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Médecine tropicale en pays tempérés - excerpts.numilog.comexcerpts.numilog.com/books/9782704004041.pdf · une bilharziose urinaire ou intestinale, une ankylostomiase ou une anguillulose

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médecine tropicale

en

pays tempérés

m é d e c i n e

tropicale e n

p a y s t e m p é r é s

Pierre Pène professeur de clinique

des maladies exotiques à la faculté de médecine de Marseille

Auguste Bourgeade professeur agrégé de maladies exotiques

à la faculté de médecine de Marseille Jean Delmont

assistant des hôpitaux, chef de clinique à la faculté de médecine de Marseille

Préface de Claude Laroche professeur à la faculté de médecine de Paris

médecin de l'hôpital Cochin

doin éditeurs-paris

Doin Editeurs 8, place de l'Odéon 75006 Paris

ISBN 2-7040-0404-8

© 1982 by Doin Editeurs

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit, photographie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre, consti tue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d'auteurs.

Imprimé en France

Préface

La médecine tropicale n'est plus à l'heure actuelle une spécia- lité réservée à quelques médecins, en général militaires et exer- çant dans les pays d'Outre-Mer, ou quelques hospitaliers dont les services étaient destinés à recevoir des malades venant de ces contrées jadis lointaines et présentant des affections rares et bien peu connues des praticiens.

Il est bien loin, le temps où la connaissance des maladies tropi- cales se résumait à ce que nous apportait, durant la 4e année de médecine, l'enseignement de la parasitologie, considérée plus comme une science fondamentale qu'une discipline clinique ; nos souvenirs d'étudiants se résumaient principalement à un certain nombre de parasites, de leurs cycles évolutifs dans la nature et chez l'homme, ainsi que de leurs hôtes vecteurs et donc des conditions favorisant l'infestation humaine.

Elle fait maintenant partie intégrante de la médecine générale dans la mesure où tout praticien, dans son exercice quotidien, est amené à envisager l'éventualité d'une affection tropicale, à dépister des parasitoses souvent cliniquement latentes, à soi- gner les plus communes, et à donner des conseils de prévention à des patients en partance pour un voyage en zone tropicale. Avec les moyens de communication et d'information modernes, notre monde s 'est en quelque sorte rétréci : tout individu est au courant des épidémies qui étendent encore leurs ravages dans tant de pays, tout autant que des famines du Sahel ou de la mal- nutrition et des problèmes de surpopulation du Tiers-Monde.

Une partie importante du million et demi de travailleurs étran- gers vivant en France provient de pays situés en zone tropicale et la même pathologie infectieuse et parasitaire s'observe chez nombre de nos concitoyens venant des Départements et des Territoires d'Outre-Mer. C'est dire que les médecins généralis- tes français sont confrontés chaque jour à des problèmes de cette pathologie tropicale qui leur a d'ailleurs été enseignée, en même temps que les maladies infectieuses, dans un certificat de 2e cycle.

Sur un plan encore plus général, si la médecine générale a pour objectif d'envisager l'homme dans son ensemble, c'est-à-dire avec ses composantes physique, psychique et sociale, tout pra- ticien doit connaître les prédispositions héréditaires propres aux diverses races humaines et les conditions dans lesquelles a vécu un immigré dans son pays d'origine. Comment soigner l'anémie chez un Africain ou un Antillais sans rechercher une spoliation sanguine due à une parasitose ou sans évoquer une hémoglinopathie, qu'il s'agisse de la drépanocytose, de la tha- lassémie ou de l'hémoglobinose C ou sans rechercher une infes- tation par les ankylostomes, les schistosomes, ou d'autres para- sites si fréquents dans leur pays d'origine ? Comment faire une prescription sans savoir que de nombreux médicaments peu- vent provoquer une crise d'hémolyse aiguë chez un Noir dont les hématies présentent un déficit en G6PD.

L'interrogatoire d'un immigré récemment arrivé en Europe doit donc préciser son lieu d'origine, son mode de vie, son habitat en zone urbaine ou rurale, autant que ses conditions actuelles de vie et de travail dans notre pays.

