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1 La gestion des appels d’urgence et de secours en France Présenté par Tanguy BORNET et transcrit par Chloé MILOX LES PUBLICATIONS [ COMPTE-RENDU ] Publié le 12 janvier 2022 Relu par Marina ROBERT-VANIER

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La gestion des appels d’urgence et de secours en France

Présenté par Tanguy BORNET et transcrit par Chloé MILOX

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[ COMPTE-RENDU ]

Publié le 12 janvier 2022

Relu par Marina ROBERT-VANIER

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À PROPOS DE L’ARTICLE Cet article est un compte-rendu de l’évènement « Atelier nos membres ont du talent »

tenu le jeudi 22 novembre 2021 présenté par Tanguy Bornet et transcrit par Chloé Milox,

ayant comme sujet : La gestion des appels d’urgence et de secours en France.

Ce compte-rendu permet au lecteur, d’assimiler l’environnement de la gestion des appels

d’urgence et de secours en France.

À PROPOS DES AUTEURS

Tanguy BORNET

Tanguy BORNET : étudiant en Master 2 de sécurité globale et de

gestion des crises à l’Université de Technologie de Troyes, sous-

officier de réserve au sein de la Gendarmerie Nationale et

responsable adjoint du Comité Sécurité Intérieure.

Chloé MILOX

Pôle publication CSI

Étudiante en double master 2 droit pénal européen et international

à Université Bordeaux - Études européennes et internationales au

collège 2EI Bayonne. Chloé est aussi gendarme adjointe de réserve.

Ce texte n'engage que la responsabilité du(des) auteur(s). Les idées ou opinions émises ne

peuvent en aucun cas être considérées comme l'expression d'une position officielle de

l’association Les Jeunes IHEDN.

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L’écosystème des appels d’urgence et de secours en France

En France, l'écosystème est complexe. Un numéro d'urgence et de secours est un numéro

selon lequel il est possible de joindre une personne 24h sur 24, 7 jours sur 7, et auquel il

y a une situation liée à une notion de danger par rapport à une personne ou un bien. Il y

a en a 13 avec des profils très variés, dont certains numéros sont inconnus du grand

public. Ceci pose des questions quant à leur efficacité. A titre d’exemple, le 112 est une

belle promesse à l’échelle de l’Union européenne (UE). Il correspond à un numéro unique

d’urgence accessible aux Etats membres de l’UE. Il ne convient pas de mettre en évidence

une solution qui serait meilleure, mais simplement de se questionner sur le modèle actuel

de la gestion des appels en France.

Le numéro 15 correspond au SAMU, avec un centre de régulation très proche du 18. Il

couvre toutes les urgences vitales. Le numéro 17 est commun à la Police nationale et à la

Gendarmerie nationale, avec deux systèmes très différents, aux problématiques diverses.

Le 17 gère les appels de manière très localisée au sein d'une unité urbaine, avec un

commissariat qui répartit son rôle d’une part, et la Gendarmerie nationale qui gère au

niveau de l'échelon départemental en coordonnant plusieurs unités d’autre part. Ces

deux missions sont très différentes. Le numéro 18 renvoie au Service Départemental

d’Incendie et de Secours (SDIS) et plus précisément, au Centre de traitement des appels

(CTA), qui est rattaché étroitement avec le Centre opérationnel départemental d’incendie

et de secours (CODIS). Le CTA traite les appels, et dès que cela nécessite une coordination

de moyens dans la mise en place de la manœuvre du dispositif sur le terrain, liée à

l'ampleur de la situation, le CODIS coordonne toutes ses forces. Le CTA a la particularité,

dans son organisation, d’avoir toutes ses petites salles en un même lieu : le CTA, le CODIS

et une salle de débordements. Cette salle œuvre dans le cadre d'une situation où le CTA

ne peut plus faire face à l'afflux des appels.

