Upload
others
View
1
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
1
La gestion des appels d’urgence et de secours en France
Présenté par Tanguy BORNET et transcrit par Chloé MILOX
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
[ COMPTE-RENDU ]
Publié le 12 janvier 2022
Relu par Marina ROBERT-VANIER
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
2
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
À PROPOS DE L’ARTICLE Cet article est un compte-rendu de l’évènement « Atelier nos membres ont du talent »
tenu le jeudi 22 novembre 2021 présenté par Tanguy Bornet et transcrit par Chloé Milox,
ayant comme sujet : La gestion des appels d’urgence et de secours en France.
Ce compte-rendu permet au lecteur, d’assimiler l’environnement de la gestion des appels
d’urgence et de secours en France.
À PROPOS DES AUTEURS
Tanguy BORNET
Tanguy BORNET : étudiant en Master 2 de sécurité globale et de
gestion des crises à l’Université de Technologie de Troyes, sous-
officier de réserve au sein de la Gendarmerie Nationale et
responsable adjoint du Comité Sécurité Intérieure.
Chloé MILOX
Pôle publication CSI
Étudiante en double master 2 droit pénal européen et international
à Université Bordeaux - Études européennes et internationales au
collège 2EI Bayonne. Chloé est aussi gendarme adjointe de réserve.
Ce texte n'engage que la responsabilité du(des) auteur(s). Les idées ou opinions émises ne
peuvent en aucun cas être considérées comme l'expression d'une position officielle de
l’association Les Jeunes IHEDN.
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
3
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
L’écosystème des appels d’urgence et de secours en France
En France, l'écosystème est complexe. Un numéro d'urgence et de secours est un numéro
selon lequel il est possible de joindre une personne 24h sur 24, 7 jours sur 7, et auquel il
y a une situation liée à une notion de danger par rapport à une personne ou un bien. Il y
a en a 13 avec des profils très variés, dont certains numéros sont inconnus du grand
public. Ceci pose des questions quant à leur efficacité. A titre d’exemple, le 112 est une
belle promesse à l’échelle de l’Union européenne (UE). Il correspond à un numéro unique
d’urgence accessible aux Etats membres de l’UE. Il ne convient pas de mettre en évidence
une solution qui serait meilleure, mais simplement de se questionner sur le modèle actuel
de la gestion des appels en France.
Le numéro 15 correspond au SAMU, avec un centre de régulation très proche du 18. Il
couvre toutes les urgences vitales. Le numéro 17 est commun à la Police nationale et à la
Gendarmerie nationale, avec deux systèmes très différents, aux problématiques diverses.
Le 17 gère les appels de manière très localisée au sein d'une unité urbaine, avec un
commissariat qui répartit son rôle d’une part, et la Gendarmerie nationale qui gère au
niveau de l'échelon départemental en coordonnant plusieurs unités d’autre part. Ces
deux missions sont très différentes. Le numéro 18 renvoie au Service Départemental
d’Incendie et de Secours (SDIS) et plus précisément, au Centre de traitement des appels
(CTA), qui est rattaché étroitement avec le Centre opérationnel départemental d’incendie
et de secours (CODIS). Le CTA traite les appels, et dès que cela nécessite une coordination
de moyens dans la mise en place de la manœuvre du dispositif sur le terrain, liée à
l'ampleur de la situation, le CODIS coordonne toutes ses forces. Le CTA a la particularité,
dans son organisation, d’avoir toutes ses petites salles en un même lieu : le CTA, le CODIS
et une salle de débordements. Cette salle œuvre dans le cadre d'une situation où le CTA
ne peut plus faire face à l'afflux des appels.
