Ils ne comprendraient pasqu’on réveille de vieilles querellesfinalement très artificielles. Plusque jamais, l’avenir est à l’union !

Son avenir serait-il compromispar une défaite ?Je ne me projette pas dans l’après

2012. J’ai une obsession, contri-buer à la victoire de ma famillepolitique. Tout le reste n’est quede la politique-fiction.

Quelle est la principale réussitedu quinquennat ?Malgré la plus forte crise depuis1929, la France s’en est mieuxsortie que les autres pays déve-loppés tout en préparant l’aveniravec des réformes structurelles.Le chômage ou la dette ont parexemple plus progressé aux États-Unis qu’en France depuis 2007 !Bien sûr, nous avons parfois dûprendre des décisions difficiles,quitte à faire face à l’impopularité,comme lors de la réforme des re-traites. Mais ces décisions étaientindispensables et sont à l’honneurde Nicolas Sarkozy, dont le cou-rage et la détermination sont unatout décisif pour la France encette période de difficultés.

Quel est le plus gros échecdu quinquennat ?Dans un contexte très difficile,notre bilan est bon, mais peut-êtren’avons-nous pas toujours suffi-samment expliqué nos réformes.Nous avons donné la prioritéà l’action parce qu’il fallait agirvite pour protéger la France etles Français. Le rendez-vous de laprésidentielle sera un momentd’explication de ce que nous avonsfait mais surtout de ce que nousvoulons pour protéger et préparerl’avenir des enfants de France.

Propos recueillis par L.V.

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 433, MERCREDI 1ER FÉVRIER 2012

Agora

JEAN-FRANÇOIS COPÉSECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’UMP,DÉPUTÉ-MAIRE DE MEAUX

«Sur toutes les questions clés de notre temps,François Bayrou partage beaucoup plus de valeurs

et de convictions avec l’UMP qu’avec le PS »

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Pour le secrétaire général de l’UMP, la droite et le centre ont des valeurs communes et plus deraisons de s’unir que de se diviser. Selon Jean-François Copé, c’est dans cette union indispensableque se forgera la victoire de son camp, qu’il affirme mobilisé derrière Nicolas Sarkozy.

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NUMÉRO 433, MERCREDI 1ER FÉVRIER 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

LeNouveauCentreaparticipépendantcinqannéesà lamajoritédeNicolasSarkozy.Vous-mêmesvousavezété sonministre.Pourquoi alors vouloir sedistinguerà l’occasionde l’électionprésidentielle?Je veux être une force de proposition nou-velle dans un contexte qui impose des so-lutions nouvelles. Je veux être une forced’équilibre qui corrige les erreurs et lesexcès de l’UMP. Un exemple : il est domma-geable qu’il ait fallu cinq mois à ClaudeGuéant pour être convaincu que l’expul-sion d’étudiants étrangers, que nous avonsreçus dans les plus belles écoles de France,était contraire à la tradition d’accueil et àl’intérêt économique de notre pays. Nousavons besoin de ces étudiants que nousavons formé. Ce sont nos futures élites.Ils seront de formidables ambassadeurs dela France.

Qu’est-cequi vousdifférenciede l’UMP?L’idée qu’il n’y a pas d’homme providentiel.Une partie de la modernisation de notrepays dépend des corps intermédiaires. Ausommet, un homme peut fixer un cap, degrandes orientations, mais il ne peut pastout régler. Nous sommes également trèsattachés à l’Europe fédérale, à l’idée de jus-tice et nous portons une attention perma-nente aux libertés individuelles.

Qu’est-cequi ne fonctionnepasdans lamajoritéaujourd’hui?Je ferai d’abord un mea-culpa. Nousn’avons pas su être cette force d’équilibrecapable de corriger les erreurs commises.Nous n’avons pas réussi à obtenir l’abroga-tion du bouclier fiscal plus tôt dans le quin-quennat alors que nous la réclamions bienavant 2011. Nous n’avons pas réussi à fairemodifier le financement de la protection

sociale, bien avant que Nicolas Sarkozy nel’annonce lors de ses derniers vœux. Nousn’avons pas pu imposer la règle d’or. Ensuite,face à nous, nous avions un parti trop fort,trop sûr de lui et trop dominateur.

Quelles sont les conditionsquevousposerezàun ralliementà l’UMP?Nous demanderons un accord de gouver-nement qui reprenne un certain nombrede nos propositions, et qui soit garanti parl’existence d‘un groupe parlementaire enmesure de peser dans le débat. Parmi cespropositions, il y aura un plan de réductionde la dépense publique et d’améliorationde la compétitivité économique française,qui passe par le passage aux 37 heures.Nous voudrons aussi une transformationen profondeur de l’école avec l’autonomiedes établissements et une évolution desrythmes scolaires, une politique écono-mique et fiscale dédiée aux PME, ainsiqu’une République irréprochable avec no-tamment la fin du cumul des mandats etune réglementation très stricte en matièrede conflits d’intérêts.

Commentqualifieriez-vous lequinquennatdeNicolasSarkozy?Il y a eu de belles réussites, comme l’auto-nomie des universités. Mais elles ont étégâchées par l’exercice du pouvoir.

Craignez-vousun21avril à l’envers?Rendez-vous dans deux mois pour pouvoirrépondre à cette question. Si une tellemenace existe alors réellement, c’est quel’élection est mal engagée pour la majorité.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

Qu’est-cequi vousendifférencie?La force de mes convictions et ma sensibi-lité sociale et humaine. L’une et l’autre sontde moins en moins affichées à l’UMP.

Avez-vousété satisfaitedu fonctionnementde lamajorité cescinqdernièresannées?Non. La totalité des diverses sensibilitésn’a pas été du tout prise en compte. C’estdû à la culture RPR qui est toujours là, etqui reprend même du poil de la bête.

Qu’apporterait votre candidatureà l’Élyséeà lamajorité?Je porte un projet cohérent qui rappelledes valeurs fortes et propose une autre ré-partition de l’effort et de la richesse. Je suisla seule à défendre la dignité de la per-sonne, de la conception à la mort naturelle,et la primauté de la famille fondée sur ladifférence des sexes. Je propose égalementl’instauration d’un revenu de base qui per-met de reconnaître chacun, simplifier lafiscalité, encourager au travail, répartir au-trement l’effort et la richesse, rendre le sys-tème plus juste et diminuer les charges del’entreprise. Tout cela sans surcoût pourl’État par rapport au système actuel. Maisen échange de ces nouveaux droits, il y aaussi des nouveaux devoirs : le rétablisse-ment du service national, qui obligerachacun à donner de son temps à l’État.

Àquelles conditionsvous rallierez-vous?Je suis une candidate de premier tour.J’assume tout à fait de l’être et j’ai intégrél’obligation de négocier pour le second. Ily aura deux conditions à mon ralliement.

J’exigerai une refonte totale de la politiqueéducative de notre pays et une oppositionabsolue à l’euthanasie et au mariage homo-sexuel – y compris si ce dernier est ripolinésous le nom d’union civile – ainsi qu’àl’adoption par les couples homosexuels.Ces points sont non négociables. Je deman-derai également qu’une étude sur le lance-ment et la mise en application du revenude base soit mise en œuvre par le nouveauGouvernement.

Commentqualifiez-vous lequinquennatdeNicolasSarkozy?Il a été difficile. Nous avons vécu uneapocalypse économique. Nous vivons destemps de tempête et un changementd’époque. Le capitaine a fait ce qu’il a pu.Mais nos concitoyens attendent davantage.

Quelle conclusiondoit tirer lamajoritéde lamontéeenpuissanceactuelledeMarineLePenetFrançoisBayrou?Nous devons redonner un sens à notresociété et des objectifs à chacun. ChaqueFrançais doit se dire que c’est une chancede servir son pays et participer à sa recons-truction. Nous devons remettre en avantdes valeurs de confiance, de reconnais-sance, de respect. Nous devons réhabiliterle mot de fraternité. C’est sa disparition quiexplique le succès de Marine Le Pen. Quantà François Bayrou, il profite de la non-crédibilité de François Hollande et de l’in-quiétude ou du rejet suscité par NicolasSarkozy. Mais c’est peut-être un espaceconjoncturel. Nous verrons.

Propos recueillis par L.V.

CHRISTINEBOUTINPRÉSIDENTE DU PARTICHRÉTIEN-DÉMOCRATE

«Jeveuxêtre une forced’équilibrequi corrigeles erreursde l’UMP»

«L’UMPn’apassuprendreencompte lesdiversessensibilitésde ladroite»

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HERVÉ MORINPRÉSIDENT DUNOUVEAU CENTRE,DÉPUTÉ DE L’EURE

HervéMorin s’interroge sur sa candidatureet fixe les conditions d’un ralliement. Dernièreincertitude : avant ou après le premier tour ?

Pour la candidate duParti chrétien-démocrate,le ralliement à Sarkozy ne pourra avoir lieuqu’au second tour. Elle entend incarner desvaleurs qui, dit-elle, ne sont pas portées parle Président sortant.

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Ladroite française a-t-elleun corpus idéologiqueà jour ?Le changement le plus significatifpour la droite de gouvernementn’est pas récent : c’est le ralliementà l’Europe. La faille qui demeurela plus évidente, pour la droite fran-çaise comme pour l’ensemble desdroites européennes, c’est la diffi-culté à tirer les véritables consé-quences de l’épuisement des finan-ces publiques. Le candidat Sarkozy,en 2007, avait formulé avec forcele projet de remodeler l’État enprenant appui sur les nouvelles réa-lités françaises. Il l’a fait en partie(comme le montre l’évolution deseffectifs de la fonction publiqued’État), mais il n’a pas pris le vi-rage que la situation historique luioffrait. La droite française reste pro-fondément social-étatiste, commela gauche. Voilà une « penséeunique » qui n’est pas fustigée… Etcomme la droite ne s’est pas éman-cipée de ce modèle, elle ne répondpas à la question : que fait-on avecun État qui n’a plus de ressourcesfinancières ? Faut-il augmenter lesprélèvements ou faut-il réduire lesdépenses publiques ? Et si l’on suitcette dernière option – ce que seulela droite est en mesure de privilé-gier –, quelles en sont les consé-quences sur la conception et le rôlede l’État ? La droite devrait être plusà l’aise que la gauche, or elle paraîttout aussi en difficulté qu’elle.

La crise renforce-t-elle les valeursde ladroite au seinde la sociétéou lesprend-elle à contre-pied?Accès à la propriété immobilière,

attachement à la transmission dupatrimoine intergénérationnel,sensibilité aux thèmes de la sécu-rité et de l’immigration : je suisconvaincu que la société françaiseest plus à droite qu’elle ne l’a jamaisété depuis les années soixante. C’estla gauche qui est en contradictionavec son époque, ce qui ne l’empê-chera peut-être pas de gagner en2012, d’ailleurs ! Mais la droite s’estcantonnée aumatérialisme gestion/sécurité/niveau de vie, sans se poserune question : doit-elle plutôt dé-fendre un libéralisme culturel ouun néoconservatisme qui repose-rait sur une forme de rigorisme ?Elle se retrouve ainsi sans corpusmoral et, ce faisant, renvoie aux in-dividus eux-mêmes la question desvaleurs. FrançoisHollande, dans sondiscours du Bourget, a beaucoupévoqué l’immatériel, qu’il s’agissede l’égalité, de la justice ou de lalaïcité. Ce n’est pas neuf, mais ladroite ne sait pas lui répondre surce terrain, et son enfermementdans le modèle social-étatistel’oblige à reprendre les mêmesthèmes…

Enquoi le quinquennatdeNicolasSarkozya-t-il fait évoluer la droite?Quel que soit le résultat de 2012,je crois qu’il y a eu une sorte derévolution culturelle sarkozyste,et qu’elle a permis de dénouer dessituations enkystées, parfois à lamanière d’une bombe à fragmen-tation ! Sa façon de faire de la poli-tique, de la penser, y compris avecses formes d’excès, a bousculé ladroite, l’a obligée à se poser des

questions qu’elle ne se posait plus.Il y a plusieurs acquis. La manièrede traiter explicitement les enjeuxde sécurité et d’immigration s’im-posera, même à la gauche. Sur lafiscalité, Sarkozy a certes dû avalerson chapeau,mais je reste persuadéque sa contribution est forte : lethème d’une pression fiscale pré-datrice, devenue inacceptable, nefaiblit que de manière très contin-gente, car la société, et notammentles classes moyennes, est à cran,en raison d’un pouvoir d’achatbloqué. De même, l’idée du travailjustement récompensé, avec cetteformule doublement de droite(« travailler plus », d’une part, pour« gagner plus », d’autre part) est leslogan avec lequel les gens ont étéle plus en phase – la gauche n’a pastrouvé un équivalent –mais la crisea fait exploser le concept. Le serviceminimum (comme la réforme desuniversités ou celle des autoentre-preneurs) aura des effets durables :sur ces sujets, tout retour en arrièreest impossible. Enfin, le rapport àla mondialisation me paraît devoirêtre rangé dans la catégorie desacquis. Plus globalement, alors quela gauche est entrée dans un cyclede conservatisme – la défense des« acquis sociaux » –, Sarkozy a intro-duit au sein de la droite de gouver-nement le projet de rupture, mêmesi la droite n’a pas encore su faireémerger sa Margaret Thatcher.

