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Marine Le Pen et Yannick Jadot face au New Deal Dossier Système de santé : trop de loi tue le contrat page 6 Portrait Stanley Carroll : un trait d’union entre deux générations page 13 Le journal de la 15 janvier 2017 • n°1278 ISSN : 0399-385X

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Marine Le Pen et Yannick Jadotface au New Deal

DossierSystème de santé :trop de loi tue le contratpage 6

PortraitStanley Carroll : un trait d’union entre deux générationspage 13

Le journal de la 15 janvier 2017 • n°1278

ISSN : 0399-385X

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Le Médecin de France • Bimensuel79, rue de Tocqueville 75017 Paris Tél. 01 43 18 88 33 • Fax : 01 43 18 88 34E-mail : [email protected] • Site : www.csmf.orgLes articles originaux du Médecin de France peuvent être reproduitspar tout organisme affilié à la CSMF sans autorisation spéciale,à condition de faire figurer les mentions habituelles. Édité par la SEPMF, SARL au capital de 32 000 € • Durée : 50 ansà partir du 1er juin 1978 • Associés : CSMF et ACFM.Gérant : Jean-Paul Ortiz • Directeur de la publication :Jean-Paul Ortiz • Rédacteur en chef : Laurent VerzauxCrédits photos : P. Chagnon - Cocktail SantéCrédit photo de Yannick Jadot : Xavier Cantat.Réalisation : Aliénor Consultants - Tél. 05 49 62 69 00Impression : Megatop • Distribution : Info RoutageAbonnement : 40,00 € par an. Prix du numéro : 2 €Commission paritaire : 1018 G 82702.

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 20173

sommaire

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4. Sur le grill Le New Deal face aux candidats de l'élection présidentielle

6. Dossier Système de santé : trop de loi tue le contrat

10. L'événement Tiers payant généralisé : la CSMF continue le combat

11. Produits de santé Actualités

12. En direct des territoires GHT : les médecins libéraux de La Réunion à la manœuvre

13. Portrait Stanley Carroll : un trait d'union entre deux générations

14. À la loupe ROSP du médecin traitant de l’enfant : un dispositif à améliorer

« La grippe ça dure huit jours si on la soigneet une semaine si on ne fait rien ! »

J’ai parfois envie de prescrire du Raymond Devos à madame la ministre de la Santé, car l’humour reste le meilleur remède contre le mépris ! En effet, l’hôpital a été présenté comme l’unique recours pour faire face à l’épidémie de grippe par monsieur le Président

de la République et sa ministre de la Santé, ignorant ainsi les 784 000 personnes qui ont consulté des médecins de ville pour ce motif durant les quatre dernières semaines.Les chiffres sont pourtant sans appel : plus de 90 % des cas de grippe sont pris en charge par les médecins libéraux, qui comme d’habitude, (dans la plus grande discrétion) ont bouleversé leur agenda pour faire face à cette épidémie. Malgré cela, madame la ministre de la Santé a sermonné les médecins libéraux « pour qu’ils n’adressent à l’hôpital que celles et ceux qui ont réellement besoin d’être hospitalisés ». C’est le classique, pour masquer ses insuffisances « C‘est pas moi, c’est l’autre ! »

Dans cette affaire, au-delà du mépris, le plus surprenant reste l’ignorance de la ministre pour lutter contre une pathologie saisonnière qui, avec le retour d’expérience, devrait être mieux anticipée. Comme l’habitude, les médecins libéraux, qui sont en première ligne, ont fait de multiples recommandations pour mieux enrayer cette épidémie annuelle : - en améliorant la prévention, - en utilisant les campagnes de vaccination (qui restent un échec puisque seulement 1 patient sur 2 se fait vacciner alors que l’objectif est de 3 sur 4), - mais aussi, en donnant la possibilité aux médecins libéraux de détenir des vaccins dans leurs cabinets (ce qui a été censuré par le PLFSS).Mais je ne désespère pas que les conseils des médecins libéraux soient un jour entendus et que madame la ministre soit enfin au point l’année prochaine !

Dr Jean-Paul Ortiz,Président de la CSMF

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 20174

sur le grill

Yannick Jadot, candidat d’Europe Écologie-Les Verts

Sur le maillage du territoire en soins de proximité La vraie problématique est de redé-ployer de l'activité sur l'ensemble de notre territoire. Nous lutterons contre les déserts médicaux en main-tenant les hôpitaux et maternités de proximité sur tout le territoire, en dé-veloppant les maisons de santé ados-sées à des unités de premiers soins et en réglementant l’installation des médecins en fonction de la démogra-phie de la population et de la démo-graphie médicale.

Sur la prévention et l’éducationthérapeutique du patientEn 2017, les priorités sanitaires se sont modifiées. Des facteurs envi-ronnementaux sont de plus en plus causes de pathologies : polluants, microparticules, produits se révé-lant toxiques. C’est une toute autre conception de la santé qu’il nous faut envisager. Il faut rendre à la méde-cine une plus grande diversité, re-connaître certaines thérapeutiques, comme l’homéopathie, l’herboriste-rie, l’acupuncture, l’ostéopathie ou l’hypnose. Un système de santé équi-libré doit associer politique de soins et de prévention. Politique de soins pour soigner les pathologies. Poli-tique de prévention pour chercher et combattre les causes des maladies.

La prévention est actuellement le pa-rent pauvre de la santé ; l’indigence des moyens financiers consacrés par les Agences Régionales de Santé le prouve.

Sur le soutien aux entreprises de santé libérale et à la diffusion de l’innovation en santéNous y sommes a priori défavorables, dans la mesure où entrepreneur de santé n'est ni le même métier, ni la même vocation que médecin. La question du modèle économique de ce type d'activité est primordiale, car cela engage potentiellement un financement par les caisses d'assu-rance maladie, les mutuelles et les patients.

