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7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3
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Mmoires concernantl'histoire, les sciences,
les arts, les moeurs, lesusages, ,c. des Chinois/ par les missionnaires
[...]
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
http://www.bnf.fr/http://gallica.bnf.fr/7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3
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MMOI RE S
CONCERNANT
L'HISTOIRE, LES
SCIENCES, LES
ARTS,LES MURS, LES USAGES, &c.
DES CHINOIS,
Par LES Missionnaires de P-kin.
TOME TROISIEME.
A PARIS,
Chez Nyon l'an, Libraire, rue Saint-Jeaii-'de-Beauvais,
vis--vis le College.
M. D C C. L X X V I I I.
Avec Approbation, et P riv ilege DU, Roi,
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Aij
AVAN T-P R O P O S.
%j E troifieme volume des Mmoires concernant
les Chinois contient cinquante deux Portraits
de Perfonnages clbres chez les Chinois. Ces Por-
traits feront fuivis de plusieurs autres, qui feront
placs dans les volumes fuivans, pour varier les ma-
tieres. Dans le manufcrit venu de P-kin, ils font
tous accompagns de la figure deffne & colore
d'aprs les originaux; mais comme il y en a un grandnombre qui ne prfentent aucune diffrence fenfibe,
on s'eft content d'en faire graver feulement quel-
ques-uns des plus intreflans. Comme ces Portraits
font dans le coftume Chinois, quoiqu'ils n'aient rien
de gracieux, ni de recherch, quant la manire dont
ils font peints, les Chinois cependant leur don-
nent la prfrence fur tout ce qu'ils peuvent avoir
d'ailleurs de recommandable. Cet aliment dont leur
amour-propre fe nourrit, ne fauroit tre dans d'autres
climats qu'un mets affez infipide, fi on ne tche par
quelque afaifonnement d'en relever le got ou d'en
corriger la fadeur. C'eft ce que l'Auteur a tch dee
f,Ire. ~.1 a h 1 dans 1>1"1' ('
faire. Il a cherch dans i'hiiloire gnrale, fouill
dans les hidoires particulires il a eu recours aux
anecdotes pour trouver de quoi faire connorre
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AVANT-P RO PO S.
fuffifamment des trangers qui ont rempli du bruit
de leurs noms la partie de la terre qu'ils ont habite.
On verra par cette efquifle que les hommes quant
au moral, fe reiemblent dans tous les pays, &qu'ils
ont et -peu-prs les mmes dans tous les temps
beaucoup de vices, peu de vertus; quelques bril-
lantes qualits, des dfauts fans nombre: voil ce
qui s'eft toujours vu, & ce qui probablement fe
verra toujours fur le globe que nous habitons.
On trouvera la fuite de ces Portraits la Relationde la conqute des Miao-tfe, acheve en 1775
avec des dtails qui feront connotre quel point en
eft, encore aujourd'hui, la nation Chinoife par rap-
port au caractre, aux murs, aux principes, &c.
On y verra auffi une ide de fa puiffance, de ion
crmonial dans les grandes occafions,
de la ma-
niere dont ce vafte Empire fe gouverne, &c.
Le volume eft termin par des Notices fur les
Serres Chinoifes fur quelques Plantes & Arbriffeaux,
fur des pratiques particulieres en fait de culture, dont
les curieux en ce genre peuvent tirer quelque parti.On y a ajout l'annonce de la crmonie du La-
bourage par l'Empereur.Le quatrieme Volume s'imprime, &a pour objet
la Pit Filiale des Chinois.
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MEMOIRES
CONCERNANT
LES CHINOIS.
P Q R TRAITS
DES CHINOIS CLBRES.
AVERTISSEMENT.
JLi'auteur Chinois qui s'eft donn la peine de copierles Portraits de quelques-uns des JPerfonnages clbres de fa
Nation a mis la tte de fes peintures les paroles fuivantes
Au commencement de la onzime lune de la vingt-qua-
trieme anne de Kang-h ( c'eft--clire fur la fin de l'an 68 5 ), moi Po-ki furnomm Tc/iang-feou ayant achev de
copier les Portraits de plus de cent Perfonnages clbres
dont on conferve les originaux dansle temple o on. apprcie fans panialn le le ceux qui ont pratiqu la venu
( Hlng-t-fe Tao-ki-huung-koung)- j'ai cru devoir dire
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PORTRAITS
quelque chofe de chacun, pour qu'on pt au moins s'en
former une lgre ide ou s'en rappeller le fouvenir.
Grand tre qui tes le principe des trois principes actifs
San-tfai ( c'eft--dire le Ciel, la Terre & l'Homme ), ayez pour agrable un ouvrage que je n'ai entrepris que pour la
fatisfaction & l'inftruftion de la poftrit .
L'Auteur ne donne exactement que ce qu'il a promis. 'Deux
ou trois mots font fouvent tout ce qu'il dit d'effentiel fur les
Perfonnages qu'il reprfente. Cela peut fufEre pour des Chinois
qui peuvent fe procurer des connoiffances plus exactes en
consultant leur hiftoire & les autres livres qui entrent dans le
dtail de tout ce qui concerne leurs hommes clbres.Mais ce que peuvent faire des Chinois qui font dans leur
patrie pour fe mettre au fait de ce qui concerne d'autres
Chinois, ne fauroit tre pratiqu par des
Europens qui font
leur fjour dans la Cour de P-kin o tous les fecours leur
manquent. C'eft ce qui m'a engag ajouter quelques traits
aux crayons un peu trop fuccincts de Po-kt-tchang-Jleou.En raflemblant quelques-uns des principaux traits qui cara-
ctrifent ceux des Chinois qui, depuis l'etablifTement de leur
monarchie fe font rendus clbres dans le gouvernement, les
lettres & les armes, je tracerai infenfiblement le caractre de la
nation elle-mme dans fes diffre ns ges. Les Portraits des Per-
fonnages particuliers deviendront des Portraits gnraux. Les
traditions populaires les contes puriles qu'on y rencontrera
quelquefois, y figureront & tourneront en preuve comme le
refce. Ce morceau manquent, je penfe, la littrature fran-
oife S: je fois bien aife de l'en enrichir. Du refte, je ne pr-
tends donner ici qu'une lgre efquiiie d'autres aprs moi
pourront achever ce tableau. Parmi les grands
hommesqu'on
yerra parotre fuccefilveraent fur la feene il en eft dont le
petite ne peut tre apprci que par ceux du pays parce que
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DES CHINOIS CELEBRES.
ce n'en que dans le pays qu'on en connot le genre, & qu'on
y fait cas de ceux qui l'ont poffd dans un certain degr.
Le lecleur doit donc fe transporter en efprit la Chine pour
y voir ce qui fe
pratique, & le
voir, s'il fe
peut en vritableChinois. Ce ne fera que de cette manire qu'il pourra porter
un jugement quitable & fans prjug national.
Il s'en trouve auffi que les Abrgs de Fhiftoire Chinoise 9
imprims en Europe ont dj ce femble fuffifamment fait
connotre. J'ai ctu nanmoins pouvoir y revenir, & les prfenter
ma faon, parce que les coups de pinceau que j'ajouterai
leurs Portraits, leur donneront la reffemblance & les feront
rentrer dans le coftume dont on les avoit fait fortir. j^
II en eft quelques-uns, enfin dont je ne dirai guere ici
que les noms; parce que la poftrit leur ayant dfr une
place dans la falle de Confucius je me rferve de les faire
connotre, leur tour, la fuite de l'hiftoire de ce Philo-
fophe, lorfque je parlerai des Sages qui en diffrens temps,ont illuftr fon ecole.
Pour ce qui eft de l'arrangement que j'ai donn ces Portraits,
je m'en fuis tenu l'ordre chronologique, comme tant le
plus naturel. On pourra, fi l'on veut, leur en fubftituer un
autre, & placer les Empereurs avec les Empereurs, les Mi-
hiftres d'Etat & les Magistrats avec ceux qui ont couru la mme
carrire, les Lettrs avec les Lettrs, & les Guerriers avec
les Guerriers. J'avoue que j 'ai cherch ma commodit en
m'attachant l'ordre que j'ai choif on peut chercher, la
fiennSj en le drangeant pour en fiiivre un autre (i).
(i) On a fuivi dans Pimpreffion l'ordre & les envois de TAureur-.
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PORTRAITS
-I.
TAIHAO-FOU HI-CH, Fond. de la Mon. (i).