Le 112 est le numéro d'urgence européen. En France, chaque département a son propre

mode de fonctionnement : le Centre de régulation du SAMU peut être désigné pour

prendre en charge le numéro 112. Par exemple, l'Indre confie ce rôle à la Gendarmerie

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nationale. La réponse est plurielle, ce qui provoque une source de complexité. Le 114 est

le numéro accessible aux personnes sourdes et malentendantes. Pour l'urgence sociale,

les sans-abris ou les personnes en détresse psychologique, il y a le SAMU social avec le

numéro 115. Le numéro 119 traite des urgences relatives aux enfants en danger. Le

numéro 191 est chargé des urgences aéronautiques qui concernent tous les aéronefs qui

survolent le territoire national, et qui sont en situation de détresse. La base centrale est

localisée à Lyon. Cette base est militaire car elle est gérée par l'armée de l'air et de

l'espace. D’autres bases de zone existent en France. Leur rôle est de porter secours et de

coordonner les différents acteurs, dans une zone de crash avec un aéronef par exemple.

Les vols commerciaux sont pris en charge par des plateformes précises des compagnies,

car elles ont une obligation d'apporter une réponse adaptée en cas de crise. Le numéro

196 est relatif aux secours en mer ou aux abords. Ces appels d’urgence sont gérés par le

Centre régional de secours et de sauvetage (CROSS) par zones également. Leur rôle est

de s'assurer de la bonne circulation des différents bâtiments, navires, sur les zones

maritimes françaises et venir en détresse aux différents navires, bateaux et également

aux personnes naufragées avec des problématiques très différentes. Actuellement, la

problématique majeure est celle des flux migratoires par voie maritime. Le 197 est le

numéro d'alerte attentat et d'alerte enlèvement.

Le 3117 est le numéro d'urgence et de suspicion dans les transports en commun, qui est

mis en œuvre essentiellement au niveau régional sous l'autorité de la Préfecture de

Police. Ces numéros sont également joignables par SMS, et comme les appels, ils sont

généralement retransmis à la Police nationale ou à la Gendarmerie nationale. Le numéro

3624 qui permet de bénéficier des services d’SOS médecin, a moins une notion d'urgence

mais plus de consultations à domicile, ou de passerelles avant l'usage d'ambulances

privées, de pompiers, ou du SAMU. Le numéro 3919 traite des violences familiales. Enfin,

le numéro 116000 est chargé des disparitions d'enfants inquiétantes.

Les Ministères de tutelle sont différents : le Ministère des solidarités et de la santé pour

le SAMU, le Ministère de l'Intérieur pour les pompiers et les forces de sécurité intérieure,

le Ministère de la transition écologique pour les urgences en mer et enfin le Ministère des

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armées pour les urgences aéronautiques. Par l'écosystème et la construction du modèle

français, la volonté de servir est la même mais éclatée en différents Ministères qui doivent

collaborer malgré des différences culturelles.

Les chiffres

Les tableaux ci-dessous permettent de représenter les appels d’urgence, ainsi que les

effectifs.

Services Nombre d’appels

entrants 2018

Nombre d’appels

décrochés 2018

Taux d’appels non

décrochés

SAMU 29 075 874 25 309 417 12,9%

SIS 23 377 763 18 797 321 16%

Gendarmerie

Nationale

10 965 879 8 946 012 16%

Police Nationale 11 636 055 8 322 585 28%

TOTAL 74 055 571 61 375 335 17%

TABLEAU 1 TABLEAU DES APPELS PASSES AUX CENTRES D'URGENCE1

Services Nombre de CAU Effectifs

SAMU 101 2 493 (non médicaux)

667 (médecins)

SIS 99 2 500

Gendarmerie Nationale 100 1 441

Police Nationale 160 800

TOTAL 460 7 901

TABLEAU 2 TABLEAU DES EFFECTIFS EN CENTRE D'APPEL2

En France, il y a eu environ 74 millions d'appels entrés en 2018, et 61 millions d'appels

décrochés ce qui correspond à 17% d'appels non décrochés. L'important est de

comprendre pourquoi ces appels sont non décrochés. Les appels du SAMU et de CIS sont

1 http://www.urgences-113.fr/marcus/Rapport_MARCUS3.pdf 2 http://www.urgences-113.fr/marcus/Rapport_MARCUS3.pdf

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au nombre de 52 millions, ce qui représente l'essentiel des appels. Il y a 20 millions

d'appels destinés aux forces de l'ordre.

