Upload
sylvain-paley
View
213
Download
0
Embed Size (px)
DESCRIPTION
Cette étude a pour objectif d‟interroger les concepts modernes de contenu de marque en ligne, de contenu généré par les utilisateurs et de communauté de marque en ligne. Ce travail de recherche pose la question des mécaniques de création de contenu pour la marque au sein de communauté en ligne et explore les phénomènes technologiques et les bouleversements socio-économiques qui ont permis la mise en place d'une telle situation.
Citation preview
CELSA
Ecole des hautes études en sciences de l‟information et de la communication
UNIVERSITE DE PARIS IV - SORBONNE
CELSA
Ecole des hautes études en sciences de l‟information et de la communication
Master 1ère
année
Mention : Information et Communication
Spécialité : Marketing, Publicité et Communication
Mécaniques de création de contenu
au sein des communautés en ligne
entre marques et utilisateurs.
Le cas I AM NIKON
Préparé sous la direction du Professeur Véronique RICHARD
Paley, Sylvain
Promotion 2010-2011
Option Marketing et Communication
Soutenu le 4 juillet 2011
Note du mémoire :
Mention :
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 1 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 2 2010-2011
REMERCIEMENTS
Il serait injuste de ne pas remercier les personnes qui ont permis de mener à bien ce
travail d‟études et de recherche.
Je tiens tout d‟abord à remercier mon rapporteur universitaire, Elena Mouratidou, pour
son temps, son écoute, ses remarques constructives et sa compréhension.
Je remercie également Pauline R., pour son temps et ses conseils précieux, et Bruno
Chery, pour son humour et son professionnalisme.
Enfin je remercie Razer, pour leurs claviers de si bonne facture qu‟ils endurent sans
broncher les 118 000 signes que vous vous apprêtez à lire.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 3 2010-2011
TABLE DES MATIERES
Remerciements .............................................................................................................. 2
Introduction .................................................................................................................. 5
I. Importance du contenu de marque, analyse des objectifs, et détermination
de la méthodologie adaptée ........................................................................................ 11
1. Le brand content : contexte d’émergence et enjeux pour les marques ... 11
1.1 Structurer le savoir : Savvy-consumer et marketing content .......................... 11
1.2 Tous experts a l‟aune de la démocratisation des outils .................................. 14
2. Objet d’analyse : la page facebook de nikon global .................................. 15
2.1 L‟hégémonie facebook ................................................................................... 15
2.2 Nikon : une marque orientée vers le contenu ................................................. 16
3. Méthodologie ................................................................................................. 18
3.1 Rappel des objectifs ........................................................................................ 18
3.2 Définition du corpus ....................................................................................... 18
3.3 Méthode .......................................................................................................... 19
3.4 Limites ............................................................................................................ 20
II. Mutation des notions de communautés : du groupe primaire à la
plateforme numérique ................................................................................................ 21
1. La communauté sous influence du contexte socio-économique ................ 21
1.1 Du groupe primaire à la Gemeinschaft ........................................................... 21
1.2 Post-modernité et nostalgie ............................................................................ 24
2. Communauté de marques et évolutions à l’heure du numérique ............ 27
2.1 Consommation et communauté ...................................................................... 28
2.2 La révolution technologique du « web social » .............................................. 30
3. La plateforme technologique en tant que lieu communautaire ................ 33
3.1 Différentes plateformes pour différents usages .............................................. 34
3.2 Facebook, la norme communautaire ............................................................... 36
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 4 2010-2011
III. La création de contenu au sein des communautés de marque en ligne : le
cas I AM NIKON ........................................................................................................ 38
1. I AM NIKON, place à l’interaction ............................................................ 38
1.1 Nikon, une marque historique ........................................................................ 38
1.2 I AM NIKON, l‟utilisateur au cœur de l‟image ............................................. 38
2. Contraintes technologiques et discours de marque : jalons de la
production ............................................................................................................... 42
2.1 Facebook, un fonctionnement normé ............................................................. 42
2.2 Une page construite dans la coercition ........................................................... 44
3. Applications et onglets : officialiser les pratiques informelles ................. 45
3.1 Les solutions de différenciation ...................................................................... 45
3.2 Une invitaton au partage ................................................................................. 47
Conclusion ................................................................................................................... 49
Bibliographie ............................................................................................................... 51
Annexes ........................................................................................................................ 53
Annexe 1 : Prints de la campagne I AM NIKON ................................................. 54
Annexe 2 : Spot TV de la campagne I AM NIKON ............................................ 60
Annexe 3 : écosystème digital de la campagne I AM NIKON ............................ 61
Annexe 4 : Frise chronologique des prises de paroles de Nikon sur la page
facebook I AM NIKON ........................................................................................ 62
Annexe 5 : Les différents onglets de la page facebook I AM NIKON ................ 63
Annexe 6 : Extrait des conditions d‟utilisation de Facebook à propos des
concours ................................................................................................................ 71
Annexe 7 : Entretien semi-directif avec avec Bruno Chery ................................. 72
Résumé......................................................................................................................... 79
Mots-clefs ..................................................................................................................... 80
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 5 2010-2011
INTRODUCTION
L‟entrée de l‟humanité dans l‟ère de l‟information ne s‟est pas faite sans heurts.
Fracture numérique, protection de la vie privée, copyright, redéfinition de l‟industrie
culturelle et communicationnelle, bouleversement dans le secteur des mass-medias et même,
plus récemment, jusque dans nos dictionnaires ; nombreuses sont les sphères touchées par
cette révolution qu‟est le numérique, ou Ŕ dans le sens anglo-saxon du terme Ŕ le digital. Les
évolutions positives sont elles aussi indéniables. Technologiquement, la communication est
toujours plus aisée, le savoir est à portée de main, tout comme la culture et le divertissement.
Coté glissements, transformations et redéfinitions, la sphère sociale n‟est définitivement pas
en reste : les individus n‟ont jamais été aussi proches, sans être aussi loin, les notions de
groupe n‟ont plus rien à voir avec la définition des grands courants sociologiques et les
interactions sociales sont plus que jamais à éclairer à travers le nouveau prisme de la
sociologie numérique. Nombreux sont ces sociologues « du numérique » fascinés par les
regroupements virtuels, qu‟ils soient sur des plateformes de collaboration comme les wikis, au
sein d‟univers virtuels comme Habbo Hotel1 ou dans le monde des jeux-vidéos avec le
désormais célèbre World Of Warcraft2. Les regroupements sur internet, et donc sur le web,
prennent de multiples figures, se forment autour de centres d‟intérêts, de passion, d‟œuvre
collective ou de style de vie.
La sphère économique, et en particulier le marketing et la publicité, est parmi celle qui
a fait preuve d‟une des plus impressionnantes capacités d‟adaptation, du moins de la part de
ses meilleurs représentants. En observant ses consommateurs Ŕ plutôt devrait-on parler
d‟utilisateurs Ŕ la plupart des agences ont réagi en adoptant une posture qui place les
interactions sociales, la participation volontaire et active, et la notion de « conversation »
avant toutes autres sortes de communication sur le digital. Pionniers du « web 2.0 », où la
communication se fait d‟égal à égal, les marques ont su identifier menaces et opportunités,
pour entrer dans une nouvelle ère de la publicité : celle de l‟interactivité, de la conversation,
du réseau social et bien évidemment, celle de la communauté. En effet, on le verra, gérer sa
communauté en ligne est devenu pour la marque un enjeu économique et publicitaire.
L‟époque où l‟on pouvait se passer d‟interagir avec ses consommateurs, de faire du
relationnel est révolue.
1Une messagerie instantanée graphique où chacun est représenté par un personnage qu‟il peut déplacer à
loisirs : http://www.habbo.com/ 2 Le plus grand jeu en ligne massivement multi-joueurs : http://eu.battle.net/wow/fr/
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 6 2010-2011
La notion de communauté, dans sa définition traditionnelle, hors du digital, est
extrêmement complexe. La notion de communauté est un axe sensible autour duquel se
développent différents niveaux de discours et différents types de réflexions sur la société
notamment. La communauté n‟est pas l‟apanage d‟une seule discipline comme la sociologie
par exemple. Sa caractéristique est justement de se déployer à travers un très grand nombre
d‟extensions catégorielles qui rendent laborieux la saisie claire et immédiate de ses contours.
On retrouve des références à la notion de groupe primaire, dont la communauté semble
représenter une forme élaborée. Mais les typologies que l‟on retrouve autour de ces concepts
sont multiples : sectes, tribus, associations, confréries, compagnons, bandes, clans, etc. Autant
de types de structure qu‟il devient complexe à embrasser pour comprendre la notion de
communauté dans toute sa mesure, chaque terme étant de plus doté de valeur sémantique
euphorique et dysphorique. Celle-ci passe donc au crible de nombreuses disciplines telles que
la sociologie bien évidemment, mais aussi la psychologie, la psychanalyse, l‟ethnologie et
l‟anthropologie. Si l‟on élargit encore le faisceau, on retrouvera des emplois du terme du côté
du journalisme, des experts du marketing et autres acteurs du web notamment. Beaucoup de
confusions autour de cette définition qui voit ses limites éclater à chaque bouleversement
socio-économique, comme récemment avec l‟essor des nouvelles technologies de la
communication. Longtemps construite dans l‟opposition au concept de société, la notion de
communauté a encore évolué à l‟âge de la consommation, en se développant rapidement aux
côtés des premières marques au XXème siècle.
De nos jours, nos sociétés sont devenues des sociétés de consommation et nombre de
chercheurs s‟accordent à dire que notre consommation et notre relation avec les marques
peuvent parfois être plus significatives que notre statut social, autrefois pivot autour duquel
s‟organisait la communauté. Dès lors, personne ne s‟étonne de retrouver des regroupements
autour des valeurs et de l‟image d‟une marque, d‟un produit ou d‟une entreprise. Au-delà de
la méfiance qu‟inspire généralement un discours consumériste ou publicitaire, de plus en plus
de marques arrivent à fédérer des groupes de consommateurs qui partagent leurs valeurs et
leurs idées. Ces communautés de marque sont bien plus évidentes et observables à l‟ère du
numérique où l‟on peut se regrouper virtuellement avec une facilité déconcertante.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 7 2010-2011
Ces territoires numériques, Agoras3 virtuelles s‟il en est, où chacun peut prendre la
parole, s‟écouter, collaborer et partager, sont devenus le modèle de beaucoup de services en
ligne. Qu‟on les appelle réseaux sociaux, plateformes collaboratives, wikis, forums ou sites
2.0, tous ces services ont en commun la particularité d‟avoir mis au centre le contenu et son
créateur (et/ou utilisateur, comme nous l‟expliquons plus bas). Le contenu, car le web de par
sa structure et la façon dont il s‟est construit, est définitivement organisé autour du partage et
de la création du contenu. C‟est le bien le plus précieux, le graal de l‟internaute : le contenu
original, pertinent, informatif ou divertissant est, sur le web, objet de toutes les convoitises
autour duquel se déroulent les guerres acharnées du copyright et du droit d‟auteur. Un service
qui héberge du contenu intéressant est un service qui génère du trafic et qui est donc rentable.
Bien évidemment, la problématique principale reste celle du prix : tout le monde ne peut
s‟accorder les services de journalistes, photographes, cinéastes ou graphistes. La particularité
du web dit « social » est justement de démocratiser et de mettre à disposition des outils et du
savoir susceptibles de transformer des utilisateurs passifs en créateurs de contenu. D‟où la
nécessité pour ces services de proposer la meilleure expérience utilisateur possible, afin de
faciliter la création de contenu sur leur plateforme. Ce concept repose donc sur un
compromis : en échange d‟outils et d‟hébergements, les utilisateurs fournissent un contenu
susceptible d‟attirer du trafic. Ce contenu généré par les utilisateurs Ŕ User Generated
Content (UGC) Ŕ est un des modèles majeurs du web ces dernières années.
Communauté, digital, marque, contenu et utilisateur sont donc les maitres-mots de la
présente étude. Un regroupement d‟individus autour d‟une marque est-il réellement ce que
l‟on peut appeler une communauté ? Quel est l‟état des lieux de ces communautés à la lumière
des nouveaux outils et fonctionnements du web moderne ? Les marques accordent-elles de la
valeur au contenu généré par les utilisateurs ? Le concept de communauté n‟est-il pas encore
une fois un simple phénomène de mode, survendu par des marketers avides de concepts à
vendre aux entreprises ? Autant de questions auxquelles nous nous attacheront à répondre.
Pour répondre le plus clairement à toutes ces interrogations, il apparait nécessaire de
concentrer nos études autour d‟un cas concret : d‟une marque et d‟une plateforme. La
désormais reconnue universalité du réseau social Facebook4
fait de lui l‟espace
incontournable de toute marque souhaitant interagir avec sa communauté. Extrêmement
3 Dans la Grèce Antique, l‟agora était le lieu de rassemblement de la cité, ciment de la démocratie selon
Aristote. On y trouvait les institutions démocratiques, judiciaires (tribunal populaire), législatives et religieuses.
On lui donne souvent le forum comme équivalent romain. 4 http://facebook.com
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 8 2010-2011
restrictive en termes de personnalisation et de conditions d‟utilisation, la plateforme ne laisse
pas la part belle aux marques, concentrant encore une fois ses efforts autour de l‟expérience
de l‟utilisateur. De par ses particularités ergonomiques et son importance en termes de volume
(Facebook est le deuxième site le plus visité au monde après Google5), il apparait pertinent de
choisir cette plateforme comme terrain de recherche afin d‟étudier en profondeur les
interactions de la marque avec ses consommateurs, et la façon dont le contenu est créé puis
récupéré. Afin d‟observer un cas pertinent, il nous a semblé évident de choisir une marque qui
d‟abord possède un potentiel fédérateur, dans le but de réunir un maximum de consommateurs
autour d‟elle et donc d‟augmenter les interactions observables entre les membres, mais
également une marque qui par son activité facilite la création de contenu par les utilisateurs.
Nous avons donc jeté notre dévolu sur la marque d‟appareils photographiques numériques
professionnels et semi-professionnels Nikon, et ceci pour trois raisons principales. La
première, comme on vient de le voir, est une raison logique. Puisque nous mettons un point
d‟honneur à étudier la création de contenu par les utilisateurs, quoi de plus sensé que d‟étudier
les possesseurs d‟un produit qui leur permet directement de créer du contenu : des
photographies. La seconde raison est l‟axe publicitaire autour duquel la marque construit sa
communication. Avec la campagne I AM NIKON, la marque met l‟accent sur la
personnalisation et l‟appropriation des valeurs par les consommateurs. Le choix de cet axe se
reflète alors logiquement sur la stratégie digitale que la marque met en place sur Facebook.
Enfin, la dernière raison est une des plus fortes. Comme on le développera avec plus de
profondeur par la suite, on observe souvent que les communautés de marques les plus solides
sont celles qui se structurent dans l‟opposition à une autre. On retrouve ce modèle des
« frères-ennemis » dans énormément de cas de figure : Pepsi vs. Coca-cola, Mac vs. PC, Nike
vs. Adidas et on le retrouve également dans l‟opposition Nikon vs. Canon, la marque jaune
versus la marque rouge. Le rejet du non-membre, la structuration dans l‟opposition sont des
concepts clefs que l‟on retrouvera tout au long de notre étude sur la définition de la
communauté.
Il apparait également intéressant d‟interroger les marques elles-mêmes ou du moins
leurs porte-paroles en ligne, à propos de ces sujets. Dans ce but, nous nous entretiendrons
avec le Community Manager6 de la marque Panasonic (entre autres) en ligne. Nous le
mettrons en présence de nos théories et recueillerons sa vision et ses opinions sur le sujet.
5 http://google.com 6 Animateur, guide de communauté. Il n‟existe pas vraiment d‟équivalent francophone.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 9 2010-2011
Cela nous permettra de mettre en évidence les problématiques auxquelles les marques sont
confrontées, mais surtout de connaître la position de la marque vis-à-vis de l‟importance
accordée au contenu.
Notre problématique est donc la suivante : De quelles manières se structurent la
communauté de marque en ligne et quelles sont les mécaniques de la création de contenu
de marques, par les utilisateurs et membres de ces communautés ? Si l‟on est plus à l‟aise
avec les anglicismes, nous pouvons résumer notre pensée ainsi : entre UGC (User Generated
Content) et Brand Content (contenu de marque), y‟a-t-il une place pour l‟UGBC (User
Generated Brand Content) ? Et quelles en sont les mécaniques ?
Pour répondre à notre question de départ, deux grandes hypothèses et quatre sous
hypothèses guideront notre travail. Nous essayerons donc de valider le fait qu‟il existe un
processus, un scénario de base commun et applicable dans toutes les communautés en ligne
concernant la création de contenu par les utilisateurs (hypothèse 1). Pour cela il faudra
prouver que des utilisateurs réunis sur un territoire proposé ou non par la marque, ayant
comme sujet principal la marque, représentent bel et bien une communauté (sous hypothèse
1), et également que les interactions entre les membres sont formatées par les possibilités
éditoriales de la plateforme, et donc que la plateforme est directement responsable de ce
scénario de création de contenu (sous hypothèse 2). Nous interrogerons pour cela les
connaissances théoriques concernant les notions de communauté, de communauté de marque
et de communauté de marque en ligne. Nous procéderons également à une analyse
sémiologique des plateformes afin de vérifier les éléments coercitifs qu‟elle induit.