J_ a i-h a o, dont le nom propre etoit Fou-hi, Se le furnom
Soung, tenoit fa Cour Ouan-kieou: c'eft aujourd'hui Tchen-
tcheou dans le Ho-nan. Il rgna 115 ans. Le bois fut fon
emblme. On ne parle point de fon pre on dit feulement
que fa jnere s'appelloit Hoa-Ju. Quelques-uns le font fucceffeurde ce Soui-jen auquel on attribue l'invention du feu. Ils difent
qu'il avoit la tte d'un homme & le corps d'un ferpent ce
qui cependant ne doit pas fe prendre la lettre, puifqu'enmme temps qu'ils lui donnent un corps de ferpent dans leurs
crits, ils le peignent avec un corps d'homme.
Fou-hi fut inventeur des filets pour la pche il apprit aux
hommes l'art de cuire les viandes & la maniere de lesapprter.C'eft pour cela qu'on lui a donn le nom de Pao-hi-h,
Sa
vertu etoit femblable celle du ciel & de la terre; & c'ell
pour la conflater aux yeux des hommes que le ciel fit
parotre fous ion regne un phnix (foung-koang) & un dra-
gon (loung). Il parut aufli un cheval ail qui etoit marqu
ir fon corps de certaines figures dont l'arrangement fournit
Fou-hi l'occafion de tracer les huit Koa. La vertu de ces
Koa ejl fpirituelle $>' toute cleje il nejlrien quelle ne- ren-
ferme dit l'Hiftorien. Voyelle Tome II, pag. 11 & fuiv.
(i)ll y a des Lettrs en Chine ce qui regarde Fou-hi, Chen-
qui ne remontent pas au del noung Hoaag-ti &c. Voyt\_ le
de Yao Si qui renvoient dans les Tomt I, pag. m >C;.ff> jufqu'temps fabuleux ou incertains tout a-f.
Quelques
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1 -i t'Ili /Il. ty,OUI.111.f/t'/Ilo'{'J .1'111'Ii, ('Illi/(J
l'iU/C S.
Afemoiref sur /c,r C/ii/ioi.r
,t' ,l'III' Ii,.f' Clui/ot1lq(. 4
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1-
.I~l'lllc)(!'t'J' ,fll!' ll'.f ' C~llillltl,f'
I
t~~rA'7'y~ou
C~A'C/t~, 7-J't~. tKO 1 c; 7"~i~lp ou Co 1loci~pl~e Il-T~~J'l~ ou COU'l' UCIL'S, l~li1(C~.I~oplZO
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DES CHINOIS CELEBRES.
o ;Tome III, F
retir qu'il n'avoit fait jufqu'alors. Il alla Han-houan pour
s'y cacher. Le Mandarin du lieu l'y reut bien & lui dit
volts voule^ vivre en folitaire je ne m'y oppofe point; mais
dans votre folitude occupez-vous quelque ckoje d'utile. Com-
Pfe{ quelque- Ouvrage dans lequel les principes de votre doctrine
foient clairement expliqus. Le Philoiophe lui en fit la promeffe& s'en, acquitta il compofa le Tao-t-kng c'eft--dire le
livre de la doctrine & de la vertu. Cet Ouvrage n'eft pas tel
aujourd'hui qu'il etoit au fortir des mains de fon auteur. On
prtend que fes difciples & fes feftateurs y ont infr en
divers temps bien des maximes pernicieufes qui n'etoient
pas dans l'original. Quoi qu'il en foit aprs qu'il eut fini fon
Ouvrage Lao-tfe Sortit de Han-kouan & s'eclipfa tout--
coup, fans qu'on ait jamais pu favoir o il fe retira ni ce
qu'il devint.
Les Seclateurs de Lao-tfe font encore aujourd'hui trs-nom-
breux la Chine. On les connot fous le nom de Tao-fie. Leur
dotrine n'eft pas tout--fait telle que le dit le Pere du Halde.
Il eftprobable que
ce Pere a tir lui-mme lesconfquences& les a enfuite riges en principes de la doftrine.
XX I.
KOUNG-TSE, Philofophe.
Koung-tfe qu'il a pl nos Europans d'appeller. Confu-
cius avoit pour nom propre Kieou & pour furnom. Tchoung-ni. Ses anctres etoient originaires de la principaut de Soung,
qui comprenoit depuis les confins de ce qu'on appelle aujour-d'hui le Ho-nan jufqu'au Kang-nan. Son pere s'appelloit
Chou-leang-h 6k fa mere Yen-ch. Il naquit la onzime
lune de la vingt-deuxime anne du regne de Siang-koung Roi
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PORTRAITS
de Lou c'eft--dire au mois de Dcembre de l'an 551 avant
J. C. Il travailla avec ardeur faire fleurir la vertu la faine
doctrine & les bonnes murs. Il parcourut la plupart des
petits Royaumes qui partageoient alors l'Empire & fit un
grand nombre de difciples on en compte jufqu' trois mille
mais il n'y en eut que foixante-douze qui furent expliquer &
qui entendirent parfaitement quelqu'un des fix Arts & douze
fulement qui furent coiiflamment attachs fa perfonne, &
qui ont mrit le furnom de fages.
Aprs avoir paff par diffrais emplois Koung-tfe gde foixante-huit ans, fe retira dans fa patrie o il employale peu d'annes qui lui refloient encore vivre faire des
glofes fur le Li-ki, purger le Chi-king de bien des pices
apocryphes ou indcentes qu'on y avoit infres & donner
une explication des Koua de Fou-hi. Enfin, fe voyant prt terminer fa carriere & perfuad qu'il n'avoit oubli aucun
des moyens qui dpendoient de lui pour faire connotre &
pratiquer la vertu il attendit fans inquitude le moment de
fa mort, qui arriva la quatrieme lune de la feizieme annedu rgne de Ngai-koung Roi de Lou, c'eft--dire l'an avant
J. Ch. 478. Il etoit alors dans la foixante -treizime anne
de fon ge.
Confucius n'eut qu'un fils auquel il furvcut il s'appelloit
Koung-ly & autrement P-yu mais de P-yu fortit le
fameux Tfe-fe qui, fur les maximes de fon aeul, compofale livre du jufe milieu en Chinois Tchoiing-young ( 1 ).
Sur les mmes maximes Tfeng-tfe publia le Ta-hio ou la
grande doctrine ( 2 ) & fes autres difciples ayant fait un
choix des fentences & difcours familiers de leur matre en
( i ) La Traduion de cet Ou- (2) La Traduftion de cet Ou-
vrage efl imprime dans le Tome I vrage efl: auffi imprime dans lede ces Mmoires, mme volume,
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DES CHINOIS CELEBRES.
Fi)
compoferent ce qu'on appelle le Lun-yu. Confucius avoit
rdig lui-mme le Chou-king & compof les annales du
Royaume de Lou intitules Tchun-tjeou (3). Je donnerai la
vie de ceSage
danslaquelle
on verraplus particulirementce qui le regarde. En attendant on peut fe contenter du peu
que j'en dis ici.
X X I.
KIU-FING, Miniftre.
Le nom de fa famille etoit Klu & fon nom propre Ping.
Il prit pour furnom Yuen del vient qu'on l'appelle in-diffremment Kiu-ping & Ki-yuen. Il etoit de mme fang
que le Roi de Tchou ( Hoai-ouang) fous le rgne duquel il
fut mis la tte d.- s affaires.
Il s'etoit a donn de bonne heure l'etude, & y avoit fi.
bien runi qu'il fut regard comme un des plus favans
hommes de fon fiecle. Il avoit outre cela une loquencenaturelle qui le faifoit admirer de tout le monde. Il ecrivoit
bien & avec beaucoup de facilit. C'etoit lui qui rpon-doit toutes les lettres des Gouverneurs de Province &
autres Officiers qui etoient hors de la Capitale & qui leur
intimoit les ordres du Souverain avec un difcernement &
une fageffe qui lui acquirent Feftirne univerfelle & toutes
fortes d'honneurs & de bienfaits de la part de fon Prince.
Il ne lui falloit pas tant de mrite pour avoir des envieux.
Les Grands de la Cour luifuppoferent des crimes &
l'accu-
ferent auprs du Roi qui eut la foibleffe de facrifier fon prin-
cipal Miniftre & ton homme de confiance fur de Simples
foupons il l'eloigna de la Cour.