DeNicolasSarkozyàNicolasDupont-Aignan, enpassantparHervéMorin,ChristineBoutinouDominiquedeVillepin,

les candidatures àdroite pour laprésidentielle restentmultiples.L’UMPa-t-elle réussi àdevenirungrandparti de centre-droit etdedroite, à l’imaged’autrespartiseuropéens, oua-t-elle échoué?Tous ces candidats pourraient trou-ver leur place à l’UMP. Laquelle netient que grâce à l’ambiguïté, quiest souvent la recette secrète deséquilibres politiques. L’UMP a réussià fédérer les droites de gouverne-ment – à condition de ne pas seposer trop de questions sur la doc-trine. Mais elle va bien devoiradopter une philosophie à partirde la crise des finances publiques,compte tenu des montants quisont en jeu. Va-t-elle assumer unevraie hausse de la fiscalité, ou unebaisse drastique des dépenses pu-bliques ? La gauche actuelle va ter-miner sa course historique sur cettequestion, car elle ne parvient pasà penser le dépassement du social-étatisme. La droite, en revanche,peut faire de ce dépassement unedoctrine féconde, mais au risque,alors, de la division partisane.

Qu’est-ceque laprésidentielleest susceptible de changerà l’organisationde ladroite,en fonctiondu résultat ?Paradoxalement, si la droite gagne,elle est obligée de se positionner surle fond, alors qu’en cas de défaiteelle peut se maintenir dans l’ambi-guïté et préserver son unité. Celadit, en cas de défaite, la pressiondoctrinale sera moins forte quela pression électorale : la tentationd’imputer à l’UMP en tant que parti

unique une responsabilité dansl’échec peut favoriser le projet dereconstituer deux familles.

PourquoiNicolasSarkozynesemble-t-il plus capable, commeen2007,de récupérer les voixde l’extrêmedroite?Cen’est plus lamêmeoffre : commeMarine Le Pen a pris ce que j’ap-pelle un tournant ethno-socialiste,avec un électorat plus social, davan-tage de classes moyennes salariées,le comportement de ces électeursau second tour pourrait être diffé-rent. De plus, le vote sanction estinévitablement prégnant, contrai-rement à 2007.

LescoredeFrançoisBayrouaura-t-ilune incidence sur la recompositionde ladroite?Je suis frappé de voir à quel pointFrançois Bayrou est peu présent surle terrain européen, notammentd’un point de vue affectif – auBourget, François Hollande l’a étédavantage. Bayrou veut être un po-puliste ou un protestataire mo-déré ! Mais seule sa présence ausecond tour aurait des consé-quences sur la recomposition dupaysage politique. S’il renouvelleson score de 2007 sans parvenir ausecond tour, pour se retrouver avecdeux ou trois députés au sortir deslégislatives, alors peut-être sonaventure politique touchera-t-elleà sa fin.

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 433, MERCREDI 1ER FÉVRIER 2012

Agora

DOMINIQUE REYNIÉDIRECTEUR GÉNÉRALDE LA FONDATION POURL'INNOVATION POLITIQUE

«La façon dont Sarkozy fait de la politique constituepour la droite une révolution culturelle irréversible

qui demeurera quel que soit le résultat de 2012 »

VINCE

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Pour DominiqueReynié, Sarkozy a eu lemérite d’introduire au sein de la droite un projet derupture face à la gauche qui selon lui est entrée dans un cycle de conservatisme.Mais d’aprèsle politologue, l’absence d’un corpusmoral cohérent donne à cette révolution culturelleun caractère inabouti qui pourrait faire perdre auPrésident sortant la présidentielle.

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Dans ses locaux tranquillesdu 8e arrondissement – unvaste appartement sur cour

à l’abri des regards –,Marine Le Penne se fait pas prier pour évoquerles figures qu’elle admire. Bien sûril sera question de son père, mêmesi elle n’emploie jamais ce terme,préférant parler de « Jean-MarieLe Pen ». De même parle-t-ellede « Marine Le Pen », comme s’ils’agissait d’une autre qu’elle. Cha-leureuse, énergique, fidèle au styledirect qu’on lui connaît dans sesmeetings et ses interventionsmédiatiques, elle enfourche sanssurprise le cheval de la Pucelled’Orléans. « J’ai été bercée au biberonde Jeanne d’Arc dès ma naissance,raconte Mme Le Pen, et plus tardj’ai appelé ma fille aînée Jehanne.Elle est la figure centrale de maconscience politique. Elle incarne undestin extraordinaire de la France,elle est le symbole du peuple capablede prendre en main son destin et dedéjouer la fatalité. »

Refus du fatalismeEnfant, chez ses parents, elle voyaitdes Jeanne d’Arc partout, en sta-tue, en buste. Ce fut une véritable« histoire d’amour » avec ce visagedevenu « familier ». Jeanne incarne-t-elle des valeurs modernes pourbatailler dans notre époque ? Ma-rine Le Pen en est convaincue. Enbonne avocate, elle accumule lesindices qui sont autant de preuvesà ses yeux. « Pour les six cents ansde sa naissance, Jeanne d’Arc repré-sente un symbole très fort au mo-ment où la France est sur le point deperdre sa souveraineté. Elle redonneconfiance au peuple au moment oùil croit que tout est perdu. Elle ditqu’il n’y a pas de sens de l’histoire,hormis celui que le peuple veut luidonner. »Pour la candidate du Front natio-nal, l’éternellement jeune héroïnede Domrémy n’a rien perdu de saforce exemplaire. « Elle incarne defaçon éclatante le courage, la mo-destie, le désintéressement, le refusdu fatalisme et de la désespérance.Elle se bat pour l’intérêt supérieurde la nation et non pour une causepersonnelle. Elle est le symbole dusacrifice gratuit. » Marine Le Pen yvoit un modèle pour son propreparcours. « Depuis toujours j’ai bubeaucoup d’acide en politique, quandd’autres ont été rassasiés de miel. »Allusion directe à la difficulté,

éprouvée dès sa scolarité, d’êtrela fille de son père, eu égard à sespositions et ses dérapages racistesou antisémites. « J’ai escaladé lapolitique par la face Nord, sourit-elle.J’ai eu d’emblée du recul par rapportà la notion de pouvoir et à ses attri-buts. J’y ai vu quelque chose de bru-tal, de difficile à vivre, de sacrificiel.Je conçois la politique comme un

don de soi. Je sais qu’il n’y a pas deplaisir pour soi-même. »

« C’est une femme ! »Lorsque, enfant, sa mère suggérade l’inscrire dans le privé pour lasoustraire aux vexations, son pères’y opposa. « Il pensait que je de-vais me défendre tout de suite. Ilfaut, disait-il, que le cœur se brise ou

se bronze. » Si Le Pen citait Cham-fort à sa fille, Jeanne d’Arc restaitde loin la figure de proue de Ma-rine. Aujourd’hui encore, elle louece personnage à qui son père « aredonné une véritable place quandson image s’était affadie ». Elle neboude pas son plaisir de rappelerque, récemment, Nicolas Sarkozya consacré un déplacement àJeanne la combattante, y voyantune manière de ralliement auxvaleurs nationales.Et puis, lance-t-elle, « C’est unefemme ! » Alors que le féminismeest une valeur en hausse, elle nemanque pas de souligner que, àtravers Jeanne d’Arc, « une femmea marqué très fortement l’histoire deFrance », ajoutant au passage son« affection », aussi, pour Olympe

de Gouges, auteur d’une Déclara-tion des droits de la femme et dela citoyenne, mais aussi de textesfavorables à l’abolition de l’escla-vage des Noirs.Plus inattendue, l’autre grandefigure de son gotha est l’hommedu 18-Juin. La rencontre n’allaitpas de soi. « J’ai été élevée avecl’image d’un de Gaulle traître parmiles traîtres. Il m’a fallu réapprendrede Gaulle en grandissant. J’ai dé-couvert que j’étais gaullienne et pasgaulliste, même si cela hérisse cer-tains dans ma famille politique. »Par ces paroles, Marine Le Pentrace son chemin personnel, uneforme d’émancipation vis-à-visdes repoussoirs paternels. « Il avaitde la France une vision qui n’aplus jamais été portée par la suite »,dit-elle du général. Et de préciser :« Il avait une formidable croyanceen la France, c’était si fort chezlui ! » Cette réflexion lui inspirece commentaire : « La vraie frac-ture dans notre pays n’est pas entrela droite et la gauche. Il y a ceux quicroient en la France et ceux qui n’ycroient pas, qui s’en remettent à desstructures internationales. Croire à laFrance, ce n’est pas nécessairementen termes de puissance, c’est direqu’elle est belle par son esprit.»

Aucun autre que de Gaulle n’aporté cette vision ? « Mitterrandavait probablement un amour lucidede la France, admet Marine Le Pen.Mais il a abîmé ses mandats enouvrant le festin des grands fauves.Et Sarkozy est allé encore plus loin,en disant à ses amis, bourrez-vous,ça ne va pas durer… »

Se préserver des compromissionsQuant à son père, elle lance sansdétour que « sa lumière a long-temps écrasé toute autre référence ».Et pour cause. « Depuis que j’aiune conscience, Jean-Marie Le Pen aété cinq fois candidat à la présidencede la République. » Ce qu’elle engarde, après le passage de relais ?« Son sens de la responsabilité. Ilaurait pu faire tout autre chose de

sa vie. Il s’est senti responsable dela confiance que beaucoup mettaienten lui pour porter leurs aspirations.Il m’a appris qu’on ne s’interroge passur soi. Il a connu le mauvais côté ducombat en prenant des coups. Il a eule courage d’être libre, de ne pas céderaux lobbies, à l’argent, à la démago-gie, de ne pas céder à la facilité dusystème. C’est ce qui fait notre forcemaintenant, conclut-elle : l’isole-ment imposé au FN nous a préservésdes compromissions. C’est la plusgrande chance des Français. »Avec calme, elle estime que l’élec-tion présidentielle est « cristalli-sée ». Pour elle, cela ne fait guèrede doute : Hollande, « candidatsocialiste par défaut », devraitl’emporter. Une mécanique s’en-chaînera : « l’UMP ne survivra pas.Ceux qui veulent lutter contre l’im-migration massive, se battre pour lasécurité et faire claquer le drapeaubleu-blanc-rouge, ceux qui veulentun Le Pen sans Le Pen, viendrontvers Marine Le Pen. Comme sontvenus hier, affirme-t-elle, les déçusdu communisme et maintenantles déçus du socialisme ». Elle ycroit, parle sans ciller, remplied’assurance et citant Bernanos :« Il faut oser prendre le risque del’espérance. »

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L’admiroir

Marine Le Pen ou Jeanne la gaulliennePar Éric Fottorino

S’imaginant au centre d’une future recomposition de la droite,Marine n’entend pas êtreseulement l’héritière de Le Pen. De Jean-Marie, elle retient l’admiration pour Jeanne d’Arc.Mais contre l’image tutélaire, elle entend s’affirmer gaullienne.

«IL Y A CEUX QUI CROIENTEN LA FRANCE ET CEUX

QUI N’Y CROIENT PAS »Marine Le Pen

JOËL

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Elle retiendra pour le moinsqu’il n’a pas démérité dansla gestion de la crise mon-

diale survenue en 2008, ce quin’est pas nul.Enfin cette crise elle-même, qui aprofondément contrarié le coursdes projets politiques de tous lesdirigeants des pays occidentaux,pour ne pas dire qu’elle les a bou-leversés. À preuve l’échec électoralqu’ont rencontré depuis un anceux qui se sont portés candidatsà leur propre succession.Pour ces raisons, Nicolas Sarkozydevrait en toute logique être battuen mai prochain. Il n’est pourtantpas certain qu’il le soit. Parceque la droite est majoritaire, etque la logique de cette pesanteurpourrait l’emporter sur la logiquedes circonstances.