Le 112 est le numéro d'urgence européen. En France, chaque département a son propre
mode de fonctionnement : le Centre de régulation du SAMU peut être désigné pour
prendre en charge le numéro 112. Par exemple, l'Indre confie ce rôle à la Gendarmerie
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
4
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
nationale. La réponse est plurielle, ce qui provoque une source de complexité. Le 114 est
le numéro accessible aux personnes sourdes et malentendantes. Pour l'urgence sociale,
les sans-abris ou les personnes en détresse psychologique, il y a le SAMU social avec le
numéro 115. Le numéro 119 traite des urgences relatives aux enfants en danger. Le
numéro 191 est chargé des urgences aéronautiques qui concernent tous les aéronefs qui
survolent le territoire national, et qui sont en situation de détresse. La base centrale est
localisée à Lyon. Cette base est militaire car elle est gérée par l'armée de l'air et de
l'espace. D’autres bases de zone existent en France. Leur rôle est de porter secours et de
coordonner les différents acteurs, dans une zone de crash avec un aéronef par exemple.
Les vols commerciaux sont pris en charge par des plateformes précises des compagnies,
car elles ont une obligation d'apporter une réponse adaptée en cas de crise. Le numéro
196 est relatif aux secours en mer ou aux abords. Ces appels d’urgence sont gérés par le
Centre régional de secours et de sauvetage (CROSS) par zones également. Leur rôle est
de s'assurer de la bonne circulation des différents bâtiments, navires, sur les zones
maritimes françaises et venir en détresse aux différents navires, bateaux et également
aux personnes naufragées avec des problématiques très différentes. Actuellement, la
problématique majeure est celle des flux migratoires par voie maritime. Le 197 est le
numéro d'alerte attentat et d'alerte enlèvement.
Le 3117 est le numéro d'urgence et de suspicion dans les transports en commun, qui est
mis en œuvre essentiellement au niveau régional sous l'autorité de la Préfecture de
Police. Ces numéros sont également joignables par SMS, et comme les appels, ils sont
généralement retransmis à la Police nationale ou à la Gendarmerie nationale. Le numéro
3624 qui permet de bénéficier des services d’SOS médecin, a moins une notion d'urgence
mais plus de consultations à domicile, ou de passerelles avant l'usage d'ambulances
privées, de pompiers, ou du SAMU. Le numéro 3919 traite des violences familiales. Enfin,
le numéro 116000 est chargé des disparitions d'enfants inquiétantes.
Les Ministères de tutelle sont différents : le Ministère des solidarités et de la santé pour
le SAMU, le Ministère de l'Intérieur pour les pompiers et les forces de sécurité intérieure,
le Ministère de la transition écologique pour les urgences en mer et enfin le Ministère des
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
5
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
armées pour les urgences aéronautiques. Par l'écosystème et la construction du modèle
français, la volonté de servir est la même mais éclatée en différents Ministères qui doivent
collaborer malgré des différences culturelles.
Les chiffres
Les tableaux ci-dessous permettent de représenter les appels d’urgence, ainsi que les
effectifs.
Services Nombre d’appels
entrants 2018
Nombre d’appels
décrochés 2018
Taux d’appels non
décrochés
SAMU 29 075 874 25 309 417 12,9%
SIS 23 377 763 18 797 321 16%
Gendarmerie
Nationale
10 965 879 8 946 012 16%
Police Nationale 11 636 055 8 322 585 28%
TOTAL 74 055 571 61 375 335 17%
TABLEAU 1 TABLEAU DES APPELS PASSES AUX CENTRES D'URGENCE1
Services Nombre de CAU Effectifs
SAMU 101 2 493 (non médicaux)
667 (médecins)
SIS 99 2 500
Gendarmerie Nationale 100 1 441
Police Nationale 160 800
TOTAL 460 7 901
TABLEAU 2 TABLEAU DES EFFECTIFS EN CENTRE D'APPEL2
En France, il y a eu environ 74 millions d'appels entrés en 2018, et 61 millions d'appels
décrochés ce qui correspond à 17% d'appels non décrochés. L'important est de
comprendre pourquoi ces appels sont non décrochés. Les appels du SAMU et de CIS sont
1 http://www.urgences-113.fr/marcus/Rapport_MARCUS3.pdf 2 http://www.urgences-113.fr/marcus/Rapport_MARCUS3.pdf
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
6
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
au nombre de 52 millions, ce qui représente l'essentiel des appels. Il y a 20 millions
d'appels destinés aux forces de l'ordre.
