Magazine Croix-Rouge, Croissant-Rouge, No. 2 - 2013 : Balayer la poliomyélite de la face du monde

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  • 7/29/2019 Magazine Croix-Rouge, Croissant-Rouge, No. 2 - 2013 : Balayer la poliomylite de la face du monde

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    Visites domicileDes volontaires frappent aux portes pour vaincre la maladie

    Combattre la stigmatisationUn danger mortel pour les personnes malades ou vulnrables

    Toujours dans la course 150 ansLe Mouvement clbre 150 ans daction humanitaire

    Balayer lapoliomylite

    de la facedu monde

    La

    goutteultime

    L E M A G A Z I N E D U M O U V E M E N T I N T E R N A T I O N A L

    D E L A C R O I X - R O U G E E T D U C R O I S S A N T - R O U G E

    N U M R O 2 . 2 0 1 3

    CroixRouge CroissantRouge

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    Le Mouvement international de la Croix-Rouge

    et du Croissant-Rouge comprend trois composantes:

    le Comit international de la Croix-Rouge (CICR), la Fdration

    internationale des Socits de la Croix-Rouge et du

    Croissant-Rouge (FICR) et les Socits nationales.

    Organisation impartiale, neutre et indpendante,

    le Comit international de la Croix-Rouge

    (CICR) a la mission exclusivement humanitaire

    de protger la vie et la dignit des victimes de

    conflits arms et dautres situations de violence,et de leur porter assistance. Le CICR sefforce

    galement de prvenir la souffrance par la

    promotion et le renforcement du droit et des

    principes humanitaires universels. Cr en 1863,

    le CICR est lorigine des Conventions de Genve

    et du Mouvement international de la Croix-Rouge

    et du Croissant-Rouge, dont il dirige et coordonne

    les activits internationales dans les conflits

    arms et les autres situations de violence.

    La Fdration internationale des Socits

    de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

    (FICR) est le plus vaste rseau humanitaire de

    volontaires au monde. Il touche chaque anne,

    travers ses 187 Socits nationales, 150 millionsde personnes. Ensemble, nous uvrons avant,

    pendant et aprs les catastrophes et les urgences

    sanitaires pour rpondre aux besoins et amliorer

    les conditions dexistence des personnes

    vulnrables. La FICR agit de faon impartiale,

    sans distinction de nationalit, de race, de sexe,

    de croyances religieuses, de classe ou dopinion

    politique. Guide par la Stratgie 2020 son plan

    daction collectif pour relever les grands dfis

    de la dcennie en matire daide humanitaire et

    de dveloppement , la FICR est dtermine

    sauver des vies et changer les mentalits.

    Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

    est guid par sept Principes fondamentaux :

    humanit, impartialit, neutralit, indpendance, volontariat, unit et universalit.

    Toutes les activits de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge poursuivent le mme objectif :

    aider ceux qui souffrent, sans discrimination aucune, et contribuer ainsi la paix dans le monde.

    CICR

    Fdration internationale des Socitsde la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

    Les Socits nationales de la Croix-Rouge et

    du Croissant-Rouge mettent en application les

    buts et les principes du Mouvement international

    de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans

    188 pays. Elles y assument le rle dauxiliairesdes pouvoirs publics pour tout ce qui concerne

    lhumanitaire et y conduisent des activits dans

    des domaines tels que les secours en cas de

    catastrophe, les services de sant et lassistance

    sociale. En temps de guerre, elles fournissent

    une assistance la population civile affecte et

    apportent leur soutien aux services de sant de

    larme, le cas chant.

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    Tribune libre

    N U M R O 2 . 2 0 1 3 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | 1

    Porte porte, goutte goutte : btirla confance et balayer la poliomylite

    LES VOLONTAIRES qui, deux par deux,se rendent de maison en maison dansdes zones isoles de lAghanistan avecleur vaccin antipoliomylitique ont en

    gnral deux impratis lesprit : protger les

    enants de moins de 5 ans contre une maladie

    mortelle et invalidante et prserver leur propre

    scurit. Voici deux mois, un jeune agent de

    sant a perdu la vie dans des changes de tirs,

    pendant quil efectuait prcisment ce type

    de visite. Un autre volontaire de la lutte contre

    la poliomylite, g de 19 ans, a t tu alors

    quil quittait une zone de troubles, sa tche

    quotidienne accomplie.

    Ces jeunes gens ont perdu la vie alors quils

    participaient une campagne neutre et im-

    partiale destine sauver des centaines de

    milliers denants. LInitiative dradication

    de la poliomylite en Aghanistan a dem-ble proclam clairement sa volont de de-

    meurer neutre et impartiale; elle nappuie

    aucune action politique et ne choisit pas un

    camp contre lautre dans le conit. Le pro-

    gramme ne vise quune chose : les enants,

    o quils se trouvent et quelle que soit leur

    origine.

    Le programme a pour objets dinciter les

    communauts participer, de raliser des ac-

    tivits essentielles et datteindre des objectis

    prdnis. Les rsultats sont l : entre janvier

    et mai 2013, deux cas peine de poliomylite

    ont t dclars, contre 80 en 2011.

    Ce succs repose en partie sur lintroduction

    de mthodes novatrices qui associent la vac-

    cination dautres mesures de sant, comme

    la distribution de comprims vermiuges pa-

    ralllement limmunisation. L o les com-

    munauts sont loignes des tablissements

    de sant et dpourvues de moyens de trans-

    port, des centres de sant communautairesont t ouverts pour rpondre aux besoins,

    en proposant entre autres le vaccin antipo-

    liomylitique oral.

    Ces mesures ont permis de renorcer la

    conance, ladhsion et lacceptation du vac-

    cin parmi les communauts les plus dshri-

    tes et les plus vulnrables. Le rseau tendu

    de systmes de surveillance mis en place pour

    dtecter et analyser les cas de poliomylite

    a aussi t intgr au suivi dautres maladies

    transmissibles. La capacit nouvelle daccder

    des zones jusque-l hors datteinte laissera

    un acquis permettant dintgrer des onctions

    essentielles de lradication dautres pro-grammes de sant publique en cours.

    Lest de lAghanistan demeure une rgion

    problmatique; si elle ne constitue plus, de-

    puis un certain temps, une zone de transmis-

    sion de la maladie, des cas de poliomylite

    sauvage y sont rapparus dans des sites inac-

    cessibles, o il reste quelques enants non

    vaccins. Mme si leur nombre est trs rduit,

    ils restent exposs au virus. En pareil cas, les

    ans et les dirigeants religieux sont les per-

    sonnes qui ont lautorit ncessaire pour

    permettre aux agents de sant de toucher

    les agglomrations et les enants di ciles

    atteindre. Ce sont les personnes cls dans la

    lutte contre la maladie.

    Pour persuader ces acteurs essentiels, nous

    avons besoin dun point dentre : des

    acteurs qui ont des relations et des racines

    dans ces communauts. Cest ici que le

    Croissant-Rouge aghan a un rle crucial

    jouer. Avec son rseau tendu dans 33 pro-vinces, le Croissant-Rouge mne des activi-

    ts grce 47 centres xes et 17 quipes de

    sant itinrantes, en rpondant tout parti-

    culirement aux besoins des personnes vul-

    nrables dans les zones touches par des

    situations durgence.

    Avec leur prsence sur le terrain et leur neu-

    tralit politique, les 20 000 volontaires du

    Croissant-Rouge aghan peuvent jouer un

    rle des plus concrets : vacciner les enants,

    surveiller le bon droulement des cam-

    pagnes et susciter la demande chez les pa-

    rents dans les rgions les plus dangereuseset inaccessibles. Leur rputation en matire

    dactivits communautaires permet desp-

    rer un engagement encore plus acti de la

    Socit nationale. La cl du maintien de llan

    acquis et de lradication de cette maladie

    invalidante et atale est entre leurs mains.

    Notre exprience en Aghanistan montre que

    mme dans un milieu extrmement hostile

    (terrain accident, manque dinrastructures,

    isolement des communauts, pauvret et

    zones dinscurit), un efort concert long

    terme peut permettre dliminer, ou peu

    sen aut, une maladie qui tait hier encore

    un au mortel rpandu. Lobjecti nest pas

    encore atteint, mais je suis persuade que

    les stratgies novatrices destines crer la

    conance sur le terrain et amliorer dura-

    blement la sant communautaire nous per-

    mettront de relguer la poliomylite au rang

    des aux du pass, en Aghanistan et dans

    le monde entier.

    Suraya Dalil

    Ministre de la Sant publique

    Rpublique islamique dAghanistan

    La cl de lradication de

    cette maladie invalidante

    et fatale est entre les mains

    des 20 000 volontaires du

    Croissant-Rouge afghan.Ph

    oto

    :REUTERS/DenisBalibouse

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    Le Mouvement visen AghanistanDeux vnements rcents en

    Aghanistan montrent combien les

    agents de sant et de secours restent

    exposs de graves prils danslexercice de leurs tches dans ce pays

    ravag par la guerre.

    Le 16 avril, deux employs du

    Croissant-Rouge aghan ont t

    tus et deux autres blesss dans une

    attaque sur la route dans le district

    de Khanaqa, au nord du pays, alors

    quils se rendaient Shiberghan

    avec leur dispensaire mobile du

    Croissant-Rouge, clairement marqu

    de lemblme.

    Sayeed Hazarat, agent de

    vaccination de 32 ans, et MohammadNajibullah, le chaufeur g de 45 ans,

    apportaient une assistance mdicale

    aux personnes vivant dans des zones

    isoles, sans accs aux soins.

    Six semaines plus tard, le 29 mai, un

    employ du CICR, Abdul Bashir Khan,

    trouvait la mort dans une attaque

    contre les bureaux du CICR Jalalabad.

    Trois autres collaborateurs ont t

    blesss. Abdul Bashir Khan avait 50 ans

    et tait pre de huit enants; il travaillait

    pour le CICR comme garde Jalalabad

    depuis 2002.

    Lattaque tait la premire de cetype contre le CICR dans le pays.

    Nous condamnons cette attaque

    avec la plus grande ermet, a

    dclar Jacques de Maio, che des

    oprations du CICR pour lAsie du

    Sud.

    La FICR plaide pourlaccs aux soinsSelon lOrganisation mondiale de la

    Sant, prs dun milliard de personnes

    nont toujours pas accs aux services

    de sant dont ils ont besoin parcequils ne sont pas disponibles ou

    pas abordables. Lors de la

    66e Assemble mondiale de la sant,

    en mai 2013, la FICR a appel les

    gouvernements, le secteur priv

    et ses partenaires de la socit

    civile collaborer pour nancer et

    promouvoir le volontariat titre

    de partie intgrante des soins de

    sant universels. Selon la FICR,

    les volontaires jouent un rle

    essentiel en jetant un pont entre

    les communauts et les services

    de sant, en particulier pour les

    populations di ciles daccs et

    insu samment desservies. Si

    la responsabilit premire de la

    couverture universelle des soins de

    sant incombe aux gouvernements,

    les volontaires peuvent intervenir

    lorsque les systmes de sant

    manquent des inrastructures ou

    du personnel adapts.