Lorsqu'un Européen revient d'un séjour en région tropicale, il est nécessaire de lui poser des questions analogues, à savoir les régions où il a séjourné, les conditions dans lesquelles il a vécu et les mesures préventives auxquelles il s 'est soumis — la prise d'un antipaludéen en particulier. L'interrogatoire doit recher- cher les épisodes pathologiques survenus pendant son voyage et l'intervalle de temps qui sépare son retour en Europe, de la date d'apparition de ses troubles actuels. Par exemple, devant une irido-cyclite ou un rhumatisme inflammatoire, il est impor-

tant de lui faire préciser s'il a présenté quelques jours plus tôt une diarrhée aiguë fébrile ou une uréthrite qui feraient aussitôt évoquer un syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. Devant un accès fébrile, il est important de savoir s'il n 'a pas arrêté la prise de Nivaquine ou de se souvenir qu'il existe actuellement des paludismes résistants aux antipaludéens de synthèse, habituels en Extrême-Orient : nous en avons vu dans notre service un exemple récent, ce qui prouve que le fait est loin d'être excep- tionnel.

A l'opposé, combien d 'accès fébriles sont supposés à tort d'ori- gine palustre parce qu'ils surviennent chez un sujet ayant séjourné plus ou moins longtemps dans une zone palustre, et traités par la Quinine sans avoir vérifié au préalable l'infestation parasitaire par un simple étalement de sang en goutte épaisse !

On ne saurait trop savoir gré aux auteurs de cet ouvrage d'avoir consacré leur premier chapitre à l'exposé de problèmes concrets, pratiques, qui se posent devant les syndromes patho- logiques les plus communs : les états fébriles, les troubles intes- tinaux, ou les lésions cutanées devant lesquels la démarche du praticien doit s'orienter à l'évidence d'une façon très différente suivant que le patient a séjourné ou non en zone tropicale durant les mois précédant sa consultation.

Le bref rappel de géopathologie qui lui fait suite est d'une très grande importance, et ceci pour deux raisons : tout d'abord, bien sûr, il permet de retrouver aisément les principaux diag- nostics qui peuvent être envisagés en fonction de la provenance des malades : mais aussi, il incite le praticien à rechercher de façon presque systématique un certain nombre de parasitoses chez tout sujet venant d'une région à forte endémicité, et il s'agit là d'une véritable prévention secondaire dont l'importance est considérable vis-à-vis en particulier des travailleurs immi- grés : il me paraît aussi utile de rechercher systématiquement une bilharziose urinaire ou intestinale, une ankylostomiase ou une anguillulose chez ces sujets, que de leur faire une cuti- réaction à la tuberculine ou de demander au laboratoire les réactions sérologiques de la syphilis... dont la positivité ne

révèle d'ailleurs le plus souvent qu'une infection pianique anté- rieure !

La géopathologie n'est pas réservée à quelques biologistes recherchant à tracer les grandes migrations humaines à partir, par exemple, de la répartition des diverses hémoglobinopathies dans le bassin méditerranéen ou à travers l'Afrique et le Nou- veau Monde. Ces recherches génétiques n'en sont d'ailleurs qu'à leur début et, peut-être, une répartition très différente des facteurs H.L.A. explique-t-elle pourquoi la sclérose en plaques, maladie si commune en Europe, est exceptionnelle dans certai- nes populations africaines. Ne connaît-on pas déjà l'importance du facteur héréditaire à l'origine de maladies propres au bassin méditerranéen, telles que la maladie périodique ou le syndrome de Behcet que l'on retrouve d'ailleurs avec une fréquence éle- vée au Japon ?

La géopathologie étudie, non seulement ces mutations généti- ques, mais aussi les conditions de climat et de nutrition qui peu- vent influer largement sur la pathologie : l'hypertension arté- rielle, si répandue dans certaines régions du Japon, a pu un moment être rapportée à un facteur héréditaire jusqu 'à ce qu 'on s'aperçoive qu'elle manquait chez les mêmes Japonais vivant aux Etats-Unis et mangeant une alimentation beaucoup moins riche en sel. Cet exemple est loin d'être unique et on sait que l'urbanisation, dans les pays africains fait apparaître des affec- tions coronariennes et une athéro-sclérose qui restent beau- coup plus rares en zone rurale où, par contre, l'hypertension artérielle est beaucoup plus fréquente qu'on ne le pensait autre- fois.