Problème communFrançois Hollande et NicolasSarkozy se heurtent en réalité àun problème commun : se dis-tinguer l’un de l’autre. Problèmed’identité, problème de fond, quise pose depuis que la gauchede gouvernement s’est convertieau libéralisme et depuis que lagestion européenne a offert àune partie de la droite le prétexteà se radicaliser. La crise, depuisquatre ans, et surtout depuisquelques mois, a estompé davan-tage encore le clivage traditionnelgauche-droite qui fit les beauxjours du gaullisme jusqu’à ceque Giscard, dès 1974, tenta derassembler « deux Français surtrois ». Le discours que tientFrançois Hollande depuis sonentrée en campagne est à cetégard révélateur, au même titre

que celui de Nicolas Sarkozy. L’in-cantation du candidat socialisteà propos de l’argent, sa chargecontre la finance, qui font échoaux philippiques lyriques deFrançois Mitterrand en 1981, etqui sont de bonne guerre élec-torale, cachent mal une résigna-tion obligée à une situation defait : à la loi du marché, la Francene peut opposer que des régula-tions à efficacité relative.

Une situation symétriqueLes mêmes propositions, touteschoses égales, que celles qu’avanceSarkozy, après s’être soumis troplongtemps et avec trop d’impré-voyance sinon de complaisanceaux contraintes de cette loi etaux risques qu’elle induisait. Lesanalyses de l’un et de l’autre di-vergent à peine, leurs intentionssont excellentes, leur impuissanceégale, seuls les distinguent leurculture et leurs intérêts respectifs,qui colorent la tonalité de leurdiscours et infléchissent dans ledétail le contenu de leurs sugges-tions. Mais leur situation est sy-métrique, chacun d’eux portantsa croix, c’est-à-dire contraint deprendre en compte l’un la gaucheradicale de Mélenchon et l’autrela droite nationale de Le Pen, lesdeux seules forces authentique-ment alternatives. Et au centrede ce dispositif, en guise de fléauà tous les sens du mot, le MoDem,force d’appoint en perpétuelleoscillation, objet incertain detoutes les convoitises.Nicolas Sarkozy n’avait pas totale-ment tort, au cours de sa démons-tration télévisée de dimanchedernier, d’affirmer que le clivage

n’est pas entre la gauche et ladroite, mais entre ceux qui ontconscience de l’avènement d’unmonde nouveau et ceux quirestent dans leurs vieilles lunesidéologiques. C’était dans sonintérêt de le dire, puisqu’il est enposition de faiblesse, et c’était ditcaricaturalement. Mais la coïn-cidence entre la campagne élec-torale et la crise financière etéconomique que nous vivonsmontre que, sur le sujet centralqui occupe aujourd’hui le mondeet qui détermine notre avenirdans toutes ses déclinaisons – éco-nomiques, sociales, financières,géopolitiques –, la gauche degouvernement et la droite degouvernement ne sont pas enopposition fondamentale. C’est à

l’évidence ce qui amène unepartie de l’opinion à adhérer audiscours de François Bayrou, laseule faiblesse de celui-ci étantde ne se réduire qu’à un discours.

ClivageLa crise a relégué les autres clivagesqui historiquement opposent enFrance la gauche et la droite. Cetévénement imprévu modifie lanature de ce qu’on attendait dela présente campagne. On parlerapeu des problèmes de sociétéqui intéressent légitimement l’opi-nion. On peut d’autant plus leregretter que Nicolas Sarkozy avaitréveillé, par sa politique activiste,la plupart de ces problèmes – en-seignement, sécurité, immigration,etc. L’occasion était là d’un débatnational qui aurait permis à cha-cun de se positionner sur des ques-tions d’intérêt à la fois public etprivé. L’occasion également dese prononcer en connaissance decause sur le bilan du Présidentsortant. Mais demanière indirecte,compte tenu de la gravité et del’ampleur des problèmesmis en jeupar la crise, toutes ces questions quine seront pas évoquées serontnéanmoins concernées. À com-mencer par celle de la souveraineté,qui est et sera plus que jamais objetde clivage. Or ce clivage, commebien d’autres, n’oppose plus au-jourd’hui la gauche et la droite,mais traverse l’une et l’autre. Ilest devenu dominant. Il a pris laplace des critères traditionnelsd’identification et d’appartenance,qu’ils fussent culturels, politiques,ou idéologiques. Ce phénomènecontribue à rendre plus ambiguë

et plus relative encore la signifi-cation du résultat de l’élection dedemain, et plus incertain l’avenirpolitique du pays.

Alternance possibleCertes, nous connaîtrons unesortie de crise, et les pesanteurshistoriques reprendront leurspouvoirs et leurs droits. Mais il estprévisible que les enseignementsde ce scrutin imposeront auxgrandes familles politiques uneréflexion sur l’ajustement de leurlégitimité à la réalité. Que signi-fiera demain être de gauche parrapport au capitalisme qui pros-père aux dépens de la justice ?Être de droite par rapport au na-tionalisme qui limite les perspec-tives du progrès économique ?Pour l’heure, il va s’agir de gérerune politique de rigueur voired’austérité qui défie toutes lesidéologies et rend totalementvaine la référence à la notion degauche et de droite. Une inflexionfiscale dans un sens ou dans l’autrene fera pas une différence fonda-mentale. Une redistribution équi-table des richesses n’est pas pourdemain, pas plus qu’un retouraux équilibres et un effacementde la dette. L’union nationaledans l’exercice du pouvoir n’estpas, quant à elle, dans la culturefrançaise. L’alternance est possible.Serait-elle prévisible qu’elle n’estpas synonyme d’alternative. LaFrance est condamnée pour lesannées qui viennent à une péni-tence dont on souhaite qu’aumoins elle prépare une nécessairerecomposition politique, à gauchecomme à droite.

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ParPhilippeTessonSuitede lapage 1

Analyse

Undéficit d’identité

ÀLaRochelle, les candidatsà laprimaire socialiste.Aujourd’hui, FrançoisHollandedoit faire la synthèsedesdifférents courantsqui traversent lePSet lagauche. PHOTO PIERRE ANDRIEU/AFP

Jean-FrançoisCopéetFrançoisFillonontappelé, samedi 28 janvier, ladroite et le centreà semobiliserderrièreNicolasSarkozy. PHOTO JOHANNA LEGUERRE/AFP

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ParMichèleCotta

Lundi 23 janvierVote au Sénat, dans les mêmestermes que l’avaient voté les dé-putés fin décembre, du projet deloi sanctionnant la négation detous les génocides reconnus par laFrance, dont celui des Arméniensen Turquie, de 1915 à 1917. S’agit-ild’une loi dite « mémorielle » ?Sans aucun doute, si l’on s’en tientà la définition habituellementreconnue : une loi mémorielleimpose la position d’un État, enl’occurrence, de la France, sur desévénements historiques.La discussion de la loi a montré,au Sénat comme à l’Assembléenationale, que gauche et droiteétaient l’une et l’autre divisées.Personne ne nie que, si l’on s’entient à la définition du mot gé-nocide, il y en a bien eu un enTurquie, visant spécifiquementles Arméniens. Le problème estde savoir si c’est aux élus, auxhommes politiques de le dire aumoyen d’une loi. Et de le dire defaçon rétrospective. C’est un sportlégislatif français, comme l’écritPierre Nora, pour qui la recherchede la vérité historique appartientd’abord aux historiens. Est-ceensuite à la France de condamnerce qui s’est passé au début du siècledernier en Turquie ? Elle devraitd’abord balayer devant sa porte.Il lui a fallu cinquante ans pourreconnaître la responsabilité del’État français dans la déportationdes Juifs pendant la SecondeGuerremondiale. À ce compte, pourquoine pas sanctionner ce qu’on a appe-lé le génocide vendéen dans laFrance de 1793, ou même, pour-quoi pas, la Saint-Barthélemy ?

Mardi 24 janvierLe doute saisit-il Nicolas Sarkozy ?À moins que cet homme qui a sisouvent surmonté des défaites etconnu des victoires, dont la su-prême, celle de l’élection à la pré-sidence de la République, feigne

de se laisser aller à des confidences.On comprend bien comment saphrase, recueillie par quelquesjournalistes en marge d’un dépla-cement en Guyane, a pu avoirun tel écho. Nicolas Sarkozy parlele plus souvent sans prendre degants à ceux qui l’accompagnent,représentants de la presse com-pris. Pour autant, lorsqu’il dit :« Si je perds, je ne ferai plus jamaisde politique », est-ce la preuve qu’ila déjà fait son deuil de l’Élysée ?Est-ce au contraire une tentativepour réveiller son camp, pour ex-horter les Français qui ont votépour lui en 2007 à se mobiliserplus qu’ils ne l’ont fait jusqu’àprésent. À vrai dire, il est bien diffi-cile de se faire une conviction surl’état d’esprit présent de NicolasSarkozy : coup de mou ou couppolitique, qui le sait ?On peut cependant, au-delà du« blues » affecté ou réel du Prési-dent, faire une réflexion impor-tante sur sa stratégie depuis ledébut de cette campagne danslaquelle il n’est toujours pas can-didat officiel : depuis l’automnedernier, primaires socialistescomprises, Nicolas Sarkozy meten doute, non sans raison, l’unitédu Parti socialiste et sous-estimela personnalité de François Hol-lande, qu’il croit faible et hésitant.Seulement voilà : Hollande n’estpas le culbuto, le Flanby décritpar les Guignols il y a quelquesannées. Il est au contraire déter-miné et volontaire. Il avait, cinqans auparavant, laissé filer Ségo-lène devant lui, il entendait sedonner les moyens, cette fois, departir le premier dans la bataille.Quant au Parti socialiste, ses fai-blesses – division, dérision, bavar-dages et débinages – sont connues.Ce qui est connu aussi, c’est quelorsque l’un d’eux finit par s’impo-ser, après avoir surmonté un nom-bre considérable d’obstacles, le PSfinit bon an mal an par s’unir.

C’est le cas aujourd’hui. CertesHollande n’est pas à l’abri d’undérapage ou d’un coup bas. Maisune chose est certaine : l’Élysée,il y a à peine quelques jours, pen-sait à l’effondrement du candidatsocialiste. L’UMP attendait queles fameuses courbes de sondagesentreHollande et Sarkozy se croisentà la fin janvier et que le candidatsocialiste plonge. Cela n’a pas étéle cas. Il ne faut certes en tireraucune certitude pour le prochainscrutin. Fort heureusement, lesuspense reste entier.

Mercredi 25 janvierDur, dur, pour les troupes de lamajorité l’expression des doutesdu Président sur sa fin de carrière.À moins que celui-ci ne cherche,selon l’expression de l’un des siens,la « victimisation », celle qui feraitporter sur Hollande toutes les taresd’un candidat du système (lequel ?)et sur Sarkozy la bonne volontédu challenger. On comprend bienl’enjeu, mais sa réalisation restedifficile : le bilan du quinquennatest celui de Nicolas Sarkozy. Qu’ils’explique ou non par la crise tra-versée, il sera difficile de le faireendosser par quelqu’un d’autre.

Jeudi 26 janvierAprès le meeting de dimanche,François Hollande avait gagné unepartie nécessaire, sinon suffisante :sa légitimité à se porter candidatà la présidence de la République,créant la surprise dans la majoritéqui, sans doute, l’avait par avancemésestimé.Restaient à connaître ses proposi-tions économiques. Il les a faitesce matin, en détaillant devantla presse soixante engagements.Réforme fiscale, emploi, santé,logement, sécurité : sur tous cespoints, François Hollande affirmeen même temps son opposition àla politique économique proposéepar le président de la République

et la distance prise par rapportau programme du Parti socialiste,dont il ne reprend pas l’intégralitédes conclusions. Un programmechiffré à 20 milliards. Il est jugé,comme d’habitude, trop libéralpour la gauche de la gauche, irréa-liste et peu innovant pour la ma-jorité. François Hollande a vouluà la fois prendre en compte lacrise financière et proposer unprogramme ancré à gauche. Unecertaine lucidité est-elle compa-tible avec le rêve ? On verra bien.En fait, François Hollande jouaitplus encore sa peau dans l’émissionde France 2, programmée dans lasoirée. Car c’est à l’ensemble desFrançais qu’il s’y adressait, et passeulement aux experts et auxéditorialistes. Moment fort del’émission : son face-à-face avecAlain Juppé, l’actuel homme fortde la majorité en attendant ladéclaration de candidature de Ni-colas Sarkozy. À aucun moment,François Hollande n’a été désta-bilisé, déconcerté, pris de courtpar l’ancien Premier ministre,même si comme toujours dansces duels, forcément trop courts,on regrette que les échanges nepermettent pas d’aller jusqu’aufond des choses. Difficile pourAlain Juppé d’évoquer les insuffi-sances ou même les dangers duprogramme Hollande sans se voiropposer le bilan du Président sor-tant. Sur le papier, Juppé partaitfavori. Il a terminé sans avoirdominé, en l’ayant été parfoislui-même, comme surpris par lapugnacité de François Hollande.

