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La mise en œuvre du développement durable dans les hôpitaux publics participe de la réalisation d’un modèle de société qui soit à la fois viable, vivable et équitable. La participation des établissements de santé à la démarche n’est certes pas suffisante, mais elle est nécessaire : tous les acteurs doivent ‘faire leur part’.Au cours des entretiens et des visites techniques menées dans le cadre de ce travail, un certain enthousiasme a été ressenti pour la question. La plupart des personnes rencontrées ont fait preuve d’intérêt pour le travail en cours, et les personnes faisant état de difficultés à mettre en œuvre le management durable étaient en fait plus à la recherche de solution qu’au bord de la démission : « on est toujours partants pour des choses intelligentes » a déclaré l’une des directrices interrogées. Seulement, avec le développement durable, on est souvent en proie à des contradictions : gestion à court terme et calcul du bilan économique à long terme, économie et sécurité des soins, etc. La question centrale, c’est en fait de se demander quel est l’élément qui permet en définitive de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre .Il semble que la tendance actuelle soit à se concentrer sur les questions financières à l’hôpital public, y compris à privilégier les mesures de court terme en matière budgétaire. Mais il est possible que cela change, du fait par exemple de l’évolution réglementaire, ou d’une évolution culturelle couplée de pressions croissante des consommateurs.
Citation preview
Master 2 : Analyse et Management des Etablissements de santé
Option A : Gestion des Systèmes de soin hospitaliers (GSSH)
Manager le développement durable, un défi pour l’hôpital public au
XXIème siècle
Etude de cas : l’AP-HP et la gestion des déchets
Marine TONDELIER
Docteur Stéphane DAVIDDéveloppement Professionnel Continu
Médical / Siège AP-HP
Directeur de Mémoire
Pascal HOOPChef du département de la politique logistique
Secrétariat général / Siège AP-HP
Directeur de stage
« La terre, jadis notre mère, est devenue notre fille »
Michel Serres
3
Glossaire
4
AP-HP
AGEPS
ARS
ADEME
C2DS
CLIN
CHSCT
CMR
CNIID
CNUEH
COV
DALY
DAS
DASR
DASRI
DASRIA
DAOM
DEHP
DPL
EVCI
FHF
Assistance Publique – Hôpitaux de Paris
Agence générale des équipements et produits de santé
Agence régionale de santé
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
Comité du développement durable en santé
Comité de lutte contre les infections nosocomiales
Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
Cancérogène, mutagène et reprotoxique
Centre national d’information indépendante sur les déchets
Conférence des Nations Unies sur l’Environnement Humain
Composé organique volatil
Disability-adjusted life year (année de vie ajustée sur
l'incapacité)
Déchet d’activité de soin
Déchet d’activité de soin à risque
Déchet d’activité de soin à risque infectieux
Déchets d’activité de soin à risque infectieux et assimilés
Déchets assimilés aux déchets ménagers
Di(2-ethylhexyl) phtalate
Direction de la politique logistique
Espérance de vie corrigée de l'incapacité ()
Fédération hospitalière de France
GH
GRV
HAS
HQE
IFOP
MCO
NHS
ODD
OMS
ONG
PAMD
PAOH
PCC
PCT
PDA
PDE
PNSE
PVC
SCENIR
SEDD
SFHH
SNDD
VHB
VHC
AP-HP
AGEPS
ARS
ADEME
C2DS
CLIN
CHSCT
CMR
CNIID
CNUEH
COV
DALY
DAS
DASR
DASRI
DASRIA
DAOM
DEHP
DPL
EVCI
FHF
5
GH
GRV
HAS
HQE
IFOP
MCO
NHS
ODD
OMS
ONG
PAMD
PAOH
PCC
PCT
PDA
PDE
PNSE
PVC
SCENIR
SEDD
SFHH
SNDD
VHB
VHC
VIH
Groupe hospitalier
Grand récipient vrac
Haute autorité de santé
Haute qualité environnementale
Institut français d’opinion publique
Médecine – chirurgie – obstétrique
National health service, système de santé public du Royaume-Uni.
Observatoire IFOP du développement durable
Organisation mondiale de la Santé
Organisation non gouvernementale
Plan d’action management durable
Pièce anatomique d’origine humaine
Précaution complémentaire contact
Piquant, coupant, tranchant
Plan de déplacement des Administrations
Plan de déplacement de l’entreprise
Plan National Santé Environnement
Polychlorure de vinyle
Scientific committee on emerging and newly-identified health risks
(Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux)
Stratégie européenne du développement durable
Société française d’hygiène hospitalière
Stratégie nationale du développement durable
Virus de l’hépatite B
Virus de l’hépatite C
Virus de l’immunodéficience humaine (SIDA)
Remerciements
En premier lieu, ma reconnaissance s’adresse conjointement à Pascal Hoop, chef du
Département de la politique Logistique au siège de l’Assistance Hôpitaux de Paris (AP-HP) et au
Professeur Stéphane DAVID, enseignant au sein du Master Analyse et Management des systèmes de
santé de l’Université Paris 7. Ils ont en effet tous les deux accepté de me suivre tout au long de mon
stage de fin d’étude et de la rédaction de ce mémoire, et ont enrichi ma réflexion de leurs conseils
avisés.
Mes remerciements vont ensuite à Didier Cazejust et Jean-Rémy Bitaud, respectivement Directeur
adjoint au Secrétariat général - en charge du patrimoine, de la logistique et du logement-, et Directeur
du projet « Management durable » à l’AP-HP. Ils ont su, tout comme Pascal et Stéphane, faire preuve
d’une grande disponibilité et me donner les moyens de mener à bien mes recherches.
Ce travail n’aurait pas pu aboutir sans le partage d’expérience auquel se sont également régulièrement
prêtés mes collègues de l’AP-HP Catherine, Martine, Marina, Sophie, Caroline, Sophie, Denis, Pierre,
Richard et Héléna. Que ce soit à l’occasion de visites technique ou au cours des repas partagés, ils ont
alimenté mon analyse de leurs précieux commentaires tout au long de mon stage.
Mes remerciements vont enfin à ma famille et à mes proches pour leur soutien, à mes condisciples du
Master pour leur bonne humeur et à Emmanuelle, Catherine, Martine et Pascal Hoop pour leurs
relectures attentive, tant sur le fond que sur la forme.
6
7
Sommaire
Glossaire________________________________________________________5
Remerciements____________________________________________________7
Sommaire________________________________________________________9
Introduction_____________________________________________________14
La fable du colibri_________________________________________________________________14
De la prise de conscience écologiste à la recherche de solutions______________________________15
L’émergence très progressive du concept de développement durable__________________________15
L’arrivée du développement durable dans les politiques publiques____________________________16
Une révolution copernicienne_________________________________________________________17
Du développement durable au management durable_______________________________________18
La spécificité des hôpitaux publics_____________________________________________________18
Définir le développement durable____________________________________22
8
1. Hôpitaux publics et développement durable : genèse et état des lieux____26
1.1 Le développement durable dans les hôpitaux publics: une « évidence paradoxale »___27
1.1.1 Le développement durable, objectif consubstantiel aux missions et au statut de l'hôpital public___27
1.1.1.1 D’abord ne pas nuire, ensuite soigner____________________________________________28
1.1.1.2 Un impact économique et environnemental majeur..________________________________30
1.1.1.3 Service public hospitalier et exemplarité_________________________________________33
1.1.2 Le management durable comme défi pour l'hôpital public________________________________35
1.2 Le DD à l'hôpital public, de la mise en conformité à la politique volontariste________38
1.2.1 Les évolutions de la réglementation__________________________________________________38
1.2.1.1 L’exemple de la réglementation des déchets dits dangereux__________________________38
1.2.1.2 Les autres évolutions de la réglementation portant le développement durable à l’hôpital public
39
1.2.1.3 Le développement durable dans la certification des établissements de santé______________41
1.2.1.4 La convention du 27 octobre 2009 portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle de
l’Environnement avec les fédérations hospitalières__________________________________________43
1.2.2 Les outils accompagnant les hôpitaux dans leur aspiration à un management plus durable______45
1.2.2.1 Les outils d’aide à l'évaluation_________________________________________________45
1.2.2.2 Les outils d’aide à l’information et à la prise de décision_____________________________46
1.2.2.3 Les outils d’aide à la mise en œuvre_____________________________________________47
1.2.3 Les initiatives volontaristes innovantes des hôpitaux publics______________________________48
2. Cas pratique : l’impulsion du management durable à l’AP-HP et
l’exemple des déchets infectieux et de la filière carton___________________50
Méthodologie_____________________________________________________________________51
2.1 L’engagement progressif de l’AP-HP dans une démarche de développement durable_52
2.1.1 Une institution dont la singularité ne favorise pas le management durable___________________52
2.1.1.1 La problématique de la taille poussée à son paroxysme______________________________53
2.1.1.2 L’hétérogénéité de l’institution_________________________________________________54
2.1.1.3 Le contexte budgétaire et la réorganisation de l’AP-HP______________________________56
2.1.2 Relever le défi du management durable à l’AP-HP______________________________________57
2.1.2.1 La mise en place progressive du développement durable à l’AP-HP____________________58
2.1.2.2 La méthode________________________________________________________________59
9
2.1.2.3 Le « Plan d’action management durable » (PAMD) et son bilan_______________________60
2.2 Etude de cas : la politique des déchets à l’AP-HP_______________________________61
1.1 Les déchets d’activité de soin à risque infectieux et assimilés (DASRIA) à l’AP-HP____________62
1.1.1 Des déchets à la gestion étroitement réglementée_____________________________________63
La réglementation de l’entreposage des DASRI__________________________________________64
Visite technique de l’hôpital xxx et vérification du respect de la réglementation_________________65
1.1.2 Une problématique économique majeure___________________________________________66
L’importance du tri à la source________________________________________________________67
Sur-tri et pratiques professionnelles____________________________________________________68
1.2 La filière carton_________________________________________________________________71
1.2.1 Les enjeux de la filière carton____________________________________________________72
1.2.2 La mise en place de la filière carton à l’APHP_______________________________________73
3. Bilan et propositions : quelles perspectives pour le management durable
de la santé ?_____________________________________________________78
3.1 La politique des déchets à l’AP-HP : bilan et perspectives________________________79
3.1.1 La politique des déchets et la mise en œuvre opérationnelle du développement durable_________79
3.1.2 Des pistes pour améliorer les résultats de la politique des déchets_________________________80
3.1.2.1 Sensibiliser________________________________________________________________80
3.1.2.2 Donner les moyens de bien faire________________________________________________81
3.1.2.3 Former____________________________________________________________________82
3.1.2.4 Informer___________________________________________________________________83
3.1.3 Elargir la réflexion à d'autres champs de la vie hospitalière______________________________83
3.1.3.1 Le meilleur déchet, c'est celui qu'on ne produit pas_________________________________84
3.1.3.2 Adapter les infrastructures_____________________________________________________84
3.2 Quel avenir pour le management durable à l’AP-HP et dans les hôpitaux publics ?___85
3.2.1 Le management durable dans les établissements publics: point d'étape______________________86
3.2.1.1 Une problématique désormais intégrée par les établissements hospitaliers_______________86
3.2.1.2 Des résultats concrets encore insuffisants_________________________________________87
3.2.2 Points d'achoppement et points de blocages et marges de progression______________________88
3.2.2.1 Le développement durable, une notion encore floue pour beaucoup d'acteurs hospitaliers___88
3.2.2.2 Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre concrète du management durable_______91
3.2.3 Marges de progression et leviers d'action: du développement durable au management durable___92
10
3.2.3.1 La problématique économique, frein ou levier?____________________________________92
3.2.3.2 Volontarisme politique et pilotage du management durable___________________________93
3.2.3.3 Un besoin de formation et d'information__________________________________________94
3.2.3.4 Les leviers externes et le dynamisme du contexte de l'hôpital_________________________96
3.2.3.5 Créer des synergies et présenter les choses de manière positive________________________97
3.2.4 Perspectives: quel hôpital durable en 2050?___________________________________________98
3.3 Une santé plus durable en 2060 ?____________________________________________101
Conclusion_____________________________________________________106
Bibliographie___________________________________________________109
Ouvrages________________________________________________________________________109
Articles de périodiques_____________________________________________________________109
Rapports et documents officiels______________________________________________________111
Travaux de recherche______________________________________________________________113
Congrès et séminaires______________________________________________________________114
Textes de loi_____________________________________________________________________114
Sites internet_____________________________________________________________________115
Entretiens_______________________________________________________________________116
11
12
Introduction
La fable du colibri
La fable dite « du colibri » a pour décor une forêt tropicale, ravagée par un gigantesque
incendie. Tous les animaux sont affoléPage 13 sur 112s, et dans un brouhaha de cris, de pleurs et de
lamentations, ils prennent la poudre d’escampette, ou alors se terrent, incapables de réagir à la
destruction de leur environnement. Seul un petit colibri tente d’éteindre le brasier, s’échinant à
enchaîner les aller-retour jusqu’à la rivière, d’où il revient une goutte d’eau dans le bec qu’il jette dans
les flammes. Un toucan, inerte, l’interpelle : « Tu es fou Colibri ! Toi, si petit, tu n’arriveras jamais à
éteindre le feu tout seul ! ». Et le gracile oiseau de lui répondre : « Je sais, mais je fais ma part »1.
L’agriculteur, philosophe et écologiste Pierre Rabhi raconte souvent cette légende amérindienne lors
de ses conférences, et s’en est même inspiré pour créer le « Mouvement Colibris », qui constitue une
plate-forme de rencontre et d’échange à destination de tous ceux qui veulent eux aussi « faire leur
part ». L’idée est qu’il n’y a pas de petits gestes si nous les faisons tous.
1 YAHGULANAAS Michael Nicoll, Le vol du Colibri
13
De la prise de conscience écologiste à la recherche de solutions
Une métaphore s’impose entre l’incendie de la fable du colibri et le carrefour de crises que
traverse notre société actuelle : réchauffement climatique, crises financière, économique et sociale,
recul de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, pollutions, explosion des maladies
chroniques dites de civilisation (cancers, affections respiratoires, obésité, maladies cardio-vasculaires,
etc). Et la question se pose forcément de savoir quelles réponses peuvent y être apportées.
Comme dans la fable du colibri, il semble qu’il n’y ait pas de solution miraculeuse, automatique ou
même simplement évidente au creusement des inégalités et à la détérioration de notre environnement.
Ce sont chacune de nos activités qui, agrégées, sont à l’origine de ces tendances, et seule la
modification collective de nos comportements individuels est susceptible de les infléchir. C’est bien le
sens de la célèbre formule « Agir local, penser global », employée pour la première fois lors du
Sommet de l’environnement de 1972 par René Dubos, agronome et biologiste français.
C’est au début des années 1970 que remontent les prémisses d’une réelle prise de conscience
écologiste : en 1972 parait le rapport Halte à la croissance - aussi appelé Rapport Meadows - du Club
de Rome, groupe de réflexion réunissant des scientifiques, industriels, économiques et hauts
fonctionnaires issus de 53 pays et préoccupés par les problèmes complexes auxquels font face leurs
sociétés. La même année a lieu à Stockholm la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement
Humain (CNUEH) - rétrospectivement qualifié de premier Sommet de la Terre -, qui place pour la
première fois les questions écologiques au rang des préoccupations internationales.
Dès le départ, l’écologie est traitée dans son sens large, c’est-à-dire comme le rapport entre un ou des
individus et leur entourage, qu’il soit minéral, végétal, animal ou même humain. L’écologie n’est donc
pas juste environnementaliste : elle est aussi profondément économique et sociale, les trois
problématiques étant intimement liées.
L’émergence très progressive du concept de développement durable
C’est dans ce même état d’esprit qu’émerge dans les années 1980 le concept de
développement durable. Traduction de l’anglais « sustainable development », le terme apparait pour la
première fois dans un rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature de 1980
intitulé La stratégie mondiale pour la conservation, avant d’être repris, défini et popularisé par le
Rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement en 1987,
14
comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre aux leurs »2.
Le concept de développement durable - bien qu’utilisé par Edith Cresson dans son discours de
politique générale le 22 mai 1991 à l’occasion de la création du premier Ministère français de
l’Environnement -, ne sera largement médiatisé auprès du grand public qu’en 1992, à l’occasion du
deuxième sommet de la Terre à Rio de Janeiro, qui se termine par l’adoption de la Déclaration de
Rio3 et de l’Agenda 214, et officialise la prise en compte des trois piliers du développement durable :
progrès économique, justice sociale et préservation de l’environnement.
L’arrivée du développement durable dans les politiques publiques
La fin du XXe siècle est donc celui de la prise de conscience écologiste et de l’avènement
d’un nouvel outil pour faire face aux crises économique, sociale et environnementale : le
développement durable. Mais la déclinaison locale qu’il sous-tend est lente à se mettre en place, et
c’est seulement au début du XXIe siècle que l’impact du développement durable sur les politiques
publiques commence à se ressentir.
En 2005 en effet, trois ans après que Jacques Chirac se soit exclamé au sommet mondial de
Johannesburg que « Notre maison brûle et [que] nous regardons ailleurs », la Charte de
l’environnement entre dans la Constitution française, consacrant un nouveau droit individuel : le
« droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de sa santé »5.
L’influence du développement durable sur les politiques publiques se concrétisera ensuite en 2007 lors
du Grenelle de l’Environnement, puis le 3 décembre 2008 lors de la signature d’une circulaire pour un
Etat exemplaire en matière de développement durable par le Premier ministre, et enfin deux ans plus
tard, à l’occasion de l’adoption d’une Stratégie Nationale du développement durable.
2 COMMISSION ET LE DEVELOPPEMENT, Notre avenir à tous, dit Rapport Brudtland, Partie 1, chapitre 2
3 La « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement » est un texte fondateur de 27 principes qui précise la notion de développement durable. La déclaration n’est pas juridiquement contraignante, l’objectif étant plutôt que les gouvernements se sentent moralement obligés d'adhérer à ses principes. 4 L'Agenda 21 est un plan d'action pour le XXIème siècle adopté par 173 chefs d'État lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. Avec ses 40 chapitres, ce plan d'action décrit les secteurs où le développement durable doit s’appliquer dans le cadre des collectivités territoriales mais également par des entreprises, des collèges ou des lycées, et même des hôpitaux. Il formule des recommandations dans des domaines aussi variés que la pauvreté, la santé, le logement, la pollution de l’air, la gestion des mers, des forêts et des montagnes, la gestion de l’eau, de l’agriculture et la gestion des déchets.
5 CHARTE DE L’ENVIRONNEMENT , article 1er
15
Une révolution copernicienne
Aujourd’hui, le développement durable est donc réellement intégré aux politiques publiques
en France. Mais la chronologie qui vient d’être exposée montre que le développement durable s’est
mis en place très progressivement. Cette lenteur résulte du fait qu’il constitue une véritable révolution
copernicienne pour nos sociétés.
Le développement durable impose en effet un nouveau regard sur l’action publique et privée. Pour se
conformer à l’objectif de durabilité, nos actions doivent désormais être examinées au travers d’un
triple prisme : économique, social et environnemental. C’est le sens du célèbre schéma reproduit ci-
dessous, qui met en valeur les interdépendances existant entre les trois piliers du développement
durable.
De surcroît, le « Penser global, agir local » nécessite, outre de décliner les actions durables
sur chaque territoire, de faire en sorte que ces actions soient transversales, et transcendent tous les
secteurs, toutes les politiques, tous les champs de la vie sociale.
C’est dans cette optique que les établissements de santé, qui rappelons le représentent 4000
établissements répartis sur tout le territoire, près d’un million de professionnels, 60 millions de m 2 de
16
Figure 1- Schéma des trois piliers du développement durable
locaux, et sont visités chaque année par un français sur deux, ne peuvent pas se soustraire à la logique
du développement durable6.
Du développement durable au management durable
Le développement durable constitue donc un nouveau paradigme à l’échelle internationale, et
sa représentation simple ne doit pas masquer la complexité de sa mise en œuvre. Or si souvent, « il y a
pléthore de théories et de concepts et déficit de réalisation » - pour reprendre les termes de Pierre
Rabhi -, les menaces pesant sur la planète et la cohésion sociale interdisent au développement durable
de rester lettre morte.
Pour cette raison, ce concept a priori plutôt universel et abstrait doit être rendu opérationnel, et donc se
traduire en langage managérial. C’est pour cette raison que se démocratise aujourd’hui la notion de
« management durable », qui consiste à intégrer dans la prise de décision, et à prendre en compte dans
la gestion et la gouvernance d’une institution, les principes du développement durable.
Or si l’adhésion est aujourd’hui massive sur le constat des crises économiques, environnementales et
sociales et sur le bien fondé du développement durable, il y a toujours un décalage important entre la
communication, « l’affichage » de mesures, et leur mise en œuvre opérationnelle. La question la plus
importante aujourd’hui est donc de savoir comment passer des intentions aux actes.
La spécificité des hôpitaux publics
Ce mémoire s’inscrivant dans le cadre de la validation d’un Master 2 « Analyse et
Management des établissements de santé », il traitera donc cette problématique sous l’angle plus
spécifique des établissements de santé, et plus précisément des hôpitaux publics.
Pour avoir rédigé il y a trois ans un mémoire de sociologie des organisations sur les conflits d’acteurs
à l’hôpital public7, l’auteur de ce mémoire sait que ce dernier est une institution complexe à piloter –
du fait à la fois de ses missions, des lourdes et légitimes exigences qui y prévalent en matière de
sécurité, de sa sociologie, mais aussi des réorganisations, restructurations et restrictions budgétaires
qu’il subit. Analyser le management durable des hôpitaux publics offrira donc un éclairage tout
particulier sur la question de la mise en œuvre opérationnelle du développement durable. En quoi est-il
particulièrement important que les hôpitaux publics adoptent un management durable ? Etant donné
6 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Dossier de presse : signature de la convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, page 47 Marine TONDELIER, Les conflits d’acteurs à l’hôpital public à l’épreuve de la nouvelle gouvernance hospitalière : le cas de la mise en œuvre des pôles d’activité et du conseil exécutif
17
que le soin reste bien sûr la mission centrale des établissements de santé, quelles marges de manœuvre
reste-t-il pour le management durable et comment le concilier avec les contraintes budgétaires propres
à l’hôpital tout en restant intransigeants sur la qualité des soins et la sécurité ? Quels sont les freins,
mais aussi les leviers existant à l’hôpital, susceptibles de faciliter la mise en œuvre du management
durable, et quelles sont les perspectives pour le développement durable à l’hôpital public à court,
moyen et long termes ?
Afin de répondre à cette problématique, il a été procédé un examen approfondi de la littérature
existante, afin que le présent mémoire s’appuie aussi bien sur le corpus législatif et réglementaire en
vigueur que sur les revues spécialisées, les rapports et guides officiels et les travaux de recherche
ayant déjà été réalisés. Quelques entretiens ont également été menés avec des acteurs clés de la mise
en œuvre du développement durable dans les hôpitaux publics. Enfin, le présent travail a été rédigé
parallèlement à un stage de trois mois au sein du Département de la politique logistique du siège de
l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, qui a été l’occasion de multiples échanges sur le sujet et un
terrain d’étude privilégié, notamment sur la question de la gestion des déchets hospitaliers, qui sont au
centre des préoccupations économiques, écologiques et de sécurité de tous les établissements de santé.
Il a en outre été procédé au cours de ce stage à une enquête auprès des 12 directeurs de groupements
hospitaliers que compte l’institution (ou de leur adjoint, le cas échéant), réalisée au moyen d’entretiens
téléphoniques et selon la méthode du questionnaire.
*
* *
18
Les réflexions inspirées par ces différentes sources permettront de répondre aux
problématiques soulevées par le sujet en trois temps.
L’analyse se concentrera dans une première partie sur les raisons et les manifestations de l’implication
des hôpitaux dans une stratégie de management durable. Il s’agira notamment de réfléchir au paradoxe
selon lequel le statut, les missions et le poids du secteur public hospitalier y rendent le management
durable à la fois nécessaire et complexe à mettre en œuvre.
Une fois ce contexte appréhendé, le mémoire se focalisera sur la situation spécifique de l’AP-HP et sur
un cas pratique étudié en cours de stage : la politique des déchets, et plus particulièrement le traitement
des déchets à risques infectieux et l’installation d’une filière carton. Cette analyse offrira un exemple
concret des spécificités de la mise en œuvre pratique du développement durable au quotidien dans un
service hospitalier.
Finalement, la troisième et dernière partie dressera le bilan à la fois de l’analyse générale menée en
première partie et du cas pratique examiné en seconde partie, ce qui permettra de réfléchir aux freins,
aux leviers et aux perspectives du management durable à l’hôpital public.
19
20
Propos préliminaires :
Définir le développement durable
Sur le moteur de recherche Google, on trouve 15 800 000 résultats francophones à la requête
« développement durable », ce qui - cumulé au nombre de séminaires et colloques organisés chaque
année sur le thème et à la place qu’a pris ce concept dans tous les champs de la société, du marketing à
l’immobilier en passant par le tourisme et l’énergie -, montre le succès d’un terme qui n’a pourtant que
vingt-cinq ans.
Un sondage réalisé en mars 2009 pour le Comité 21, l’Institut LH2 a d’ailleurs souligné que 9 français
sur 10 déclarent avoir déjà entendu parler du développement durable (ce qui représentait un gain de 13
points par rapport à une mesure identique réalisée l’année précédente et de 36 points par rapport à
2004)8.
On entend, lit et utilise donc de plus en plus le terme de « développement durable ». Pourtant,
le sens exact de cette expression est relativement méconnu du grand public. Le sondage précité a en
effet démontré que si le développement durable est désormais inscrit dans le champ lexical des
Français quels que soient leur sexe, leur origine sociale et leur âge, il n’en est pas de même pour son
contenu. En effet, seuls 35% des sondés avaient alors affirmé pouvoir en donner une définition
8 Institut LH2, Les français et le développement durable : Entre désir d’y croire et volonté de faire, sondage réalisé par téléphone les 27 et 28 mars 2009, échantillon de 1058 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus, selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, profession du chef de famille, après stratification par région et catégorie d'agglomération.
21
précise, le sondeur rappelant que cela équivaut aux scores de 2005/2006, alors que les Français
semblaient avoir mieux intégré les principes de ce nouveau paradigme lors des débats du Grenelle de
l’environnement en 2008.