Si la première hypothèse est directement liée à la façon dont le contenu est créé et
partagé, la seconde concerne plus généralement le bien-fondé d‟une telle approche du
marketing digital, et plus particulièrement ses limites. Nous nous attacherons donc à
démontrer que le contenu de marque (généré par les utilisateurs ou non) est un réel apport
pour la marque et sa communauté (hypothèse 2). Pour cela nous axerons nos recherches sur le
fait que toute marque est légitime pour fédérer une communauté en ligne (sous hypothèse 1)
et que le contenu créé par les utilisateurs permet à cette marque de légitimer sa présence (sous
hypothèse 2). Afin de valider ou d‟invalider ces affirmations, nous nous entretiendrons avec
un professionnel et nous utiliserons les résultats en terme d‟image des pratiques d‟une marque
en ligne.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 10 2010-2011
Tout d‟abord, nous développerons plus en profondeur quelques éléments de contexte,
à commencer par l‟importance du contenu en ligne en général puis lorsqu‟il est créé par les
utilisateurs et par la marque. Toujours dans ce chapitre, nous nous attacherons à justifier en
détail le choix de la marque Nikon ainsi que celui de la plateforme Facebook puis nous
évoquerons nos objectifs et notre méthodologie, en incluant le choix de corpus et la méthode.
Le second chapitre tentera de décrire et d‟étudier les mutations de la notion de
communauté au fil des courants de pensée et disciplines successives, pour arriver au concept
postmoderne de la communauté de marque. Ensuite, nous ajouterons une couche de digital, en
tentant de définir la communauté de marque en ligne. Nous clôturerons alors ce chapitre sur
l‟importance qui est donnée à la plateforme numérique, dans son rôle d‟outils mais aussi dans
celui de territoire communautaire.
Enfin, dans un troisième chapitre nous développerons et analyserons les résultats de
notre étude de la communauté Nikon sur Facebook ainsi que de notre entretien avec un
Community Manager afin d‟affirmer ou d‟infirmer nos hypothèses. Nous essayerons de
définir, s‟ils existent, les jalons du scénario de création de contenu en ligne.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 11 2010-2011
I. IMPORTANCE DU CONTENU DE MARQUE,
ANALYSE DES OBJECTIFS, ET DETERMINATION DE
LA METHODOLOGIE ADAPTEE
1. LE BRAND CONTENT : CONTEXTE D’EMERGENCE ET ENJEUX POUR
LES MARQUES
1.1 STRUCTURER LE SAVOIR : SAVVY-CONSUMER ET MARKETING CONTENT
Le terme « contenu » que l‟on utilise tout au long de ce travail concerne l‟ensemble
des productions numériques qui se partagent en ligne. Le terme français donne une vue
d‟ensemble très large de ce qu‟est le contenu, d‟autant plus que nous avons affaire ici à du
métalangage, la définition du contenu en sciences du langage n‟est, par exemple, pas la même
du contenu dont nous parlons ici. Pour être le plus juste possible, il semblerait qu‟il faille
rapprocher le terme français de sa traduction anglaise, à savoir la « web content », défini ainsi
par Louis Rosenfeld and Peter Morville dans Information Architecture for the World Wide
Web :
« Le contenu est généralement défini comme étant ‘les choses dans
votre site web’. Cela peut inclure documents, données, applications,
services, images, sons et vidéos, pages web personnelles, e-mails
archivés, etc. Et nous incluons dans cette liste les choses futures aussi
bien que les choses présentes.»7
L‟importance du contenu sur le web n‟est désormais plus à prouver : de par le
fonctionnement du web, le contenu y est roi. Le web s‟est d‟abord construit autour des
moteurs de recherche Ŕ Google en tête Ŕ avec une structure basée sur l‟indexation des
contenus. Récemment, les tendances montrent qu‟à cette structure qui n‟est pas prête d‟être
obsolète, on ajoute des surcouches qui permettent soit de rajouter un niveau de visibilité et
d‟ergonomie Ŕ comme le web « sémantique » Ŕ soit un niveau de recommandation, avec la
couche « sociale ».
7 Louis Rosenfeld et Peter Morville, Information Architecture for the World Wide Web, O‟Reilly Media,
1998.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 12 2010-2011
Gérer, diffuser, créer et relayer du contenu utile est devenu un enjeu pour les marques
sur le web car le réseau a radicalement changé les mentalités et la manière dont les individus
s‟informent. Avoir accès de façon instantanée aux informations qui nous intéressent, sous
forme d‟article, de reportage ou d‟infographie relevait de la science-fiction il y a une
vingtaine d‟années. Pourtant aujourd‟hui, tout ce savoir est à portée de main, et même souvent
dans notre poche. L‟individu connecté est désormais presque aussi informé qu‟un journaliste :
il lui suffit d‟une demi-journée de « surf » pour devenir expert sur un produit. De peur que
cela se retourne contre elles, les marques ont bien été obligées de s‟adapter. Au sein de la
plupart de ces entreprises, un glissement s‟est effectué au niveau de la perception que les
marketers ont du consommateur. Les américains utilisent le terme de savvy pour caractériser
cette nouvelle évolution du consommateur Ŕ et par extension de la consommation. Il n‟existe
pas vraiment d‟équivalent français, mais si l‟on devait le traduire, cela donnerait un mélange
de bon sens, de jugeote, de débrouille et de curiosité.
Loin de nous l‟idée d‟exprimer en creux que le consommateur pré-internet était
ignorant et désintéressé : ce serait un mauvais jugement de valeur. Toujours est-il que le
digital native ou du moins le digital active est plus actif et dépense moins d‟énergie dans la
recherche. Pour les marketers, l‟enjeu est conséquent : il s‟agit d‟appréhender ce savvy-
consumer dans toute son expression et d‟en finir avec un discours publicitaire depuis
longtemps rejeté par un public qui se méfie de tout ce qui émane des sphères du marketing. Le
savvy-consumer Ŕ appelons-le le consommateur-expert Ŕ rêve d‟une marque crédible qui lui
parlerait en bonne connaissance de son statut d‟éclairé, une marque qui lui apporterait un
contenu inédit, utile et crédible. Joe Pulizzi8, considéré par ses pairs comme un guru du
contenu Ŕ à relativiser donc Ŕ exprime cette pensée de la façon suivante :
8 Joe Pulizzi est un auteur, conférencier et stratège spécialisé en content marketing :
http://www.joepulizzi.com/bio/
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 13 2010-2011
« Ils (les consommateurs) ne surfent pas sans but, en espérant être
influencés par des message publicitaires qui arriveraient à
l’improviste. Ils veulent se construire leurs propres opinions, basées
sur leur propre collecte d’informations. Par conséquent, les
consommateurs ont besoin de contenus qui les rendent plus
intelligents et mieux informés »9
Conscientes de l‟enjeu que représente ce phénomène, les marques sont nombreuses à
construire leur présence en ligne basée sur le contenu en mettant en place des blogs, des
communautés de presse, des newsletters, des webcasts, des podcasts, des livres blancs, des
vidéos ou encore sur les médias dits « sociaux ». Selon une étude Outbrain10
de 2011 réalisée
lors des EffieAward11
s, 99% des interrogés (des cadres marketing d‟entreprises et d‟agences)
répondaient que le contenu est un facteur important au sein de leur stratégie de marque, et
qu‟ils en créaient effectivement en ligne. Finalement, le content marketing peut-être définit
ainsi :
« Une technique de création et de distribution de contenu intéressant
et à valeur ajoutée visant à attirer, acquérir et engager une cible
d’audience clairement définie et écoutée, avec l’objectif de guider des
actions de consommateurs rentables »12
Au-delà de la dimension mercantile et lucrative, l‟aspect relationnel entre l‟entreprise
et le consommateur est évoqué. Il n‟est plus possible de nos jours de considérer que la
communication est unilatérale, que deux entités telles que les consommateurs et la marque
n‟ont d‟autres relations que l‟achat pour la première, et la communication dirigée vers les
masses pour la seconde. Ce n‟est pas un hasard si dans les discours commerciaux anglo-
saxons, le shareholder (actionnaire) est souvent remplacé par le stakeholder (la partie
prenante) car ce terme n‟évoque pas seulement les décisionnaires et les financeurs, mais tous
les groupes et individus qui prennent part à l‟entreprise. Les stakeholders peuvent représenter
des menaces, comme les partisans de Greenpeace dénonçant Nestlé pour son activité en
9 Traduit de l‟anglais - Joe Pulizzi, « Get Content GetCustomers », 2008 10http://blog.outbrain.com/2011/03/content-key-brand-strategies-budget-in-house.html 11 Cérémonie publicitaire récompensant chaque année les campagnes les plus efficaces aux Etats-Unis 12 Traduit de l‟anglais Ŕ Junta42, Livre Blanc « Attract and Retain Customers with Content », 2008
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 14 2010-2011
faveur de la déforestation13
, mais aussi des bienfaiteurs, comme les utilisateurs de
l‟avertisseur de radar Coyote, manifestant contre son interdiction par le gouvernement14
. Le
consommateur possède désormais un moyen de se faire entendre et de, lui aussi, créer du
contenu.
1.2 TOUS EXPERTS A L‟AUNE DE LA DEMOCRATISATION DES OUTILS
L‟explosion de la bulle internet en 2005 s‟accompagne de révolutions technologiques
que nous nous emploierons à décrire dans la partie suivante. Toujours est-il que ces avancées
permettent à nos utilisateurs-experts de s‟emparer d‟outils jusqu‟alors réservés à des corps de
métiers. Ainsi, de la même façon que la démocratisation de la micro-informatique et donc du
traitement de texte dans les années 90 a fait de tout un chacun un typographe ou un
maquettiste, les internautes s‟emparent d‟un savoir et d‟outils qui étaient jusqu‟alors
l‟apanage de corps de métiers bien précis. Outils, savoirs mais surtout une tribune pour
partager ses œuvres, et l‟utilisateur devient cinéaste, ingénieur du son, photographe, graphiste
ou journaliste. Mais comme il prenait la place du typographe dans les années 90, il possède le
savoir-faire, la notice d‟utilisation : il enrichit son texte, insère du gras, de l‟italique mais sait-
il vraiment pourquoi le gras ? Pourquoi l‟italique ? Il hérite de l‟aboutissement de 500 ans
d‟imprimerie sans en connaitre l‟Histoire15
. Cela permet une certaine réinvention créative,
mais souvent également une perte de lisibilité. On observe les mêmes limites pour ce que l‟on
appelle dorénavant l‟UGC, pour User Generated Content : même si l'utilisateur est « expert »
dans le sens où l'accès au savoir et aux technologies est simplifié, il faut comprendre que
posséder une caméra et maîtriser un logiciel de montage ne fait pas de soi un réalisateur.
L‟accès simplifié aux outils et aux savoirs permet donc à des utilisateurs de créer
toutes sortes de contenus multimédia. Textes, sons, images animées, vidéos et même
animations interactives, sont le type de contenus que les internautes partagent sur la toile. A
titre d‟exemple, c‟est 48h de vidéos qui sont uploadées chaque minute sur Youtube16
. Ces
utilisateurs créateurs de contenu, valorisés par les sites hébergeurs (le statut de MotionMaker
13 Voir : http://mashable.com/2010/05/17/nestle-social-media-fallout/ 14 Pétition contre l‟interdiction des avertisseurs de radar :
http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=911fan 15 Voir cours d‟Emmanuel Souchier sur les dispositifs médiatiques 16 Le blog officiel de Youtube : http://youtube-global.blogspot.com/2011/05/thanks-youtube-
community-for-two-big.html
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 15 2010-2011
chez Dailymotion17
) sont par extension aussi des consommateurs : ce sont donc ces
consommateurs et le contenu qu‟ils créent qui sont susceptibles d‟intéresser les marques.
Ainsi, nous avons d‟un côté des créateurs de contenu comme autant d‟électrons libres
évoluant sur la toile et de l‟autre des marques en manque de contenu original pour valoriser
leur image. Pour réunir ces deux acteurs, il faut donc qu‟ils aient en commun, entre autre, un
espace pour engager la conversation et partager le contenu. C‟est le rôle de ce que l‟on
nomme les plateformes sociales. Ce sont au sein de ces dispositifs numériques que vont
évoluer des communautés en ligne, permettant ces interactions et relations entre les membres
que nous développons plus bas.
2. OBJET D’ANALYSE : LA PAGE FACEBOOK DE NIKON GLOBAL
Afin de confronter analyses, études et recherches à des observations plus ancrées dans
le réel, il convient de choisir un objet d‟étude avec discernement. En effet, la tâche n‟est pas
aisée : il existe une multitude de nébuleuses communautaires sur lesquelles il est envisageable
de concentrer notre travail. Au fur et à mesure de nos sélections, il apparait également que le
choix sera double : d‟abord choisir une marque qui semble réunir des critères qui, au premier
regard, sont potentiellement ceux d‟une marque à même de réunir une communauté de
passionnés ; puis dans un second temps, de choisir une plateforme. Comme nous le décrirons
de manière plus complète par la suite, il semblerait qu‟il existe plusieurs types de plateforme
susceptibles de réunir marques et consommateurs, et permettant la circulation de contenu de
toute sorte. Notre choix a donc été avant tout un choix rationnel motivé par une logique de
marché.
2.1 L‟HEGEMONIE FACEBOOK
Il est illusoire en 2011 de passer à côté du réseau social qui compte le plus
d‟utilisateurs au monde. Lancé en 2004 par le discret Mark Zuckerberg, Facebook compte
actuellement plus de 500 millions d‟utilisateurs actifs à travers le monde18
. Le principe, qui
est devenu un modèle du genre, consiste en la possibilité de se créer un profil contenant des
informations personnelles, d‟établir des connexions avec des « amis » et d‟échanger tout type
de contenu avec eux. Par la suite, l‟utilisateur peut rejoindre des groupes d‟intérêts et
échanger du contenu avec des individus qui ne font pas forcément partie de sa liste
17 http://www.dailymotion.com/register/motionmaker 18 http://www.facebook.com/press/info.php?statistics
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 16 2010-2011
d‟ « amis » mais avec qui il partage quelques intérêts relatifs au groupe. Cet élément est très
important, car comme nous le verrons par la suite, c‟est ce système qui donnera plus tard
naissance aux pages de marques. Une des caractéristiques principales du site réside dans la
méthode des notifications. En effet, l‟enjeu majeur que vise le propriétaire d‟un site lorsqu‟il
veut garder un fort volume de visites et une audience qualifiée, est exactement le même qu‟un
publicitaire essayant de vendre un produit. Il essaye de marquer les esprits, de développer sa
notoriété afin d‟accompagner l‟utilisateur au quotidien pour des visites régulières.
Lorsqu‟un nouveau service est lancé sur le marché, sa notoriété est par essence à zéro
(sauf cas exceptionnels) : il doit alors proposer du contenu frais, solide et régulier pour
s‟assurer les bonnes grâces des internautes. Le système de notifications de Facebook permet
de contourner le problème de la valeur du contenu en prévenant l‟utilisateur par mail, ou par
un pictogramme sur la page qu‟une nouvelle activité a eu lieu sur son profil. Ce type de
notifications permet de signaler un message reçu, un commentaire sur son statut, une demande
d‟ami ou encore un „like‟ (le like est un type d‟interactions non-discursif qui permet
« d‟aimer » un élément, sans pour autant le commenter). En parallèle aux groupes d‟intérêts,
les utilisateurs ont également la possibilité de rejoindre des « fan pages » qui sont des profils
particuliers gérés par des personnalités publiques ou des organisations, telles que des
entreprises et des marques. Etant le deuxième site le plus visité au monde19
, il nous apparait
logique de nous intéresser aux pages de marques en tant que plateforme communautaire et
d‟échange de contenu.
2.2 NIKON : UNE MARQUE ORIENTEE VERS LE CONTENU
Le choix de la marque à observer ne s‟est pas fait au hasard, il résulte d‟une sélection
basée sur trois critères. Tout d‟abord, il semble indispensable pour observer une communauté
de marque Ŕ ou du moins un regroupement d‟utilisateurs Ŕ que cette communauté existe. Il est
donc nécessaire qu‟une page émerge du lot de par son nombre de like (c'est-à-dire le nombre
d‟abonnés à la page) mais également de par l‟image d‟officialité qu‟elle reflète. En effet,
n‟importe quel utilisateur a le droit et la possibilité de créer une page : si demain, quelqu‟un
se rend compte que la marque de son dernier achat n‟est pas présente sur Facebook (et ça
arrive plus souvent qu‟on ne le pense) rien ne l‟empêche de créer son identité et de s‟exprimer
en se faisant passer pour elle. Le caractère officiel que revêt une page se caractérise par le
niveau de personnalisation dont elle fait l‟objet, c'est-à-dire si la page est « brandée », si elle
19 http://www.alexa.com/topsites
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 17 2010-2011
possède un logo, des informations à jour, des onglets et applications personnalisés etc. Enfin,
on conclue l‟analyse en observant la façon et la régularité dont la marque s‟exprime. Mis à
part ces quelques éléments très relatifs, il n‟y a pas réellement de moyens de vérifier si la page
est « officielle », contrairement à d‟autres services, tel que Twitter qui permet d‟avoir un
statut spécifique lorsque l‟on est en présence d‟une marque ou d‟une personnalité.
Le second critère est relatif au contenu. En effet, le choix de la marque est directement
influencé par sa capacité et sa potentialité à permettre aux utilisateurs de créer du contenu. En
effet, certains produits plus que d‟autres, possèdent de par leur fonctionnement une plus
grande potentialité en termes de création de contenu. C‟est le cas des outils et logiciels
d‟infographie par exemple, qui permettent directement la création d‟images numériques qui
s‟apparentent en effet à du contenu original. L‟utilisateur peut alors partager ses dernières
réalisations avec les autres membres de la communauté afin de les soumettre à la critique.
Dans une autre mesure, les marques d‟appareils photographiques fonctionnent d‟une manière
similaire, à ceci près que l‟utilisation d‟un appareil photo est encore plus répandue et
démocratisée que l‟utilisation d‟un logiciel de création graphique, les freins à l‟utilisation Ŕ
c'est-à-dire les connaissances techniques Ŕ étant beaucoup moins nombreux. C‟est donc dans
un souci de nombre, mais aussi en jugeant que la communauté a un fort potentiel créatif et
partageur, que nous avons choisi d‟étudier la page Facebook de la marque d‟appareils
photographiques numériques, professionnels et semi-professionnels (gamme « reflex ») de la
marque Nikon. Nous avons en effet privilégié cette marque à sa concurrente, Canon, pour une
principale raison. Après quelques temps d‟observation du fonctionnement des deux
communautés, il est apparu que de par l‟axe publicitaire qu‟a choisi d‟exploiter Nikon, il
semble que l‟appropriation, le partage et la personnalisation soient les valeurs prônées par la
marque jaune.