    Les soins de santsous le euNon moins de 921 attaques ont t

    diriges directement contre des

    personnels de sant, des structures

    mdicales ou des malades et des

    blesss en 2012, selon un rapport

    rcent, Violent Incidents Afecting

    Health Care, publi par le CICR

    dans le cadre de sa campagne

    Les soins de sant en danger.

    Ces attaques taient au cur des

    dbats Toluca (Mexique), o la

    Croix-Rouge mexicaine, le CICR etdes reprsentants de 19 Socits

    nationales ainsi que dautres

    prestataires de services dambulance

    ont appel au renorcement de

    la protection et du respect du

    personnel charg des interventions

    durgence. La protection de la

    mission mdicale ne peut tre

    assure par la seule communaut

    des soins de sant. Cest aux

    gouvernements, aux acteurs

    dinuence et la socit civile

    quen incombe au premier che la

    responsabilit, a dclar Karl Mattli,

    che de la dlgation rgionale du

    CICR pour le Mexique, lAmrique

    centrale et Cuba.

    Moulin de lespoir enRpublique de CoreLa Croix-Rouge de la Rpublique

    de Core a lanc un nouveau

    programme, Moulin de lespoir,

    an damliorer la qualit de vie

    des jeunes en s ituation di cile,

    des personnes ges, des amilles

    multiculturelles et des migrants,

    dans quatre secteurs : moyens

    dexistence, sant, logement et

    ducation. Lun des objectis est

    dassocier 30 000 volontaires de la

    Croix-Rouge des membres de ces

    groupes vulnrables dici 2016,

    pour aider plus e cacement les

    personnes dans le besoin.

    La Socit nationale a ainsi

    ouvert deux centres mdicaux

    dans ses hpitaux Soul et

    Incheon, en insistant sur les soins

    spcialiss et lappui nancier aux

    personnes vulnrables. Les amillesmulticulturelles et les migrants ont

    souvent du mal recevoir des soins,

    pour des raisons linguistiques et

    conomiques.

    LEurope centrale inondeLes Socits nationales dEurope

    centrale ont ragi aux inondations

    parmi les plus graves depuis

    des dcennies causes par les

    pluies diluviennes dans la rgion.

    Dix personnes au moins sont

    dcdes en Rpublique tchque

    et des milliers de personnes ont t

    vacues dans ce pays, mais aussi

    en Autriche et dans le sud-est delAllemagne, o leau a endommag

    les inrastructures et gravement

    perturb des services essentiels et

    les transports.

    2 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | N U M R O 2 . 2 0 1 3

    chosSauver une vie, voir le sourire

    dun enfant, a donne de

    lnergie pour des mois.

    Mohammed, volontaire du CroissantRougearabe syrien, cit dans le New York Times du3 juin 2013

    3 : Nombre de pays considrs

    endmiques pour la poliomylite

    en 2013 (Aghanistan, Nigria et

    Pakistan), contre plus de 125 en 1988,

    quand ut lance lInitiative mondiale

    pour lradication de la poliomylite.

    57 : Nombre de pays tombs sous

    le seul critique de 2,3 mdecins,

    inrmires et sages-emmes pour

    1000 habitants gnralement jug

    ncessaire pour assurer un niveau

    acceptable de couverture

    de services de sant essentiels.

    223 : Nombre de cas de poliovirus

    sauvage signals dans le monde

    entier en 2012, contre 350 000 en

    1988, grce lInitiative mondiale

    pour lradication de la poliomylite.

    800 : Nombre de emmes quimeurent chaque jour pour des

    raisons lies la grossesse et

    laccouchement, principalement

    cause dun manque daccs des

    soins de sant appropris.

    1250 : Nombre darbres plants par

    des jeunes dans le cadre dun projet

    de la Croix-Rouge de Sri Lanka et par

    des coliers de 130 coles de tout

    le pays titre de sensibilisation aux

    changements climatiques.

    700 000 : Nombre de personnes

    dans les villes de Gao, Kidal, Mopti et

    Tombouctou et dans leurs environs,

    au Mali, qui ont reu des vivres et

    autres biens de premire ncessit

    de la part du CICR et de la Croix-

    Rouge malienne en 2012.

    1,12 million : Nombre danimaux

    soigns grce au programme du CICR

    pour la vaccination du btail en 2012.

    1 milliard : Nombre de personnes

    sans accs des mdicaments

    essentiels dans le monde.

    Sources : Organisation mondiale de la S ant, FICR, CICR.

    Indice humanitaire

    Le Bangladesh ace lefondrement dun immeubleLorsquun btiment de huit tages abritant de nombreuses abriques de

    textiles sest efondr Savar, banlieue industrielle de la capitale Dacca,

    au mois davril, plus de 3000 personnes travaillaient lintrieur.

    Les volontaires et le personnel du Croissant-Rouge du Bangladesh,

    accourus immdiatement, ont dress un camp de premiers secours pour

    soigner les blesss. Les volontaires ont travaill aux cts dautres secouristes

    pour sauver les personnes ensevelies sous des amas dacier, de er et de bton.

    Tout au long de lopration, 205 volontaires orms de la Socit nationale

    ont travaill 24 heures sur 24 en deux quipes. Tandis que certains cherchaient

    les survivants, dautres ournissaient les premiers secours, runissaient desamilles ou prtaient main-orte pour la gestion des dpouilles.

    Photo

    :REUTERS/Khurshed

    Rinku

    En bref...

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    26. Lhumanit ondatrice

    24. Une neutralit radicale

    N U M R O 2 . 2 0 1 3 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | 3

    En couverture 4La goutte ultimeLe monde a une occasion sans prcdent dradiquer

    la poliomylite. Les eforts coordonns desgouvernements et des organisations internationales,avec les milliards de dollars daide promis, pourraientassurer le plus grand triomphe de sant publiquedepuis lradication de la variole. Ces efort s su rontils ace aux parents qui reusent de vacciner leursenants ou dans des pays ravags par la guerre, auxinrastructures ananties ?

    pidmie 10Visites domicileComment les volontaires de la CroixRouge de lIndeapportent des soins personnels et individualiss aux

    malades victimes la ois dun mal pernicieux et dela rprobation sociale qui laccompagne.

    Focus 14Quand lopprobre tueLopprobre peut prendre bien des ormes. Partoutdans le monde, le Mouvement de la CroixRouge etdu CroissantRouge combat lexclusion, parois pardes campagnes publiques, parois avec discrtion,dans les chambres dhpital ou les cellules de prison.

    Conflit 18Sables mouvants

    Avec lvolution du conit dans le nord du Mali,le CICR a d tofer ses oprations et sadapter des ralits nouvelles.

    Rfugis 20Des htes inattendusCraignant de regagner leur oyer, les personnes dplacesdu nord du Mali trouvent reuge dans les communautsdu sud. Leurs htes assument un lourd ardeau, alors queleur situation nest souvent gure meilleure.

    4. La goutte ultime

    10. Visites domicile

    22. Lhumanit avant tout

    Les Principes fondamentaux 22Lhumanit avant toutUne employe des services mdicaux durgence de la

    CroixRouge libanaise dcrit le d quotidien duneassistance neutre et impartiale dans un pays touchpar les chos de la guerre qui ait rage de lautre ctde la rontire.

    Une neutralit radicale 24Des paroles ortes et des images parlantes quiillustrent la ois les consquences dvastatricesdun conit dont les civils sont les premires victimeset lapplication courageuse de la neutralit, delimpartialit et de lhumanit par les volontaires duCroissantRouge arabe syrien.

    Lhumanit ondatrice 26 lheure o le Mouvement clbre son150e anniversaire, voici un regard, par les motset par limage, sur la aon dont sont perus, depar le monde, lhumanit et dautres Principesondamentaux.

    150 ans daction humanitaire 28Enfn, jy suis !Des images des maniestations 150 ans et toujoursdans la course qui ont marqu, dans le monde entier,un sicle et demi dhistoire du Mouvement.

    Supports dinformation 29Les dernires publications et vidos du Mouvement.

    Couverture: Les personnes les plus vulnrables la poliomylitesont les enants de moins de 5 ans. Sur cette image, des agents de

    sant administrent le vaccin antipoliomylitique oral un enantdans un village prs dAbuja, la capitale du Nigria.Photo : Heather Murdock/FICR. Photos sur cette page, de haut en bas : Heather

    Murdock/FICR; Stephen Ryan/FICR; CroixRouge libanaise; Andrea Bruce/

    NOOR; Chantal Lebrat.

    SommaireNUMRO 2 . 2013 . www.redcross.int

    Veuillez adresser vos articles, demandes de renseignementset toute correspondance :

    Croix-Rouge, Croissant-RougeCase po stale 372, CH1211 Genve 19, Suisse.Courrie r lectronique : [email protected] n ISBN 10199349

    Rdacteur en cheMalcolm Lucard

    Secrtaire de rdactionPaul Lemerise

    dition ranaiseDominique Leveill

    MaquetteBaseline Arts Ltd., Oxord (RoyaumeUni)

    Mise en pagesNew Internationalist, Oxord (RoyaumeUni)

    ImpressionSur papier exempt de chlore par IRL Plus SA, Lausanne (Suisse)

    Comit de rdactionCICR FICRDorothea Krimitsas Andy ChannelleSophie Orr Susie ChippendaleFlorian Westphal Pierre Kremer

    Nous remercions chaleureusement les chercheurs et le personnel dappuidu CICR, de la FICR et des Socits nationales pour leur concours.

    Croix-Rouge, Croissant-Rouge parat trois ois par an, en languesanglaise, arabe, chinoise, espagnole, ranaise et russe. Il est tir plus de 70 000 exemplaires et difus dans 188 pays.

    Les opinions exprimes nengagent que les auteurs des articles et neretent pas ncessairement lopinion du Mouvement internationalde la CroixRouge et du CroissantRouge. Les articles non sollicitssont les bienvenus, mais ne seront pas renvoys.

    La rdaction se rserve le droit de rcrire tous les articles. Les articles et lesphotographies non soumis au droit dauteur peuvent tre reproduits sansautorisation pralable; prire de citer Croix-Rouge, Croissant-Rouge.

    Les cartes publies dans ce magazine ont une valeur strictementinormative et sont dnues de toute signication politique.