De surcroît, ce chiffre de 35% n’est pas le chiffre de ceux qui sont effectivement à même de
définir précisément la notion, mais le chiffre de ceux qui affirment pouvoir le faire. Or si l’on avait
demandé à ces personnes d’exprimer la définition qu’il avaient en tête, on aurait à coup sûr constaté
que la plupart d’entre eux en avaient une perception quasi exclusivement environnementale. Toutes les
études conduites sur le sujet révèlent en effet que lorsque l’on demande aux sondés d’explicité ce
qu’ils entendent par « développement durable », c’est le seul pilier environnemental qui est le plus
souvent cité.
Cette tendance a d’ailleurs été vérifiée au cours du travail préparatoire à la rédaction de ce mémoire,
puisque dans la plupart des entretiens semi-directifs, la discussion s’est focalisée sur l’aspect
environnemental du concept jusqu’à ce que les questions posées finissent par amener l’entretien sur le
pilier social.
Aussi un petit travail de mise au point et de définition du concept est-il nécessaire avant
d’entamer la réflexion sur le management durable des hôpitaux publics.
Le développement durable associe indissociablement trois piliers : l’économique, le social et
l’environnemental, même s’il a tout d'abord été défini de manière assez restrictive.
La notion, telle que la présente le Rapport Brundtland de 1987, est en effet présentée de manière assez
vague (« un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs »), mais renvoie surtout à des préoccupations
environnementales. Or le constat qui participe de l'émergence de la notion de développement durable
est double - la fracture Nord/Sud et la recherche d’un développement humain, ainsi que la crise
écologique accompagnée de l’urgence de sauvegarder l’environnement - et ne se cantonne donc pas à
la volonté de « protéger la planète ».
D’une part, le terme de « développement » renvoie en effet à un processus conduisant à l'amélioration
du bien-être des humains, dans lequel l'activité économique et le bien-être matériel demeurent
essentiels mais qui prend par exemple tout autant en compte la santé, l'éducation, la préservation de
l'environnement, l'intégrité culturelle, etc. Tandis que d'autre part, l'adjectif « durable » insiste sur la
notion de temps c'est-à-dire pour une amélioration sur le long terme du bien-être de tous (y compris les
générations futures).
22
Logiquement, la définition communément admise du développement durable s’est donc –
depuis 1987 -, élargie aux aspects économiques et sociaux, et notamment à la gestion rationnelle des
ressources humaines, naturelles et économiques qui vise à satisfaire les besoins fondamentaux de
l’humanité.
Le développement durable – et c’est cette définition qui servira de base aux réflexions à suivre -, est
donc une notion globale, conçue comme une rupture avec d'autres modes de développement qui ont
conduit, et conduisent encore, à des dégâts sociaux et écologiques considérables, tant au niveau
mondial que local.
Le management durable fait quant à lui référence à la manière dont le développement durable est
intégré à la prise de décision, quelle que soit l’échelle concernée.
23
24
1. Hôpitaux publics et
développement durable : genèse
et état des lieux
« Primum non nocere, deinde curare »*
Hippocrate
* D’abord ne pas nuire, ensuite soigner
En septembre 2005, les décideurs hospitaliers se sont engagés en faveur du développement
durable à l’occasion du 34ème Congrès de la Fédération internationale des hôpitaux, en affirmant que
« l’hôpital a par sa vocation, ses missions et ses activités, une plus grande responsabilité et un devoir
d’exemplarité dans la mise en place d’une stratégie de développement durable ».
Mais le caractère consubstantiel des établissements de santé et du développement durable est assez
paradoxal : les éléments qui font aujourd’hui de l’engagement des hôpitaux publics pour le
développement durable une évidence sont les mêmes qui font du management durable une démarche
peu aisée (1.1). Malgré tout, les hôpitaux publics se sont engagés depuis quelques années dans cette
voie, sous l'effet conjoint d'évolutions de la réglementation et d'initiatives volontaristes de certains
établissements (1.2).
25
1.1 Le développement durable dans les hôpitaux publics: une
« évidence paradoxale »
Les horaires décalés et les conditions de travail stressantes, l’utilisation massive de dispositifs
à usage unique, la lutte contre les infections nosocomiales, une grande consommation d’eau ou encore
une production de déchets importante sont autant de caractéristiques propres aux établissements de
soin, qui semblent a priori peu compatibles avec le développement durable.
Malgré cela, la déontologie médicale et le développement durable forment une « communauté de
pensées », pour reprendre l’expression de Marie Christine Burnier, chargée du développement durable
à la Fédération Hospitalière de France9. C’est là toute l’évidence paradoxale du développement
durable, consubstantiel aux missions du secteur hospitalier public (1.1.1), mais souvent difficile à
concilier avec ses exigences (1.1.2).
1.1.1 Le développement durable, objectif consubstantiel
aux missions et au statut de l'hôpital public
Par sa vocation, l’hôpital fait du confort et de la santé de ses utilisateurs une priorité absolue.
Prendre soin, améliorer le quotidien, la qualité de vie et la santé, prévenir et guérir, penser à l’avenir,
s’occuper de tous sans discrimination : ces quelques piliers du système de soin français sonnent
comme un prolongement naturel de l’esprit qui anime le développement durable.
Plus que compatibles, le développement durable et les hôpitaux publics semblent donc a priori
complémentaires. Cette complémentarité s’exprime tout d’abord du point de vue de la santé publique
et de la santé environnementale (1.1.1.1). Mais elle est également liée au poids économique des
établissements de santé et au formidable potentiel d’entraînement qu’ils représentent (1.1.1.2), ainsi
qu’à leur participation au service public (1.1.1.3).
1.1.1.1 D’abord ne pas nuire, ensuite soigner
9 LEBRUN-MERRANT Florence, « Grenelle de l’environnement et hôpital », p.62
26
Le préambule de la Convention du 27 octobre 2009 portant engagements mutuels dans le
cadre du Grenelle de l’Environnement avec les fédérations hospitalières commence en ces termes :
« engagés dans une mission de soins, les professionnels de santé se réfèrent à des valeurs qui sont
proches de celles véhiculées par le développement durable »10.
La médecine agit en effet selon un principe de bienfaisance auquel Hippocrate a attaché définitivement
le principe de non-malfaisance , comme l’indique sa fameuse formule « Primum non nocere, deinde
curare » (d’abord ne pas nuire, ensuite soigner), dont la plus ancienne trace remonte au Traité des
Épidémies (I, 5, 410 av. JC). Le texte original du traité d’Hippocrate, sur lequel les médecins prêtent
traditionnellement serment en Occident, leur a longtemps fait déclarer : « dans toute la mesure de mes
forces et de mes connaissances, je conseillerai aux malades le régime de vie capable de les soulager et
j'écarterai d'eux tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible »11. Dans sa version actuelle – il y a
bien des années que les médecins ne prêtent plus le serment d’Hipprocrate d’origine -, le « serment
médical » fait jurer aux futurs médecins : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de
promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. »12.
A l’hôpital, l’application de ce principe revient entre autres à se préoccuper des risques
sanitaires et environnementaux : chimiques, bactériologiques, viraux, nucléaires, etc. La santé des
personnes fréquentant les services hospitaliers doit par exemple être préservée de la menace que peut
représenter la qualité de l’air, qui affecte particulièrement les patients du fait de leur vulnérabilité et
les professionnels du fait de la durée et du caractère répétitif de leur exposition. Or la qualité de l’air
est une vraie problématique à l’hôpital, sujet à la présence éventuelle de moisissures, aux infections
nosocomiales transmises par les systèmes de distribution d’air, mais aussi aux produits chimiques
(désinfectants, antiseptiques, médicaments, détergents, désodorisants, etc).13
Sous la pression de diverses associations comme le Comité du Développement durable en Santé
(C2DS) et le Centre national d’information indépendante sur les déchets (CNIID), certains hôpitaux
sont également en train de réévaluer leur utilisation du PVC (polychlorure de vinyle), omniprésent
dans les établissements de santé aussi bien sous la forme de matériaux de construction et de
revêtements de sol que de dispositifs médicaux ou de produits de consommation courante. Dans
nombre de ses applications, le PVC est plastifié au DEHP, une forme de phtalate classée CMR
(cancérogène, mutagène et reprotoxique) de catégorie 2 par l’Union Européenne, au point qu’il est
10 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, 27 octobre 2009, p.511 Serment d’Hippocrate, traduction attribuée à Emile Littré12 Formule du 18 octobre 1995 adoptée par le conseil national de l’ordre des médecins13 GAUTHIER Pierre, « Qualité de l’air intérieur : comment obtenir et maintenir une bonne qualité de l’air intérieur dans les établissements de santé », p. 47 à 53
27
interdit depuis quelques années dans les jouets destinés aux enfants de moins de 3 ans 14. Toutefois, il
entre actuellement pour plus de 50% dans la composition des plastiques à usage médical 15, or il est
prouvé que le DEHP n’est pas chimiquement lié au PVC, et donc s’en échappe en continu, qu’il est
d’une grande liposolubilité, est particulièrement bien absorbé par voie orale et pulmonaire, et que dans
l’organisme, sa distribution est rapide vers les poumons, la rate, et les tissus adipeux. En 2008, le
rapport du Scenihr (Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux) a d’ailleurs
proposé une liste de procédures médicales à haut potentiel d’exposition au DEHP, et a fait état de
risques particuliers d’intoxication aigue en soins intensifs de néonatalogie, où les nouveaux nés
reçoivent des doses de DEHP pouvant atteindre jusque 20 fois la dose journalière tolérable
(3mg/Kg/jour pour un enfant de 4 kg) 16.
Plus globalement, l’hôpital, acteur du système de santé, doit logiquement se sentir concerné
par la crise environnementale, qui a un gros impact sur la santé publique.
Les diverses pollutions sont tout d’abord une source de mortalité majeure : selon l’OMS, 13 millions
de décès et 24% des maladies sont en effet dues chaque années à une exposition à un environnement
dégradé qui pourrait être évitée17, et la commission européenne avance le chiffre de 369 000 morts
prématurées par an en Europe dus à la pollution de l’air.18
A la fois symptôme et conséquence de cette crise environnementale, le réchauffement climatique a
également des conséquences dramatiques sur la santé. Une commission mise sur pieds par la revue
scientifique médicale britannique The Lancet19 a ainsi conclu en 2009 qu’il est « au 21ème siècle la plus
grosse menace sanitaire mondiale »20. En 2008, la journée mondiale de la Santé était d’ailleurs
consacrée à la nécessité de protéger la santé des effets néfastes du changement climatique, journée par
laquelle l'OMS a voulu reconnaître que le changement climatique s'accompagne de risques croissants
pour la sécurité sanitaire internationale. En effet, plusieurs conséquences du réchauffement climatique
sur la santé ont été identifiées, comme la malnutrition et ses effets dévastateurs sur les enfants, les
inondations, sécheresses, tempêtes et vagues de chaleur, la modification de la distribution
14 Directive 2005/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 modifiant pour la vingt-deuxième fois la directive 76/769/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses 15 AFFSAPS, Recommandations portant sur les phtalates dans les dispositifs médicaux, p. 216 SCENIHR, Opinion on the safety of medical devices containing DEHP-plasticized PVC or other plasticizers on neonates and groups possibly at risk17 WORLD HEALTH ORGANISATION, Preventing disease through healthy environments: towards an estimate of the environmenta burden of disease18 AMANN M. et al., Baseline Scenarios for the Clean Air for Europe (CAFÉ) Programm Final Report19 COSTELLO A., ABBAS M. et al., « Managing the health effects of climate change »20 HARTON Richard., « The climate dividend », THE LANCET, p. 1869
28
géographique des vecteurs épidémiques (et notamment des insectes propageant la malaria et la
dengue)21. En cela, le réchauffement climatique est loin d’être une menace lointaine, et dans l’espace –
il a un impact certain sur la santé des gens, y compris en Europe22, et dans le temps – l’OMS, dans son
rapport annuel de 2002, estime que le réchauffement climatique a causé la perte de 5,5 millions années
de vies pondérées par l’incapacité (DALY)23, et que le bilan s’aggrave d’années en années24. Le
réchauffement climatique cause donc déjà des millions de décès chaque année à travers le monde, et
ces problèmes ne feront que s’intensifier si des mesures ne sont pas prises pour endiguer le
changement climatique.
Afin de respecter son engagement de « d’abord, ne pas nuire », l’hôpital public a donc la
responsabilité de prendre en compte les dangers auxquels il expose à la fois les personnes qui le
fréquentent et les victimes des externalités négatives (réchauffement climatique, pollutions diverses,
etc) que son activité génère.
1.1.1.2 Un impact économique et environnemental majeur..
Or les quelques 3000 établissements hospitaliers que compte la France sont loin d’être des
« colibris », pour reprendre la métaphore de Pierre Rabhi dans sa fable citée en introduction25.
Gros investisseurs et générateurs de nombreux emplois directs et indirects, il sont également
des agents particulièrement agressifs pour l’environnement, à la fois du fait de la toxicité et de
l’importance quantitative de leur activité. Le NHS britannique a ainsi calculé que son empreinte
carbone était supérieure à 18 tonnes de CO2 par an, soit 25% du total des émissions du secteur
public.26
Les établissements hospitaliers sont notamment d’importants générateurs de déchets, dont certains
sont particulièrement dangereux : les DASRIA (déchets d’activité de soin à risque infectieux et
21 CHAN Margaret, “Cutting carbon, improving health”, THE LANCET, p. 187022 HOLLAND Mike, Acting now for better health, a 30% reduction target for EU climate policy, page 223 L’' espérance de vie corrigée de l'incapacité (EVCI), Disability Adjusted Life Year (DALY) en anglais, est un mode d'évaluation de l’OMS qui mesure le nombre d’années passées en bonne santé [2]. 24 WORLD HEALTH ORGANISATION, The World health report 2002: reducing risks, promoting healthy life, p 7225 YAHGULANAAS Michael Nicoll, Le vol du Colibri26 NATIONAL HEALTH SERVICE, Saving carbon, improving health : NHS carbon reduction strategy
29
assimilés), les déchets chimiques, ou encore les déchets nucléaires. A titre d’exemple, le centre
médical de San Fransisco produit environ 6 tonnes de déchets par an27, et au Royaume Uni, une tonne
sur 100 de déchets est le fait du NHS (National Health Service, le système public national de santé).28
Egalement, leur activité est particulièrement énergivore, puisque les hôpitaux utilisent en moyenne
deux fois plus d’énergie par m2 que les bureaux traditionnels29. Cela est le fait à la fois des divers
équipements médicaux et informatiques, mais aussi et surtout des énormes besoins en chauffage et en
climatisation : les établissements de santé publics représentent un patrimoine immobilier de plus de 60
millions de m2 30, et les secteurs de soin - fonctionnant 24h/24h -, sont particulièrement exigeants du
point de vue de la température intérieure. Au total, on estime que les établissements de santé
représentent 10,6% de la totalité de la consommation énergétique à usage commercial du Brésil31, et
sont le second secteur commercial le plus dépensier en énergie aux Etats-Unis (8,5 milliards de dollars
par an). Le secteur de la santé peut ainsi jouer un rôle essentiel dans l’atténuation des effets du
changement climatique, en prenant des mesures pour limiter sa propre empreinte climatique. 32 En
France, 15% des consommations énergétiques du secteur tertiaire sont par exemple le fait des
hôpitaux33, en sachant que le chauffage représente 2/3 de ces consommations et que les
consommations par lit ont augmenté de pratiquement 25% en 10 ans pour l’énergie et de 50% pour
l’électricité, en raison des progrès technologiques mais aussi de l’augmentation du confort et de la
généralisation du conditionnement d’air et de la climatisation.
S’ajoutent à cela les impacts liés aux transports en terme de pollution de l’air et de gaz à effet de serre,
notamment pour la circulation des patients – on compte plus de 13 millions d’entrées dans les hôpitaux
chaque année -, du personnel et des visiteurs, mais également de toute la logistique (livraisons de
matériel, de repas et de linge propre, enlèvement de déchets d’activité de soin et de linge souillé, etc).
Vu leur impact environnemental et à l’heure où tout le monde est invité à « faire sa part », notamment
par le protocole de Kyoto ou plus récemment et en France par la stratégie nationale de développement
27 WORLD HEALTH ORGANISATION, Healthy hospitals, healthy planet, healthy people – Adressing climate change in health care settings, p. 2028 WORLD HEALTH ORGANISATION, Healthy hospitals, healthy planet, healthy people – Adressing climate change in health care settings, p. 2029 UNITED STATES DEPARTMENT OF ENERGY, Commercial Buildings Energy Consumption Survey (CBECS), adjusted for inflation to 2009 dollars30 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Dossier de presse : signature de la convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, p. 431 SZKLO A., SOARES J. TOLMASQUI M., Energy consumption indicators and CHP technical potential in the Brazilian hospital sector32 WORLD HEALTH ORGANISATION, Healthy hospitals, healthy planet, healthy people – Adressing climate change in health care settings, page 533 FOUQUIER Florence, « La responsabilité sociale dans les établissements de santé : quels enjeux ? », TECHNIQUES HOSPITALIERES, pages 17 à 19
30
durable adoptée pour la première fois en 2003 et révisée en 2010, les établissements de santé, ne
peuvent donc faire l’économie d’une politique de management durable, et cela d’autant plus que cette
politique est consubstantielle de la volonté de « ne pas nuire », censée guider les soignants.
L'importance du secteur hospitalier ne se caractérise heureusement pas simplement que du
point de vue de son impact environnemental. Les établissements de santé sont également – et les deux
sont d'ailleurs lié – des acteurs économiques majeurs qui emploient par exemple 1,3 millions de
personnes au niveau national, et dépensent près de 70 milliards d'euros par an34.
Dit en termes économiques, les établissements de santé ne répondent donc pas au critères de
l'atomicité35, et sont donc en mesure d’influencer différents marchés: ils sont souvent le principal
employeur des communes où ils sont implantés, et sont de gros investisseurs et de gros acheteurs, et
donc un formidable levier potentiel pour le développement durable.
En effet, les établissements de santé sont susceptibles de provoquer un effet d'entraînement sur le reste
de la société. Ils sont en capacité de mettre les millions de patients, visiteurs et personnels qui le
fréquentent – soit un français sur deux chaque année -, en contact avec le développement durable s'ils
choisissent de le mettre en oeuvre. Egalement, en adoptant des appels d'offre plus exigeants du point
de vue économique (prix), environnemental (provenance, transport, matériaux, prise en compte du
cycle de vie et notamment de la destruction) et social (recours à des entreprises employant une
majorité de personnes en situation de handicap ou en insertion professionnelle), il leur est possible de
favoriser l'émergence d'une offre plus responsable de la part de leurs fournisseurs. La pondération du
développement durable dans les critères de jugement des offres est encore très faible cependant, et la
concurrence n'existe pas toujours, comme dans le cas des dispositifs médicaux stériles par exemple.
Mais à titre d'exemple, on peut supposer que si une partie des établissements de santé mondiaux
décidaient de favoriser l'achat de dispositifs médicaux sans phtalates – comme le fait par exemple déjà
la clinique Champeau de Bézier -, les établissements de santé encourageraient la recherche d'autres
composés moins nocifs et abaisseraient (par un effet levier sur la quantité et donc les prix) le coût des
dispositifs médicaux sans phtalates, qui reste relativement élevé pour le moment.
Si la formule « d'abord ne pas nuire, ensuite soigner » et tout ce qu'elle sous-tend démontre
que les valeurs du développement durable et de la santé semblent compatibles, le poids économique et
34 DHOS, Les chiffres clé35 L'atomicité correspond au fait que les acteurs économiques d'un marché soient de trop petite taille pour
influencer le marché sur lequel ils évoluent.
31
l'impact environnemental des établissements de santé indiquent que santé et développement durable
sont en plus complémentaires.
Les acteurs de la santé ont d'ailleurs commencé à se mobiliser au niveau mondial, au travers
notamment de nouvelles organisations. Le Conseil pour le climat et la santé, réseau de professionnels
de la santé qui informent et promeuvent les bienfaits pour la santé de modes de vie plus durables, et
l’urgence qu’il y a d’endiguer le changement climatique36. La déclaration mondiale sur la santé et les
changements climatiques, adoptée par l’Association Médicale Mondiale de Adoptée à New Delhi le 17
octobre 2009 en est l’un des symboles.
1.1.1.3 Service public hospitalier et exemplarité
Santé et développement durable sont donc compatibles et complémentaires, caractéristique
encore plus signifiante dans le cas des établissements publics de santé.
L'hôpital public se conforme en effet, outre aux valeurs traditionnelles des établissements de
santé, aux valeurs du service public telles qu'elles ont été formalisées tout au long du XXème siècle.
Or ces valeurs correspondent parfaitement à la lettre du développement durable.
Notamment, le respect des générations futures semble faire partie intégrante de l'intérêt général dans
lequel est censé être organisé tout service public. De surcroît, le principe d'adaptabilité, qui stipule que
les réorganisations et les mutations du service en question sont étudiées et réalisées en vue des besoins
de la population, s'inscrit également clairement dans l'esprit du développement durable.
En plus de ces valeurs générales qui les animent, les établissements publics de santé assurent
également, tout comme certains établissements de santé privés et les centres régionaux de lutte contre
le cancer, des missions de service public définies à l'article L.6112-1 du Code de la santé publique 37.
Parmi ces 14 missions, la plupart forment clairement une communauté de pensée avec l’esprit du
développement durable et notamment son pilier social : le développement professionnel continu,
l’éducation et la prévention pour la santé, la lutte contre l'exclusion sociale, les actions de santé
publique, etc.
36 WORLD HEALTH ORGANISATION, Preventing disease through healthy environments: towards an estimate of the environmenta burden of disease37 Article L6112-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – article 1 (V)
32
Par ailleurs, en tant qu’établissements publics de santé, les hôpitaux publics sont soumis au
contrôle de l'État via les Agences régionales de santé. Or lors de la restitution des conclusions du
Grenelle de l’Environnement le 25 octobre 2007, le Président de la République a insisté sur le rôle
exemplaire que l’Etat doit jouer pour assurer le développement durable de notre économie. 38 Le
Grenelle de l’environnement, lancé quelques semaines plus tôt, impose en effet l’implication de tous
les acteurs, puisqu’au-delà de l’adoption des mesures législatives des différents projets de loi, son
succès repose surtout sur la mobilisation des différents acteurs économiques. L’Etat, qui aurait
difficilement pu s’exempter de montrer le bon exemple, s’est ainsi engagé le 3 septembre 2008 par une
circulaire du Premier ministre relative au rôle exemplaire de l’Etat en matière de développement
durable.39
Partant du principe que l’Etat « se doit en particulier d’utiliser ses propres moyens de fonctionnement
pour renforcer et favoriser l’émergence des modes de production et de consommation plus durables »
et que l’Etat ne peut ignorer dans sa gestion quotidienne les objectifs de développement durable qu’il
souhaite voir pris en compte par les entreprises et les consommateurs, la circulaire préconise par
exemple d’inciter les agents de l’Etat à adopter une conduite automobile économe en énergie
susceptible de générer un minimum de 10% de gain en carburant, une diminution des émissions
polluantes et une amélioration de la sécurité routière.40
Concernant la consommation impressionnante de papier et de cartouches d’encre, la circulaire
recommande pour 2010 la suppression des imprimantes à jet d’encre, le non remplacement de 80% des
imprimantes individuelles, le développement des copieurs multifonction, la reprise de 100% des
cartouches d’impression usagées par les prestataires ou par des structures d’insertion des personnes
éloignées de l’emploi ou employant une majorité de personnes handicapées.41 La circulaire préconise
également la généralisation de l’usage du papier éco-responsable et la réduction de 50% de la
consommation de papier des administrations d’Etat, que permettrait l'impression systématique en
recto-verso, la communication sur le nombre de ramettes consommées annuellement par agent et la
mise en place de systèmes de collecte sélective.42
L'hôpital public participe donc, de concert avec les autres services publics, à la mise en oeuvre du
volet « Etat exemplaire », qui permet à la fois de renforcer la responsabilité sociale de l’Etat, de
38 PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE, Discours à l’occasion de la restitution des conclusions du grenelle de l’environnement, 25 octobre 200739 Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008 relative à l’exemplarité de l’Etat au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics (JO du 12 février 2009)40 Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008, fiche n°13 relative à la formation et à la sensibilisation à l’éco-conduite41 Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008, fiche n°2 relative aux solutions d’impression42 Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008, fiche n°2 relative au papier
33
diminuer les impacts liés aux activités de l’Etat et de contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction
d’émissions de gaz à effet de serre, mais également de renforcer et de favoriser l’émergence de modes
de production et consommation durables.
Le développement durable apparaît donc, du fait de leur impact, de leurs valeurs, de leurs
missions et de leur statut, comme consubstantiel aux hôpitaux publics. Mais les raisons qui font des
hôpitaux publics des acteurs obligés du développement durable sont également les premières à rendre
le management durable assez complexe en leur sein.
1.1.2 Le management durable comme défi pour l'hôpital
public
Le développement durable est un principe plutôt universel et abstrait, qu'il s'agit de rendre
concret et opérationnel. C'est tout le rôle du management durable, qui représente la mise en application
du développement durable, son intégration à la prise de décision et sa prise en compte dans la gestion
et la gouvernance d'une institution.
Or en ce qui concerne l'hôpital public, la légitimité de l'adoption d'une démarche de développement
durable semble bien plus évidente que sa conduite opérationnelle.
Tout d'abord, aussi favorable au développement durable que soient les valeurs de la santé et le
« primum non nocere » d'Hippocrate, il n'en demeure pas moins que le cœur de métier de l'hôpital
public reste le soin, et que dans le contexte actuel de forte contrainte budgétaire, il est normal que cette
mission fondamentale reste privilégiée et que certains arbitrages se fassent parfois au détriment du
développement durable.
Comme l’a d’ailleurs rappelé Jean-Rémy Bitaud - Directeur du projet management durable de l'AP-HP
(Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) -, « la première préoccupation des patients est d’être bien
soignés », et il est fort à parier que très peu accepteraient que le corollaire du développement durable à
l’hôpital soit un risque accru pour les patients. Du fait du public particulièrement vulnérable qui le
fréquente, l’hôpital public ne peut donc pas appliquer les principes du développement durable « à la
lettre ».
34
C'est ainsi que l'usage unique est par exemple quasiment devenu la norme à l'hôpital public, à la fois
pour les dispositifs médicaux (canules d'intubation, sondes, etc), pour la vaisselle et pour certaines
tenues destinées aux patients ou au personnel. La matériel jetable à usage unique est aujourd’hui
présenté comme l’un des piliers de la sécurité des soins dans les établissements de santé, alors que
cette pratique a un lourd impact écologique tant du fait de la surconsommation de matières premières
qu’elle suppose que du point de vue de la masse de déchets qu’elle génère.