Depuis quelques années, Nikon a orienté sa communication autour d‟un axe très
proche du consommateur et de l‟appropriation qu‟il peut se faire du produit. Avec la
campagne I AM NIKON, la marque jaune propose à ses consommateurs d‟utiliser leurs
appareils pour capturer des moments dont ils sont parties prenantes. “I am Wedding”, “I am
Birth”, “I am Sunset” sont autant de déclinaisons possibles des « instants » Nikon. Chaque
évènement est vécu de façon subjective et raconté à travers l‟objectif Nikon. Sur leur page
Facebook20
, l‟expérience et la promesse sont une fois encore relayées à travers l‟application
20 http://www.facebook.com/iamnikon ou voir Annexe 5
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 18 2010-2011
Who Are You?, qui permet aux membres de poster un de leurs clichés et d‟y superposer le
logo de la campagne. Ainsi, une photographie de fleur en mode « macro » sera affublée de ce
badge « I am Macro », la photographie d‟un stade en plan large deviendra l‟illustration d‟un
« I am Sport » tandis qu‟une photographie de jeunes mariés portera l‟inscription « I am
Happy ».
L‟image de la marque et son axe publicitaire sont donc un critère supplémentaire dans
la motivation du choix de la marque Nikon. Bien que nous concentrions nos observations sur
cette marque, nous profiterons également de l‟opposition qu‟il existe entre elle et sa rivale
Canon pour comparer certains points de fonctionnement et de gestion concernant les pages
Facebook.
3. METHODOLOGIE
3.1 RAPPEL DES OBJECTIFS
Comme nous l‟expliquons en introduction, deux grands axes guident cette étude : le
contenu, et la communauté. Le deuxième axe est extrêmement important puisqu‟il représente
en quelques sortes le ciment qui permet au premier d‟exister. C‟est pourquoi notre deuxième
chapitre lui est en grande partie dédié. Nous l‟avons vu, le choix de la marque s‟est fait à
grand renfort d‟observations et de détermination de critères que nous avons voulu pertinents.
Malgré tout, il demeure que la clarification de la définition des communautés de marque en
ligne ne sera effective qu‟au terme de la seconde partie. C‟est pourquoi nous avons choisi la
marque Nikon, étant donné qu‟elle représente un potentiel communautaire fort, elle nous
permettra d‟envisager, si, au-delà du lien pressenti entre les consommateurs et la marque et
entre les consommateurs eux-mêmes, il y a lieu de parler de « communauté de marque ».
L‟étude et la vérification des mutations et évolutions qu‟a subi la notion de
communauté s‟accompagnera d‟un questionnement sur l‟importance et l‟avenir des
plateformes en ligne dans la création de contenu.
Enfin, notre étude s‟attachera à analyser les processus mis en œuvre dans la création
du contenu en ligne, en se concentrant sur les différents acteurs et sur le fonctionnement des
outils éditoriaux.
3.2 DEFINITION DU CORPUS
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 19 2010-2011
L‟étude d‟une communauté, en ligne ou non, d‟un point de vue anthropologique ou
non, pose forcément la question du lieu. En effet, à partir du moment où il est question de
regroupement de personnes et d‟échanges réguliers, la présence d‟un ou de plusieurs lieux est
nécessaire. Il existe sur internet, de nombreux lieux Ŕ ou territoires Ŕ sur lesquels nous
pouvons retrouver des communautés de passionnés échanger, partager et converser autour de
centres d‟intérêt divers. Les dimensions participatives et communautaires que l‟on confère à
internet, permettent de rapidement statuer sur la nature du média à étudier. Forums, blogs,
intranets, newsgroups, IRC, chat… il existe un nombre incalculable de territoires sur lesquels
les communautés se regroupent. Le choix se fait sur plusieurs critères : l‟âge, les
connaissances techniques, la structure hiérarchique de la communauté, etc. Le cas de la
communauté de marque est particulier. En effet, la marque ou le produit sont un centre
d‟intérêt comme un autre, la communauté de marque est donc susceptible de se retrouver sur
n‟importe lequel des territoires cités précédemment.
Un des critères différenciant une communauté en ligne classique d‟une communauté
de marque en ligne, et sûrement le critère le plus intéressant à observer, est le fait que la
marque peut être amenée à prendre la parole au sein de ces communautés. C‟est ce
phénomène qui change radicalement la situation entre marque et consommateur depuis ces
dernières années et l‟avènement de ce qu‟on appelle les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux
sont des territoires très complexes comportant des sous-territoires aux frontières floues et
enchevêtrées. Et pour cause, là où le territoire possède des frontières technologiques (un nom
de domaine, un serveur, une page, etc.), un sous-territoire est principalement défini par les
gens qui l‟occupent. Ainsi la « sphère » Apple francophone sur le réseau Twitter sera
représentée par ses membres qui se recommandent entre eux grâce à des listes plus ou moins
éphémères mais toujours évolutives. L‟intérêt de ces réseaux est donc la place qui est laissée
aux marques pour interagir avec leurs consommateurs. C‟est une des raisons, en plus des
critères définis précédemment, pour lesquelles nous avons orienté notre étude vers le réseau
social Facebook.
Notre corpus se limitera donc à l‟étude de la page Facebook de la marque Nikon
(http://www.facebook.com/iamnikon), afin d‟allier logique dans l‟échange de contenu
(chaque propriétaire d‟appareil crée du contenu lorsqu‟il l‟utilise) et pertinence dans le choix
de la plateforme (universalité de Facebook).
3.3 METHODE
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 20 2010-2011
L‟étude présentée ici est transdisciplinaire puisqu‟elle passe l‟analyse au prisme de la
sociologie, du marketing et de la culture web en général. Il nous apparait donc nécessaire de
développer une méthode d‟analyse reflétant la portée globale de ce travail. Nous procéderons
donc à une étude sémiologique de notre corpus selon une grille d‟analyse personnalisée
prenant en compte la structure générale, le discours et les dispositifs exceptionnels. Autour de
cette analyse s‟articuleront deux autres types de travaux. Le premier concerne le discours de
la marque et des membres, et proposera une lecture approfondie axée autour de l‟incitation à
la création. Le second travail permettra tout au long de l‟analyse d‟étayer, d‟infirmer ou
d‟affirmer des hypothèses sur la volonté et les méthodes de la marque, puisqu‟il s‟agit d‟un
entretien semi-directif avec un professionnel du secteur du community management interrogé
sur le rôle et les méthodes des community manager au sein des pages de marques sur
facebook.
3.4 LIMITES
Les choix que nous avons opérés en termes de corpus et de méthode, bien que destinés
à une analyse rigoureuse et adaptée de la notion de communauté de marque à travers
l‟exemple de Nikon, possèdent des limites que nous n‟ignorons pas. Tout d‟abord et comme
nous l‟avons souligné précédemment, le nombre de marques autour desquelles pourraient se
développer des communautés de consommateurs dépasse bien sûr le seul cas Nikon et il
apparaît évident que le critère d‟exhaustivité ne peut pas être rempli avec rigueur.
Le choix de la page « global » de Nikon sur Facebook ne reflète en aucun cas la
stratégie de la marque sur les médias sociaux. En effet, il existe une multitude de pages local
gérées nationalement par des agences de communication parfois différentes. Il est donc
souvent impossible pour la marque de garder une stratégie cohérente sur les médias sociaux.
Enfin, bien que l‟entretien semi-directif soit réalisé avec un professionnel, gérant une
marque du même secteur, il semblerait que chaque community manager ait ses propres
méthodes d‟animation. Ainsi, nous pouvons en aucun cas affirmer avec précision la stratégie
et les méthodes utilisées sur la page Facebook de Nikon. On pourra toutefois s‟en rapprocher
fortement.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 21 2010-2011
II. MUTATION DES NOTIONS DE COMMUNAUTES : DU
GROUPE PRIMAIRE A LA PLATEFORME
NUMERIQUE
Concept plus ou moins récent, la communauté de marque est un terme qui jouit d‟un
relatif succès depuis quelques années désormais. Afin de démêler les ficelles de ce sac de
nœud discursif, mélangeant sciences humaines, marketing, publicité et récemment les
nouvelles technologies, il convient de revenir aux racines du terme « communauté ».
Comme beaucoup de concepts touchant divers champs et disciplines, la communauté
possède maintes définitions, pléthores d‟exemples et moult applications à travers les diverses
couches d‟interprétation qu‟elle traverse. C‟est pourquoi dans cette partie, au nom de
l‟exhaustivité et de la pertinence, il nous semble nécessaire de revenir à la définition la plus
basique de la communauté et d‟observer comment Ŕ au fil du temps, des évènements et des
phénomènes socio-économiques Ŕ la société a pu être amenée à engendrer la notion de
communauté de marque. En quelques mots, nous nous intéresserons à relater de manière
chronologique ce qui a permis l‟émergence d‟une telle notion.
Dans l‟introduction nous avons avancé des éléments qui justifient un angle
argumentaire orienté vers les communautés de marque en ligne. C‟est pourquoi la seconde
partie de ce chapitre tentera d‟éclaircir la raison pour laquelle les nouvelles technologies de la
communication ont permis au consommateur de se hisser à un niveau d‟expression jamais vu
auparavant. Nous expliquerons par ailleurs, comment ces nouvelles possibilités éditoriales et
discursives lui donnent un nouveau pouvoir.
Cela nous amènera à réfléchir à l‟importance des différentes formes d‟expression en
ligne, et surtout à l‟importance du lieu - c‟est-à-dire la plateforme autour de laquelle la
communauté interagit - dans la transmission du message, et donc de l‟influence des
représentations visuelles et des limites éditoriales.
1. LA COMMUNAUTE SOUS INFLUENCE DU CONTEXTE SOCIO-
ECONOMIQUE
1.1 DU GROUPE PRIMAIRE A LA GEMEINSCHAFT
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 22 2010-2011
Notre premier réflexe est donc de vérifier comment Le Petit Robert définit la notion de
communauté :
« Groupe social dont les membres vivent ensemble ou ont des biens,
des intérêts, des goûts, des idées ou des croyances en commun ».21
Cette définition très large et finalement très abstraite nous informent de la nécessité Ŕ
pour qu‟il y ait communauté Ŕ de posséder un « quelque-chose » de façon commune avec
d‟autres individus. C‟est une question de bon sens que de penser que la seule possession d‟un
objet ne suffit pas à faire communauté. Il faut que cet objet soit porteur de certaines valeurs
capables d‟engendrer des liens entre individus, une identité et même des codes communs.
Posséder un parapluie ne donne pas l‟impression de faire partie de la tribu des possesseurs de
parapluie : vous n‟aurez pas forcément de démonstration de connivence lorsque vous
croiserez un autre possesseur de parapluie dans la rue.
Il semblerait donc qu‟en plus de partager des codes, des valeurs ou des croyances, les
membres d‟une communauté doivent également avoir pleinement conscience que ladite
communauté existe, et savoir quels en sont les critères d‟appartenance.
Didier Anzieu et Jacques-Yves Martin22
nous apprennent que la notion de
communauté fait partie d‟une notion plus large qui est celle du groupe primaire. Le groupe
primaire est définit par C.N. Cooley (considéré comme le premier théoricien de ce concept)
de la manière suivante :
« Par groupes primaires, je désigne les groupes qui se caractérisent
par des relations de coopération et d’association de face à face,
marquées par la familiarité. Ils sont primaires en différents sens, mais
avant tout dans la mesure où ils jouent un rôle fondamental dans la
formation de la nature sociale des individus et de leurs idéaux. » 23
21 Définition de la « communauté », Petit Robert, 12ème édition, 1973. 22 Didier Anzieu et Jacques-Yves Martin , La Dynamique des Groupes Restreints, PUF, 2003 23 Norton Cooley Charles , « Groupes primaires, nature humaine et idéal démocratique » ,
Revue du MAUSS, 2002/1 no 19, p. 97-112. DOI : 10.3917/rdm.019.0097
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 23 2010-2011
On considère donc qu‟un groupe primaire est un rassemblement d‟une poignée
d‟individus capables d‟avoir une perception individualisée de chacun des autres, et qui sont
amenés à mettre en place de réguliers et nombreux échanges interindividuels. On retrouve une
certaine idée d‟une action commune, de la poursuite d‟un but qui sert les intérêts de tous les
membres du groupe et qui s‟inscrit dans une durée très longue, voire dans une permanence.
Les membres sont interdépendants et affectés par un sentiment de solidarité fort qui peut aller
jusqu‟à des relations affectives prononcées (sympathie ou antipathie). Il est donc évident que
le groupe primaire doit également posséder ses propres codes, langages, croyances et rites.
Mais comme brièvement évoqué en introduction, les différentes formes que peut prendre un
groupe primaire sont infinies : antenne, aréopage, ban, brigade, cartel, caste, cénacle, clan,
collège, comité, commando, commission et sous-commission, communauté, commune,
consortium, corps, coterie, cour, directoire, équipe, groupuscule, jury, patrouille, phalange,
phratrie, pléiade, noyau, secte, tribu…
La communauté est donc une forme de groupe primaire qui possède des
caractéristiques susceptibles de se différencier des autres formes.
Ferdinand Tönnies, puis plus tard Emile Durkheim, propose de définir la communauté
dans son opposition avec la société. Selon lui, la société (gesellschaft) renvoie à un ensemble
contractuel alors que la communauté (gemeinschaft) à une logique fusionnelle et affective24
. Il
oppose ainsi la volonté organique (Wesenwille) des individus dans la communauté à la
volonté réfléchie (Kürwille) qui caractérise les individus organisés en société. La première
relève des liens de sang, de l‟attachement, de l‟affection et de l‟amitié comme critères
d‟appartenance. La volonté réfléchie est, elle, issue de la pensée humaine de chaque individu,
motivée par la poursuite d‟un but individuel et donc caractérisée par la mise en concurrence
sociale et économique avec autrui. C‟est pour Tönnies le changement qu‟introduit
l‟urbanisme moderne : une dérive de la communauté vers la société, de la solidarité vers
l‟individualisme.
Grandement influencé par la sociologie formelle de Tönnies, Emile Durkheim va
reprendre et commenter le Gemeinschaft und Gesellschaft de son homologue allemand. Il
introduit alors la notion d‟harmonie au sein de la communauté, qu‟il décrit de la manière
suivante :
24 Ferdinand Tönnies, Gemeinschaft und Gesellschaft. Grundbegriffe der reinen Soziologie, 1912
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 24 2010-2011
« Ce qui tient les individus unis et confondus dans ce cas, c’est ce que
l’auteur appelle Verständnis (consensus). C’est l’accord silencieux et
spontané de plusieurs consciences qui sentent et pensent de même, qui
sont ouvertes les unes aux autres, qui éprouvent en commun toutes
leurs impressions, leurs joies comme leurs douleurs, qui, en un mot,
vibrent à l’unisson. Cette harmonie ne se produit pas à la suite d’une
entente préalable, d’un contrat antérieurement débattu et portant sur
des points déterminés. Mais elle est un produit nécessaire de la
nature des choses, de l’état des esprits. Quand les conditions sont
favorables et que le germe d’où elle naît est donné, elle croît et se
développe par une sorte de végétation spontanée »25
L‟idée de Durkheim est donc que les membres de la communauté développent un lien
extrêmement fort, un type de solidarité à toute épreuve qui fait agir le groupe comme un tout,
comme une seule entité. L‟individu est considéré comme pratiquement inexistant lorsqu‟isolé
du groupe : il est totalement dépendant de sa communauté. On apprend alors que la naissance
d‟une communauté est totalement naturelle et logique, là où la société est un phénomène
artificiel. La communion des esprits au sein de la communauté prend son essence dans le
modèle de base de la communauté chez Tönnies : la famille.
Les travaux de Tönnies vont être fondateurs et vont influencer de nombreux courants
sociologiques. Parmi eux, l‟Ecole de Chicago, qui va travailler sur l‟influence des sociétés
urbaines et des flux de migrants au milieu du 20e siècle aux Etats-Unis. Robert E. Park
travaillera notamment sur les communautés urbaines et sur la notion de groupe au sein de la
ville. On associe alors la caractéristique de la localisation à la communauté : ses membres ont
besoin d‟identifier un territoire commun26
. Les recherches de Chicago montrent alors que
l‟existence de communautés au sein d‟une vie sociétale est possible.
1.2 POST-MODERNITE ET NOSTALGIE
A ce stade de nos recherches, la communauté, dans ses grands traits, apparait comme
un groupement d‟individus dont la taille ne dépasse pas celle du groupe et dont les membres
partagent un but, des intérêts communs, une conscience harmonique et un territoire, un espace
25 Emile Durkheim, Communauté et société selon Tönnies, Textes. 1. Éléments d’une théorie sociale,
Paris: Éditions de Minuit/Le sens commun, 1975 26 Robert E. Park, Human Communities: the City and Human Ecology Glencoe, Ill: The Free Press,
1952
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 25 2010-2011
de « vivre ensemble ». La communauté est génératrice d‟un lien organique fort de solidarité
entre ses membres et s‟inscrit dans la durée.
Comme nous l‟avons évoqué en introduction, la sociologie s‟applique à étudier la
société au prisme des bouleversements culturels, politiques et économiques qu‟elle est
amenée à subir. L‟avènement de la société de consommation au milieu du 20ème siècle va
avoir pour conséquence un changement de paradigme au sein de la pensée occidentale.
Pendant la révolution industrielle, la psychosociologie identifie une ère dite « moderne » dont
les trois piliers sont :
- Le progrès, à travers une logique dialectique : la technique et la technologie
font avancer la société vers quelque chose de toujours meilleur, une sorte de positivisme
technologique.