De même, la pathologie hépatique d'un Africain ne peut pas faire abstraction de la fréquence du virus de l'hépatite B dans les pays d'Afrique noire où le nombre de porteurs sains est dix fois plus élevé qu'en Europe. Enfin, tout praticien doit connaître la répartition géographique de la bilharziose urinaire s'il ne veut pas faire une grossière erreur en ne reconnaissant pas l'origine parasitaire d'une hématurie qui, chez un sujet jeune, ferait évo- quer en France une lithiase ou une tuberculose rénale.

Les chapitres suivants constituent un véritable traité de patholo-

gie exotique. Ne cédant pas à la tentation de recourir à des clas- sifications d'ordre épidémiologique ou étiologique, les auteurs nous apportent, pour chaque maladie classée par ordre alpha- bétique, des descriptions simples, schématiques, mais très exactes de l'agent causal, de son mode de transmission, de sa répartition géographique et surtout des divers aspects cliniques auxquels le praticien peut se trouver confronté.

Pour répondre aux besoins de médecins praticiens habitant en Europe et donc peu avertis de ce domaine pathologique, un tel traité devait en effet réaliser une véritable synthèse regroupant, pour chaque maladie : — des notions de base, fondamentales, d'épidémiologie, de parasitologie — j'allais dire d'infectiologie — sans lesquelles il est impossible de mener une enquête étiologique valable et de comprendre le mécanisme de ces affections ; — une description, schématique certes, mais complète des signes cliniques et biologiques majeurs de la maladie, qui ser- vira de fil conducteur au praticien vers le diagnostic et lui per- mettra de suivre l'évolution de la maladie ; — les principaux problèmes de diagnostic qui se posent devant ces tableaux, parfois évidents mais souvent trompeurs pour un œil non averti ; — enfin un schéma thérapeutique et des mesures de préven- tion qui peuvent être appliquées dans de tels cas.

En d'autres termes, les auteurs ont réussi la difficile gageure de réunir, en un nombre de pages réduit : — un précis de parasitologie ; — un traité de pathologie exotique ; — et un bréviaire thérapeutique et de médecine préventive.

Ce texte est entrecoupé de nombreux tableaux, de figures, qui facilitent sa compréhension et en rendent la lecture plus aisée. Bien qu'écrit par toute une équipe, il est d'une homogénéité remarquable et l'on perçoit, tout au long de cet ouvrage, le talent pédagogique de celui qui l'a conçu et inspiré.

Comme nous l'avons déjà souligné, tout médecin peut être amené à dépister ou à traiter une maladie tropicale ; aussi les

problèmes de prévention et de thérapeutique n'ont-ils pas été oubliés.

L'hygiène collective et individuelle constitue l'une des préoccu- pations majeures du généraliste : il doit être capable de fournir des informations actuelles sur la législation internationale qui régit la prévention des maladies tropicales et plus particulière- ment de ces maladies dites « quarantenaires » qui ont constitué pendant si longtemps un danger permanent, non seulement Outre-Mer, mais en France même : la dernière épidémie pari- sienne de choléra ne date que de 130 ans et c 'est à son occa- sion qu'avait été construits sur les fortifications de Paris, les fameux bastions dont l'hôpital Claude Bernard est en quelque sorte l'héritier. Si la variole semble vaincue depuis peu, il faut tout de même rappeler qu'elle a fait encore des victimes dans la région nantaise peu après la dernière guerre ; nous ne sommes peut-être pas à l'abri d'une résurgence de la peste, et la vacci- nation anti-amarile reste obligatoire pour les voyageurs se ren- dant dans maints pays d'Afrique et d'Amérique du Sud.

Enfin, tout praticien doit être capable de traiter un accès palus- tre ou une parasitose commune et surtout de dépister une de ces affections chez l'immigrant ou le voyageur : le rappel des principales médications anti-infectieuses et anti-parasitaires et des paramètres cliniques et biologiques du « bilan de santé » chez l'Européen qui a vécu en région tropicale ou chez un immi- gré récent est donc le bienvenu au terme de cet ouvrage. De même, d'ailleurs, tout médecin doit être en mesure de prescrire une chimiothérapie prophylactique efficace contre le paludisme et de fournir des conseils simples, mais combien utiles, concer- nant les précautions à prendre pour éviter l'insolation, le coup de chaleur ou la toxi-infection alimentaire qui guettent le voya- geur inexpérimenté.