Autre exemple, la température intérieure traditionnellement retenue pour les bâtiments dits « basse
consommation » est de 19 degrés, or il est difficile de descendre en dessous de 21 degrés à l'hôpital.
Ensuite, le fait que les hôpitaux publics partagent une communauté de missions et de valeurs
avec le développement durable est certes un avantage, mais le statut « public » de ces établissements
les rend également plus complexes à piloter. Interrogé sur cet aspect, Olivier Toma - Président du
C2DS (Comité pour le développement durable en santé) -, affirme que « la structure privée facilite la
prise de décision : le service administratif des structures publiques est beaucoup plus lourd alors que
dans le privé, lorsque le manager veut décider avec son équipe, il peut le faire directement ».
Assurément, un certain nombre de contraintes administratives jouent en effet, qui ne rendent pas
toujours les choses très faciles notamment en termes de gouvernance interne et de procédures d’achat,
a par exemple expliqué Virginie Valentin, Secrétaire Générale du CHU de Bordeaux, lors de son
entretien. Elle a néanmoins nuancé ses propos en reconnaissant qu’ « il y a quand même des
établissements publics qui sont capables d’être tout a fait sur des logiques de développement durable
avec circuits court, des aliments biologiques, etc ».
Les établissements publics, même s’ils connaissent une communauté de valeurs avec le
développement durable, n’ont donc « pas forcément la même souplesse que les établissements privés »
pour le mettre en œuvre opérationnellement, pour reprendre les termes de Jean-Rémy Bitaud. Cela ne
rend toutefois pas le management durable impossible pour autant, mais du moins plus difficile à
manœuvrer.
Enfin, même si le poids économique et l'impact environnemental des hôpitaux publics les
invitent – tout comme les autres établissements de santé – à adopter une politique de développement
durable, la taille de ces établissements est parfois un obstacle au management durable. En effet, plus
que le statut - public ou privé – d’un établissement de santé, c’est surtout « l’effet de taille » qui
compte, ont tous les trois reconnu Virginie Valentin, Olivier Toma et Jean-Rémy Bitaud. Adopter un
plan de déplacement en entreprise est par exemple infiniment plus simple pour un petit hôpital local
monobloc que pour un CHU comme celui de Bordeaux, organisé sur plusieurs sites, dont certains sont
implantés en plein cœur du centre ville et très bien desservis par les transports en commun et les
35
stations de vélos partagés, tandis que d’autres, en bordure de l’agglomération, sont en queue de réseau
avec des cadencements assez longs.
Dans le même ordre d’idée, les mesures durables impliquant des procédures d’achat doivent prendre
en compte l’état de l’offre. Car si un gros établissement est capable d’influencer un marché, il est aussi
tributaires de certaines limites techniques. Il ne serait par exemple pas envisageable que l’AP-HP
passe tout à coup à l’alimentation biologique, car cela supposerait de trouver assez de matière
première pour permettre aux 80 000 repas servis chaque jour au sein de l’institution de comporter un
ou plusieurs ingrédients biologiques.
La taille des établissements ne rend donc pas le développement durable impossible à mettre en œuvre
en leur sein, mais il complexifie cependant le management durable.
Le développement durable à l'hôpital public est bien une « évidence paradoxale »,
mais même si le management durable est l'objet de plusieurs contraintes à l'hôpital public, il n’en
demeure pas moins que le développement durable est consubstantiel aux missions et au statut de ces
établissements de santé.
L’OMS et l’ONG Health Care Without Harm ont d’ailleurs publié en 2008 un rapport intitulé Healhty
hosplitals, healthy planet, healthy people43, qui part du constat que le changement climatique menace
la santé publique et que les hôpitaux y contribuent substantiellement, et donc se rendent par là même
responsables de maladies respiratoires et autres. Le rapport propose un plan en sept axes (l’efficience
énergétique, l’architecture « verte », le recours à des énergies renouvelables, les transports, la
nourriture, les déchets et l’eau) pour des « hôpitaux neutres pour le climat » , Mais compte tenu de la
complexité du management durable des établissements de santé, comment les inciter à faire les efforts
nécessaires ?
1.2 Le DD à l'hôpital public, de la mise en conformité à la
politique volontariste
Si le développement durable est une évidence, le management durable représente donc un
véritable défi pour l'hôpital public, que celui-ci s'attelle à relever depuis quelques années. Certains
43 Traduction : des hôpitaux sains, une planète préservée, des gens en bonne santé
36
établissements ont certes été précurseurs, mais c'est bien l'évolution de la réglementation (1.2.1) et la
mise à disposition des établissements de santé d'un ensemble d'outils (1.2.2) qui a marqué un tournant
significatif dans la prise en compte du principe de durabilité par les différents établissements de santé,
ce qui n'empêche pas certains établissements publics de prendre des initiatives en matière de
développement durable et de mener des politiques volontaristes innovantes en la matière (1.2.3).
1.2.1 Les évolutions de la réglementation
Un peu comme Monsieur Jourdain, qui dans le deuxième acte du Bourgeois gentilhomme
apprend au cours d'un échange avec son maître de philosophie qu'il dit de la prose depuis longtemps
sans le savoir, les hôpitaux publics ont pratiqué le développement durable bien avant même que soit
inventé le terme en 1987. Les établissements de santé sont en effet animés depuis longtemps par des
principes qui font partie intégrante du développement durable (soin, prévention, éducation, bien-être),
et la réglementation les a très tôt incités à prendre en compte leur environnement naturel et humain.
1.2.1.1 L’exemple de la réglementation des déchets dits dangereux
Les activités liées aux soins de santé - qu’il s’agisse par exemple d’épreuves diagnostiques,
d'interventions chirurgicales ou de soins dits de « nursing » donnent lieu à la production de déchets,
que l’on dénomme les « déchets d’activité de soin » (DAS).
Si à peu près 75% d'entre eux ne sont pas dangereux, ce n'est pas le cas des 25% restant qui peuvent
être infectieux, chimiques, toxiques ou encore radioactifs. Ces déchets et sous-produits dangereux
couvrent un large éventail de matériels, dont par exemple les déchets de malades infectieux, les
déchets contaminés par le sang et les dérivés sanguins, les objets pointus et tranchants, les produits
chimiques, certains produits pharmaceutiques, les produits cytotoxiques utilisés dans le traitement du
cancer et leurs métabolites, les produits radioactifs, les déchets à forte teneur en métaux lourds, etc.
Ces déchets liés aux soins de santé constituent un réservoir de micro-organismes potentiellement
dangereux susceptibles d’infecter les malades hospitalisés, les agents de santé et le grand public, mais
aussi un risque de propagation à l’extérieur de micro-organismes parfois résistants présents dans les
établissements de soins - phénomène encore mal étudié à ce jour. Les déchets et les sous-produits
peuvent également provoquer des traumatismes, par exemple des brûlures chimiques ou par radiation,
des blessures provoquées par des objets pointus ou tranchants, des intoxications et diverses pollutions.
37
Dès 1975, la réglementation est venue renforcer les conditions de tri, de collecte, de transport,
de stockage, de traitement et d'élimination de ces déchets, s'inscrivant ainsi, avant même le Rapport
Brundtland, dans une démarche de développement durable car protégeant le l'environnement et les
personnes (malades hospitalisés, agents de santé, personnes amenées à manipuler ces déchets mais
aussi grand public).
Toute une série de décrets et d'arrêtés sont depuis venus compléter cette loi, et les déchets d'activité de
soin dits dangereux, que ce soit en raison de risques chimiques, infectieux ou nucléaires, sont
aujourd'hui très strictement encadrés : les hôpitaux sont tenus de les éliminer en respectant les
dispositions relatives à la traçabilité, à l'entreposage, au transport et à l'élimination des déchets.
1.2.1.2 Les autres évolutions de la réglementation portant le
développement durable à l’hôpital public
A l'image de la réglementation des déchets à risque, un certain nombre de réglementations qui
ont contribué et contribuent encore à mettre les hôpitaux publics sur la voix du développement durable
ne leur sont pas propres.
Toute une série de normes techniques spécifiques, contenues notamment par le Code de la
construction et de l’habitation, garantissent par exemple l'accessibilité des établissements recevant du
public44 - dont les hôpitaux -, tandis que le Code de la construction et de l’urbanisme fixe certaines
caractéristiques thermiques et de performances énergétiques pour les bâtiments45 et que le Code du
patrimoine édicte des règles censées protéger les monuments historiques et sites naturels, qui
s'appliquent aux établissements hospitaliers comme aux autres types de constructions. Des dispositions
existent également qui participent par exemple de le prévention de la légionellose46, de la lutte contre
44 Entre autres l'arrêté du 31 mai 1994 fixant les dispositions techniques destinées à rendre accessibles aux personnes handicapées les établissements recevant du public et les installations ouvertes au public lors de leur construction, leur création ou leur modification et le décret n° 2009-500 du 30 avril 2009 relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public et des bâtiments à usage d’habitation.45 Code de la construction et de l’urbanisme – Construction des bâtiments – Caractéristiques thermiques et performances énergétiques : articles L.111-9 à L.111-10-1 et R.111-20 à R-111- 21-1 ; Diagnostic de performance énergétique : articles L.134-1 à L.134-5 et R.131-25 à R.131-28.46 Circulaire DGS/VS 4 n° 98-771 du 31 décembre 1998 relative à la mise en œuvre de bonnes pratiques d'entretien des réseaux d'eau dans les établissements de santé et aux moyens de prévention du risque lié aux légionelles.
38
le bruit47 ou encore de la prévention des risques sanitaires liés à l’environnement et au travail48 et la
qualité des eaux destinées à la consommation humaine
Du côté du volet environnemental du développement durable, les hôpitaux sont
spécifiquement concernés par diverses réglementations encadrant le traitement et la maîtrise de la
qualité de l'air49, l'installation de climatisation et la prévention et lutte contre les fortes chaleurs50 ou
encore la gestion des eaux usées.51 Le second Plan national de santé environnemental (PNSE) prend
notamment en compte les orientations du Grenelle de l’environnement, par exemple en matière de
qualité sanitaire des matériaux et d’amélioration de la gestion des effluents hospitaliers.
Mais les hôpitaux sont également concernés par des dispositifs plus généraux, qui les amènent à faire
des efforts en matière de développement durable. Notamment, vingt-deux établissements (il s'agit
généralement d'établissements de grande taille, de type CHU), sont concernés, comme les autres
acteurs économiques, par le plan national des quotas d’émission de CO2. En cas de dépassement des
quotas alloués, les établissements peuvent racheter ou bien échanger leurs quotas. Les hôpitaux sont
par ailleurs tous priés de s’aligner sur la directive nationale qui prescrit une baisse de 20% des
émissions de CO2 d’ici à 2020.
Les établissements hospitaliers sont également concernés par un certain nombre de règles plus ou
moins contraignantes concernant la santé au travail. Le Code de la Santé Publique s'applique par
exemple à eux en ce qui concerne la radioprotection et la prévention au risque d'exposition aux
rayonnements ionisants52, tandis que le Plan Santé au Travail 2010-2014 a pour objectif de développer
la santé et le bien-être au travail, et d’améliorer les conditions de travail, ce qui est un facteur de
progrès économique et social. Pour finir, le pilier social du développement durable est également
imposé d'une certaine manière aux hôpitaux publics, qui doivent payer des amendes s'ils n'atteignent
pas une cible de 6% de travailleurs handicapés parmi leur masse salariale.
47 Loi du 31 décembre 1992 relative à la Lutte contre le bruit.48 Code de la Santé Publique – Prévention des risques sanitaires liés à l’environnement et au travail – Lutte contre la présence de plomb ou d’amiante : Articles. L. 1334-1 à L. 1334-13. Code de la Santé Publique - Lutte contre la présence de plomb ou d’amiante – Exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis :49 Norme NF S 90-351 de juillet 2003 relative à l’installation de traitement et de maîtrise de l'air dans les établissements de santé.50 Décret n° 2005-778 du 11 juillet 2005 relatif aux conditions techniques de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les établissements de santé pour les rafraîchissements de l’air des locaux.51 Circulaire n° 429 du 8 avril 1975 relative à la gestion des eaux usées des établissements de santé avant élimination dans les canalisations communales.52 Code du travail – Hygiène, sécurité et conditions de travail – Prévention du risque d’exposition aux rayonnements ionisants : Articles L.4451-1 à L.4451-2. Décret n° 2001-215 du 8 mars 2001 modifiant le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants.
39
1.2.1.3 Le développement durable dans la certification des
établissements de santé
La certification des hôpitaux à laquelle procède régulièrement la Haute autorité de santé
(HAS) a pour objectif de concourir à l’amélioration de la prise en charge des patients dans les
hôpitaux et cliniques sur l’ensemble du territoire français. Elle consiste en une auto –évaluation, suivie
d’une visite réalisée par des professionnels de santé extérieurs à l’établissement (experts visiteurs) et
intègre un dispositif de suivi qui vise à conforter l’engagement des professionnels de l'établissement
dans une démarche qualité durable.
La certification est donc par essence très liée à l'état d'esprit du développement durable. Mais depuis
l’adoption le 9 décembre 2008 du nouveau référentiel « V2010 », le développement durable est intégré
dans les critères de certification des établissements de santé grâce à un volet « management du
développement durable », qui se décline en 8 critères, dont la liste figure dans le tableau ci-dessous.
De manière moins restrictive que ces quelques critères forcément réducteurs, la HAS estime
également que « le développement durable est un principe directeur » et que « les établissements ne
doivent pas s’empêcher de se questionner sur le développement durable à travers les autres critères ».
Référence 1 – la stratégie de l’établissement
Critère 1b Engagement dans le développement durable
Référence 3 – la gestion des ressources humaines
Critère 3d Qualité de vie au travail
Référence 6 – la gestion des fonctions logistiques et des
infrastructuresCritère 6f
Achats éco-responsables et approvisionne-ments
Référence 7 – la qualité et la sécurité de l’environnement
Critère 7a Gestion de l’eau
Critère 7b Gestion de l’air
Critère 7c Gestion de l’énergie
40
Figure 2- Récapitulatif des critères de management durable dans le nouveau
référentiel de la HAS
Critère 7d Hygiène des locaux
Critère 7e Gestion des déchets
La certification tient donc compte du management durable depuis peu, ce qui, de l’avis des
différentes personnes interrogées dans le cadre de ce mémoire, a constitué un formidable effet levier
dans l’adoption par les établissements de santé d’une politique « durable ».
L’introduction du volet « management du développement durable » au nouveau référentiel de la HAS
prend cependant en compte les difficultés des établissements de santé à se conformer aux nouveaux
objectifs fixés. La HAS précise ainsi sur son site internet que « les décisions de certification
concernant les critères relatifs au développement durable tiendront compte du caractère novateur des
exigences qui s’y rapportent. » Autrement dit, la HAS fait pour l’instant preuve de clémence sur ces
critères, ce que Yasmina Sami, Chef de mission « développement durable » à la HAS, a d’ailleurs
confirmé en privé lors de son entretien et à nouveau à l’occasion du « Développement durable en
établissement de santé » du 5 avril 2011 devant des centaines d’acteurs hospitaliers.
1.2.1.4 La convention du 27 octobre 2009 portant engagements
mutuels dans le cadre du Grenelle de l’Environnement avec les fédérations
hospitalières
Comme le rappelle le dossier de presse distribué à l’occasion de la signature de la convention
du 27 octobre 2009, le Grenelle Environnement impose l’implication de tous les acteurs : au-delà de
l’adoption des mesures législatives des différents projets de loi, son succès repose donc également sur
la mobilisation des acteurs économiques, notamment sous forme d’engagements pris volontairement
par les secteurs professionnels.53
Les conventions qui en résultent, intitulées « conventions sur les engagements pris par des secteurs
professionnels dans le cadre du Grenelle Environnement » ou plus simplement « Conventions
d’engagements Grenelle », sont une forme d’engagement particulier qui constituent la feuille de route
53 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA
MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Dossier de presse : signature de la convention portant
engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, page 11
41
d’une profession ou d’un secteur donné. Elaborées en lien étroit avec le ministère du développement
durable, elles ont donc pour objet l’appropriation, la déclinaison et la démultiplication des mesures
non réglementaires du Grenelle. Elles peuvent également anticiper l’application de mesures
réglementaires mais ne se substituent pas à ces mesures ni à toute autre évolution réglementaire.
Comme beaucoup d’autres acteurs, les établissements hospitaliers ont donc leur « Convention
d’engagement Grenelle », signée le 27 octobre 2009.
Les fédérations hospitalières ont donc souhaité formaliser leur engagement dans une démarche de
développement durable par la signature d’une convention. Tout comme le nouveau référentiel de la
HAS, ce texte ambitieux a pour but de donner un signe fort d’encouragement aux établissements déjà
engagés et pionniers mais également d’inciter les autres à s’interroger et à modifier leurs pratiques. Le
dossier de presse distribué à l'occasion de la signature de la convention précise en effet que
« l’engagement des ministères du développement durable et de la santé, ainsi que de l’ADEME, aux
côtés de ces deux fédérations hospitalières constitue une reconnaissance des efforts importants
accomplis en matière de développement durable par un certain nombre d’établissements et une
invitation pour ceux qui ne se sont pas encore engagés, à une prise de conscience de leur impact
social et environnemental »54
La convention établit clairement le développement durable comme un élément stratégique de l’activité
et du fonctionnement des hôpitaux. Son objectif est notamment d’intégrer les enjeux du
développement durable dans les pratiques professionnelles des acteurs de santé et de prendre en
compte systématiquement ces enjeux dans l’évaluation des projets et dans les processus de décision,
mais ne s’y réduit pas. La convention évoque aussi par exemple l’intégration des critères de
« performance développement durable » dans le management, l’amplification du programme de
formation et les actions de sensibilisation, et une nouvelle prise en compte par les établissements de
santé de leur territoire d’installation et d’influence dans le cadre d’un dialogue renforcé avec les
acteurs locaux.
Le Grenelle de l’environnement a donc eu un impact sur les hôpitaux publics du fait de la
convention du 27 octobre 2009, mais également grâce à la circulaire du 3 décembre 2008 relative à
l’exemplarité de l’Etat au regard du développement durable, adoptée quelques semaines après le
Grenelle de l’environnement, et qui concerne également les hôpitaux publics.
54 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA
MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Dossier de presse : signature de la convention portant
engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, page 2
42
De même, des décrets de décembre 2008 ont amendé.le Code des marchés publics entré en vigueur le
1er septembre 2006 de manière à permettre aux personnes publiques d’assurer pleinement dans leurs
commandes leur responsabilité sociale et environnementale55.
Les récentes évolutions de la réglementation s’appliquant aux hôpitaux publics et les nouvelles
règles de certification de la HAS invitent donc logiquement les établissements publics de santé à
adopter un management durable de leurs politiques, à la fois en les y obligeant, en les y incitant et en
leur en donnant les moyens.
1.2.2 Les outils accompagnant les hôpitaux dans leur
aspiration à un management plus durable
Tout une série de dispositifs sont mis à la disposition des hôpitaux publics, amenés à relever le
défi du management durable. Il s'agit tout d'abord d’outils d’aide à l'évaluation (1.2.2.1), à
l’information et à la prise de décision (1.2.2.2), mais également d'outils d’aide à la mise en œuvre
(1.2.2.3).
1.2.2.1 Les outils d’aide à l'évaluation
Tout d’abord, il est important d’évaluer la situation d’un établissement pour à la fois
déterminer un plan d’action et pouvoir mesurer et contrôler sa mise en œuvre. Si chaque établissement
établit bien sûr ses propres indicateurs, deux outils existent au niveau national, qui permettent des
comparaisons.
Il s’agit notamment de « l’indicateur durable de santé », auto-diagnostic développé au sein du
C2DS (Comité du développement durable en santé) par un groupe de travail composé d'experts et de
55 MAES Chantal, VERNET Barbara, « Développement durable et établissements de santé : une dynamique européenne et nationale relayée et soutenue par les acteurs de santé », TECHNIQUES HIOSPITALIERES n°719, pages 47 à 49
43
directeurs d'établissements adhérents. Il comporte 350 critères qui balisent de manière exhaustive les
domaines fondamentaux du développement (humains, environnementaux et économiques), pour une
meilleure santé.
C'est un outil managérial qui fonctionne comme un tableau de bord fait d'indicateurs permettant
d'évaluer, de mesurer et d'encourager les progrès des actions mises en œuvre par l'établissement. Mis
gratuitement à la disposition des professionnels de santé, il est aujourd’hui adopté par près de 750
établissements de santé, ce qui en fait un observatoire national qui permet à chacun de produire les
indicateurs nécessaires pour se situer dans son action.
Le baromètre du développement durable en établissement de santé est un autre indicateur qui
permet d’obtenir une photographie des actions éco-responsables entreprises par les hôpitaux, et évalue
la perception des enjeux d’un nouveau mode de fonctionnement.
Crée en 2008, il est mentionné par la convention du 28 octobre 2009 dont le principe numéro 1
est d’« évaluer objectivement la performance [des établissements de santé] en matière de
développement durable » et qui précise que « les fédérations s’engagent à quantifier leurs progrès en
s’appuyant sur des indicateurs mesurables, opposables et évaluables concentrés dans le Baromètre du
développement durable dans les établissements de santé, conçu par un comité de professionnels de la
santé, des fédérations hospitalières et un représentant du Ministère de la santé, de l’ADEME, avec le
concours de l’EHESP » .
Evaluant la pénétration de la démarche « développement durable » au sein des établissements de santé
par le taux de participation au baromètre et par l’amélioration progressive des pratiques.interrogées, il
permet également à chaque établissement de se situer par rapport aux autres et d’identifier ses axes
d’amélioration.
Chaque année, les établissements les plus avancés sur la voie du développement durable sont mis à
l’honneur lors de la remise du « DDH Awards » organisée par le groupe PG promotion, société de
communication spécialisée dans le domaine hospitalier.
1.2.2.2 Les outils d’aide à l’information et à la prise de décision
Evaluer pour évoluer est donc important, à condition d’avoir les moyens de trouver des
solutions à partir du diagnostique établi. C’est le rôle de nombreuses structures qui informent et
accompagnent les établissements de santé dans leur mise en œuvre du développement durable.
44
Tout d’abord, la FHF (Fédération hospitalière de France) joue un rôle de conseil face aux
nombreux problèmes concrets qui peuvent survenir dans la vie quotidienne d’un établissement public
de santé, dont celles qui concernent le développement durable. Elle met notamment à disposition de
ces structures de nombreux outils comme son site internet et sa revue spécialisée Techniques
Hospitalières, qui dans chaque numéro, publie des brèves ou des articles sur l’environnement et le
développement durable.
Les établissements de santé désireux d’élargir leurs sources d’information peuvent également trouver
toutes les informations dont ils sont besoin auprès de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la
maîtrise de l’énergie) de leur région, ou encore du C2DS (Centre du développement durable en Santé),
qui publie d’ailleurs chaque année un Guide des pratiques vertueuses dont les établissements peuvent
s’inspirer.
De nombreux évènements sont également régulièrement organisés qui permettent de
s’informer et d’échanger sur le management durable. Depuis 2006, le rendez-vous professionnel
biennal Hopital Expo dédie un espace spécifique à la thématique, « la bulle du développement
durable », et un prix du stand éco-responsable est même traditionnellement décerné.
Les colloques se multiplient également sur la question. Les 22 et 23 mars 2007, l’ADH (Association
des directeurs d’hôpital) a par exemple organisé un colloque intitulé « performance hospitalière et
développement durable », puis PG promotion un autre colloque intitulé « Grenelle de l’Environnement
à l’hôpital, quels enjeux ? Quelle mise en œuvre ? » en 2009. Les colloques professionnels
(pharmaciens, hygiénistes, laboratoires) sont également de plus en plus nombreux.
Ces évènements donnent souvent lieu à des partages d’expérience, qui sont l’occasion de présenter des
projets et des réalisations présentés par les établissements déjà engagés dans la démarche de
développement durable et donc de prouver leur faisabilité, et qui permettent également aux
participants qui souhaitent s’engager dans une démarche de développement durable de découvrir des
exemples de solutions concrètes.
1.2.2.3 Les outils d’aide à la mise en œuvre
Enfin, une fois les axes de progression définis et les moyens d’action arrêtés, les
établissements de santé peuvent également compter sur des aides à la mise en œuvre de ces solutions.
45
Ces aides peuvent être financières, comme celles que met en œuvre le Plan hôpital 2012. Ce
plan de 5 milliards d’euros oriente en effet les investissements immobiliers, notamment les projets de
construction ou de rénovation des bâtiments,, dans la logique du développement durable : l’éligibilité
des projets porte tout autant sur la capacité à résoudre des questions techniques qu’à s’inscrire dans un
véritable processus d’assurance de la qualité environnementale.
L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) apporte aussi une aide
financière mais également une aide à la décision, de l’expertise et de l’assistance aux hôpitaux qui
entrent en contact avec ses délégations régionales. Elle met notamment à la disposition des acteurs un
certain nombre d'outils pédagogiques, et Virginie Valentin, Secrétaire Générale du CHU de Bordeaux
et en charge de la politique de développement durable de l'institution, a par exemple expliqué lors de
son entretien se servir de « Clic ADEME », un CD-Rom contenant de multiples images, messages,
affiches types, et destinés à produire des documents de communication interne. Cet outil, a-t-elle
déclaré, « est intéressant car il n'est pas hyper personnalisé 'santé'. Il est facilement utilisable par
n'importe qui, et permet même de co-élaborer des documents en groupe de travail ».
Les établissements de santé prennent donc de plus en plus en compte le développement
durable dans leur fonctionnement, à la fois du fait de l’évolution de la règlementation et de la kyrielle
d’outils et d’aides mis à leur disposition. Mais il arrive également que les hôpitaux publics fassent
preuve d’initiatives volontaristes innovantes.
1.2.3 Les initiatives volontaristes innovantes des hôpitaux
publics
De récentes controverses montrent que les établissements de santé, à l’instar des entreprises
privées, sont désormais interpellés par leurs parties prenantes, celles-ci faisant pression pour qu’ils
agissent et rendent compte de leurs initiatives relatives au développement durable. S’en tenir au strict
respect de la réglementation applicable ne suffit donc plus.
Certains hôpitaux publics prennent donc l’initiative d’aller plus loin que leurs simples
obligations en matière de développement durable, et mettent parfois en œuvre des politiques
particulièrement innovantes.