- L‟individualité, même si la notion s‟est construite antérieurement, depuis
l‟émergence du journal intime jusqu‟à la logique de destin individuel. C‟est pendant cette
période que se construit la figure de l‟individu de façon formelle.
- La raison, qui fait prévaloir l‟objectif sur le subjectif.
On retrouve dans ces définitions ce que Tönnies et Durkheim considèrent comme étant
des menaces à la notion de communauté : l‟individualisme grandissant et la pensée réfléchie.
Mais la société de consommation arrive à un point de saturation et les philosophes
français notamment Gilles Deleuze commencent à critiquer la pensée moderniste en instaurant
celle de la philosophie postmoderne. Le changement de paradigme est total : les leviers du
modernisme sont remis en cause et le collectif (la communauté) reprend le pas sur
l‟individualisme, non sans une certaine forme de nostalgie. On délaisse la raison et l‟acte
réfléchi pour revenir à des instincts plus primaires où l‟on privilégie la passion, l‟intuition et
la créativité. Le progrès à tout prix est lui aussi critiqué et l‟on observe un certain relativisme
se mettre en place.
Cette période de grands changements va commencer à instaurer un regard beaucoup
plus relatif au rapport à l‟unité sociale. C‟est à cette époque que l‟on commence, notamment
dans la sphère du marketing, à s‟intéresser à la notion de tribu.
Le sentiment de nostalgie, même s‟il peut sembler trivial au premier abord, est en
réalité un concept clef du renouveau communautaire, comme nous l‟explique Philippe Breton
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 26 2010-2011
dans La Parole Manipulée : l‟individualisme Ŕ en détruisant le lien social Ŕ provoque, comme
nous l‟explique l‟auteur « Le renouveau nostalgique des sentiments communautaires et
identitaires » puis de poursuivre en ces termes :
« La nostalgie de la communauté, de la société traditionnelle, des
racines, de l’identité, fait partout irruption, comme le contrecoup
d’une société individualiste (…) ».27
Il est important de souligner que l‟idée de la poursuite de cet idéal communautaire
peut être relativement destructrice, comme l‟analyse Jean-Luc Nancy à propos du
Communitas, Origine et destins de la communauté de Robert Esposito. En effet, il affirme
qu‟au long du XXème siècle, la montée de l‟individualisme liée à la destruction du lien
religieux a donné naissance à une série de discours politiques poursuivant l‟idée de revenir à
une communauté originelle au nom de la nostalgie du concept d‟état fusionnel. Evidemment,
le fait d‟évoquer une communauté protectionniste et repliée sur elle-même, exclue par
opposition la notion de « non-membre », d‟étranger. Philippe Breton nous explique que « Cet
idéal fusionnel n‟existe qu‟en en posant un autre à exclure » et Jean-Luc Nancy de nous
rappeler que cette forme de discours est à la base de nombreux régimes totalitaires.
Même si ce raisonnement est juste, on en voit rapidement les limites, car il admet que
l‟individu, le public ou la foule sont des entités passives alimentées par une communication
verticale et linéaire. On peut facilement contredire cette théorie en considérant l‟individu
comme autonome et rationnel, et en rejetant la « théorie des effets » (dite « de la seringue
hypodermique ») comme nous le montre Harold Lasswell en proposant une approche
fonctionnaliste des théories de la communication dans Propaganda techniques in the World
War28
.
Les années postmodernes sont d‟ailleurs caractérisées par une forme de rejet du
pouvoir vertical et de l‟institution hiérarchique. L‟écart se creuse entre les citoyens et leur
représentant, remettant en cause le principe de l‟autorité politique (la confiance envers les
hommes politiques baisse tandis que les taux d‟abstention électorale battent des records). On
voit également naitre des initiatives sociales autonomes, à l‟instar des forums locaux, des
27 Philippe BRETON, La Parole Manipulée, Editions La découverte / Essais, 1997 28 Harold D. Lasswell, Propaganda Technique in World War, The M.I.T. Press, 1971
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 27 2010-2011
réunions de quartier, etc. Ce changement de modèle est donc accompagné de profonds
bouleversements sociaux, et touche également les secteurs de la consommation. On observe
en effet, une nouvelle forme de rejet de la marque accompagnée par l‟explosion du Hard-
Discount. C‟est également l‟époque où la tendance émergente est aux modes de
consommation alternative, avec l‟apparition d‟un marché dit « éthique ».
C‟est Michel Maffesoli, dans La contemplation du monde : figure du style
communautaire qui amène l‟idée que ces formes de défiance de l‟autorité sont la
manifestation d‟un sentiment de saturation de la part de l‟individu postmoderne. Selon lui,
l‟idéal démocratique de la société occidentale est entrain de céder la place à un idéal
communautaire, où le développement de « petites solidarités quotidiennes » entre individus
sont autant de stratégies communautaires « organiques » qui viennent défier la solidarité
démocratique « mécanique », eux qui sont fondés sur un principe de « partage affectuel ».
La notion de quête de satisfaction individuelle, ciment de l‟individualisme, est donc
supplantée par un plaisir d‟être ensemble, né de la fusion émotionnelle entre individus. On ne
considère plus l‟individu comme une personnalité à l‟identité unique et figée, il est au
contraire représenté comme jouant plusieurs rôles dans la société. Il n‟appartient plus à une
société mécanique mais à « une multiplicité de réseaux d‟appartenance qui vont exprimer les
différentes facettes de sa personnalité »29
. Il est donc considéré comme une entité complexe et
fragmentée, s‟inscrivant dans des « nébuleuses affectuelles » reposant sur un mode de
fonctionnement émotionnel, lui permettant de s‟exprimer au sein de différentes « micros-
tribus » sélectionnées en fonction de ses affinités. Michel Maffesoli remet donc en question
les caractéristiques de la communauté au regard du courant postmoderne, en cela qu‟on ne
peut plus les considérer comme ce regroupement unique, qui s‟inscrit dans la durée et dans la
constance. Au contraire, les « micros-tribus » reconfigurent le lien social, en se faisant et se
défaisant, en s‟ajustant et donc en remodelant le lien social à chaque transformation.
L‟appartenance à une communauté est désormais une notion qui peut être éphémère,
changeante et vagabonde.
2. COMMUNAUTE DE MARQUES ET EVOLUTIONS A L’HEURE DU
NUMERIQUE
29 Entretien avec Michel Maffesoli in La logique des communautés, dossier Sciences Humaines n°48,
Mars 1995.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 28 2010-2011
2.1 CONSOMMATION ET COMMUNAUTE
Intéressons-nous maintenant à la relation que peut entretenir la communauté avec le
consumérisme. Au sein des sphères de recherche du marketing, on a pendant longtemps étudié
uniquement l‟individu en tant que consommateur. Les chercheurs se sont en effet intéressés
aux motivations psychologiques et comportementales et au processus décisionnel de
l‟individu. Pourtant, de la révolution industrielle à la société consumériste de notre époque,
l‟histoire de la consommation (et de la communication) est grandement liée à celle des
communautés. Dès le milieu du 20e siècle, Paul Lazarsfeld et plus généralement le courant de
science de l‟information et de communication qu‟on appela l‟école de Palo-Alto, émettent
certaines théories afin de s‟écarter de la vision trop réductrice de la seule psychologie de
l‟individu, pour embrasser une vision du système en général. Qu‟il soit familial ou
communautaire, ce système prend énormément d‟importance dans la façon qu‟a l‟individu à
se forger une opinion ou à prendre une décision. Selon Lazarsfeld30
, la communication
médiatique ne touche pas directement l‟individu dans son esprit : il s‟opère un filtrage actif né
de la personnalité de l‟individu, de son héritage éducatif et de son expérience personnelle,
mais également de son entourage et plus précisément de ce que Lazarsfeld va appeler les
leaders d‟opinions. Ces leaders d‟opinions Ŕ qui prennent la forme d‟institutions politiques ou
religieuses, d‟entourage affinitaire ou encore de système familial Ŕ vont faire office de relais
de l‟information, et vont plus ou moins transformer le message sous forme de
recommandation. Ce système de filtre et de relais sera ensuite théorisé sous le terme de two-
step flow model.
Il est donc indéniable que la notion de communauté est liée à celle de la
consommation, même si par réflexe on aurait tendance à les opposer. Cette opposition nait
d‟un jugement de valeur qui voudrait que la consommation soit une activité individuelle, or
nous l‟avons vu, même si l‟on consomme et achète souvent seul, il n‟en demeure pas moins
que l‟acte peut être motivé par une pression ou une recommandation communautaire. Est-ce
cela que l‟on appelle communauté de marque ? La réponse est non, mais cela montre bien
l‟influence qu‟ont le lien social et communautaire dans les comportements consuméristes.
Peut-on alors parler de communauté de consommation ? Pour Albert Muniz, qui a
entre autre étudié les groupes de fidèles de deux marques de boissons gazeuses et sucrées aux
30 Lazarsfeld, P.F., Berelson, B. & Gaudet, H. (1944). The People’s Choice: How The Voter Makes Up
His Mind in a Presidential Campaign. New York: Columbia University Press.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 29 2010-2011
Etats-Unis, la communauté de consommation s‟exprime dans l‟opposition31
. Elle se structure
alors selon le groupe d‟appartenance, en opposition aux membres d‟une autre communauté. Il
introduit par la suite la notion de sous-culture, qu‟il définit comme « les limites à l‟intérieur
desquelles les comportements conventionnels des membres de la société peuvent varier sans
cesser d‟être tenus pour identiques par tous les membres ». L‟expérience commune peut-être à
l‟origine du développement de valeurs et de normes communes et de la naissance d‟un
sentiment d‟appartenance ; la consommation peut ainsi faire apparaître un regroupement
d‟individus qui créera un système culturel propre, ce sont les sous-cultures de consommation.
Ainsi, contrairement à la tribu postmoderne qui peut se réunir sur la base de modèles variés, le
concept de sous-culture de consommation renvoie à des regroupements d‟individus sur la base
de partage de valeurs liées à une consommation particulière. En d‟autres termes, la sous-
culture est reconnue et identifiée comme telle par ceux qui la pratiquent, mais avec conscience
qu‟il existe une culture plus globale (la culture française par exemple). La sous-culture de
consommation hérite de la culture globale et y ajoute par extension ses propres codes
culturels. Un des exemples les plus frappants de ce concept est la communauté réunie autour
de la marque Harley-Davidson, regroupant des bikers du monde entier qui partagent la même
passion, les mêmes codes culturels.
La notion de communauté trouve des points d‟articulation avec celle de consommation
car nous voyons se développer des regroupements de consommateurs sur la base d‟une
idéologie commune ou d‟une pratique de consommation commune. Ces communautés de
consommation, dotées d‟espaces, de codes, de symboles, voire de langages communs, sont le
terreau sur lequel les communautés de marque sont à envisager. Que représentent aujourd‟hui
ces groupes d‟individus réunis par l‟intérêt porté à une même marque ? Comment
s‟organisent-ils ? Que disent-ils sur le lien entretenu entre la marque et les consommateurs et
entre les consommateurs eux-mêmes ?
La notion de communauté de marque est très fortement liée à la sous-culture de
consommation à ceci près qu‟elle ne s‟articule pas autour d‟une activité de consommation,
mais plutôt autour de l‟attachement à une marque.
Concept finalement très récent en marketing, la communauté de marque est définie de
la façon suivante par Albert Muniz et Thomas O‟Guinn :
31 Albert M. Muniz et Lawrence O. Hamer, US VERSUS THEM: OPPOSITIONAL BRAND LOYALTY
AND THE COLA WARS, Advances in Consumer Research Volume 28, 2001
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 30 2010-2011
« La communauté de marque est une communauté spécialisée, non
géographiquement marquée, basée sur un ensemble structuré de
relations entre les admirateurs d’une marque ».32
La communauté, dans sa définition sociologique, perd sa caractéristique du lieu unique
et accentue celle du lien. Au regard de nos précédentes recherches, nous pouvons juger que
cette définition est incomplète puisqu‟elle ne prend pas en compte la définition de ce qui fait
communauté, c‟est-à-dire en quoi l‟on peut appeler « communauté », un regroupement de
consommateurs. Il faut donc y ajouter les notions de norme et de représentation communes,
de partage de valeurs et la notion de l‟appartenance durable dans le temps.
Un des fondements de la communauté est le sentiment d‟appartenance au groupe et
par extension l‟identification de chaque membre au reste de la communauté sur la base
d‟intérêts, de valeurs, de normes et de représentations partagées. Dans le cadre de la
communauté de marque, il devient alors intéressant d‟étudier à la fois le degré d‟intégration
des différents membres à la communauté et aussi la façon dont ces derniers s‟identifient au
groupe et créent du lien entre eux. Les études en sociométrie nous apprennent alors que
chaque « point de contact », chaque individu possède un lien plus ou moins fort avec un autre
individu : on peut alors déterminer des chemins d‟interaction qui peuvent aboutir à un graph
social permettant de dégager certaines figures d‟influence et de recommandation. On peut dès
lors imaginer une hiérarchie de membres, différents statuts, différents niveaux d‟adhésion qui
seraient fonction du degré d‟engagement des membres.
2.2 LA REVOLUTION TECHNOLOGIQUE DU « WEB SOCIAL »
Lorsqu‟on évoque l‟émergence des communautés (de marque ou non) en ligne, on ne
peut décidemment pas faire l‟impasse sur une description des technologies qui l‟ont
accompagnée. En effet, les communautés en ligne, bien qu‟existantes dès la création du
Réseau, ne se sont ouvertes au grand public qu‟avec l‟avènement de ce que Tim O „Reilly a
nommé le « Web 2.0 »33
. Et ce web 2.0 qui va littéralement apporter une révolution en termes
de communication en ligne est inexorablement lié à certaines innovations technologiques que
nous nous proposons de décrire ici.
32 Albert Muniz et Thomas O‟Guinn, Brand Community, Journal of Consumer Research, 2001 33 Paul Graham se rappelle les origines du terme : http://www.paulgraham.com/web20.html
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 31 2010-2011
Dans un certain idéaltype que ne renieraient pas Shannon et Weaver, le « web 1.0 » Ŕ
nous emploierons ce terme pour plus de lisibilité, sachant pertinemment qu‟il est galvaudé Ŕ
est schématiquement un système de communication vertical et unilatéral, allant d‟un émetteur
administrateur d‟un média (site internet, portail) et d‟un lecteur/spectateur qui n‟a d‟autre
choix que d‟être passif. C‟est finalement un média traditionnel intimiste, certes un peu plus
démocratique, encore faut-il avoir les connaissances techniques nécessaires. Dans ce modèle-
ci (fig.1), les internautes sont donc spectateurs, il n‟y a aucun dialogue : les sites internet sont
statiques, le webmaster doit avoir assez de connaissances techniques pour modifier ses
productions directement dans le code source. A cette époque Ŕ les années 2000 Ŕ le langage le
plus utilisé est le HTML dans ses toutes premières versions. C‟est-à-dire un code qui permet
tout juste d‟enrichir son texte (italique, gras, couleurs), de l‟aligner et de créer des tableaux.
Fig.1 Le « web 1.0 », un web pratiquement en lecture seule
Ce n‟est que quelques années plus tard que de nouveaux langages de développement
vont permettre de transformer l‟expérience numérique des utilisateurs. Pour l‟anecdote,
nombre de ces langages et codes Ŕ comme beaucoup de choses sur internet Ŕ sont nés d‟un
travail de passionnés, échangeant d‟un bout à l‟autre du monde en distribuant le code
gratuitement : une véritable œuvre communautaire. Ainsi naissent les langages SQL et PHP,
le premier ayant pour vocation de manipuler des bases de données complexes en quelques
lignes de code Ŕ que l‟on appelle une requête Ŕ et l‟autre permettant d‟insérer des éléments
dynamiques tels que des champs de formulaire mais également, et c‟est là que les choses
deviennent intéressantes, d‟incorporer des requêtes SQL. Le PHP permet donc de se faire le
liant entre une page statique en HTML et des informations dynamiques stockées dans des
bases de données. Non seulement ces technologies vont permettre de développer ce
qu‟aujourd‟hui nous utilisons régulièrement (le système de commentaire par exemple) mais
aussi de créer des outils plus ou moins simples d‟utilisation à destination du profane. Ainsi
n‟importe quel internaute doué d‟un peu de curiosité peut devenir propriétaire d‟un espace
médiatique sur internet, faire entendre sa voix, amplifier ou remettre en doute celle des autres.
Le modèle vertical et unilatéral devient multiple et émane de toutes les directions (fig.2).
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 32 2010-2011
Fig.2 le « web 2.0 » et l’émergence du « consommacteur »
Les nouvelles possibilités de production offertes à tout un chacun vont radicalement
changer le comportement des internautes et la face du web en général : des millions
d‟utilisateurs, chacun doté de nouvelles armes éditoriales et animé d‟une volonté de se faire
entendre, vont faire exploser de façon exponentielle le volume de contenu sur internet. La
technologie aidant, ce sont également des images, des vidéos, des sons qui s‟ajoutent aux
textes, rendant l‟expérience multimédia et infinie. Ajoutons à cela la quasi-immédiateté du
contenu informatif disponible sur la toile ainsi que la multiplication des messages qu‟il reçoit
quotidiennement, et l‟on voit se développer très rapidement une réelle expertise chez
l‟internaute. On peut d‟ailleurs citer l‟exemple récent du réseau Twitter, où en fonction de
l‟actualité, chaque acteur du réseau se transforme tour à tour en spécialiste des volcans
islandais puis en expert du nucléaire japonais en moins de temps qu‟il ne faut aux dépêches
pour tomber. Ce consommateur expert, né de l‟angoisse et de la défiance chers à Gilles
Lipovetsky34
, est la suite logique des mouvements « anti » et « alter » de la politique ou des
modes de consommation, que l‟on a vu fleurir à la fin des années 90. Méfiance du discours
publicitaire, perte de confiance envers la sphère politique, l‟individu est devenu informé et
acteur de sa propre consommation. Il développe des stratégies d‟information et de
consommation, il utilise des comparateurs de prix ou son « graphe social » pour le conseiller,
par exemple, lors du processus de préparation à l‟achat. Sans nécessairement s‟engager dans
un combat contre le discours des marques ou contre celui des médias, il semble que les
consommateurs deviennent, à plusieurs niveaux, des véritables fabricateurs d‟opinion, et ce
jusqu‟à représenter un vrai contre-pouvoir35
. De nos jours, la tendance est clairement
34 Lipovetsky Gilles, L’ère du vide : essais sur l’individualisme contemporain. Gallimard, Folio. Paris,
1989. 35 Holt, Douglas, Why do brands cause trouble? A dialectical theory of consumer culture and branding,
Journal of Consumer Research, juin 2002, n°29.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 33 2010-2011
généralisée puisque pratiquement tous les sites marchands utilisent le principe
d‟avis/opinions, et le graphe social est mis en branle par des réseaux sociaux quasi universels
tels que Facebook ou Google (avec sa fonction de social search), qui permettent aux sites
d‟intégrer directement l‟avis de nos amis les plus proches.