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    4 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | N U M R O 2 . 2 0 1 3

    1908 Identifcation du

    poliovirus

    Deux mdecins annoncent

    Vienne que la poliomylite

    est cause par un virus.

    1910 Dcouverte des anticorps

    Des chercheurs identient chez le

    singe et lhomme des substances

    1905 Dcouverte de

    la nature contagieuse

    de la poliomylite

    Les chercheurs dcouvrent aussi

    que la maladie peut tre p rsente

    chez des personnes qui nesoufrent pas dune orme grave.

    EN OUVRANT SA PORTE, dans son village prs

    dAbuja, la capitale du Nigria, en ce jour de mai

    2013, Hopset Mohammad ne stonne gure de

    trouver sur son seuil un groupe dagents de vaccination

    antipoliomylitique. Ce nest pas leur premire visite;

    elle est toute prte les renvoyer une nouvelle ois.

    Jai cinq enants, leur annonce-t-elle rement en

    haoussa, sa langue natale, et aucun dentre eux na t

    vaccin; pourtant, ils ne sont pas tombs malades.

    Lors du dernier passage des agents, Hopset a bien

    dit son mari que les gouttes de vaccin ne semblaient

    pas aire de mal aux autres enants. Mais son poux artorqu que nul ne pouvait dire ce quil en serait dans

    vingt ans, et il sest oppos la vaccination.

    Comme la poliomylite touche surtout les enants

    de moins de 5 ans, les agents de sant souhaitent sur-

    tout vacciner le benjamin. Ils coutent les explications

    de la mre, non sans surprise pour certains dentre eux.

    Dhabitude, lorsque les parents reusent la vaccination,

    cest parce quils ont entendu dire quelle va immdia-

    tement nuire aux enants.

    Contrari par le reus de Hopset, Rilwanu Moham-

    med, secrtaire excuti du conseil rgional de soins de

    sant et lun des agents, lui demande le numro de t-

    lphone de son mari, et lappelle grce son tlphone

    portable pour le convaincre. Ses collgues examinent

    les doigts des jeunes enants passant par l; ceux qui

    ont t vaccins au cours de la semaine coule portent

    une marque indlbile sur un ongle.

    Le pre na jamais t vaccin, annonce Rilwanu

    Mohammed. Le petit est vulnrable, il aut le vacciner.

    Ce risque a beau tre aible par rapport des maladies

    mortelles plus courantes comme la dysenterie, le palu-

    disme ou la rougeole, explique-t-il, la poliomylite peut

    tre totalement prvenue. Elle peut aussi se rpandre

    comme une trane de poudre; un seul cas peut provo-

    quer une fambe dans la rgion.

    Le sprint fnalLa plupart des gens acceptent la vaccination, mais cet

    change sur le seuil de la maison de Hopset Moham-

    mad est un bon exemple des di cults auxquelles se

    heurtent les agents de sant, partout dans le monde,

    dans la phase nale de lradication de la poliomylite.

    Pour atteindre une immunit collective dans des

    zones exposes cette maladie mortelle et invalidante,

    le vaccin doit tre administr au moins 90 % des en-

    ants, dans des communauts o lhygine est souvent

    daillante, o laccs aux soins de sant est limit, et

    o mdecine et vaccins se heurtent rquemment

    une hostilit proondment ancre.

    Pour toucher le cinquime enant comme

    disent parois les proessionnels pour dsigner les 20 %

    rsiduels denants vivant dans des zones distantes

    I Les premiers signes

    Cette stle gyptienne du XIVe sicle

    av. J.C. montre un prtre avec une

    canne et une dormation du pied

    caractristique de la poliomylite.

    lre moderne, les premirespidmies sont alimentes par

    lessor urbain aprs la rvolution

    industrielle.

    Les agents de sant la rment : il est dsormais possible devaincre la poliomylite et de remporter ainsi le plus grandtriomphe de sant publique depuis lradication de la variole.

    La goutte

    ultime

    Brvehistoirede la

    poliomylite

    Quest-ce que lapoliomylite?Cest une inection virale trs

    contagieuse qui cible surtout les

    personnes les plus ragiles : les

    enants, les emmes enceintes et les

    personnes dont le systme immu

    nitaire est afaibli. Le virus apparat

    gnralement dans lenvironnement

    par les excrments dune personne

    inecte et se rpand par leau ou

    par la nourriture contamines.

  • 7/29/2019 Magazine Croix-Rouge, Croissant-Rouge, No. 2 - 2013 : Balayer la poliomylite de la face du monde

    7/32

    N U M R O 2 . 2 0 1 3 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | 5

    qui neutralisent les anticorps de la

    poliomylite, ce qui signie quun

    vaccin pourrait stimuler

    la production danticorps an

    de combattre la maladie.

    1916 pidmie New York

    New York est touche : plus

    de 9000 malades, 2343 dcs.

    Dans le pays entier, on compte

    27 000 malades et 6000 morts.

    I 1929 Le poumon dacier

    Deux mdecins inventent

    le poumon dacier, appareildassistance respiratoire pour les

    patients atteints de poliomylite

    paralytique.

    1935 Des Socits nationales

    aident les victimes de la

    poliomylite de diverses

    manires. En NouvelleZlande,

    les sections de la CroixRouge se

    joignent aux activits du Ro taryClub et dautres organisations

    en aveur des malades.

    Photo:NationalMuseumo

    fHealthandMedicine

    ou di ciles daccs cause du manque dinrastruc-

    tures, des troubles civils ou des confits , ce type

    de communication directe est indispensable. On ne

    compte plus que trois pays o la poliomylite est en-

    core considre endmique : lAghanistan, le Nigria

    et le Pakistan. Les cas sont en gnral isols, dans des

    zones bien prcises o linscurit et la violence arme

    rendent di cile, voire prilleuse, toute action pour as-

    surer la couverture universelle.

    Cest ainsi quau Nigria, les combats dans le nord-est

    du pays relguent un grand nombre de communau-

    ts hors datteinte de presque toutes les initiatives de

    sant. Borno et Yobe, deux des trois tats o rgne ltat

    durgence, regroupent aujourdhui 69 % des cas de po-

    liomylite sauvage (causs par le poliovirus sauvage,

    par opposition au virus de souche vaccinale).

    En parallle, certains dirigeants communautaires et

    religieux connus mnent au Nigria une campagne

    active contre de nombreux vaccins, et en particulier le

    vaccin antipoliomylitique, a rmant (entre autres) que

    la vaccination ait partie dune conspiration trangre

    pour striliser les jeunes emmes.

    Au Nigria et au Pakistan, les attaques directes

    contre les agents de sant se multiplient. En vrier,

    neu agents de sant locaux ont t abattus dans

    la ville de Kano, au nord du Nigria, alors quils pr-

    Les essais de vaccin

    provoquent une catastrophe

    Une srie dessais raliss sur

    10 000 enants aux tatsUnis

    cause une catastrophe : plusieurs

    enants meurent, de nombreuxautres sont paralyss, tombent

    malades ou soufrent de ractions

    allergiques.

    LLa poliomylite rappe souventles enants et ses efets invalidantspeuvent marquer leur vie toutentire. Les jeunes qui grandissentdans des condit ions dj di cilessont exposs une existencede misre et dpreuves dues la paralysie. Ici, trois jeunespoliomylitiques attendentune sance de thrapie dans un

    tablissement de lorganisationStandProud Kinshasa,la capitale de la Rpubliquedmocratique du Congo. Photo :REUTERS/Finbarr OReilly

  • 7/29/2019 Magazine Croix-Rouge, Croissant-Rouge, No. 2 - 2013 : Balayer la poliomylite de la face du monde

    8/32

    paraient des vaccinations contre la poliomylite. Au

    Pakistan, une vingtaine de personnes ont perdu la vie

    depuis le mois de juillet 2012 dans plusieurs attaques

    contre des quipes de vaccination.

    Le paradoxe de la poliomyliteIl y a pourtant des motis despoir, malgr ces aits

    tragiques. Depuis le lancement, en 1988, de lInitia-

    tive mondiale pour lradication de la poliomylite, lenombre de cas a chut de plus de 99 %. On comptait

    encore quelque 350 000 cas par an lpoque, alors

    quils ntaient plus que 223 signals en 2012. Dans le

    mme temps, le nombre de pays o la maladie est end-

    mique a pass de 125 3. Aucun cas na t signal dans

    lhmisphre occidental depuis vingt ans; lEurope a t

    dclare indemne de poliomylite en 2002.

    Et pourtant, lradication nest toujours pas au ren-

    dez-vous. Des chances et des jalons essentiels ont

    t manqus; la volont politique sest mousse. Cer-

    tains sinterrogent : pourquoi concentrer les eforts sur

    lradication dune maladie qui touche relativement

    peu de personnes par rapport dautres grands aux

    mortels comme le VIH, la tuberculose, le paludisme et

    la dengue ?

    Cest entre 2000 et 2010, une priode rustrante

    durant laquelle le nombre de cas de poliomylite est

    rest stable 1000 par an environ , que les par-

    tenaires dans lradication de la maladie ont retenu

    des leons essentielles sur cette maladie, explique

    le docteur Bruce Aylward, sous-directeur gnral de

    lOrganisation mondiale de la Sant (OMS) charg de

    la poliomylite, des situations durgence et de la col-laboration avec les pays.

    Ces enseignements ont conduit, au cours des annes

    rcentes, des progrs importants qui ont relanc les

    eforts mondiaux pour lradication de la poliomylite.

    Nous sommes un tournant, assure-t-il. Le niveau de

    volont politique et le soutien des donateurs sont sans

    prcdent.

    Plusieurs vnements dterminants se sont produits

    depuis 2009. Une amlioration de la comprhension et

    du suivi de la difusion de la maladie, la cration dun

    comit de suivi indpendant qui contraint lOMS et les

    gouvernements rendre compte de leur action, lenga-

    gement croissant de la Fondation Bill et Melinda Gates,

    la proclamation de la poliomylite comme urgence

    programmatique pour la sant mondiale par lAssem-

    ble mondiale de la Sant, et des avances notables

    concernant les vaccins oraux contre la poliomylite.

    En parallle, les eforts dradication sur le terrain

    donnent aussi des raisons desprer. Ainsi, lAghanis-

    tan a russi (avec laide du Croissant-Rouge aghan)

    rduire ortement le nombre de cas de poliomylite

    grce des dispensaires mobiles et permanents et aux

    journes nationales de vaccination.

    LInde est un autre exemple parlant. Lefort gigan-

    tesque ralis en Inde, avec des centaines de milliers

    dagents de vaccination aisant du porte--porte, a eu

    un cho dans le monde entier, assure Bruce Aylward.