Le CHU de Rouen est par exemple particulièrement innovant sur les questions de déplacement, et
suite à une enquête PDE (Plan de déplacement en entreprise) en 2009, a proposé à tous ses agents un
46
stage d’éco-conduite. La création d’un parking inter-site garanti aux agents des autres sites du CHU,
en poste à temps partiel sur le site principal saturé, de trouver une place à toute heure par un simple
système de réservation et de jetons. Une convention a été signée entre la communauté d’agglomération
et le CHU, qui permet de proposer des tarifs très attractifs pour les abonnements aux transports en
commun avec un total de prise en charge à 65%, et l’agglomération a participé financièrement à
l’achat de vélos à assistance électrique et de vélos pliants. Le recours à la visioconférence a également
été généralisé.56
D’autres établissements (les CHU de Bordeaux et de Brest par exemple) ont choisi de mener à bien
des projets d’Agenda 2157, ou encore d’adopter des mesures innovantes en matière d’économies
d’énergie ou de production d’énergie renouvelable, de valorisation des déchets, de gestion durable des
ressources humaines, de bien-être des patients ou encore de gestion des espaces verts.
*
* *
Trouver le meilleur compromis entre les impératifs de bien être des patients et du personnel
soignant, les besoins fonctionnels (réglementation, technique, usage) et l’équilibre économique est
déjà le quotidien des établissements de santé. En affichant son désir de relever les grands défis
environnementaux et sociaux de notre société, le secteur hospitalier ne se simplifie pas la tâche, mais
habitué à croiser de multiples exigences et contraintes souvent contradictoires, à penser à la fois à
court et à long terme et à positionner les hommes au cœur de ses actions, l’hôpital est déjà bien engagé
dans la logique du développement durable, parfois même sans le savoir.
Or cette démarche de développement durable ne doit vraiment pas être uniquement perçue comme un
effort supplémentaire à fournir. Elle est également source d’externalités positives, au rang desquelles
les économies permises par les économies d’énergie, une ambiance de travail améliorée, ou encore le
56 AUTARD Marie-Laure, « Développement durable : des comportements citoyens à l’hôpital », GESTIONS HOSPITALIERES, n°498, pages 457 à 462
57 L'Agenda 21 est un plan d'action pour le XXIème siècle adopté par 173 chefs d'État lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. Avec ses 40 chapitres, ce plan d'action décrit les secteurs où le développement durable doit s’appliquer dans le cadre des collectivités territoriales mais également par des entreprises, des collèges ou des lycées, et même des hôpitaux. Il formule des recommandations dans des domaines aussi variés que la pauvreté, la santé, le logement, la pollution de l’air, la gestion des mers, des forêts et des montagnes, la gestion de l’eau, de l’agriculture et la gestion des déchets.
47
fait d’être moins vulnérables aux coupures d'éléctricité en cas de catastrophe naturelle pour les
établissements ayant opté pour la production durable d’énergie.
A présent que le contexte de la mise en œuvre du développement durable dans les hôpitaux
publics est appréhendé, il s’agit de se concentrer sur un cas pratique, qui permettra de réellement saisir
la complexité de la mise en œuvre du développement durable au quotidien dans les services
hospitaliers.
48
2. Cas pratique : l’impulsion du
management durable à l’AP-HP
et l’exemple des déchets
infectieux et de la filière carton
« Il faut créer l’action, parce que l’action crée le mouvement et que le
mouvement entraîne les individus »
Christian le Guillochet
Directeur de théâtre, auteur et artiste dramatique
La première partie de ce mémoire a démontré que le management durable est un défi pour les
hôpitaux publics. Mais elle a également souligné à quel point il est important que ces établissements
« fassent leur part », à la fois parce que l’action de chacun est nécessaire, mais également parce
qu’une communauté de pensée existe entre développement durable et établissements de santé. Et enfin
parce que d’une part les établissements de santé sont aujourd’hui responsables de beaucoup
d’externalités négatives (nuisances, pollutions), et que d’autre part ils ont à en traiter les conséquences
au quotidien en tant qu’établissement de santé.
Analyser comment ce défi se manifeste en pratique et dans quelle mesure il est possible de le relever
nécessite de ne pas se contenter d’analyses générales, mais bien de constater la réalité du terrain, et les
difficultés auxquelles sont quotidiennement confrontés les acteurs de l’hôpital pour y faire face. C’est
49
bien le but de cette partie, qui se veut pratique et illustrative, et rend compte d’un travail de terrain
effectué au sein de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris).
Méthodologie
La phase d’observation s’est déroulée d’avril à juin 2011, à l’occasion d’un stage au siège de
l’AP-HP, dans le Département de la politique logistique (DPL). Plusieurs types de méthodes ont été
utilisées.
Tout d’abord, la réalisation d’entretiens semi-directifs avec les principaux protagonistes de la
politique du développement durable et des déchets a permis de saisir le cadre général. Ont notamment
été interrogés Pascal Hoop - Directeur de stage et chef du Département de la politique logistique -,
Didier Cazejust - Directeur adjoint au Secrétariat général en charge du patrimoine, de la logistique et
du logement -, Jean-Rémy Bitaud (annexe n°1) - Directeur du projet « Management durable » de
l’AP-HP, et Catherine Chevalier, Ingénieur environnement dans le département de Pascal Hoop.
Une fois l’esprit général de la politique de management durable de l’institution intégré, le travail s’est
porté sur des visites techniques visant plusieurs sites dont la gestion des déchets représentait un enjeu
spécifique, soit du fait de la dangerosité particulière des déchets produits – à l’AGEPS (Agence
Générale des Equipements et Produits de Santé) notamment -, soit du fait de difficultés majeures
rencontrées sur certains sites, qui pour des raisons de confidentialité seront ici anonymisés.
Les visites ont premièrement porté sur le tri à la source des déchets, et donc sur les pratiques
professionnelles, et plusieurs demi-journées ont ainsi été passées dans les services (trois demi-journées
dans les services de réanimation de trois hôpitaux, une demi-journée dans un bloc de neurochirurgie
pour suivre l’enlèvement d’un gliome frontal et dans un bloc d’orthopédie, et enfin une demi-journée
en salle de naissance). Ces phases d’observation directe, analysées au moyen de grilles d’observation
du tri des déchets d’activité de soins (annexe n°2), ont été complétées par des questionnaires d’auto-
évaluation (annexe n°3) remplis par les personnels des services concernés.
Les visites ont ensuite porté, pour les trois mêmes hôpitaux, sur l’entreposage des déchets, très
strictement encadré par un arrêté du 7 septembre 1999, en se basant aussi bien sur des critères
règlementaires (annexe n°4) que sur des critères de sécurité et de fonctionnalité (annexe n°5)
En parallèle, il a été procédé à une enquête par questionnaire (annexes 6 et 7) portant sur la perception
que les managers hospitaliers ont du développement durable, et soumis par téléphone aux douze
directeurs de groupes hospitaliers (GH) que compte l’AP-HP (dans quelques cas, les responsables de
GH étant très occupés, ce sont des adjoints qui se sont prêtés à l’entretien à leur place).
50
La première partie de ce mémoire a rappelé que les avancées enregistrées dans les hôpitaux
publics en terme de développement durable étaient à la fois le fruit d’évolutions de la réglementations
et d’initiatives volontaristes de certains hôpitaux. Après avoir précisé le contexte de la politique de
management durable de l’AP-HP (2.1), il s’agira donc d’étudier un exemple de ces deux situations.
Tout d’abord, la réflexion se concentrera sur la problématique des déchets d’activité de soin à risque
infectieux (DASRI), dont la gestion est étroitement encadrée par la loi (2.2.2). Puis la filière carton
sera analysée, qui relève quant à elle d’une initiative volontariste de l’AP-HP (2..2.3).
2.1 L’engagement progressif de l’AP-HP dans une démarche de
développement durable
L’AP-HP a été un terrain d’étude privilégié, car la spécificité et la taille de l’institution y
rendent le management durable particulièrement délicat (2.1.1), ce qui n’empêche pas le siège
d’impulser une véritable politique transversale en la matière depuis quelques années (2.1.2).
2.1.1 Une institution dont la singularité ne favorise pas le
management durable
En tant qu’établissement public de santé, l’AP-HP est confrontée aux mêmes difficultés que les
autres hôpitaux publics dans sa mise en œuvre du développement durable. S’ajoutent à cela d’autres
difficultés spécifiques ou particulièrement exacerbées à l’AP-HP : la problématique de la taille de
l’établissement, poussée à son paroxysme (2.1.1.1), l’hétérogénéité des différents sites que compte de
l’institution (2.1.1.2), et enfin le contexte actuel de restrictions budgétaires et de réorganisation, estimé
par la plupart des personnes interrogées comme étant particulièrement contraignants pour le
management durable (2.1.1.3).
51
2.1.1.1 La problématique de la taille poussée à son paroxysme
La première partie de ce mémoire a souligné que plus encore que le statut public ou privé d’un
établissement de santé, c’est sa taille qui constitue souvent une contrainte supplémentaire pour le
management durable. Or à l’AP-HP, la problématique de la taille est poussée à son paroxysme, ce que
ces quelques chiffres tirés des plaquettes de communication de l’institution démontrent58 :
L’AP-HP, c’est en effet 37 hôpitaux regroupés en 12 groupes hospitaliers (GH), organisés depuis
janvier 2007 en 720 services médicaux et en 176 pôles, et représentant 52 disciplines médicales. Au
total, la structure offre environ 22 500 lits, ainsi que 1700 places d’hospitalisation de jour
(chimiothérapie, dialyse, rééducation…) et 820 places d’hospitalisation à domicile.
On imagine aisément que la gestion du flux annuel de patients et des milliers de fiches de paie
établies chaque mois est assez lourde, et que la moindre mesure nouvelle suppose des ajustements
conséquents.
L’AP-HP accueille en effet chaque année plus de 6 millions de patients, dont 1 million de prises en
charge en court séjour, 4,686 millions de consultations. Elle reçoit de surcroît 1 million d'urgences par
an - soit en moyenne une toutes les 29 secondes -, et 36 000 naissances y ont lieu chaque année.
L’AP-HP, c’est également des dépenses annuelles de personnel de 3,98 milliards, sur un budget total
d’environ 6,5 milliards. L’institution emploie en effet plus de 90 000 personnes, dont 20 000 médecins
et 16 700 infirmiers.
Si l’on se concentre sur une approche plus « environnementale » du développement durable,
on constate également l’ampleur de la tâche, puisque le service central des blanchisseries de l’AP-HP
gère chaque jour plus de 60 tonnes de linge, que 32 millions de repas sont servis par an, et que les
activités de l’institution génèrent par ailleurs annuellement plus de 46 800 tonnes de déchets.
L’impact environnemental de l’AP-HP est donc très conséquent, d’autant plus que du côté immobilier,
l’AP-HP représente plus de 3,5 millions de m² de bâtiments hospitaliers, répartis sur 460 hectares, et
donc autant de surfaces à chauffer. En plus de ces bâtiments réservés au soin, l’institution est le 4 ème
propriétaire foncier d’Ile de France, et gère un patrimoine très étendu et diversifié implanté sur 29
départements en France métropolitaine et 127 communes.
58 AP-HP, L’AP-HP, une institution de référence : proximité, modernité, excellence et Faits et Chiffres
52
Le défi est donc d’ampleur à l’AP-HP, et une simple mesure de développement durable
nécessite une logistique importante pour être déployée. Mais le corolaire est que l’impact de ces
mesures est lui aussi quantitativement important, et que l’effet de levier à la clef est donc prometteur et
motivant.
2.1.1.2 L’hétérogénéité de l’institution
La grande hétérogénéité de l’institution est un défi supplémentaire que la spécificité de l’AP-
HP pose au management durable. Et cette hétérogénéité s’exprime dans différents domaines, de la
conception architecturale des différents bâtiments aux activités qui y sont pratiquées.
Au niveau architectural tout d’abord, l’AP-HP compte des bâtiments à l’ancienneté et à la
configuration très diverses, dont les enjeux en terme de « développement durable » ne sont pas les
mêmes. L’hôpital Lariboisière a par exemple été conçu selon les principes architecturaux et
fonctionnels prônés dès la fin du XVIIIe siècle (segmentation des bâtiments indépendants mais reliés
par des galeries, refus des grandes concentrations, attention portée aux problèmes de ventilation, etc)
Quant à l’hôpital pédiatrique de Trousseau (1901), il répond à la catégorie des « hôpitaux
pavillonaires », car la découverte de la transmission des germes est venue entre temps révolutionner la
conception hospitalière, et favoriser les compositions architecturales mieux intégrées dans leur
environnement, avec notamment des hôpitaux conçus comme de petits quartiers ou même des cités-
jardin.
A l’opposé, les hôpitaux de la première moitié du XXe siècle ont été conçus après les premières
grandes victoires contre la contagion hospitalière, venues remettre en cause le principe de l'isolement
et de la limitation des étages. La découverte des antibiotiques a progressivement eu raison des
hôpitaux villas, et à Beaujon (1932) par exemple, les pavillons se superposent pour donner naissance
aux niveaux. C’est l’ère de l'hôpital bloc, qui s’intègre certes souvent moins bien dans son
environnement mais est par exemple plus facile à chauffer.
Suit l’ère des bâtiments très fortement technologiques comme Henri Mondor (1969) ou encore
Antoine Béclère (1971), qui succèdent à la réforme hospitalo-universitaire de 1958 qui fait de l'hôpital
un lieu de soins, de recherche et d'enseignement. Enfin, après les années 1980, les architectures sont
davantage conformes à « l’esprit » du développement durable, puisque, les concepteurs d'hôpitaux
tentent de concilier la fonctionnalité et l'humanisation. Ils choisissent par exemple de prolonger la ville
dans l'hôpital en organisant les fonctions le long d'une vaste rue intérieure, comme à l’hôpital Robert
53
Debré (1982), où un soin particulier est apporté à l'ambiance interne et à l'éclairage naturel. Ou encore
d’imaginer un ensemble de bâtiments reliés les uns aux autres par des cours intérieures, comme à
l’hôpital européen George Pompidou (2001), qui s’organise autour d’une rue hospitalière piétonne
couverte d'une verrière reliant les trois entrées de l'établissement, et s'appuie sur quatre principes
majeurs : ouverture, fonctionnalité, confort, sécurité.
L'hétérogénéité de l'AP-HP concerne également la situation géographique des différents sites.
Plus de mille kilomètres séparent en effet le site de Berck dans le Pas de Calais du site de Hendaye,
dans les Pyrénées Atlantiques. Outre l'éloignement, les différences de situations locales jouent
également. La problématique n'est en effet pas du tout la même pour les hôpitaux situés en plein cœur
de Paris qui connaissent des problématiques de surface – qui compliquent l'entreposage et la mise en
place de nouvelles filières déchet - mais sont souvent très bien desservis par les transports en commun,
et les hôpitaux situés dans des zones moins densément construites et desservies.
Enfin, les activités des différents hôpitaux sont également très variées, et ne posent pas les
mêmes problématiques. Les sites dont les activités MCO (médecine – chirurgie – obstétrique)
représentent entre 0 et 10% de l'activité totale (12 sites sur 37) sont par exemple beaucoup moins
consommateurs d'énergie par lit, et de matériel à usage unique et donc en moyenne moins producteurs
de déchets que les sites axés sur une activité de court séjour et dont 60% à 100% de l'activité est
médicale, chirurgicale ou obstétrique.
L’AP-HP compte également des sites très spécialisés et dont les problématiques en terme de
développement durable sont donc tout à fait spécifiques. C’est le cas par exemple de l’AGEPS
(Agence Générale des Equipements et Produits de Santé), chargée de l’évaluation et de l’achat des
produits de santé utilisés par les 37 hôpitaux de l’institution, mais également de la recherche, de la
fabrication et du contrôlé de médicaments indispensables mais non proposés par l’industrie
pharmaceutiques, souvent parce qu’ils concernent des maladies rares et ne sont donc pas jugés
rentables par les laboratoires pharmaceutiques. L’AGEPS génère par exemple des déchets chimiques
particulièrement toxiques, ainsi que des déchets anatomiques, puisque l’école de chirurgie de l’AP-HP
y est rattachée fonctionnellement. L’AP-HP comprend également deux sites de blanchisserie, dont
l’activité et l’organisation du travail correspondent à une activité industrielle.
Enfin, les sites purement administratifs, comme c’est le cas du siège situé en face de l’Hôtel de ville à
Paris, représentent également un enjeu tout autre du point de vue environnemental : il est vide la nuit,
ne produit pas de déchets infectieux, etc.
54
2.1.1.3 Le contexte budgétaire et la réorganisation de l’AP-HP
Outre le gigantisme et la grande hétérogénéité de l'institution, le contexte actuel est également
très peu propice au développement durable à l'AP-HP, du fait à la fois des restrictions budgétaires et
de la réorganisation de l'AP-HP en cours.
Avec un déficit de plus de 96 millions d'euros en 2009, l'AP-HP a en effet annoncé en janvier
2010 un plan d'économie qui vise à économiser entre 90 et 100 millions d'euros par an d'ici 2012 dans
l'optique de parvenir à l'équilibre budgétaire, et qui repose notamment sur la suppression de 3000 à
4000 postes.
Or la contrainte financière a été brandie comme le principal obstacle au développement durable par la
quasi totalité des directeurs de groupements hospitaliers interrogés: « Il y a bien une limitation
financière: les dotations du plan de travaux ont été divisées par cinq et celles du plan d’équipement
par 4.» a expliqué l'un d'entre eux, d'autres directeurs reconnaissant également que « le contexte
budgétaire actuel ne facilite pas forcément la rencontre des deux problématique » ou encore que « le
développement durable est une problématique importante mais [qu']en même temps, dans une logique
de décroissance des ressources, c'est très compliqué d'en faire un principe clé ».
Jean-Rémy Bitaud, le directeur du projet « management durable » de l’AP-HP, a d’ailleurs lui-même
précisé que « le frein est la problématique économique : c’est le pilier qu’on nous oppose le plus
souvent, c’est celui sur lequel tout n’est pas si simple ».
En plus des restrictions budgétaires, l'AP-HP est également actuellement sujette à de
nombreuses réorganisations internes. La création de 12 groupes hospitaliers a notamment été finalisée
en novembre 2010 et devrait être pleinement opérationnelle à l'horizon 2011, et doit permettre un
meilleur pilotage de l'institution, une meilleure visibilité pour la population et les professionnels de
santé et une cohérence accrue sur le plan des filières de soins et de leur ancrage territorial.
Par ailleurs, d'ici à 2020, l'AP-HP pourrait réduire de quelques sites le nombre de ses hôpitaux. De
nombreuses réorganisations sont envisagées, dont le regroupement des services de chirurgie de
l'Hôpital Cochin et de l'Hôtel Dieu, ou encore les services ORL de l'Hôpital Saint-Louis et de
Lariboisière.
Ces réorganisations sont aussi de nature à détourner les acteurs hospitaliers de l’objectif du
développement durable, car elles sont très chronophages et demandeuses d’attention et d’énergie. L'un
des directeurs de GH interrogé a ainsi déclaré : « pour être très honnête, je suis en ce moment
55
franchement plus concentré sur des grosses réorientations stratégiques que sur la question du
développement durable ».
Egalement, les réorganisations entraînent des ajustements en terme de ressources humaines, peu
favorables au management durable. Un directeur de groupe hospitalier a ainsi affirmé que « la
constitution des groupes hospitaliers et les suppressions de postes amènent à repositionner des agents,
parfois sur des thèmes qu'ils ne maîtrisent pas ». De surcroît, certains postes de management sont
dorénavant centralisés au niveau du groupe hospitalier et non plus au niveau des sites, ce qui permet
de réduire les effectifs, mais pose des problèmes au niveau du suivi sur le terrain des activités, puisque
les personnes en questions doivent en permanence se partager entre plusieurs sites. Cela pose
d’ailleurs également un problème en terme de conditions de travail, car l'objectif de maîtrise de la
masse salariale génère des suppressions de poste avec report de la charge de travail.
De nombreux obstacles existent donc à la conduite du management durable à l’AP-HP, sans
pour autant éliminer toute marge de manœuvre. C’est ce qu’illustre notamment les propos de ce
directeur de groupement hospitalier, déclarant que son budget a été divisé par 4 entre 2010 et 2011, et
qu'il en a touché la moitié à peine au mois de mai, et donc « pare forcément au plus pressé », mais
affirmant ne pas rester pour autant les bras croisés : « on remplace par exemple toutes les ampoules
par de la basse consommation ».
Les difficultés supplémentaires que rencontrent l’AP-AP dans sa politique de management durable ne
sont donc pas une fatalité, et invitent au contraire à être d’autant plus méthodique et créatif.
2.1.2 Relever le défi du management durable à l’AP-HP
L'ambition est clairement affichée de ne pas faire « du cosmétique pour faire 'positif' au milieu
du bouleversement actuel de l'AP-HP : ce sont des préoccupations réellement importantes » a rappelé
Jean-Rémy Bitaud le 4 avril 2011, en ouverture d'une après-midi de travail réunissant les référents
développement durable des différents groupements hospitaliers de l'AP-HP.
La démarche de management durable de l’AP-HP repose en effet sur plusieurs années de travail
(2.1.2.1), sur une méthode bien définie (2.1.2.2) et sur un plan ambitieux (2.1.2.3).
56
2.1.2.1 La mise en place progressive du développement durable à
l’AP-HP
Selon Jean-Rémy Bitaud, l’un des éléments déclencheur a été le colloque « performance
hospitalière et management durable: faire plus avec moins ? » organisé par l'association des anciens
élèves de l'EHESP en 2007. Quelques semaines plus tard, le Directeur Général de l'époque Benoît
Leclerc – qui vient alors de l'hôpital de Lyon où il a eu l'occasion d'initier quelques projets, dont un
Plan de Déplacement en Entreprise -, lui propose de réfléchir à une politique de management pour
l'AP-HP.
Les années 2007/2008 sont donc celles de l'initialisation du management durable à l'AP-HP: un « Plan
d’action management durable » est mis sur pieds et la méthodologie est définie. Puis l’année 2009
figure la phase de consolidation, au cours de laquelle les signes tangibles d'une nouvelle attitude
apparaissent, à l’image du papier recyclé. De nouvelles stratégies sont également mises en œuvre en
référence au développement durable, qui concerne notamment la gestion du patrimoine (dépendance
énergétique, bilan carbone, référentiels/standards...) et la gestion logistique (déchets, blanchisserie,
flotte automobile).
L'année 2010, est ensuite placée sous le signe de l'extension de la démarche et de sa transcription dans
le corpus de gestion : les référents « développement durable » de chaque groupement hospitalier
préparent un Plan d'Action Local qui sera opposable aux visiteurs de la HAS, la communication et
l'information des instances (CTEC, CHSCT, etc) est améliorée, et un site Intranet « Management
Durable » est ouvert, qui se veut un lieu de partage d'expérience. L’impulsion est donnée par le
Directeur Général, qui écrit dans une note à l’attention des Directeurs de groupes hospitaliers : « il
nous faut aujourd’hui aller plus loin et plus vite dans notre engagement. L’état des lieux montre en
effet une réalité contrastée. De nouvelles orientations s’imposent pour ancrer le management durable
dans notre corpus de gestion ».
Pour finir, l'accent est mis en 2011 sur la décentralisation et le prolongement de l'action initiée. L'idée
est de mobiliser, d'accélérer et de consolider la démarche, notamment grâce à la formation. Et de
transcrire les évolutions du contexte hospitalier : lois du Grenelle de l'Environnement, deuxième plan
national santé environnement, certification V2010 qui commence cette année à l'AP-HP et durera
jusque 2013, convention conclue entre le ministère du développement durable et les fédérations
hospitalières, etc.
57
2.1.2.2 La méthode
La politique de Management Durable a donc été progressivement mise en place depuis 2008,
selon une méthode bien précise.
Tout d’abord, le « Plan d’action management Durable de 2008 » précise qu’elle se concentre sur 5
objectifs clairement énoncés : atteindre la Haute Qualité Environnementale (HQE) ; maitriser les
énergies ; maitriser et valoriser les déchets, développer une politique d’achats éco-responsables et
enfin intégrer la dimension sociale.
Le travail sur ces objectifs s’appuie par ailleurs sur trois leviers. Premièrement, le plan stratégique, qui
se veut inspiré et imprégné des principes du développement durable. Deuxièmement, le management,
qui a vocation à être développé par le recours aux moyens modernes de communication (e-
mangement). Et troisièmement, la communication de l’institution, dont l’objectif est d’adopter les
règles de l’éco-communication, en concevant, réalisant et imprimant notamment toutes les
publications dans une démarche environnementale (format, papier recyclé, encres, film de protection
biodégradable, etc).
Le mode de pilotage adopté a été résumé par Jean-Rémy Bitaud en deux mots lors de son
entretien : « Humilité et Modestie ». Il s’agit de mener une politique volontariste qui ne passe pas pour
autant par la contrainte, et d’avoir une conduite de projet allégée, qui prenne appui sur l’existant.
En 2010, la gouvernance du projet management durable a été formalisée autour d’un Comité de
Pilotage Management Durable présidé par le Directeur Général et composé du directeur de projet
(Jean-Rémy Bitaud), des directeurs ou de leurs représentants directement impliqués, des directions
fonctionnelles parties prenantes au plan d’action (DITMS, DPFLL, DRH, DPM, DEF), et enfin des
représentants des groupes hospitaliers « choisis dans un premier temps parmi les plus engagés ». Ce
comité a pour rôle de valider les orientations nouvelles de notre politique et d’en évaluer les impacts,
d’impulser l’action, de servir de relais.
Chaque directeur est par ailleurs invité à constituer dans son groupe une instance de pilotage du même
type, et à désigner au sein de son équipe de direction un « coordonateur du développement durable »,
qui soit un interlocuteur identifié pour le chef de projet « Développement durable » de l’AP-HP. Un
« réseau de référents développement durable » a ainsi été constitué, qui se réunit régulièrement sous la
présidence de Jean-Rémy Bitaud, et tient lieu à la fois de relais d’action et de vecteur de projets. Afin
de capter toutes les bonnes volontés, ce réseau est ouvert à tous ceux qui souhaitent y apporter une
contribution.