Dimanche 29 janvierLa semaine a été celle de FrançoisHollande. Dimanche est venu letemps de Nicolas Sarkozy. S’il

demeurait un léger suspense sursa candidature, il n’y en a plus .« Je ne me déroberai pas », c’est ences termes que le Président sortanta fait dimanche acte officieux decandidature. L’officiel, a-t-il pré-cisé, ce sera avant le 15 mars. Pasd’accélération, donc, dans le ry-thme prévu, façon de montrerque le Président ne change passon calendrier politique au grédes attaques politiques de sonprincipal adversaire. L’exercicede Nicolas Sarkozy a été forcé-ment ambigu : calme, concentré,le Président a voulu montrer qu’ilétait jusqu’au bout l’homme desréformes. Annonce d’une miseà plat définitive des 35 heures,baisse des charges des entreprisescontrebalancée par une haussede la TVA de 1,6 %, objectif delutte contre le chômage et pourl’emploi, il s’agissait néanmoinsbien en réalité du programmedu futur candidat. C’est bien làque s’instaure l’ambiguïté. Est-ilavant tout Président, et, dans cecas, pourquoi ne pas avoir fait cesréformes avant ? Parce qu’on nepeut pas tout faire, a-t-il réponduen substance. Mais peut-on faireen fin de mandat des réformesqui parfois contredisent le débutde ce même mandat ? Peut-onaffirmer qu’on ne procédera pasà de nouvelles augmentationsd’impôts en chargeant la TVA deplus d’un point et demi ? Deuxchoses sont certaines désormais :premièrement, Nicolas Sarkozy n’arien perdu de son énergie, ce seraun combattant acharné, commeil l’a toujours été. Et, deuzio,il mesurera toute la difficultéqu’il y a à se tailler un costumeneuf, quand on a exercé cinq ansle pouvoir suprême.

CahiersdecampagnePlan large

François Hollande, enmeeting le27 janvier, àBourgoin-Jallieu. Le candidat socialiste tentedeconcilierla lucidité et le rêve. PHOTO PHILIPPE MERLE/AFP

Nicolas Sarkozy, à la télévision le29 janvier. LePrésidentn’entendpaschanger soncalendrier politique. PHOTO LIONEL BONAVENTURE/AFP

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Depuis dimanche, les amisde Nicolas Sarkozy sont(un peu) rassurés. Le coup

de blues dont les journaux les ontabreuvés au lendemain de sonvoyage enGuyane les avait cueillisà froid. Dimanche soir, le futurcandidat a expliqué que tout celan’a aucune importance, et peutmême paraître « ridicule » au re-gard des problèmes des Français.D’ailleurs les propos présidentielsauraient même été « déformés ».Quant à l’éventualité d’une dé-faite, bien sûr qu’il y pense (autantqu’eux ?), car « le devoir de lucidité,ça compte ». À Cayenne sa luciditélui a-t-elle donné le cafard ? Lestémoins sont formels, NicolasSarkozy avait le blues. La députéeradicale de gauche de GuyaneChristiane Taubira, qui avait re-noncé au meeting de FrançoisHollande « par respect de la traditionrépublicaine », a vu « un Présidentmoins flamboyant que d’habitude ».En tout cas les confidences dé-sabusées de Nicolas Sarkozy surson avenir ont été longuementcommentées et disséquées àl’Assemblée. Pas question de s’api-toyer pour les élus de gauche,qui ont d’emblée raillé « une pureopération de com’, une dramatisa-tion pour détourner l’attention dumeeting du Bourget et remobiliser sestroupes », selon le député PS deParis Patrick Bloche. Sa collègueAnnick Lepetit n’imagine pas queNicolas Sarkozy parle aux journa-listes en faisant part de ses états

d’âme sans stratégie. D’après elle,« il veut susciter l’appel de ses amispour annoncer sa candidature ». EtAlain Claeys (PS) pose la question :« Ce semblant d’hésitation est unefaçon d’humaniser une image profon-dément dégradée ? » Dans ce mêmeregistre, Christiane Taubira a vuun Nicolas Sarkozy qui « vend unproduit de Président fragile, inquiet,soucieux, écrasé par la critique ».Jean-Marc Ayrault, le président dugroupe PS, nuance : « Avec NicolasSarkozy on ne sait jamais si c’est dela mise en scène tactique ou si c’estsincère. » À droite, où le spectre dela défaite de Nicolas Sarkozy estdorénavant envisagé avec un cer-tain fatalisme, les commentairesont couvert toute la gamme : ona entendu des hommages presquelyriques à « l’humanité et lasincérité » du propos présidentiel,des coups de chapeau à l’exploi-tation habile de cet authentiquemoment de blues, fût-il passager,et enfin des réflexions critiquessur le côté démobilisateur de cesconfidences. « Il n’est jamais mal-sain que les gens se posent desquestions, ce n’est pas scandaleux ;j’entends les électeurs », note ledéputé UMP de la Drôme HervéMariton, qui entend défendre lebilan du quinquennat. « Évoquerune possible défaite, ce n’est pasfortuit, ça rétablit une certaine réa-lité », approuve avec un certaindétachement l’UMP aveyronnaisYves Censi, pour qui « cette sé-quence est très intéressante sur le

plan stratégique : Nicolas Sarkozyse pose en challenger, car pour unsortant il n’y a rien de pire que dese statufier ». Lionnel Luca ren-chérit : « Il envisage la défaite avecsérénité. C’est bien que le Présidentfasse preuve d’un peu d’humilité,alors qu’on le trouve toujours arro-gant ! » Dans le même registre, leporte-parole de l’UMP SébastienHuyghe s’identifie à ce « discoursd’humilité ; il montre que la poli-tique n’est pas l’alpha et l’omégade notre vie ». Le Haut-Rhinois ÉricStraumann (UMP) trouve « logiquequ’il s’interroge sur la suite puisqu’ilne se représentera pas dans cinqans », mais pour l’heure il faitconfiance « aux nerfs d’acier » deson champion.Lucide voire sombre, l’élu deHaute-Marne François Cornut-Gentille (UMP) note que « NicolasSarkozy est un adepte du “off” des-tiné à être divulgué… il a vouludonner l’image d’un homme quine se sent pas propriétaire de sacharge ». Des précisions qui,d’après lui, ne sont pas inutilesdans le « climat confus » quirègne actuellement dans le pays :« une digue a craqué (dans l’opi-nion). François Bayrou et MarineLe Pen sont plus hauts en intentionsde vote que ce que disent les son-deurs ; Marine Le Pen peut être entête au premier tour. Cela le poussepeut-être à s’épancher. »L’ancien ministre Yves Jégo, quivoit en Nicolas Sarkozy « unesprit sain qui envisage toutes les

hypothèses », se montre dubitatifsur les effets de ces déclarations,et il avance « la théorie du verre àmoitié vide et à moitié plein : pourceux qui voient le verre à moitié vide,c’est une mise en scène ; à moitiéplein, Nicolas Sarkozy fend l’ar-mure » ! Élu UMP de l’Hérault,Élie Aboud se dit, lui, « très par-tagé » et n’exclut pas le « coup decom’ » : « Oui, on peut perdre ; il abien fait de le dire, ça montre qu’ilest comme nous ; mais le côté négatifde ces propos, c’est qu’ils sont trèsdémobilisateurs ! » Au contraire !semble lui rétorquer Éric Raoult,qui ne croit pas aux états d’âmeprésidentiels. Pour l’élu UMP deSeine-Saint-Denis, cette séquenceguyanaise relève de la stratégiede communication, destinée « àamadouer les électeurs qui se sontdétournés de nous », à « rassemblerles siens, car la bataille ne va pas êtresimple… » À l’instar de plusieurs deses collègues, le député de Seine-Saint-Denis pense que « rien n’estjoué », « que les électeurs reviennent ».Il veut même croire qu’« en face,ils ne sont pas si bons que ça ! ».Camarade de régiment de NicolasSarkozy, il est convaincu que cedernier n’a non seulement « au-cune envie d’être battu mais qu’iln’a pas envie de faire autre chose »(que de la politique) ! Et commeles députés sont élus dans laroue du Président… « On a toutintérêt à le faire réélire. » D’ici là, ilsappliquent tous la même recette :ils « labourent » le terrain !

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Plan large

Aux Quatre Colonnes

Les propos deNicolas Sarkozy enGuyane n’ont pas été totalement gomméspar son interviewà la télévision. À gauche on ironise, à droite on reste perplexeet les députés UMPattendent avec inquiétude les prochains sondages.Par Anita Hausser

En campagne électorale,habituellement, l’adver-saire politique est aussi

l’ennemi, même en temps de paix.Pas cette année. Pour FrançoisHollande, qui ne cite le nom deNicolas Sarkozy que par accident,l’ennemi ce n’est pas le Présidentsortant, « c’est la finance ». PourFrançois Bayrou, ce n’est pas lafinance, « c’est l’emploi ». Et pourFrançois Hollande, si l’on en croit

Alain Juppé, qui lui portait lacontradiction jeudi dernier surFrance 2, ce pourrait bien aussiêtre l’« arrogance ».À l’UMP, où le moral n’est pasau beau fixe, on a trouvé la ré-plique : ce sera le courage. Car« le courage donne de la force »,dit-on chez Jean-François Copé.C’était le sens de l’interventionde Nicolas Sarkozy dimanche soirà la télévision. Mais « Est-ce le

courage des braves ou le couragedes désespérés ? » a interrogéDominique de Villepin. Déses-péré, Nicolas Sarkozy ? Jamais !Même si, il y a quelques jours enGuyane, il a laissé savamment« fuiter » quelques états d’âme.Il envisagerait sa défaite. Il pen-serait déjà à sa vie d’après. Etsurtout, il aurait des « regrets ».Sur le bling-bling, le Fouquet’s,le « casse-toi pauv’ con » au salon

de l’agriculture. En 2007 c’était« J’ai changé ». En 2012 on pour-rait bien passer au mea-culpa.Des regrets ? « Oui », a dit Sarkozydimanche soir. S’en expliquera-t-il ? « Certainement ». Commeil l’a dit lui-même : « Le momentapproche. J’ai un rendez-vous avecles Français, je ne me déroberai pas. »Si ça n’est pas une déclaration decandidature, c’est que les motsn’ont plus de sens.

Les mots de la semaine Par Béatrice Houchard

Ennemi, arrogance, courage, regrets

La dernière émission de NicolasSarkozy en tant que président dela République a pris des allures dequitte ou double. De « stop ou en-core », selon ses propres mots. Carla prochaine fois qu’il y reviendra,ce sera pour se déclarer. « Je neme déroberai pas et franchementça approche », a-t-il dit dimanchedernier pour rassurer ses parti-sans qui commencent à trouver letemps long et s’inquiètent de voirFrançois Hollande s’échapper dansles sondages. Déterminé à ne paslaisser le champ libre à son rivalsocialiste, Nicolas Sarkozy s’est poséen Président challenger qui prenddes « mesures impopulaires » (TVAsociale, fin des 35 heures) poursortir la France de la crise. Unesorte de retour à la « rupture » pourconclure ce quinquennat.Le problème, c’est que ce plan dela dernière heure a peu de chancede produire des résultats avant lepremier tour. Le chef de l’Étatle sait bien. Cela lui permet en réa-lité d’occuper le terrain et dereprendre la main sur le terrain desidées. En attendant sa véritableentrée en campagne, qu’il promet« foudroyante ».Une campagne qu’il fera en com-pagnie d’une alliée inédite : lachancelière Angela Merkel. Riend’étonnant finalement de la partd’un Président qui a érigé l’Alle-magne en modèle à suivre.« Merkozy » contre le seul Hol-lande : voilà un match qui promet.Sans jamais le citer, Nicolas Sarkozya multiplié les attaques contreun adversaire socialiste « déma-gogue », coupable « d’arrogancedéplacée », vendeur de « vieilleslunes », faisant campagne au« niveau du caniveau »… Il a mêmeressuscité « l’Union soviétique »pour qualifier certaines mesuresde son programme.Après les états d’âme entendus enGuyane, Nicolas Sarkozy a voulumontrer qu’il était prêt pour lecombat. La preuve ? Il a confirméqu’il préparait une confession àl’intention des Français pourcorriger son image. Il a aussicommencé à sculpter l’imaged’un Président martyr qui misesur sa sincérité et son authenticitépour se défendre face au « toutsauf Sarkozy ». Ses meilleures (etdernières ?) armes, semble-t-il,pour remonter son retard.