Sur la convention et une loi de santé rectificative Il n'est pas logique de renégocier la convention avant d’en avoir évalué les effets, même si l'on peut critiquer son manque de lisibilité et sa com-plexité. La médecine générale est le point d'entrée médical privilégié des soins primaires. En l'état, la mise en place du tiers payant généralisé va dans le bon sens, et favorise l'accès aux soins du plus grand nombre. Par ailleurs, seul le tiers payant sur la part assurance maladie est obliga-toire. Certes, les difficultés de gestion existent, mais elles se résorberont du fait de l'apprentissage nécessaire. Il y a donc un travail de communication à faire, pour rectifier les a priori.

Sur les quatre niveaux de consultation défendus par la CSMFLa Convention ne s’applique qu’aux médecins libéraux dit de « secteur 1 » et de « secteur 2 » qui ont accepté de signer un engagement auprès de l’as-surance maladie pour limiter leurs

dépassements d’honoraires. Derrière ce problème des dépassements d’ho-noraires, se cache celui de la valeur financière attribuée aux actes prati-qués par les médecins libéraux. Il est donc nécessaire de mettre à plat la nomenclature des actes médicaux.

Sur le poids des charges et de la paperasserieLes tarifs fixés par la CCAM sont un enjeu fort, avec des cotations tarifaires très disparates, sur ou sous-évaluées selon les cas, soumises à des lobbies divers, par manque de transparence et d’experts indépendants. La gyné-cologie chirurgicale est par exemple très mal défendue par rapport à la cardiologie ou l’urologie... Il faudrait envisager de réviser ce système de tarification à l’acte en profondeur en se confrontant à l’industrie du médi-cament et des dispositifs médicaux.

Sur la protection sociale des médecinsNous prônons une mutualisation des caisses en vue d'une protection so-ciale générale pour l'ensemble des modes d'exercice des professions de santé. Ainsi, la protection sociale des médecins sera comparable sinon égale aux autres.

Sur un nouvel espace de liberté tarifaireL'exercice de la profession médicale, hors conventionnement, doit rester possible mais la liberté tarifaire, no-tamment celle des spécialistes, doit être mieux régulée. Nous préco-nisons une revalorisation de l'acte conventionné, au-delà des 25 euros prévus en 2017, et sur un rythme de croissance annuelle supérieure à ce qui est aujourd'hui prévu jusqu'en 2019.

Lire l’intégralité de l’interview accordée au Médecin de France sur www.csmf.org

Le New Deal face aux candidatsde l'élection présidentielleLe Médecin de France poursuit son dialogue avec les candidats à l'élection présidentielle, en compagnie de Yannick Jadot et Marine Le Pen. Retrouvez la totalité des interviews exclusives des candidats sur le site de la CSMF : www.csmf.org

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 20175

sur le grillMarine Le Pen, candidate du Front National

Sur le maillage du territoire en soins de proximité Je ne reviendrai pas sur la liberté d’installation des médecins, car des mesures coercitives se-raient contre-productives, dans la mesure où elles ne feraient qu’augmenter le désintérêt des jeunes médecins pour l’exercice libéral. Je propose de relever de manière importante le numerus clausus, de réduire le temps admi-nistratif des médecins libéraux, notamment en revenant sur le tiers payant généralisé, qui sera rendu facultatif, mais également en simplifiant les procédures administratives complexes et chronophages qui réduisent le temps médical disponible. Redynamiser les territoires déser-tifiés, par une politique globale de ré-indus-trialisation et par l’instauration d’un service public minimum sur le territoire redonnera envie aux professionnels de s’installer dans des territoires aujourd’hui peu attractifs. Je propose également de développer plus avant les nou-veaux modes d’exercice, tels que les maisons de santé pluridisciplinaires, qui peuvent per-mettre de mutualiser les charges, notamment immobilière.

Sur la prévention et l’éducation thérapeutique du patientEffectivement, notre système de santé doit pas-ser d’un modèle réactif et curatif à un modèle davantage proactif et préventif. Ainsi, je pense que les actes de prévention et le temps d’édu-cation thérapeutique doivent être intégrés à la prochaine convention, afin de rémunérer ces actes essentiels garantissant une meilleure prise en charge des patients, en agissant en amont de la pathologie et en assurant un suivi de qualité.

Sur le soutien aux entreprises de santé libérale et à la diffusion de l’innovation en santéJe souhaite faire de l’innovation, dans tous les domaines, une priorité. Je pense qu’elle peut apporter beaucoup, notamment dans le do-maine médical. Or, certains professionnels ne

peuvent pas se permettre de se fournir en ma-tériels et dispositifs innovants, alors que ceux-ci pourraient améliorer la prise en charge de leurs patients, tout en permettant des économies. Je propose de lancer un grand plan de rénovation des établissements de santé, et cela ira de pair avec une aide financière à la modernisation des cabinets libéraux, rendant possible le virage ambulatoire tant attendu. Je propose également d’inscrire à la convention les actes de téléméde-cine comme des actes classiques.

Sur la convention et une loi de santé rectificativeÀ l’évidence, une réflexion transparente et col-légiale doit être menée sur les conditions de prise en charge de la santé des Français. La complémentarité entre le public et le privé doit être favorisée, et les deux secteurs ne doivent pas être opposés au profit de l’un ou de l’autre. Il est nécessaire de revenir sur la loi Touraine, dont la mesure phare, le tiers payant généralisé, a été imposée sans concertation.

Sur les quatre niveaux de consultation défen-dus par la CSMFJe pense qu’il serait sain, en effet, de tenir compte de la pénibilité de certains actes dans leur tarification, et ainsi de permettre la mise en place d’une gradation des tarifs conventionnés selon la complexité des consultations et la sévé-rité des pathologies.