Il y a un centre d'appel d'urgence par département pour le SAMU, le CIS, et la Gendarmerie
nationale. Cette caractéristique se justifie par leur organisation qui est rationalisée, et qui
suit le modèle de décentralisation de l’administration française. La Police nationale a plus
de centres d'appels. En général, l'Hôtel de Police gère les appels pour plusieurs petits
commissariats rattachés dans sa zone. Dans les grandes agglomérations, où il y a
plusieurs Hôtels de Police, de nombreux centres d'appels d'urgence coexistent. Le
nombre d'effectif est très variable d'une identité à l'autre. Il y a une bonne répartition
entre le SAMU et le CIS ce qui est justifié par la nature et la quantité des appels. De plus,
les pompiers ont tous une obligation d'avoir fait ses preuves sur le terrain avant de
travailler au sein des centres d'appels d'urgence. Pour le SAMU, cette mission est confiée
à des médecins et des régulateurs qui ont suivi une formation spécifique. Ces derniers,
au nombre de 2500, collaborent étroitement avec les médecins. Quant à la Gendarmerie
nationale, il y a une volonté d'engager du personnel qui a déjà fait du terrain avant de
travailler au sein du Centre Opérationnel et de Renseignement de la Gendarmerie (CORG).
Ils doivent également suivre une formation de deux à trois semaines avec des cas très
pratiques et des études. L'objectif est d'augmenter cette capacité à faire face au stress et
à répondre très concrètement et rapidement à une situation d'urgence. Dans la Police
nationale, il y a moins de personnels, ce qui pose des difficultés en interne quand il y a
une montée en puissance des flux entrants. Pour la même quantité d'appels entre la
Police nationale et la Gendarmerie nationale, il y a un delta de 600 effectifs à temps pleins.
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
7
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
La dynamique des appels
TABLEAU 3 CINEMATIQUE DE L'APPEL3
La dynamique des appels correspond à toutes les explications qu’il faut prendre en
compte pour améliorer le temps de réponse et réduire le taux de décrochage.
Dans un premier temps, il y a le temps initial avec l'appel initié qui correspond à l’appel
de la personne en détresse.
Ensuite, le t0 représente, une fois que l'appel est reçu par les plateformes d'Orange, la
phase où le numéro est transmis, en fonction du positionnement géographique, au
Centres opérationnel compétent. D'un point de vue complexité, au sein des frontières
entre la zone Gendarmerie et la zone Police, il faut pouvoir déterminer à cinq mètres près,
si l’appel doit être transmis à la Gendarmerie nationale ou à la Police nationale. Cette
proximité n'est pas toujours présente, donc l'appel doit être transféré, et le temps est
augmenté. Ainsi, le mauvais interlocuteur, avec les appels non entrants et la perte de
réseau directement représentent des facteurs de perturbations.
3 http://www.urgences-113.fr/marcus/Rapport_MARCUS3.pdf
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
8
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
Dans un troisième temps, il y a le temps entre l'appel entrant et l'appel qui est traité avec
une communication (la musique d'attente ou le guide vocal). Durant ce laps de temps, le
seuil d'abandon est à dix secondes. Si l’appelant n’a pas d'interlocuteur durant cette
période, l'appel est en général abandonné. Au-delà de ce temps, il y a une perte
d'efficacité de la communication de la situation de l'appelant à l'opérateur. En effet, la
personne ne se sent pas considérée, et dans un contexte de stress, elle oublie des
éléments de détails qui sont essentiels pour la suite de la gestion de l'appel. C’est pendant
cette phase, qu’il faut concentrer les efforts. Le numéro unique serait une solution.
Enfin, pendant le temps de durée de communication, l'opérateur pose des questions
types à l'appelant, selon les situations données et les corps de métiers, qui suivent un
schéma spécifique pour apporter une décision. Dans une situation où il y a un flux
d'appels entrants importants, l'opérateur consacre environ une minute à la personne.
Cette personne a souvent envie de s'exprimer mais en face l'opérateur doit pouvoir
apporter une réponse très rapidement. Par conséquent, il est très directif afin de pouvoir
dimensionner son dispositif.