Cet ouvrage constitue, en quelque sorte, le deuxième volet d'une œuvre d'importance : « Santé et Médecine en Afrique Tro- picale », parue il y a un an, était destinée aux médecins intéres- sés par ces problèmes sanitaires et plus spécialement à tous ceux qui vivent ou se destinent à exercer l'art médical en zone tropicale ; « Médecine Tropicale » en est le complément

puisqu'il s 'adresse à la fois aux étudiants qui préparent les certi- ficats de 2e ou de 3 cycle de médecine infectieuse et aux méde- cins européens qui ont à soigner en métropole ces maladies contractées outre-mer.

Ainsi, se trouve concrétisée, avec la parution de ces deux ouvrages de conception et de destinée complémentaire, la tâche d'enseignement que semble s'être fixée le Professeur PENE en prenant la direction du Centre de Formation et de Recherches en Médecine et Santé tropicales de Marseille.

Une telle œuvre demandait non seulement une vaste expé- rience, acquise pendant de longues années d'exercice médical dans les pays africains, au contact de cette pathologie si parti- culière, mais aussi la cohésion remarquable d'une équipe d'enseignants et de cliniciens soudée par un idéal commun : celui d'aider les praticiens africains et européens, à remplir plei- nement leur double mission, de médecine préventive et cura- tive.

En me faisant l'honneur de préfacer cet ouvrage, les auteurs ne m'ont pas seulement manifesté leur amitié ; le choix d'un clini- cien non spécialisé répond sans doute à une préoccupation plus profonde, celle de bien souligner l'unicité de la pratique médi- cale, quel que soit le milieu où elle est exercée : qu'ils en soient remerciés, au nom de la médecine générale.

Professeur Cl. LAROCHE.

Introduction

L'essor des transports aériens a rendu très proches de l'Europe les pays tropicaux. Chaque année, un nombre croissant d'Euro- péens séjournent ou voyagent à des titres divers dans les régions tropicales : hommes d'affaires, personnels d'encadre- ment d'entreprises agro-industrielles, coopérants, vacanciers à la recherche de soleil et d'exotisme. A l'inverse, des travailleurs, des étudiants ou des touristes originaires de ces pays effectuent des séjours de plus ou moins longue durée en Europe. Le médecin généraliste des pays tempérés peut être confronté en France, de façon habituelle, à une pathologie exotique qu'il doit être capable de diagnostiquer, de traiter et de prévenir. Ce volume a pour objectif d'apporter aux médecins des connais- sances de base en médecine tropicale, pour leur permettre de résoudre leurs problèmes quotidiens.

Cet ouvrage comprend six part ies :

1 / Situations pathologiques. Mise en situation devant les pro- blèmes de diagnostic de médecine tropicale les plus couram- ment rencontrés. 2 / Particularités géographiques de la pathologie exotique en fonction de la provenance des malades. 3 / Pathologie exotique. Affections exotiques, classées par ordre alphabétique. 4 / Maladies quarantenaires et Règlement sanitaire interna- tional. 5 /Thérapeutique. Les médicaments d'usage courant en médecine tropicale. 6 / Prévention :

• Conseils à donner à ceux qui partent dans les pays tro- picaux ; réponses à leurs questions.

• Bilan de santé souhaitable avant le départ pour un séjour en pays tropical ; bilan au retour ; examens de santé des travailleurs immigrés.

I / Situations pathologiques

Qu'il s'agisse d'un Européen ayant séjourné en pays tropical ou d'un Immigré venu en Europe, il est important de faire préciser le pays d'où vient le malade, le lieu du séjour (ville ou zone rurale), le mode de vie et d'habitat, les conditions de travail, la durée du séjour dans le pays tropi- cal considéré, les épisodes pathologiques qui ont pu survenir pendant ce séjour, l'intervalle de temps qui s'est écoulé entre le moment où le malade a quitté ce pays et le moment où il consulte.

Il existe une grande diversité dans les motifs de consultation, qui peu- vent être isolés ou intriqués.

Syndromes fébriles

Leur f r é q u e n c e s e si tue au tour de 15 % d e s consul ta t ions ou hospitali- s a t ions pour une affection tropicale. Il es t important de faire p réc i se r la da t e de début de la fièvre par rapport au séjour tropical, les modal i tés de début de l 'épisode fébrile, et si la chimioprophylaxie ant ipalustre a é té suivie pendan t le sé jour et au retour.