58
Les directeurs sont enfin priés d’élaborer un plan de développement durable à l’échelle de leur
groupe hospitalier, dont la mise en œuvre a vocation à être coordonnée par le « référent
développement durable » désigné au sein de l’équipe de direction. La consigne donnée par le directeur
général dans sa note de juillet 2010 est sans ambigüité et reprend les trois piliers du développement
durable : « Cette déclinaison locale doit s’inscrire dans la recherche d’une conjugaison réussie des
approches économiques et environnementales, telles que la maitrise des énergies, la politique de
l’eau, la politique éditique (maitrise des consommations de papier, réduction du nombre
d’imprimantes…), la valorisation et la maitrise des déchets, la rationalisation de la flotte
automobile… Elle prendra également en compte la dimension sociale, au travers notamment d’un
Plan Déplacement d’Entreprise (PDE) de groupe hospitalier. »
2.1.2.3 Le « Plan d’action management durable » (PAMD) et son
bilan
Au regard des enjeux et de la spécificité de l’institution, une approche centralisée et un mode de
pilotage souple ont donc été retenus.
Présenté en décembre 2007 à l’occasion du séminaire du Conseil d’administration de l’AP-HP, le
PAMD, plan d’action pluriannuel, a été placé sous la responsabilité opérationnelle des directions
centrales, et déployé en avril 2008. Il prévoyait à l’époque une quarantaine d’actions, classées en 8
catégories (5 objectifs et 3 leviers). Ambitieux, il a pour partie atteint ses objectifs, et a donc été ajusté
en 2010. Le PAMD 2010 est ainsi recentré sur 7 objectifs (le plan stratégique, adopté en 2010, ne
faisant plus partie des leviers disponibles).
La troisième et dernière partie de ce mémoire dressera un bilan global de la politique de
management durable de l’AP-HP, mais il convient, avant de passer aux observations de terrain,
d’évaluer l'état de mise en œuvre du PAMD.
La note signée en juillet 2010 par le directeur général de l’époque Benoît Leclerc résume assez bien la
situation : « le PAMD engagé en 2008 affirmait une ambition forte. Il a permis de changer d’attitude
mais présente des résultats contrastés ».
L’institution a en effet adopté une attitude engagée, et ce sur plusieurs points : les achats centraux
intègrent dorénavant des critères de développement durable, la dématérialisation progresse, la HQE est
59
intégrée en matière de construction, le Plan Stratégique 2010-2014 comporte plusieurs références
formelles au développement durable dans ses volets management , ressources humaines , logistique et
immobilier, l’APHP a engagé une démarche de Plan Déplacement d’Entreprise (PDE) et un bilan
carbone a été engagé fin 2009 concernant le Siège, la fonction linge et la maternité de Bicêtre, dans le
but de doter l’AP-HP de méthodes et d’outils spécifiques et généralisables.
L’attitude et les démarches des sites au regard du développement durable est cependant très
hétérogène, et la culture du management durable peine encore à s’imposer. La note de juillet 2010
rappelle notamment que « le score 2010 du baromètre du développement durable de l’AP-HP, bien
qu’honorable, montre le chemin restant à parcourir pour ancrer le management durable dans notre
corpus de gestion. ». Elle cite également toute une série de domaines (déchets, rationalisation de la
flotte automobile, maitrise de la consommation d’énergie) pour lesquels la démarche développement
durable reste à concrétiser, avant de préciser qu’ « il nous faut dans ces domaines agir de manière
plus volontariste » et « qu’ils ne sont pas les seuls ».
L’AP-HP semble dont être au milieu du gué : les objectifs sont définis, la méthode précisée et
les projets lancés, mais les résultats concrets sur le terrain tardent à se faire ressentir. Comme l’a
expliqué l’un des directeurs de groupe hospitalier interrogé par téléphone : « on ne peux pas dire qu’il
y ait eu un changement colossal. Si changement il y a, il concerne plus l’état d’esprit et les mentalités,
pas les actes ».
Pour déterminer l’importance de l’écart entre les objectifs et la réalité, seul un travail de terrain permet
de départir l’intuition des faits objectifs. C’est l’objet de l’étude de cas présentée ci-après, qui porte sur
la politique des déchets de l’AP-HP, et plus précisément sur les déchets infectieux et sur le carton.
2.2 Etude de cas : la politique des déchets à l’AP-HP
Les déchets sont une des problématiques essentielles du développement durable en
établissement de santé, et « maîtriser et valoriser les déchets » fait d’ailleurs partie des 5 objectifs du
Plan d’Action Management Durable de l’AP-HP. Par ailleurs,, la thématique des déchets est intégrée
60
dans un programme institutionnel sur la performance des fonctions logistiques, piloté par le siège en
étroite collaboration avec les groupes hospitaliers. En plus d’être l’un des critères de la certification
des établissements de santé, la gestion des déchets constitué un réel enjeu économique, écologique et
de sécurité des personnels de santé et plus largement du grand public.
Tout d’abord, l’enjeu économique est manifeste : l’AP-HP produit annuellement 46 800 tonnes de
déchets, et dépense entre 13 et 14 millions d’euros par an pour leur traitement. Mais les déchets sont
également un enjeu environnemental, puisque comme cela a déjà été évoqué dans la première partie,
une grosse partie des déchets générés par l’activité hospitalière est dangereuse pour l’environnement,
et ce sans compter que tous les déchets, même ceux qui sont jugés non-dangereux, ont un impact
environnemental direct ou indirect : celui de leur transport et de leur traitement en aval, celui des
ressources ayant été mobilisées, voire détruites dans leur processus de production en amont. Enfin, la
problématique sociale existe également en matière de déchets d’activité de soin, puisque la maîtrise de
l’hygiène dans les unités de soins et celle de la sécurité des personnes entrant en contact avec ces
déchets tout au long de la filière y sont étroitement liés
Il existe plusieurs catégories de déchets. En fonction de leurs caractéristiques, les enjeux se
posent et se hiérarchisent de manière très différente. Deux types de déchets seront ici analysés : les
DASRI, et un déchet ménager valorisable : le carton.
1.1 Les déchets d’activité de soin à risque infectieux et assimilés
(DASRIA) à l’AP-HP
Les déchets d’activité des soins sont des « déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et
de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et
vétérinaire »59. Il se divisent en plusieurs catégories, parmi lesquels les déchets assimilables aux
ordures ménagères, les déchets à risque chimique ou toxique, les déchets radioactifs, les déchets
industriels banals et les déchets d’activité de soin à risque infectieux et assimilés (DASRIA), sur
lesquels vont porter les réflexions à suivre.
Les DASRIA sont des déchets d’activité de soins qui « présentent un risque infectieux, du fait qu’ils
contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes
raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la
59 Art R.1335-1 du Code de la santé publique
61
maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants »60 Le Code de la Santé publique précise
également que même en l’absence de risque infectieux, les matériels ou matériaux piquants, coupants,
ou tranchants (PCT), les produits sanguins à usage thérapeutique et les déchets anatomiques humains
sont considérés comme des DASRIA.
Les DASRIA sont donc soit des PCT, soit des déchets qui constituent, de par leur caractère infectieux,
un réservoir de micro-organismes potentiellement dangereux susceptibles d’infecter non seulement les
malades hospitalisés et les agents de santé, mais également le grand public. Les DASRIA peuvent
entraîner une contamination éventuelle de la personne exposée par un contact manuel (infection sur la
peau lésée, contamination de la muqueuse digestive), ou par inoculation lors d’une blessure. Il existe
également un risque traumatique lié à une lésion de la peau (coupure, piqure) en l’absence de germe
pathogène. Le risque psycho émotionnel, souvent négligé, est lié à l’angoisse ressentie par les
personnes confrontées à l’éventualité d’une contamination par des matériels souillés ou par du sang
(Tétanos, VHB, VHC, VIH).
1.1.1 Des déchets à la gestion étroitement réglementée
S’ils constituent une part mineure de la production annuelle de déchets (environ 160 000
tonnes, soit 20% du gisement global de déchets produits en France), les risques qu’ils représentent en
termes de santé humaine et d’impact environnemental impliquent que les DASRIA soient identifiés
comme des déchets dangereux et orientés vers des filières d’élimination spécifiques étroitement
encadrées par le Code de l’environnement61 et le Code de la Santé Publique62, qui régissent à la fois
leurs conditions d’entreposage, d’enlèvement, de transport et de traitement.
L’hôpital est responsable de ses déchets jusqu’à leur élimination, même si les opérations
d’enlèvement, de transport et de traitement sont la plupart du temps externalisées ou gérées sus le
mode de marchés de concession. C’est donc l’entreposage et les circuits qui requièrent plus
particulièrement l’attention des acteurs hospitaliers.
60 R 1335-1 du Code de la santé publique
61 Article 541-262 Articles R 1335-1 et suivants
62
La réglementation de l’entreposage des DASRI
La réglementation relative aux modalités d'entreposage des déchets d'activités de soins à
risques infectieux et assimilés (DASRIA) est fixée par un arrêté du 7 septembre 1999. Depuis 2001,
ces locaux doivent respecter un certain nombre de règles techniques.63
En plus de devoir respecter le délai légal de 72 heures maximum entre la production effective des
DASRIA et leur incinération ou prétraitement par désinfection (article 2), les DASRI doivent être
entreposés dans des locaux répondant aux caractéristiques suivantes :
Etre réservé à l'entreposage des déchets (et pouvant servir, le cas échéant, à l'entreposage des
produits souillés ou contaminés)
Comporter, sur la porte, une inscription mentionnant leur usage (cette inscription doit être
apposée de manière apparente)
Disposer d’une surface adaptée à la quantité de déchets et produits à entreposer ;
Ne recevoir que des déchets préalablement emballés.
Faire l’objet d’une distinction «évidente » entre les emballages contenant des déchets
d'activités de soins à risques infectieux et assimilés et les emballages contenant d'autres types
de déchets
Etre implantés, construits, aménagés et exploités dans des conditions offrant une sécurité
optimale contre les risques de dégradation et de vol ;
Etre identifiés comme à risques particuliers au sens du règlement de sécurité contre les risques
d'incendie ;
Etre correctement ventilés
Etre correctement éclairés
Permettre une protection des déchets contre les intempéries et la chaleur ;
Etre munis de dispositifs appropriés pour prévenir la pénétration des animaux ;
Disposer d’un sol et de parois lavables ;
Faire l'objet d'un nettoyage régulier et chaque fois que cela est nécessaire.
63 L’article 14 de l’arrêté du 7 septembre 1999 précise en effet que les locaux d’entreposage intermédiaire des déchets « doivent être conformes aux dispositions de cet article 8 dans un délai maximum de deux ans après la publication du présent arrêté au Journal officiel de la République française ».
63
Par ailleurs, les locaux d’entreposage ne se situant pas à l’intérieur des unités de soins des
établissements de santé doivent être dotés d'une arrivée d'eau et d'une évacuation des eaux de lavage
vers le réseau des eaux usées dotée d'un dispositif d'occlusion hydraulique conformes aux normes en
vigueur. Le robinet de puisage doit également être pourvu d'un disconnecteur permettant d'empêcher
les retours d'eau.
Visite technique de l’hôpital xxx et vérification du respect de la
réglementation
Dans le cadre d’une étude portant sur la conformité des locaux et autres lieux d’entreposage
des déchets du site, deux visites techniques ont été effectuées – durant la période réglementaire du
stage - à l’hôpital xxx.64
La réglementation étant assez floue sur différents points, il a tout d’abord fallu procéder à des
interprétations. Il a ainsi été considéré qu’un « nettoyage régulier et chaque fois que cela est
nécessaire » correspondrait à un bio nettoyage du sol et des poignées de porte une fois par jour et des
murs une fois par mois ; et qu’un local serait considéré comme « offrant les conditions d’une sécurité
optimale » s’il était fermé à clef ou protégé par un digicode.
L'annexe n°5 détaille les observations et les conclusions de l'audit interne. Il a été recensé une
zone d’entreposage centralisée des GRV et vingt-deux zones d’entreposage intermédiaire des
DASRIA. Or un examen attentif de chaque zone au moyen d’une grille d’analyse (annexe n°4) a
révélé qu'aucune d'entre elle n'était conforme à la réglementation.
Les six zones d'entreposage intermédiaire situées en extérieur sont tout d'abord totalement accessibles
(les GRV sont laissé dehors, sans aucune protection, et sont même la plupart du temps laissé grand
ouverts), ce qui pose des problèmes évidents de sécurité.
Sur les seize autres zones d'entreposage intermédiaires, qui sont donc localisées à l'intérieur des
bâtiments, neuf concernent des dépôts de déchets infectieux dits « dans les circulations », c'est à dire
que les sacs sont déposés dans des GRV mais que ces GRV ne sont pas entreposés dans un local mais
dans un couloir, sans aucune protection, ce qui est également non conforme.
64 Cet hôpital de l’AP-HP restera anonyme tout au long de l’étude pour des raisons de confidentialité de cette enquête interne à l’institution.
64
Pour les sept entreposages intermédiaires restants, ils sont bien situés dans des locaux, mais aucun ne
respecte toutes les dispositions fixées par l'arrêté du 7 septembre 1999. Aucun n'est par exemple
« aménagé dans des conditions offrant une sécurité optimale contre les risques de dégradation et de
vol » (article 8 alinéa 3) puisqu'aucun ne ferme à clef ni n'est muni d'un digicode. Deux sont même en
permanence laissés grand ouvert : l'un parce que la mauvaise disposition des GRV bloque la fermeture
de la porte ; l'autre parce que sa porte est maintenue ouverte par une ventouse, car c'est une porte
coupe feu (ce qui est totalement inapproprié et souligne l'incohérence qui existe parfois entre sécurité
incendie et sécurité sanitaire.). De même, si la plupart des locaux sont correctement éclairés, protégés
contre les intempérie, la chaleur et la pénétration des animaux, les parois des locaux posent dans cinq
cas sur six un problème de conformité, en raison de l’état très moyen de leur peinture, ainsi que du sol
pour l’un d’entre deux. Enfin, bien que le ménage soit en théorie fait tous les jours dans les locaux,
l’état de certains d’entre eux au moment de la visite laisse à penser que cette fréquence n’est pas
respectée.
L’hôpital xxx pose donc un problème de conformité dans l’entreposage de ses DASRIA, ce
qui n’a d’ailleurs pas été relevé par la HAS au moment de sa visite. Il est clair que les conditions de
propreté des locaux ont par exemple pu être meilleures à cette occasion, mais le fait que seulement six
zones d’entreposage sur vingt-deux se situent effectivement dans un local aurait du alerter l’organe de
certification, ce qui interroge sur la perspicacité des auditeurs et sur l’honnêteté de l’auto-évaluation
rendue par l’hôpital à l’époque.
Ce cas pratique souligne en tout cas que même si les hôpitaux publics sont censés avoir une gestion
durable de leurs déchets infectieux du fait d’une réglementation vielle de plus de dix ans, leurs
pratiques sont encore améliorables en la matière. Certes, un exemple ne fait pas la règle, mais sur les
trois sites visités en cours de stage, aucun ne comportait en effet une majorité de locaux en conformité,
et cette observation est loin d’être spécifique à l’AP-HP.
Toutefois, il faut reconnaître que des efforts ont été faits depuis la loi de 1975 – la première à régir les
déchets infectieux -, et les hôpitaux publics ont donc bel et bien fait du développement durable avant
d’en avoir conscience, tel Monsieur Jourdain avec la prose.
1.1.2 Une problématique économique majeure
Au même titre que l’entreposage, le tri est au centre des préoccupations des « responsables
déchets » des différents sites hospitaliers.
65
Le tri à la source consiste, dans les filières de soin et pour tous les personnels médicaux et soignants, à
séparer ses déchets entre les sacs jaunes destinés aux déchets infectieux et les sacs noirs destinés aux
DAOM. Les PCT sont par ailleurs récupérés dans de petits containers en plastique, afin d’éviter que
les sacs ne soient transpercés ou que les agents ne se blessent en les transportant.
L’importance du tri à la source
Aujourd’hui, rares sont les accidents d’expositions à un risque infectieux dus à la présence de
déchets à risque infectieux dans les ordures ménagères. La présence des sacs jaunes et l’obligation de
jeter les déchets infectieux à l’intérieur semble en effet tout à fait intégrée par les personnels
hospitaliers. Cependant, la qualité du tri à la source est devenu un enjeu majeur dans les hôpitaux
publics.
En effet, le problème du tri a laissé la place à un problème de sur-tri : trop souvent, des déchets
assimilables aux ordures ménagères sont jetés dans les sacs réservés aux DASRI. Cela ne représente
certes pas de danger immédiat : les déchets concernés font au contraire l’objet de plus de précautions
que cela n’aurait été nécessaire. Mais le sur-tri est toutefois dommageable, et ce à deux titres.
D’une part, ces déchets feront l’objet d’une attention inutile (transport et manutention extrêmement
sécurisés, incinération à 850 degrés contre 300 à 500 degrés s’ils avaient été jetés dans un sac noir).
Cela engendre donc un gaspillage d’énergie (y compris d’énergie humaine), qui s’inscrit forcément en
faux vis-à-vis du développement durable.
D’autre part (et cela en est la conséquence directe) ; l’impact économique du sur-tri est très lourd pour
les hôpitaux. On estime en effet qu’une tonne de DAOM coûte à l’hôpital 130 euros pour son
élimination, tandis que ce coût s’élève à plus de 600 euros pour une tonne de DASRI : c’est 8 millions
d’euros que l’AP-HP consacre chaque année à l’élimination de ses DASRI, contre 4,5 millions pour
l’élimination de ses DAOM. Les DASRI représentent en conséquence 49,5% des dépenses
annuellement consacrées par l’institution pour ses déchets, alors qu’ils ne représentent que 17,5% des
déchets produits.
Etant donné la vigueur avec laquelle se manifeste actuellement la contrainte budgétaire à
l’APHP comme dans les autres hôpitaux publics, les DASRI sont donc devenus un enjeu
particulièrement surveillé, ce qui amène les établissements de santé à traiter – même indirectement - la
question du développement durable, qui rappelons-le comprends l’idée de bonne utilisation des
ressources (naturelles comme financières).
66
A l’AP-HP, on estime que les DASRIA représentent un potentiel d’économies de 800 à 900 000 euros
par an pourvu que la qualité du tri dans les services s’améliore, ce qui amène la Département de la
politique logistique et les services économiques des hôpitaux à se pencher sur la question.
Sur-tri et pratiques professionnelles
Un audit a ainsi été initié à l’AP-HP, avec pour objectif d’améliorer les pratiques
professionnelles de tri dans différents établissements de l’institution. L’objectif, dans les
établissements où les activités MCO sont majoritaires, est d’arriver à un taux de tri65 de 20%
La démarche se concentre sur les sept hôpitaux où l’on observe les taux de tri les plus élevés (et que
l’on considère donc en situation de « sur-tri »), car ce sont ceux dont le potentiel de progression - et
donc d’économies -, est le plus élevé.
Par ailleurs, afin de ne pas se contenter de fixer des objectifs, la DPL s’est lancée dans un travail
minutieux d’audit des secteurs de soins des hôpitaux concernés, afin de dresser un diagnostic complet
de la situation et de proposer des plans d’action aux acteurs des hôpitaux.
L’audit de ces sept sites prend la forme de demi-journées d’observation des soins (reportées
sur des grilles telle que celle qui figure en annexe n°2) dans des services sélectionnés en fonction de
leur diversité mais également de l’accord de leurs responsables. Ces observations sont doublées de
questionnaires d’autoévaluation remplis par les personnels des services audités.
Au total, si l’on se concentre sur l’hôpital xxx – qui faisait également partie du panel -, cinq demi-
journées ont été passées dans les services suivants : réanimation, hépato-gastrologie, bloc orthopédie,
bloc neuroradiologique et enfin salle de naissance. Sur les 90 questionnaires prévus, soixante-dix-sept
ont été récoltés et analysés.
L’analyse des grilles d’observation comme des questionnaires d’auto-évaluation laisse
apparaître des résultats plutôt mitigés.
65 Le taux de tri est calculé de la manière suivante : ratio comportant au numérateur le tonnage de DASRi et au dénominateur le tonnage total de cartons, DAOM, papier et DASRI.
67
En ce qui concerne la question très peu ambigüe des déchets type « emballages », qui sont à jeter dans
les sacs poubelles DAOM, seuls 64% des répondants à ce point de l’auto-évaluation (46 personnes)
ont affirmé les traiter comme des ordures ménagères. Cela signifie donc que plus de 25% des
personnels jettent leurs emballages dans les sacs jaunes réservés aux DASRI, ce qui a été corroboré
par l’observation dans les services car sur les dix-sept jets d’emballages observés, seulement douze ont
été conformes. La cas des emballages est important, car ils font partie des déchets pour lesquels le taux
de conformité pourrait être très facilement amélioré, les emballages ne posant aucune difficulté à être
repérés et triés au moment du geste de soin. En effet, l’emballage est souvent retiré avant le soin, et
donc à un moment où l’attention peut être très bonne. Les fautes relèvent en fait souvent d’erreurs
d’attention (des personnels ont été observés en train de jeter successivement dans des poubelles
différentes le même type de déchet, sans raison particulière) ou alors du manque de supports de tri à
proximité (présence uniquement d’un sac jaune).
D'autres « mauvais scores » s'expliquent par la relative ambigüité du protocole de tri des déchets
l'établissement à leur sujet : 66% des répondants au questionnaire d'auto-évaluation ont ainsi affirmé
jeter les poches à urine vides dans les sacs jaunes (DASRI), alors que cela ne se justifie pas. Or le
protocole n'offre pas de consignes claires concernant ce dispositif.
De surcroît, la méconnaissance du protocole est aussi soulevée. On constate en effet par exemple que
les déchets des protections féminines et des couches – mentionnées dans le protocole comme relevant
des DAOM – sont jetés dans les DASRI par un répondant sur deux pour les protections féminines, et
par 43% des répondants pour les couches. La réglementation est en fait assez subtile en ce qui
concerne les déchets souillés de sang, car elle instaure une distinction entre les saignements dits
« naturels » de ceux qui ne sont pas habituels. Les saignements très abondants ainsi que les
saignements résultant d'une activité chirurgicale ou de soin transforment donc tout ce avec quoi ils
entrent en contact, en futurs DASRI ; Les protections féminines doivent donc, comme c'est le cas chez
les particuliers, être considérés comme des ordures ménagères.
Il faut l'avouer, cette démarche peut paraître ambiguë, et une casaque stérile ou un champ opératoire
pratiquement vierges seront parfois jetés dans un sac jaune sans inspection préalable (par manque de
temps) car ils risquent d'avoir été légèrement souillés par quelques impacts de sang.
Du fait du caractère peu précis de la réglementation et par conséquent des protocoles de tri des
déchets des établissements de santé, un flou se crée chez les soignants, accentué par une insuffisance
avérée de formation. Seuls 10% des personnes interrogées ont en effet affirmé avoir reçu une
formation sur le tri des déchets d'activité de soin. Et ce flou ouvre la porte à de multiples
recompositions, chacun ayant à l’esprit sa propre interprétation des règles de tri.
68
Un exemple de cette confusion sur lequel même les hygiénistes ont du mal à donner des consignes
claires et intangibles est la poche de perfusion vide. Sur 63 répondants, 28 ont en effet déclaré les jeter
avec les DAOM, et 35 les traiter comme des DASRI. En théorie, ce sont des médicaments dilués, et
même parmi les traces restantes du contenant, la concentration médicamenteuse est donc très faible. Ils
devraient donc être considérés comme des DAOM, sauf dans le cas où la tubulure y est encore
attachée (qui elle est considérée comme un DASRI au titre au risque psycho-émotionnel), ou encore
dans les cas où un problème de piquant se pose. Le problème est qu'aucun protocole national précis
n'existe, et que chaque hôpital élabore son protocole selon son interprétation au regard de l’analyse
qu’il fait du risque. Cela explique la relative indécision des personnels quant à cette catégorie de
déchets de soin lors de leur auto-évaluation : 8 ne se sont pas prononcés (cette question recevant le
nombre le plus élevé de non réponse du questionnaire), 35 ont affirmé les jeter dans les DASRI et 28
dans les DAOM.
Quoi qu'il en soit, il y a également un problème d'appropriation et de transcription sur le
terrain des recommandations. La SFHH (société française d’hygiène hospitalière) a ainsi émis en 2009
de nouvelles recommandations dites PCC pour « précaution complémentaire contact »66, qui précisent
qu'il n’est pas nécessaire de mettre systématiquement dans les DASRI les déchets qui ont été au
contact des patients en « isolement ».
Or à l'occasion des observations, la question a été posée à une vingtaine de personnels soignants, dont
aucun n'a déclaré trier les déchets des patients placés en précaution complémentaire contact entre
DAOM et DASRI : tout est systématiquement rassemblé dans des sacs jaunes, ce que corroborent les
réponses récoltées par le biais de l'autoévaluation.
Certaines observations ont cependant été plus positives: seulement 11 personnels sur les 90
interrogées ont déclaré jeter les essuie-main (qui sont des DAOM car ont simplement servi à sécher les
mains après leur lavage) dans les DASRI , et 8 conformités sur 13 ont été constatées à ce sujet lors des
observations de terrain. De même, seulement 10 ont déclaré jeter les charlottes dans les DASRI et 14
pour les masques, 10 pour les blouses à usage unique et 11 pour les compresses non souillées. Ces
chiffres sont encourageants, mais laissent tout de même encore apparaître des marges de progression
non négligeables, afin que les bons gestes de tri à la source deviennent un réflexe.
66 SFHH, Prévention de la transmission croisée : précautions complémentaires contact- Recommandations nationales par un consensus formalisé d’experts, avril 2009
69
La mise en parallèle des résultats de l’audit sur les zones d’entreposage des DASRI et de celui sur le
tri des déchets d’activité de soin met plus largement en lumière de fortes marges de progression pour
l’hôpital xxx, ce qui donnera lieu à des réflexions ultérieures.
Mais il s’agit auparavant, après avoir étudié le cas des DASRIA - exemple d’axe de management
durable rendu obligatoire par la règlementation, d’étudier un exemple de politique de développement
durable volontariste : la mise en place d’une filière carton.
1.2 La filière carton
La filière DASRIA est une filière de tri des déchets que les hôpitaux sont règlementairement
obligés de mettre en place. Parallèlement, les hôpitaux mettent en œuvre toute une série de filières de
tri, certaines de manière obligatoire, d'autres de manière volontariste, dont la filière carton fait partie.
Il existe par exemple vingt-deux filières67 de tri en tout à l'APHP, réparties en 50 marchés.