La mission de l’opérateur
Le CORG est un Centre d'opération car il gère les appels et il est également un centre de
renseignement car parfois il y a des partenaires qui remontent des informations d'un
point de vue local et qui peuvent avoir des impacts d'un point de vue opérationnel. Par
exemple, la Direction départementale de l'équipement (DDE) peut informer qu'une
telle portion de route est bloquée en raison d'un accident de la route. Ainsi, le CTA avertira
les pompiers. La communication est quasiment constante entre toutes les plateformes.
Environ 90% des appels sont échangés entre les pompiers et le SAMU. En Gendarmerie,
75% des appels sont traités comme des situations d'urgence et ont un impact sur les
autres systèmes. Une intervention semble intéressée parfois un unique acteur mais en
implique en réalité de nombreux, de manière directe ou indirecte. Dans l'Indre, il y a
environ 45000 appels du 17 par an. Il y a des périodes très longues où il n'y a pas d'appels
et parfois de grands taux de pressions avec cent cinquante appels en une demi-heure. Il
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
9
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
y a une grande variabilité et pour armer les centres opérationnels, dans la Gendarmerie
nationale il y a deux effectifs : le chef de quart et l'opérateur de quart. Ce binôme agit
sous des permanences de 12 heures et en nuit il y a une alternance entre la personne qui
se propose et celle qui est en poste. Tous les centres opérationnels ont la possibilité
d'armer des postes supplémentaires si une situation le nécessite.
La première mission de l'opérateur de quart est d'être au service de l'appelant : de
l'appel non pertinent à l'attaque terroriste. Même si la situation n'est pas stressante, le
temps peut permettre de rendre service à la personne. A titre d’exemple, il convient
d’aider une personne âgée à remplir une feuille d'impôts à deux heures du matin. Le
spectre est très large et parfois l'interlocuteur n'est pas la personne idoine. Cependant, il
faut recueillir les informations importantes pour les transférer à l'opérateur à côté s'il est
disponible, maintenir un échange avec l'appelant pour éviter un décrochage et appeler
l'opérateur compétant.
La seconde partie de la mission de l'opérateur de quart est un appui au commandement
opérationnel. Le CORG est le bras armé du commandement opérationnel. En tout temps,
c'est la plateforme qui gère les opérations du quotidien de l'ensemble du dispositif sur un
département. Pour cela, il y a des outils qui permettent d'augmenter l'efficacité avec des
procédures fixes pour optimiser la réponse à l'appel.
Le poste est organisé de façon à avoir des bases de données de sécurité publique qui
peuvent alimenter son dispositif : une cartographie et un registre d'appel (les partenaires
qui peuvent avoir un lien concret comme les dépanneurs). Très concrètement, l'objectif
est de savoir quel est l'interlocuteur, son problème, l'intensité de son problème et sa
localisation. Avec l'ensemble de ces éléments, il convient de déterminer l'effectif le plus
proche, son nombre, sa spécificité, et d’envisager une éventuelle gestion de blessés
supplémentaires (avec l'effet domino). C'est cet aspect d'anticipation qui permet de
toujours apporter une réponse proportionnée. Il faut être percutant et bien sonder la
personne pour effacer le côté affectif et émotif et conserver les aspects factuels.
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
10
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
La fiche de prise en compte (FPC) est l'ensemble de l'identité de la personne prise en
compte et toute la gestion. L'appel est qualifié (par exemple : une situation de rixe, de vol,
une demande de renseignements) pour obtenir des catégories et enrichir les statistiques.
Celles-ci permettront d'adapter la réponse en formant au mieux les opérateurs. Ainsi, il y
a eu des cycles sur les violences familiales pour les opérateurs avec l'objectif d'insister
exceptionnellement sur l'aspect humain.