(3) Voyez ce qui eft dit du Chou-king, dans le Tome J, p. 43 jufqu' C4.r
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PORTRAITS
Kiu-yu&n fentit vivement fa difgrace il quitta non-feu-
lement la Cour mais encore le Royaume de Tchou ne
voulant plus vivre fous la domination d'un Prince dont il avoit
fi bien mrit & qui le t raitoit fi indignement. Il fe retira
dans les terres propres de l'Empire. L dbarraff de tout
foin & rendu lui-mme il exera fon gnie & dchargeafon cur. Il compofa la fameufe Elgie nomme Li-faodans laquelle il exhale fa douleur avec une eloquence & un
pathtique qui arrachent des larmes. Il croyoit tre dformais
l'abri des fureurs de la calomnie il fe trompoit l'envie le
pourfuivit dans fa retraite & fufcita d'abord contre lui
le Mandarin du lieu & enfuite quelques Grands de la Cour
de l'Empereur qui le deffervirent & le firent regarder comme
un perfonnage dangereux. L'Empereur trop crdule le
relgua dans un lieu marcageux nomm Pin non loin des
bords du Kiang.Dans cet exil Kiu -yuen compofa neuf autres Elgies.
Aprs quoi dgot des hommes auxquels il avoit fait tout
le bien qu'il avoit pu & de la part defquels il n'avoit prouv
que des injuirices il tomba dans une profonde mlancolie
qu'il ne put vaincre, tout philofophe qu'il etoit. La vie lui
devint charge & il prit le parti d'en terminer lui-mme le
cours il s'attacha une groffe pierre & fe prcipita dans le
fleuve.
Le peuple, touch des m alheurs d'un homme qui fut tout-
-la-fois grand fans fafle, bel efprit fans orgueil Miniflre
habile, Magiftrat quitable citoyen vertueux lui donna deslarmes. Il vint en foule fur les bords du fleuve, pour tcher de
dcouvrir le corps de celui qu'il regrettoit. Pendant une efpacede temps afTez confidrable on fit chaque jour les mmes
recherches ce qui a donn lieu une efpece de fte qui fe
clebre chaque anne en fon honneur, le cinquime jour de
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DES CHINOIS CELEBRES.
la cinquime lune. Les bateliers ornent leurs barques, courent
les rivieres, comme s'ils cherchoient encore le corps du ver-
tueux Magtrat, pour lui procurer les honneurs de la fpulture
dont il fut priv.
XXIII.
M ON GTS E, e Philofophe.
Mong-tfe le plus clbre des Philofophes Chinois, aprs
Confucius, avoit pour nom propre Ko, & pour furnom Tfe-
yu il etoit de famille Mandarine originaire du Royaume de
Tchou & defcendoit de ce Mong-fun qui, du temps de
Confucius exeroit une des principales charges de la Magi-
firature, avec un faite qui mrita l'animadverfion de ce Philo-
fophe. Son pere Ki-koung-y etoit tabli dans le pays de Tfeou,
qui appartenoit alors au Roi de Tchen, & qui eft ce qu'on
appelle aujourd'hui Tfeou-hien du diftrift de Yen-tcheou-fou y
de la Province de Chan-tcng il mourut peu de temps aprsla naiffance de fon fils. Tchang-ch mere de Mong-tfe fut
charge feule de fon ducation, & y donna tous les foins
qui dpendoient d'elle. On la cite aux peres & aux meres
comme un modele. Le dtail de tout ce qu'elle fit pour infpirerde bonne heure l'horreur du vice & l'amour de la vertu
celui qu'elle devoit former, n'eft pas ici mon objet. Je ne
puis cependant m'empcher d'en rapporter un trait, par lequel
on pourra juger du refte.La maifon o elledemeuroit etoit voifme de celle d'un boucher
elle s'apperut qu'au moindre cri des animaux que ton voifin
alloit gorger le petit Mong-ko couroit pour voir ce qui fe
pafoit qu'il jouiffoit avec plaisir de ce fpeftacle, & qu' fon
retour il tchoit d'imiter ce qu'il avoit vu. Un pareil voifinage,
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PORTRAITS
exemples qu'on y apporte en preuves les allgories fines
qu'on y emploie quelquefois & un peu plus fouvent qu'il
ne faudroit des inventives un peu fortes contre des perfonnes
en place en rendent la lefture dlicieufe ceux d'entre les
Lettrs dont le zele imptueux pour ce qu'ils appellent la
Saine doctrine, ei incapable de difllmulation ou de mna-
gement. Les Chinois conviennent en gnral qu'il efl digne
de la rputation dont il jouit. Sans lui difent-ils c'en etoit
fait peut-tre de la faine plulofophie. On commenoit oublier
Confucius &ce qu'il avoit enfeign i &les S claires Yang & Mo,
qui aux abfurdits dbites par Lao-tfe av oient ajout leurs
propres rveries avaient dja pris le dejfus. Il fallut combattre
les nouvelles erreurs il fallut oppofer une forte digue la
rapidit du torrent qui alloil tout entraner. C'ejl ce que fil
Mong-tfe avec un courage qui mriwit plus de fuccs qu'il
ncn eut. L'erreur quoiqu' affaiblie fubfifa & fit encore du
ravage. Les temps etoient mauvais tout alors alloit en dca-
dence dans l'Empire. Le Roi de Tfin avoit pour Minijire un
Chang-yang les Rois de Tchou de Ouei & de Tfi etoient
gouverns par un Ou-ki un Sun-pin & un Tien-ki tous-
gens inquiets & turbulens qui ne refpiroient que la guerre &
qui ne fe plaifoient que dans le tumulte des armes. Comment
un Sage qui ne parlait que des vertus pacifiques de Yao de
Chun, de Tcheng-tang & de Ouen-ouang, pouvoit-ilfe fairecouter} comment pouvoit-il tre employ dans les lieux o l'on
ne voulait que des guerriers ?
Mong-tfe ajoutent-ils, avoit un air fvere, une contenance
grave, & il le refpeil & la crainte; or il efl rare qu'unhomme de cette forte puijje fe faire aimer de la multitude. Le
grand nombre veut de ces Sages qui s'accommodent art temps 3
& qui je conduijent fuivant les circonflances.
Quelqu'un demanda un jour Tckeng-tfe i Mong-tfe
etoit
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DES CHINOIS CELEBP.ES.
Tome III. G
etoit un parfait Sage. Je noferois t'ajfurer, rpondit Tcheng-
ife ce que je fais c'ej que r Ouvrage qui porte fon nom ne
refpire que la plus haute fageffe & la vertu la plus pure. Je crois
qu'on peut le placer aprs Conjucius & le regarder comme un
Sage du premier ordre.
Dans une autre occafion, le mme Tcheng- tfe faifant
entrer Mong-tfe en parallele avec Confucius s'exprime ainf.
Confucus par prudence ou par modeflie dtJfunuL [cuvent f
il ne dit pas toujours ce qu'il pourroit dire Mong-tfe ne
fait pas de mme incapable de fe contraindre, il dit tout ce
qu'il penfe & le dit hardiment il va droit au but. Il eflfetn-hlable cette belle glace faite de Veau Laplus pure au travers
de laquelle on voit tout elle brille elle eji unie elle laiffe
appercevoir tous les dfauts comme toutes les beauts. Confuciusau contraire ejl comme zme pierre prcierzfc: qui n'a pas tnut
l'clat de la glace, mais qui a plus de confjlance & de fol-
dit, &c.
Par ce que je viens de rapporter, on peut fe former une
ide fuffifante du caraftere de Mong-tfe. Il mourut l'gede
quatre-vmgt-quatre ans fans jamais avoir poffd aucune
de ces charges auxquelles fa naiffance & fou mrite perfonnelfembloient le deftiner. Mais fi pendant fa vie il ne fur pashonor comme il le mritoit il l'a t aprs fa mort autant
qu'il pouvoir l'tre & la poftrit en le comblant d'honneurs& de titres magnifiques l'a veng en quelque forte de l'in-
diffrence de fes contemporains. On a pour fa mmoire le
mme refpett que pour celle du grand Yu de Tcheou-koung& de Confucius on lui a erig des monumens publics; on
a plac fon portrait ct de celui de Yen-lwei dans la lalledite Ouen-miao on l'a lev la dignit de Prince; & on a
accord fes defcendans toutes les prrogatives dont jouiffentceux qui appartiennent la famille des Rois. Enfin on l'a
~r. /Y7-
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PORTRAITS
honor jufqu' donner volontairement fa vie pour foutenr
la
gloire de fon nom. Ce trait d 'hiitoire terminera ce que j'ai
dire de ce Philofophe.