Sur le poids des charges et de la paperasserieLes charges peuvent être très importantes pour certaines spécialités, et les tarifs conventionnés doivent être adaptés pour en tenir compte. Cela dit, cela doit passer par la voie des négociations avec l’assurance maladie, avec éventuellement un déblocage du ministère si les négociations ne devaient pas arriver à un accord satisfaisant.

Sur la protection sociale des médecinsL’égalité entre les citoyens français est un des principes fondateurs de notre République. Je m’engage à ce que ce principe soit respecté, et à faire en sorte que tous les Français soient égaux en matière de protection sociale.

Sur un nouvel espace de liberté tarifaireLes médecins libéraux, exerçant en secteur 2, ont déjà cette liberté de tarification. Je ne pense pas qu’il soit pertinent, en ces temps de crise et de recrudescence de la précarité, de laisser une liberté supplémentaire sur la tarification.

Lire l’intégralité de l’interview accordée au Médecin de France sur www.csmf.org

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Dossier

Le dernier PLFSS confirme une ten-dance de fond de la part des pou-voirs publics : l’étatisation du système de santé et la négation des accords conventionnels entre l’assurance mala-die et les professionnels de santé. Une dérive inquiétante, à l’heure où seul le contrat peut permettre de réorganiser l’offre de soins.

Pour les médecins libéraux, c’est un peu la « goutte d’eau » qui a fait déborder le vase. À l’oc-

casion de la discussion du PLFSS, le gouvernement a introduit un amendement-surprise créant un nouvel article de loi, l’article 99, qui instaure un « régime d’excep-tion » pour les radiologues. Il s’agit ni plus ni moins que d’autoriser l’assurance maladie à imposer une baisse de tarifs à la profession pour « boucler » sans négociation le plan d’économies. Le 5 décembre, dans un communiqué, la FNMR s’insur-geait avec force contre une telle pratique, qui met à mal le principe de la négociation conventionnelle. « Avec cet article, la CNAMTS peut dé-roger au système conventionnel, pour baisser arbitrairement les tarifs des for-

faits techniques qui financent l'acquisi-tion et le fonctionnement (salaires des personnels, locaux, fluides, contrôles qualités, maintenances, SAV et mises à jour, etc.) de ces équipements, expli-quait le syndicat. Cela aura plusieurs conséquences, dont celle de réduire les capacités d'investissements des cabi-nets libéraux et des centres hospitaliers pour disposer des scanners, IRM, TEP scanner et TEP IRM les plus récents et du coup pénaliser ainsi les patients dont l'accès à ces techniques d’ima-gerie modernes essentielles sera limi-té. » Si la mesure parait ciblée sur quelques catégories de spécialistes (radiologues, médecins nucléaires et radiothérapeutes), c’est en réa-lité la boîte de Pandore qu’ouvre le gouvernement. On peut en effet imaginer que ce type de procédé s’applique demain sur d’autres spé-cialités, voire sur des lettres-clé ac-cessibles à tous les praticiens. Pour les syndicats de médecins libéraux, c’est un vieux « cauchemar » qui pourrait revenir : le mécanisme dit des « lettres-clé flottantes », imaginé par les pouvoirs publics à la fin des années 90, et qui avait à l’époque été farouchement combattu (avec succès) par les médecins libéraux.

La dérive étatisteSurtout, cette initiative autoritaire illustre une tendance de fond dans le pilotage du système de santé : la dérive « étatiste », avec des pouvoirs publics interventionnistes, cher-chant à encadrer les discussions entre partenaires conventionnels, à imposer leurs décisions et à margi-naliser les accords tarifaires signés entre l’assurance maladie et les pro-fessionnels de santé. Outre l’article 99, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait déjà joué cette parti-tion en faisant voter un texte de loi qui donne la possibilité à son minis-tère de fixer le cadre de la négocia-tion conventionnelle entre UNCAM et syndicats de professionnels avant même l’ouverture des pourparlers. Si la pratique existait déjà, la faire figurer dans le Code de la santé pu-blique revient à institutionnaliser le principe de l’interventionnisme étatique. « Derrière ces décisions, c’est une évolution inquiétante qui se profile, avec l’amoindrissement de la culture du contrat au profit de celle de la loi et du règlement, commente Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Cela revient à dire que les professionnels de la santé et l’assurance maladie seraient incapables

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 20177

Système de santé :trop de loi tue le contrat

de contractualiser ensemble dans l’in-térêt collectif. Or, si l’on regarde l’his-toire de la convention, c’est le contraire qui s’est produit depuis plus de quatre décennies. La convention a largement contribué à l’amélioration de la situa-tion économique. »

Entre Bismarck et BeveridgeCette tendance autoritaire pose une question plus large : le système de santé français évolue-t-il à bas bruit vers le modèle britannique ? Tradi-

tionnellement, les experts du sec-teur le situent à mi-chemin entre les deux références historiques de la protection sociale : d’un côté le modèle « bismarckien » allemand, et de l’autre le modèle « beverid-gien » britannique. Le premier dé-signe le mouvement d’édification de la couverture sociale conduit par le chancelier Bismarck, à la fin du XIXe siècle. Dans le but de consoli-der l’unification allemande, mais également de juguler les revendi-

cations ouvrières et socialistes, Otto Von Bismarck a fait adopter trois lois fondatrices, sur les risques maladie (1883), accidents du travail (1884) et vieillesse et invalidité (1889). Cette couverture s’appuie sur plusieurs principes, qu’on retrouvera en par-tie dans les textes fondateurs de la Sécurité sociale française, au mo-ment de la Libération : protection sociale obligatoire, uniquement as-sise sur les revenus du travail et fi-nancée par des cotisations sociales

acquittées à la fois par les salariés et les employeurs. Au Royaume-Uni, c’est l’économiste William Beveridge qui donne son nom à la doctrine en 1942. Il rédige un rapport destiné à réformer l’assurance maladie et qui pose les bases de l’Etat-Providence anglais. Son projet repose sur la théorie dite des 3 « U » : universalité par la couverture de tous les habi-tants, uniformité des prestations en fonction des besoins des individus et non de leurs pertes de revenus en cas de survenue d’un risque, unité de gestion de la protection sociale par l’État. La contribution de la po-pulation est assurée par l’impôt.