Très tôt, lorsque ces tendances ont émergé, les marques ont identifié plusieurs
menaces et opportunités émanant de ce changement structurel. Le volume de contenu en
constante augmentation et la possibilité de s‟exprimer donnée aux consommateurs, peuvent
en effet rendre l‟image d‟une entreprise particulièrement instable (cf. Nestlé), et inversement,
la possibilité d‟interagir directement avec les fidèles de la marque se révèle être un objectif
primordial pour cette dernière.
Ainsi l‟on observe nos communautés de marque et nos sous-cultures de consommation
s‟installer sur la toile : le forum des fans d‟Apple côtoie le blog des passionnés de rollers.
Nous parlions précédemment de la possible disparition du lieu Ŕ caractéristique
sociologique de la communauté Ŕ au profit du lien, comme nous l‟explique Muniz et
O‟Guinn. Selon eux, le fait qu‟une communauté de marque en ligne soit potentiellement
internationale puisque ses membres peuvent se rencontrer de manière virtuelle sans soucis de
frontière géographique, amène la notion de lieu à disparaitre. Pourtant il existe bel et bien un
lieu, ou plutôt un territoire comme se plaisent à l‟employer certains chercheurs en sociologie
numérique, puisque pour échanger ou créer du contenu autour de la marque, il est nécessaire
que les consommateurs Ŕ voire les utilisateurs, comme nous l‟expliquons en introduction Ŕ
puissent se réunir dans une place de « vivre ensemble » ou au moins de « partager ensemble
». Et même si ce territoire possède des frontières qui ne sont pas géographiques mais
technologiques, il est plus ou moins identifiable en tant que tel. Ainsi, c‟est souvent au sein
d‟une plateforme de type réseau social, une plateforme créée par les utilisateurs ou une
plateforme mise en place par la marque que se retrouvent les membres de la communauté.
Rien ne les empêche en effet de développer leur propre stratégie de communication en marge
de ces plateformes dédiées, mais la praticité de ces territoires et la possibilité d‟entretenir la
relation triadique marque-membre-communauté rend ce type de tactique marginale.
3. LA PLATEFORME TECHNOLOGIQUE EN TANT QUE LIEU
COMMUNAUTAIRE
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 34 2010-2011
3.1 DIFFERENTES PLATEFORMES POUR DIFFERENTS USAGES
La plateforme est en effet le lieu d‟échange entre les membres d‟une communauté. Sa
structure, son fonctionnement, ses limites et ses contraintes conditionnent donc tout
particulièrement les possibilités éditoriales et discursives de l‟utilisateur. On l‟a vu en
première partie, le texte, les images, le son et la vidéo sont les principaux contenus générés et
échangés par les internautes. Alors qu‟il est plutôt aisé de publier une image sur une
plateforme telle que Facebook, il est rarement possible de le faire dans les commentaires
d‟une plateforme de type blog. Les raisons peuvent être multiples. Il peut s‟agir d‟une
contrainte technique : l‟administrateur ne possède pas la connaissance ou la technologie
nécessaire pour permettre la publication par les visiteurs de ce type de contenu. La raison peut
également être de l‟ordre de la sécurité : de peur d‟une faille dans le système, les possibilités
éditoriales sont drastiques. Pour finir, la raison peut aussi être esthétique : afin de conserver
une charte graphique cohérente, on empêche l‟utilisateur de publier une image. Les
possibilités d‟interaction entre les membres de la communauté sont donc directement
conditionnées par le choix des propriétaires ou administrateurs de la plateforme.
On peut distinguer trois types de plateforme qui peuvent aussi bien être mises en place
par la marque que par les utilisateurs. On a pu observer ces dernières années l‟essor
considérable de plusieurs plateformes sociales, qui n‟avaient pas vocation, à leur création,
d‟être l‟apanage d‟une marque ou d‟une autre. Ces « réseaux sociaux » tels que Twitter ou
Facebook, ont été l‟objet d‟un véritable engouement de la part du public, si bien qu‟en 2011,
plus d‟un français sur trois est actif sur le réseau Facebook. Un tel succès et un tel volume
d‟individus présent en un même territoire, poussent les marques à s‟installer sur le réseau. En
effet, il est plus simple pour toucher ses prospects de communiquer là où ils sont réunis, que
de les inviter à utiliser une plateforme qu‟ils ne connaissent pas. De plus, de par la multiplicité
des réseaux et services qui fleurissent sur le web, il semblerait que l‟internaute arrive à un
point de saturation « d‟appartenance aux réseaux ». C‟est donc une question de bon sens pour
la marque que de faciliter la tâche aux utilisateurs. Un autre critère qui joue en la faveur du
choix de ce genre de plateforme est le modèle économique de cette dernière. En effet, pendant
longtemps, les modèles économiques viables sur le web étaient la publicité et le modèle
freemium (le fait de proposer les fonctions basiques d‟un service gratuitement, et de pouvoir
payer une certaine somme pour accéder à des fonctions avancées dites « premium »). Dans le
jeu de la publicité, la firme Google s‟était imposée Ŕ son moteur de recherche étant le site le
plus visité au monde Ŕ en tant que seule et unique régie publicitaire sur internet : les
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 35 2010-2011
annonceurs payant les annonces, les propriétaires d‟espace publicitaire (des blogs, des sites
personnels) étant rémunérés par la régie de Google. L‟explosion d‟un réseau tel que Facebook
change clairement la donne : une forte audience, très qualifiée puisqu‟elle renseigne elle-
même ses informations personnelles, un territoire aux frontières bien définies et un
fonctionnement qui mise tout sur les interactions sociales, qui en devient addictif. Tous les
critères pour créer une régie publicitaire sont présents, ne manque que les annonceurs. Quoi
de mieux pour attirer les marques que de leur proposer une plateforme et des outils fins pour
« engager » avec leurs « communautés » ?
Ces réseaux sont désormais tellement développés, et ils proposent des fonctions
toujours plus innovantes, qu‟il devient anormal de ne pas « trouver » une marque sur ces
plateformes. Dans ce cas, la marque au même titre que les utilisateurs peut être à l‟origine de
la création de l‟espace communautaire : la marque peut s‟installer après que des utilisateurs
aient créé un espace « non-officiel » et « claimer » cet espace, ou la marque peut créer son
espace dédié à partir de zéro. Le deuxième type de plateforme communautaire où l‟on
retrouve les communautés de marque, est un espace créé par la marque de toute pièce, dont
elle est entièrement propriétaire. L‟avantage de ce type de plateforme est la liberté
technologique et éditoriale offerte aux créateurs comme aux utilisateurs. Les marques font le
choix de ce type de dispositif lorsqu‟elles ont un objectif précis à remplir. Dans le cas de la
plateforme Sneakerpedia36
mise en place par la chaîne de magasin de chaussure Foot Locker,
l‟objectif est de créer une encyclopédie de la chaussure de sport. Pour cela, la marque a mis en
place une plateforme de type Wiki, où ce sont les utilisateurs et exclusivement eux qui
nourrissent les pages de la Sneakerpedia. Les possibilités éditoriales sont relativement
limitées : l‟utilisateur peut créer/éditer une fiche (photo, description, mots clefs), afficher
publiquement les paires qu‟il possède et enfin déclarer publiquement qu‟il « aime » telle ou
telle paire. On peut penser que l‟utilisateur peut être contraint par ce manque de liberté, mais
en réalité cette sobriété permet de se concentrer sur l‟objectif de la plateforme et ne pas
parasiter son activité principale par des ornements satellites. Dans le cas de la communauté
Lavazza37
, l‟utilisateur n‟a qu‟une seule possibilité éditoriale, à partir de laquelle le dispositif
permet de nombreuses déclinaisons : il s‟agit pour l‟abonné au service, de déclarer en temps
réel le type de café qu‟il boit, et son emplacement géographique. A partir de ces données, le
site génère Ŕ de manière visuellement attractive Ŕ des statistiques sur les habitudes des
36 http://www.sneakerpedia.com/ 37 http://www.lavazza.com/corporate/community/home
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 36 2010-2011
consommateurs (nombre de cafés bus, pays où l‟on en boit le plus, moment de la journée
privilégié, etc.) et permet aux utilisateurs de rechercher un membre avec qui partager un café,
en fonction de la proximité géographique. Là encore, la marque n‟ouvre pas forcément un
univers de possibilités à l‟utilisateur, mais le dispositif interactif suffit à servir les objectifs de
la plateforme, et donc de la marque. On peut également faire l‟hypothèse que, comme évoqué
plus haut, on atteint rapidement une certaine saturation d‟abonnements aux services.
L‟utilisateur doit, à chaque abonnement, passer par une phase d‟apprentissage systématique
de la nouvelle plateforme qu‟on lui propose. La sobriété des designs et la simplicité éditoriale
des services (Twitter par exemple) est une tendance née de ce constat. En toute logique, les
marques veulent séduire un maximum d‟utilisateurs, elles ne peuvent se permettre d‟offrir des
services trop complexes, qui décourageraient une bonne partie de leur public.
Le troisième type de plateforme sur laquelle on peut retrouver des communautés de
marque n‟est pas une plateforme créée à l‟initiative de cette marque, mais une volonté des
utilisateurs, des fidèles. Limitées par des contraintes de savoir-faire techniques, par soucis de
moyens ou tout simplement dans une volonté d‟aller au plus simple, les plateformes mises en
place sont souvent générées à partir de modèles de structure préexistants qu‟on appelle des
« moteurs ». La raison principale est donc la facilité de mise en place, mais également Ŕ on
commence à y être habitué Ŕ la volonté de ne pas perdre l‟utilisateur dans l‟apprentissage
d‟une nouvelle interface. Ainsi, lorsque l‟on met en place un forum grâce au moteur
« phpBB »38
ou un blog via le moteur « Wordpress »39
, la structure, les repères éditoriaux et
les zones d‟interactions sont le plus souvent basés sur des modèles-type bien intégrés par les
utilisateurs, ne nécessitant pas forcément de temps d‟adaptation. Malheureusement, ce type de
communauté se fait rare de nos jours : elles sont souvent récupérées par la marque en question
et en perdent leur indépendance.
3.2 FACEBOOK, LA NORME COMMUNAUTAIRE
Tous ces modèles communautaires ont des objectifs souvent très variés, comme on l‟a
vu avec les exemples de Sneakerpedia ou LavazzaCommunity. Pour des marques de matériels
électroniques ou de services téléphoniques par exemple, le but de la communauté est souvent
assimilé au service-après-vente ou au support basé sur l‟entraide entre les membres alors que
pour des denrées consommables, le type de discours aura plutôt pour objet des usages de
38 Le PHP Bulletin Board est un système de forum sous la forme d‟un package open-source. Voir
http://en.wikipedia.org/wiki/PhpBB 39 Wordpress est un outil de blog et une plateforme de publication open-source. Voir
http://en.wikipedia.org/wiki/Wordpress
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 37 2010-2011
consommation comme des recettes pour les biscuits Oreo ou le partage de « bon plans » et de
réductions. Chez les marques considérées comme cultes, il s‟agira plus d‟échanger des
expériences sur l‟état d‟esprit et le style de vie, comme chez Harley-Davidson par exemple.
On l‟a compris, l‟objet d‟une communauté dépend fortement du type de produit ou de
service que propose la marque, de son image, de sa notoriété mais également et surtout de la
plateforme qui accueille cette communauté. Ainsi la marque peut orienter et influencer l‟objet
de sa communauté en imposant des contraintes éditoriales, un modèle graphique et en
adoptant un certain discours.
Très peu de marques font le choix d‟investir dans une plateforme dédiée à leur
communauté, à tort ou à raison. En effet, il est normal que pour certains types de produit, un
dispositif dédié ne soit pas forcément nécessaire. Cependant, de plus en plus de marques
jugent primordiale d‟être présent sur le réseau Facebook. Les facteurs de cette présence sont,
on l‟a vu, le besoin d‟être là où sont les consommateurs, mais également une tendance
émergente depuis quelques années dans le digital marketing qui met au premier plan la
nécessité d‟être présent sur les médias dits « sociaux » (social media). Ainsi, une part
importante de l‟activité dans les agences de communication digitale est désormais de mettre
en place des stratégies sur les médias sociaux, stratégie qui se résume dans la plupart des cas à
créer une page de marque sur Facebook et à lui associer un nouveau métier, le « community
manager », afin qu‟il interagisse avec les membres de la communauté et donne l‟impression
que la marque est « active » sur les réseaux sociaux. Est-ce qu‟une marque doit
obligatoirement être présente sur Facebook ? Si elle a déjà une activité numérique, la réponse
est cristalline : selon le classement Alexa40
, le réseau social est le second site le plus visité en
France, après Google (la tendance est similaire à l‟échelle mondiale).
Facebook semble donc être en passe de devenir la plateforme universelle et unique
d‟une marque qui voudrait interagir avec les membres de sa communauté. Le danger
stratégique de cette tendance apparait évident. On a en effet démontré que la plateforme est
directement responsable Ŕ de par son interface Ŕ du comportement des utilisateurs et du type
de contenu qu‟ils créent et partagent. Si les contraintes techniques et les partis-pris graphiques
et visuels de la plateforme sont identiques pour toutes les marques, on peut se demander ce
qu‟il leur reste, à part leur discours, afin de se différencier ou d‟influencer l‟objet de la
communauté vers un autre objectif que celui initialement prévu par la plateforme.
40 http://www.alexa.com/topsites/countries/FR
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 38 2010-2011
III. LA CREATION DE CONTENU AU SEIN DES
COMMUNAUTES DE MARQUE EN LIGNE : LE CAS I
AM NIKON
1. I AM NIKON, PLACE A L’INTERACTION
1.1 NIKON, UNE MARQUE HISTORIQUE
Nikon est une marque d‟appareil photo et d‟optique japonaise. Créée à des fins
militaires pendant la seconde guerre mondiale, la société avait pour but d‟équiper les appareils
militaires des meilleurs optiques possibles afin de palier à la supériorité allemande en la
matière (avec les optiques Carl Zeiss notamment). A la fin de la guerre, dans le but de se
reconvertir dans une activité civile, Nikon va lancer des appareils pour équiper les
journalistes. Rapidement, le professionnalisme et la qualité de la fabrication vont contribuer à
créer l‟image de Nikon : une marque haut de gamme, des produits conçus pour les
professionnels.
Avec la miniaturisation de l‟électronique et la démocratisation de la micro-
informatique, Nikon amorce le pas des appareils numériques dans les années 2000. Nikon
possède désormais une gamme très large allant des appareils destinés aux photographes
professionnels aux appareils compacts pour amateurs avec la gamme Coolpix. Ces deux
dernières années, l‟apparition des capteurs vidéo permet également à la marque de se
renouveler en proposant la vidéo haute définition avec ses appareils photos professionnels.
Longtemps considérée comme une marque aux produits onéreux et complexes
d‟utilisation, puisque destinés aux professionnels, Nikon décide de changer radicalement son
discours en 2010 avec une nouvelle campagne de communication.
1.2 I AM NIKON, L‟UTILISATEUR AU CŒUR DE L‟IMAGE
Intitulée I AM NIKON, cette nouvelle campagne Ŕ on peut même se permettre de
parler de nouvel axe tellement le changement est radical Ŕ s‟appuie sur les valeurs de la
personnalisation, de l‟interaction et de l‟instinct. Le dispositif médiatique allie publicité
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 39 2010-2011
traditionnelle avec des spots TVs, des prints et de l‟outdoor41
avec une stratégie online à
travers un site dédié, mais surtout avec un déploiement sur les médias sociaux42
. La campagne
reprend la signature de la marque Ŕ « au cœur de l‟image » Ŕ et développe de nombreux
insights autour des instants partagés, tels que les premiers pas d‟un nouveau-né, le ballet des
touristes devant des monuments ou un mariage. Le message diffusé à la télévision montre des
photos et des vidéos réalisées par des consommateurs à qui Nikon a prêté du matériel. La
volonté de cette campagne est donc d‟apporter de la véracité et du réalisme. Avant de détailler
plus en avant cette campagne, il est important de parler du pictogramme qui accompagne
chaque message. Ce pictogramme rectangulaire reprend l‟identité visuelle de la marque et
plus particulièrement son logo. Il est composé à gauche d‟un rectangle jaune où l‟on peut lire
« I AM » écrit en noir. La partie droite représente un fond blanc encadré d‟un liseré jaune où
le texte varie en fonction de la photo à laquelle le pictogramme est accolé. Ainsi une photo de
mariée sera affublée d‟un « I AM SNOW WHITE », les premiers pas du nouveau-né d‟un « I
AM NEIL AMSTRONG » etc. Le but est évidemment de faire comprendre aux spectateurs
que c‟est à chacun de choisir ce qu‟il veut être.