Le fondateur de la Dynaftie des Mlng le grand Kao-
tfou connu autrement fous le nom de Houng-ou qu'il donna
aux annes de ion regne, lifant un jour Mong-tfe tomba
fur le pafface o le Philoibphe s'exprime ainf le Prince
regarde fes fujets comme la terre qu'il joule aux pieds ou
comme des grains de fetiev dont il ne fait aucun cas les fujets,
leur tour, regardent leur Prince comme un brigand ou comme
leur ennemi. Cesexpreffions le choqurent. Ce nefi point ainf, a
dit-il qu'on doit parler des Souverains. Celui qui tient un
pareil langage nejl pas digne de partager les honneurs qu'on
rend au fao-e Confucius. Qu'on dgrade Mong-tfe &qu'ontefon
portrait de la [aile du Philofopke de la Nation. Quiconque fera
affe\ hardi pour me faire fur cela des reprfentations fera
trait comme criminel de le^e-majef. Qu'on ne me prfente
aucun placet fier cette affaire qu'on n'ait perc d'une flche celui
qui voudra l'offrir.Un pareil ordre fut bientt public. Tous les gens de lettres en
furent confterns. Un d'entr'eux, nomm Tflen-tang natif de
la ville de Hiang-chan-hien, & qui etoit alors Prlident d'un
des grands Tribunaux de l'Empire, plus courageux que tous
les autres voulut fe facrifier le premier pour l'honneur de
Mong-tfe. Il compofa fa requte, dans laquelle aprs avoir
expof le pafage en entier, & expliqu le vrai fens qu'il
renferme il fait le portrait des diffrens petits Souverains
qui rgnoient alors dans les principales Provinces de l'Empire
fous le t itre de Roi. Cefl de ces fortes de Souverains &
nullement du lgitime fils dit Ciel, que Mong-tfe a voulu parlerdit-il en finiffant pourquoi donc aprs tant de jecles rvolus
Voudroit-on lui faire un crime de ce que jufqu ce jour 3 on ne
7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3
53/509
DES CHINOIS CELEBRES.
Gi)
s'etoit pas encore avlf de regarder comme tel ? Je mourrai
puifque. tel efl l'ordre mais je mourrai contant en mourant
pour l'honneur de Mong-tfe, & ma mort fera certainement
glorieufe aux
yeux de
la
pojlrh.
Sa
requte
ainfi.
prpareTfien-tang prpare auffi
{on cercueil, & s'en va droit au
Palais. Arriv la premiere enceinte cejl polir faire des
reprsentations en faveur de Mong-tfe que je viens dit-il aux
gardes voila ma requte & dcouvrant tout de fuite fa
poitrine, il continua ainfi je fais quels font vos ordres frappe^.A l'inftant un des gardes lui dcoche un trait prend la
requte & la fait parvenir jufqu' l'Empereur qui on raconta
ce qui venoit d'arriver. L'Empereur lut attentivement l'crit .>l'approuva ou fit femblant de l'approuver, & donna ls
ordres pour faire traiter Tfien-tang de fa bleffure & pour
qu'on laifft la mmoire de Mong-tfe en poiTeffion de tous
les honneurs dont elle jouiffoit.
XXIV.
HAN-KAO-TSOU, Empereur.
Aprs les fages Princes de la haute antiquit le fonda-
teur de la cinquime Dynailie dite des Han tient un des
premiers rangs dans l'hiftoire. Le nom de fa famille etoit
Lieou il eut pour nom propre Pang & pour furnom Ki,
I naquit dans le pays de Pei. Il ne dut fon lvation qu'fon mrite. N dans une famille obfcure, lev comme un
particulier fans nom il vint bout d'affembler des gens de
guerre & de s'en faire obir. Il fe mit leur tte, les mena
contre ceux des Royaumes de Tfn & de Tc/iou qui fe difpu-
toient l'Empire les battit alternativement les dtruint l'un
aprs l'autre, & refta feul matre de l'Empire.
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54/509
PORTRAITS
Parvenu la dignit fubitine de Fils du Ciel c'efl--clire
devenu Empereur, il prit le jeu pour fymbole, & fixa (a Cour
Tchanv-ngan. Il n'etoit point lettr, parce que l'incendie de
Tfin-chi-hoano
avoit confum tous les livres c'eft cependant
de lui que defeendent les rertaurateurs des Lettres & tant
de grands hommes qui ont illuftr la Chine. N'ayant pu lire
les Kinv il ne lui a pas t poflible de fe conduire exacte-
ment fuivant la doctrine qu'ils renferment & c'eft par cette
raifon que ton gouvernement ne fauroit tre compar celui
des anciens mais cela prs on peut dire en gnral qu'il
a trs-bien gouvern & ton mrite eft d'autant plus grand,
qu'il s'eit fray lui-mme la route qu'il a luivie.Il avoit la conception aile & le jugement fur. Dans
quelque affaire que ce fut il voyoit du premier coup d'il,
comment on pouvoit l'entreprendre &la terminer. Il ecoutoit
volontiers ceux qui lui donnoient des avis. A un difcernement
exquis pour connoitre Se apprcier les talens il joignoit Fart
de les employer propos.
La bont dont il ufoit envers les troupes fa clmence
envers ceux qu'il avoit vaincus fa modelHe dans les temps
de fes plus glorieux fuccs fon courage & fa fermet dans fes
malheurs ou dans fes dfaites ton refpccl: pour la mmoire
des Princes 6v des Gnraux qui avoient pri fous l'effort de
fes propres armes & ion attention rendre leurs dpouillesles devoirs funbres d'une manire conforme au rang qu'ils
occupoient lui frayrent le chemin au trne, autant & plus
que fa valeur & fes autres qualits guerrieres. Il rgna douzeans & mourut dans la cinquante-troifieme anne de ton ge, yl'an avant J. C. 195. On lui donna aprs fa mort le titre de
Kac-tfou qui lignifie le premier de fa Race,
7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3
55/509
DES CHINOIS CELEBRES.
XXV.
SIANG-OUANG, Empereur.
Le nom de fa maifon etoit Slang ou en pro-
nonant l'h d'une maniere un peu forte & il avoit pour nom
propre Tu. Il etoit petit-fils du fameux Hiang-leang Gnral
des troupes de Tchou & naquit Pang-uheng. On voulut
lui faire apprendre les lettres mais indocile aux leons de
fes matres &
incapable
de toute contrainte il renona
l'tude. On lui fit prendre le parti des armes fon indocilit &
fon amour pour l'indpendance lui firent encore ngliger fes
devoirs dans ce nouveau genre de vie. Il ne fit pas plus de
progrs dans cette partie qu'il en avoit fait dans l'tude des
lettres.
Le Gnral Hiang-leang fon grand-pere lui tmoigna
plufieurs fois fon mcontentement. Un jour qu'il lui faifoit
d'affez vifs reproches il en eut la rponfe fuivante. Si favois
appris les lettres, elles ne mauroient fervi qu' marquer les
noms des gens de guerre que j'aurois eus fous moi J f apprenoisactuellement les diffrens exercices des armes ce ne Je/vit que
pour ?ri en fervir combattre avec avantage dans les occajons.
Qu'ai-je befoin de tout cela J feul & fans le fecours de
perfonne je puis combattre avec avantage contre di x mille
hommes ?
Cette rodomontade fut afTez, bien reue dans cette maifon
de guerriers. On n'inquita plus le jeune homme & on le
laiffa fuivre tranquillement fou inclination fans le contraindre
en rien.
La fconde anne de Eulh-chi-hoang-n de la Dynailiedes Tfin j c'eft--dire l'an ayant J. C. 208. Hiang-yu voyant
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PORTRAITS
que la guerre etoit allume dans toutes les parties de l'Empire
voulut aui faire la guerre. Il ramaffa des jeunes gens fans
aven & Il en compofa une arme de huit mille hommes
quelques vieux ioklats
que lui donna ion grand-pere fervirent
les former. A la tte de cette troupe de dtermins il
paiTa le grand Kiang, &: alla du ct de l'occident attaquerles troupes Impriales. Il les battit plufeurs reprtes, &
commena Ce faire un nom. Son arme qui groflifloit
chaque jour, le mit en tat de faire des exploits fi brillans
que le Roi de Tchou ton Souverain lui donna le titre de
Gnral de les armes & lui envoya des troupes rgles commander. Avec ces nouvelles forces Hmng-yv dtruifit
peu--peu les troupes de Tjin qui etoient du ct de l'occident;
tandis que Licou- pang qui combattoit contre les mmes
Tfin les dtruiioit du ct de l'orient. En moins de trois
annes les armes Impriales furent entirement dfaites
par ces deux Conqurans fi fon peut donner ce titre des
aventuriers qui au fond n'etoient que des rbelles.
Lieou-pang entra dans la Capitale qui lui ouvrit fes portesla livra au pillage mais dfendit les foldats fous les plus
grieves peines de faire aucun mal aux habitans. Il traita
l'Empereur ion prifonnier avec tous les gards 6k tous les
reipefts qui lui etoient dus. Hiang-yu n'en fit pas de mme.