Enfin, l'affichage modulaire optimisé permet de localiser l'ensemble des forces sur le
terrain, de localiser le nombre de forces disponibles en astreinte et de visualiser les
ressources disponibles. Elles peuvent être en dehors du territoire mais être tout de même
solliciter si la situation le nécessite. L’appui d'une force aérienne par un hélicoptère peut
être cité comme exemple. Cet outil est très bien conçu : la carte est interactive et permet
notamment dans le cadre d'attaques terroristes, de localiser des lieux clés à proximité
comme des écoles.
L'opérateur est contraint de passer du temps opérationnel avec des acteurs sur le terrain
et inversement pour les acteurs du terrain. L'objectif est de comprendre le métier des uns
et des autres. L’opérateur doit avoir une connaissance du terrain développée et
notamment des changements de situation : des réseaux routiers ou des différents
partenaires.
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
11
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
Le débat sur le 112
FIGURE 1 ORGANISATION DES NUMEROS D'URGENCE AU SEIN DE L'UNION EUROPEENNE4
La carte représente comment le 112 est appliqué dans l'Union européenne. Douze pays
ont un numéro unique, le 112, pour l'ensemble des acteurs comprenant les urgences
médicales, les pompiers et les polices avec des pays précurseurs comme les Pays-Bas et
le Royaume-Uni, inspiré du modèle américain avec le 911. Des pays, comme l'Allemagne,
ont un numéro commun avec les appels d'urgences médicales et les pompiers. Ce sont
des modèles en cours de transition. Cependant, c’est une grande étape car cela concerne
environ 80% des appels d'urgence et de secours. En parallèle de la problématique de la
panne des numéros d'urgence, il y a souvent des freins de culture française (guerre de
clochers) de proximité du pouvoir. Le centre opérationnel est un lieu de pouvoir et l'idée
de détacher ce centre de pouvoir de l'entité où se trouve le centre d'appel est difficile à
intégrer et à mettre en place. Il convient de déterminer où sera localisé cette plateforme
4 http://www.urgences-113.fr/marcus/Rapport_MARCUS3.pdf
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
12
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
unique : auprès de la Gendarmerie nationale, de la Police nationale, des pompiers ou peut
être encore du SAMU. Il y a également une problématique de langage entre les différentes
institutions et d’une vision globalisée sur des situations où coexistent différents
Ministères. En France, le débat est essentiellement cristallisé entre le SAMU et les Services
départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Il ne faut pas les stigmatiser car il y a
certains départements qui ont déjà des conventions où il y a des coopérations et des
plateformes uniques entre le 15 et le 18.
Panne des numéros d’urgence et de secours
Du point de vue de la gestion de la crise, l'opérateur Orange a tardé dans la
compréhension pleine et entière des effets du dysfonctionnement malgré leur obligation
contractuelle d'avoir une solution de secours. La montée en puissance du dispositif de
crise d'Orange a été très lente par rapport au niveau de criticité des numéros d'urgence.
Il n'y avait pas de dispositif national, ce qui n'est pas la faute de l'opérateur Orange mais
celle des entités françaises et la mission du Secrétariat général de la défense et de la
sécurité nationale (SGDSN). De plus, est constaté l'incapacité d'Orange à jouer un rôle
de conseil dans l’appréhension technique de la crise auprès des autorités publiques. Ces
dernières avaient monté, suite à l'absence de dispositif, une cellule de crise
interministérielle au niveau du Ministère de l'Intérieur. Cela représente des enjeux
importants car il n'a pas pu être déterminé le « champ des dégâts » mais il y a eu quatre
décès à la suite de cette panne, et la continuité du service public n’a pas pu être assurée.
Or, cette notion est déterminante et importante pour des numéros et des entités comme
celles des numéros d'urgence et de secours.
Situation actuelle systémique
D'initiative, il y a eu des plateformes, des centres départementaux d'appels d'urgences,
en partenariat entre le 15 et le 18, en rajoutant parfois le 112. Il ne faut pas perdre de
vue que le 112 est, selon le département, rattaché à une entité. Elles sont efficaces et
opérationnelles avec une mise en commun d’une réponse, d'une culture et d’un langage
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
13
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
communs. Il n'y a pas de guerre entre les CODIS et les ambulances privées. En effet, il y a
des départements où le SAMU a une forme d'autorité de pouvoir sur les ambulances
privées et, selon la situation, préfère les envoyer. Il y a des départements où ce sont les
CTA, avec le CODIS qui ont cette autorité de pouvoir. Ainsi, les véhicules de secours et
d'assistance aux victimes (VSAV) fonctionnent davantage.