    Puis [en 2011], lInde a interrompu la transmission de la

    poliomylite. Ce ut un vnement de grande porte :

    chacun a alors compris que la tche tait possible...

    alors que nombreux taient ceux qui pensaient quelInde ny parviendrait jamais.

    Llan na cess, depuis, de sampliier. Au mois

    davril, des dirigeants du monde entier taient runis

    Abou Dhabi, avec des donateurs, loccasion du Som-

    met mondial sur les vaccins, pour approuver un plan

    de six ans, dot de 5,5 milliards de dollars .-U., qui vise

    lradication de la poliomylite dici 2018. Les dona-

    teurs se sont dj engags couvrir les trois quarts du

    montant prvu; la Fondation Bill et Melinda Gates a

    ainsi promis 1,8 milliard de dollars. Bill Gates sest joint

    dautres protagonistes dont la FICR pour ap-

    peler dautres donateurs couvrir la somme restante

    (1,5 milliard de dollars). Michael Bloomberg, magnat de

    la presse et maire de New York, sest engag depuis

    hauteur de 100 millions de dollars.

    6 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | N U M R O 2 . 2 0 1 3

    1949 Identifcation de trois

    types de poliovirus

    1952 Flambes de poliomylite

    57 628 cas sont signals aux

    tatsUnis, dont plus de 21 000 casde poliomylite paralytique. La

    CroixRouge amricaine secourt les

    victimes dans divers hpitaux et

    1955 Annonce des rsultats

    Les essais montrent que le vaccin

    a une ef cacit de 80 9 0 %. Il est

    largement distribu et utilis.

    1957 Test dun vaccin oralau Congo belge

    Le pays (lactuelle Rpublique

    dmocratique du Congo) entre

    Avec un peu

    daide, je pourrais

    retourner lcole et

    cesser de mendier.

    Oumar Mahmoud,

    poliomylitique g de 20 ans,

    qui mendie en se dplaant

    sur une planche roulettes de

    sa abrication dans un march

    bond Abuja (Nigria)

    LDans les zones de conit, laneutralit et limpartialit duMouvement sont des atouts cls.Le CroissantRouge aghan, par

    exemple, pratique rgulirementla vaccination dans descommunauts dchires par laguerre. Le CICR joue aussi un rleen acilitant laccs aux agents desant. Photo : FICR

    Photo:AFPImageFo

    rum

    centres communautaires.

    I 1954 Essais de vaccin

    grande chelle aux tats-Unis

    Plus de 1,3 million denants y

    participent. Cicontre, un enantest vaccin tandis quil regarde le

    concepteur du vaccin, Jonas Salk,

    vacciner un enant la tlvision.

  • 7/29/2019 Magazine Croix-Rouge, Croissant-Rouge, No. 2 - 2013 : Balayer la poliomylite de la face du monde

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    N U M R O 2 . 2 0 1 3 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | 7

    ensuite dans une priode de

    troubles politiques et sociaux,

    ce qui complique le suivi des

    personnes vaccines. Aprs une

    pidmie en Hongrie, la Ligue

    des Socits de la CroixRougelance un appel pour que la

    CroixRouge hongroise reoive

    en prt des poumons dacier et

    autres dispositis dassistance

    respiratoire.

    1962 Le rle du Mouvement

    se renforce

    Avec la multiplication descampagnes de vaccination, le rle

    des Socits nationales prend

    de limportance. La CroixRouge

    cubaine, par exemple, participe

    une campagne qui touche prs de

    1,9 million denants.

    1979 radication

    de la varioleCette maladie mortelle, qui aurait

    ait entre 300 et 500 millions de

    morts au XXe sicle, devient la

    premire maladie inectieuse

    radique grce des campagnes

    massives de vaccination.

    1985 Proclamation de

    lobjectif de lradication dansles Amriques avant 1990

    Bien que le programme mondial dradication de

    la poliomylite ne soit pas entirement nanc, lra-

    dication de la maladie est possible, en croire Carol

    Pandak, la directrice du programme PolioPlus de Ro-

    tary International, un acteur important et de longue

    date de la lutte contre la poliomylite. Il audra plus que

    de largent, cependant, pour parachever cette tche,

    prvient-elle.

    Lorsque des oprations militaires sont en cours, lescampagnes de vaccination sont di ciles, explique-t-

    elle. cela sajoutent des questions de gographie : il y

    a des communauts rurales trs isoles qui nont pour

    ainsi dire jamais bnci dinterventions sanitaires.

    Ajoutons cela qu notre poque de grande mobi-

    lit, la poliomylite voyage. Quelques semaines aprs

    le Sommet mondial sur les vaccins, deux nouvelles

    ambes se produisaient au Kenya et en Somalie, dans

    des zones do la maladie avait disparu, mais o les ni-

    veaux de vaccination taient aibles. La FICR a attribu

    la Croix-Rouge du Kenya 147 000 dollars du Fonds

    durgence pour les secours lors de catastrophes an

    de soutenir la vaccination antipoliomylitique dur-

    gence dans cinq districts (y compris dans le camp de

    rugis de Dadaab). Plus de 1000 volontaires, rpartis

    en quipes de 20, ont ait du porte--porte, visitant

    glises, mosques et centres communautaires pour

    difuser le message et prenregistrer les enants.

    Pour Siddharth Chatterjee, diplomate en che et di-

    recteur des partenariats stratgiques la FICR, cette

    raction rapide montre comment le rseau de volon-

    taires du Mouvement, ortement implant dans les

    communauts, peut rapidement toucher des collecti-vits di ciles daccs. La campagne dradication de

    la poliomylite peut aussi, selon lui, aider la FICR et les

    Socits nationales renorcer les premiers secours

    assise communautaire et les systmes de soins destins

    aux personnes les plus vulnrables.

    En nous associant cet efort, nous pouvons aussi

    renorcer la valeur des systmes de sant commu-

    nautaires et amliorer le taux de vaccination contre

    dautres maladies, ce qui amliorera ltat de sant, les

    moyens dexistence et le dveloppement humain de

    base des groupes les plus vulnrables.

    Oublier la mendicitTout comme les philanthropes denvergure mon-

    diale, les organisations de sant et les humanitaires,

    les jeunes poliomylitiques des rues dAbuja (Nigria)

    lancent aussi, une chelle bien plus modeste, des

    appels aux donateurs.

    Oumar Mahmoud, 20 ans, circule dans les alles

    bondes du march sur une planche roulettes

    conectionne par ses soins, des sandales roses aux

    mains pour les protger du contact avec le sol, tout en

    demandant laumne . Ses jambes, inertes depuis sa

    petite enance, sont replies sous son corps. Commebien dautres poliomylitiques, il na pu trouver dautre

    occupation que la mendicit. Avec un peu daide, je

    pourrais retourner lcole et cesser de mendier.

    Certaines victimes de la maladie reoivent un sou-

    tien dans des centres orthopdiques (dont certains

    administrs par le CICR dans des pays comme lAgha-

    nistan, le Pakistan et le Soudan du Sud), mais ces

    services sont loin dtre universels. Pour bien des ma-

    lades, la poliomylite est une condamnation une vie

    de pauvret, de mendicit et dpreuves.

    Lradication cote cher, mais nombreux sont ceux

    qui voquent les cas tels que celui dOumar pour mon-

    trer que le cot de la maladie, long terme, est encore

    bien plus lev. En 2010, la revue Vaccine crivait

    quen termes conomiques, lradication permettrait

    dconomiser entre 40 et 50 milliards de dollars dici

    2035, en vitant 8 millions de cas de paralysie. Et le

    jour o plus aucun cas ne sera signal, ajoute Bruce

    Aylward, ce bnce deviendra permanent.

    Dans son bureau dAbuja, Javier Barrera, qui dirige

    la dlgation de la FICR au Nigria, explique quen ce

    moment, les organisations humanitaires sont galvani-

    ses, en partie parce quun rve qui paraissait utopique un monde dlivr de la poliomylite pourrait

    maintenant tre porte de main. On sent que le but

    est proche et que nous pourrions ranchir un tournant

    dans lhistoire de laction humanitaire.

    Pourquoi la poliomylite ?Pour que ce rve se ralise, cependant, il audra redou-

    bler deforts pour convaincre la population daccepter

    la vaccination. La raison la plus courante du reus dans

    certaines communauts, explique Javier Barrera, est la

    dance lgard des agents de sant qui proposent

    un vaccin contre une maladie rare mais ne proposent

    pas daide pour des maux courants.

    On nous dit : Pourquoi insistez-vous autant sur la

    polio alors que mon enant est mort de diarrhe ? Cer-

    Lradiquer la poliomylite exigede la persvrance. Contrari parle reus de la mre dautoriser lavaccination de son fls, Rilwanu

    Mohammed, le secrtaire excutidun conseil rgional de sant duNigria, appelle le pre de lenantpour obtenir son consentement.Photo : Heather Murdock / FICR

    On nous dit :

    Pourquoi insistez-

    vous autant sur

    la polio alors que

    mon enfant est

    mort de diarrhe ?

    Certaines personnes

    sindignent. Il

    faut tenir compte

    des besoins des

    communauts.

    Javier Barrera, che de la

    dlgation de la FICR au Nigria

    1988 Lancement de lInitiative

    mondiale pour lradication

    de la poliomylite

    LInitiative appelle lradication de la

    maladie avant lan 2000. lpoque,

    la poliomylite est endmique dans125 pays, mais a dj disparu aux tats

    Unis, au RoyaumeUni, en Australie et

    dans une grande partie de lEurope.

  • 7/29/2019 Magazine Croix-Rouge, Croissant-Rouge, No. 2 - 2013 : Balayer la poliomylite de la face du monde

    10/32

    8 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | N U M R O 2 . 2 0 1 3

    taines personnes sindignent. Il aut tenir compte des

    besoins des communauts.

    Au rez-de-chausse du bureau de la Croix-Rouge du

    Nigria, les agents de sant conrment que sils avaient

    les moyens de rpondre dautres problmes de sant

    comme le paludisme, qui tue chaque anne des

    centaines de milliers de Nigrians , il leur serait plus

    acile de combattre la poliomylite.

    On peut cependant convaincre les gens daccepterla vaccination, assurent-ils, par des campagnes duca-

    tives. Les quipes antipolio sont prcdes, dans les

    agglomrations et les villages, par des volontaires de

    la Croix-Rouge du Nigria qui sy rendent avec mga-

    phones, slogans et photographies denants victimes

    de la maladie. Ce nest pas que les villageois

    soient vraiment ignorants, explique le docteur

    Alatta Ogba Uchenna, qui dirige le dpar-

    tement des soins de sant de la Socit

    nationale, mais ils ne disposent pas de

    ces inormations prcises.

    tant donn la dance prsente

    dans de nombreuses commu-

    nauts, la meilleure manire de

    procder, selon certains experts,

    serait dintgrer la vaccina-

    tion antipoliomylitique

    lexpansion et

    lamlioration de

    1994 radication

    de la poliomylite

    dans les Amriques

    2000 Le nombre de cas rduit

    de 99 %On ne compte que 719 cas en

    2000 contre 350 000 en 1988.