Fch d'avoir t prvenu par ton comptiteur l'Empire il
prit, ion arrive, tout le contrepied de ce qu'avoit fait Lieou-
pang ck autant que celui-ci avoit montr de clmence & demodration l'gard, des vaincus autant Hang-yu montra-t-ilde barbarie & de frocit. Il tua de fa propre main l'infor-
tun Prince qui venoit d'tre dpouill fit faire main-baffe
fur toute ia famille & allgua pour raifon qu'il falloit prvenir
les rvoltes & donner enfin la paix l'Empire ce qui ne
pouvoir fe faire tant que les TJ?i fubfifteroient 5 enfui, aprs1
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DES CHINOIS CELEBRES.
avoir livr de nouveau la ville au pillage, il y fit mettre le
feu & prit fa route du ct de Tchon.
Le Roi de Tckou voulant faire honneur fon Gnral
fortit de la ville pour aller fa rencontre. A peine parut-il,
qu'il fut cruellement maffacr par les ordres de ce barbare.
Lieou-pang voulut tenir une conduite toute oppofe celle
de Hiang-yu. Il tmoigna la plus vive douleur de la mort du
Roi de Tchou. A la premire nouvelle qu'il en eut il prit
le deuil, & le fit prendre fon arme il ordonna des cr-
monies funbres, qui fe firent avec le plus grand appareil 9
& qui ne fervirent pas peu lui
gagner les curs.
Ces deux hommes qui vifoient galement l'Empire ne
pouvoient tre long-temps d'accord. Aprs avoir dtruit les
TJn qui etoient leurs ennemis communs ils fongerent a fc
dtruire mutuellement. Hiang-yu prit le titre de Pa-ouang
qui fignifie le premier des Rois & fe fit appeller Tchou-pa-
vuang c'eft--dire le premier des Rois affis actuellement fur
le trne de Tchou. Lieou-pang fe contenta du fmple t itre de
Roi de Han.
La rupture clata bientt entre ces nouveaux Rois. Ils fe
battirent pendant l'efpace de cinq ans il y eut entr'eux jufqu'
dix-fept batailles ranges o ils furent alternativement tantt,
vainqueurs tantt vaincus. La dernire qu'ils fe livrrent 9aux environs de Ou-kLang fut gagne par Lieou-pang i &
Hiang-yu fe voyant perdu fans refources fe coupa la gorge
pour ne pas tomber entre les mains de fon ennemi. Ce fut la douzieme lune de l'an 202 avant J. C. Le Roi de Han
fe trouvant alors matre de tout prit le titre d'Empereur; fiece titre lui fut confirm par tous les Ordres de l'Etat quifurent charms d'obir un conqurant^ dont ils admiroient
depuis long temps les qualits brillantes qui font le grandSouverain.
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PORTRAITS
Aprs fa victoire Lieou-pang fit chercher le Corps de Pa-
ouang & lui rendit tous les honneurs funbres qui etoient
dus fa dignit. Il n'envifagea dans ion ennemi mort que le
Roi cv le grand Capitaine. Hang-yu etoit l'un & l'autre. Il et
pu tre quelque chofe de plus encore s'il avoit fu mettre des
bornes ion ambition & un frein la frocit de fon natu-
relle. Le portrait qu'on fait de fa perfonne eft affez iingulier
pour l'enclaver ici.
Hiang-yu difent les Hiftoriens avoit naturellement du
talent pour la guerre & fut dans l'occafion de le cultiver.
Il etoit courageux jufqu' l'intrpidit fe montrant toujours le
premier au plus fort du pril. Il triomphoit prefque toujours de
l'es ennemis quand c'etoit armes egales qu'ils combattoient
incapable d'employer la rufe il lui arriva quelquefois d'tre
la dupe de ceux qui l'employoient. avoit une taille gigan-
tefque & une force de corps prodigieufe i fes bras etoient
inflexibles 6' l'on et plutt branl une montagne que de les
lia faire plier malgr lui il avoit /mit pieds de haut ( cejl--
dire environ Jx de nos pieds modernes") & il pouvoit lever fanss'incommoder jujquk mille livres pejant. Il avoit le fon do
voix terrible i par fa jorce & par fa valeur, il et pu rfijler
Jeul une arme entire.
XXVI.
TCHANG-LEANG, Miniftre.
Le nom de fa famille etoit Tchang & fon nom propre
Leang il fut nomm enfuite Tfe-fang. Depuis le pere de
ion trifaeul tous ceux dont il defcendoit avoient occup les
premires places dans le miniftere fous les Rois de Haiu
Lorfque le Royaume de Han fut dtruit par les Tfin Tchan-
leang
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t)ES CHINOIS CELEBRES.
/0~g/
L -1--
H 1-
leang etoit encore fort jeune hors d'etat par confquent de
rien entreprendre pour 'la dfenfe de fa patrie mais ds-lors
il forma la rfolution de lavenger.Il fe retira avec trois cens domeftiques ou perfonnes
attaches au fervice de fa famille. Peu aprs il perdit fon
frere & ne voulut faire aucune dpenfe pour les frais cl a
fes obfeques. Il amaffoit alors tout l'argent qu'il pouvoit, pour
l'employer fes deffeins contre les Tfin.
Bientt il fut en etat .d'offrir une fomme coniidrable
quiconque enleveroit ou mettroit mort le deftaufteur du
Royaume de Haii que cinq de fes anctres avoicnt gou-vern fous le nom de Miniftres. Un homme qui fe difoit
d'un courage & d'une force extraordinaire vint fe prfenter
lui. Tchang-leang lui fit faire une mafue dont le poids etoit
de cent vingt livres; c'etoit la feule arme qu'il avoit demande.
Ainf arm le brave fe rend dans l'endroit o le Roi de
Tfin faifoit fon fjour pour y pier Foccafion. Il crut l'avoir
trouve, un jour qu'il vit le char. du Roi avec une fuite
affez peu nombreufe. Il s'avance .avec intrpidit, & frappefur le char d'une maniere fi terrible qu'il et infailliblement
ecraf le Roi; mais c'etoit un char qui retournoit vuide.
Tchang-leang voyant que fon projet etoit manqu & queles foupons commenoient s'elever contre lui prit la
fuite, & alla fe cacher Hia-pi o il vcut confondu avec
la plus vile populace. Un jour qu'il etoit fe promener le
long des bords de la
riviere un
vieillard qui eroit fur le
pont laiffa tomber dans l'eau un de fes fouliers. Tchang-
leang voyant fon embarras court aprs le foulier que le
courant emportoit & le rend au vieillard. Charm de cetacte de gnrofit le vieillard le remercie & lui dit de
revenir au mme lieu dans cinq jours; qu'alors peut-tre, g'T"I 11,T 1
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PORTRAITS
il lui donneroit quelque chofe qui pourrait lui fennr dans
l'excution de fes projets.`
Tchang-leang craignit d'abord d'avoir et reconnu mais
s' tant raffur
&ayant pris
toutes lesprcautions que
lapru-
dence exigeoit en pareil cas, il fe rendit vers le milieu du cin-
quieme jour, dans l'endroit indiqu. Il y trouve le vieillard
qui l'attendoit avec impatience & qui lui dit en le voyant
Vous m'ave^ fait trop attendre pour que je vous donne fi-tt
ce que je vous ai promis revcne\ dans cinq jours. Ce dlai
ne fit que piquer davantage la curiofit de Tchang-leang. A
peine le cinquime jour commena poindre qu'il fe mit
en chemin pour aller chercher fon vieillard. Il le trouva au
rendez-vous & n'obtint rien encore Pour excuter les grands
deffeins que vous mdite^ lui dit le vieillard, il faut plus de
diligence que vous n'en montre^. Alle^ je ne faurois vous
donner encore ce que je vous ai promis vous n'aurie^ pas d
me faire attendre revene^ dan.r cinq jours. Qtiejl-ce que tout
cela difoit en lui-mme Tchang-leang? Cet homme fait-il que je
veux me venger des Tfin & que je roule continuellement dans
ma tte le projet de les exterminer ? S'il le fait d'o, lefait-d?
& comment peut-ill'avoir appris? Il faut voir. Ds minuit, il
part, & fe met en devoir de prvenir l'arrive de fon homme
dans le lieu & au jour indiqu. Les premiers rayons du foleil
commenoient peine fe rpandre, qu'il apperut le vn-
rable vieillard venir lui avec un air de fatisfaftion Votre
docilit lui dit-il en l'abordant, votre confiance & la dili-
gence que vous montre^ aujourd'hui me prouvent ce que voies
tes capable de faire. Tene^ mon fis voil un livre dont je
vous fais prfent life^-le avec attention pefej-en toutes les
paroles y faites-en /e fujet ordinaire de vos rflexions il vous
apprendra le grand art d'aider les Souverains bien gouvernerleurs tats & dompter leurs ennemis
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DES CHINOIS CELEBRES.