La c o u r b e thermique, a v e c prise de la t e m p é r a t u r e tou tes les trois heu- res, doit ê t re ana lysée avec soin. Qu'el le s e p r é s e n t e sur un m o d e con- tinu ou non, qu 'el le évolue par a c c è s ou de façon intermitto-rémittente, ou qu'elle p r é s e n t e d e s r écu r r ences , la fièvre est , d a n s tous les cas , un s igne de premier plan. Elle s ' a c c o m p a g n e le plus souvent de sueurs , de c é p h a l é e s et d ' a s thén ie . Elle peut ê t re isolée ou évoluer para l lè lement à des s ignes dont c h a c u n peut condui re à une interprétation part iculière : s ignes neuro-méningés , sp lénomégal ie , adénoméga l i e s , anémie, hépa- tomégal ie , ictère. Elle peut s ' a c c o m p a g n e r ou non de diarrhée, de dysenter ie , de s ignes urinaires, d 'éruption, etc.. .

a / S y n d r o m e s f é b r i l e s d e s m a l a d i e s p a r a s i t a i r e s

P a l u d i s m e

Le pa ludisme doit, d a n s tous les cas , ê t re évoqué, surtout si les règles de chimioprophylaxie n 'ont pas é té r e s p e c t é e s pendan t le séjour et pen- dant les 45 jours au moins qui ont suivi le retour pour ceux qui revien- nent d ' u n e zone d ' e n d é m i e à P l a s m o d i u m f a l c i p a r u m . L'infection

palus t re es t par tout poss ible d a n s le m o n d e tropical, à l 'except ion de que lques îles indemnes de paludisme.

Des qua t r e e s p è c e s de p lasmodium : P. f a l c i p a r u m , P. vivax, P. m a l a - r iae , P. ovale , c ' e s t P. f a l c i p a r u m qui es t le plus souven t en c a u s e .

F i èv re s d ' i n v a s i o n p a l u s t r e

■ Paludisme d' invasion à P. f a l c i p a r u m .

P. f a l c i p a r u m r e p r é s e n t e la s o u c h e à la fois la plus ubiquitaire et la plus d a n g e r e u s e . Le pa lud i sme à P. f a l c i p a r u m sévit en effet pendan t toute l ' année d a n s les z o n e s t rop ica les et inter- t ropicales et subit d e s recru- d e s c e n c e s sa i sonn iè re s liées à la pullulation d e s a n o p h è l e s a p r è s les pluies.

Les p remiè re s mani fes ta t ions cl iniques a p p a r a i s s e n t en généra l 7 à 15 jours a p r è s la piqûre infectante de l ' anophèle femelle. Un cour t séjour en zone d ' e n d é m i e suffit pour ê t re infecté. La fièvre évolue sur un m o d e continu. Le pouls es t soit en rapport a v e c la fièvre, soit d issocié . La fièvre s ' a c c o m p a g n e de c é p h a l é e s vives et de s ignes digestifs (nau- s é e s , v o m i s s e m e n t s , diarrhée). La ra te es t ou non percu tab le .

Avec P. f a l c i p a r u m il y a toujours d ' e m b l é e une note de gravité, d 'où la n é c e s s i t é de trai ter d ' u r g e n c e le m a l a d e a p r è s avoir pra t iqué un étale- ment sanguin.

Un a c c è s p e r n i c i e u x p a l u s t r e peut inaugurer la malad ie : une fièvre é levée cont inue ou rémit tente , de s c é p h a l é e s violentes a v e c dou leurs ocula i res in tenses , d e s s ignes digestifs, de s s ignes neuro -psych iques d ' appe l (troubles de la c o n s c i e n c e , torpeur ou agitation, s i gnes ménin- gés , convuls ions chez l 'enfant) ou parfois un c o m a fébrile d ' emb lée , sont révéla teurs . Des t roubles respi ra to i res et c i rcula toi res , une a t te inte rénale d a n s 25 % d e s cas , complè ten t le t ab leau clinique. Il faut souli- gne r l ' ex t rême gravité du pa lud i sme pernic ieux qui, en l ' a b s e n c e de thé- rapeut ique, peut en t ra îner la mort d a n s d e s délais rapides. Il faut trai ter d ' u r g e n c e l ' a c c è s pernic ieux par le Q u i n o f o r m e intraveineux en milieu hospitalier.

■ Paludisme d' invasion à P. vivax.