    2001 Lengagement de la

    CroixRouge et du Croissant

    Rouge ne faiblit pas. La FICR et

    le CroissantRouge du Pakistan,

    par exemple, uvrent avec

    leurs partenaires pour atteindrelobjectif dun Pakistan dlivr de

    la poliomylite en 2005.

    2002 radication de la

    poliomylite en Europe

    2009 La CroixRouge du

    Nigria participe des journes

    nationales de vaccination. Ellemobilise plus de 1600 volontaires

    pour vacciner 70 000 enfants dans

    22 tats haut risque.

    I 2010 Flambe en

    Rpublique du Congo

    476 cas de paralysie et 179 dcs

    sont signals. Une campagne

    de vaccination lance avec

    lassistance de la FICR touche plusde 2 millions de personnes.

    La poliomylite

    en chifres La maladie touche principalement les enfants

    de moins de 5 ans. Une infection sur 200 aboutit une paralysie

    irrversible. 5 10 % des personnes paralyses meurent

    lorsque leurs muscles respiratoires sonttouchs.

    On distingue trois types de poliovirus sauvage(types 1, 2 et 3). Le virus de type 2 na plus t

    signal depuis 1999.Source : Organisation mondiale de la Sant

    soins de sant communautaires grande chelle.

    Les campagnes dradication sont souvent des pro-

    jets ponctuels verticaux, dans lesquels les volontaires

    ou les agents de sant vont de maison en maison ou

    organisent de grandes maniestations axes exclusi-

    vement sur la poliomylite pendant un ou deux jours

    dans un village. Cette dmarche a t trs e cace dans

    certaines zones, mais les lieux o la maladie persiste

    encore exigent sans doute une dmarche difrente,suggre le docteur Terhi Heinsmki, coordonnatrice

    de sant de la FICR pour la zone Asie-Pacique, qui en-

    globe lAghanistan et le Pakistan.

    Les programmes verticaux peuvent porter des

    ruits dans un pays comme lInde, pargne par les

    conits, dit-elle. En revanche, quand des hostilits

    ont rage, ou quand les problmes de scurit ou la

    rticence des communauts nous barrent la route, une

    dmarche plus globale devient ncessaire.

    Avant toute chose, il aut gagner la conance de la

    communaut. Pour cela, il aut couter les habitants et

    soccuper des autres problmes de sant qui les proc-

    cupent; la vaccination antipoliomylitique peut alors

    tre incluse dans ces mesures.

    Dautres questions mritent rexion, selon cer-

    taines des personnes consultes pour cet article. En

    consacrant notre temps et nos ressources la tche

    coteuse dradiquer la poliomylite, plutt que de la

    contenir, nallons-nous pas manquer de moyens pour

    combattre des maladies plus meurtrires, compromet-

    tant notre impartialit et la priorit due aux personnes

    les plus vulnrables, tout cela au nom dun objecti in-

    ternational de sant publique ? Par ailleurs, les efortsdradication de la poliomylite ne pourraient-ils pas

    contribuer renorcer et tendre les systmes de sant

    locaux pour amliorer luniversalit de tous les services

    de sant pour les populations vulnrables ?

    Ces deux options ne sexcluent pas ncessaire-

    ment. Le plan stratgique de lInitiative mondiale pour

    Laccs au

    cinquime enfant :

    voil lacquis de

    la lutte antipolio

    que nous devons

    prserver.

    Bruce Aylward, sousdirecteur

    gnral de lOMS charg de la

    poliomylite, des situations

    durgence et de la collaboration

    avec les pays

    Photo

    :FICR

    1985

    1986

    1987

    1988

    1989

    1990

    1991

    1992

    1993

    1994

    1995

    1996

    1997

    1998

    1999

    Nombredecasde

    poliomylite(enmilliers)

    radication de

    la poliomylite

    de type 2

    400

    300

    200

    100

    0

  • 7/29/2019 Magazine Croix-Rouge, Croissant-Rouge, No. 2 - 2013 : Balayer la poliomylite de la face du monde

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    N U M R O 2 . 2 0 1 3 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | 9

    2011 Campagne massive

    en Inde

    La CroixRouge de lInde participe

    deux journes nationales de

    vaccination; prs de 2,5 millions

    dagents touchent 172 millionsdenants.Le pays enregistre son

    dernier cas de poliovirus sauvage.

    I 20122013 Seuls 5 pays ont

    signal des cas en 2012, contre 16

    en 2011, mais les assassinats

    cibls dagents de vaccination

    au Pakistan et au Nigria (ainsi

    que la multiplication dautresincidents violents) ont peser

    de nouvelles menaces sur les

    campagnes de vaccination.

    Mai 2013 LAssemble mondiale

    de la sant adopte un nouveau

    plan pour librer le monde de la

    poliomylite dici 2018 et lance

    un appel pressant sa mise en

    uvre et son nancement. Dansle mme temps, une nouvelle

    ambe dans la Corne de lArique

    (Somalie et Kenya) est conrme.

    lradication de la poliomylite voque la ncessit

    damliorer la sant communautaire par la vaccination

    de routine et par ldifcation de systmes durables de

    sant publique.

    Bruce Aylward, pourtant, la rme : il ne su t pas

    damliorer les services de sant et de maintenir un

    programme rgulier de vaccination. Lradication

    consiste toucher des enants auxquels personne

    dautre na accs, martle-t-il. Et nous devons mettre

    dans les mains des communauts les outils qui leur per-

    mettront de vacciner leurs enants.

    Cest ici que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge

    sont infniment prcieux, poursuit-il en voquant lim-

    plantation communautaire du rseau de volontaires du

    Mouvement.

    Bruce Aylward reconnat que la aon dont cer-

    taines campagnes ont t menes a pu, dans certainesrgions, susciter la dfance. Si les thories du com-

    plot ont pu prendre racine, il aut y voir un chec du

    programme antipoliomylitique de lOMS, dit-il, en

    ajoutant quil accepte une critique ormule rcem-

    ment par le comit de suivi indpendant de lInitiative

    mondiale pour lradication de la poliomylite : les ac-

    tivits de lOMS en matire de communication avec les

    communauts touches laissent dsirer.

    Il admet cependant aussi quil ne su t pas, une ois

    vaccin le cinquime enant contre la poliomylite,

    de tourner les talons. On ne peut pas, le programme

    termin, boucler ses valises et rentrer chez soi. Tout cela

    doit dboucher sur autre chose, a rme Bruce Aylward.

    Laccs au cinquime enant : voil lacquis de la lutte

    antipolio que nous devons prserver.

    La dernire ligne droiteAu bureau de la Croix-Rouge du Nigria Kaduna,

    Bright Charles, le coordonnateur charg de la gestion

    des situations durgence dans ltat, ajoute que les

    combats et les catastrophes naturelles psent aussilourdement sur les initiatives sanitaires. Les agents

    de sant ne peuvent pas parcourir les villages pour

    toucher les enants sous les tirs, sous les bombes ou

    pendant les inondations.

    Quand survient une catastrophe, explique-t-il, les

    tournes de vaccination sont interrompues. Les en-

    ants risquent davantage de tomber malades dans des

    camps surpeupls et sans hygine aprs avoir ui la ca-

    tastrophe. Touteois, ajoute-t-il, ces camps accueillent

    souvent des personnes venues de zones priphriques,

    et les agents de vaccination ont parois pu saisir loc-

    casion pour vacciner des enants en nombre pendant

    quils attendaient la dcrue ou la fn des combats.

    Cependant, mme dans les zones du nord du Nig-

    ria, su samment sres pour pratiquer la vaccination,

    lidologie des opposants la vaccination augmente

    aussi le nombre de amilles qui sopposent au vaccin.

    Il arrive que les habitants enerment les enants cl

    dans une pice, raconte Baupme, lun des volontaires

    qui stationne devant la maison de Hopset. Nous leur

    disons : je sais que vous avez des enants lintrieur.

    Rilwanu Mohammed vient dachever sa conversation

    tlphonique avec le mari de Hopset, et il rend comptede lchange Hopset, qui lcoute patiemment avant

    de parler son mari son tour.

    Sa permission obtenue, elle donne son accord;

    les agents entourent alors le plus jeune des enants.

    Une emme lui tient la bouche ouverte tandis que

    Baupme y ait tomber les gouttes de vaccin. Une larme

    mouille les yeux de lenant, mais ds que le got

    amer sestompe, il retrouve son calme et les adultes le

    rendent sa mre.

    Heather Murdock

    Journaliste indpendante base Abuja (Nigria).

    Sources:Collegeof

    Physicians,

    Philadelphie;

    archivesdelOMS,d

    elaFICRetduCICR.

    LLorsquune ambe depoliomylite sauvage a rapp laSomalie et le Kenya en avril 2013,plus de 1000 volontaires de laCroixRouge du Kenya se sontdploys, par quipes de 20,pour se rendre de maison enmaison ainsi que dans les glises,les mosques et les centrescommunautaires, an de difuserlargement linormation et d eprenregistrer les enants en vuede la vaccination.Photo : CroixRouge du Kenya

    Photo:REUTERS/FaisalMahmood

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    2005

    2006

    2007

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    2011

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    10 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | N U M R O 2 . 2 0 1 3

    RAM VIT DANS UN BIDONVILLE URBAIN

    dAmritsar, dans ltat du Pendjab, au nord-

    ouest de lInde. g de 24 ans, il partage avec

    ses parents, sa sur et les deux enants de celle-ci une

    pice sans entre, aux murs de brique, o sont aligns

    trois lits. Il ait 48 C dans la pice; dans un coin, un ven-

    tilateur brasse lair brlant.

    Jai attrap la tuberculose en minjectant de la

    drogue, explique Ram, qui a par la suite t diagnos-

    tiqu sropositi au VIH. En plus, je umais du tabac et

    je consommais dubhang [une drogue base de canna-

    bis]. Je me suis drogu pendant trs longtemps... Voilsix ou sept mois que jai arrt.

    Le pre de Ram a soufert lui aussi de la tuberculose

    voici quelques annes, mais il a suivi son traitement

    jusquau bout et a guri, alors que Ram na pas termin

    son premier cycle de traitement.

    Javais limpression que les mdicaments me ai-

    saient du mal, quils mafaiblissaient de jour en jour,

    dit-il. Son tat saggrava au point quun jour sa amille

    lemmena dans un hpital public pour tuberculeux.