Hij 1~
Tchang-leang prit le livre, l'etudia, & fe mit en tat de
devenir le principal artifan de la fortune de Han-kao-tfou.
C'eft fes confeils c'eft fa valeur que Lieou-pang eft en i
partie redevable de tout ce
qu'il
a fait de
grand en fondant
une des plus glorieufes Dynafties qui aient occup le trne
Chinois. Tchang-leang dans fon cabinet lui traoit toute fa
conduite la tte des armes il battoit fes ennemis. Miniflre
habile grand Gnral il montra dans l'un & l'autre genre
la plus grande capacit; & cette capacit il la puifa, dit
FHiftorien dans le fameux livre que lui donna Heang-ch-
koung (c'etoit le nom du vieillard ).
T chang-leanv aprs s'tre bien rempli de toutes les maximesde Hoaiig-ch-koung fe crut en tat de faire de nouvelles
entreprifes. Il ramaffa tous les mcontens ceux du moins
qui, dplorant comme lui les malheurs arrivs fa patrie e
n'attendoient que l'occafion de la venger. Il fe mit leur
tte & fe rendit l'arme de Lieou-pang pour lui offrir
fes fervices & les leurs. Il devint bientt le confeil & l'homme
de confiance de fon Gnral
& fiLieou-pang parvintenfin l'Empire, ce fut lui qui l'y conduira pour ainii dire,
par la main. Le trait que je vais rapporter en fervira de
preuve & fera connotre en mme temps de quoi Tchang-
leang pouvoit tre capable.Intimid par tant de batailles qu'il avoit perdues en com-
battant contre Hiang-yu & craignant de tout perdre pourvouloir tout gagner Lieou-pang avoit rfolu d'viter la ren-
contre de fon ennemi de lui cder la place & de fe retirerdans le Se-tchouen o il comptoit vivre en fimple Roi de
Han aprs avoir augment fes Etats de tous les pays qui luf
etoient actuellement fournis. Ce n'etoit pas l l'ide de Tchang-
leang. Au chemin que prenoit Hiang-yu pour venir les attaquer,& par la difpofition des deux armes il comprit que tout et oit
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PORTRAITS
favorable Lieou-pang. Il vit d'un coup d'il qu'en Iaiffant
avancer Hang-yu jufqu'o il vouloit l'amener, ce Prince etoit
perdu fans reffource: il expofa f s vues Lieou-pang, & fit tous
les.effbrts imaginables pour l'engager tenir bon encore quelque
temps mais ce fut en vain Lieou-pang qui avoit pris fon
parti, s'obilinoit vouloir dcamper: Du moins lui dit Tchang-
leang envoyons etz ctvant pour nous ajfurer des clzemins }
de celui fur- tout qui efl fur le ct de la montagne le long
du Kiang nous partirons aprs fi vous le voule^. Lieou-
pang confentit ce dlai & Tchang-leang au lieu d'envoyer
quelques corps de troupes pour s affurer des chemins, } comme
il ledifoit
enenvoya pour
lesrompre & pour
brler les
pieux & branches d'arbres dont etoit conjlruit le chemin fur la
montagne le long du Kiang, dans Uefpa.ce de quatre cens
lys ou de quarante de nos lieues. Deux ou trois jours aprs, 4
quand il vit que fes ordres dvoient avoir t excuts il dit
fon Gnral Alle{ il prfent dans le Se-tchouen fi vous
le pouve^ mais comme la chofe vous efl impoffible parce
que le chemin de la montagne nejl plus l'Empire efl vous,
En effet, Hiang-yu fit la fauffe dmarche que Tchang-leangavoit prvue fut battu, mis en droute & fe coupa la
gorge de dfefpoir ce qui laiia Lieou-pang feul matre
de tout.
Devenu Empereur, Lieou-pang continua honorer de fa
confiance & de fa familiarit ceux qui l'avoient aid monter
fur le trne; mais il diftingua toujours Tchang-leang. Convaincu
de fon attachement faperfonne
de fon zelepour
le bien de
l'Empire, de fon dfmtreffement de fon amour pour le
peuple, & de ton talent pour le gouverner il n'entreprit rien
d'un peu confidrable que par fes confeils. Il y eut cependantune occafion o il voulut agir malgr fes reprfentations 9
mais la fermet de Tchang-leang & l'cifcendant que la juftice
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DES CHINOIS CELEBRES.
a vrit & la vertu ont toujours fur les grands curs fit
plier le Souverain fous la volont du Miniftre fidele & ver-
ueux. Il s'agiffoit du Prince hritier prfomptifde laCouronne
qui l'Empereur
vouloit fubfiituer un autre de fes fils qu'il
avoit eu d'une Concubine. Tchang-leang, aprs avoir employ
inutilement tout le crdit qu'il pouvoit avoir fur l'efprit de fon
matre s'avifa d'un expdient qui lui ruflt. Il appella fecr-
tement quatre perfonnages illuftres, qui avoient refuf aupa-
ravant de fe rendre la Cour, pour y occuper les premires
charges & les pria, puifqu'ils etoient rputs dans tout l'Em-
pire pour tre des Sages du premier ordre de vouloir bien lui
donner des preuves de leur fageffe en entrant dans fes vuespour l'intrt des peuples & la gloire de fon Souverain L'Em-
pereur, leur dit-il, veut exclure du trne le Prince hritier
cefi l amour qic'il a pour une de fes femmes dit fcond ordre >
& les vives infiances de cette femme qui lui ont fait prendrecette rfolution. Il faut que vous acceptiez l'emploi qlle jevous donne ds--prfent de Gouverneurs du Prince hritier.
Alh\ chaque jour lui donner dans fon appartement des leons
fur l'art de rgner affecle-^ de vous montrer afin que V Em-
pereur en foit bientt inflruit je me charge du refle. Les
Sages comprirent l'intention du Miniitre & s'y conformrent t
exactement.
Ils n'eurent pas t trois fois chez le Prince hritier qu'ondit l'Empereur que les quatre fameux Vieillards qui avoient
fait tant de dificuit, quand il les avoit invits venir auprs
de fa perfonne pour l'aider de leurs lumieres & de leursconfeils, etoient venus d'eux-mmes quand on ne penfoit
plus eux & ne deciaignoient pas de paffer chaque jour un
temps trs-confidrable auprs de l'on fils.
L'Empereur fut curieux de voir des hommes qui pafloient
dja pour Sages du temps des Tcheou il voulut les interroger
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PORTRAITS
lui-mme & fe tranfporta dans l'appartement de fon fils. Il le
trouva qui etoient en confrence Vous nave^pas voulu venir
moi leur dit ce bon Prince en entrant, je viens vous.
Seigneur, lui rpondit un d'entr'eux fi nous ne nous fommespas rendus vos invitations c'ej parce que nous voyons bien
que nous eujfions t des hommes inutiles auprs de vous.
Nourri dans le tumulte des armes vous ne deve\ naturellement
vous plaire qu'avec des guerriers &nous ne fommes point tels:
d'ailleurs votre plan de gouvernement & de conduite etoit dja
pris & vous ne l'eufjle^ pas rform pour nous faire plaijir,
Qu'eujjions-nous fait autre chofe que vous inquiter & vous
tre charge par des reprfentations ritres auxquelles vous
naurie^ point eu d'gard Il n'en efl pas ainfl de votre filsil efl dans l'ge ou on peut le former; & fi tout ce que votre,
Miniflre qui le connoit mieux que nous ne pouvons le faire
encore, nous a dit de lui efl vrai comme nous n'en doutons
point il efl tout propre faire revivre les heureux temps de
Yao de Chun de Yu de Tcheng-tang & de Ouen-ouang.
Pourquoi n emploierions-nous pas le peu qui nous refle encorede vie, pour concourir de notre mieux cet important objet ?
Mon fils efl heureux rpondit l'Empereur, pufque des Sagestels que vous veulent bien concourir le former. Continue^ lui
vos foins & n'oublie^ rien pour le rendre digne de la place
qu'il doit occuper je m'en dcharge fur vous. Aprs ces
mots il fort va chez fa Concubine bien aime & lui dit
en l'abordant Je viens Madame vous annoncer une nouvelle
qui ne vous fera pas plaifr renonce^ vouloir tre la mered'un Empereur le Prince hritier a dja des ales les Sages
fe rendent auprs de lui ils l'inflruifent & il les coute avec
plaifr il ejl inutile de penfer lui ter fon titre cela ne fe
peut i n'y penfe{ plus vous-mme & fur-tout ne m'en parler^
jamais,,
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DES CHINOIS CELEBRES.