L’âge d’or du paritarismeEn 1944, les Ordonnances qui créent la Sécurité sociale française se carac-térisent par un emprunt aux deux systèmes, tout en s’en distinguant sur de nombreux points. Il vise en effet à l’universalité, mais par le prisme des « ayants droit » des as-

surés sociaux et en misant sur la gé-néralisation du salariat. Il se définit également comme uniforme, mais opte pour la solution des revenus de remplacement garantissant le même niveau de vie aux assurés, y compris en cas de risque. En termes de fonctionnement, la Sécu se rap-proche davantage du modèle bis-marckien, avec des ressources ba-sées sur les cotisations sociales, et donc une logique plus assurantielle qu’assistancielle (propre au modèle beveridgien). Au fil des ans, la cou-verture s’étend avec la création de régimes spécifiques par catégorie socio-professionnelle, et une ges-tion déléguée aux partenaires so-ciaux. Ce « paritarisme » constituera le socle de gestion de la plupart des prestations sociales. Et « l’âge d’or » du paritarisme s’illustrera, à l’as-surance maladie, par la présidence de la CNAMTS détenue par le syn-dicat Force ouvrière depuis les Or-donnances de 1967 qui séparent les

risques (maladie, famille, vieillesse) et créent les caisses nationales et le réseau des caisses locales.

La convention,vecteur de transformationQuelles sont les traductions concrètes, pour les médecins, de ce dispositif d’inspiration bismarckien et du pilotage de l’assurance mala-die assuré par le tandem (souvent désuni) entre syndicats de salariés et patronat ? La première, c’est bien sûr la convention nationale, inaugu-rée en 1971 et qui pour la première fois garantit les mêmes niveaux de rémunération et la même protec-tion professionnelle pour les mé-decins sur l’ensemble du territoire. Bon an mal an, la succession des conventions médicales, notamment parce qu’elles ont été pour la plu-part portées par la CSMF, premier syndicat professionnel, a consi-dérablement transformé le cadre d’exercice de la médecine libérale.

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Dossier Système de santé :trop de loi tue le contrat

Surtout, la convention a permis pas à pas d’engager les médecins libéraux dans une logique de responsabilité économique, sans pour autant re-mettre en cause leur indépendance professionnelle, ni leur liberté d’ac-tivité et de prescription. Le premier acte fondateur reste l’instauration des RMO en 1994, prélude à la maî-trise médicalisée. Depuis le début des années 2000, les résultats sont là. En quinze ans, c’est grâce au contrat conventionnel que les partenaires sont parvenus, chaque année, à gé-nérer 4 à 500 millions d’euros d’éco-nomies. Un effort de long terme, qui aboutit à une réalité non prise en compte par l’État : depuis quatre ans, l’ONDAM de ville est systématique-ment sous-exécuté, sans que les mé-decins libéraux ne récupèrent une partie de cette efficience sous forme de revalorisations d’honoraires.

Les effets de la fiscalisation Aujourd’hui, le paradoxe est pa-tent. Les gouvernements, de droite comme de gauche, multiplient les déclarations et les décisions contraires au partenariat conven-tionnel, alors que ses succès sont notoires en termes de maîtrise des dépenses. Une évolution de fond qui a trait aux métamorphoses globales du dispositif d’assurance maladie.

C’est la création de la CSG en 1991 par Michel Rocard qui constitue la première rupture conceptuelle par rapport au modèle traditionnel de la sécurité sociale. À l’origine destinée à financer le RMI, la CSG est deve-nue à partir de 1996 une source im-portante de financement de l’assu-rance maladie. Le financement par l’impôt, au détriment des cotisations sociales issues du travail, est logique, au moment où la sécurité sociale est devenue universelle, et où l’affilia-tion dépend de critères de résidence et non plus seulement d’activité pro-fessionnelle. Mais, qui dit impôt dit interventionnisme de l’État. De fait, c’est avec les ordonnances Juppé que les gouvernements successifs vont de plus en plus intervenir dans la négociation entre partenaires conventionnels. Après l’épisode unique des reversements d’hono-raires, Martine Aubry tentera d’im-poser les lettres-clé flottantes. En 2004, la loi met fin au paritarisme à la CNAMTS, en conférant tous les pouvoirs au directeur général. En théorie indépendant, il est nommé en Conseil des ministres et donc ré-vocable à tout moment.

Le poids croissant de la loiEn 2009, la loi HPST institution-nalise le rôle pilote de l’Etat dans l’organisation des soins. Les ARS deviennent son bras armé dans les régions. Roselyne Bachelot cherche-ra sans succès à contester son rôle de gestionnaire du risque à l’assurance maladie. Six ans plus tard, Marisol Touraine n’a plus besoin de s’atta-quer à la « citadelle » CNAMTS : la loi lui donne la possibilité de « té-léguider » les discussions conven-tionnelles. Et le nouveau directeur a été nommé par le pouvoir en place. Outre l’encadrement de la conven-tion et la fixation unilatérale des ta-rifs des radiologues, on notera que d’autres secteurs du système de san-té sont soumis au même régime. Le principe du règlement convention-nel minimal s’étend à toutes les pro-fessions. Les dentistes en font actuel-lement les frais. Et les pharmaciens, à la veille d’une nouvelle convention, s’apprêtent à vivre une période diffi-

cile, au moment où la réduction de leurs marges liée à la baisse de prix des produits de santé fragilise leur avenir économique. Quant aux in-dustriels du médicament, un article de la loi de financement de la Sécu-rité sociale donne la possibilité au Comité économique des produits de santé de fixer les prix des produits sans recours possible des industriels auprès du conseil d’État.