L'autre étape qui est importante : les attentats de Paris en 2015. La Plateforme des appels
d'urgence de la Préfecture de Police de Paris s'est construite après cet évènement, qui a
été marquant pour tous les opérateurs. Ils ont été sous un afflux d'appels chaotiques,
dont les situations n'avaient pas été appréhendées lors des formations. Tous les centres
ont été saturés. Dans ce type de situation, l'opérateur souhaite à tout prix vérifier
l'information, pas par manque de confiance, mais car il gère un dispositif et qui
dimensionne celui-ci. Ainsi, il ne peut pas tout seul, sur un appel unique, si la situation est
décrite comme impactant plusieurs personnes, des dizaines et des centaines, enclencher
un dispositif d'ampleur. Il n’en a pas la possibilité. Ont été mis en évidence la
communication, notamment la nécessité d’une communication interservices. La
plateforme fonctionne très bien car elle est issue d'une volonté du Préfet de Police de
Paris. Il a, sous son autorité, des acteurs de la sécurité intérieure sur la zone de la
Préfecture de Police. Très facilement, il a pu réunir le 17 et le 18 car il agit avec des acteurs
sous son autorité. Néanmoins, il convient de souligner l'absence du 15. Pour comprendre
cette situation-là, le Ministère de l'Intérieur avait commandé un rapport MARCUS qui
cherche à optimiser et à comprendre comment construire la solution de demain, ce
modèle unique avec le numéro 112. L'objectif est de déterminer le cadre organisationnel,
et les auteurs compétents.
De plus, comme le relate une affiche disposée sur de nombreux véhicules de pompiers,
tous les trois jours, un pompier est agressé par quelqu'un qu'il secourt. C'est une autre
forme de crise qu'il est important de prendre en compte dans la construction de la
plateforme unique. Les sapeurs-pompiers et le SAMU doivent pouvoir intervenir en toute
sécurité. Pour exemple, en 2018, un appel a été reçu par la brigade des sapeurs-pompiers
de Paris sur Villeneuve Saint Georges. Une personne serait tombée et auraient des
complications, des fractures et des contusions potentielles. Sur les lieux, la personne est
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
14
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
prise en charge, mais un sapeur-pompier pénètre seul dans le domicile de ladite
personne. Cependant, il ignorait qu’elle était connue défavorablement des forces de
l'ordre comme potentiellement schizophrène pouvant s'en prendre à des autorités avec
notamment des armes blanches. Malheureusement, c'est ce qu’il s'est passé, le sapeur-
pompier a reçu plusieurs coups de couteau et est décédé de ses blessures. C'est
typiquement le genre d'information qui pourrait être communiqué par un appel entrant
victime qui passe par une intelligence artificielle dans un système. Ce système pourrait
soulever une notion de danger et envoyer préventivement une patrouille pour
accompagner ces acteurs.
Projet de la plateforme départementale de la gestion des appels
d’urgence et de secours
Actuellement en France, chaque service dans son département dispose d'une plateforme.
Le taux des interventions est en constate hausse pour tous les corps de métier. Il y a
également une hausse des agressions des intervenants, notamment des pompiers.
L'objectif de ce projet est d'apporter une mutualisation des services avec une plateforme
unique des départements pour augmenter l'efficacité opérationnelle. Pour éviter qu'il y
ait des freins de chefs, cette salle serait située dans une Préfecture départementale et
pourrait ressembler à un Centre opérationnel départemental (COD). Cette salle serait
mise en place en temps de paix et ne serait pas restreinte aux temps dégradés. Elle
comprendrait le SAMU, les pompiers, les forces de l'ordre, avec les différents opérateurs,
dont un responsable qui peut être appelé en cas de tensions au sein d'un des dispositifs,
avec une table potentielle pour se réunir si l'intervention nécessite une approche
mitoyenne. Chaque acteur avait en face de lui son propre écran métier pour ne pas
interférer avec les autres. Désormais, l'écran partagé serait la possibilité via une
intelligence artificielle ou via une carte interactive, d'indiquer aux autres partenaires,
l'ensemble des interventions en cours.