Il y a un centre d'appel d'urgence par département pour le SAMU, le CIS, et la Gendarmerie

nationale. Cette caractéristique se justifie par leur organisation qui est rationalisée, et qui

suit le modèle de décentralisation de l’administration française. La Police nationale a plus

de centres d'appels. En général, l'Hôtel de Police gère les appels pour plusieurs petits

commissariats rattachés dans sa zone. Dans les grandes agglomérations, où il y a

plusieurs Hôtels de Police, de nombreux centres d'appels d'urgence coexistent. Le

nombre d'effectif est très variable d'une identité à l'autre. Il y a une bonne répartition

entre le SAMU et le CIS ce qui est justifié par la nature et la quantité des appels. De plus,

les pompiers ont tous une obligation d'avoir fait ses preuves sur le terrain avant de

travailler au sein des centres d'appels d'urgence. Pour le SAMU, cette mission est confiée

à des médecins et des régulateurs qui ont suivi une formation spécifique. Ces derniers,

au nombre de 2500, collaborent étroitement avec les médecins. Quant à la Gendarmerie

nationale, il y a une volonté d'engager du personnel qui a déjà fait du terrain avant de

travailler au sein du Centre Opérationnel et de Renseignement de la Gendarmerie (CORG).

Ils doivent également suivre une formation de deux à trois semaines avec des cas très

pratiques et des études. L'objectif est d'augmenter cette capacité à faire face au stress et

à répondre très concrètement et rapidement à une situation d'urgence. Dans la Police

nationale, il y a moins de personnels, ce qui pose des difficultés en interne quand il y a

une montée en puissance des flux entrants. Pour la même quantité d'appels entre la

Police nationale et la Gendarmerie nationale, il y a un delta de 600 effectifs à temps pleins.

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La dynamique des appels

TABLEAU 3 CINEMATIQUE DE L'APPEL3

La dynamique des appels correspond à toutes les explications qu’il faut prendre en

compte pour améliorer le temps de réponse et réduire le taux de décrochage.

Dans un premier temps, il y a le temps initial avec l'appel initié qui correspond à l’appel

de la personne en détresse.

Ensuite, le t0 représente, une fois que l'appel est reçu par les plateformes d'Orange, la

phase où le numéro est transmis, en fonction du positionnement géographique, au

Centres opérationnel compétent. D'un point de vue complexité, au sein des frontières

entre la zone Gendarmerie et la zone Police, il faut pouvoir déterminer à cinq mètres près,

si l’appel doit être transmis à la Gendarmerie nationale ou à la Police nationale. Cette

proximité n'est pas toujours présente, donc l'appel doit être transféré, et le temps est

augmenté. Ainsi, le mauvais interlocuteur, avec les appels non entrants et la perte de

réseau directement représentent des facteurs de perturbations.

3 http://www.urgences-113.fr/marcus/Rapport_MARCUS3.pdf

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Dans un troisième temps, il y a le temps entre l'appel entrant et l'appel qui est traité avec

une communication (la musique d'attente ou le guide vocal). Durant ce laps de temps, le

seuil d'abandon est à dix secondes. Si l’appelant n’a pas d'interlocuteur durant cette

période, l'appel est en général abandonné. Au-delà de ce temps, il y a une perte

d'efficacité de la communication de la situation de l'appelant à l'opérateur. En effet, la

personne ne se sent pas considérée, et dans un contexte de stress, elle oublie des

éléments de détails qui sont essentiels pour la suite de la gestion de l'appel. C’est pendant

cette phase, qu’il faut concentrer les efforts. Le numéro unique serait une solution.

Enfin, pendant le temps de durée de communication, l'opérateur pose des questions

types à l'appelant, selon les situations données et les corps de métiers, qui suivent un

schéma spécifique pour apporter une décision. Dans une situation où il y a un flux

d'appels entrants importants, l'opérateur consacre environ une minute à la personne.