    Aprs de nouveaux examens, Ram apprit quil tait

    porteur du VIH; les mdecins lui prescrivirent alors

    un nouveau rgime de pilules, coupl des injections

    pour combattre la ois le VIH et la tuberculose.

    De nombreuses raisons peuvent pousser les tuber-

    culeux interrompre leur traitement. Parois, ds quilscommencent se sentir mieux, ils pensent que les soins

    ne sont plus ncessaires. Pour dautres, cest cause

    des efets secondaires ou de la di cult de poursuivre

    Les volontaires de la Croix-Rouge de lInde aident

    combattre une maladie

    pernicieuse, mais aussi

    lopprobre parfois mortel

    qui laccompagne.

    Visites domicile

    l LGurpreet, volontaire de laCroixRouge de lInde, arpente lesbidonvilles dAmritsar, une villede ltat du Pendjab, pour rendrevisite des tuberculeux commeRam, qui a aussi contract le VIHen sinjectant des stupfants.Photo : Stephen Ryan/FICR

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    N U M R O 2 . 2 0 1 3 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | 11

    Gurpreet, un homme dans la trentaine, portant barbe et

    moustache bien tailles. Cest lui qui a aid Ram trou-

    ver un traitement de substitution lorsque, trop afaibli, il

    avait du mal sinjecter les mdicaments.

    Je ne pouvais plus subir de piqres, je navais plus

    que la peau sur les os, explique Ram. On ma donn

    des pilules, avec des instructions sur le moment de les

    prendre. Jai aussi reu des repas nourrissants. Gurpreet

    ma appris comment viter de transmettre la maladie.

    La plupart du temps, je porte un masque; je lenlve

    quand je suis seul.

    Ram est rle, mais rsolu vaincre sa maladie. PourGurpreet, Ram est consciencieux, il prend ses mdica-

    ments et il veut gurir. Cest assez pour mencourager

    consacrer du temps ce travail.

    les soins lorsque surviennent dautres problmes (ch-

    mage, dpendances, manque de nourriture).

    Or, interrompre le traitement est extrmement

    risqu. Si la bactrie de la tuberculose survit un

    traitement partiel, elle peut devenir rsistante aux

    mdicaments antituberculeux. Cette souche (dite

    tuberculose multirsistante) exige alors deux ans de

    traitement et les soins sont 100 ois plus coteux.

    Cest ici quinterviennent des personnes comme Gur-

    preet, lun des nombreux volontaires de la Croix-Rouge

    de lInde qui anime le programme national contre la tu-

    berculose, et lun des dix volontaires actis Amritsar.Je rends visite aux patients en principe au moins une

    ois par semaine, mais dans le cas de Ram, il arrive que je

    passe le voir deux ou trois ois en une semaine, raconte

    Lampleur du

    problme est

    colossale. Prs

    de 40 % des

    habitants de lInde

    sont porteurs de

    tuberculose latente,

    ce qui signife que

    la maladie risque

    de se dclarer si

    leur immunit

    aiblit ou sils sont

    atteints dune autre

    inection.

    S.P. Agarwal, secrtaire

    gnral de la CroixRouge

    de lInde

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    Une visite domicile avec GurpreetJe ne sais jamais lavance combien de temps va durer

    une visite, dit Gurpreet. Je commence toujours par

    prendre des nouvelles des gens avant de vrifer leurs

    fches et leurs plaquettes de pilules. Je suis l comme

    un ami; sils ont un problme, ils men parlent.

    Gurpreet est originaire dAmritsar. Faire partie de la

    communaut est utile, car les gens lui ont confance.

    Les volontaires comme lui servent de lien entre les per-sonnes risque et le systme o ciel de sant, explique

    Naresh Chawla, responsable de district pour la tubercu-

    lose du dpartement de la sant du Pendjab Amritsar.

    Si vous appelez un patient par son prnom

    lorsque vous arrivez chez lui, il se sent rassur, ex-

    plique Naresh Chawla. Ce sont des petites choses qui

    sont utiles. Cest ici que la Croix-Rouge a un avantage.

    Le patient sent quon soccupe de lui, il a lassurance

    que tout ira bien.

    Comme le dit Gurpreet, la confance est essentielle.

    Certains patients tiennent ce que nul ne sache quils

    suivent un traitement, cause de la stigmatisation

    quentrane la maladie. Si un patient est absent lors

    de ma visite, je ne peux pas demander aux voisins sils

    savent o il est ou sil reviendra bientt. Cela soulve-

    rait des questions auxquelles je ne peux pas rpondre

    sans enreindre mon devoir de confdentialit.

    Pour les cas traits par la Croix-Rouge de lInde, le

    taux de respect du traitement atteint 93 %. Cest la

    preuve que les mesures de la Croix-Rouge, comme les

    visites domicile et lorganisation du transport pour

    avoir accs aux soins et aux examens en cas de besoin,

    ont des rsultats positis.Il arrive aussi que les patients cherchent nous aire

    croire quils suivent leur traitement alors que ce nest

    pas vrai, ajoute Gurpreet. Cest surtout cause des e-

    ets secondaires. Dans ce cas, nous devons motiver le

    patient et lui aire comprendre les risques quil encourt.

    La motivation peut aiblir, donc nous devons leur parler

    rgulirement pour quils tiennent bon.

    Le secret de MahiDans le quartier, personne ne sait que jai la tuber-

    culose, dit Mahi (23 ans), une jeune flle menue et

    rserve.

    Ses proches gardent le secret car si la nouvelle se r-

    pandait, les perspectives de mariage de Mahi seraient

    rduites nant. Depuis que nous avons appris quelle

    tait malade, mon ardeau sest alourdi, explique son

    pre. Cest une flle, il aut la marier.

    Dans une socit o le mariage peut tre crucial

    pour la survie de lindividu et de la amille, lopprobre

    li la tuberculose a un cot social exorbitant : chaque

    anne, plus de 100 000 emmes sont rejetes par leur

    amille. Pour une jeune flle en ge de se marier, la tu-

    berculose peut avoir des consquences dramatiquessur ses perspectives dunion. Une emme marie peut

    se voir chasse de son oyer ou traite rudement par

    sa belle-amille.

    Cest donc dans un minuscule dispensaire du dis-

    trict de Jalandhar, dans ltat du Pendjab, que nous

    rencontrons Mahi. Sa amille ne souhaite pas de vi-

    sites domicile. Elle vient chercher ses mdicaments

    12 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | N U M R O 2 . 2 0 1 3

    Dans le Pendjab,

    nous avons trois

    grands problmes :

    la pauvret, la

    toxicomanie et le

    chmage. Pour

    nous, la tuberculose

    constitue une grave

    menace, mais pour

    une personne qui

    na rien manger,

    une seule chose

    compte : trouver

    de la nourriture.

    Prendre ses

    mdicaments ne

    deviendra une

    priorit pour

    elle que si nous

    assurons sa scurit

    alimentaire.

    Naresh Chawla, responsable

    de district pour la lutte contre

    la tuberculose, Dpartement de

    la sant du Pendjab, Amritsar

    (Inde)

    Un mal quon peut prvenir et soignerPrs de 2 millions de personnes contractent la tuberculose chaque anne en Inde. La plupart dentre elles appartiennent auxgroupes les plus davoriss. La tche est donc colossale. La CroixRouge de lInde a jou un rle modeste, mais important dans le

    programme national rvis de lutte contre la tuberculose, en ocalisant les eforts sur les mesures destines encourager le strictrespect du traitement par les patients dits de catgorie II : ceux qui, pour diverses raisons, interrompent leur traitement avant la

    gurison ou qui rechutent aprs la n du traitement.La tuberculose est lune des maladies les plus di ciles vaincre car le traitement est long (six huit mois en gnral). Mme dans des

    circonstances idales, les malades nobservent pas toujours leur traitement avec diligence. Le risque dinterruption du traitement, qui avorisele dveloppement dune orme multirsistante de la maladie, augmente pour les personnes qui luttent pour survivre jour aprs jour.

    Cest pourquoi les volontaires actis dans la communaut se rendent au domicile des patients pour veiller ce quils respectent lesinstructions. Le programme est en cours dlargissement, mais il reste relativement modeste. Au total, la CroixRouge de lInde soutient

    1180 tuberculeux dans sept tats (Bijat, Gujarat, Haryana, Karnataka, Odhisa, Pendjab et Uttar Pradesh). Il est di cile de aire plus, car leniveau individuel de soins et dattention accords par les volontaires exige ormation, patience et beaucoup de temps.

    Comme lexplique S.P. Agarwal, le secrtaire gnral de la CroixRouge de lInde, il aut absolument tendre ces activits;cest une question de moyens. Les volontaires sont enthousiastes, ils veulent travailler. Lun de nos principaux atouts, ce sont les

    personnes qui ont guri grce ce programme : nous les encourageons devenir des volontaires, et elles nous aident.

    LPour de nombreuses jeunesemmes comme Mahi, ge de23 ans, la stigmatisation associe la tuberculose peut anantir touteperspective de mariage, mmeaprs une gurison complte.ICest pourquoi la condentialitdes inormations et la discrtiondes volontaires et des agentsde sant sont essentielles. Lespatients prrent souvent serendre dans des dispensaires telsque celuici plutt que de prendrele risque de recevoir domicile desagents de sant.Photos : Stephen Ryan/FICR

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    ici chaque semaine avec son pre. Le mdecin est

    discret, les autres patients ne savent pas pour quelle

    maladie nous venons... Il sagit de lavenir de ma lle,

    explique le pre.

    La stigmatisation est un ennemi redoutable. En plus

    des campagnes menes dans les mdias par le gou-

    vernement et par dautres organisations de sant, les

    volontaires de la Croix-Rouge de lInde organisent

    des maniestations comme des spectacles de magie,du thtre de rue et des assembles communautaires

    dans des zones urbaines et suburbaines pour sensibi-

    liser la population.

    Ces eforts ont un impact indniable, a rme Naresh

    Chawla. Grce eux, les attitudes ont volu au cours

    des dix dernires annes. Pour les jeunes lles, pour-

    tant, le problme demeure. Les amilles ne veulent pas

    de soins visibles au seuil de leur maison, explique-t-il.

    Elles ne veulent pas que les botes de mdicaments qui

    portent leur nom soient amenes aux centres de trai-

    tement sous surveillance directe, o les patients sont

    N U M R O 2 . 2 0 1 3 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | 13

    suivis pour vrier quils prennent leurs mdicaments.

    Elles ne veulent pas de visite domicile du mdecin

    ou du personnel du centre, pour ne pas gcher les

    perspectives de mariage.

    Pauvret, violence et confdentialitNous avons du mal joindre les deux bouts, explique

    Varsha, qui ond en larmes en racontant son histoire.