Figure 3: Liste des filières de tri en place à l’AP-HP
Déchets assimilés aux déchets ménagers (DAOM)
Consommables informatiques et bureautiques en fin de vie
Déchets d’activité de soins à risque infectieux et assimilés (DASRIA)
Déchets issus des équipements électriques et électroniques (DEEE)
Papiers (dont papiers confidentiels) Déchets chimiques dangereux (DCD)
Cartons Tubes et lampes usagées
Verres Piles, batteries, accumulateurs et pacemaker
Bois Pièces anatomiques
Palettes Huiles techniques
Déchets verts Huiles alimentaires
Gravats Déchets issus du secteur dentaire
67 Ces vingt-deux filières ne sont pas présentes dans leur intégralité sur chaque site, mais l’hôpital de la
Pitié Salpêtrière les recense par exemple toutes.
70
Métaux (ferraille etc.) Déchets issus du secteur radiologique
Multi matériaux – encombrants (DIB) Déchets radioactifs
On estime aujourd'hui que l'AP-HP trie 18,8% (en poids) de ce qui est non-dangereux, c'est à
dire de la totalité de ses déchets hors DASRIA, déchets chimiques et déchets radioactifs. Cela est une
bonne base, mais que l'institution s'est fixé comme objectif de faire progresser par la mise en oeuvre
de nouvelles filières et par l'augmentation des gisements captés par les filières existantes. L'étude de la
mise en oeuvre de la filière carton offre un bon aperçu de la manière dont cet objectif est mis en
oeuvre et des difficultés qu'il soulève.
1.2.1 Les enjeux de la filière carton
Le recyclage des cartons est comme pour le papier et le plastique essentiellement orienté vers
la réintroduction de matière dans les circuits de fabrication. En effet, produire du carton à partir de
matériaux nobles neufs – c'est-à-dire du bois et des fibres végétales -, consomme beaucoup d'énergie
et génère des impacts environnementaux importants, ce qui conduit les industriels à réduire les intrants
nobles au profit de matières recyclées qui nécessitent beaucoup moins de transformation.
Les papetiers sont ainsi à la base d'un marché international très actif qui soutient une demande forte
pour les papiers et cartons propres et secs, triés par catégorie, broyés et mis en balle.
Cette filière de recyclage permet aujourd'hui aux papetiers d'intégrer dans les produits neufs entre 40
et 60% de matière issue du recyclage des papiers et cartons, ce qui a un impact favorable sur
l'environnement et sur les ressources naturelles. En effet, grâce à cet apport en matériaux recyclés, les
forêts dédiées au bois de trituration sont en décroissance nette, ce qui est positif car elles sont mono
spécifiques, donc à très faible biodiversité et soumises à coupes rases, ce qui est dommageable aux
sols et aux rivières.
L’enjeu est donc technique, économique et environnemental (on estime que pour une tonne recyclée,
on économise 2,5 tonnes de bois). Il est aussi un enjeu budgétaire pour les hôpitaux, car le carton fait
partie des déchets dits « valorisables », qu’il est possible de revendre à des sommes certes pas très
élevées (environ 70 euros la tonne reversés à l’hôpital), mais qui ne sont pas négligeables étant donné
la situation financière des hôpitaux et vu la quantité de carton qu’ils génèrent annuellement.
71
1.2.2 La mise en place de la filière carton à l’APHP
Pour toutes ces raisons, l'AP-HP s’est fixé comme objectif l'augmentation du potentiel de
déchets valorisés et recyclés au sein de l’institution, et notamment celle du poids des déchets valorisés
sur la filière carton. L’idée est donc à la fois de faire évoluer le nombre de sites triant le carton (vingt-
quatre sur trente-sept pour l’instant), et d’augmenter le volume moyen valorisé par site.
Le taux de tri du carton, qui correspond au volume de carton trié (et valorisé) 68 divisé par la somme
des volumes de cartons, de DAOM et de papier de l’institution, stagne depuis 3 ans aux alentours de
5%. Actuellement de 4,34%, il grimperait à 12% si les objectifs fixés étaient réalisés. Or cela ne paraît
hors de portée : cinq sites de l’AP-HP enregistrent d’ores et déjà des taux de tri du carton de plus de
10%. Mais d’autres sont au point mort, ou à quelques dixièmes, qui signifient en fait que la filière
n’existe pas mais qu’à l’occasion de travaux ou de renouvellement de matériel par exemple, l’hôpital a
fait venir une benne spécialement et donc de manière ponctuelle pour enlever une masse importante de
cartons.
Si l’on analyse les taux de tri du carton de chaque hôpital en relation avec sa situation locale,
on observe tout d’abord que trois facteurs clef jouent : la manière dont est mise en œuvre la filière,
bien-sûr, mais également, la consommation de carton de l’établissement et le volume de DAOM (hors
cartons) qu’il génère.
En effet, parmi les hôpitaux dont le taux de tri du carton est nul ou pratiquement nul, on observe
souvent une incapacité technique à mettre en œuvre la filière carton, par exemple parce que le site est
exigu et ne permettrait pas l’hébergement d’une benne ou d’un compacteur réservé aux cartons (c’est
notamment le cas de l’hôpital Jean Verdier). Pour d’autres sites où le tri du carton n’existe pas, le fait
est que le tri d’autres types de déchets (et des DASRIA notamment) occupe énormément les esprits, et
demande déjà que l’on trouve des solutions de mise en conformité. Le carton n’y est donc pas (encore)
une priorité. Mais on réalise que la corrélation n’est pas pour autant systématique entre bonne gestion
des DASRIA et taux de tri des cartons. Notamment, l’hôpital xxx, dont la filière DASRIA étudiée
précédemment a révélé bien des lacunes, est par exemple l’un des « bons élèves » de l’AP-HP en
matière de tri du carton (taux de tri de 11,5%). Alors que les DASRI relèvent des métiers du soin, le
carton est en effet plutôt géré au sein de la filière logistique, et notamment des magasins, au moment
du « dé-cartonnage ». Dans le cas précis de l’hôpital xxx, il apparaît également que le manque de place
oblige les agents à plier et évacuer immédiatement leurs cartons, ce qui participe incontestablement du
succès de la filière.
68 Les bennes de carton qui sont déclassées par le prestataire en raison de la mauvaise qualité de leur
contenant ne sont donc pas comptabilisées dans le taux de tri
72
On constate par conséquent que la mise en place de la filière de tri sélectif interne dépend à la fois de
la manière dont se répartissent les gisements de carton au sein de l’hôpital (magasins hôteliers,
pharmacie, restauration), de l’organisation de l’approvisionnement (dé-cartonnage centralisé en
magasin ou décentralisé dans les services, dé-cartonnage avant la mise en réserve) et de la proximité
ou même de la simple présence de lieux de stockage intermédiaire des déchets. L’hôpital Henri
Mondor, qui enregistre un excellent taux de tri du carton, possède ainsi au sein du bloc une salle de dé-
cartonnage de tous les médicaments, attenante à la réserve. Ce dispositif est extrêmement bénéfique à
la filière carton de l’établissement, car cela permet de capter une part plus importante du gisement
potentiel de carton que si les seuls emballages secondaires (cartons regroupant plusieurs unités ou lots)
étaient triés, en magasin.
La production de carton et de DAOM d’un hôpital a également un impact sur son taux de tri du carton,
du fait de la manière dont celui-ci est calculé : plus le gisement potentiel de carton d’un site est élevé,
plus le volume de carton valorisé divisé par la somme des volumes de cartons, de DAOM et de papier
de l’institution a de possibilités de l’être. A l’inverse, plus un hôpital génère de DAOM hors cartons,
plus son taux de tri du carton sera plombé par son dénominateur. C’est ainsi que la part de l’activité
MCO, particulièrement consommatrice de dispositifs médicaux à usage unique et donc de DAOM
(emballages) doit être prise en compte, ainsi que le mode de restauration (le site prend-il en charge la
préparation de repas destinés à d’autres sites ?).
Ces quelques observations permettent d’engager une démarche qualité visant à optimiser la
filière carton de l’AP-HP.
Elles préfigurent des pistes d’amélioration, mais qui doivent être testées et adaptées en fonction des
spécificités de chaque site. Un audit interne est donc en cours sur le sujet, qui se propose notamment
de réfléchir à une organisation optimale de la filière, mais également aux marges de progression liées à
l’optimisation du matériel utilisé.
Dans certains hôpitaux, le compacteur de collecte des cartons du site est par exemple régulièrement
enlevé à moitié vide, pour un coût d’environ 100 euros. Un espacement des enlèvements permettrait
leur optimisation et donc des économies et un moindre impact carbone lié au transport des déchets en
question. Une autre solution peut aussi consister à réduire la taille du compacteur ou à le remplacer par
une benne (dont le coût mensuel de la location est environ quatre fois inférieur, mais dont la
contenance est fortement restreinte, surtout si les cartons sont mal « pliés » par les agents, car il ne
sont plus compactés lorsqu’ils sont transportés dans une benne).
Le Département de la politique logistique a ainsi estimé qu’un gain de 15 euros à la tonne était
envisageable par ce simple biais. Une solution qui consisterait à rassembler dans le même compacteur
cartons et papiers ou cartons et plastique est également à l’étude.
73
*
* *
Au-delà des exigences réglementaires, l’instauration de certaines filières de tri à l’hôpital peut
donc permettre de faire des économies (baisse du volume et donc du coût d’enlèvement et de
traitement des DAOM, accompagné de la réversion à l’hôpital d’une somme correspondant à la
revente du carton moins commission du prestataire) tout en protégeant l’environnement. C’est aussi
l’occasion de repenser les pratiques professionnelles et l’organisation des services, et également
d’avoir une vision plus globale des achats, qui anticipe notamment les déchets générés en aval et leur
valorisation. Mais l’exercice est souvent délicat, et doit constamment s’adapter aux spécificités de
chaque site, qui conditionnent le choix de telle ou telle solution.
A travers la politique des déchets comme d’autres objectifs du PAMD, une politique de management
durable est donc en œuvre à l’AP-HP. Mais malgré cette impulsion, les directeurs de groupes
hospitaliers, interrogés au moyen d’entretiens téléphoniques, semblent encore assez loin de ces
préoccupations. L’un d’entre eux énonce ainsi ce que pratiquement tous ont semblé esquisser : « on
ne peut pas dire que ce soit une préoccupation quotidienne parce que la préoccupation
quotidienne est de faire des économies ». Toutes les mesures de développement durables ne sont
en effet pas aussi économes que le tri du carton ou l’isolation des fenêtres. Mais la contrainte
financière est-elle vraiment un obstacle majeur à la mise en œuvre du développement durable ? Quels
autres freins entravent aujourd’hui la mise en œuvre du développement durable à l’hôpital public ?
Quels leviers d’action sont au contraire susceptibles d’en amplifier la portée ? Quelle perspective pour
le management durable dans les hôpitaux publics et plus largement dans le secteur de la santé ?
74
3. Bilan et propositions : quelles
perspectives pour le management
durable de la santé ?
« L’expérience est une observation provoquée dans le
but de faire naître une idée »
Claude Bernard
Introduction à l’étude de la médecine expérimentale
Après une partie introductive destinée à retracer les raisons d’être, la place et le contexte de
mise en œuvre du développement durable à l’hôpital public, la seconde partie de ce mémoire a donc
donné un exemple très concret de management durable hospitalier : celui des déchets à l’AP-HP.
Il a été procédé à des études de terrain, qui ont notamment laissé transparaître plusieurs difficultés et
axes d’amélioration. Mais comme le rappelle Claude Bernard dans la citation ci-dessus, la recherche et
l’observation, n’ont de sens que s’ils trouvent leur concrétisation dans des idées, des propositions, des
solutions.
Avant de conclure ce travail, il s’agit donc de faire le bilan de notre analyse sur le développement
durable dans les hôpitaux, non seulement pour mettre en exergue les freins et les leviers entrant en jeu,
mais également pour imaginer quelques perspectives pour l’avenir.
75
Cette partie s’articulera en trois temps, et s’attachera tout d’abord à tirer les conclusions du cas
pratique sur la gestion des déchets à l’AP-HP (3.1), puis à imaginer l’avenir du management durable
hospitalier (3.2), et enfin à dessiner les perspectives d’une approche plus durable de la santé en
général.
3.1 La politique des déchets à l’AP-HP : bilan et perspectives
Concrètement, le développement durable oblige à prendre en compte trois piliers au niveau de la
gouvernance globale de la santé : une gestion économique fiable et solide, un établissement
socialement intégré et écologiquement respectueux. La gestion des déchets hospitaliers s’intègre
parfaitement dans ce cadre.
3.1.1 La politique des déchets et la mise en œuvre
opérationnelle du développement durable
La problématique économique liée aux déchets est tout d’abord très bien prise en compte par
les hôpitaux, qui ont à l’esprit que l’enlèvement des déchets, et notamment des déchets dangereux, est
un poste budgétaire important et sur lequel il est possible de faire des économies conséquentes en
renégociant les marchés avec les prestataires, en triant mieux, et en mettant en place des filières
spécifiques pour plusieurs catégories de déchets valorisables : carton, papier, piles, néons, plastique,
bois, etc, qui viennent alléger la production annuelle de DAOM.
La problématique environnementale est également prise en compte par les établissements de santé.
Tout d’abord parce qu’ils y sont obligées, notamment du fait de la réglementation qui régit les déchets
infectieux mais aussi les déchets chimiques ou encore les déchets nucléaires. Mais également parce
que la prise en compte de la problématique économique amène certains hôpitaux à faire des choix
écologiques. Le sens du lien de causalité qui lie prise en compte de l’aspect environnemental et
économique et la problématique des déchets hospitaliers est discutable, il en sera question dans la suite
du raisonnement.
Par contre, l’impact social du traitement des déchets semble pour le moment beaucoup moins pris en
compte. L’enlèvement des déchets est par exemple très bruyant pour les riverains, et a souvent lieu le
matin, et parfois même la nuit. Dans l’un des sites visités, la plateforme de centralisation des déchets
76
et ses deux compacteurs (un pour les DAOM et un pour les cartons) est située en périphérie de
l’hôpital, et les immeubles voisins ont donc vue sur les flux de bacs et leur station de nettoyage. Alors
que de la végétation sépare la plateforme des autres bâtiments hospitaliers, et les isole donc en partie
des nuisances engendrées, le mur extérieur de l’hôpital, qui sépare la plateforme de la rue et des
habitations voisines, est suffisamment élevé pour protéger de la vue des déchets le rez-de-chaussée et
le premier étage, mais pas les suivants.
L’impact social du traitement des déchets, c’est également la prise en compte des difficultés qu’il pose
aux personnels, et notamment aux professionnels de santé. La multiplication des filières de tri à
l’hôpital, qui répond à des impératifs économiques et environnementaux, ne doit en effet pas se faire
au détriment de la qualité de vie au travail. Cela signifie que de vraies solutions et motivations doivent
êtres présentées aux personnels, afin que le tri des déchets ne soit pas un fardeau supplémentaire.
3.1.2 Des pistes pour améliorer les résultats de la politique
des déchets
La formation et l’organisation du travail et des services ont ici une importance cruciale, pour
inciter les acteurs et leur permettre de procéder correctement au tri.
3.1.2.1 Sensibiliser
Tout d’abord, un tri efficace (entre DAOM et DASRIA mais également pour les autres
filières) passe tout d’abord par la sensibilisation des personnels concernés. Par des réunions
d’information, des plaquettes de communication ou de l’affichage, il est en effet possible de favoriser
la prise de conscience de l’utilité de la démarche. Des chiffres marquants doivent être mis en avant :
« une tonne de plastique recyclée = 700 kilos de pétrole économisés », « un kilo de DASRIA coûte 4
fois plus cher à traiter qu’un kilo de DAOM ». La réceptivité aux arguments économiques,
écologiques ou de qualité des soins et de sécurité varie certes selon les personnalités, mais en
multipliant les arguments et en les exposant de façon claire, l’effet potentiel de la communication est
renforcé.
La sensibilisation n’est cependant pas suffisante, au risque d’être source d’injonctions contradictoires.
Convaincre un employé que le tri des déchets est extrêmement important et ne pas lui donner les
77
moyens de procéder correctement au tri est en effet une source potentielle de stress au travail, et peu
participer d’un burn-out ou d’un syndrome dépressif.
Donner aux personnels de santé les « moyens » d’agir, en plus de les sensibiliser, passe par
plusieurs canaux.
3.1.2.2 Donner les moyens de bien faire
Il s’agit tout d’abord de s’assurer que les personnels aient le temps de procéder aux quelques
gestes supplémentaires nécessaires. Soit en faisant en sorte que l’action de tri ne demande pas
beaucoup plus de temps et donc en facilitant la tâche aux personnes concernées, soit en allégeant leurs
autres missions. La deuxième solution parait peu envisageable, notamment pour les personnels de soin
dont le tri n’est – il faut bien l’avouer – pas au centre des préoccupations. Il faut donc faire en sorte
que le tri des déchets soit ergonomique et commode, et ne demande pas beaucoup de temps ni
d’efforts, sous peine de résultats nuls, voir contreproductifs.
En effet, si le tri est trop compliqué, chronophage ou fastidieux, il risque d’accentuer le stress des
personnels, qui serviront – dans le cas très probable où leurs missions ne sont pas allégées pour autant
– de variable d’ajustement. Parfois, s’il est difficile voir impossible de respecter à la fois tous les
protocoles réglementant l’activité professionnelle (protocole de soin, protocole de tri des déchets, etc),
les personnes finiront par les transgresser, et il est vraisemblable que ce soit l’activité de tri et non
l’activité de soin, la plupart du temps jugée prioritaire, qui fasse l’objet d’une déconstruction et d’une
adaptation plus ou moins personnalisée.
A l’occasion d’une visite dans un service de réanimation de l’un des hôpitaux de l’AP-HP, la cadre de
santé a par exemple expliqué qu’elle demandait depuis plus de 4 ans des « doubles supports sacs »,
permettant d’y accrocher à la fois un sac noir et un sac jaune, et donc de procéder au tri directement
dans les chambres. Après quatre ans de vaines demandes, le service fonctionne toujours uniquement
avec des sacs jaunes, et tous les déchets produits dans les chambres sont donc jetés et traités comme
des DASRIA. Quelques mètres plus loin, un important dépôt sauvage de cartons situé devant les
ascenseurs existe depuis plusieurs années, qui pose des problèmes esthétiques aussi bien que de
sécurité incendie. Mais l’entreposage officiel des cartons est jugé trop éloigné par certains personnels
qui refusent de les transporter jusqu’à lui, surtout la nuit.
Le problème existe à la fois en matière de tri et d’entreposage des déchets. Les containers accueillant
les DASRIA sont par exemple censés être maintenus fermés dans les locaux. Dans le service de
78
réanimation en question, il déborde la plupart du temps, ce qui empêche sa fermeture et oblige l’agent
à manutentionner les sacs ou à les compresser à la main pour pouvoir rabattre le couvercle. Les
personnels amenant les déchets reconnaissent que cela est anormal, mais expliquent également que
quand ils arrivent avec leur charriot rempli de sacs jaunes, « il faut bien qu’ils les mettent quelque
part », même quand le bac est déjà plein. Le vrai problème est en fait l’exigüité du local de stockage
intermédiaire des déchets, qui ne permet pas l’installation d’un deuxième GRV (grand récipient vrac).
Dans le même état d’esprit, des tâches de sang ont été relevées au fond d’un GRV lors de la visite de
la zone d’entreposage intermédiaire des déchets du service de maternité de l’hôpital xxx. Le dépôt de
déchets se situe tout au bout d’un couloir sans issue, face à des ascenseurs, dans un espace
extrêmement exigu, obligeant l’agent qui les ramasse deux fois par jour à sortir les quatre bacs de 750
litres accueillant les DAOM pour pouvoir accéder aux bacs DASRI. L’extraction des GRV, pour les
amener à la zone d’entreposage centralisée d’où ils seront enlevés pour être traités, est donc
fastidieuse. Et il est apparu que l’agent avait en fait ramassé les sacs jaunes du second bac pour les
transvaser (à la main) dans le premier, et n’avoir à en extraire et à en transporter qu’un seul. Le
résultat est que le GRV restant - censé comme les autres être remplacé et désinfecté à chaque rotation
-, ne l’avait pas été, ce qui est à la fois non conforme au protocole et non hygiénique.
Le problème avec les transgressions du protocole ou des bonnes pratiques, c’est que même si elles
paraissent anodines, elles finissent, lorsqu’elles s’accumulent, par être source de risques. Le plus
prudent est donc de faire en sorte d’adapter l’organisation du travail afin que les consignes de tri soient
claires, facilement applicables et pas trop fastidieuse. Cela revient par exemple à positionner des
doubles supports sac (un jaune et un noir) au plus près de chaque soin, à trouver des solutions pour
aménager des locaux de stockage des déchets suffisamment spacieux et qui ne soient pas trop isolés
des services, ou encore à installer des zones de dé-cartonnage, avec un stockage intermédiaire de
déchets carton à proximité.
3.1.2.3 Former
La formation est incontestablement un autre levier d’amélioration du tri des déchets à
l’hôpital. Outre le fait qu’elle puisse être l’occasion de sensibiliser les personnels, elle est également
l’occasion de clarifier les règles et les bonnes pratiques en vigueur.
La formation au tri des déchets est par exemple un vrai point faible à l’hôpital xxx. Au cours des
observations dans ses différents services et sur 15 personnels suivis pendant qu’ils prodiguaient des
soins, aucun n’avait reçu de formation sur le tri des déchets, ni au cours de sa formation initiale, ni au
cours de formation continue. Aucun n’avait non plus connaissance de l’existence d’un protocole de tri
79
des déchets. Dans les questionnaires d’auto-évaluation, 8 seulement (soit 10%) se sont souvenus avoir
été formés à ce sujet, dont 5 en 2008 et 3 en institut pendant leur formation initiale.
L’absence de formations, au vu de l’écart par ailleurs constaté entre les pratiques de tri et le protocole
les concernant, parait donc être une grosse lacune qu’il s’agit de combler rapidement. Elle doit
s’accompagner d’échanges avec les soignants pour identifier les déchets pour lesquels la consigne
n’est pas assez claire, et affiner le protocole de manière participative.
3.1.2.4 Informer
La profusion de règles et de protocoles à l’hôpital rend par ailleurs la formation insuffisante, et
les connaissances ainsi acquises doivent donc être régulièrement rappelées. L’affichage permet par
exemple de s’assurer que les règles resteront à l’esprit des personnels. Il doit être attrayant et clair
(pour permettre une lecture rapide et ne pas risquer d’être incompris). A l’hôpital xxx, au lieu de
schémas clairs, c’est le protocole (en trois colonnes très serrées et à la police très petite) qui était
discrètement affiché dans chaque local déchet. Certains locaux possédaient des schémas un peu plus
attrayants, mais dans d’autres lieux d’entreposage des déchets, c’étaient de vieux panneaux qui étaient
encore accrochés, évoquant les « déchets septiques » (ancienne appellation des DASRIA). L’affichage
est donc un bon outil de management durable, pour les déchets comme pour d’autres sujets, à
condition bien sûr de respecter quelques règles élémentaires de contenu et de présentation.
Il est par ailleurs évident que les yeux s’habituent à l’affichage, ce qui restreint son efficacité. Mais
même dans ce cas, l’affiche peut servir d’aide mémoire et sera donc consultée en cas de besoin (oubli
de la règle, doute). Etant donné la complexité des protocoles de tri des déchets en vigueur, un tableau
récapitulatif de la liste des DAOM et des DASRI (avec photos par exemple) placé au dessus de tous
les supports sacs permettrait à coup sur d’améliorer les pratiques de tri des personnels, pourvu qu’ils y
aient été sensibilisés.
3.1.3 Elargir la réflexion à d'autres champs de la vie
hospitalière
Enfin, la politique des déchets est une problématique bien plus large que leur tri, leur
entreposage, leur enlèvement et leur valorisation. La vraie question est en effet la quantité de déchets
80
produite, et non pas leur nature. Or mieux trier et valoriser ne réduit pas la production de déchets. Cela
modifie en effet simplement la répartition de ces déchets au sein des différentes filières.
3.1.3.1 Le meilleur déchet, c'est celui qu'on ne produit pas
n déchet DAOM coûte certes moins cher à traiter qu’un déchet DASRI. Mais l’enlèvement
et le traitement des DAOM coûte quand même une somme plus que significative lorsque l’on
considère la masse de DAOM produite chaque année par les hôpitaux. Par ailleurs, tous les déchets,
qu’ils soient traités en suivant la filière DAOM, DASRI, carton ou plastique, va nécessiter de l’énergie
pour son transport, son élimination ou sa valorisation. Une approche en termes de cycle de vie du
produit amène également à prendre en compte les ressources ayant été consommées dans le processus
de production du déchet en question.
En résumé, le meilleur déchet est donc celui qu’on ne produit pas. Et la problématique des déchets
questionne donc celle de certaines pratiques professionnelles, et notamment le développement de
l’usage unique qui est quasiment devenu la règle. Baisser le volume de déchets produits par un hôpital
revient en fait à s’interroger sur les différents gisements de déchets de l’hôpital et sur la manière dont
on pourrait les limiter.
C’est ce qu’Ilke Winkler, animatrice parisienne du C2DS interrogée dans le cadre de ce mémoire, a
voulu exprimer en déclarant : « qui achète mal en amont aura des problèmes avec ses déchets ». Une
réflexion est donc à mener sur les produits que l’hôpital achète, leur durée de vie, leur valorisation ou
le coût de leur élimination.
3.1.3.2 Adapter les infrastructures
De même, si le cas de l’hôpital xxx a prouvé que l’aménagement des bâtiments anciens
pour y créer des locaux déchets conformes est parfois problématique, les nouveaux bâtiments doivent
systématiquement prendre en compte la collecte des déchets dès leur conception. Il n’est par exemple
pas normal que le nouveau service actuellement en construction dans l’hôpital en question ne
comporte pas, sur les plans, de local déchet.
En ce qui concerne les bâtiments déjà construits, il est important de prioriser les besoins en espace et
de comprendre que les déchets sont au sommet de la hiérarchie des priorités car ils font l’objet d’une
réglementation spécifique depuis plus de dix ans.
81
Des arbitrages peu évidents doivent être faits: on peu comprendre qu’il soit délicat en pratique de
sacrifier une salle de staff ou une salle de détente des personnels, mais le déplacement d’un local de
stockage d’archives semble par exemple relever du possible.