Cette personne a souvent envie de s'exprimer mais en face l'opérateur doit pouvoir

apporter une réponse très rapidement. Par conséquent, il est très directif afin de pouvoir

dimensionner son dispositif.

La mission de l’opérateur

Le CORG est un Centre d'opération car il gère les appels et il est également un centre de

renseignement car parfois il y a des partenaires qui remontent des informations d'un

point de vue local et qui peuvent avoir des impacts d'un point de vue opérationnel. Par

exemple, la Direction départementale de l'équipement (DDE) peut informer qu'une

telle portion de route est bloquée en raison d'un accident de la route. Ainsi, le CTA avertira

les pompiers. La communication est quasiment constante entre toutes les plateformes.

Environ 90% des appels sont échangés entre les pompiers et le SAMU. En Gendarmerie,

75% des appels sont traités comme des situations d'urgence et ont un impact sur les

autres systèmes. Une intervention semble intéressée parfois un unique acteur mais en

implique en réalité de nombreux, de manière directe ou indirecte. Dans l'Indre, il y a

environ 45000 appels du 17 par an. Il y a des périodes très longues où il n'y a pas d'appels

et parfois de grands taux de pressions avec cent cinquante appels en une demi-heure. Il

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y a une grande variabilité et pour armer les centres opérationnels, dans la Gendarmerie

nationale il y a deux effectifs : le chef de quart et l'opérateur de quart. Ce binôme agit

sous des permanences de 12 heures et en nuit il y a une alternance entre la personne qui

se propose et celle qui est en poste. Tous les centres opérationnels ont la possibilité

d'armer des postes supplémentaires si une situation le nécessite.

La première mission de l'opérateur de quart est d'être au service de l'appelant : de

l'appel non pertinent à l'attaque terroriste. Même si la situation n'est pas stressante, le

temps peut permettre de rendre service à la personne. A titre d’exemple, il convient

d’aider une personne âgée à remplir une feuille d'impôts à deux heures du matin. Le

spectre est très large et parfois l'interlocuteur n'est pas la personne idoine. Cependant, il

faut recueillir les informations importantes pour les transférer à l'opérateur à côté s'il est

disponible, maintenir un échange avec l'appelant pour éviter un décrochage et appeler

l'opérateur compétant.

La seconde partie de la mission de l'opérateur de quart est un appui au commandement

opérationnel. Le CORG est le bras armé du commandement opérationnel. En tout temps,

c'est la plateforme qui gère les opérations du quotidien de l'ensemble du dispositif sur un

département. Pour cela, il y a des outils qui permettent d'augmenter l'efficacité avec des

procédures fixes pour optimiser la réponse à l'appel.

Le poste est organisé de façon à avoir des bases de données de sécurité publique qui

peuvent alimenter son dispositif : une cartographie et un registre d'appel (les partenaires

qui peuvent avoir un lien concret comme les dépanneurs). Très concrètement, l'objectif

est de savoir quel est l'interlocuteur, son problème, l'intensité de son problème et sa

localisation. Avec l'ensemble de ces éléments, il convient de déterminer l'effectif le plus

proche, son nombre, sa spécificité, et d’envisager une éventuelle gestion de blessés

supplémentaires (avec l'effet domino). C'est cet aspect d'anticipation qui permet de

toujours apporter une réponse proportionnée. Il faut être percutant et bien sonder la

personne pour effacer le côté affectif et émotif et conserver les aspects factuels.

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La fiche de prise en compte (FPC) est l'ensemble de l'identité de la personne prise en

compte et toute la gestion. L'appel est qualifié (par exemple : une situation de rixe, de vol,

une demande de renseignements) pour obtenir des catégories et enrichir les statistiques.

Celles-ci permettront d'adapter la réponse en formant au mieux les opérateurs. Ainsi, il y

a eu des cycles sur les violences familiales pour les opérateurs avec l'objectif d'insister

exceptionnellement sur l'aspect humain.