P. vivax es t le pa ludisme prédominant d a n s les z o n e s t e m p é r é e s chau- des .

L'invasion s e mani fes te en généra l 15 à 20 jours en m o y e n n e a p r è s l 'inoculation anophé l ienne . La fièvre s ' instal le de façon progress ive , de s s ine des oscil lat ions irrégulières. Le m a l a d e s e plaint d ' ano rex i e et de n a u s é e s , d 'un point de cô t é splénique évoca teu r . La fièvre t o m b e ap rè s que lques jours, puis les r ev iv i scences sch izogon iques appara i s -

sen t et reproduisent le t ab leau clinique ca rac té r i s t ique de la fièvre inter- mit tente , qui n ' a j amais la gravité d e s infestat ions à P. f a l c i p a r u m .

■ Pa ludisme d ' invasion à P. m a l a r i a e et P. ova le .

Ils sont excep t ionne l lement rencont rés . Leur symptomato logie es t com- pa rab le à celle du pa ludisme d ' invasion à P. vivax.

F i èv re s d e r e v i v i s c e n c e s c h i z o g o n i q u e . Les reviv iscences schizogo- n iques c h e z d e s su je ts qui ont interrompu toute chimioprophylaxie à leur retour en Europe sont poss ib les d a n s les deux mois qui suivent avec P. f a l c i p a r u m , d a n s les trois ans qui suivent avec P. vivax, ou plus long- t e m p s e n c o r e avec P. m a l a r i a e . Ces rev iv i scences sont s p o n t a n é e s ou favor i sées par un é ta t grippal, un refroidissement , une intervention chi- rurgicale, la g r o s s e s s e et l ' a c c o u c h e m e n t chez la femme. On peut alors ê t re en p r é s e n c e d ' a c c è s pa lus t r e s de type t ie rce (P. f a l c i p a r u m et P. vivax) ou quar te (P. m a l a r i a e ) . La symptomato log ie des a c c è s de revi- v i s c e n c e schizogonique est ca rac té r i s t ique : début brutal, sensa t ion de froid s ' a c c o m p a g n a n t de fr issons in tenses et prolongés, puis la tempé- ra ture s ' é l ève à 40° , 41° pendan t plusieurs h e u r e s ; enfin des s u e u r s t r ès a b o n d a n t e s a n n o n c e n t la fin de l ' a c c è s qui dure que lques heures . L ' a c c è s s e reproduit les jours J3, J5, J7 s'il s 'agit de fièvre intermittente t ierce, les jours J4, J7 s'il s 'agi t de fièvre quar te . La rate a u g m e n t e de volume a v e c la répétition d e s a c c è s .

Les rev iv i scences du pa ludisme à P. f a l c i p a r u m ont toujours une note de gravité. Il peut s 'agir c o m m e d a n s le pa ludisme d' invasion d 'un a c c è s pernicieux typique ou d 'un tab leau de t ierce maligne, c a r a c t é r i s é par une s u c c e s s i o n d ' a c c è s su rvenan t sur un fond de t e m p é r a t u r e con- tinue. La fièvre s ' a c c o m p a g n e de c é p h a l é e s vives, d 'obnubilation et de prostrat ion. Dans d ' a u t r e s cas , la t e m p é r a t u r e s ' inscri t sur un m o d e rémittent. L 'associa t ion d 'un ic tère ou d 'un sub ic tè re fait individualiser

une forme dite « fièvre rémit tente bilieuse » qui s ' a c c o m p a g n e d 'hépato- mégal ie sensible. L'hypertrophie splénique et des manifes ta t ions anémi- q u e s peuvent complé te r c e s tab leaux cliniques.

D i a g n o s t i c . Le diagnost ic r epose sur la gout te épa i s se ou le frottis san- guin qui pe rme t t en t de met t re en év idence les hématozoa i res .

L ' immunof luorescence es t d 'un grand intérêt d iagnost ique lorsque l'éta- lement sanguin ne peut appor te r la p reuve du diagnostic, chez un sujet qui a reçu p réa lab lement des ant imalar iques.

T r a i t e m e n t . Dans les a c c è s s imples s a n s signe de gravité, on fera appel à la chloroquine (Nivaquine) . Devant d e s s ignes de gravité ( accès

pernicieux), ou si le m a l a d e vomit, il faut utiliser le formiate bas ique de quinine (Qu ino fo rme) , a m p o u l e s à 0 ,50 g ou 1 g, en perfusion d a n s 250 ml de s é r u m g lucosé isotonique. Le F a n s i d a r s e r a r é se rvé au palu- d isme chloroquino-résis tant .