En conclusion, il semble que les déchets soient une problématique sensible pour beaucoup
d’hôpitaux, et l’hôpital xxx ne doit donc pas être stigmatisé ni considéré comme un mauvais élève
récalcitrant. L’important est que la plupart des hôpitaux aient aujourd’hui pris conscience de
l’importance de la question, et même si le motif de leur intérêt est souvent plus économique
qu’écologique, cela importe peu lorsque l’on se concentre sur les résultats.
Des actions concrètes et utiles doivent être mises en œuvre pour améliorer les pratiques
professionnelles liées aux déchets. L’avantage est que pour reprendre les termes d’Olivier Toma, le
président du C2DS : « les déchets sont un domaine transversal qui touche tous les acteurs de la
clinique, des bureaux au bloc opératoires ». La question peut donc être fédératrice, et a l’avantage de
permettre aux services administratifs de faire preuve d’exemplarité en la matière. Tous les services
étant concernés, c’est également l’occasion de les motiver en mettant régulièrement en valeur les bons
élèves et en les récompensant de quelque manière que ce soit. On pourrait par exemple imaginer que
leur soit versé sous forme de crédits d’équipement la moitié des sommes économisées grâce aux
efforts fournis.
3.2 Quel avenir pour le management durable à l’AP-HP et dans
les hôpitaux publics ?
Comme l'a expliqué Jean-Rémy Bitaud lors de son entretien, la période 2005-2010 a été celle
de la prise de conscience du milieu hospitalier quant au développement durable. Tous les
établissements sont aujourd'hui dans une démarche de management durable, certes plus ou moins bien
intégrée et structurée.
Cela semble ne pas se résumer à un effet de mode: « lorsque l'on regarde les choses de plus prêt, on se
demande au contraire pourquoi on n'y a pas pensé plus tôt » explique-t-il. Mais où en est-on
exactement? (3.2.1) Quels sont les points de blocage (3.2.2) et comment les surmonter (3.2.3)? Quelles
perspectives peut-on imaginer pour les décennies à venir? (3.2.4)
82
3.2.1 Le management durable dans les établissements
publics: point d'étape
En 2011, l'association EHESP Conseil des élèves de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé
Publique s'est vue confier pour la quatrième année consécutive l'analyse des résultats du baromètre du
développement durable en établissement de santé. Sur 6725 questionnaires envoyés, 498 ont été
complétés, contre 279 en 2010. Cette progression du nombre de répondants de 64% souligne un
ancrage croissant du développement durable dans les établissements de santé, ce que confirment les
données collectées: 89% des hôpitaux ayant retourné le questionnaire considèrent le développement
durable comme un objectif stratégique, tous statuts et activités confondus.
3.2.1.1 Une problématique désormais intégrée par les établissements
hospitaliers
Une réelle volonté semble donc émaner des établissements de santé et donc de leurs
dirigeants. L'enquête réalisée par téléphone auprès des directeurs des douze groupes hospitaliers que
compte l'AP-HP a d'ailleurs souligné l'intérêt de ces derniers pour la question. A la question « vous
sentez vous concernés par le management durable ? », sept directeurs sur douze ont répondu « oui »,
un « oui, bien évidemment », un « on l'est tous comme des citoyens et ensuite comme des managers »
et un autre « tout à fait absolument ». L'un d'entre eux s'est également montré plus prolixe, expliquant
qu'il se sentait effectivement concerné, « et à double titre: en tant que responsable de la manière dont
je laisserai mon hôpital quand je partirai, et en tant que responsable de la manière dont j'ai une
action sur la manière dont les choses se passent en fonction de mes moyens et de mes possibilités ».
En fin de compte, seul une des répondantes a répondu très franchement « non, pas du tout ».
Les résultats du baromètre 2011 sont d'ailleurs en partie encourageant, même s'il faut avoir à l'esprit
que les résultats sont par définition entachés d'un biais de sélection indépendant de la volonté de ses
concepteurs. Les données étant établies d'après les réponses de seulement 458 questionnaires (les
seuls retournés et entièrement complétés) sur 6725, on peut en effet imaginer que les résultats soient
surévalués, du fait que les établissements qui prennent le temps de répondre sont le plus souvent ceux
qui s'intéressent à la question, et veulent en profiter pour s'évaluer, ou tenter de décrocher un
« award ».
Néanmoins, le baromètre constitue un formidable outil de mesure de l'évolution des pratiques des
hôpitaux publics d'une année sur l'autre. Et l'édition 2011 montre que le thème des achats durables
83
progresse et que le recours à des techniques prenant en compte le développement durable semble
globalement s'automatiser (70% des établissements ont déclaré intégrer des critères de développement
durable dans leurs cahiers des charges contre 58% en 2010). D'autre part, 23% des établissements ont
réalisé le Diagnostic de Performance Energétique. Ce chiffre est assez bas, surtout pour une démarche
pourtant obligatoire, mais est en nette progression par rapport à 2010.
3.2.1.2 Des résultats concrets encore insuffisants
Cet intérêt pour la question n'empêche pas les difficultés, et les directeurs l’ont exprimé dans
leurs réponses à la question suivante du questionnaire : « pensez vous que cela est important ? ». Plus
de la moitié des directeurs interrogés ont répondu de façon positive: « très important, car cela a des
vertus éducatives et économiques, même si le management durable génère un investissement au
départ », « oui, tout à fait », « c'est important à l'hôpital comme dans tout endroit », « c'est important
car cela permet à l'hôpital de ne pas être uniquement dans les sujets de réduction de moyens », « j'y
suis sensible à titre individuel, cela fait partie des priorités de l'institution », « absolument, parce que
c'est un choix d'exigence, et parce que c 'est aussi un levier positif pour mobiliser les équipes », « c'est
important à l'hôpital car on est de gros producteur de déchets, de gros investisseurs, etc ».
Les autres directeurs répondants avaient cependant les difficultés de l'exercice bien à l'esprit et les ont
exprimées dès ce stade du questionnaire (quatrième question). L'un a par exemple affirmé que « oui,
c'est important sur les principes, mais [que] passer des principes à la réalité est plus compliqué » et
un autre a déclaré « je pense que c'est une démarche qui peut intéresser parce que les hospitaliers de
manière générale sont des gens qui prennent soin des gens au quotidien: ça n'est pas étranger à leur
univers et à leurs préoccupations, et ça résonne dans leur état d'esprit » avant de concéder « mais la
conciliation avec les contraintes est un peu compliquée ». Lucide, un dernier a expliqué « ce que je
perçois, c'est que l'on n'est pas trop en avance, et même très en retard ».
Au départ confidentielle (non pas que rien n'était fait, mais plutôt que les établissements ne
communiquaient pas beaucoup sur ce qu’ils faisaient), l'implication des établissements de santé dans
une démarche de développement durable s'est certes diffusée et amplifiée. Mais le baromètre 2011
souligne également que le chemin à parcourir reste énorme, et que les intentions annoncées dans les
projets d'établissements et dans les plans stratégiques ne sont pas encore assez systématiquement
suivies d'effets.
84
Seulement 27% des établissements ont par exemple acquis des véhicules propres et économes, et 10%
ont mis en place un plan de déplacement. De même, seulement la moitié des établissements ont
entrepris une démarche de réduction des consommations d'eau, et seuls 25% d’entre eux ont réalisé ou
sont en cours de réalisation d'un bilan carbone, ce qui est d'autant plus décevant qu'ils étaient 30% en
2010 (cette baisse s'explique par le doublement du nombre de répondants et l'élargissement de
l'échantillon qui en résulte).
3.2.2 Points d'achoppement et points de blocages et marges
de progression
Les directeurs interrogés à l'AP-HP – mais le travail de recherche a prouvé que cette
préoccupation est commune à beaucoup de directeurs d'hôpitaux publics sont donc globalement
favorables au développement durable, à titre personnel comme à titre professionnel.
Cependant, un fossé existe entre leurs intentions et leurs réalisation. A la question « comment prenez-
vous en compte le développement durable dans vos décisions managériales quotidienne », les réponses
sont en effet beaucoup moins enthousiastes. Une des directrices interrogées a par exemple affirmé
avec humour « oui bien sûr, dans le contexte actuel, on ne pense qu'à ça », avant d'enchaîner « dans
nos décisions à ce jour, on ne le prends pas suffisamment en compte, dans la mesure où nous avons à
mettre en oeuvre de manière cohérente, efficiente, qualitative et intelligente un nombre de politiques
nationales, régionales, institutionnelles ou locales tellement importantes, par rapport au
développement durable qui vient juste d'arriver ». Un autre complète: « Je l'ai à l'esprit [le
management durable], mais c'est souvent le budget qui nous fait choisir des solutions qui ne sont pas
toujours dans l'axe du développement durable ».
3.2.2.1 Le développement durable, une notion encore floue pour
beaucoup d'acteurs hospitaliers
Les difficultés rencontrées sont de plusieurs nature. Premièrement, le fait est que la notion de
« développement durable » semble encore très floue aux les directeurs d'hôpitaux, mais aussi aux
personnels hospitaliers en général.
85
En effet, si les gens ont globalement en tête que le développement durable a un lien avec
l'environnement, le pan économique, et encore plus le pan social de la problématique sont souvent
beaucoup moins évident dans l'esprit des hospitaliers.
Par exemple, les réponses à la première question du questionnaire « pour vous, à quoi fait référence le
développement durable » sont très éclairantes. La formulation de la question était volontairement très
générale, beaucoup plus que « connaissez vous les trois piliers du développement durable » par
exemple, car l'objectif était justement d'apprécier si les trois piliers du développement durable venaient
spontanément à l'esprit des personnes interrogées. Les réponses confirment que le volet social n'est
que rarement cité, et les directeurs ont par ailleurs souvent cherché leurs mots, avant de répondre par
des exemples plutôt que par une définition globale, la notion – surement imparfaitement appréhendée
– leur paraissant apparemment peu commode à résumer. C'est ce qu'illustre la plupart des réponses:
« ça fait rapport à la sauvegarde de la planète », « de manière générale, à l'écologie, au respect de
l'environnement de manière pratique et technique: le tri des déchets, l'usage du papier », « à
différentes thématiques: maîtrise des énergies, haute qualité environnementale, politiques d'achat éco-
responsables, aspect valorisation des déchets », « cela fait référence à un certain nombre de concepts
très 'up to date'69 : on s'inscrit dans la continuité de la préservation de la planète, de l'écosystème, sur
une croissance économique maîtrisée sur le plan environnemental. », « tout un tas de réflexes, mais
aussi de dispositions réglementaires pour intégrer dans os pratiques et dans nos choix (architecturaux
ou techniques) des précautions de dvp durable. On construit, on détruit, on éclaire, on chausse, on
refroidi, on recycle nos déchets. Intégrer au quotidien ces réflexes ».
D'autres réponses, bien que restant très floues, montrent la connaissance par leurs auteurs de certains
éléments de culture générale: « c'est tout ce qui s'inscrit dans la politique globale suite aux accords de
grenelle » ou encore « te développement durable fait référence au Rapport Brundtland et à tout ce qui
en a découlé depuis 15 ans ». Même si les propos préliminaires ont souligné que la définition fournie
par le Rapport Brundtland – qui date en réalité de 1987, soit il y a 24 ans -, était assez incomplète, il
lui a été fait référence à deux reprises parmi les réponses recueillies: « C'est consommer sans détruire
pour les générations futures » et « cela suppose de réfléchir à nos propres comportements pour ne pas
pénaliser les générations futures ».
Deux très bonnes réponses à la question indiquent par ailleurs une réelle connaissance du sujet par leur
auteur. Tout d'abord, l'un d'entre eux a expliqué que pour lui, le développement durable comporte
« une dimension globale qui couvre l'ensemble des secteurs d'activité et doit viser économies
d'énergie, recyclage, etc. Et une autre dimension qui intègre un certain nombre de pratiques de
management, l'équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, etc ». Un autre a relaté :
« quand on a commencé à m'en parler, j'y ai essentiellement vu une approche qui concernait les
services techniques et logistiques (déchets, énergie, environnement), or en travaillant sur la
69 Traduction : en vogue, dans le vent, à la mode.
86
certification pour l'année prochaine, j'ai appris que ça n'était pas que ces choses que l'on voit dans les
médias: c'est aussi les ressources humaines, par exemple ».
Il faut par ailleurs préciser que parmi les directeurs n'ayant pas abordé le volet social du
développement durable dès la première question, certains ont tenu des propos éclairés sur la question,
la problématique leur revenant alors à l'esprit. Simplement, ce n'est pas un aspect de la question auquel
ils pensent tout de suite. Le directeur de groupe hospitalier qui s'était contenté de répondre « la
réduction de la consommation énergétique, des émissions liées à la consommation énergétique et du
volume de déchets » à la première question a par exemple précisé, en répondant à la sixième question
qui portait sur la prise en compte du développement durable dans ses décisions managériales
quotidiennes: « on essaie de le prendre en compte de plus en plus dans nos processus de travaux, dans
notre politique d'espaces verts, et au quotidien dans notre politique de ressources humaines
(redéploiement, restructuration, politique de communication positive) », preuve que le volet social du
développement durable ne lui est pas inconnu.
Cette évocation clairement moins fréquente des problématiques sociales liées au développement
durable est peut être due au fait qu'elles semblent moins concrètes. Les mesures environnementales
sont bien connues, car elles font référence à plusieurs types de politiques assez bien connues car
médiatisées: isolation des bâtiments, énergies renouvelables, meilleure politique des déchets, etc. Ce
sont également les mesures qui génèrent le plus d'économies, un autre des trois piliers du
développement durable, qui a un écho particulier à l'hôpital du fait de la contrainte financière très
prégnante actuellement. La réponse de l'un des directeurs à la question « quels sont d'après vous les
principaux objectifs du management durable ? » est de ce point de vue très éclairante. Il a ainsi
expliqué que « dans le cadre de la vie hospitalière, les principaux objectifs sont quand même très
ciblés sur les problématiques énergétiques et les déchets. Les endroits où l'on peut faire le plus de
développement durable sont les processus de construction. Ensuite, si on veut faire du politiquement
correct, on peut également dire que c'est de faire en sorte que tout le monde se sente bien, de faire du
psycho social, et finalement de faire en sorte que les gens durent dans l'hôpital », reconnaissant que
c'est « la deuxième action la plus importante » mais également la moins évidente à mettre en œuvre.
3.2.2.2 Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre concrète du
management durable
87
Hormis cette difficulté peine à cerner une notion dont on parle beaucoup de nos jours sans que
ses contours ne soient souvent clairement définis, d'autres obstacles rencontrés dans la mise en œuvre
du développement durable dans les hôpitaux publics ont émergé des entretiens téléphoniques avec les
directeurs de groupe hospitalier.
Certains n'ont certes pas fait mention de difficultés particulières: « je ne vois pas vraiment d'obstacles,
on arrive à des actions très concrètes comme diminuer le nombre de bouteilles d'eau et mettre des
carafes, trier le carton », mais cela reflétait parfois le manque de mise en oeuvre concrète: « je ne
rencontre pas spécialement de difficultés parce que je ne l'applique pas trop non plus ».
Le fait que le développement durable ne soit pas la priorité parmi toutes les obligations qui
préoccupent les hospitaliers a par contre souvent été évoqué: « le moment n'est pas opportun pour
aller au contact des équipes. Elles ont trop d'autres préoccupations, or si on veut avancer sur le sujet,
il faut bien le faire avec les soignants! », « l'hôpital est pétri de règles, de réglementations, de normes
à respecter. Difficile de concilier toutes les normes entre elles, alors en rajouter de nouvelles... », « je
suis très pragmatique: on n'aura pas de certification si on n'est pas en sécurisation incendie: il faut
donc faire des choix ».
Le manque d'experts sur le sujet, et de ressources humaines y étant consacré, a également été évoqué:
« On a des gens que la problématique intéresse (responsable déchets, logistique, technique), mais on
n'a pas d'expert métier », ainsi que le manque de ligne claire: « je sens une très forte décorrélation
entre les siège et les groupes sur le sujet: plusieurs directions ne se concertent pas entre elles, ce qui
crée de la confusion dans les lignes à suivre ».
Le point de vue de la direction ne suffit pas à cerner les difficultés que pose la mise en œuvre
du développement durable. Le cas pratique sur les déchets a notamment démontré que l'appropriation
par les services des protocoles et des orientations stratégiques retenus par la direction était souvent
problématique, et qu'il ne suffit pas de décréter une mesure pour qu'elle soit mise en œuvre.
Se préoccuper de la question du développement durable ne suffit donc pas. L'important est de prendre
des mesures concrètes, et surtout d'en surveiller attentivement et d'en évaluer l'application, afin de
vérifier que ces mesures sont adaptées, utiles et effectivement mises en œuvre, et éventuellement de
les ajuster.
C'est toute la problématique du management durable, qui ne se résume pas aux principes mais à leur
mise en application opérationnelle et leur prise en compte dans la gestion et dans toutes les décisions
quotidiennes. Et les déclarations de ce directeur de groupe hospitalier constitue une excellente
transition : « la difficulté est de rendre concret un concept qui peut être creux, et d'essayer de le
88
décliner de la manière la plus concrète et la plus opérationnelle possible ». Comment passer d'un
vœu pieux à une application bien pragmatique ?
3.2.3 Marges de progression et leviers d'action: du
développement durable au management durable
Grâce notamment à l'évolution de la réglementation, des critères de certification de la HAS et
des mentalités, une dynamique de management durable est bien amorcée à l'hôpital public, qu'il s'agit
d'accompagner et d'amplifier. L'idée est vraiment de passer des bonnes intentions aux actes concrets.
Si le développement durable reposait sur trois piliers, le management durable hospitalier – qui
représente sa mise en oeuvre opérationnelle -, est lui fondé sur cinq piliers. Aux aspects économiques,
sociaux et environnementaux s'ajoutent ainsi la prise en compte des risques et l’adhésion des acteurs à
l’esprit du projet.
Se poser la question du développement durable à l'hôpital public, c'est donc s'interroger sur les leviers
d'actions susceptibles de dépasser les difficultés exposées précédemment, sans remettre en question
les principes fondamentaux que sont la sécurité et la qualité des soins.
3.2.3.1 La problématique économique , frein ou levier?
Il s'agit tout d'abord de revenir sur la problématique économique que soulève le
développement durable. L'hypothèse que le développement durable soit compliqué à mettre en œuvre
du fait du manque de moyens financiers et aussi par conséquent humains a été avancée par plusieurs
des directeurs interrogés: « le problème est que tout tourne toujours quoi qu'il arrive autour de
l'objectif économique », ou encore « quelqu'un qui travaille à plein temps sur la problématique serait
vraiment très utile, mais on n'est pas assez riches pour ça ».
Si les difficultés économiques des hôpitaux publics – et notamment de l'AP-HP – sont incontestables,
il y a toutefois lieu de se demander si le fait de justifier par des arguments économiques le manque
d'initiatives en matière de développement durable n'est pas en fait un discours ou une excuse, plutôt
qu'une justification tangible.
89
En effet, le cas pratique sur les déchets a par exemple montré que le développement durable
peut être source d'économies, ce qui est également le cas des démarches d'isolation qui permettent de
baisser de manière significative les dépenses de chauffage ou l'installation d'ampoules et de néon basse
consommation et de minuteries ou de détecteurs de mouvement dans les couloirs et les cages
d'escalier, qui diminuent également la facture d'électricité.
Le développement durable ne doit donc pas être perçu uniquement comme un fardeau pour les
finances d'un établissement. Au contraire, un directeur a même judicieusement rappelé que « cela
permet à l'hôpital de ne pas être uniquement dans les sujets de réduction de moyens ». En effet, le
développement durable apporte selon plusieurs personnes interrogées un supplément d'âme à l'activité
hospitalière, à une époque où beaucoup dénoncent « l'industrialisation du soin » et « l'hôpital
entreprise » incarnés par la tarification à l'activité et le poids croissant des objectifs de rentabilité à
l'hôpital. Or le développement durable, bien qu'intégrant la dimension économique, l'allie a des
impératifs environnementaux et sociaux, ce qui rend la question de la bonne gestion des ressources
plus facilement recevable des personnels.
Il semble en définitive que les moyens financiers ne doivent pas être considérés comme la
problématique fondamentale du management durable hospitalier. D'une part parce que si certaines
actions « développement durable » peuvent permettre d'économiser de l'argent, les moyens à investir
au départ (pour installer un nouveau système de chauffage par exemple) sont souvent conséquents, et
que les économies permises sont rarement miraculeuses (quelques centaines d'euros par an pour un
couloir éclairé par des néons basse consommation par exemple) et que l'argument économique n'est
donc pas susceptible de déclencher à lui seul l'action.
D'autre part, dans les cas où le développement durable n'est pas mis en oeuvre, il apparaît bien souvent
que l'argent ne soit en fait pas le vrai problème, ce qu'avoue très honnêtement ce directeur: « à mon
avis, l'argent n'est pas le sujet. C'est la volonté politique, c'est la mentalité, c'est avant tout une envie
politique. Si j'avais de l'argent, ça n'est pas là que je le mettrais ».
3.2.3.2 Volontarisme politique et pilotage du management durable
La vraie question ne semble donc pas être l'argent, mais la volonté politique, qui peut
s'exprimer à la fois au niveau national (ce qui commence à être le cas) mais également au niveau de la
direction de l'établissement et de manière décentralisée au niveau des pôles et des services.
90
Au sein d'un même établissement, on repère par exemple souvent de gros écarts entre les taux de tri
des différents services, qui ne sont pas uniquement la conséquence des différences d'activité. L'accent
est simplement d'avantage mis sur la question par les cadres concernés. Et les études de terrain
montrent que la question est en fait très personne-dépendante.
Le principe clé - plutôt que la question des moyens -, semble dont être le crédo « quand on
veux on peut ». Le plus souvent, les solutions existent, et le vrai défi consiste à prendre le temps de les
chercher et à concentrer ses forces sur leur réalisation. Certes, les dirigeants hospitaliers sont accaparés
par énormément de questions, toutes prioritaires à leur manière. Mais c'est bien là le sens du
volontarisme en matière de développement durable, qui consiste à tout mettre en œuvre pour faire en
sorte que la question soit traitée.
La question du pilotage du management durable a aussi souvent été pointée du doigt par les directeurs
des groupes hospitaliers de l'AP-HP. Des référents « développement durable » ont certes été nommés
dans chaque groupe, mais peu sont vraiment experts en la matière. On a en fait souvent recherché
quelqu'un qui s'intéressait à la question, pour lui rajouter ce rôle en plus de ces missions
traditionnelles. Ce qu'a proposé l'un des directeurs, c'est – pour que la question soit efficacement
traitée – que l'AP-HP recrute quatre ou cinq personnes expertes du sujet. Ces personnes ne seraient pas
arrimées au siège - « sinon on ne les voit jamais » a-t-il justifié -, mais seraient réparties entre les
groupes hospitaliers (un pour trois groupes par exemple). Cela leur permettrait d'avoir une vraie
connaissance du terrain et des acteurs en présence, d'être très joignables et d'avoir du temps pour faire
avancer les projets.
D'autres directeurs ont fait le vœu que le siège, qui pilote au niveau de l'AP-HP la politique de
management durable, leur fournisse plus de projets « clé en main », avec par exemple deux ou trois
mesures très concrètes, qui puissent être déclinées sans que cela ne se transforme en usine à gaz.
3.2.3.3 Un besoin de formation et d'information
Car plus que de l'argent, c'est de formation et d'information qu'ont besoin les hospitaliers, pour
que le management durable soit efficace. Le cas pratique sur la gestion des déchets l'a démontré, il
arrive que la règle ou le protocole soit ignorés ou incompris. Ou encore qu'ils soient contournés car on
n'en voit pas vraiment l'intérêt, et que le bilan « effort-avantage » qu'en fait le personnel n'incite pas à
adopter une conduite durable.
91
Communiquer autour d'une démarche de mobilisation interne envers le développement durable est
donc important, à la fois pour faire connaître et partager la vision du projet par tous les acteurs
concernés (les objectifs, les moyens mis en oeuvre, etc) et pour rassurer sur le bien fondé et la
cohérence de la démarche adoptée, en mettant en avant les bénéfices et les améliorations attendus. Le
déroulement du processus et la contribution de chacun doivent également être clarifiés.
Au cours de leurs entretiens, plusieurs directeurs de l'AP-HP ont d'ailleurs signalé à l'occasion
de la question « de quels outils auriez vous besoin » que des outils de communication bien fait seraient
susceptibles de les aider: « un petit manuel sur toutes les possibilités qui s'offrent à nous serait
important », « de la communication sur des mesures palpables, pour que ça ne reste pas abstrait »,
« des outils de communication pour valoriser l'impact économique positif du développement durable,
pour qu'on arrive à beaucoup plus à 'vendre' des actions comme le changement du système de
chauffage ». Un des directeurs résume: « Il y a de la communication qui serait indispensable pour que
ça sorte des bureaux et que ça aille vers les services, on est très peu aidés là dessus ».
La communication doit être adaptée au fur et à mesure de la démarche: si dans un premier
temps, il s'agit par exemple surtout d'anticiper, voir de résoudre les difficultés, il s'agit ensuite surtout
de valoriser les efforts faits par les collaborateurs, et surtout de faire vivre l'action dans le temps.
L'enjeu est de toucher l'ensemble des parties prenantes concernées, en interne comme en externe
(personnel, fournisseurs, citoyens, partenaires, patients, familles, fournisseurs, citoyens). Il est de plus
important d'utiliser différents canaux pour se distinguer du « bruit ambiant » dans l'organisation: on
connaît la masse d'information mensuellement transmise aux personnels hospitaliers, qui nécessite de
multiplier les supports: dépliants et plaquettes, lettres internes et notes de service, journaux et
magazines internes, affiches, stickers, expositions, pancartes, chartes, codes ou guides. Des modes de
diffusion interactifs sont également envisageables, qui s'ils ne sont pas trop chronophages pour les
personnels peuvent engendrer de bons résultats: On pourrait par exemple imaginer que des petits
déjeuners de présentation de la démarche « développement durable » soient organisés dans chaque
service, qui proposent aux personnels, dans un cadre convivial, une courte vidéo qui décrive les enjeux
de la démarche et propose quelques chiffres clé. Un court débat serait ensuite organisé, pour recueillir
leurs remarques, leurs inquiétudes, leurs témoignages et leurs difficultés, qui pourraient ainsi être
mieux pris en compte.
Une méthode qui a aussi fait ses preuves est la création par certains établissements de santé d'une
‘mascotte développement durable’. C'est la solution qu'ont entre autres mis en œuvre le Centre
Hospitalier de Ham et le Centre Hospitalier Universitaire de Rouen, où Louison, femelle hérisson, est
l'animatrice officielle de tous les outils de communication du projet développement durable.