L’opinionde Bruno Jeudy

Le martyredu Président

DR

Satisfaits, mais pas rassurés

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Profession : chargée de mission

Plan large

Vous avez souhaité la constitutiond’une commission d’enquêtesur les prothèses mammaires.Pour quelle finalité ?Chaque jour qui passe apporte sonlot de révélations dans cette affaire.Ce dossier des implants mam-maires révèle qu’il n’y a pas d’au-torisation de mise sur le marchédes implants qui peuvent êtreposés dans le corps humain. C’estl’occasion, avec cette commissiond’enquête, de regarder de près cequi s’est passé et d’en tirer un cer-tain nombre de conclusions. Ily a tout un travail d’investigationà faire pour déboucher sur despropositions. La commission

d’enquête permettra de sortir du« tête-à-tête » entre le ministre dela Santé et l’Afssaps. Les parlemen-taires doivent aussi pouvoir menerleurs propres investigations.

Cette demande de création d’unecommission d’enquête a peu dechance d’aboutir avant la fin de lalégislature…C’est vrai. Le temps qui nous resteest compté, mais cette demandecomporte une clause de « re-voyure ». Il s’agit de prendre datepour l’avenir et pour la prochainelégislature pour que le dossier soittraité avec toute l’attention de lafuture Assemblée.

Dans cette affaire l’Afssaps neporte-t-ellepasuneresponsabilité?Il n’y avait pas d’autorisation demise sur le marché pour ce type deproduits. PIP a de plus berné l’orga-nisme de contrôle. Il faut considérerque tous ces dispositifs médicauxméritent plus d’attention. Il fautpouvoir contrôler tous les typesd’implants autres que mammaires,par exemple les implants pectoraux.Il faut pouvoir s’assurer que les ma-tières constitutives de ces implantsn’évoluent pas dans le temps avecun risque pour les patients. Il est in-dispensable de contrôler de façonefficace ce qui est implanté dans lecorps humain.

Il faut donc davantage sécuriserles implants utilisés. Il faut réflé-chir à mieux protéger les patientesqui font appel à la chirurgie esthé-tique, qui est devenue aujourd’huiun véritable business. Cette affairele révèle, avec des produits utilisésparfois douteux. Il faudra s’assurerà l’avenir qu’il y a des protocolestrès stricts pour tester ces produitsavant de les mettre sur le marché.

La loi de renforcement de lasécurité sanitaire adoptée endécembre dernier, dans la foulée duscandale du Mediator, doit-elle êtremodifiée au regard de cette affairedes prothèses mammaires ?

Ce qui a été fait constitue uneétape importante dans la transpa-rence nécessaire. Le scandale duMediator avait révélé la nécessitéd’une plus grande rigueur. Il faudrad’abord faire en sorte de rendreobligatoire une autorisation demise sur les marchés pour ces dis-positifs médicaux. Quant à la loivotée en décembre il sera d’abordnécessaire d’évaluer l’applicationde ce texte qui est encore « jeune ».Je formule le vœu que ce dossierreste d’actualité quelle que soit lamajorité issue des urnes en juinprochain.

Propos recueillispar Joël Genard

Sans langue de bois, croyez-vousà la victoire de Nicolas Sarkozyet qu’est-ce qui fera, selon vous,la différence entre lui et FrançoisHollande ?Bien évidemment, je crois à lavictoire de Nicolas Sarkozy. Lagauche n’a pas su renouvelerses fondements idéologiques. Ornous avons changé d’époque.Nous ne pouvons plus prati-quer une politique de largessescomme la gauche l’a fait quandelle était au gouvernement etcomme François Hollande semblevouloir le faire encore. Les socia-listes se livrent à une critiqueirresponsable et caricaturale desefforts du Gouvernement pour ré-tablir l’équilibre de nos financespubliques, mais la vérité c’est quenous n’avons pas le choix, nousdevons réformer, et c’est ce quenous faisons. Les Français l’ontbien compris, ils voient tous lesjours ce qui se passe chez nosvoisins européens, et ils n’enveulent pas en France.

La réforme que vous rêvez de faireadopter ?La réforme de la dépendance. Jeme suis beaucoup impliquée surle sujet à l’occasion de travauxparlementaires, mais aussi à Nancyoù je suis adjointe en charge despersonnes âgées. C’est un sujetqui me touche beaucoup et c’estaussi une des rares politiques oùpresque tout est à écrire. La dépen-dance se pose à nous aujourd’huicomme un phénomène nouveau,lié à l’arrivée dans le grand âge dela génération du baby-boom. C’estune situation démographiqueinédite et nous avons devant nousun vrai défi à relever d’ici 2030.C’est passionnant et, en mêmetemps, on perd parfois un peula tête, tellement la question estvaste et complexe. Mener à bienune telle politique, oui, ce seraitclairement une grande fierté.

La loi que vous auriez aimé voter ?L’abolition de la peine de morten 1981. Je crois que c’est un des

combats les plus dignes que notrepays ait livré. Ceux qui l’ont votéeont connu unmoment historique.

Quelhommepolitiqueadmirez-vousle plus ?J’ai beaucoup d’admiration pourValéry Giscard d’Estaing. C’est luiqui a fait entrer la société françaisedans la modernité. L’abaissementde la majorité de 21 à 18 ans, laloi Veil légalisant l’avortement,le divorce par consentement mu-tuel, autant de mesures coura-geuses et modernes qu’il a eu lavolonté de porter. Il a égalementsu être résolument européen et fa-voriser l’entente franco-allemande,dont on sait tous aujourd’huiplus que jamais qu’elle est le mo-teur de l’Europe. La France a pro-fondément évolué durant sonseptennat.

De quel adversaire politique voussentez-vous le plus proche ?Nous l’avons vu pendant les pri-maires socialistes, Manuel Valls a

su s’emparer de thèmes qui préoc-cupent vraiment nos concitoyens.Il a un style assez franc qui trancheavec le discours habituel et bien-pensant du PS. Nous pourrionsnous retrouver sur plusieurs sujets.

Quel livreêtes-vousentrainde lire?Le Pacte des vierges, de VanessaSchneider. Un ouvrage qui soulèvedes questions intéressantes, nonsans provocation, sur le rôle de lafemme et de la mère…

Le lieudeFrancequevouspréférez?Nancy. What else ?

Quandvousfredonnez,c’estquelair?Goldman : « Je te donne… »

Quelle photo avez-vous sur votrebureau ?Celle de ma fille !

On vous propose de déjeuner entête-à-tête avec une personnalitédisparue.Qui choisissez-vous ?J’aurais vraiment souhaité pouvoir

rencontrer Jean-Paul II. Il fait par-tie de ces personnalités phares quiont marqué le XXe siècle. Et pourde nombreuses personnes, c’estencore un repère.

Propos recueillis parBéatrice Houchard

VALÉRIEROSSO-DEBORDDÉPUTÉE UMPDE MEURTHE-ET-MOSELLE

On la voit sur toutes les chaînes, on l’entend sur toutes les ondes. Valérie Rosso-Debord est devenueen quelques semaines l’une des porte-parole de l’UMP les plus sollicitées. Pour tirer sur FrançoisHollande et les projets du PS, elle est toujours présente. Qui est cette nouvelle voix qui semblepréférer la kalachnikov à la flûte de pan ? Éléments de réponse avec ce questionnaire de l’Hémicycle.

Le questionnaire

Enquête sur un scandaleAlors que le fabricant des prothèsesmammaires de type PIP, Jean-ClaudeMas, a étémis enexamen, le députéUMPJean-PhilippeMaurer demande la créationd’une commissiond’enquêtesur cette affaire. L’élu duBas-Rhin souhaite qu’une telle commission permette d’amorcer uneréflexion concernant l’autorisation de produits qui ne sont pas desmédicamentsmais dontl’impact sanitaire est important.

LION

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Au cœur de la compétitionéconomique française eteuropéenne, villes, dépar-

tements et régions multiplient lesopérations séduction pour attirerles investisseurs, les familles (seuildémographique oblige) et les visi-teurs. Un lifting accéléré par l’essordes lignes à grande vitesse (LGV),

qui a métamorphosé le destind’agglomérations commeMetz. Lanouvelle Bilbao à la française tireaujourd’hui pleinement partie deson Centre Pompidou. Une réus-site qui fait désormais des émulesdans le Nord-Pas-de-Calais, dont lemusée Louvre-Lens sera inauguréen fin d’année, tandis que Mar-seille présentait il y a quelquesjours son programme de capitaleeuropéenne de la culture en 2013.Toulouse, qui accueillera la LGV àl’horizon 2020, prépare égalementson « repositionnement ».Un remodelage stratégique pres-crit à grand renfort de slogansaccrocheurs, comme en témoignecelui du conseil général de Gi-ronde. Spécialiste en la matièredepuis son célèbre « Point Gcomme Gironde », le départe-ment a renouvelé l’opérationl’été dernier. Son livret intituléLes 33 positions du plaisir mettantl’accent sur les découvertes gas-tronomiques et touristiques. LaBourgogne préfère un plus sobre«Tourist or not tourist », alors quela région vient d’obtenir le feuvert pour l’extension de la ligne

à grande vitesse Rhin-Rhône, quirenforcera sa desserte vers l’Alle-magne, la Suisse et le sud de laFrance.« On parle aujourd’hui d’attractivité.C’est là que le marketing entre enjeu. L’attractivité renvoie à la capa-cité à attirer durablement des ri-chesses humaines, économiques et

financières. La spécificité de la com-munication territoriale est égalementd’intégrer la notion de consultationet de débat public », résument lesspécialistes du secteur.

L’émergence des villes-marquesDéfini autour de « portraits deterritoire » résultant d’enquêtesd’opinion menées auprès des ha-bitants, des décideurs et des so-ciologues, le marketing territorialaboutit à un « code de marque ».Un dispositif qui comprend à lafois des éléments graphiques (unepalette de couleurs, une typogra-phie… à l’image de Lyon) et desvaleurs de référence (traduits pardes mots clés tels que l’engage-ment, le sens du collectif, l’ouver-ture et l’imagination comme enBretagne). Signe de la vitalité duconcept, selon l’Institut nationalde la propriété industrielle (INPI),près de 3000 noms de marquesont été déposés par les collectivi-tés locales en l’espace de dix ans.Emblématiques de la démarche,« Only Lyon » et « Invest inReims » (et ses 174 ambassadeurs)ont placé l’économie au centre

d’un marketing territorial résolu-ment tourné vers l’international.Accroître le renom de l’agglomé-ration, de son université et de sessecteurs d’activité, telle est l’am-bition affichée également par« Strasbourg the Europtimist ».« Dans notre stratégie économique,il est indispensable d’avoir unélément identifiant », expliquele maire (PS) Roland Ries, quidéfend « l’identité européenne dela ville ».Une émergence de villes-marquesdestinée à rendre les territoiresrégionaux plus attractifs, au planlocal comme international. Der-nière en date et née sous l’impul-sion de l’Agence régionale dedéveloppement (ARD) de Paris Île-de-France, « Hubstart Paris » se veutà la fois un nouveau lieu et unemarque à part entière. Couvrantun large territoire qui s’étend surune partie des départements dela Seine-Saint-Denis, de la Seine-et-Marne et du Val-d’Oise, autourdes aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et du Bourget, HubstartParis a pour ambition de posi-tionner le Grand Roissy comme laplace aéroportuaire la plus perfor-mante de la zone Europe-Moyen-Orient-Afrique.

« Exploiter nos atoutset corriger nos faiblesses »« Dans un contexte mondial deconcurrence entre les territoires,l’image des régions est détermi-nante», estime Jean-Yves Le Drian.

« La Bretagne bénéficie d’un fortcapital de sympathie mais il noussemblait important de créer unemarque pour exploiter nos atouts etcorriger nos faiblesses », poursuitle président (PS) du conseil régio-nal breton dont l’objectif est dediversifier, rajeunir et dynamiserl’image de la région.

Après la Bretagne, première régionà inaugurer une marque de terri-toire, l’Auvergne a lancé il y a dix-huit mois une analyse complètede son identité locale. « Le renfor-cement de l’attractivité de l’Auvergne

est, sans aucun doute, le défi majeurque doit relever notre région. Elle doits’affirmer comme un espace, un ter-ritoire, une culture, un monde dontses habitants se revendiquent avecfierté. Une entité connue, reconnueet partagée par tous », explique leprésident (PS) du conseil régional,René Souchon.