    Ma lle a 18 ans. Elle travaille et ramne un peu

    dargent la maison pour que nous puissions manger

    et payer le loyer.

    Personne dautre, dans la amille, ne gagne de

    largent. Le ls de Varsha, qui a 21 ans, est n avec un

    seul rein et un seul poumon. Il se atigue trs vite et ne

    peut pas travailler. Son mari, qui tirait un rickshaw, est

    mort de la tuberculose. Il reusait de porter un masque

    ou de protger sa amille par dautres moyens; il a ainsi

    transmis le mal Varsha et leur lle. Si je lui disais

    quoi que ce soit, il buvait et me disputait. Il a soufertun an ou deux, puis il est mort, explique Varsha. Sa lle

    a t soigne et a guri, mais comme lexplique Varsha,

    il est beaucoup plus di cile de gurir de la tuberculose

    quand on est pauvre.

    Les mdicaments que je prends sont trs orts. Pour

    les supporter, il aut bien se nourrir. Personne [dans la

    amille] na un revenu convenable, comment pour-

    rais-je manger correctement ?

    Varsha a d en outre aire de gros eforts pour se

    protger et pour prserver sa amille de lopprobre.

    Cest lune des raisons qui rendent si essentiels la con-

    dentialit et le proessionnalisme des volontaires de la

    Croix-Rouge. Parmi les volontaires de la Croix-Rouge, il

    y a danciens patients tuberculeux, qui comprennent

    particulirement bien la ncessit de combattre les

    ides ausses et de rduire lopprobre de lentourage

    amilial et social.

    Personne dans le quartier ne savait que ma lle

    [ou moi] avions la tuberculose, dit-elle. Si quelquun

    demandait aux volontaires qui ils taient, ils rpon-

    daient quils venaient pour la compagnie dlectricit.

    Les volontaires de la Croix-Rouge ont prserv la con-

    dentialit.

    Aradhna Duggal

    Auteur et rdactrice indpendante base Genve (Suisse).

    Une lutte mene depuis 1930Pour la CroixRouge de lInde, la lutte contre la tuberculose ne date pas dhier. La Socit

    nationale combat la maladie depuis 1930, date laquelle un onds, c r pour commmorerla gurison de Sa Majest le Roi Empereur dune grave maladie, lui ut conf pour soutenir des

    campagnes dducation contre la tuberculose, comme la relat Norah Hills, la secrtaire de laSocit nationale de lpoque. La premire campagne ut mene par un comit local. Un flm

    sur la tuberculose, qui insistait sur les soins prcoces, ut aussi produit. La maladie tait trs

    rpandue en Inde en raison de la surpopulation et du manque dhygine dans les habitations.On manquait aussi gravement lpoque de place dans les sanatoriums : en 1930, on comptaitmoins de 1000 lits pour 350 millions dhabitants.

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    Focus

    La stigmatisation peut revtir bien des visages et peut souvent tuer. Dans certainesrgions, les personnes vivant avec le VIH sont victimes dune vritable exclusionsociale qui les dissuade de se aire soigner. Selon lindicateur de stigmatisationdes personnes vivant avec le VIH, 20 % des personnes sropositives interroges au

    Rwanda ont dj subi des violences physiques en raison de leur statut; le chifreatteint 25 % en Colombie. Ailleurs, les personnes qui contractent la tuberculose enprison peuvent tre victimes de discrimination plusieurs titres. leur libration,elles peuvent tre rejetes par leur amille, par des employeurs potentiels, voire pardes agents de sant, cestdire par les structures mmes qui sont censes aiderles malades respecter leur traitement et empcher la difusion de la maladie. LeMouvement de la CroixRouge et du CroissantRouge soppose la stigmatisationde diverses manires : parois haut et ort par des campagnes publiques, paroissilencieusement par des entretiens avec des dirigeants communautaires, desresponsables de prisons ou des parents de personnes malades. Ces photographies

    dpeignent certaines des manires dont l opprobre peut tuer, et comment leshumanitaires agissent pour sauver des vies en bousculant les tabous, en difusantlinormation et en combattant lexclusion.

    KStigmatis ds la naissance : Ei Ei Phyu, porteur du VIH, dort d ans un hamac suspendu dans un hospice pour sropositis et malades du sida de la banlieue de Yangon (Myanmar),o il vit avec sa mre, elle aussi porteuse du virus. cause du manque dinormation, de la stigmatisation et dautres acteurs, les personnes atteintes du VIH/sida sont souvent isoles dansdes dispensaires et coupes de la socit. Photo : REUTERS/Damir Sagolj

    Quandlopprobre

    tue

    14 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | N U M R O 2 . 2 0 1 3

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    IDans de nombreuses cultures, laconsommation de drogues par les emmesest particulirement mal vue. Ici, uneemme mdecin aghane explique ungroupe de emmes toxicomanes commentutiliser des prservatis lors dune sancedinormation au centre de rducationpour toxicomanes de Nejat, un organismenanc par les Nations Unies pour ournirdes services de rduction des risques et d esensibilisation au VIH/sida Kaboul. EnAghanistan, les opiacs sont utiliss depuislongtemps des ns mdicales, mais depuisquelques annes, leur usage rcrati est enaugmentation. Photo : REUTERS/Ahmad Masood

    JLa rprobation sociale quientoure la consommation destupants rend souvent di cilela rinsertion et un mode devie sain. Him est un ancientoxicomane; il vit maintenantdans un centre de rducation Siem Reap (Cambodge). Ce

    centre, soutenu par la CroixRougecambodgienne, ofre un appuipsychologique et des services deormation proessionnelle. Lespensionnaires peuvent suivreun apprentissage de coifeur,pratiquer le sport, la sculpture, lamusique et lartisanat.Photo : Benot MatshaCarpentier/FICR

    N U M R O 2 . 2 0 1 3 | C R O I X - R O U G E , C R O I S S A N T - R O U G E | 15

    IDans le centre de transit Don Bosco, Goma (Rpublique dmocratique duCongo), cette emme sropositive posepour une photographie pendant unemaniestation de sensibilisation au VIH/sida

    organise par le CICR en dcembre 2011.Photo : Phil Moore/CICR

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    Focus

    L Dans de nombreux pays touchs par les conits, les enants qui ont t enlevs par des groupes arms pour devenir des combattants ou des esclaves sont souvent rejets lorsquilsregagnent leur village. Cet ancien enant soldat g de 14 ans pose pour le photographe dans un centre dorientation et de transit pour enants associs des groupes arms Goma, dansle NordKivu (Rpublique dmocratique du Congo). Photo : Phil Moore/CICR

    I Dans la province du SudKivu(Rpublique dmocratique duCongo), des emmes prsentent une

    pice de thtre pour sensibiliser lepublic aux consquences du viol etdes violences sexuelles. Dans cettescne, les parents dune victimede viol seforcent de rconorterleur lle. Les victimes de violencessexuelles sont doublementvictimes, car elles sont souventrejetes par leur amille et par leurcommunaut. Des reprsentationsde ce genre aident lu tter contrela stigmatisation. Dans ce paysdArique centrale, le CICR soutientaussi plus de 40 maisons dcoute :il sagit de lieux o les emmespeuvent exprimer leur dtresse etrecevoir de laide sans craindre larprobation. Photo : Pedram Yazdi/CICR

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    LLes personnes victimes de discrimination et dexclusion sociale cause de maladies telles que leVIH/sida ont besoin, en plus de laide mdicale, de divers types dappui pour rester en bonne sant.Khuyen et son mari Do sont tous deux sropositis. Ils sont membres actis dun groupe qui ofre des

    sances dorientation aux personnes vivant avec le VIH lhpital de Hai Phong (Viet Nam). Le groupe,qui bncie de lappui nancier et technique de la CroixRouge du Viet Nam et de la CroixRougeamricaine, dispense aussi des cours de jardinage, de couture et dagriculture aux personnes vivantavec le VIH pour leur permettre de gagner de largent. Photo : Benot MatshaCarpentier/FICR

    LCombattre lexclusion et la discrimination exige du courage de la part despersonnes qui prennent publiquement la dense des victimes. Peati Malaki enest un bel exemple. Responsable du VIH au sein de la CroixRouge de Samoa,

    elle est la seule personne des Samoa avoir publiquement ait tat de sasropositivit; elle mne des campagnes de sensibilisation dans les coles et lorsde maniestations communautaires. Photo : Benot MatshaCarpentier/FICR

    K Le combat contre les prjugs et la maladie commence tt, avec des messages positis destins aux jeunes sur la prvention et le traitement du VIH. En mai 2013, les volontaires de la CroixRouge de Kiribati ont jou des pices de sensibilisation au VIH pour duquer et inormer les communauts. Photo : Benot MatshaCarpentier/FICR

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    PLUS DE SIX MOIS aprs la prise de villes et decits cls dans le nord du Mali par les orcesranaises et maliennes, de nombreuses partiesde ce pays ravag par la guerre et la scheresse ont re-

    trouv un ragile semblant de stabilit.

    Quelque 7000 soldats dune orce rgionale aricaine

    se sont joints aux soldats maliens pour combattre les

    groupes dopposition arms, tandis quune mission de

    maintien de la paix des Nations Unies devait tre d-

    ploye en juillet.

    La vie, pourtant, est loin dtre revenue la nor-

    male. Un nombre limit de personnes dplaces

    commencent regagner leurs oyers, mais elles sont

    sans ressources, et elles retrouvent parois des maisons

    pilles, explique Attaher Maga, che de la sous-dl-

    gation du CICR Gao (nord du Mali). La vie renat peu peu; certaines coles, certains marchs, sont ouverts.

    Mais les banques et de nombreuses administrations ne

    onctionnent toujours pas.

    Les rares activits conomiques tournent comme

    au ralenti, ajoute-t-il. Le pouvoir dachat des gens est

    trs aible et cela limite naturellement leur accs auxservices de base; laide humanitaire demeure donc la

    principale source de subsistance.

    La nature du conit volue, et la situation demeure

    explosive. Des chaufoures violentes clatent encore,

    les rappes ariennes se poursuivent, et des menaces

    nouvelles surgissent. Nous constatons une multiplica-

    tion des attentats suicides dans les zones urbaines et

    un recours accru aux bombes daccotement, explique

    Yasmine Praz Dessimoz, che des oprations du CICR

    pour lArique du Nord et de lOuest, qui voit merger

    un conit asymtrique, avec des oprations coup de

    poing de style gurilla.