Revenir au contratEn quoi la mainmise de l’État pose-t-elle problème pour le pilotage du système de santé ? « À force de vouloir tout régenter, l’Etat impose et contraint les professionnels, analyse Jean-Paul Ortiz. Or, ce n’est pas le meilleur moyen pour qu’ils acceptent de réinterroger leurs pratiques. Face aux transforma-tions radicales en jeu aujourd’hui, seule la culture du contrat, fondée sur des accords qui établissent des droits et des devoirs pour les parties présentes, per-met de faire évoluer une profession. » Il est donc urgent de redonner toute sa force à la négociation convention-nelle, avec de réelles perspectives d’avenir pour les professionnels. « L’expérience montre qu’une conven-tion sans la signature de la CSMF n’est pas viable, observe Jean-Paul Ortiz. Or, la CSMF ne s’engagera pas en fa-veur d’un accord s’il ne donne pas les moyens au secteur ambulatoire de se ré-organiser en profondeur. » Cette réor-ganisation passe par la constitution de véritables entreprises de santé libérales, en mesure de contractua-liser avec les pouvoirs publics pour organiser les recours aux soins sur un territoire donné. « C’est en sou-tenant ce type de démarches que l’État, dont la mission régalienne doit se limi-ter à la définition du cadre général et à la fixation d’objectifs à atteindre, répondra aux enjeux futurs du système de santé. »

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 20179

Philippe Gaertner, présidentde la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France

« Un rendez-vous décisifpour l’avenir de l’officine »Vous vous apprêtez à négocier une nouvelle convention, quelles sont vos attentes ?En effet, c’est à partir du 22 février que vont s’ouvrir les négociations pour une nouvelle convention phar-maceutique. Pour la première fois, nous allons être confrontés à une lettre de cadrage, dont le contenu donnera les grandes orientations de la négociation. C’est évidemment une nouvelle preuve de l’interven-tionnisme de l’État, qui risque de ré-duire les marges de manœuvre entre les partenaires conventionnels. Pour nous, cette convention représente un enjeu majeur, avec la nécessité de détacher la rémunération du phar-macien de l’évolution des prix des produits de santé. Il faut parvenir à réduire l’impact des réductions de prix des produits sur les marges des officines, sous peine de menacer gra-vement l’avenir du réseau officinal. Et cette convention doit être l’occa-sion de consolider et de compléter les nouvelles missions des pharma-ciens d’officine au service de la san-té publique, sur des thèmes comme l’accompagnement thérapeutique du patient, la vaccination ou le déve-loppement de la prévention.

La politique conventionnelle est-elle importante pour les pharmaciens d’officine ?Elle est essentielle, même si elle ne concerne que la moitié de notre ac-tivité, car nous sommes également tributaires des arrêtés fixés par l’Etat

en termes de marge sur les produits vendus. Pour nous, la convention doit être un outil efficace pour ac-compagner l’évolution de notre pro-fession vers des missions de santé publique reconnues et rétribuées à leur juste valeur. Mais la portée d’une convention n’est réelle que si les deux parties respectent rigoureu-sement les termes de l’accord signé. Cela n’a pas toujours été le cas, avec par exemple le refus de l’assurance maladie de s’engager sur le suivi des opiacés. Par ailleurs, nous sommes soumis comme les autres profes-sions à la menace du règlement minimal en cas d’échec. C’est un contexte nouveau, qui ne facilite pas le dialogue, alors que nous devons aboutir avant le 5 mai, à la date d’ex-piration de la convention actuelle.

Catherine Mojaïsky, présidentede la Confédération Nationaledes Syndicats Dentaires

« Le chantagedu règlement arbitral »Les négociations d’un avenant tarifaire à la convention dentaire doit être signé au plus tard avant le 1er février.Dans quel état d’esprit êtes-vous ?C’est en effet à cette date qu’à défaut d’un accord signé, il sera désigné un arbitre chargé de rédiger un rè-glement conventionnel minimal. La règle du jeu a changé brutalement, à l’occasion d’un amendement dé-posé par le gouvernement et adopté pendant le débat sur le PLFSS. La convention actuelle avait pourtant été tacitement reconduite pour cinq ans en juillet dernier, et nous devions

alors négocier un avenant tarifaire avec l’assurance maladie. Cette atti-tude est révélatrice de la volonté du gouvernement de passer en force, au mépris du dialogue conventionnel et de la capacité des parties prenantes à s’entendre sur un compromis. On le sait, un règlement minimal se tra-duira forcément par des conditions moins favorables pour les chirur-giens-dentistes. Et le gouvernement va employer cette arme pour im-poser un plafonnement des tarifs libres, ainsi qu’une revalorisation de soins conservateurs qui ne sera pas satisfaisante pour les praticiens que nous représentons.

Pourtant, le gouvernement s’est engagé sur une revalorisation sans précédent en faveur des soins conservateurs, dans le but d’améliorer l’accès aux soins dentaires ?Il est vrai que l’enveloppe proposée, soit 740 millions d’euros sur quatre ans, est conséquente. Mais elle ne correspond pas aux enjeux finan-ciers réels de cette revalorisation, que nous estimons à 2,5 milliards d’euros. En contre-partie, l’objectif est d’imposer des plafonds sur les tarifs libres, essentiellement sur les soins prothétiques. Pour nous, le compte n’y est absolument pas. Cer-tains chirurgiens-dentistes seraient nettement perdants, et nous ne pou-vons accepter de signer un accord aboutissant à une baisse de revenus pour une partie de la profession. Le gouvernement veut aller vite, pour « vendre » à l’opinion publique l’encadrement des tarifs sur les pro-thèses, sans prendre en compte les graves conséquences économiques pour notre profession, et donc l’im-pact prévisible en termes de qualité des soins.