La campagne démarre en avril 2010 en Europe et en Afrique du Sud en commençant
par le Royaume Uni. La campagne joue sur la signature de la marque « Au cœur de l‟image »
et y ajoute des scénarios de la « vie réelle » dans lesquels les gens montrent ce qu‟ils sont
réellement grâce à un appareil Nikon. De multiples évènements historiques et des références à
la pop culture sont utilisés dans les spots, comme lorsqu‟on associe les premiers pas d‟un
nouveau-né à ceux de Neil Armstrong sur la lune. Cette scène montre donc les premiers pas
d‟un bébé filmés par sa mère, et dont les images proviennent effectivement du Nikon D5000
utilisé par la mère. D‟autres passages montrent le chanteur Robbie Williams tournant son
appareil photo en direction de la foule lors d‟un concert, une mariée espagnole qui laisse les
équipes de Nikon filmer les derniers préparatifs de son mariage pour la campagne, des
touristes qui prennent en photo les pyramides de Gizeh ou tout simplement des gens aux
quatre coins de la planète qui interagissent grâce à internet et leurs appareils Nikon. Chacun
de ces moments est accompagné d‟un logo personnalisé: I am Neil Armstrong, I am Alive, I
am Snow White, I am Here et I am a Part of the World.
41 Annexes 1, 2 et 3 42 Le terme original, social media, désigne tous les médias destinés aux interactions sociales. On peut
traduire ce terme par « réseaux sociaux », mais cela exclurait certaine structure sociale comme les aggrégateurs
ou les services de social bookmarking comme Delicious.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 40 2010-2011
« La nouvelle campagne Nikon parle entièrement de vrais
expériences, de vrais émotions et de vrais gens. Elle est au cœur de
l’image. Les moments et les émotions sont capturés pour toujours. La
vie est son propre réalisateur. Nous avons donné des appareils Nikon
à cinq mères pour qu’elles capturent les premiers pas de leurs
enfants. Parfois ce sont les touristes eux-mêmes, les vraies
attractions. Pour une authentique photo de fête, vous avez besoin
d’aller à une fête… ou cinq. Ne révélez pas ce qui vient après, c’est
de cette façon que l’on obtient de vrais réactions. Nous avons même
invité quelqu’un qui vient de très loin. Nous avons voyagé jusqu’en
Espagne pour assister à un mariage, sans scénario, bien sûr. Nous
avons donné à des enfants des jouets et une liberté créative pour
qu’ils créent leur propre film. Maintenant c’est votre tour. Capturez
la vraie vie et les vraies émotions, et soyez Au Cœur de l’Image. I am
…»43
Cet extrait du making-of nous montre bien l‟opposition implicite qu‟installe Nikon
entre l‟authenticité des productions de ses consommateurs et l‟idée sous-entendu du faux, de
la tromperie que l‟on retrouverait chez d‟autres marques (en creux, c‟est évidemment un
message à l‟intention de Canon).
Nikon utilise également ce dispositif pour mettre en avant les atouts de ses appareils
photos comme « I am a Super Zoomer » pour montrer la grande capacité de zoom du Coolpix
S8000, ou « I am Attractive » afin de mettre en avant les qualités du design du S3000.
La campagne I AM NIKON a pour but de mettre les consommateurs, eux aussi, « au
cœur de l‟image » et d‟initier une nouvelle compréhension de la photographie où chacun peut
s‟exprimer en fonction de son expérience de celle-ci. En effet, aujourd‟hui la photographie
s‟est démocratisée et son usage est divertissant, ludique, social et expressif. En utilisant de
vraies personnes, dans de vraies situations, Nikon espère que le public se reconnaitra et se
sentira inspiré.
Les spots TV sont tous conçus de la même façon, présentant une succession de
saynètes aboutissant à un visuel final accompagné de son logo personnalisé. La bande
43 Traduit de l‟anglais. Making of Spring 2010 : http://www.youtube.com/watch?v=eq4_0QX-atU
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 41 2010-2011
sonore44
joue un rôle primordial puisque le morceau est construit de manière à amener un
climax émotionnel au moment de la révélation du visuel. Les prints et outdoor reprennent
également un visuel représentant un instant de vie, toujours accompagné du logo personnalisé.
La stratégie online est la plus intéressante car elle reflète une volonté universelle des marques
d‟interagir avec leur communauté. Dans sa construction, la campagne I AM NIKON a tous les
atouts pour être une opération visant à initier un mouvement au sein de sa communauté. Le « I
am » s‟adresse directement au consommateur, c‟est d‟ailleurs lui qui est présent dans les spots
TV, c‟est presque lui qui réalise la publicité : il est au cœur du processus, Nikon, c‟est lui. On
peut d‟ailleurs lire quelques savoureux verbatims dans les commentaires de la page Youtube
de Nikon :
« Votez si vous êtes fiers de dire « I am Nikon » »45
« I am… looking at the life in a different way »
Ou encore cette réponse d‟un utilisateur à une critique négative :
« Cette campagne est une publicité pour que les gens voient la vidéo
et pensent : Wow… Si seulement je pouvais capturer ma créativité,
mes sentiments ou les grands évènements de ma vie. Et c’est
exactement ce que Nikon permet ! Et je suis fier de dire : - I AM
NIKON - »46
Le déploiement de la campagne en ligne s‟articule autour d‟un site dédié I AM
NIKON, qui fait en réalité partie de la catégorie Community du site Nikon. On voit bien ici la
volonté de Nikon de faire de I AM NIKON une sorte de totem autour duquel se retrouvent les
passionnés de la marque. Malgré tout, les possibilités d‟interactions restent limitées sur le site.
Fort heureusement, la stratégie se développe à travers un écosystème digital composé de
plusieurs réseaux sociaux tel que Flickr (spécialisé dans la photographie), Youtube (pour les
vidéos) et bien sûr Facebook. Cette volonté de mettre l‟utilisateur au centre de l‟interaction est
44 Radical Face - Welcome Home, Son 45 Traduit de l‟anglais. Commentaires du Making of : http://www.youtube.com/watch?v=eq4_0QX-atU 46 Ibid.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 42 2010-2011
tout à fait légitime sur le web. Comme on l‟a vu, le consommateur est créateur de contenu et
tient une position d‟énonciation quasi égale à celle de la marque.
La plateforme, le territoire qui nous intéresse ici est la page Facebook de la marque. Sa
promotion est faite à partir de multiples interfaces, puisque tous les éléments de l‟écosystème
digital tendent à être reliés entre eux47
.
2. CONTRAINTES TECHNOLOGIQUES ET DISCOURS DE MARQUE :
JALONS DE LA PRODUCTION
2.1 FACEBOOK, UN FONCTIONNEMENT NORME
Intéressons-nous maintenant au fonctionnement d‟une page Facebook. Bien qu‟elle
soit très peu personnalisable, il existe quelques paramètres à régler, qui peuvent révéler la
volonté de la marque. Nous pourrions explorer le fonctionnement en parcourant le chemin
d‟un utilisateur lambda, mais cela ne s‟avère guère pertinent, puisque nous avons décidé de
séparer deux aspects de la page, les contraintes technologiques et l‟énonciation de la marque
d‟un côté, et les applications et onglets, dispositifs exceptionnels, de l‟autre. La marque peut
décider sur quel onglet peut « atterrir » un nouvel utilisateur : c‟est ce que l‟on appelle une
landing page, c‟est la raison pour laquelle suivre le chemin de l‟utilisateur fausserait notre
analyse.
Structurellement, une page Facebook est composée de trois colonnes48
. La première
qui prend environ un quart de la page, contient l‟identité de la marque (photo de profil, about,
nombre de fans et abonnements) ainsi que la navigation, c‟est-à-dire les différents onglets et
applications présents sur la page. La colonne centrale, qui représente la moitié de la page
environ, contient des informations dynamiques, qui changeront en fonction de l‟onglet sur
lequel l‟utilisateur se trouve. Dans le cadre de l‟étude, nous nous cantonnerons pour l‟instant
au wall, infos et photos. La troisième et dernière colonne occupent le dernier quart laissé par
les deux autres colonnes. Les seules informations révélées par cette colonne sont « qui de mes
friends ont likés cette page», c‟est pourquoi nous la laisserons de côté.
L‟onglet Info nous permet d‟appréhender les premiers éléments discursifs proposés par
la marque, au sein du seul endroit de la page affichant du contenu quasi statique. Le but de
47 Voir Annexe 3 : écosystème digital 48 Voir Annexe 5 : les différents onglets de la page
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 43 2010-2011
cette section est d‟informer l‟utilisateur sur ce qui l‟attend sur cette page et ce qu‟on attend de
lui. Dans à propos la marque nous annonce que nous sommes en train de visiter la page
Facebook officielle de I Am Nikon Europe. Nous ne sommes donc pas sur une page créée par
un fan ou une communauté de fans, mais bien sur une page émanant de la marque elle-même,
cela indique que nous sommes en présence de cette marque, ou du moins en présence de ses
représentants. Le fait que la position géographique soit précisée laisse à penser qu‟il existe
d‟autres pages similaires à celle-ci, peut-être dans d‟autres langues, destinées à d‟autres
publics. Cette méthode permet de montrer à l‟utilisateur qu‟il est au bon endroit, mais surtout
qu‟il est entouré de « pairs » qui habitent eux aussi dans la même région géographique que
lui, il sait que tous pourrons se comprendre et partager ensemble. C‟est un levier de
confirmation d‟appartenance à la communauté conçu afin de diminuer l‟incertitude du visiteur
face à un univers qu‟il ne connait pas encore. Nous allons retrouver ce type de discours dans
toute la partie Info. La marque continue en expliquant que cette page est l‟endroit parfait pour
rester en contact avec la marque, et d‟énumérer tous les types de contenu que l‟on pourra
trouver ici : des actualités, des fonctionnalités et des idées. Nikon invite ensuite l‟utilisateur
« à se sentir libre de rejoindre la page et d‟y contribuer ». Dans la partie Mission (les intitulés
des sections sont fournis par Facebook, et non pas choisis par la marque), la marque
communique un résumé du message et de la vision de la campagne I am Nikon décrite
précédemment :
« Les belles photos ont toujours de la personnalité. Que vous preniez
une photo ou une vidéo pour la partager avec vos amis, vous racontez
uelque-chose à propos de vous. Qui vous êtes, qui vous voulez être. I
Am Nikon vous offre un espace juste pour faire cela ! Ici, vous pouvez
trouver les meilleurs photos, vidéos, conseils et conversations de la
part de la communauté Nikon, autant par les professionnels que par
les amateurs. Rejoignez-nous, impliquez-vous et amusez-vous ! »49
La marque informe donc l‟utilisateur sur le contenu qu‟il peut partager, photos, vidéos,
conseils, conversations et également que les amateurs sont les bienvenus. Encore une fois, on
donne des raisons à l‟utilisateur de ne pas s‟inquiéter de sa présence sur cette page. Nikon
fournit ensuite une liste des catégories de ses produits afin de n‟oublier aucun des
49 Annexe 5
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 44 2010-2011
consommateurs Nikon : de l‟appareil professionnel au compact Coolpix en passant par les
accessoires et même les scanners et les logiciels. Apparaissent ensuite des liens hypertextes
vers les autres territoires de la marque. C‟est le même écosystème digital que décrit
précédemment.
2.2 UNE PAGE CONSTRUITE DANS LA COERCITION
Le Wall est le cœur de toute page Facebook. C‟est ici que la marque va pouvoir mettre
à jour ses statuts, c‟est-à-dire publier du texte, une photo, une vidéo ou un lien vers un site
externe. C‟est également l‟espace d‟échange le plus paramétrable en termes de permission
pour les utilisateurs. Par défaut, les utilisateurs sont autorisés, s‟ils sont fans de la page, à
poster eux aussi le même type de contenu que l‟administrateur, c‟est-à-dire la marque. Mais il
existe certains paramètres, comme le choix de n‟afficher par défaut uniquement les statuts de
l‟administrateur ou encore interdire aux fans de publier quoique ce soit sur le Wall. Dans le
cas de la page Nikon, par défaut, les utilisateurs ne voient que les publications de Nikon. Il
leur faut basculer sur le mode « Most Recent » de façon manuelle afin d‟avoir accès aux
publications de leurs pairs. Plus étonnant encore, bien que les utilisateurs aient la permission
de commenter et de publier sur le Wall, ils ne peuvent partager que du texte. Ils n‟ont pas
l‟autorisation d‟uploader ni photo, ni vidéo. Si ce choix parait étrange et en totale
contradiction avec l‟esprit même de Nikon et de I AM NIKON, nous allons voir par la suite
que c‟est tout à fait compréhensible.
En effet, Bruno Chery, Community Manager nous apprend dans un entretien50
que :
« Plutôt que laisser libre cours à l’imagination et à la créativité de tes
fans, le rôle du Community Manager va être de les influencer mais
surtout essayer de leur donner un cadre dans lequel ils vont pouvoir
s’exprimer. Ce qui permet en même temps de contrôler ces types de
participation et de contenu qui vont être partagés, et les influencer,
les emmener dans une direction pour que cela devienne une valeur
ajoutée. »
50 Annexe 7 : Entretien semi-directif avec Bruno Chery, Community Manager
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 45 2010-2011
On peut donc imaginer qu‟il existe soit une autre manière de publier du contenu
photographique, soit que la marque permet l‟upload de photos de façon ponctuelle et
éphémère.
Les prises de parole de la marque sont plutôt fréquentes comme l‟indique notre frise51
et sont de trois types. Le premier, où l‟on retrouve toutes les informations froides comme des
conseils photos, des présentations de courts métrages ou de photographes professionnels
proviennent toutes du blog I AM NIKON, comme nous avons pu le voir sur le schéma de
l‟écosystème52
. Mais du simple contenu provenant d‟un blog ne suffit pas à animer une
communauté, et encore moins à créer du contenu. Le deuxième type de contenu est méta-
discursif puisqu‟il concerne les fonctionnalités de la page elle-même. En effet, régulièrement,
la marque va rappeler aux fans quels sont les applications et onglets qu‟ils peuvent utiliser sur
la page. Le dernier type de contenu enfin, est un contenu de type rituel. En effet, chaque
semaine, Nikon va créer un album des dix photos d‟utilisateurs les plus likées afin de les
mettre en avant au sein de la communauté. Ces photos ont en réalité été mises en ligne par les
utilisateurs via une application hébergée sur la page. Cette méthode, le rituel, de par sa
régularité (une fois par semaine) et son format codifié et démocratique permet non seulement
de mettre en place des repères et des routines au sein de la page, mais également de pousser
les utilisateurs à proposer leurs propres œuvres à la communauté, puisqu‟en mettant en ligne
sa sélection, Nikon montre à la communauté qui sont les dix meilleurs fans de la semaine,
flattant ainsi l‟ego des sélectionnés et promettant le potentiel même traitement à quiconque
soumettrait son œuvre. L‟onglet Photos affiche donc ces albums, créés par Nikon, et
contenant les œuvres des fans mises en ligne via une application intitulée WHO ARE YOU ?
3. APPLICATIONS ET ONGLETS : OFFICIALISER LES PRATIQUES
INFORMELLES
3.1 LES SOLUTIONS DE DIFFERENCIATION
Les applications, sur une page Facebook, sont un des seuls moyens de se démarquer
des autres pages, car c‟est le seul espace où la marque peut en personnaliser le contenu. De
par la complexité technique et le nombre de ressources à mettre en œuvre, les applications ne
sont pas à la portée de tous les propriétaires de page. Ainsi, le fait de trouver plusieurs
51 Annexe 4 : Frise chronologique des prises de parole 52 Annexe 3
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 46 2010-2011
applications sur une page, respectant les codes graphiques de la marque et fonctionnant sans
problème, est souvent garant du fait d‟être en présence de la marque et d‟être sur une page
officielle.
La page I am Nikon possède cinq applications, chacune hébergée sur un onglet
différent. La première se nomme I AM NIKON, comme la page, et contient des liens vers le
site de la campagne ainsi que vers tous les éléments de l‟écosystème digital. Cet onglet est en
réalité la landing page, c‟est-à-dire que c‟est l‟onglet d‟accueil par défaut pour tout visiteur
n‟ayant pas encore liké la page. La seconde application sur laquelle nous allons nous pencher
concerne l‟onglet I AM A D5100. Reprenant encore une fois le code « I AM » dans sa
dénomination, cet onglet est en fait dédié à un produit en particulier, le récent D5100. On ne
retrouve que très peu d‟interactions sur cette partie de la page, uniquement la possibilité de
changer les faces d‟un « dé » montrant les différentes facettes de l‟appareil en imitant son
écran amovible. Nous considérons que cet onglet a un but uniquement publicitaire, et en
aucun cas celui d‟interagir avec la communauté. Le troisième onglet est dédié aux vidéos
Youtube publiées sur la chaîne Youtube I AM NIKON. Il propose aux utilisateurs de
visionner les mêmes vidéos que sur la chaîne et de les commenter.
Les deux applications les plus importantes en termes de création de contenu sont
NIKON BADGES et WHO ARE YOU. La première propose aux utilisateurs de personnaliser
leur photo de profil avec un badge ou une bannière. Sur Facebook, la photo de profil
accompagnée du nom et du prénom sont les trois éléments identitaires de chaque utilisateur.
Lors d‟interactions, de statuts, de commentaires, de messages privés, de messagerie
instantanée etc. ce sont les trois seuls éléments basiques à être affichés. Leur pouvoir discursif
est donc particulièrement puissant. En jouant sur la fierté d‟appartenir à une communauté et
celle de posséder un objet de valeur, Nikon s‟offre un espace publicitaire sans frais et à la
viralité très rapide. Si le badge jaune arborant un « Nikon » noir est plutôt basique, la bannière
est autrement plus intéressante. En effet, elle affiche non seulement le désormais fédérateur
« I AM NIKON » mais elle permet également d‟afficher le produit Nikon possédé par
l‟utilisateur. Cette méthode permet donc à Nikon de s‟offrir une publicité gratuite, et aux
utilisateurs de montrer à leur communauté, c‟est-à-dire à leurs friends, qu‟ils possèdent un
appareil Nikon et qu‟ils font partie de la communauté. Certains professionnels du marketing
jugent cette tendance à la théâtralisation sociale particulièrement prégnante sur les réseaux
sociaux et, s‟inspirant des travaux de Freud et de Goffman, proposent une nouvelle typologie
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 47 2010-2011
pour désigner ces individus qui vont mettre leur image en scène : Le Social Super Ego53
.