    Tout ceci rend trs di cile la vie des habitants de-

    meurs dans le nord du Mali. En plus du manque de

    revenus, de vivres et dassainissement, les soins de

    sant de base sont toujours limits. Laccs aux soins

    est di cile car de nombreux centres de sant sont hors

    dusage, explique Attaher Maga, mais aussi cause de

    labsence de ournisseurs qualis et des distances

    parcourir. Tout ceci dans un contexte de scurit pr-

    caire qui rend prilleux tout dplacement.

    Se prparer et sadapterPour aider les personnes les plus dmunies, le CICR

    a d sadapter lvolution du conit. Paradoxale-

    ment, la situation est plus di cile quen 2012, lorsque

    Avec lvolution de la nature du confit dans le

    nord du Mali, le CICR a renorc ses oprationset sest adapt aux ralits nouvelles. Les

    immenses besoins humanitaires de la rgion

    exigeront une action durable.

    L Une jeune flle passe devantun mur cribl dimpacts de ballesaprs les combats intenses dans laville de Gao (Mali) en mars 2013.

    Photo : REUTERS/Joe PenneyIDans la municipalit deBourem, prs de Gao, dans le norddu Mali, une personne dplacereoit des vivres distribus par leCICR en avril 2013.Photo : Douma Mahamadou/CICR

    Sablesmouvants

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    nous a aussi permis de toucher indirectement dautres

    couches de la socit et dautres secteurs. Nous avons

    ainsi pu redonner un peu doxygne lconomie lo-

    cale par des achats locaux et par des contrats avec des

    ournisseurs locaux.

    Tout au long de lopration, la Croix-Rouge malienne

    a aussi jou un rle vital. Grce ses sections et ses

    volontaires prsents dans toutes les zones touches,

    la Socit nationale a pu distribuer des vivres et desarticles de mnage, reconstituer les stocks de mdica-

    ments, prvenir la population des dangers des mines et

    des engins explosis, amliorer lapprovisionnement en

    eau et lassainissement, inormer sur les questions dhy-

    gine, soutenir des activits rmunratrices et aider

    runir des amilles spares par les combats.

    Pour le CICR, le rseau de volontaires a t un atout

    crucial. Lapport des volontaires de la Croix-Rouge

    malienne aux activits du CICR est dune valeur ines-

    timable, explique Attaher Maga, qui ajoute que bien

    souvent, les membres de la Socit nationale sont des

    personnalits importantes dans leur localit, ce qui

    signie quelles peuvent servir de relais pour le Mou-

    vement sur le terrain.

    Tous les acteurs prsents dans la rgion sinterrogent

    sur la suite des vnements. Nombre dobservateurs

    craignent que le climat dinscurit se rpande lorsque

    les groupes arms qui ont quitt le Mali commenceront

    lancer des attaques dans les pays voisins.

    Pendant ce temps, la multitude de personnes dpla-

    ces pse lourdement sur les communauts du sud du

    pays ainsi que sur les pays voisins, qui connaissent dj

    de graves di cults. On estime 168 000 le nombre derugis qui auraient ui vers les pays limitrophes; sur ce

    nombre, quelque 50 000 ont gagn le Niger, qui a tou-

    jours du mal se relever de son propre conit interne,

    conclu voici peine quelques annes, et qui accueille

    aussi des rugis du nord du Nigria ainsi que des tra-

    vailleurs migrants expulss de Libye.

    Mme si lopration de maintien de la paix des Nations

    Unies russit dans sa mission et rtablit une certaine

    stabilit dans le nord du Mali, les besoins humanitaires

    resteront considrables pendant longtemps. Quoi quil

    arrive, une action de nature purement humanitaire

    reste ncessaire nos yeux dans le nord du Mali et dans

    toute la rgion, conclut Jean-Nicolas Marti, le che de

    la dlgation du CICR Niamey (Niger).

    les villes du nord taient sous lemprise des groupes

    arms, explique Yasmine Praz Dessimoz. lpoque,

    ils taient prsents et visibles, on pouvait donc entrer

    en contact avec eux. Maintenant quils sont parpills,

    il est beaucoup plus di cile de les toucher.

    Beaucoup de temps et deforts ont t consacrs

    maintenir le contact avec tous les acteurs arms, assure-

    t-elle. Paralllement, ajoute Attaher Maga, les groupes

    arms ont suivi nos dplacements sur le terrain pourviter le blocage des services humanitaires. Les enga-

    gements pris par les groupes arms vis--vis du CICR

    tiennent toujours, assure-t-il. (Lintgralit de

    lentretien avec Attaher Maga est disponible ladresse

    www.redcross.int.)

    Les dbris de guerre explosis ainsi que les mines po-

    ses le long des routes reprsentent aussi une menace

    invisible et persistante, tandis que la criminalit et la

    violence organise crent dautres problmes de scu-

    rit. En outre, dans de nombreuses agglomrations et

    villes du nord du pays, la plupart des services de base

    ont t anantis.

    Les services publics leau, llectricit et les soins

    de sant ont cess de onctionner quand la majorit

    des personnes qualies charges de leur onctionne-

    ment sont parties, explique Abdoule-Karim Diomande,

    qui coordonne les activits eau et habitat du CICR dans

    la rgion.

    Le nord du pays manque aussi dun autre article es-

    sentiel : lessence. Sans lectricit pour les stations de

    pompage, pas deau, ajoute Abdoule-Karim Diomande.

    Le CICR a donc dcid de ournir de lessence pour aire

    onctionner les inrastructures.Le carburant a aussi servi approvisionner trois

    villes importantes en lectricit, assurant la ourniture

    deau potable et permettant aux petites entreprises de

    onctionner, ne serait-ce que quelques heures par jour.

    Lessence a en outre permis de garder ouverts les ta-

    blissements de sant vitaux. Outre les mdicaments,

    le matriel mdical et dautres ormes de soutien

    lhpital rgional de Gao, le CICR a ourni carburant et

    gnrateurs pour que lhpital puisse onctionner in-

    dpendamment du rseau lectrique.

    Renforcer les oprationsPour aire ace aux besoins normes et pour aider les

    personnes qui ont ui les combats, le CICR a doubl la

    somme quil prvoit de dpenser pour son opration

    au Mali en 2013. Au mois davril, lorganisation a lanc

    un appel et accru son budget de prs de 43 millions

    de dollars .-U., qui sajoutent aux quelque 40,3 mil-

    lions dj prvus pour lanne. Lopration au Mali est

    ainsi devenue lune des trois plus importantes dans le

    monde pour le CICR.

    La difrence est dj notable, dit Attaher Maga.

    Une opration dune telle ampleur exige desmoyens considrables, y compris du personnel et des

    ressources logistiques, explique-t-il. Mais outre las-

    sistance directe aux victimes, [lextension du budget]

    Les services publics

    leau, llectricit

    et les soins de sant

    ont cess de

    onctionner quand

    la majorit des

    personnes qualifes

    charges de leur

    onctionnement

    sont parties.Abdoule-Karim Diomande,

    qui coordonne les activits eau

    et habitat du CICR dans la rgion

    Le pouvoir dachat

    des gens est trs

    aible et cela limite

    naturellement

    leur accs aux

    services de base;

    laide humanitaire

    demeure donc la

    principale source de

    subsistance.

    Attaher Maga, chef de la

    sousdlgation du CICR Gao

    (nord du Mali)

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    LES PERSONNES QUI SE SONT INSTALLES dans

    la rgion de Mopti, au centre du Mali, aprs

    avoir ui les violences dans le nord du pays, ont

    toutes un parcours difrent, mais partagent un point

    commun : toutes ont ui des maisons et des terres aux-

    quelles elles taient proondment attaches, sans

    rien pouvoir emporter. Si certaines sjournent dans

    des camps, la plupart ont choisi de vivre dans des a-

    milles daccueil, rparties dans de nombreux districts

    et villages.

    Partout, la tristesse est palpable; les gens sont trauma-

    tiss par ce quils ont subi et ce quils ont vu. Dracins,

    ils ignorent sils pourront jamais retrouver leur oyer.

    Boubacar Traor a t parmi les premiers sinstaller Mopti. 57 ans, ce technicien quali a t orc de quit-

    ter sa ville natale de Hombori, par crainte dtre incorpor

    par la orce dans des groupes arms. Il vit maintenant

    dans un camp pour personnes dplaces Svar, dans

    le quartier de Wailirde, un mot qui signie dcharge.

    Boubacar est arriv Mopti avec sa emme et ses

    dix enants, puis et sans un sou en poche. Aprs

    quelques jours derrance, la amille sest installe dans

    le camp, il y aura de cela bientt un an. Il est inacti,

    sans possibilit dutiliser ses comptences de mcani-

    cien. Ici, je ne ais rien. Mme si je voulais redmarrer

    comme mcanicien, ce serait di cile parce que per-

    sonne ne me connat. Nous navons que lassistance.

    Ce nest pas assez, mais cest mieux que rien.

    Pas assez manger

    Pour di cile que soit sa situation, elle reste bien meil-leure que celle de nombreuses personnes hberges

    par des amilles daccueil, dont bon nombre ne sont

    toujours pas remises des efets de la crise alimentaire

    Des htes inattendusPhoto:Mous

    taphaDiallo/MacinaFilm/FICR

    Redoutant de rentrer chezeux, les dplacs du nord du

    Mali bnfcient de laide des

    communauts du sud. Or, les

    personnes qui les accueillent

    sont souvent dans une situation

    peine meilleure queux.

    Ces gens sont

    arrivs ici sans unsou; je ne peux pas

    les mettre la rue.

    Malick Maiga, un camionneur

    de Mopti (Mali), qui hberge

    plus de 70 personnes alors

    quil a dj du mal nourrir sa

    femme et ses 13 enfants

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    que de nombreuses organisations humanitaires aient

    restreint leurs interventions. La Croix-Rouge malienne,

    par son rseau de volontaires dans le pays, est l une des

    rares qui continue ournir une assistance vitale aux

    personnes dans le besoin.

    la n du mois davril 2013, le nombre de personnes

    dplaces tait estim plus de 300 000, dont plus de

    la moiti avaient cherch reuge dans les pays voisins.

    Laccs des services de base vivres, eau potable,logement, soins de sant et ducation demeure une

    priorit.

    Chaque jour, je dois me dbrouiller pour trouver de

    quoi manger pour mes htes. Sils tombent malades, je

    paie les rais de consultation et les mdicaments, ra-

    conte Sidiki Samak, qui hberge plus de 40 personnes

    dplaces dans une maison quil loue Mopti, alors

    quil est dplac lui-mme.

    Nous voulons rentrer chez nous et vivre en paix.

    Voyez comme nous vivons ici, sexclame-t-il. Comme lui,

    ils sont des milliers, venus du nord, vouloir retrouver

    leur oyer, mais dans des circonstances aussi incertaines,

    il est trop tt pour dire quand cela sera possible.

    Nos