Dossier Système de santé :trop de loi tue le contrat

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 201710

l'événement

Avec une nouvelle campagne d’af-fiche, la CSMF incite ses confrères à repartir au combat contre le tiers payant généralisé. Avec l’idée d’ex-pliquer au patient le temps perdu, qu’il ne pourra plus leur consacrer.

Depuis le 1er janvier 2017, le tiers payant sur la part obligatoire devient un droit pour tous les

patients pris en charge à 100 %, no-tamment dans le cadre d’une ALD ou de la maternité. C’est la nouvelle étape du processus mis en place par la loi de modernisation de notre sys-tème de santé, et qui doit se dérou-ler jusqu’en décembre 2017. C’est en effet à partir du 30 novembre que le tiers payant généralisé deviendra « un droit pour tous les Français ». Un droit, oui… mais laissé à l’appré-ciation de chaque praticien. Rappe-lons en effet qu’en janvier 2016, le Conseil constitutionnel a censuré l’article de loi sur le tiers payant : il a estimé que le législateur « n’avait pas suffisamment encadré ce dispositif et méconnu l’étendue de sa compétence. » En clair, le gouvernement n’a pas voulu imposer des délais maximum de paiement des praticiens aux as-sureurs complémentaires, comme il l’avait fait pour l’assurance maladie. Pour les médecins libéraux, cela ne change rien à l’usine à gaz d’un tel

dispositif. Il devra en effet systé-matiquement vérifier les droits de chacun de ses patients, et demander ensuite en paiement direct la part de la consultation relevant de la com-plémentaire santé, soit 6,90 pour une consultation de base.

14 pages de contratPire, l’association des complémen-taires santé propose aux praticiens volontaires de signer un contrat de... 14 pages ! « Le médecin devra en-suite saisir les données de chaque pa-tient sur le portail IDB [Identification des Droits des Bénéficiaires] avec sa couverture complémentaire annuelle, comparer avec la liste d'opposition aux droits, puis contrôler les paiements com-plémentaires reçus et réclamer éventuel-lement auprès de chaque organisme si nécessaire… », déplore Jean-Paul Or-tiz, président de la CSMF. Les méde-cins devront aussi mettre à jour leur logiciel métier « à leurs frais » pour pouvoir utiliser le nouveau portail. « La mise en place de ce tiers payant sera suffisamment dissuasive pour qu'il ne se mette pas en place », juge le lea-der confédéral qui a lancé de longue date un appel à la désobéissance ci-vile.

La valse-hésitation de MG-FranceAu passage, on rappellera les ater-moiements de MG France, qui fait mine de prendre le leadership du

combat, alors que l’organisation était au départ favorable au tiers payant généralisé… avant de changer de tactique au vu de l’écrasante majo-rité de généralistes hostiles au dis-positif. Et pour cause : une thèse de médecine générale, rédigée par le Dr Adeline Liquière, indique les effets du tiers payant auprès de 180 géné-ralistes de la région Midi-Pyrénées. En moyenne, ils passent sept heures par semaine à gérer le système et pointer leurs remboursements. Et certains évaluent à « 1000 euros par mois » le manque-à-gagner. Voilà des informations qui font froid dans le dos. Et elles justifient la nouvelle of-fensive de la CSMF pour combattre le TPG. Le syndicat diffuse en effet des affiches pour les cabinets, des-tinés à expliquer aux patients pour-quoi leur praticien refuse le tiers payant. « Le tiers payant, c’est toujours plus d’administratif et de moins en moins de temps pour vous soigner », tel est l’un des slogans-phares de cette campagne. Le premier syndicat libé-ral reste favorable au tiers payant so-cial, mais enjoint ses confrères à ne pas l’appliquer systématiquement pour les patients à 100 %. On note-ra d’ailleurs que la plupart des can-didats à la présidentielle se disent prêts à revenir sur cette mesure.

Tiers payant généralisé :La CSMF poursuit le combat

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Grippe : polémiques et scandale

Alors que le pic d’épidémie de-vait survenir dans la semaine du 16 au 23 janvier, la gestion de l’épidémie de grippe a mis en lumière les insuffisances organisationnelles du système de santé français face ce type de crise sanitaire. La ministre de la Santé a en effet été prise à partie par les urgentistes, qui ont tiré la sonnette d’alarme en raison de l’engorgement de leurs services provoqués par l’épidémie. Ils réagissaient face au « plan de comm’ » de Mari-sol Touraine, laquelle affirmait le 11 janvier que « la situation est tendue mais sous contrôle ». « Certains hôpitaux sont tellement surchargés que les ambulanciers ne peuvent même plus décharger leurs patients, la situation est ex-trêmement critique », affirmait le jour même le président de Samu-Urgences France, dans Le Monde. Preuve que la crise sanitaire est patente, le minis-tère de la santé a demandé aux établissements hospitaliers de déprogrammer des activi-tés médicales et chirurgicales

pour faire de la place aux ma-lades de la grippe. De nom-breuses voix s’élèvent pour critiquer « l’absence d’antici-pation » des pouvoirs publics, alors que le virus saisonnier est un proche cousin de celui qui, en 2014 - 2015, avait pro-voqué une surmortalité éva-luée à 15 000 personnes. Dans un communiqué, la CSMF dé-nonce une nouvelle fois l’oubli de la médecine de ville. « Alors que l’hôpital est présenté comme l’unique recours, la CSMF rap-pelle que plus de 90 % des cas sont pris en charge par la méde-cine de ville, en particulier les gé-néralistes déjà soumis à un afflux des autres demandes de soins. » Le syndicat estime que l’en-gorgement des hôpitaux est lié aux carences de la politique de prévention en matière de vac-cination. « C’est ce qui explique que 52 % des plus de 65 ans ont été vaccinés cette année, bien loin de l’objectif de 75 % », note Jean-Paul Ortiz.