Tchang-learig continua jouir de tout fon crdit, & n'en
abufa jamais. Il s'en fervit au contraire pour avancer les Sages,
& pour placer tous ceux qui avoient quelque mrite, fuivar.t
la mefure de leurs talens. C'eft fa perfuafion que le nouvel
Empereur rtablit les anciennes Etudes que les Tfin avoient
abolies que l'illuftre Han-fin qui de fimple foldat etoit
parvenu par fes belles actions au*, premieres charges
de la Milice & commander les armes en qualit de
Gnralifme, fut lev la dignit de Prince fous le titre
de Ouang & que Young-ich fut honor du titre de Heou.
C'eft encore par fes confeils & fa perfuafion que les fix
Royaumes qui partageoient l'Empire, & qui l'avoient fifouventdchir par leurs guerres cruelles, furent entirement abolis
& rduits au rang de fimples Provinces. C'eft enfin par fes
confeils que le peuple fut dlivr de tous les impts extraor-
dinaires dont les Tfin l'avoient furcharg, & qu'il commena jouir tranquillement du fruit de fes travaux.
Enrcompenfe de tout ce qu'ilavoit fait pour le bien del'Etat,
l'Empereur lui avoit dja donn la Principaut de Leou. A
ce premier bienfait il voulut en ajouter un fcond en luidonnant fur trente mille familles tous les droits de Souve-
rain mais le dfintreffement de Tchang-leang ne lui permit
pas de profiter de la bonne volont de fon matre Je fuis dja
trop rcompnf lui dit-il, du rang de Prince auquel vous
ave^ bien voulu ni lever je n'en mritois pas tant je vous
ai fervi du mieux qu'il m'a et poffible & en vous fervant
j'ai fervi F Etat & fait mon devoir. Je puis ajouter que] ai fuivi mon inclination en m attachant votre perfonne.La confiance dont vous riave\ ceff dem honorer jufqu ici ejllajeule rcompenfe laquelle j'ofois prtendre toutes les autres
font galement au-dej[us & au-deffous demoi. Gratifie^en ceuxde vos anciens Officiers qui ont expof fi fouvent leur vie pour
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PORTRAITS
tous, & lai jj[' -m ni j our tranquillement auprs de votre, perjonnt
des douceurs de i\untti ce font les /eu/es que f ambitionne.
11parot que Tchan^-leeing parloit hncrement, en s'expri-
mant ainfi car aprs la mort de ion matre il quitta la Cour
s'exila volontairement, & ne voulut plus s'occuper des allaites
du gouvernement. Dans ce nouveau genre de vie, il lui falloit
quelque occupation qui tut digne de lui. 11 crut l'avoir trouve, 9
en s'attachunt un homme qui patf oit pour avoir une fagei'e
confomme, & qui s'appc-lloit Tch-fonng-tjcc. Ce Philosophe
avoit, dit-on le' i'ecret admirable cle vivre (ans manger, ce qui
s'appelle en Chinois Pi-kou-tao-yn. Ce fecret coniilfc fe
nourrir d'air en rcfpirant d'une certaine manire. Tchang-Ie.ing ie ht ion difciple vk eut la foibleile de s'exercer fticu-*
iement le faire un aliment de fa propre reipiration.Il en eteit aux premiers clTais, quand l'Impratrice Lu-heoitj
qui rgnoir. la place de fou fils, en fut inltruite. La confid-
ration qu'elle avoit pour un homme qui avoitet le compagnon,le Miniilre & l'ami du grand Kao-tfou, l'engagea lui dfendre
d'excuter ton projet inienl Notre rie lui dit-elle, pajfe
comme une ombre pourquoi fe Ici rendre amere en s~inipoja.nldes loix contraires celles de la nature ? Quand vous ave^renonc A: Cour je
neni y Juis point oppoje je
vous ai laijjle matre
Je Juiv re v otre inclination y mais pr fait que vous
voule^ renoncer vivre yufe de toute mon
autoritpour m'y
oppojer. Flve^,je vous l'ordonne y & puijqite pour vivre il faut
tn.ingir faites comme les autres hommes, manse.
Tekang-lein obit, & vcut encore huit ans. Il ordonna;en mourant qu'on mettroit dans ion cercueil le fameux livre
qui lui avoit t donne par le vnrable vieillard Hoang-ch-
koung.. Ce livre qu'il n'avoit communiqu perfonne, de
ion vivant fut trouv plus de cinq cens ans aprs la mort
par un voleur qui, en fouillant dans les tombeaux, dcouvrit
ce
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DES CHINOIS CELEBRES.
-A~t~f.l~J.~li~J~~ame III
1.1"~ .i, ~vm
1
mc
ce trfor plus prcieux mille fois que l'or & l'argent qu'il
cherchoit.
A la tte du livre ctoient les paroles fuivantes Si vous
ri tes pas un Sage dit premier ordre ou homme de la nature 7
pour ainji dire, des Efpr'us gardez-vous bien de lire ce qui fuit
dans le dejjein d'en faire ufage ou de le publia- fi vous tes
un Sage lifef hardiment mais que ce ne fou pas fans fruit.
Si vous nglige^ ce confeil vous vous prparerez coup fur
les plus cuifans chagrins. Sans tre tel qu'on l'exige & fans me
croire du nombre des Sages, j'ai of me procurer ce livre &
j'ai
eu la hardiefe de le lire parce qu'il eft fort court il ne
contient que mille trois cent fix caractres qui compofent en
tout fix Chapitres, dont voici les titres.
Chapitre premier. Il faut fouiller jufques dans l'origine &
le vrai principe de tout.
Chap. II. Il faut avoir une doclrine fonde fur le vrai
reconnu pour tel.
Chap. III. Il faut connotre le coeur de l'homme & s'affurer
de ls intentions.
Chap. IV. Il faut tenir la vertu par la racine & au favoir
par le fommet.
Chap. V. Il faut que la juftice foit la rgle univcrfelle des
aftions.
Chap. VI. Il faut faire confifter la tranquillit publique dans
l'accompliffement des devoirs rciproques de la focict.
Sous ces diffrens titres, on a mis le prcis de La doctrine
Chinoife fur le grand art de rgner fur foi & fur les autres. Onne fauroit dire plus de chofes en moins de mots puifque tantle texte que le commentaire, vont peine, l'un joint l'autre, foixante-dix pages d'impreffion. Je crois que ce petit Ouvrage eft
plus fait pour tre mdit que pour tre lu & il me parok quecertaines maximes de politique qui y font rpandues ne font
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PORTRAITS
pas faites pour le grand nombre qui en abuferoit peut-tre
parce qu'il ne les prendroit pas dans leur vrai fens. Ainfi l'avis
qui e(l a la tte n'eft. pas inutile & s'il cil de Tchang-lang,
comme on l'a dure il fufiiroit feul pour faire ion loge. Ce
Philofophc alternativement folitairc homme d'tat & guerrier,mourut la huitime anne de l'ufurpation de Lu-heou c'eft--
dire, Fan cent quatre-vingt avant J. C. Aprs fa mort, on lui
donna le titre de Ouen-tcheng-heou ce qui veut dire Prince
qui pofjddoit la perfection de V loquence.Les Hiftoriens lui reprochent comme une foibleffe de s'tre
fait de la Sefte des Tao y comme un crime d'avoir t des pre-miers lecouer le joug des Tfin, & comme une lchet de
n'avoir pas pri, plutt que de biffer comme il fit, l'Impra-
trice Lu-heou ulurper l'Empire fur ion fils.
Les Scalaires qui l'ont mis au rang de leurs Immortels le
juftifient fans peine fur ces trois articles. On comprend aiiement
ce qu'ils peuvent dire fur le premier. Pour ce qui eft du fcond,
ils conviennent que les 7/z/z'etoient encore matres de l'Empire,
quand Tchang-leang prit les armes mais ils ajoutent que
quoique matres de l'Empire, les TJn ne pouvoient pas dtruire,
fans raifon comme ils le firent, le Royaume de H an , & quele Souverain de ce Royaume tant Seigneur immdiat de
Tchang-leang celui-ci s'etoit conduit en fujet fidle en.,
prenant les armes pour foienir les intrts de fon matre
contre des usurpateurs injuftes &c. Ils difent fur le troiiieme
article que la crainte d'occafionner une guerre civile fit que
Tchang-leang abandonna la Cour plutt que d'tre oblig d'y
vivre ou comme Chef de parti contre Lu-hccu, ou comme
Miniftre fous cette ambitieufe femme. Ils ajoutent que hi con-.
duite de Tchang-leang, dans ces circonilances critiques, mrite
les plus grands loges &c.
Pour moi, je crois que fi Tchang-leang n'avoit pas eu la
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DES CHINOIS CELEBRES.