A m i b i a s e f é b r i l e

A m i b i a s e h é p a t i q u e . On é v o q u e r a c e d iagnos t ic devant une fièvre éle- vée, s ' a c c o m p a g n a n t de douleurs de l ' hypocondre droit et de douleurs bas i tho rac iques irradiant en bretel le vers l ' épaule droite, une h é p a t o m é - galie d ' i m p o r t a n c e variable, ma i s d o u l o u r e u s e de façon diffuse à l ' ébran lement en m a s s e du foie, ou plus exqu i s émen t dou loureuse , un synd rome pleuro-pulmonaire d ' a c c o m p a g n e m e n t d a n s 20 % d e s cas , un sub ic t è re d a n s 15 %. Le d iagnos t ic es t celui d 'un é ta t s e p t i c é m i q u e s ' a c c o m p a g n a n t d ' u n e hépa toméga l i e dou loureuse .

On c o n s t a t e sur le plan biologique une h y p e r l e u c o c y t o s e avec polynu- c l éose neutrophile, une impor tante accé l é ra t ion de la v i t e s se de sédi- mentat ion. La radiographie pulmonaire , de f a c e et de profil droit, appré- cie la surélévat ion de la coupole d i aph ragma t ique droite, la rad ioscopie mont re l 'hypocinésie du d i aph ragme , le c o m b l e m e n t d e s culs de s a c cos to -d iaphragmat iques . Le s iège de l ' abcès , et parfois leur n o m b r e s'il y en a plusieurs, sont p r é c i s é s par l ' é cho tomograph ie , ou la tomodens i - tométr ie . La p reuve de la na tu re amib ienne de l ' abcè s s e r a établie par la forte positivité, à d e s taux égaux ou supé r i eu r s à 1/200, d e s r éac t ions d ' i m m u n o f l u o r e s c e n c e indirecte. Les a n t é c é d e n t s coli t iques amib iens

sont pa t en t s ou non, l ' examen d e s sel les peut ê t re négatif ou révéler d e s amibes ou d e s kys tes d ' E n t a m o e b a h i s t o l y t i c a . L ' a b c è s es t exception- nel lement con tempora in de la p o u s s é e d ' amib ia se intestinale, il lui fait le plus souven t suite d a n s d e s délais variables .

Le t ra i t ement par les a m o e b i c i d e s t i ssula i res diffusibles e s t essent ie l : métronidazole (Flagyl), 8 c o m p r i m é s à 0,25 g en qua t re pr i ses pendan t 8 jours, ou D é h y d r o é m é t i n e à 0,0015 g/kg par jour par voie sous- c u t a n é e (fosse sus -ép ineuse) pendan t 10 jours. La survei l lance médico- chirurgicale d e s a b c è s es t essent ie l le pour p e r m e t t r e d ' intervenir chi- rurgica lement d è s que l 'indication opéra to i re es t posée .

A m i b i a s e c o l i q u e m a l i g n e . Le d iagnos t ic d ' amib ia se colique mal igne es t except ionnel . Il peut ê t re env i sagé devan t un s y n d r o m e douloureux abdominal s ' a c c o m p a g n a n t de fièvre en p la teau ou intermit tente, c h e z un rapatr ié en mauvais é ta t généra l qui p r é s e n t e une d ia r rhée san- glante.

L'abdomen mé téo r i s é es t empâ t é , le sph inc te r anal es t hypotonique. L 'augmenta t ion du volume d 'un foie douloureux, parfois s iège d 'un ou plusieurs a b c è s d 'évolution parallèle, peut ê t re m a s q u é e par le météo- risme. Au touche r rectal, la m u q u e u s e es t irrégulière, val lonnée et fria- ble. La leucocytose , avec po lynuc léose neutrophile, es t t r ès é levée. On met en év idence d e s a m i b e s h é m a t o p h a g e s d a n s les selles.

Il faut d ' u r g e n c e met t re c e s m a l a d e s en milieu chirurgical, tout en insti- tuan t un t ra i t ement antiamibien intraveineux par Tibéral et Terramy- c ine , c a r il s 'agi t souvent de colite amibienne n é c r o s a n t e ent ra înant des

per fora t ions intes t inales et évoluant para l lè lement à un ou plusieurs a b c è s qui peuvent ê t re rompus ou en voie de rupture.