Complémentsd’honoraires : le secteur 2, la cible facileComme on peut s’y attendre, la campagne électorale pro-voque quelques sorties dé-magogiques, avec au premier rang des cibles faciles, le sec-teur 2. Le CISS profite en effet du débat politique pour réité-rer ses revendications sur l’en-cadrement des compléments d’honoraires. Quant à Manuel Valls, il a tout simplement plaidé pour la suppression du secteur 2 ! Dans un communi-qué, la CSMF a réagi, en rap-pelant que les compléments d’honoraires « sont le résultat de plusieurs facteurs, dont les tarifs médicaux les plus bas d’Europe, le désengagement de l’assurance maladie dans le remboursement des soins et la hausse exponen-tielle des charges. »

Études médicales : une réforme du 3e cycle mal partie

En voie d’achèvement, la ré-forme du 3e cycle des études médicales est, selon l’UMÉSPÉ - CSMF, « bien mal partie ». Elle s’appuie en effet sur les conclu-sions de la mission Schlemmer, initiée à l’automne 2015, et qui a abouti à un projet d’arrêté ja-mais publié. Cet arrêté prévoit de proposer une quarantaine de DES aux étudiants, et envi-sage de supprimer la chirurgie générale. L’UMÉSPÉ - CSMF déplore « l’absence totale de concertation », alors que la ré-forme est censée s’appliquer à la rentrée 2017. Elle appelle « le coordonnateur de ce grand chan-tier à mettre en place une large consultation. Il est nécessaire de modifier certaines maquettes et corriger des éléments indispen-sables à la consolidation de ces spécialités, pour porter au travers de la formation des jeunes l’excel-lence française. »

actu en bref

Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 201711

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 201712

en direct des territoires

GHT : les médecins libéraux de la Réunion à la manœuvreLes médecins libéraux de la Réunion vont animer les filières de soins portées par le GHT, dans le domaine ambulatoire. Les groupes de travail sont à pied d’œuvre pour organiser la réponse sanitaire sur le territoire insulaire. Le démarrage opérationnel est programmé en mars 2017.

C’est l’exception qui confirme la règle. Les médecins libéraux de la Réunion ont été étroitement associés à la concertation autour

du projet médical partagé du GHT, l’un des Groupements Hospitaliers de Territoires créés par la loi de modernisation de notre système de santé. Ils auront même la charge d’animer, pour la partie ambulatoire, les quatre filières de soins identifiées et spécifiquement centrées sur le diabète, la santé mentale, la périnatalité et la néphrologie. « Nous avons constitué des groupes de travail avec les huit structures hospitalières implantées sur l’île. Les médecins experts pour ces pathologies ont été nommés. Toutes les parties sont à pied d’œuvre pour un démarrage opérationnel prévu au mois de mars 2017 », note Christine Kowalczyk, présidente de l’URPS ML de la Réunion. Seule ombre au tableau : les vacances scolaires de janvier pourraient retarder quelque peu l’échéance. D’ici là, il faudra identifier les moyens humains, techniques et financiers destinés à rapprocher les médecins libéraux des établissements de soins publics et privés, avec le soutien de l’Agence Régionale de Santé.

Une réflexion en cours sur la CPTS La réflexion est en cours, mais les grandes lignes sont déjà tracées. L’idée de base consiste à fédérer

les professionnels médicaux et paramédicaux autour d’une stratégie de santé commune. « Les équipes de soins primaires auront la responsabilité de gérer chacune des quatre filières, depuis la ville jusqu’à l’hôpital. Une question demeure : considérerons-nous le territoire insulaire comme un tout ou procéderons-nous à un découpage territorial plus poussé. Toutes les options sont ouvertes », explique Christine Kowalczyk. La mise en place d’une Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS), également créée par la loi Touraine, est actuellement à l’étude pour délimiter les zones d’influence, mais aussi pour assurer une meilleure coordination de l’action des professionnels de santé et une meilleure structuration des parcours de soins.

Coupler GHT et TSNPour orchestrer cette interprofessionnalité, les médecins libéraux comptent s’appuyer sur des technologies numériques performantes. « Pour faciliter le partage d’informations, mais aussi pour fluidifier la prise en charge des patients », précise-t-elle. Messageries sécurisées de santé, numéros d’identification unique, plate-forme territoriale d’appui : « L’intérêt serait de coupler le déploiement du GHT avec les développements du programme Territoire de soins numérique », ajoute-t-elle encore. Pour disposer d’une vision plus fine de la situation, l’URPS ML de la Réunion va se tourner vers l’ISPL, l’institut statistique des professionnels de santé libéraux. « Nous obtiendrons ainsi une cartographie des flux de patients et des pôles d’activité sur les quatre pathologies visées », conclut-elle.

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 201713

portrait

Stanley Carroll a fait de la Guyane sa terre médicale d’adoption. Son principal défi : contribuer à attirer la nouvelle génération pour organiser une réponse sanitaire cohérente sur un territoire affaibli par le vieillisse-ment de la profession.

C’est l’histoire d’un expatrié de la médecine libérale, d’un en-trepreneur passionné qui a

créé sa réussite à l’autre bout du pays. Stanley Carroll s’est installé à Parly 2, au Chesnay (78), en 1979. Mais son destin s’accomplit réel-lement huit ans plus tard. En 1987, il choisit d’exporter ses talents en Guyane parce qu’il il est « tombé amoureux de ce pays », qu’il a connu lors de vacances familiales en 1978. « Je voulais parfaire mon expérience professionnelle, avant de rejoindre cette terre pleine de promesses sur le plan médical », explique-t-il. Pour compléter son cursus, il suit donc une formation d’angiologie. Un pe-tit plus qui lui sera bien utile par la suite. « J’étais le premier médecin à pratiquer des doppler en Guyane », se souvient-il. Il pratique égale-ment la mésothérapie. Installé dans le centre-ville de Cayenne, où il exerce seul à ses débuts, il reçoit le concours d’un associé en 1993. Lorsque ce dernier décide de quit-ter le département, en 2007, Stanley Carroll se retrouve avec une nou-velle et jeune associée qui rejoint son cabinet l’année suivante et y exerce encore aujourd’hui.