Enfin, l'affichage modulaire optimisé permet de localiser l'ensemble des forces sur le

terrain, de localiser le nombre de forces disponibles en astreinte et de visualiser les

ressources disponibles. Elles peuvent être en dehors du territoire mais être tout de même

solliciter si la situation le nécessite. L’appui d'une force aérienne par un hélicoptère peut

être cité comme exemple. Cet outil est très bien conçu : la carte est interactive et permet

notamment dans le cadre d'attaques terroristes, de localiser des lieux clés à proximité

comme des écoles.

L'opérateur est contraint de passer du temps opérationnel avec des acteurs sur le terrain

et inversement pour les acteurs du terrain. L'objectif est de comprendre le métier des uns

et des autres. L’opérateur doit avoir une connaissance du terrain développée et

notamment des changements de situation : des réseaux routiers ou des différents

partenaires.

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Le débat sur le 112

FIGURE 1 ORGANISATION DES NUMEROS D'URGENCE AU SEIN DE L'UNION EUROPEENNE4

La carte représente comment le 112 est appliqué dans l'Union européenne. Douze pays

ont un numéro unique, le 112, pour l'ensemble des acteurs comprenant les urgences

médicales, les pompiers et les polices avec des pays précurseurs comme les Pays-Bas et

le Royaume-Uni, inspiré du modèle américain avec le 911. Des pays, comme l'Allemagne,

ont un numéro commun avec les appels d'urgences médicales et les pompiers. Ce sont

des modèles en cours de transition. Cependant, c’est une grande étape car cela concerne

environ 80% des appels d'urgence et de secours. En parallèle de la problématique de la

panne des numéros d'urgence, il y a souvent des freins de culture française (guerre de

clochers) de proximité du pouvoir. Le centre opérationnel est un lieu de pouvoir et l'idée

de détacher ce centre de pouvoir de l'entité où se trouve le centre d'appel est difficile à

intégrer et à mettre en place. Il convient de déterminer où sera localisé cette plateforme

4 http://www.urgences-113.fr/marcus/Rapport_MARCUS3.pdf

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unique : auprès de la Gendarmerie nationale, de la Police nationale, des pompiers ou peut

être encore du SAMU. Il y a également une problématique de langage entre les différentes

institutions et d’une vision globalisée sur des situations où coexistent différents

Ministères. En France, le débat est essentiellement cristallisé entre le SAMU et les Services

départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Il ne faut pas les stigmatiser car il y a

certains départements qui ont déjà des conventions où il y a des coopérations et des

plateformes uniques entre le 15 et le 18.

Panne des numéros d’urgence et de secours

Du point de vue de la gestion de la crise, l'opérateur Orange a tardé dans la

compréhension pleine et entière des effets du dysfonctionnement malgré leur obligation

contractuelle d'avoir une solution de secours. La montée en puissance du dispositif de

crise d'Orange a été très lente par rapport au niveau de criticité des numéros d'urgence.

Il n'y avait pas de dispositif national, ce qui n'est pas la faute de l'opérateur Orange mais

celle des entités françaises et la mission du Secrétariat général de la défense et de la

sécurité nationale (SGDSN). De plus, est constaté l'incapacité d'Orange à jouer un rôle

de conseil dans l’appréhension technique de la crise auprès des autorités publiques. Ces

dernières avaient monté, suite à l'absence de dispositif, une cellule de crise

interministérielle au niveau du Ministère de l'Intérieur. Cela représente des enjeux

importants car il n'a pas pu être déterminé le « champ des dégâts » mais il y a eu quatre

décès à la suite de cette panne, et la continuité du service public n’a pas pu être assurée.

Or, cette notion est déterminante et importante pour des numéros et des entités comme

celles des numéros d'urgence et de secours.

Situation actuelle systémique

D'initiative, il y a eu des plateformes, des centres départementaux d'appels d'urgences,

en partenariat entre le 15 et le 18, en rajoutant parfois le 112. Il ne faut pas perdre de

vue que le 112 est, selon le département, rattaché à une entité. Elles sont efficaces et

opérationnelles avec une mise en commun d’une réponse, d'une culture et d’un langage

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communs. Il n'y a pas de guerre entre les CODIS et les ambulances privées. En effet, il y a

des départements où le SAMU a une forme d'autorité de pouvoir sur les ambulances

privées et, selon la situation, préfère les envoyer. Il y a des départements où ce sont les

CTA, avec le CODIS qui ont cette autorité de pouvoir. Ainsi, les véhicules de secours et

d'assistance aux victimes (VSAV) fonctionnent davantage.