Serait-ce également cette tendance, qui pousserait notre Social Super Ego, flatté par l‟estime,
à publier et partager du contenu sur la page ?
3.2 UNE INVITATON AU PARTAGE
La dernière application est au cœur de notre problématique et permet de répondre à
bon nombre d‟interrogations. WHO ARE YOU ?, question à laquelle les fans de la marque
répondent I AM NIKON, est une application qui permet aux utilisateurs de soumettre leurs
œuvres photographiques aux votes de la communauté. Comme nous l‟indique Bruno Chery à
propos de la modération :
« […] la modération est nécessaire, obligatoire, incontournable. Mais
bien en amont de la modération, c’est justement essayer de bien
guider, de bien emmener tes fans à s’exprimer dans des « niches » où
tu vas pouvoir éviter ce genre de dérapage. »
L‟application WHO ARE YOU permet à Nikon d‟avoir le contrôle sur les publications
des fans. Dans une volonté de non-dispersion et de contrôle du contenu, Nikon a interdit à ses
fans la possibilité de publier des photographies sur son Wall, les obligeant ainsi à utiliser
l‟application dédiée. Ce faisant, elle perd l‟instinctivité et l‟ergonomie de cohérence au sein
de la page Facebook, mais y gagne la sécurité d‟appliquer son propre règlement, car
techniquement, le contenu n‟est pas hébergé sur Facebook. Il faut également savoir que les
conditions d‟utilisations de Facebook par les marques sont très strictes. Ainsi, si Nikon veut
un jour réaliser un concours afin de faire gagner quelques prix à ses fans, elle sera dans
l‟obligation de passer par une application : les fonctionnalités natives du réseau social sont
strictement interdites d‟utilisation dans ce genre de cas de figure54
. La valeur ajoutée et
l‟originalité du dispositif, pour l‟utilisateur, réside dans la possibilité d‟ajouter un « titre » en
superposition de la photo. Naturellement, ce titre est brandé Nikon et reprend le « I AM »
auquel l‟utilisateur peut ajouter les mots de son choix. Cela permet au fan de recréer le même
impact émotionnel présent dans les publicités de la campagne. On retrouve d‟ailleurs des
caractéristiques qui semblent propres aux communautés de marque sur Facebook, puisque
Bruno Chery nous décrit l‟usage et l‟émotion comme étant les piliers du partage de contenu :
53 Sarah Jane Blackman et Pierre-Jean Choquelle, Séduire le Social Super Ego, Proximity BBDO, 2011 54 Annexe 6 : Extrait des conditions générales d‟utilisation de Facebook
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 48 2010-2011
« Pour moi en fait, si tu veux, le Community Management pour une
marque ce n’est pas partager un discours marketing, c’est créer une
relation et c’est essayer de communiquer par l’émotion et par
l’usage de ton produit, […] non pas par un discours marketing […]
mais plutôt « voilà ce que cela vous apporte dans votre quotidien »,
« voilà à quoi ça sert » et la preuve elle est dans l’émotion que cela
procure, et elle est dans l’usage que vous, vous en avez. Le but en
Community Management sur les marques dont je m’occupe, en
particulier la marque sur laquelle je travaille à 100%, c’est justement
de communiquer par l’émotion et par l’usage. »
Une fois mise en ligne, la photo est soumise aux votes des autres membres de la
communauté. Il est bien évidemment possible de passer outre l‟imperméabilité de la page
Facebook afin de partager son œuvre auprès de ses friends et ainsi gagner quelques votes tout
en permettant à Nikon d‟augmenter son compteur de fans.
Chaque semaine, la marque publie donc les dix gagnants du concours en créant un
album photo qui leur est dédié. Puisque les fans ne peuvent publier de photos sur le Wall, la
visibilité des albums est accrue dans l‟onglet Photos, évitant les publications parasites.
Nikon est un bon exemple de ces marques qui sont rentrées de pleins pieds dans le
social media, ne laissant rien au hasard, intégrant cette nouvelle dimension dans leur stratégie,
à parts égales avec d‟autres médias plus traditionnels. En étant présente sur tous les territoires
où les consommateurs s‟expriment, la marque maximise sa présence en ligne, quitte à risquer
de trop contraindre ses utilisateurs. On peut très bien imaginer un jour, à l‟instar du rejet du
discours publicitaire qui a accompagné la postmodernité, un refus de partager avec une
institution mercantile, un espace que beaucoup considèrent comme démocratique, égalitaire et
solidaire.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 49 2010-2011
CONCLUSION
Lors de nos questionnements initiaux, il nous semblait évident que la notion de
communauté en ligne, couplée à celle de communauté de marque était devenue au fil du
temps et des bouleversements économiques, sociologiques et technologiques, un concept à
mille lieux de la définition initiale du terme. Les notions de lieu, de lien, d‟intérêt commun
semblent être l‟héritage de ces connaissances sans pour autant faire apparaitre la communauté
de marque en ligne comme un idéal fusionnel pétri de solidarité entre les membres. Il
semblerait plutôt que la communauté, telle que nous l‟observons sur la plateforme Facebook,
se définisse plutôt comme une somme d‟individualités évoluant côte à côte dans un désir
d‟émergence. Là où nous avons vu des exemples de communauté se construisant dans une
opposition de la communauté voisine, il apparait qu‟en interne, la communauté de marque en
ligne se construit par une sorte d‟opposition « coopérative », même si cela semble paradoxal,
entre les membres. Ce constat en tête, il est impossible de concevoir la communauté de
marque en ligne en adéquation avec la communauté telle que nous l‟avons définie. Est-ce un
abus de langage, une rhétorique du marketing ? Comme en son temps la tribu était définie au
travers le prisme du marketing, il semble possible que la communauté marketing se conçoive
de la même façon.
La création de contenu au sein de ces communautés est sans nul doute liée et
contrainte directement par la plateforme sur laquelle la communauté est présente. C‟est en
effet la plateforme qui impose la façon dont les utilisateurs peuvent s‟exprimer, les
possibilités qu‟ils ont pour interagir entre eux et avec la marque. A cette couche coercitive qui
est celle de la plateforme, se superpose celle de l‟administrateur, c‟est-à-dire de la marque.
Ainsi, il existe toujours un certain nombre de paramètres dont les réglages sont laissés à la
discrétion de l‟administrateur. Puisque la marque accorde une réelle importance au contenu
généré par les utilisateurs, il est logique que le réglage de ces paramètres s‟inscrive dans une
stratégie dont le but final est de guider les utilisateurs dans la création de contenu. Pourtant,
on l‟a vu, ces choix se font parfois au mépris de l‟ergonomie et du confort des utilisateurs.
L‟avènement de ces plateformes « universelles » qui basent leur modèle économique sur le
recrutement des marques tendraient alors à creuser des différences en termes de position
discursive. Le web social était pourtant considéré jusqu‟à maintenant comme un lieu
d‟égalité, où chacun pouvait prendre la parole, il se pourrait donc que les marques et les
entreprises reprennent le pouvoir de diffusion propre jusqu‟alors aux médias traditionnels.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 50 2010-2011
Parallèlement, on s‟aperçoit qu‟aucune marque n‟utilise les mêmes méthodes dans la
poursuite de l‟objectif de la création de contenu. Le « community management » n‟est pas une
science exacte, et là où certains vont privilégier l‟interaction directe avec leur membres en
leur proposant une thématique, en leur demandant de réagir à des informations chaudes,
d‟autres Ŕ dont Nikon Ŕ vont préférer l‟échange d‟actualités froides, quitte à limiter le nombre
de réactions, pour se concentrer sur des dispositifs complexes de publication de contenu.
Quant à la question de la légitimé pour une marque de construire sa communauté en
ligne, il est difficile d‟avoir un avis tranché. Nous aurons tendance à penser que les
communautés de marque, fortement liées à l‟émergence des sous -cultures de consommation,
naissent de la volonté des membres, autour d‟une marque vecteur de valeurs, d‟une image
forte et surtout de sens. La nature de la marque n‟est pas forcément un facteur-clef, le plus
important étant son positionnement et son discours. Ce qui est certain, c‟est qu‟une
communauté créant régulièrement du contenu original concernant une marque, légitime la
présence de cette dernière en ligne. Ce fut d‟ailleurs la stratégie de nombreuses d‟entre elles à
l‟époque de la montée en puissance du contenu généré par les utilisateurs. On peut donc
valider le fait que le contenu, publié par les utilisateurs ou non, est un véritable apport pour la
marque.
Il n‟est donc pas aisé, malgré la quantité d‟informations à traiter, d‟établir des théories
qui soient communes, des généralités sur la façon dont les utilisateurs sont amenés à créer du
contenu tant il apparait que ces utilisateurs n‟ont guère de liberté. Coercition sur deux
niveaux, interdictions, obligations, on est parfois loin des « guides » et des « invitations »
chers à Bruno Chery. De l‟autre côté de la balance, on trouve un individu acteur de la
théâtralisation sociale de sa propre image, ce Social Super Ego qui concède à perdre certaines
de ses libertés si on lui offre un moyen de construire son personnage par le regard des autres.
Et si la marque, finalement, c‟était lui ?
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 51 2010-2011
BIBLIOGRAPHIE
Dictionnaires
Le Petit Robert. Le Robert, 12ème édition. Paris, 1973
Sciences Humaines
Anzieu Didier et Jacques-Yves Martin, La Dynamique des Groupes Restreints, PUF, 2003
Breton Philippe, La Parole Manipulée, Editions La découverte / Essais, 1997
Durkheim Emile, Communauté et société selon Tönnies, Textes. 1. Éléments d‟une théorie
sociale, Paris: Éditions de Minuit/Le sens commun, 1975
Lipovetsky Gilles, L’ère du vide : essais sur l’individualisme contemporain. Gallimard, Folio.
Paris, 1989.
Maffesoli Michel in La logique des communautés, dossier Sciences Humaines n°48, Mars
1995.
Norton Cooley Charles, « Groupes primaires, nature humaine et idéal démocratique », Revue
du MAUSS, 2002
Park Robert E., Human Communities: the City and Human Ecology Glencoe, Ill: The Free
Press, 1952
Tönnies Ferdinand, Gemeinschaft und Gesellschaft. Grundbegriffe der reinen Soziologie,
1912
Marketing
Blackman Sarah Jane et Choquelle Pierre-Jean, Séduire le Social Super Ego, Proximity
BBDO, 2011
Graham Paul se rappelle les origines du terme « Web 2.0 » :
http://www.paulgraham.com/web20.html
Holt Douglas, Why do brands cause trouble? A dialectical theory of consumer culture and
branding, Journal of Consumer Research, June 2002, n°29.
Junta42, Livre Blanc, Attract and Retain Customers with Content, 2008
http://www.junta42.com/community/attract-retain-customers-whitepaper.aspx
Muniz Albert M. et Hamer Lawrence O., us versus them: oppositional brand loyalty and the
cola wars, Advances in Consumer Research Volume 28, 2001
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 52 2010-2011
Muniz Albert et O‟Guinn Thomas, Brand Community, Journal of Consumer Research, 2001
Pulizzi Joe, Get Content GetCustomers, McGraw-Hill, 2008
Van Grove Jennifer, Nestle Meets Greenpeace’s Demands Following Social Media Backlash,
Mashable.com, 2010
http://mashable.com/2010/05/17/nestle-social-media-fallout/
Divers
http://cairn.info
http://facebook.com
http://iamnikon.com
http://www.lavazza.com/corporate/community/home
http://twitter.com
http://www.sneakerpedia.com/
http://wikipedia.com
Making of Nikon Spot, spring 2010: http://www.youtube.com/watch?v=eq4_0QX-atU
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 53 2010-2011
ANNEXES
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 54 2010-2011
ANNEXE 1 : PRINTS DE LA CAMPAGNE I AM NIKON
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 55 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 56 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 57 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 58 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 59 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 60 2010-2011
ANNEXE 2 : SPOT TV DE LA CAMPAGNE I AM NIKON
Format télévision 30 secondes :
http://www.youtube.com/watch?v=xbG9t
Z39aY8
Format web 2 minutes :
http://www.youtube.com/watch?v=kLoFb
NmFEzc
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 61 2010-2011
ANNEXE 3 : ECOSYSTEME DIGITAL DE LA CAMPAGNE I AM NIKON
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 62 2010-2011
ANNEXE 4 : FRISE CHRONOLOGIQUE DES PRISES DE PAROLES DE NIKON SUR LA PAGE FACEBOOK I AM NIKON
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 63 2010-2011
ANNEXE 5 : LES DIFFERENTS ONGLETS DE LA PAGE FACEBOOK I AM NIKON
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 64 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 65 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 66 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 67 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 68 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 69 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 70 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 71 2010-2011
ANNEXE 6 : EXTRAIT DES CONDITIONS D‟UTILISATION DE FACEBOOK A PROPOS
DES CONCOURS
Promotions Guidelines
Date of Last Revision: May 11, 2011
These Promotion Guidelines, along with the Statement of Rights and Responsibilities, the Ad Guidelines, the Platform Policies and all other applicable Facebook policies, govern your communicationabout or administration of any contest, competition, sweepstakes or other similar offering (each, a "promotion") using Facebook.
If you use Facebook to communicate about or administer a promotion, you are responsible for the lawful operation of that promotion, including the official rules, offer terms and eligibility requirements (e.g., age and residency restrictions), and compliance with regulations governing the promotion and all prizes offered in connection with the promotion (e.g., registration and obtaining necessary regulatory approvals). Please note that compliance with these Guidelines does not constitute the lawfulness of a promotion. Promotions are subject to many regulations and if you are not certain that your promotion complies with applicable law, please consult with an expert.
1. Promotions on Facebook must be administered within Apps on Facebook.com, either on a Canvas Page or an app on a Page Tab.
2. Promotions on Facebook must include the following: a. A complete release of Facebook by each entrant or participant. b. Acknowledgment that the promotion is in no way sponsored, endorsed or administered by, or associated with, Facebook. c. Disclosure that the participant is providing information to [disclose recipient(s) of information] and not to Facebook.
3. You must not use Facebook features or functionality as a promotion’s registration or entry mechanism. For example, the act of liking a Page or checking in to a Place cannot automatically register or enter a promotion participant.
4. You must not condition registration or entry upon the user taking any action using any Facebook features or functionality other than liking a Page, checking in to a Place, or connecting to your app. For example, you must not condition registration or entry upon the user liking a Wall post, or commenting or uploading a photo on a Wall.
5. You must not use Facebook features or functionality, such as the Like button, as a voting mechanism for a promotion.
6. You must not notify winners through Facebook, such as through Facebook messages, chat, or posts on profiles or Pages.
7. You may not use Facebook’s name, trademarks, trade names, copyrights, or any other intellectual property in connection with a promotion or mention Facebook in the rules or materials relating to the promotion, except as needed to fulfill your obligations under Section 2.
8. Definitions: a. By “administration” we mean the operation of any element of the promotion, such as collecting entries, conducting a drawing, judging entries, or notifying winners. b. By “communication” we mean promoting, advertising or referencing a promotion in any way on Facebook, e.g., in ads, on a Page, or in a Wall post. c. By “contest” or “competition” we mean a promotion that includes a prize of monetary value and a winner determined on the basis of skill (i.e., through judging based on specific criteria). d. By “sweepstakes” we mean a promotion that includes a prize of monetary value and a winner selected on the basis of chance.
http://www.facebook.com/promotions_guidelines.php
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 72 2010-2011
ANNEXE 7 : ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF AVEC AVEC BRUNO CHERY
Community Manager au sein de l‟agence Proximity BBDO, il gère la présence en
ligne des différentes marques de Panasonic. Durée : 20 minutes.
Sylvain Paley Ŕ Bonjour, quel est ton métier ?
Bruno Chery Ŕ Community Manager
SP Ŕ Comment tu définis ce métier ?
BC Ŕ C‟est un métier assez transverse, il s‟agit de s‟occuper de l‟e-reputation d‟une
marque et cela consiste à surveiller, analyser l‟e-reputation de cette marque et ensuite
identifier et surveiller les lieux de prise de parole autour des produits ou autour de la marque,
y répondre, éventuellement recruter parmi toutes ces personnes qui s‟expriment, ce qu‟on
appelle des ambassadeurs de la marque : des personnes qui par conviction, par attachement
affectif, ou par le fait qu‟ils sont satisfait par le produit vont l‟exprimer. Le but est d‟utiliser
ces expressions de satisfaction pour nourrir l‟e-reputation de la marque en question.
SP Ŕ Quand tu fais ce genre de chose, tu es porte-parole de la marque ? Tu parles en
son nom ?
BC Ŕ C‟est un peu plus compliqué que ça dans le sens où, oui, quand je m‟exprime je
le fais au nom de la marque, mais mon rôle ne se résume pas à m‟exprimer mais à écouter
avant tout.
SP Ŕ Et dans le cas particulier d‟une page facebook de marque, à quoi se résume ton
activité ?