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Initiatives

Destinéàvaloriser l’identité culturelleet lesatoutséconomiques régionaux, lemarketing territorials’invite dans les hémicycles. Unedémarche initiée à Lyon et enBretagne, adoptée aujourd’huipar Strasbourg et l’Auvergne.Un«made in France» version terroir dont l’efficacité divise.

Enquêted’attractivité, les régionsenappellentaumarketing territorial

Le Centre Pompidou-Metz. Laville a capitalisé sur l’excellente imagedemarquedumuséed’artmoderne. PHOTO JEAN-CHRISTOPHEVERHAEGEN/AFP

Roland Ries. LemairedeStrasbourgestime indispensablequ’unevillesoit perçuecommeunemarqueavecunélément identifiant.PHOTOOLIVIERMORIN/AFP

«NOUS AVONS DES SYNERGIESÀ GAGNER AVEC UNE

MARQUE CHAPEAU, QUI NEGOMME PAS LA PROMOTIONDE CHAQUE ACTEUR. CHACUNCONTRIBUE À RENFORCERL’IMAGE GLOBALE »

Philippe Richert, président (UMP) du conseil régionald’Alsace et ministre chargé des Collectivités territoriales

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Le droit local d’Alsace-Mosellenous permet de mettre enplace un cimetière confes-

sionnel à gestion municipale », ex-plique Anne-Pernelle Richardot,adjointe au maire (PS) de Stras-bourg, rappelant qu’ailleurs dansle pays seuls les carrés musul-mans sont autorisés dans les ci-metières communaux. Annexéeen 1871 par la Prusse, l’Alsacen’était en effet pas françaiselors de la promulgation des loisde 1881 et de 1905 relativesà l’interdiction du caractère

confessionnel des cimetières età la séparation des Églises et del’État. Après son rattachement àla France à l’issue de la PremièreGuerre mondiale, les autoritésfrançaises ont décidé d’y main-tenir le régime du Concordat.Signé en 1801 entre l’État napo-léonien et le Vatican, le traitédiplomatique permettait auxpouvoirs publics d’intervenirdans le financement des cultes.Un dispositif qui s’applique au-jourd’hui encore dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et en Moselle.

« Un geste ultimede bonne intégration »Aménagé sur un terrain de plus d’unhectare, le premier cimetière publicmusulman français pourra accueil-lir près d’un millier de sépultures,toutes orientées vers LaMecque. Lescroyants y disposeront notammentde salles équipées pour laver le corpsdu défunt et d’un espace de prièrecouvert pour les familles qui sou-haitent suivre les rites traditionnels.Une initiative saluée par les asso-ciationsmusulmanes. «Aujourd’hui,on a une communauté qui s’installe

définitivement sur le territoire. Elle sou-haite enterrer ses proches en France etnon plus à des milliers de kilomètresde là », relève Saïd Aalla, présidentde laGrandeMosquéede Strasbourg.«C’est le geste ultime d’une bonne in-tégration, celamontre qu’on appartientau pays où l’on vit. »Le seul cimetière musulman deFrance était jusqu’alors celui de Bo-bigny, créé dans les années trente.Sa gestion est confiée, depuis 1996,à l’intercommunalité des villesde La Courneuve, Aubervilliers,Drancy et Bobigny. L.B.

Président du Comité régionalde développement touristiqued’Auvergne (CRDTA), Jean Pinardanalyse : « Ce n’est pas un slogan niun logo mais une création marketing,une signature. L’idée est d’abord defédérer les acteurs du territoire autourd’une communication collective etde positionner l’Auvergne comme unterritoire tourné vers l’avenir. » Initiéesous l’impulsion du Conseil régio-nal et dévoilée l’automne dernier,la marque « Auvergne NouveauMonde » est désormais portée parune structure dédiée et partagéepar l’ensemble des agences régio-nales de développement, ainsi quepar les acteurs socioprofessionnelset économiques locaux.« Nous avons des synergies à gagneravec une marque chapeau, qui negomme pas la promotion de chaqueacteur. Chacun contribue à renforcerl’image globale », explique pour sapart Philippe Richert, président(UMP) du conseil régional d’Alsace,engagé dans une démarche de

marque territoriale similaire à cellede la Bretagne. Un élément « essen-tiel dans la dynamique de développe-ment du territoire », estime encoreson président, dont le projet devraitvoir le jour au printemps.

« Un effet de mode »Une tendance « terriblement futile,grotesque, indigne de nos collectivi-tés », s’indigne Robert Grossmann,conseiller municipal (UMP) deStrasbourg. « C’est une mode lancéepar des cabinets de marketing trèsperformants et les élus, de droite et degauche, tombent dans le panneau,par snobisme, pour avoir leur ma-rotte.»Depuis l’annonce alsacienneet le lancement de la marque stras-bourgeoise, l’ancien président dela communauté urbaine de Stras-bourg et vice-président du conseilgénéral ne décolère pas. «Employerle mot marque est choquant, c’est

dégradant pour les hommes et lesfemmes qui y vivent. Ils ne sont pas àvendre. »Même divergence dans leSud-Ouest, où l’accueil réservé à lanouvelle marque « Pau Porte desPyrénées » – présentée comme in-contournable pour émerger entreBordeaux et Toulouse – fut toutaussi réservé.« Une campagne de marketing ter-ritorial ne doit pas être seulementune campagne de promotion oud’image, mais une campagne dedéveloppement, accompagnant desefforts réels d’infrastructures »,observe Dominique Mégard, spé-cialiste des collectivités locales.Il estime : « La communication ter-ritoriale est liée à un effet de modequi ne va pas durer éternellement.On reviendra ensuite peut-être àune définition plus rationnelle del’attractivité des territoires. »

Ludovic Bellanger

La capitale alsacienne inaugurera le 6 février prochain le premier cimetièremunicipalmusulmande France.

ÀStrasbourg, lesmusulmansont leur cimetière

«

DESCATAMARANSÀBORDEAUX�Après les bus, le tramway et les vélosen libre-service, Bordeaux a présentéses futures navettes fluviales. Descatamarans destinés à relier, à partirde l’automne, les rives droite et gauchede la ville. « Il s’agit demettre en placele 4emaillon de la chaîne de lamobilitéet de faire de ces navettes un nouveaumodede transport collectif sur laGaronne», souligneVincent Feltesse,président (PS) de la communautéurbaine deBordeaux.

ENAUVERGNE,LESÉLUSAPPRENNENTL’ANGLAIS� Freinée dans le développementde projets européens ou internationauxpar la barrière de la langue, unevingtaine d’élus auvergnats vientde participer à un séjour linguistique.« Il s’agit de décomplexer la pratiquede l’anglais », souligne le réseau ruralen charge du programme. « Les thèmesabordés et les visites de terrain ontpermis aussi de travailler surl’agritourisme, l’accueil d’entreprises,l’environnement, l’insertion…»

UNEFERMESOLAIREÀL’AÉROPORTDELYON� L’aéroport Lyon-Saint Exupérypourrait se doter d’un parcphotovoltaïque d’ici la fin de l’année.Répartis sur 20 hectaresau bout des pistes de décollageet d’atterrissage, les panneaux solairesproduiront 10 gigawattheures (GWh)d’électricité. L’objectif du projet pilotepour les plates-formes aéroportuairesfrançaises et européennes est d’assurer27%de la consommation annuellede courant de l’aéroport lyonnais, et decontribuer à atteindre la neutralitécarbone à l’horizon 2020.

L’ÉTATRETOQUELEPROJETSURBERGESDEPARIS� Porté par lemaire (PS) deParis,BertrandDelanoë, le projet de rendrepiétonnes dès l’été prochain les voiessur berges de la Seine rive gauche, entrele pont Royal et le pont de l’Alma,s’enlise. Soulignant les «manquementset défauts » du dossier, le Premierministre François Fillon annonce quel’État ne peut pas « dans l’immédiat »cautionner le réaménagement. BertrandDelanoë de dénoncer un «diktat duGouvernement inacceptable dans saméthode, son contenu et son principe ».

COLLECTIVITÉS:DESFINANCESPLUTÔTSAINES�À l’heure où la France vient de perdreson triple A, et alorsmêmeque lacommission d’enquête sur les produitsà risques révèle que 1800 communestotaliseraient 13,6milliards d’eurosd’emprunts toxiques, les collectivitéslocales françaises affichent un déficitde 0,1%duPIB en 2010 (dû àl’investissement), contre unemoyennede0,8%dans l’UE. Leur dette sestabilisant à 8,3%duPIB. Pas de quoirassurer lesmaires de France quicraignent une rupture de financementdès le printemps.

En bref

OnlyLyon.Aveccettemarque, la capitaledesGaulesaplacé l’économieaucentred’unmarketingterritorial tournévers l’international. PHOTODR

RobertGrossmann. Leconseillermunicipal (UMP)deStrasbourgfait partiedesopposantsqui dénoncentunmarketing territorial quine serait que le résultatd’unsnobismequipasserademode.PHOTOFREDERICK FLORIN/AFP

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L’alchimie introuvablePression fiscale

Hausse de la TVA d’un côté, nouveau barème de l’impôt de l’autre, gauche et droite préparentl’affrontement sur le terrain de la fiscalité. Instrument de justice sociale pour les socialistes, armeà double tranchant pour la droite, l’ISF sera également de nouveau sur la table et chaque campcherche l’alchimie fiscale acceptable par le plus grand nombre. Une alchimie qui relève tout autantdu pari que de la conviction.

Pas d’exilés fiscaux sous lemaillot bleu ! C’était lemotd’ordre, il y a un peu plus

d’un an, d’unequinzainededéputésUMP. Emmenés par JacquesMyard(Yvelines), ils proposaient d’exclurede l’équipe de France de leur disci-pline les sportifs qui paient leursimpôts en dehors de l’Union euro-péenne. Ils visaient des célébritéstelles que le champion de rallye Sé-bastien Loeb, la joueuse de tennis

Amélie Mauresmo ou le coureurcycliste Richard Virenque, tousdomiciliés en Suisse. L’initiative,symbolique, n’avait évidemmentpas abouti, mais elle posait la ques-tion de l’efficacité de la politiquefiscale française, notamment àl’égard des plus riches.Prenons l’impôt de solidarité surla fortune (ISF). Créé en 1982 parle gouvernement Mauroy sous lenom d’impôt sur les grandesfortunes (IGF), supprimé sous lapremière cohabitation et rétablien 1989, il a été acquitté en 2010par 560 000 contribuables et a rap-porté 4,5 milliards d’euros à l’État.Mais tout auréolé de sa volontéde réduire les inégalités de patri-moine, l’ISF présente deux in-convénients, énormes. D’abord, ilparticipe peu au remplissage des

caisses publiques : il ne représenteque 0,5 % des prélèvements obli-gatoires et, entre les coûts admi-nistratifs, la faiblesse des taux dubarème et l’expatriation fiscale,il coûte à l’État plus qu’il ne luirapporte. Car voilà le deuxièmebémol : l’exil des contribuables.Selon une étude du Sénat, près de850 redevables de l’ISF auraient« fui » la France en 2006 (ce nombreserait à peu près constant depuis),

pour un montant de 2,8 milliardsd’euros. Plus éloquent encore,l’Institut Montaigne évalue à130 milliards d’euros le montantdes capitaux qui ont quitté lepays et passé ainsi entre lesmailles de l’ISF entre 1997 et 2006.Le manque à gagner pour les fi-nances publiques est estimé à…10%des recettes fiscales annuelles !Les contribuables fugueurs vontplacer leur argent dans des paysà la fiscalité plus douce, commela Suisse, le Luxembourg ou leRoyaume-Uni. D’ailleurs, l’impôtsur la fortune a disparu (ou n’ajamais existé) dans la plupart despays développés, nous restonsquasiment le seul à le maintenir.Conclusion : entre supprimer l’ISFou au contraire le durcir, le débatentre gauche et droite est sans fin