L'autre étape qui est importante : les attentats de Paris en 2015. La Plateforme des appels

d'urgence de la Préfecture de Police de Paris s'est construite après cet évènement, qui a

été marquant pour tous les opérateurs. Ils ont été sous un afflux d'appels chaotiques,

dont les situations n'avaient pas été appréhendées lors des formations. Tous les centres

ont été saturés. Dans ce type de situation, l'opérateur souhaite à tout prix vérifier

l'information, pas par manque de confiance, mais car il gère un dispositif et qui

dimensionne celui-ci. Ainsi, il ne peut pas tout seul, sur un appel unique, si la situation est

décrite comme impactant plusieurs personnes, des dizaines et des centaines, enclencher

un dispositif d'ampleur. Il n’en a pas la possibilité. Ont été mis en évidence la

communication, notamment la nécessité d’une communication interservices. La

plateforme fonctionne très bien car elle est issue d'une volonté du Préfet de Police de

Paris. Il a, sous son autorité, des acteurs de la sécurité intérieure sur la zone de la

Préfecture de Police. Très facilement, il a pu réunir le 17 et le 18 car il agit avec des acteurs

sous son autorité. Néanmoins, il convient de souligner l'absence du 15. Pour comprendre

cette situation-là, le Ministère de l'Intérieur avait commandé un rapport MARCUS qui

cherche à optimiser et à comprendre comment construire la solution de demain, ce

modèle unique avec le numéro 112. L'objectif est de déterminer le cadre organisationnel,

et les auteurs compétents.

De plus, comme le relate une affiche disposée sur de nombreux véhicules de pompiers,

tous les trois jours, un pompier est agressé par quelqu'un qu'il secourt. C'est une autre

forme de crise qu'il est important de prendre en compte dans la construction de la

plateforme unique. Les sapeurs-pompiers et le SAMU doivent pouvoir intervenir en toute

sécurité. Pour exemple, en 2018, un appel a été reçu par la brigade des sapeurs-pompiers

de Paris sur Villeneuve Saint Georges. Une personne serait tombée et auraient des

complications, des fractures et des contusions potentielles. Sur les lieux, la personne est

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prise en charge, mais un sapeur-pompier pénètre seul dans le domicile de ladite

personne. Cependant, il ignorait qu’elle était connue défavorablement des forces de

l'ordre comme potentiellement schizophrène pouvant s'en prendre à des autorités avec

notamment des armes blanches. Malheureusement, c'est ce qu’il s'est passé, le sapeur-

pompier a reçu plusieurs coups de couteau et est décédé de ses blessures. C'est

typiquement le genre d'information qui pourrait être communiqué par un appel entrant

victime qui passe par une intelligence artificielle dans un système. Ce système pourrait

soulever une notion de danger et envoyer préventivement une patrouille pour

accompagner ces acteurs.

Projet de la plateforme départementale de la gestion des appels

d’urgence et de secours

Actuellement en France, chaque service dans son département dispose d'une plateforme.

Le taux des interventions est en constate hausse pour tous les corps de métier. Il y a

également une hausse des agressions des intervenants, notamment des pompiers.

L'objectif de ce projet est d'apporter une mutualisation des services avec une plateforme

unique des départements pour augmenter l'efficacité opérationnelle. Pour éviter qu'il y

ait des freins de chefs, cette salle serait située dans une Préfecture départementale et

pourrait ressembler à un Centre opérationnel départemental (COD). Cette salle serait

mise en place en temps de paix et ne serait pas restreinte aux temps dégradés. Elle

comprendrait le SAMU, les pompiers, les forces de l'ordre, avec les différents opérateurs,

dont un responsable qui peut être appelé en cas de tensions au sein d'un des dispositifs,

avec une table potentielle pour se réunir si l'intervention nécessite une approche

mitoyenne. Chaque acteur avait en face de lui son propre écran métier pour ne pas

interférer avec les autres. Désormais, l'écran partagé serait la possibilité via une

intelligence artificielle ou via une carte interactive, d'indiquer aux autres partenaires,

l'ensemble des interventions en cours.