BC Ŕ La gestion d‟une fanpage pour une marque, c‟est utiliser une plateforme
d‟échange et de communication. Mais cette communication n‟est pas monodirectionnelle,
dans le sens où ce n‟est pas comme un blog, un site internet où tu vas distribuer de l‟info
chaude ou froide et le lecteur va y être confronté et ça s‟arrête là. La difficulté de la page
facebook c‟est que ce lecteur peut à tout moment exprimer son intérêt et son désintérêt Ŕ
c‟est-à-dire liker ou unliker Ŕ il peut commenter, ce qui implique en terme de rythme et
d‟action d‟être très réactif, très attentif. Sur facebook tu réponds tout de suite sinon tu ne
réponds pas, ça ne sert à rien. Il faut être très souple dans le sens où une prise de parole est
très délicate : on réagit souvent à de l‟actu chaude, voire très chaude. Une prise de parole que
tu as sur le mur d‟une fanpage, elle apparait et elle disparait très rapidement. La façon dont est
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 73 2010-2011
constitué facebook aujourd‟hui, et la façon dont les gens s‟en servent, font que tu ne peux pas
non plus gaver le consommateur auquel tu t‟adresses avec uniquement de l‟information
marketing, marque ou produit. C‟est un espace d‟échange et de discussion que l‟on partage
avec ses amis en fait, ce n‟est pas un forum où ceux qui le fréquentent vont effectivement
partager le même centre d‟intérêt et communiquer, discuter autour de ce centre d‟intérêt. Pour
moi facebook c‟est l‟inverse : le forum pour moi est un lieu de communauté renfermé sur lui-
même alors que facebook est un lieu ouvert sur l‟extérieur, de partage et de discussion.
SP Ŕ Alors justement tu parlais d‟information, tu disais qu‟on ne pouvait pas se
cantonner à diffuser de l‟information marketing classique, quel rapport as-tu vis-à-vis du
contenu sur une page facebook ? Quelle importance tu lui donnes ?
BC Ŕ La difficulté elle est là, elle est dans la gestion du contenu et dans l‟équilibre que
tu dois trouver. C‟est-à-dire qu‟en gros, une fanpage qui fonctionne c‟est une fanpage qui va,
certes, véhiculer une image positive du produit mais qui va être interactive : ces interactions
vont se traduire par effectivement du like, mais aussi du commentaire et éventuellement des
publications, partage de photos, de vidéos etc. L‟intérêt de facebook et plus généralement du
social media, c‟est que la discussion entre la marque et le consommateur, elle est plus dans
une seule direction, elle est vraiment à double sens et elle implique, elle nécessite de savoir
doser tes prises de parole. C‟est-à-dire que oui, tu dois parler de ta marque etc., mais tu dois
être en mesure de parler d‟autres choses qui intéressent tes fans. Le consommateur n‟est plus
un consommateur lambda, il ne doit même plus être considéré comme un consommateur, mais
comme un fan. C‟est quelqu‟un qui aime ta marque, et comme toute relation affective ou
amoureuse, il faut entretenir cette relation, se rendre désirable en permanence et la difficulté
est que peu importe si tes informations sont intéressantes, si tu balances trop d‟informations
du même type, c‟est-à-dire promotionnelles ou marketing, tu vas perdre tes fans et non pas les
garder. Facebook est un lieu où tu peux gagner tu fan très rapidement Ŕ grâce à des outils
notamment Ŕ mais tu peux aussi les perdre très facilement.
SP Ŕ Tu parlais aussi de ce que les fans peuvent partager sur la page. Quel est ton
rapport vis-à-vis de l‟UGC, le contenu généré par les utilisateurs ? Penses-tu que c‟est
important ? Qu‟on peut s‟en passer ?
BC Ŕ Non, c‟est important, par contre cela nécessite une surveillance quasi-
permanente, vraiment quotidienne. Cela nécessite de prendre un certain recul par rapport à ce
qui est partagé, il y a des choses qui ne vont pas te plaire, enfin plaire à la marque, même si
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 74 2010-2011
cela exprime quelque-chose pour tes fans. Après il ne faut pas non plus que cela devienne « la
foire à la saucisse » où on va aller prendre en photo un chien, un coquelicot, n‟importe quoi Ŕ
pour une marque d‟appareils photo par exemple Ŕ et où on se retrouve avec un bric-à-brac qui
n‟est pas valorisant ni pour le produit, ni pour la marque, ni pour la communauté. Pour éviter
ce genre de situation, ça passe par l‟animation de la page et plutôt que laisser libre cours à
l‟imagination et à la créativité de tes fans, le rôle du Community Manager va être de les
influencer mais surtout essayer de leur donner un cadre dans lequel ils vont pouvoir
s‟exprimer. Ce qui permet en même temps de contrôler ces types de participation et de
contenu qui vont être partagés, et les influencer, les emmener dans une direction pour que cela
devienne une valeur ajoutée. Pour moi en fait, si tu veux, le Community Management pour
une marque ce n‟est pas partager un discours marketing, c‟est créer une relation et c‟est
essayer de communiquer par l‟émotion et par l‟usage de ton produit, c‟est-à-dire qu‟est-ce
que ça change, quel est l‟intérêt d‟utiliser ce produit. Non pas par un discours marketing
« parce qu‟on est les meilleurs, parce qu‟on est les plus forts, parce que notre produit est plus
joli ou plus performant » mais plutôt « voilà ce que cela vous apporte dans votre quotidien »,
« voilà à quoi ça sert » et la preuve elle est dans l‟émotion que cela procure, et elle est dans
l‟usage que vous, vous en avez. Le but en Community Management sur les marques dont je
m‟occupe, en particulier la marque sur laquelle je travaille à 100%, c‟est justement de
communiquer par l‟émotion et par l‟usage.
SP Ŕ Sur une marque d‟appareil photo, donc, les fans vont poster du contenu plus
facilement puisque c‟est l‟usage du produit qui veut cela. Mais sur une marque moins
« facile », est ce que tu as des méthodes ou des stratégies pour pousser les fans à générer du
contenu ?
BC Ŕ Moi, ma méthode reste la même, je ne sais pas si c‟est la meilleur des méthodes.
Le principe est de leur donner des thématiques sur lesquels on va les inviter à s‟exprimer. Ce
n‟est pas imposer, c‟est essayer de guider, de leur donner de bonnes raisons de le faire, les
convier à s‟exprimer sur tel sujet plutôt qu‟un autre. C‟est plus une influence positive :
suggérer, inviter, proposer et ne pas imposer, sans toutefois tout accepter non plus. Facebook,
je trouve ça passionnant, et souvent j‟y vais vraiment à tâtons, progressivement, doucement, je
suis très attentif. Ce qui s‟est passé dernièrement avec la fanpage Petit Bateau te montre
qu‟avec deux visuels publiés, si jamais ça dérape et que tu ne trouves pas le truc pour rattraper
le dérapage : la page n‟appartient plus à Petit Bateau ni au Community Manager qui s‟en
occupe. Et il suffit de quelques heures pour que ça devienne tout autre chose : c‟est de la
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 75 2010-2011
nitroglycérine. La marque a cru mettre en place un outil qui lui permettrait d‟être proche de
ses consommateurs, et elle se retrouve avec un outil qui fonctionne comme un boomerang et
lui revient dans la figure.
Donc c‟est difficile, je t‟avouerai que moi, je suis à 100% sur des marques « techno »
et il faut savoir que les pages de marques « techno » ne sont pas celles qui génèrent le plus
d‟interactions et de participation. Ça va générer du fan, on a un potentiel de recrutement et de
rétention qui est assez satisfaisant, qui est dans la moyenne supérieur par rapport à d‟autres
marques Ŕ je t‟enverrai si tu veux le schéma Ŕ mais par rapport à des marques de food genre
Tassimo et compagnie, je suis loin derrière en terme d‟interactions. En terme de recrutement
et de rétention je fonctionne pas mal, en termes d‟interactions, la marque « techno » ce n‟est
pas le secteur d‟activité et la thématique qui vont permettre à ton fan de s‟exprimer plu
facilement. Sachant que moi j‟ai deux axes : un axe photo où tu fais quelque chose de créatif
avec le produit, et un axe « écrans » qui est beaucoup plus difficile à gérer afin d‟inviter tes
fans à s‟exprimer et à participer, sorti du « j‟aime beaucoup vos télés, c‟est les meilleurs télé,
c‟est la meilleur 3D et le plasma c‟est ce qu‟il y a de mieux », leur demander d‟être
participatif, c‟est plus compliqué car l‟utilisation d‟un écran c‟est passif, tu ne fabrique rien
avec, alors qu‟avec un appareil photo, une caméra, tu vas fabriquer des choses, tu vas créer du
contenu. Après c‟est sûr que ça va être un partage de ta sensibilité créative, de moments
d‟émotion que tu as réussi à saisir avec ton outil et que tu as envie de partager. La difficulté
de la gestion de ces participations, de ce partage de contenu de la part de tes fans ça va être :
quelle est la limite ? Quelle est la frontière à ne pas dépasser ? Est-ce que ça peut être partagé
avec tous ? Ou est-ce que c‟est de l‟ordre de l‟intimité, auquel cas ça n‟a rien à faire sur une
page de marque qui est tout sauf un lieu de partage de contenu intime ?
SP Ŕ D‟où le travail de modération du Community Manager.
BC Ŕ Alors la modération est nécessaire, obligatoire, incontournable mais bien en
amont de la modération, c‟est justement essayer de bien guider, de bien emmener tes fans à
s‟exprimer dans des « niches » où tu vas pouvoir éviter ce genre de dérapage.
C‟est sur quoi ton mémoire ?
SP Ŕ Le sujet porte sur la création de contenu par les utilisateurs, pour la marque.
C‟est un mélange d‟UGC et de Brand Content.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 76 2010-2011
BC Ŕ D‟accord. Après il y a d‟autres méthodes pour les inviter Ŕ mais après, tout va
dépendre de ta marque ou de ton produit Ŕ à partager des contenus. En leur faisant essayer un
nouveau produit avant qu‟il sorte par exemple. Tu vas leur demander de s‟exprimer, alors ça
va être à travers tout ce qui est rich media car ce qui est contenu rédactionnel, article, etc., ce
n‟est pas ce qui émerge le plus, mais la personne qui découvre un nouvel appareil photo se
filme en train de le déballer Ŕ ce qu‟on appelle le hauling ou l‟unboxing Ŕ la découverte, la
première prise en main, etc. C‟est aussi une façon de les influencer, c‟est-à-dire que tu vas les
séduire en leur disant « ce que je te propose c‟est du money can’t buy » c‟est-à-dire que ce
n‟est pas dans le marché, donc même si tu as beaucoup d‟argent, tu ne peux pas l‟avoir
maintenant, c‟est une vrai exclu. Je te propose de le tester, de l‟essayer, je te le prête pendant
une semaine, en contrepartie, je te demande, je t‟invite à partager ton premier ressenti,
t‟exprimer sur la découverte de ce produit que personne d‟autre ne connait à par toi.
SP Ŕ Et tu fais ça avec des bloggers ou avec les fans de la page ?
BC Ŕ Alors cette méthode fonctionne avec des bloggers depuis déjà pas mal d‟années,
bien avant d‟ailleurs qu‟on parle de social media, bien avant que les marques viennent
s‟essayer à la communication via facebook. Ce qui est nouveau, ce qui est vraiment
intéressant dans la partie social media de ce type de plateforme Ŕ que ce soit facebook, twitter
ou autre Ŕ c‟est qu‟effectivement tu vas proposer le même type d‟exercice à ton
consommateur directement.
SP Ŕ Comment tu le sélectionnes alors ?
BC Ŕ Justement c‟est là qu‟est la complexité. Si tu es une fanpage qui commence à
bien fonctionner, que tu commences à identifier des fans qui sont participatifs et qui
participent de façon constructive et intelligente, ça peut être un mode de sélection. D‟autres
vont préférer ceux qui sont le plus participatif. Moi je préfère privilégier celui qui a une
participation intéressante, intelligente et qualitative plutôt que celui qui, à chaque publication,
va liker, commenter, mais qui n‟apporte pas de valeur ajoutée. Malheureusement si tu
l‟invites à découvrir un produit et à le partager, tu prends le risque qu‟il n‟ait pas plus de
valeur ajoutée à ce moment-là qu‟il n‟en a eu dans sa façon de participer jusque-là à ta
fanpage.
Après tu peux aussi partager des contenus qui amènent le fan à réagir, à te proposer
une réponse, à s‟exprimer en commentaire en disant « j‟ai vu votre contenu, voilà ce que j‟en
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 77 2010-2011
pense, il manque ça ou j‟ai aimé ça, et plus particulièrement ça etc. » et voir dans ce cas-là, en
réaction, « puisque tu as bien aimé et que tu as des choses à suggérer, je te prête le matériel
et vas-y lance toi ». L‟idée est de rendre le consommateur actif, que ce soit un vrai échange et
un vrai partage. L‟intérêt c‟est que la marque apprendra aussi beaucoup de ses
consommateurs, et c‟est ça l‟intérêt du social media. Communiquer avec un budget énorme en
pub télé, tu vas toucher des millions et des millions de prospects, sauf que tu ne sais pas ce
qu‟ils pensent, comment ils réagissent et comment ils perçoivent le message que tu leur as
communiqué. Alors que l‟intérêt de facebook et du web en général Ŕ mais c‟est encore plus
flagrant sur facebook Ŕ c‟est que quand tu communiques un message, tu vois la réaction tout
de suite, y compris les réactions « silencieuses ». C‟est-à-dire que si j‟ai 15 000 fans et que
j‟ai 20 likes, ça veut dire que le message ne passe pas bien. Ce qui s‟est passé avec Petit
Bateau, c‟est qu‟ils ont balancé un message, ils ont eu la réaction immédiate, comment ça a
été perçu. Et là, c‟est à toi d‟être réactif, créatif et agile pour pouvoir faire de cette réaction
négative au premier abord, quelque chose de positif pour la marque. Une marque capable de
dire tout de suite « on vous a entendu, on s‟est planté » et de proposer aux internautes qui te
démontent ton produit ou ta campagne ou ton message : « on a compris, qu‟est-ce que vous
nous proposez ? ». Et si tu fais l‟exercice jusqu‟au bout, c‟est-à-dire que tu as soumis un
message à tes fans qui te l‟ont critiqué, tu as réagi immédiatement en leur disant « on prend en
compte votre critique, proposez nous quelque chose, si ce que vous proposez est bon et si ça
convient à tout le monde, ça devient notre prochain slogan/campagne/visuel etc. » en faisant
ça, tu transforme ton fan en créatif de ta prochaine prise de parole. Tu en fais un ambassadeur
en lui montrant que tu es réactif, il est directement impliqué dans le processus stratégique. En
gros le consommateur peut maintenant influé sur la stratégie d‟une marque. C‟est vrai sur le
papier, c‟est un peu moins vrai quand tu travailles avec une grosse société où les décisions
sont prises à l‟autre bout du monde et où ce n‟est parfois pas très réactif. Et on est dans
l‟apport de contenu aussi, même si c‟est pas immédiat et direct, une prise de parole et une
action, vont générer une situation qui te permet d‟amener ton consommateur à devenir actif et
de proposer un produit que tu vas pouvoir mettre en valeur.
C‟est ça que j‟aime dans facebook : l‟instantanéité, le coté immédiat qu‟il y a dans la
relation. Par contre ça implique des choses qui sont beaucoup plus dures à gérer et qui sont
négatives parfois. Ça implique d‟être souple et agile : tu ne sais jamais comment telle
personne va réagir à telle prise de parole, et même toi tu ne sais pas comment tu vas réagir à la
prise de parole d‟un fan.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 78 2010-2011
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 79 2010-2011
RESUME
Cette étude a pour objectif d‟interroger les concepts modernes de contenu de marque
en ligne, de contenu généré par les utilisateurs et de communauté de marque en ligne. Ce
travail de recherche pose la question des mécaniques de création de contenu pour la marque
au sein de communauté en ligne et explore les phénomènes technologiques et les
bouleversements socio-économiques qui ont permis la mise en place d‟une telle situation.
La première partie vise alors à éclaircir la question de l‟importance du contenu en
ligne, et les raisons pour lesquelles il est considéré comme le pilier du web. Ce faisant, nous
interrogeons la position des marques dans cette structure en examinant leurs manières de créer
ou de s‟approprier le contenu, et la place qu‟il tient au cœur de leurs stratégies. Nous
rappelons ensuite la définition du contenu généré par les utilisateurs et les conditions de son
émergence. L‟étude s‟appuie sur un terrain de recherche que nous justifions ensuite : la page
Facebook de la marque Nikon. Puis nous rappelons brièvement les objectifs et les méthodes
mises en place.
Dans une seconde partie, nous explorons la notion de communauté, de sa définitions la
plus simple et traditionnelle à la communauté de marque, moderne et connectée. Pour cela
nous analysons l‟évolution du concept au travers du contexte socio-économique, de la
Gemeinschaft de Tönnies à la tribu postmoderne. Puis nous tournons notre regard vers le
numérique et le consumérisme en rappelant les liaisons plus ou moins rapprochées
qu‟entretiennent communauté et consommation, ainsi que le changement de paradigme
qu‟instaure le web « social ». Nous finissons sur une observation du « lieu » numérique et de
l‟importance de la plateforme technologique dans la création de contenu, ainsi que du
caractère normatif que revêt Facebook.
La dernière partie se concentre sur l‟étude du terrain de recherche, la page Facebook
de I AM NIKON, en introduisant un rappel de la campagne publicitaire et de la stratégie
globale l‟accompagnant. Après analyse de l‟axe publicitaire et du message de la marque, nous
nous concentrons sur la plateforme elle-même et en particulier sur les possibilités éditoriales
qu‟elle laisse aux utilisateurs, afin de tirer des conclusions sur le lien de cause à effet qu‟il
peut exister entre coercition et motivation créative. Enfin nous prenons connaissance et
analysons les « dispositifs exceptionnels » mis en place par la marque, et leurs objectifs en
termes de différenciation mais aussi, et surtout, d‟invitation à la création.
Paley Sylvain Création de contenu et communautés en ligne
Master 1 MPC CELSA 80 2010-2011
MOTS-CLEFS
Communauté de marque, Contenu de marque, Contenu généré par les utilisateurs, User
Generated Content, Brand Content, Nikon, I AM NIKON, Facebook, Plateforme