et relève tout autant de l’idéologieque de la technique fiscale. Pourfaire participer les plus nantisà l’effort collectif en périoded’austérité, l’attention des gouver-nants s’est aussi peu à peu portéesur les dividendes versés aux ac-tionnaires des grandes entrepriseset aux stock-options dévolues àleurs dirigeants. Aujourd’hui, biensouvent, la fiscalité sur les gainsd’option est comparable à cellequi frappe les salaires. De plus, parconception, elle instaure une sortede progressivité à l’envers : plusle gain est élevé, moins lourde estla pression fiscale ; plus le gainest faible, plus la contribution estimportante. Sans compter le faitque, si l’action de l’entreprises’effondre, aucun mécanisme deremboursement de la contributiondu salarié n’est prévu.Alors la question reste lancinante :faut-il (et comment ?) taxer lesplus hauts revenus, qu’ils soientissus du travail ou du capital ?L’appel, l’été dernier, de la troi-sième fortune mondiale, l’Améri-cain Warren Buffett, à payer plusd’impôts, a relancé le débat. Selonlemilliardaire, dans les pays riches,les plus nantis sont proportion-nellement moins taxés que lesclasses moyennes. Un argumentque réfute timidement le minis-tère français des Finances : c’étaitvrai avant 2008, plaide Bercy,mais, depuis, le plafonnement desniches fiscales (notamment surl’Outre-mer) aurait suffi à inverserla tendance. N’empêche : aprèspaiement de l’impôt, il reste auxménages aisés plus d’argent dispo-nible qu’aux classes moyennes…Cette frange ondulante de la po-pulation que l’on appelle « classemoyenne » (disons l’ensembledes Français, amputé des 10 %les plus riches et des 10 % les pluspauvres) s’acquitte d’un impôtsur le revenu allant jusqu’à 40 %de ses rentrées d’argent ; environla moitié des foyers n’est pas im-posable. Depuis trois décennies,gauche et droite ont commencéleur mandat par une baisse de

ce prélèvement, pour rassurerl’opinion. Ce fut le cas de JacquesChirac en 1986, d’Édouard Balla-dur en 1993, de Lionel Jospin qua-tre ans plus tard et de FrançoisFillon en 2007. Mais ces boufféesd’oxygène ont vite été étoufféespar les réalités économiques etles impôts ont augmenté, que cesoit directement, via un rabotsur les niches fiscales ou par unehausse de la CSG. De nombreuxexperts se sont penchés sur lelien entre la pression fiscale et lasanté de notre économie… et ilsn’ont trouvé aucune connexionentre l’évolution de l’impôt (à lahausse ou à la baisse) et la crois-sance du PIB. Voilà qui apporterade l’eau au moulin de ceux quiprônent la création d’une trancheà 45 % dans le barème de l’impôtsur le revenu.Reste un levier, utilisé à l’envipar nos gouvernants – y comprisNicolas Sarkozy, qui vient d’enfaire l’annonce –, c’est l’augmen-tation de la contribution socialegénéralisée (CSG). Aujourd’hui âgéede 22 ans, elle participe au finan-cement de la Sécurité sociale. En2008, elle a rapporté 84 milliardsd’euros, ce qui en fait le premierimpôt direct, devant l’impôt sur

le revenu. La CSG présente unavantage de taille en termesd’équité, c’est qu’elle porte surtous les revenus, certes à des tauxdivers : les salaires, les pensions deretraite, les revenus du patrimoineet des produits de placements.Mais elle n’est pas progressive : lesallocations-chômage inférieuresà un certain seuil en sont exoné-rées, les bas salaires s’en voientrembourser une partie via la primepour l’emploi. Et maintenant,la hausse de CSG qui va venircompléter celle de la TVA surdécision du président de laRépublique ne concernera queles revenus financiers.Jongler avec la pression fiscalerelève d’une subtile alchimie dontla pierre philosophale reste biencachée aux gouvernements quise succèdent. Sans oublier que, dela loi de l’un à l’abolition de sonsuccesseur, notre pays se caracté-rise par une grande et nuisibleinstabilité en matière d’impôt.Le prochain chef de l’État devratrouver un juste équilibre, notam-ment sur la taxation des grandesfortunes. Pour que l’ISF ne soitplus, comme l’ont baptisé ses dé-tracteurs, une « Incitation à Sortirde France ».

ParFlorenceCohen

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Expertise

Sébastien Loeb. Lechampiondumondede rallye s’est installé enSuisse. LesdéputésUMPsesont émusde ladomiciliationd’uncertainnombredesportifs français à l’étranger. Initiative symbolique restéesanssuite.

Warren Buffett.Troisième fortunemondiale, lemilliardaireaméricaina invité lesgrosses fortunesàpayerplusd’impôts.

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Unenouvelle guerreavant l’automne?Tout laisse croire qu’Israël est désormais prêt à frapper l’Iran pour ralentir son programmed’acquisition de la bombe nucléaire. La question du « comment » ne se pose plus. Seulela question du « quand » demeure incertaine.

Àdistance

Tous les stratèges le savent,la première des guerres estd’abordpsychologique. Faire

croire à l’adversaire que l’on estprêt à attaquer doit le dissuaderde continuer sa progression. Untrès long article publié la semainedernière dans le New York Timesa fait couler des sueurs froidesdans le dos de bien des dirigeants.L’auteur, Ronen Bergman, est jour-naliste d’investigation au quoti-dien israélien Yedioth Ahronoth eta publié, en 2008, un livre intituléLa Guerre secrète avec l’Iran. Sonenquête l’a conduit à avoir denombreux entretiens avec desresponsables de Tsahal, des ser-vices de renseignements ainsiqu’avec certains membres du ca-binet de Benyamin Netanyahu.Sa conversation avec le ministrede la Défense, Ehud Barak, qu’ilraconte dans les moindres détails,l’a convaincu de trois choses.D’abord qu’Israël avait désormaislesmoyensmilitaires opérationnels

de porter un coup sévère aux ins-tallations nucléaires iraniennes,suffisamment pour retarder sonprogramme d’acquisition de labombe de plusieurs années.Ensuite, que le Gouvernementisraélien avait le soutien ouvert outacite des Américains pour menercette opération. Enfin, que le calen-drier pour attaquer l’Iran s’était

rétréci et que la fenêtre de tir n’étaitplus que de quelques mois.Certains experts de la politiqueisraélienne ne comprennent pasautrement le besoin exprimé parBenyamin Netanyahu de convo-quer les primaires, qui se sont dé-roulées hier au sein du Likoud, envue d’organiser des élections gé-nérales anticipées d’ici l’automne.Pourquoi ? Pour couper l’herbesous le pied de ses concurrentspotentiels mais surtout pour nepas attendre l’élection présiden-tielle américaine du 6 novembre.Si les dirigeants civils et militairesaméricains ont en effet demandéà Netanyahu de renoncer pourle moment aux frappes afin delaisser une dernière chance auxsanctions pétrolières et financièresd’aboutir, Netanyahu sait que leprésident Obama est des plus ré-ticents à une frappe israélienne etque s’il était réélu il garderait ainsisa capacité de pression. Si, en re-vanche, son adversaire républicain

l’emporte, le Premier ministre is-raélien devra patienter durant lapériode de transition qui se pro-longe jusqu’à la mi-janvier avantde pouvoir passer à l’action.

Info ou intox ?Les grandes puissances, singuliè-rement les États-Unis et l’Unioneuropéenne, n’ont pas attendu

que les Israéliens abattent ainsileurs cartes pour se mobiliser. Levote à Bruxelles en faveur d’un em-bargo pétrolier progressif contrel’Iran et de sanctions contre laBanque centrale iranienne nes’explique pas autrement. Toutfaire pour éviter les frappes israé-liennes et leurs conséquencesdéstabilisatrices pour l’ensemblede la région du Proche et duMoyen-Orient, tel est le maîtremot utilisé aussi bien par NicolasSarkozy que par David Cameronou Angela Merkel. En sachantque pour les Américains il s’agitd’une partie hautement risquée.Qu’Israël frappe l’Iran avec lefeu vert de la Maison-Blanche nepourrait être que bénéfique pourle président Obama en termes po-litiques, compte tenu du soutienmassif que le Congrès et la ma-jeure partie de l’opinion publiqueaméricaine apporte à l’État hébreu.Qu’en revanche les Iraniens ri-postent préventivement aux sanc-tions ou aux frappes en tentantde fermer le détroit d’Ormuz, parlequel transite 30 % du commercede pétrole dans le monde, et la fac-ture en spirale du prix de l’essenceà la pompe pourrait ruiner lesefforts de Barack Obama pourmaintenir l’Amérique dans unelente et fragile sortie de récession.Certains expertsmilitaires estimentcependant que cette accélérationdu rythme diplomatique et mili-taire manque encore de fonde-ments sur le plan de la logistique.Si Israël dispose effectivementd’une flotte de F-15 dotés de réser-voirs supplémentaires pour pou-voir gagner l’Iran, si ces appareilssont désormais munis de bombesperforantes de 13 600 kg ditesanti-bunker, la diversité des cibles,l’enfouissement en profondeur(parfois jusqu’à 80 mètres) de cer-taines installations et le temps né-cessaire pour causer suffisammentde dommages à la plupart des siteslaissent penser qu’un seul raidd’une seule journée, comme lorsde l’attaque du réacteur Osirak (en1981), ne parviendrait pas à sesbuts. Or les Israéliens veulent pro-voquer des dégâts tels que l’Iranserait obligé de retarder son pro-gramme nucléaire, d’aumoins plu-sieurs années.À ce stade, les plus hauts gradésde l’armée américaine qui se sontrendus à Tel Aviv et Jérusalem ces

dernières semaines en sont reve-nus sans trop d’assurance sur lavolonté des Israéliens de les asso-cier à leur projet. Au mieux, seloncertains proches du ministre de laDéfense américain Leon Panetta,les Israéliens préviendront leurspartenaires quelques heures seu-lement avant les frappes. De sorteque Washington ne puisse riententer pour les en dissuader. Mais àtemps pour que l’Amérique prenneses dispositions et alerte ses alliésà travers le monde. Les consé-quences immédiates d’une série defrappes étendue sur plusieurs joursvont d’une riposte sur la cible queconstitue la flotte américaine dansle Golfe persique ainsi que les bâti-ments britanniques et français. Cesderniers ont d’ailleurs escorté leporte-avions Lincoln récemmentlors de son entrée sur zone. Il fauts’attendre également à des atta-ques contre Israël menées depuisle Sud Liban via le Hezbollah etdepuis Gaza par les groupes isla-mistes palestiniens les plus radi-caux. Sans compter de possiblesattentats contre des intérêts israé-liens ou occidentaux ailleurs dansle monde. Raison pour laquelleIsraël était en alerte récemmentà propos d’un projet d’attentat

en Thaïlande censé punir leMossadpour ses actions clandestines enIran, notamment des assassinatsde chercheurs et de techniciensemployés dans la filière du nu-cléaire militaire.Nul ne sait avec certitude quellesera la réaction dans les jours àvenir de l’Iran. Si l’ayatollah Kha-menei a menacé de fermer le dé-troit d’Ormuz à la veille du votedes sanctions européennes, forceest de constater que la menace n’apas été mise à exécution. Les atti-tudes de la Chine – qui refuse à cestade de se joindre à l’embargotout en veillant par des visites dehaut niveau dans les pays du Golfeà s’assurer de la diversification deses approvisionnements – et de laRussie – qui refuse de considérertoute autre option que la seulediplomatie du dialogue – s’avèrenttoujours aussi déterminantes.Tout comme celle du peuple ira-nien lui-même, appelé à se rendreaux urnes le 2 mars prochain pourrenouveler le Parlement à Téhé-ran. Mahmoud Ahmadinejad afait savoir qu’il restait disponiblepour négocier avec les Européens.Réponse à une demande faite aumois d’octobre ! De l’art de joueravec le temps et les nerfs.

ParFrançoisClemenceau

Mahmoud Ahmadinejad. LePrésident iranien joueau jeuduchatetde la souris, nonseulementavec les Israéliensmais égalementaveclesAméricainset lesEuropéens.

Benyamin Netanyahu. LePremierministre israélienconsidèrequesonpaysestmilitairementprêtpour lancerdes frappescibléessur l’Iran.