Un médecin passionnéQuelques années plus tôt, en 2001, il porte un projet novateur. Il est sollicité pour créer la première maison médicale de garde au sein de l’hôpital local. La structure de-vient opérationnelle en 2003. Il présidera à sa destinée jusqu’en 2014. Cette initiative, pionnière en la matière, attire l’attention des responsables de la CSMF qui lui

proposent d’entrer au bureau du syndicat. Désigné vice-président de la CSMF Guyane en 2005, il prendra finalement la présidence du mouvement cinq ans plus tard. En 2011, il est élu vice-président de l’URPS ML de Guyane. S’il conduit une liste de candidats lors des der-nières élections professionnelles, il préfère néanmoins se retirer après la victoire totale de la CSMF. De 2005 à 2015, il préside également l’association de veille sanitaire participant au comité d’experts chargé d’assurer une veille épidé-miologique pointue, dans le cadre du réseau Sentinelles. Il continue actuellement d’apporter sa contri-bution à l’association, en tant que coordinateur. Depuis douze ans, il préside par ailleurs le CRPS de Guyane. Il est aussi secrétaire ad-joint du Conseil de l’Ordre.

Recruter pour mieux soignerFervent défenseur de l’exercice li-béral, il veut séduire la nouvelle génération pour repeupler médi-calement le département. « Orga-nisation des soins, milieu associatif : tout reste à faire ou presque, mais c’est un défi passionnant à relever. Il s’agit d’organiser une réponse sanitaire cohé-rente, avec des responsabilités élargies, sur un territoire qui subit de plein fouet la crise de la démographie médicale », souligne Stanley Carroll. L’enjeu est double. Il est à la fois question d’attirer les jeunes médecins et de conserver le plus longtemps possible ceux qui, comme lui, sont encore là. « Cela passe naturellement par un lobbying actif auprès des représentants politiques locaux pour les sensibiliser aux enjeux d’une médecine libérale moderne », rappelle-t-il. « Face aux difficultés rencontrées par les établis-sements de santé, du public comme du privé, les libéraux sont le pilier le plus solide et le plus fiable de l’offre sani-taire de proximité », conclut-il. Pour-quoi ne pas s’appuyer dessus pour bâtir le futur ?

Stanley Carroll : un trait d’union entre deux générations

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Le Médecin de France n°1278 • 15 janvier 201714

ROSP du médecin traitantde l’enfant : un dispositif à améliorer

L’assurance maladie et les syndicats signataires de la convention médicale, dont la CSMF ne fait pas partie, ont délimité les contours de la rémunération sur objectifs de santé publique du médecin traitant de l’enfant. Retour sur les forces et les faiblesses de ce nouveau dispositif incitatif.

La ROSP du médecin traitant de l’enfant est l’une des grandes nouveautés de la dernière convention médicale, qui n’a pas été signée

par la CSMF, faute d’avancées suffisantes pour la profession. Le dispositif doit bonifier la qualité de la prise en charge des patients âgés de moins de 16 ans, soit environ 13 millions d’assurés sociaux. Il s’adresse aux médecins généralistes, mais aussi aux pédiatres. « Cette mesure était nécessaire, parce que c’est une forme de reconnaissance du travail accompli, mais sa portée sera minime, tant du point de vue de la rémunération que de l’amélioration des pratiques », commente Brigitte Virey, présidente du SNPF, le Syndicat National des Pédiatres Français.

Une rémunération aléatoire et insuffisanteAsthme (deux items), obésité, antibiorésistance (deux items), troubles sensoriels, troubles des apprentissages, vaccination (deux items), suivi bucco-dentaire : une série de dix indicateurs de pratique clinique, répartis en deux grandes catégories (suivi des pathologies chroniques et prévention), permettront aux praticiens visés de cumuler 305 points. Chaque point sera valorisé à hauteur de sept euros pour une rémunération globale pouvant atteindre 2 135 euros par an. « À condition que chaque médecin traitant dispose en moyenne de 600 patients attitrés », prévient Brigitte

Virey. Point de crispation majeur : les médecins généralistes et les pédiatres ne sont pas logés à la même enseigne. « La caisse annonce une prime de 900 euros pour notre profession, souligne-t-elle. Nous serons d’autant plus lésés qu’il nous sera difficile de conserver nos patients au-delà d’un certain âge. Outre son caractère aléatoire, notre rémunération sera donc très insuffisante pour restaurer l’attractivité de notre métier. » Rappelons également que d’après les termes de l’avenant signé le 30 décembre 2016, le premier versement ne sera pas effectué avant la fin du premier trimestre 2018.

Des critères à améliorerDernière ombre au tableau, le dispositif incitatif ne semble pas présenter le même intérêt pour les deux professions. « Les critères retenus sont relativement basiques pour les pédiatres. Cette disposition a probablement du sens pour les médecins généralistes, mais la plupart des objectifs fixés font systématiquement partie de notre exercice quotidien. Les retombées en matière de santé publique seront forcément limitées de notre côté », estime Brigitte Virey. Seule lueur d’espoir, les critères sélectionnés sont appelés à évoluer dans le temps pour mieux intégrer les découvertes scientifiques, les modifications réglementaires et les nouvelles techniques de prise en charge… sans avoir besoin de recourir à un avenant conventionnel. « Il sera toujours temps de mieux segmenter les indicateurs selon les métiers. La pédiatrie mérite sa propre ROSP, avec des objectifs plus pertinents, qui amélioreront sensiblement l’efficience de nos pratiques », insiste-t-elle. Les dépistages des troubles autistiques et de la dépression maternelle sont, par exemple, des pistes à creuser.

à la loupe