92
3.2.3.4 Les leviers externes et le dynamisme du contexte de l'hôpital
Le volontarisme des établissements de santé peut également être lié au dynamisme des
politiques de développement durable des collectivités territoriales auxquelles ils sont rattachés,
clairement susceptibles de favoriser et de faciliter l'action de l'hôpital concerné. Notamment, les
collectivités territoriales ont par exemple des représentants au conseil de surveillance de
l'établissement, et se prononcent donc sur la stratégie de l'hôpital en même temps qu'ils participent au
contrôle de sa gestion.
Les collectivités territoriales peuvent également aider les établissements à mettre en œuvre certaines
mesures « durables », à l'image de la Ville de Brest qui a contracté un accord avec son CHU qui
permet à l'hôpital de la Cavale blanche d’être chauffé par l’eau chaude que produit l’usine
d’incinération des déchets de la ville.
Le CHU de Bordeaux est également très aidé par son contexte local. Virginie Valentin, Secrétaire
générale et également chargée de la question du développement durable, a par exemple rappelé
qu'Alain Juppé, en tant que président du Conseil de surveillance, a mis le sujet du développement
durable en avant, en insistant souvent dessus au cours des réunions, et en aidant à la création de liens
avec l’extérieur. En ce moment, un travail a par exemple lieu avec le Conseil général de Gironde et la
communauté urbaine de Bordeaux (800 000 habitants) sur la notion d’achat responsable, et des
démarches ont été entamées pour la mise en place des produits éco labellisés qui s’accommodent tout
à fait des démarches de marché publics. De même, en tant que Vice Président de la communauté
urbaine de Bordeaux, il a crée les liens nécessaires pour que des bornes de vélo partage soient
installées à proximité des différents sites du CHU.
Virginie Valentin a également expliqué que les quatre communes qui hébergent des sites du CHU ont
toutes initié une démarche d'Agenda 21 à l'échelle municipale. Le développement durable est un thème
qui les intéresse au niveau politique, ce qui crée un contexte très favorable. De même, elle a rappelé
que le dynamisme de l'ADEME locale était également important, et que dans le même ordre idée, le
fait que l'ARS locale ne soit pas du tout intéressée par la question n'aurait pas été facilitant. De
surcroît, l'implication des entreprises locales peut être très utile.
3.2.3.5 Créer des synergies et présenter les choses de manière positive
93
Finalement, le développement durable est vraiment une question de synergie. D'une part de
synergies au niveau 'macro', puisque l'idée est vraiment que la sommation d'action individuelles
procure plus de bien-être environnemental, économique et social au niveau collectif. Mais aussi de
synergies au niveau 'micro', puisque l'action de chacun est nécessaire dans une structure pour que le
management durable fonctionne.
Un des directeurs interrogé a expliqué que le développement durable était une idée « assez
populaire, assez partagée. Avant, quand on mettait des affichettes pour l'électricité ('pensez à éteindre
la lumière'), c'était souvent pris de manière narquoise. Maintenant, c'est plutôt bien perçu. Mais peut
être que ce sera plus compliqué quand il faudra contraindre les comportements ». Le développement
durable bénéficie donc d'une aura de plus en plus positive. Et cela constitue un formidable levier à
valoriser.
Le risque serait en effet que la démarche, si elle devient trop contraignante, finisse par agacer. Il ne
faut donc pas considérer cette réception positive du concept par les acteurs hospitaliers comme un
acquis mais toujours chercher à la renforcer.
Par exemple, un levier d'action très positif est de mettre en avant le bien-être que procure le
développement durable, en plus de l'effet fédérateur que le management durable peut initier. C'est
notamment dans cette perspective que doit être valorisé le pilier social du développement durable,
souvent négligé au profit des volets économique et social. La démarche 'développement durable'
adoptée par les hôpitaux est en effet susceptible d'améliorer les conditions de travail des personnels de
santé, en leur offrant un cadre de travail plus sain, en revalorisant l'aspect humain de leur mission de
soin que beaucoup déclarent parfois perdre de vue. Le management durable peut permettre aux
soignants de retrouver une opinion positive de leur métier et de s'épanouir davantage dans leurs
missions.
Tout est en fait une question de présentation des choses: le développement durable ne doit être ni
présenté, ni perçu comme une contrainte supplémentaire. Au contraire, le développement durable peut
être un « supplément d'âme », qui recentre l'hôpital sur sa valeur première: d'abord ne pas nuire,
ensuite soigner.
Si le management durable est aujourd'hui un véritable défi à l'hôpital public, il n'empêche que
de nombreux leviers existent, susceptibles de permettre des progrès rapides dans son déploiement et
son enracinement dans les pratiques hospitalières.
Il n'empêche que pour l'instant, la démarche n'en n'est qu'à ses balbutiement, ce que plusieurs
directeurs de l'AP-HP interrogés ont souligné: « la démarche est pour l'instant très progressive », « je
94
crois que ça a émergé, cette problématique est en train d'être intégrée par les décideurs hospitaliers »
ou encore « pour l'instant, je la perçois de manière un peu balbutiante. Un cadre a été défini, et on est
en train de le construire ».
3.2.4 Perspectives: quel hôpital durable en 2050?
On a vu qu'à court terme, il existe beaucoup de contraintes qui freinent la mise en œuvre du
développement durable. Même si des leviers d'action existent par ailleurs, il est difficile d'imaginer
que la situation évolue profondément en quelques années. Du temps est en effet nécessaire, pour que
les acteurs s'imprègnent de la problématique, pour que les protocoles évoluent et soient intégrés par les
personnels, pour que les investissements soient programmés et mis en œuvre, pour que les fournisseurs
s'adaptent à l'évolution de la demande, etc.
Le développement durable n'en est donc qu'à ses balbutiements, mais n'en est pas pour autant
réductible à un effet de mode. La démarche semble bel et bien aller dans le sens de l'histoire, et
répondre à une nouvelle ère dont notre société entame la traversée: celle de la rareté, qui fait suite à la
période des révolutions industrielles qui a amené nos économies développées à atteindre leur taille
critique : la phase asymptotique du modèle de Solow, caractérisée par une croissance très faible.
Parce que cette tendance du développement durable a vocation à perdurer et à s'amplifier, il est donc
permis d'imaginer ce que sera l'hôpital de l'avenir. A quel hôpital durable auront nous affaire dans 50
ans?
La question a été posée à la plupart des personnes interrogées, et présentée comme un exercice
de politique fiction. L'idée n'était pas d'adopter un raisonnement scientifique, de s'appuyer sur des
preuves tangibles ou des prévisions officielles. Au contraire l'objectif était d'activer la pensée créative
des uns et des autres, et d'imaginer ensemble l'hôpital de demain.
La question en a dérouté plus d'un: « je me méfie beaucoup des visions à 50 ans. J'ai déjà beaucoup de
mal à avoir une vision à cinq ans, par expérience », ou encore « je ne suis pas assez visionnaire pour
ça. Je gère le quotidien. Ceux qui donnent des idées, souvent, ne les appliquent pas. L'AP-HP se gère
avec des plans stratégiques de cinq ans. On a une vision stratégique à deux ans maximum ». Ces
arguments sont recevables, mais il n'en demeure pas moins que le développement durable suppose une
vision de long terme, qui prenne en compte les générations futures. Comment mener un projet
ambitieux sans savoir ce vers quoi l'on se dirige? « la question est très intéressante mais très
compliquée à imaginer » a résumé l'un des directeurs.
95
En procédant par étape, il est premièrement possible de sélectionner des « bonnes pratiques »
dont on estime qu'elles se seront démocratisées dans cinquante ans: le système de co-génération70 mis
en place à l'hôpital Avicenne, le mur végétalisé de l'hôpital Robert Debré, la gestion écologique des
espaces verts de l'hôpital Broca, etc
La clinique Champeau, à Béziers, est particulièrement innovante en la matière et préfigure peut être
l'hôpital de demain: les dispositifs médicaux sans phtalates sont les plus nombreux possible, les
trousses de maternités remises à la naissance aux mamans ne sont pas des cocktails chimiques, les
déchets fermentescibles sont compostés, etc.
Il est également parfois utile de se tourner vers l'étranger pour s'imprégner de pratiques innovantes.
L'hôpital de Sunderby en Laponie suédoise – où l'auteur de ce mémoire a eu l'occasion d'effectuer un
voyage d'étude en 2006 -, est par exemple une source d'inspiration parfaire pour qui veut réfléchir au
bien-être des patients et des personnels d'un établissement de santé. Conçue dans les années 1990,
l'architecture de cet hôpital est révolutionnaire en ce qu'elle a été élaborée selon l'hypothèse que les
sens sont réceptifs et réagissent à ce qui nous entourent. Le bâtiment est donc bien sûr totalement
fonctionnel, mais une dimension spirituelle lui a été ajoutée, selon l'idée que l'architecture et l'art
doivent participer au bien être des patients et des visiteurs au même titre que les personnels de santé.
Le concept est donc que l'hôpital évoque le moins possible à ses occupants le soin et la maladie, afin
qu’il ne soit pas anxiogène. Les couloirs ont des noms de rue, les lieux collectifs sont conçus comme
des places, et aménagés par du matériel urbain (bancs publics, kiosques). Les services prennent la
forme de petits immeubles, et certaines pièces disposent sur de balcons donnant sur les ‘rues’.
L'enveloppe extérieure de l'hôpital est en fait une immense verrière, qui fait que l'on a l'impression, été
comme hier, de se promener en extérieur, et qui permet aux occupants de suivre les saisons, très
marquées tant au niveau de la température que de la luminosité en cette région septentrionale.
Tout est en fait réuni pour accélérer la guérison du patient, tout en fournissant confort et stimulation à
toute personne passant du temps à l'hôpital. L'art peut notamment avoir un effet apaisant, et les
gravures accrochées dans les couloirs ou patientent les personnes devant subir un examen ou une
opération ont par exemple été sélectionnés en ce sens.
Beaucoup d'hôpitaux mettent en fait d'ores et déjà en œuvre des principes dont on se prends à
rêver qu'ils pourraient devenir la norme: un système qui ne vise pas simplement le soin mais la santé,
pas simplement la guérison mais le bien-être, pas simplement la technique mais l'humain.
70 Système de production simultanée d'électricité de de chaleur, la chaleur étant issue de la production
électrique ou l'inverse. La cogénération fait partie des techniques les plus efficaces énergétiquement pour
l'utilisation des énergies fossiles et renouvelables
96
Mais en 2050, le cadre général hospitalier pourrait bien avoir changé, l'obligeant à évoluer. C'est ce
qu'ont signalé plusieurs des directeurs de groupe de l'AP-HP. « Il ressemblera à un hôpital dont le
dimensionnement en terme de périmètre sera considérablement réduit puisque hormis les pathologies
très lourdes, la prise en charge des patients sera beaucoup plus courte » a expliqué l'un d'entre eux,
un autre imaginant que « dans 50 ans, la médecine sera probablement très différente de celle que l'on
exerce aujourd'hui, les patients auront un autre suivi, la thérapie génique sera très fréquente, etc ». Le
fait est que la médecine évolue tellement vite qu'il est difficile de cerner la forme qu'elle prendra dans
50 ans et les conséquences que cela aura sur l'organisation de l'hôpital: « Il est utile de se projeter,
mais je pense qu'il est inutile de trop réfléchir à des solutions concernant par exemple l'activité des
blocs opératoires, dont il est pratiquement impossible de savoir quelle forme elle aura dans 50 ans ».
Dans tous les cas, la plupart des personnes interrogées se sont montrées optimistes. Jean-Rémy
Bitaud a par exemple déclaré espérer que dans 50 ans, les hôpitaux n'auront plus besoin de référents
développement durable, parce celui-ci sera automatiquement inscrit dans la matrice décisionnelle, et
Virginie Valentin que « le développement durable sera tellement intégré qu’on aura pas besoin de
sensibiliser autant dessus » et que l'exposition au risque chimique et toxique sera minimisé, car la
question de l'éventuelle toxicité des médicaments, dispositifs médicaux, matériels de construction ou
produit d'entretien sera dépassée.
Plus concrètement, plusieurs directeurs ont estimé que « tous les bâtiments seront HQE et produiront
leur propre énergie », ou encore que « toutes les flottes automobile, et notamment les ambulances
seront des véhicules électriques ».
Mais en imaginant l'hôpital durable de l'avenir, beaucoup des personnes interrogées ont également
rappelé que le destin du management durable hospitalier ne peut se concevoir sans intégrer plus
largement le système de santé dans son ensemble à la réflexion. Jean-Rémy Bitaud a par exemple
évoqué dans la réponse à sa question la santé environnementale, y compris pour les agents
hospitaliers, et Virginie Valentin a affirmé espérer « que l'approche environnementale serait intégrée
dans toutes les politiques publiques », tout comme une directrice a évoqué la possible « place
beaucoup plus importante prise par la prévention et l'éducation thérapeutique ».
97
3.3 Une santé plus durable en 2060 ?
Comme cela a déjà été évoqué, le développement durable est une question de synergie: c'est
un système de pensée, une démarche qui se renforce à mesure que tous les acteurs, tous les secteurs,
tous les pays l'adoptent.
A l'échelle de la santé, on ne peut par exemple pas imaginer que seuls les hôpitaux – et a fortiori que
seuls les hôpitaux publics – adoptent le management durable. En matière de déchets infectieux par
exemple - pour reprendre le thème qui a servi à illustrer la démonstration tout au long de ce mémoire ,
les hôpitaux publics ne sont actuellement pas les plus dangereux. Car même si leur pratique n'est pas
tout à fait conforme, on sait que très peu de déchets infectieux échappent à la filière d'élimination qui
leur est réservée. Le PREDAS (Plan d'élimination des déchets d'activité de soin) d'Ile de France
indique par exemple qu'aujourd'hui, le problème provient avant tout de l'hospitalisation à domicile et
des déchets infectieux dits « diffus » (les seringues des diabétiques en auto-traitement par exemple,
dont beaucoup sont éliminées avec leurs ordures ménagères).
Les enjeux sont donc imbriqués, et une meilleure prise en compte de la prévention et de la
santé environnementale implique par exemple l'intervention de plus d'acteurs que les simples
établissements de santé.
Les quelques propositions qui suivent ne sont pas des vérités assénées de manière péremptoires sur le
ton de la leçon de morale. Ce sont des pistes, des idées lancées pour inviter le lecteur à poursuivre et à
élargir la réflexion.
Les causes de mortalité ont considérablement évolué en un siècle. Alors que les pathologies
infectieuses étaient autrefois dominantes, elles sont aujourd'hui supplantées par les pathologies
chroniques : en France, cela se traduit par une incidence croissante des affections dites «de longue
durée », qui concernent en 2011 près de 15% de la population (et sont à la base de 90 % de la
croissance des dépenses de santé), contre 10% en 1996. Un homme sur deux et une femme sur trois
souffrent du cancer, et les maladies cardio-vasculaires et le diabète touchent également une part
croissante de la population.
Ce n'est donc pas un comportement « dépensier », voire « irresponsable » des malades qui est à la base
de la hausse des dépenses de la branche santé de l'Assurance Maladie. La raison première est bel et
bien l'environnement dégradé dans lequel nous vivons: l'eau et l'air pollué que nous buvons et
98
respirons, les composés chimiques devenus omniprésents dans notre entourage immédiat, y compris
dans les aliments que nous ingérons et dans les cosmétiques que nous nous appliquons, etc. Notre
société est devenue pathogène. L'hypertension, le cancer, le diabète, l'obésité ou encore l'asthme sont
des maladies liées au mode de vie.
C'est bel et bien d'une vision à long terme de la santé dont nous avons besoin. « Nous devons
aujourd’hui dans chacune de nos décisions prendre en considération les impacts sanitaires,
écologiques, sociaux et économique » a expliqué Olivier Toma lors de son entretien, Virginie Valentin
mentionnant également qu'il fallait que « l'approche environnementale [soit désormais] intégrée dans
toutes les politiques publiques ». Or ce n'est clairement pas le cas.
Le plan Hôpital 2012 prévoit par exemple un budget de 10 milliards d’euros consacrés à la
reconstruction et à la rénovation de bâtiments hospitaliers. Mais les travaux ont lieu en ce moment
même, alors que l’étiquetage des Composés Organiques Volatils (COV), des produits Cancérigènes,
Mutagènes et Reprotoxiques (CMR) et des nanoparticules ne seront vraisemblablement obligatoires
que dans quelques années. On prend donc quotidiennement le risque de construire avec de l’argent
public des bâtiments qui participeront à créer les maladies de demain, alors que nous sommes
aujourd'hui conscients du risque et savons comment l'éviter.
De même, des matériaux de construction et de décoration fabriqués à base de dioxyde de titane sous
forme nano-particulaire, classée CMR pour l’homme, sont en vente dans le secteur hospitalier. Leurs
fabricant vont même jusqu'à vanter leur côté « magique » et « révolutionnaires » car ils ne nécessitent
pas d'entretien, mais ces produits sont dangereux pour la santé humaine. Le C2DS propose ainsi par
exemple de créer une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) spécifique aux produits de
construction.
Ce genre de mesure est durable tant du point de vue environnemental et social qu'économique.
Le « déficit de l'Assurance Maladie » est en effet un problème très médiatisé, auquel les réformes
successives des derniers gouvernements ont répondu par des réformes de son financement, des
déremboursements et l'instauration de franchises médicales sont considérés comme la seule solution
pour restaurer des finances dégradées. Or cette approche est injuste et même contreproductive. En
effet, les déremboursements successifs font par exemple reposer l'incitation financière à consommer
moins de médicaments sur le patient, qui n'est ni responsable de la dégradation de l'environnement qui
le rend malade, ni le prescripteur des médicaments en question. Elle consacre donc une rupture
inacceptable avec le principe fondateur de la Sécurité sociale selon lequel chacun paye selon ses
moyens et reçoit selon ses besoins.
99
De plus, les mesures successives de « réforme » de l'assurance maladie ont un effet désastreux sur le
non-recours aux soins: de plus en plus de personnes – et pas seulement chez les plus précaires, sont
incitées à faire l'impasse sur certains soins dont ils estiment pouvoir se passer (soins dentaires, soins
préventifs, soins ophtalmologiques, etc). Finalement, on laisse son état de dégrader et l'on intervient
sur la maladie beaucoup plus tard, lorsque les besoins en personnels, gestes et médicaments sont plus
lourds et donc plus coûteux. Au final, ce système est – en plus d'accentuer les inégalités d'accès à la
santé - doublement contre-productif: et sur la santé de la population, et sur les finances de la Sécurité
Sociale.
Preuve que la solution apportée n'est pas une réponse adaptée, le déficit de l’Assurance Maladie
continue de se creuser, sans pour autant que ne soit enrayée l’augmentation de l'incidence des cancers,
du diabète, de l’asthme ou des maladies cardiovasculaires.
Le véritable enjeu aujourd'hui est donc de faire le bon diagnostique, et de considérer que c'est
de la crise sanitaire que découle la crise de l'assurance maladie. Et que l'augmentation des maladies
chroniques doit être classée comme une crise environnementale, au même titre que l'épuisement des
ressources naturelles ou encore l'érosion de la biodiversité. Et enfin que l'on ne résoudra la crise de
notre système de soin et de son financement que si l'on agit à la source sur les causes des grandes
maladies chroniques actuelles: le stress, la pollution, les conditions de travail, l'alimentation, et plus
largement notre modèle de société et de développement, qui a atteint ses limites. Notre système de
santé ne peut plus se limiter à réparer les conséquences de la dégradation de l'environnement. Nous
devons passer d'une logique uniquement curative à un système alliant soin, prévention et éducation à
la santé.
*
* *
100
Bien sur, quelques paragraphes ne suffisent pas à être exhaustif, et il y aurait encore beaucoup
à dire sur l'organisation du système de soin, les nouveaux types d'exercices médicaux, la revalorisation
des formations sanitaires et sociales, la remise en cause du paiement à l’acte, la santé au travail, la
promotion des éco-médecines, plus respectueuses de nos organismes et de notre environnement, etc.
Mais voici en tout cas dressé le cadre d'une politique ‘durable’ de la santé. Qui ne doit pas pour autant
faire perdre de vue que la santé environnementale , c'est également la prise en compte du cadre de vie,
de l'urbanisme et de tout ce qui épanouit le quotidien comme facteur de santé publique. Car la santé
environnementale a comme objectif un état de bien-être, à la fois physique et psychologique.
S’engager dans cette voie signifie travailler sur les facteurs environnementaux, sociaux et
économiques, mais aussi sur les comportements et sur les politiques publiques.
101
102
Conclusion
La mise en œuvre du développement durable dans les hôpitaux publics participe de la
réalisation d’un modèle de société qui soit à la fois viable, vivable et équitable. La participation des
établissements de santé à la démarche n’est certes pas suffisante, mais elle est nécessaire : tous les
acteurs doivent ‘faire leur part’.
Au cours des entretiens et des visites techniques menées dans le cadre de ce travail, un certain
enthousiasme a été ressenti pour la question. La plupart des personnes rencontrées ont fait preuve
d’intérêt pour le travail en cours, et les personnes faisant état de difficultés à mettre en œuvre le
management durable étaient en fait plus à la recherche de solution qu’au bord de la démission : « on
est toujours partants pour des choses intelligentes » a déclaré l’une des directrices interrogées.
Seulement, avec le développement durable, on est souvent en proie à des contradictions :
gestion à court terme et calcul du bilan économique à long terme, économie et sécurité des soins, etc.
La question centrale, c’est en fait de se demander quel est l’élément qui permet en définitive de faire
pencher la balance d’un côté ou de l’autre .
Il semble que la tendance actuelle soit à se concentrer sur les questions financières à l’hôpital public, y
compris à privilégier les mesures de court terme en matière budgétaire. Mais il est possible que cela
change, du fait par exemple de l’évolution réglementaire, ou d’une évolution culturelle couplée de
pressions croissante des consommateurs.
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104
Bibliographie
Ouvrages
RABHI Pierre, La part du colibri : L’espère humaine face à son devenir, Editions de l’Aube, Coll. L’Aube Poche essai, Octobre 2006, 54 pages
TARARINE Marc, La gestion des déchets médicamenteux à l’hôpital, Edition Groupe Nuages Blancs, 2008, 80 pages
YAHGULANAAS Michael Nicoll, Le vol du Colibri, Editions Boréal, novembre 2008, 64 pages
Articles de périodiques
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BOURET Laurence, « Dasri, pourquoi s’en préoccuper », TECHNIQUES HOSPITALIERES, juillet-août 2009, n°716, pages 69 à 74
CHAN Margaret, “Cutting carbon, improving health”, THE LANCET, 5 décembre 2009, volume 374, Issue 9705, page 1870
105
CIRRE Marc, « Maîtriser la consommation d’énergie en milieu hospitalier », TECHNIQUES HOSPITALIERES, mai-juin 2008, n°709, pages 20 à 21
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DARNAUDET Philippe, Vers une politique immobilière durable dans les établissements de santé : la rénovation des bâtiments hospitaliers dans le cadre du plan stratégique de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, Université d’Evry Val d’Essonne, Septembre 2010, 93 pages
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Congrès et séminaires
34ème Congrès de la Fédération internationale des hôpitaux, du 20 au 22 septembre 2005 à Nice (France)
1er Colloque européen « Gestion durable des DASRI » : vers une harmonisation des pratiques, Recueil des interventions, ADEME Editions, 22 octobre 2008, Paris
Séminaire « qualité de vie au travail et qualité des soins dans les établissements de santé », Actes, HAS, 21 octobre 2010, La Plaine Saint-Denis
Deuxième congrès national « Développement durable en établissement de santé », 5 avril 2011, Cité Universitaire, Paris.Congrès organisé par PG promotion, en collaboration avec le comité de pilotage « Manager le développement durable en établissement de santé » composé des fédérations hospitalières (FHF, FEHAP, FHP), des Ministères de la santé et du développement durable, de l’ADEME, de l’ANAP, d’associations professionnelles hospitalières (IHF, UniHA, ResaH Idf…) et de représentants d’établissements témoin.
La santé respire en Ile de France, 20 mai 2011, Conseil Régional Ile de France, ParisCongrès organisé par le Conseil Régional d’Ile de France sur les éco-médecines
Textes de loi
Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008 n° 5351/SG relative à l’exemplarité de l’Etat au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics (JO du 12 février 2009)
Code de la santé publique, Article L6112-1Décret n°97-1048 du 6 novembre 1997 relatif à l’élimination des déchets d’activité de soins à risques infectieux et assimilés et des pièces anatomiques et modifiant le code de la santé publique (deuxième partie : décrets en conseil d’Etat) (JO du 18 novembre 1997)
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Directive 2005/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 modifiant pour la vingt-deuxième fois la directive 76/769/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses (phtalates dans les jouets et les articles de puériculture) (Directive relative aux phthalates) (Désormais intégrée au règlement REACH)
Loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement (JO du 2 mars 2005)
Loi n°75-633 du 15 juillet 1975 relative l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux (JO du 16 juillet 1975)
Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – article 1 (V)
Sites internet
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FHF. Fédération hospitalière de France. Disponible sur [20 avril 2011] http://www.fhf.fr/
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RUDOLOGIA. Pôle français de compétences déchets. Disponible sur [10 mai 2011]
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Entretiens
Allain Véronique, AP/HP / Hôpital Bicêtre, Cadre de santé
Bitaud Jean-Rémy, AP-HP / Siège, Directeur d’hôpital, Directeur de projet management durable
Chevallier Catherine, AP-HP / Siège, Ingénieur environnement, chargée de mission déchets au sein du secteur « Ecologie Hospitalière »
Gralle Monique, AP-HP – Groupement hospitalier Lariboisière, Responsable de la qualité des prestations à la Direction des services économiques, logistiques et de l'écologie Hospitalière de l’hôpital
Herrati Nadine, AP-HP / Hôpital Tenon, Cadre supérieure
Hopp Pascal, AP-HP / Siège, Chef du département Logistique et écologie hospitalière au siège de l’AP-HP
Sami Yasmina, HAS, Chef de mission « développement durable »
Toma Olivier, C2DS, Directeur, Ancien directeur de la clinique Champeau à Béziers (34)
Valentin Virginie, CHU – Hôpitaux de Bordeaux, Secrétaire générale et Directeur de la coopération et du développement durable
Winkler Wiebke, C2DS, Chargée de mission réseau
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