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La révolution numérique, quis’appuie sur des technolo-gies multiples et diverses,

est en passe de bouleverser notrequotidien. La géolocalisation enest un bon exemple : tous les outilsnumériques nous permettent au-jourd’hui de définir avec précisionl’endroit où nous nous trouvonsà un instant donné. Internet, lesréseaux sociaux mais aussi lesréseaux de satellites sont mis àcontribution pour nous donnertoutes les informations nécessaires.Pendant des siècles, seules les cartesgéographiques nous permettaientde nous repérer. Ces représenta-tions en deux dimensions du réelont eu dès le départ un intérêtmilitaire tactique et stratégiquemajeur. Le tourisme et l’activitééconomique s’appuient aussi lar-gement dessus : livrer un client,trouver un fournisseur nécessitenon seulement de savoir où il setrouvemais aussi comment y aller.Ces cartes ont un inconvénientmajeur, elles ne vous disent pasoù vous êtes à un instant T. Uneerreur de lecture de la carte etvous êtes perdus.Où êtes-vous, dans quelle direc-tion allez-vous, qu’y a-t-il dansvotre environnement immédiat ?Les technologies de géolocalisa-tion sont capables d’apporter àces questions des réponses à trèshaute valeur ajoutée, synonymesde richesses, d’activités pérennes etdonc d’emplois. La géolocalisationpar satellite, utilisant la techno-logie du GPS, a ainsi révolution-né le secteur des transports de

marchandises. Les livraisons à do-micile sont devenues simples, lesadresses des clients étant exacte-ment positionnées. Surtout, leurintégration dans un système in-formatique a permis de calculerles trajets les plus rationnels entermes de longueur de trajet à effec-tuer pour le véhicule, ce qui per-met d’économiser du temps et ducarburant.La géolocalisation intéresse aussiles acteurs dumonde en ligne, sur-tout avec l’essor de l’accès mobile.Un mobinaute connecté à Inter-net dans la rue est un client po-tentiel pour toutes les boutiques,restaurants et autres commercesà proximité immédiate. Pourquoine pas l’aider à trouver rapidementce qu’il cherche ? Un nouveauconcept d’annonce publicitaire estné. Certains sites et réseaux so-ciaux renseignent les internautesen mobilité sur leur entourageimmédiat. À condition bien sûrque la boutique soit répertoriéedans leur base d’adresses…La géolocalisation est aussi deplus en plus employée dans uncadre sécuritaire. Les constructeurs

de smartphones et de tablettestactiles, objets convoités par lesvoleurs à la tire, proposent desservices de localisation afin dedéterminer en permanence oùse trouve l’objet. C’est le cas no-tamment d’Apple, qui a intégréce service dans son applicationCloud. Elle permet de plus deverrouiller l’appareil, d’en effacerles données ou d’y afficher unmessage. L’intérêt du vol d’un teloutil est bien moindre lorsquevous ne pouvez pas l’utiliser sansimmédiatement être repéré. Etl’espionnage industriel devientaussi plus compliqué lorsqu’on avolé un ordinateur vidé de sesinestimables données.

Mais la géolocalisation pose tout demême certains problèmes concer-nant la protection de la vie privée.Tous ces outils de notre quotidiensont capables de donner ces in-formations à notre insu. Avec letemps, c’est la quasi-totalité devos habitudes quotidiennes qu’ilest possible de retracer : votre bou-langerie habituelle, votre restau-rant favori, une adresse où vousséjournez régulièrement. Autantd’indices de vos occupations quisont disponibles, que vous désiriezles garder privées ou pas. La Cnilse penche désormais sur l’Internetmobile et les dangers potentielsde cette technologie sur la protec-tion de la vie privée.

2.0CAR2GO À LYONS’APPUIE SUR LAGÉOLOCALISATION� Lamétropole rhônalpine s’apprêteà lancer en février son systèmedepartage de véhicules urbains, baptiséCar2go. Les 200 véhicules de la flotte– des Smart biplaces – pourront êtrepris puis laissés à n’importe quelendroit de la ville : leur positionprécise sera connue grâce à unsystèmede géolocalisation quiindiquera aux abonnés les véhiculesles plus proches. Ce système,plus souple qu’Autolib’, a déjà faitses preuves enAllemagne et enAmérique duNord.

UN RÉSEAU SOCIALFRANÇAIS BASÉ SURLA GÉOLOCALISATION� Just around us est le petit nouveaufraîchementdébarqué sur l’AppStored’Apple. Ce réseau social s’adresseaux internautesmobiles et utiliseles données de géolocalisation pourfournir à sesmembres desinformations sur ce qui se passeà proximité : activités de loisirsou présence d’autres abonnés. Les« justers » alimenteront le systèmeen indiquant ce qu’ils font et eninvitant les autresmembres à lesrejoindre.

GOOGLE S’ATTAQUEÀ SES CONCURRENTS ?� Google a depuis longtempscompris l’intérêt économique de lagéolocalisation et investit beaucoupd’argent pour prendre une positionéminente. Et parfois s’attaque à sesconcurrents.Mocality, entreprisekenyane, a été victime de tentativesde pillage de ses bases de donnéespar des ordinateurs basés àMountain View, siège deGoogle.OpenStreetMap, projet libre, a luidétecté desmodifications erronéesde ses données. Google a présentéses excuses et a annoncé avoirlicencié les collaborateurs fautifs.

LA GÉOLOCALISATION,ARME ANTI-BRAQUAGE� Un camion transportant despalettes de parfumaété voléen décembre 2011 dans le nord dela France.Malheureusement pourles voleurs, il était équipé d’un boîtierde géolocalisation. Les forcesde l’ordre ont pu suivre à la trace levéhicule et interpeller les braqueursau domicile de l’un d’eux. Après avoirincendié le véhicule à proximité, ilsétaient en train de ranger leur butin.

En bref

En cette période de vœux, et après les excès des fêtes, vous avez décidéde reprendre une activité sportive ?Un site Internet a lancé une

application iPhone basée sur la géolocalisation qui va vous aider. Le principeest simple : vous indiquez l’adresse de votre salle de fitness et le nombre de foisque vousavezprévud’y aller chaque semaine.Si vousmanquezdevolonté,quevous séchezunentraînementouquevousypassezmoinsde trenteminutes,le système vous prélève 5 dollars. Les abonnés assidus sont eux récompensésen se partageant la cagnotte des fainéants.

Le smartphone, coach sportif ? Le chiffre

97 %des mobinautes sont soucieuxde l’utilisation faite des donnéesde géolocalisation.(source Médiamétrie pour la Cnil)

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Lesmartphonevous répondOùêtes-vous?

Tablettes, smartphones, les nouveaux outils numériques nous disent à toutinstant où nous sommes. Cette « géolocalisation positive » a cependantun inconvénient : elle permet à n’importe quelle entreprise ou particulierde nous suivre à la trace.ParManuel Singeot

Google sillonne laplanèteavecsesvéhicules "street view"pouralimenter ses systèmesdegéolocalisation.

L'Internetmobile,premierbénéficiairedesservicesdegéolocalisationsur Internet.

SEAN

GALLUP

/AFP

ARTEMZH

ITEN

EV/AFP

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Ainsi la désignation parFrançois Hollande de lafinance comme son enne-

mi dans la bataille présidentielleest jugée insuffisante au-delàdu cercle des militants. Exemple :Tofraziel, pourtant élogieux surl’offensive médiatique du candi-dat socialiste, résume bien le sen-timent général :« Ensuite, l’emploi. Sujet centraldans cette période de crise,Hollande n’en a pas vraiment faitun point majeur comme il a pu lefaire avec le combat contre lafinance, le logement oul’éducation. L’emploi a surtout ététraité par le biais des jeunes, dontHollande veut faire le centre de sacampagne et de son projet.L’emploi des jeunes donc, et lefameux contrat de génération,tant décrié. C’est un peu courtpour le moment pour résoudre untel problème. »>Tofraziel – http://elrond.over-blog.com

Cette « discrétion » de FrançoisHollande sur l’emploi a d’ailleursété exploitée par de nombreuxblogueurs, la réponse de FrançoisBayrou étant amplement relayée

sur Twitter et les blogs, avec par-fois un peu d’amertume de la partdes twittos UMP sur le ratage decommunication :« Comment l’UMP a-t-elle oubliéla seule critique valable portée parBayrou sur le discoursde Hollande, “l’ennemi c’estle chômage” ? »

note ainsi hseill sur son fil detweets. Cette absence de proposi-tions fortes a aussi été remarquéedans le débat entre Alain Juppé ;notamment par l’Hérétique, blo-gueur et twitto suivi :« Y’a un truc qui manque dansleur débat : qu’est-ce qu’ils font,Juppé et Hollande, pour l’emploi etla ré-industrialisation ? »

En fait, la blogosphère a vite faitle lien entre cette discrétion et leprojet initial de François Hollandedurant les primaires, projet que lasituation actuelle rend difficile àappliquer. C’est ce que remarqueAchille sur le blog Detoxinfo :« Le catalogue – si cher auxsocialistes – depropositions hollandistes pourcontrer le fléau du chômage s’estun peu crédibilisé au fil des jours

de campagne. Les 300 000emplois d’avenir pour l’insertiondes jeunes ont été rognés de moitiépar la calculette budgétaire. […]Volte-face ou lucidité ? La liste estlongue du recentrage rose.Ce dernier est-il nécessaireou condamnable ? »>Achille – www.detoxinfo.fr

L’opinion des internautes sur lesmesures présentées dimanche soirpar Nicolas Sarkozy n’est pasmeilleure. Arnaud Mouillard, qua-lifiant l’intervention télévisée de« Sarkoshow » – une expressionpopulaire sur Internet –, fait lelien sur Twitter entre les propo-sitions et la loi TEPA :« #Sarkozy commence en baissantl’impôt sur les plus aisés ettermine son mandat enaugmentant l’impôt via la TVApour les Français. »

Pierre Jean Duvivier s’interrogesur la hausse de la TVA annoncée :« La TVA “sociale” de #Sarkozys’apparente à un suicidepolitique… un geste manqué ? »

Les références marquées aux so-lutions de nos voisins allemandsn’ont pas manqué de faire gloser :Guy Alain Bembelly, sur son blog,propose un nouveau concept :« Après la FrançAfrique, Sarkozyinvente la NouvelleFrançAllemagne. »>Guy Alain Bembelly –Bembelly.wordpress.com

Cette ironie sur le tropisme ger-manique des propositions du Pré-sident a d’ailleurs donné lieu autweet le plus relayé de la soirée,écrit par Arnaud Montebourg :« Nicolas Sarkozy devrait seprésenter aux élections enAllemagne… »

Plusieurs centaines de twittos s’ensont emparés pour le diffuser àleurs propres « followers » (inter-nautes suivant un compte Twitter).

Les mesures sur l’emploi proposéespar le président de la Républiqueont laissé plus d’un internautesceptique. Tel RichardTrois, qui, surTwitter, met en doute le sérieux deNicolas Sarkozy sur le sujet :« Quand Sarkozy s’interroge sur lechômage des jeunes on sedemande si c’est le Président ous’il revient d’un long voyage. »

D’unemanière générale, le discoursdu président de la République a étéanalysé et les moindres failles ont

été commentées, ce que fait avecune ironie grinçante Vogelsong :« Pour Sarkozy, il y a dégradationdes chiffres de l’emploi. Pas del’emploi. »

BravePatrie tweete dans le mêmeregistre à propos des négociationsentre employeurs et salariés :« Négocier entreprise parentreprise quand le taux dechômage est à ce niveau, ça éviteque le salarié soit trop arrogant.Non mais. »

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Déblogage

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117.55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEFJoël Genard ([email protected]). ÉDITORIALISTES Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Marc Tronchot AGORA Éric MandonnetL’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau, Florence Cohen, Antoine Colonna,Jean-François Coulomb des Arts, Pierre-Henry Drange, Alain Fournay, Anita Hausser, Béatrice Houchard, Serge Moati, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes,Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier, Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David DumandPARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected],Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40,boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89. Parution chaque mercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479

Les réseaux sociaux ne chôment pasPlusieurs centaines de milliers de tweets et de billets de blogs ont inondéla Toile après les interventions de François Hollande et de Nicolas Sarkozy.Au-delà de l’approbation des militants, c’est le scepticisme qui domine surInternet. Les propositions pour l’emploi du candidat socialiste et duPrésident sortant sont jugées trop timides ou franchement injustes.

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Chaquesemaine,la revuedes blogs etdes réseauxsociauxpar Manuel Singeot

Le titre se veut provocant, maiscorrespond à l’évolution de l’éthique de

certains publicitaires ; comme Vincent Leclabart,qui souligne dans ce livre l’évolution ducomportement des citoyens-consommateursrefusant désormais d’acheter du vent ! Ce livrepublié aux éditions du Rocher décrypte, sansindulgence, les excès d’un marketing trop souventcynique. Le cœur de cette réflexion porte sur la nécessité de recréer de l’envieet du lien et de replacer l’individu au centre des stratégies de communication.L’ouvrage prend la forme d’une correspondance entre l’auteur et Lin Yao,une jeune interprète chinoise, étudiante en marketing, qui le pousse au fildes échanges à se poser les questions qui dérangent sur la publicité.

À lire

Vendre des saladessans en raconter

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