L'objectif est d'apporter une sécurité intérieure mais globalisée où l'ensemble des
partenaires est aligné sur le même spectre. De plus, si le département a une spécificité,
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
15
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
comme la gestion aérienne, ou la gestion des détresses en zone maritime, cet acteur
s'agglomèrera à cette plateforme départementale.
Conclusion
L'objectif est de réfléchir pour apporter une solution avec une finalité opérationnelle et
répondre aux difficultés notamment de langage. Pour exemple, la notion de victime n'est
pas la même pour les forces de l'ordre d'une part et les pompiers et le SAMU d'autre part.
Il faut aligner un langage sémantique des urgences et des secours identiques au moins
aux acteurs de la sécurité intérieure. De plus, la France accueillera des évènements
majeurs à court terme : en 2023 la Coupe du monde de rugby et en 2024 les Jeux
olympiques de Paris. L'ensemble des acteurs doivent se préparer pour ne pas subir une
crise majeure. Enfin, il faut conjuguer l'ensemble des initiatives du numéro unique, de la
plateforme unique, qui fonctionnent très bien concrètement, avec une réelle
augmentation de l'efficacité opérationnelle pour construire le modèle de la gestion des
appels d'urgence et de secours de demain.
Pour conclure, il convient de partager une citation de Patrick LAGADEC « les crises de
demain sont souvent le refus des questions d’aujourd’hui ».
Échange : Questions / réponses / Remarques
Delphine ISENBART - Responsable du Comité Sécurité Intérieure (CSI) :
« Sur l’expérimentation en elle-même (...), pour toi est-ce qu'une expérimentation de deux
ans ça suffit, et quelles sont les conditions qui doivent être réunies, selon toi, pour qu'une
expérimentation permette un déploiement efficace ? »
Tanguy BORNET – Responsable adjoint, Secrétaire général du (CSI) :
« L'expérimentation est un peu déjà faite. Il y a l'expérience des plateformes entre le 15
et le 18 qui a déjà été effectuée. Il a été mis en exergue les points qui fonctionnent et ceux
qui ne fonctionnent pas. Les centres ont pu résoudre les différentes difficultés en
[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France
16
LES
PUBL
ICA
TIO
NS
DES
JEU
NES
IHED
N
apportant une réponse idoine. La Plateforme d'appels d'urgence (PFAU) est en
progression constante également. Le 18, le 17 et le 112 sont nommés pour ces
plateformes avec des relations de nature différentes.
En effet, il y a moins de communications de par la nature des appels entre ces deux
entités. Ainsi, les freins ont déjà pu être constatés.
Le réel enjeu serait le langage unique entre ces acteurs. À titre d'exemple, dans le langage
militaire, les notions de « conforter », et « consolider » peuvent paraitre techniques d'un
point opérationnel. Le champ du langage doit être réduit et commun pour faciliter la
compréhension.
De plus, la formation des acteurs doit pouvoir fonder une culture inter-services, pour
assurer une sécurité intérieure globalisée. La mise en commun ne doit pas être complexe.
Pour exemple, actuellement chaque SDIS peut avoir son propre logiciel de la gestion des
appels, ce qui représente une contrainte même si NexSIS5 regroupe l'essentiel.
Au-delà de cette plateforme, cette incapacité de se dire que si un département fait face à
un flux d'appels entrants, l'intelligence de répartition des appels doit prendre en charge
l'appel pour réduire ce taux de décrochage assez élevé de 16 à 17%. En France le temps
d'attente est de 10 secondes contre 2 secondes aux Etats-Unis. Le rapport MARCUS
soulève que ce sont cependant les mêmes moyens qui sont mis en œuvre. »
5 https://ansc.interieur.gouv.fr/nexsis-18-112/