T r y p a n o s o m i a s e s

T r y p a n o s o m i a s e a f r i c a i n e . La t r ypanosomiase afr icaine pose le pro- b lème d ' u n e fièvre avec ganglions. On dépis te c h a q u e a n n é e quelques c a s importés de t r ypanosomiase en Europe. La fièvre es t un signe d ' appe l t r ès important. S'il existe e n c o r e en Afrique noire de nombreux foyers de t rypanosomiase , c e diagnostic, bien qu 'except ionnel , peut ê t re évoqué , chez un sujet venant d'Afrique tropicale, devant toute fiè- vre d 'al lure désa r t i cu l ée qui rés is te aux ant imalar iques , aux sulfamides, aux antibiotiques, aux cort icoïdes, s ' a c c o m p a g n e de c é p h a l é e s t rès vives, de rachialgies, de modification de ca r ac t è r e , de prurit, et parfois d ' é r y t h è m e s annulaires . Ces s ignes sont p r é c o c e s et la p remière onde the rmique de la maladie appara î t le plus souvent une dizaine de jours ap rè s la piqûre de la glossine infectante, qui provoque une lésion locale, le t rypanome, qu 'on c o m p a r e à un furoncle s a n s t ê te et qui p r é c è d e l ' i n t u m e s c e n c e gangl ionnaire c l a s s ique à p r é d o m i n a n c e cervicale pos- tér ieure. Il a é t é rappor té que lques c a s except ionnels de t rypanoso- miase dont le dép i s t age es t intervenu plusieurs mois ou a n n é e s ap rè s la piqûre infectante.

Le diagnost ic es t por té par l ' examen en t re lame et lamelle d 'un frottis de sang frais, ou d ' une gout te é p a i s s e et par l ' examen du suc ganglionnaire prélevé par ponction. La v i tesse de sédimenta t ion globulaire es t tou- jours t r ès a c c é l é r é e . L ' immunodiagnost ic a une g rande valeur d 'orienta- tion, en révélant l 'élévation c o n s t a n t e et importante, à un taux au moins 4 fois supér ieur à la normale, de s lgM du sérum. La réaction d ' immuno- f l uo re scence faite sur le s ang donne des résul tats significatifs à partir du taux de 1/100. L 'examen du liquide céphalo-rachidien d 'une part, l ' é l ec t ro -encépha log ramme d ' au t r e part, et leur surveil lance, sont e s sen t i e l s pour dé te rminer l 'extension neuro-méningée de la maladie.

A son s t ade p r é c o c e le ma lade é tant indemne de toute at teinte

Composition : Compo-Vincennes à Vincennes Imprimerie Corlet, 14110 Condé-sur-Noireau

Dépôt légal : avril 1982

Imprimé en France

p. pène a. bourgeade

J. delmont

médecine tropicale

en

pays tempérés

Le médecin omnipraticien des pays tempérés est de plus en plus souvent confronté à des situations qui exigent de lui une compétence précise en médecine tropicale : conseils à des voyageurs, soins à donner à des patients originaires ou non d'une région tropicale. Or sa formation l'a insuffisamment préparé à faire face à la grande diversité des situations qu'il rencontre. Les notions acquises sont souvent trop succinctes, les ouvrages qu'il est tenté de consulter sont très spécialisés ou n'apportent que des informations fragmentaires. L'ouvrage du Professeur Pène et de ses collaborateurs, qui ont une riche expérience de l'exercice de la médecine exotique en pays tropical et tempéré, ainsi que de l'en- seignement médical, devrait permettre au médecin praticien d'améliorer sa compé- tence en médecine tropicale. Ce document comporte un guide diagnostique et thérapeutique pour les principales situations pathologiques; il envisage les particularités géographiques de la patho- logie exotique en fonction de la provenance des malades. Il constitue une approche non spécialisée des maladies exotiques aussi bien dans le domaine de la pathologie générale que des maladies transmissibles. Ces affections sont classées par ordre alphabétique. Un index rend le texte facile à consulter. Le médecin appelé à donner des conseils à des voyageurs trouvera les notions qui lui sont utiles. La composition de l'ouvrage permet aussi de le recommander aux étudiants du 2e cycle des études médicales, aussi bien pour la préparation des examens que des concours hospitaliers.