L'objectif est d'apporter une sécurité intérieure mais globalisée où l'ensemble des

partenaires est aligné sur le même spectre. De plus, si le département a une spécificité,

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comme la gestion aérienne, ou la gestion des détresses en zone maritime, cet acteur

s'agglomèrera à cette plateforme départementale.

Conclusion

L'objectif est de réfléchir pour apporter une solution avec une finalité opérationnelle et

répondre aux difficultés notamment de langage. Pour exemple, la notion de victime n'est

pas la même pour les forces de l'ordre d'une part et les pompiers et le SAMU d'autre part.

Il faut aligner un langage sémantique des urgences et des secours identiques au moins

aux acteurs de la sécurité intérieure. De plus, la France accueillera des évènements

majeurs à court terme : en 2023 la Coupe du monde de rugby et en 2024 les Jeux

olympiques de Paris. L'ensemble des acteurs doivent se préparer pour ne pas subir une

crise majeure. Enfin, il faut conjuguer l'ensemble des initiatives du numéro unique, de la

plateforme unique, qui fonctionnent très bien concrètement, avec une réelle

augmentation de l'efficacité opérationnelle pour construire le modèle de la gestion des

appels d'urgence et de secours de demain.

Pour conclure, il convient de partager une citation de Patrick LAGADEC « les crises de

demain sont souvent le refus des questions d’aujourd’hui ».

Échange : Questions / réponses / Remarques

Delphine ISENBART - Responsable du Comité Sécurité Intérieure (CSI) :

« Sur l’expérimentation en elle-même (...), pour toi est-ce qu'une expérimentation de deux

ans ça suffit, et quelles sont les conditions qui doivent être réunies, selon toi, pour qu'une

expérimentation permette un déploiement efficace ? »

Tanguy BORNET – Responsable adjoint, Secrétaire général du (CSI) :

« L'expérimentation est un peu déjà faite. Il y a l'expérience des plateformes entre le 15

et le 18 qui a déjà été effectuée. Il a été mis en exergue les points qui fonctionnent et ceux

qui ne fonctionnent pas. Les centres ont pu résoudre les différentes difficultés en

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[Compte-Rendu] La gestion des appels d’urgence et de secours en France

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apportant une réponse idoine. La Plateforme d'appels d'urgence (PFAU) est en

progression constante également. Le 18, le 17 et le 112 sont nommés pour ces

plateformes avec des relations de nature différentes.

En effet, il y a moins de communications de par la nature des appels entre ces deux

entités. Ainsi, les freins ont déjà pu être constatés.

Le réel enjeu serait le langage unique entre ces acteurs. À titre d'exemple, dans le langage

militaire, les notions de « conforter », et « consolider » peuvent paraitre techniques d'un

point opérationnel. Le champ du langage doit être réduit et commun pour faciliter la

compréhension.

De plus, la formation des acteurs doit pouvoir fonder une culture inter-services, pour

assurer une sécurité intérieure globalisée. La mise en commun ne doit pas être complexe.

Pour exemple, actuellement chaque SDIS peut avoir son propre logiciel de la gestion des

appels, ce qui représente une contrainte même si NexSIS5 regroupe l'essentiel.

Au-delà de cette plateforme, cette incapacité de se dire que si un département fait face à

un flux d'appels entrants, l'intelligence de répartition des appels doit prendre en charge

l'appel pour réduire ce taux de décrochage assez élevé de 16 à 17%. En France le temps

d'attente est de 10 secondes contre 2 secondes aux Etats-Unis. Le rapport MARCUS

soulève que ce sont cependant les mêmes moyens qui sont mis en œuvre. »

5 https://ansc.interieur.gouv.fr/nexsis-18-112/

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