1ij
foibleffe d'embrafer le genre de vie de ceux de la Sotte des
Tao, les Lettrs ne l'euffent pas jug fi rigoureufement fur le
reite.
X X. V I I.
H A N.O U E N-T I Empereur.
Il etoit fils du grand Kao-tfou & d'une de fes femmes'
du fcond ordre nomme Po-ki. Des qu'il fut en ge P
l'Empereur, fon pere, le fit Prince de Tay & l'envoya gou-
verner par lui-mme fon petit Etat. Le jeune Prince le montra
digne du pofte qui lui avoit er confi ilecoutoit les Sages, 8cne faifoit rien que par leurs confeils.
Hoei-ti fon frre tant mort fans enfans il devoit flon
les loix, tre fon fucceffeur mais l'Impratrice Lu-heou s'em-
para de l'autorit & gouverna en Souveraine. Aprs la mort
de cette Princeffe, les Grands lurent, d'une commune voix, le
Prince de Tay.En montant fur le trne Imprial Ouen-ti choifit pour fes
Miniftres, Tcheou-po Koan-yn & Tc/ieno-pin y & les autres
emplois charges & dignits il ne les donna qu' des
perfonnages qui en ctoient dignes par l eurs vertus ou leur
capacit.Il etoit naturellement ennemi du luxe, qu'il regardoit comme
la fourec de la plupart des malheurs de l'Empire il fit des loix
pour le rprimer. Il etoit n compatiffant. Il abrogea certaines
loix pnales, o il nevoyoit
d'autreufage que
celui de tour-
menter inutilement les criminels. 11recevoit toutes les rcmoiv.
irancesqu'on lui faifoit, fur-tout lorfqu'elles avoient pour objet
Se foulagement ou l'utilit du peuple. Vertueux par principe,attentif fur lui-mme humble dans fes manires moclefte dans
es habits il etoit fur-tout rferv dans fes paroles,
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PORTRAITS
Quoiqu'il fe ft donn d'excellens Miniftres il ne fe crut pas
pour cela difpenf de gouverner par lui-mme. Il vouloit tre
inftruit de tout. Il avoit chaque jour des heures rgles pour
confrer fur
les affaires importantes avec ceux qui etoient enplace, & il ne trouvoit jamais mauvais qu'on ft d'un avis
oppof au n'en. Il laiffoit chacun la libert de dire fes raifons
& de les faire valoir.
Dans les temps de fcliereffe ou d'inondation & dans
toutes les calamits publiques, il vouloit qu'on l'avertt de fes
fautes, auxquelles feules, difoit-il il falloit attribuer les mal-
heurs de l'Etat. Quoiqu'il ne ft ni Guerrier ni Lettr, on vit
les Lettres commencer fleurir fous ton rgne & les armesde l'Empire triompher de tous ceux qui les avoient provo-
ques. Plus d'une fois les Tartares furent repouffs bien avant
dans leurs terres & les pertes qu'on leur fit effuyer mirent un
frein leur inquitude & leur tmrit. C'eftfous ce fage Empe-
reur que l'augufte crmonie du labourage de la terre fut rtablie;
qu'aprs une interruption de bien des fiecles, on vit repa-rotre le Fils du Ciel, la
queue
d'une charrue,tracer lui-mme
un fillon & y femer les grains qui font deftins la nourriture
de l'homme. Oeil encore fous lui qu'on trouva l'art de faire du
papier que la monnoie de cuivre qui ne fe fabriquoit aupa-ravant que dans l'enceinte du Palais fous la direction des
Officiers particuliers nomms par l'Etat, fe fabriqua indiff-
remment par-tout, & devint par-l plus commune. C'eft fous
lui enfin que s'introduift l'ufage de donner un nom parti-
culier aux annes du rgne ufage qui a perfvr fans inter-ruption juiqu' nos jours. Cette dnomination fe fit la feizieme
anne de fon rgne c'efl--dire l'an avant J. C. 1 64 & l'on
compta non, comme on auroit d le faire, la feizieme anne
de l'Empire de Ouen-ti, mais la premire anne de Heou,
qui eir. le nom qu'il adopta.
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DES CHINOIS CELEBRES.
On reproche ce Prince de s'tre laine fduire par les
prefliges d'un nomm- Sln-ouen-ping &d'avoir, la perfuajlon
de cet impojleur elev uvt temple en l'honneur des cinq Empereurs
fuprmes pour leur retidre un culte femblable celui qu'on doit
rendre au feulChang-ty. Mais cette faute fut en quelque forte
rpare par fa dfrence auxreprfentationsdes f ages. Il permit
que la Juftice fe faist de Sin-ouen-ping, qu'elle l'examint, le
juget, & le condamnt s'il etoit coupable, comme on le difoit
d'avoir voulu renverfer la doctrine de l'Empire ce qui fut.
excut avec une pleine & entiere libert de la part des Juges.
Sin-ouen-ping, convaincu d'avoir abufde la faveur du Prince,
pour lui infpirer des fentimens indignes de la
majeft dit Fils
duCiel, fut puni du dernier fupplice; & le Fils du Ciel, dans cette
occafion, comme dans toutes les autres, n'employa fon autorit
que pour faire obferver les loix.
Ce vertueux Prince, difent les Hiftoriens et t compa-rable Ouen-ouang fi comme celui-ci il et cultiv lui-
mme les Lettres dont il ne fut que le protecteur. Son rgnefut de vingt-trois ans, & fa vie de quarantc-fix. Aprs fa mort,
qui arriva l'an avant J. C. 157, fou corps fut dpof Pa-ling.
XXVIII.
HAN-KING-TI, Empereur.
Xing-ti, quatrime Empereur de la Dynaftie des Han
monta fur le trne l'an avant J. C. 156. Il etoit fils de Oueti-
ti, & fe fit un point capital de marcher fur les traces de t on
pere. Comme lui, il adoucit les chtimens dont on punifoitles coupables; il abrogea la coutume de donner la baftonnade
fur le dos, difant qu'elle pouvoit avoir des fuites funeites pourcelui qui la recevoit ainfi. Comme lui, ennemi du luxe, il le
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PORTRAITS
proscrivt avec une rigueur exceffive jufqu' dfendre tout
ouvrage en fculpture, difant, pour raifon, qu'un tel art portoit
dommage la culture de Ja terre; & de mme la broderie
parce qu'elle nuilbit aux foins domefliques qui l 'ont du reflbrt
des femmes comme ion pere, enfin, il voulut qu'il ft libreaux perfonnes en place de l'avertir de
les fautes perfonnelles
dont il n'avoit_rien tant a cur diibit-il, que de le corriger. Il
aimoi: s'entretenir de tout ce qui avoit rapport au gouver-
nement & fur cet important objet, il entroit quelquefois
dans des dtails qui n'embarralbient pas peu ceux qui l'appro
choient ou qui dvoient lui rpondre.
Ds le commencement de fon rgne il avoit rtabli les droits
far les grains que ion pere avoit en partie abrogs. On en avoir
murmur mais les murmures cdrent bientt, & les loges en
prirent la place., ds qu'on fut convaincu qu'il y avoit t forc
par la nceit. Ce bon Prince mourut dans la quarante-hui-
tiemc anne de fon ge, qui etoit la feizieme de fon rgne,
& la cent quarante-unime avant J. C. Son corps fut dpoic
Y ang-linv.
XXIX,
TOUNG-FANG-CHOUO, Miniftre.
Le nom de fa famille etoit Toung-fang il avoit pour nom
propre Chouo & pour furnom Man-tfien.
Han-ou-n, en montant fur le trne l'an 140 avant J. C.
n'eut rien deplus
coeurque
de faire revivre les Lettres. Il
publia unEdit, par lequel il invitoit tous lesSavans fe rendre
dans la Capitale & fe prfenter aux Officiers qu'il nommoit
pour les recevoir. Ces Officiers dvoient les introduire
auprs de l'Empereur qui vouloir juger par lui-mme de
leur capacit,
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DES CHINOIS CELEBRES.1 1 1)*'
Toung-fang-chouo fut du nombre des huit premiers qui
forent choifis. Le Difcours qu'il avoit compof & qui le fit
admettre, rouloit fur les qualits que doit avoir celui qui veut
exercer l'emploi de
grand Mandarin. Il
difoit, entr'autr es
chofcs,que l'extrieur
d'un Mandarin devoit tre brillant & rgl
doux & majeflueux & qu'il devoit tre courageux comme
Mong-pen avoir l'efprit pntrant comme TJing-ki, tre
dfintreff comme Pao-chou, & fidle comme Ouel-c/ieng.C'eft proprement ce peu de paroles que Toung-fang-
chouo fut redevable de fa premire fortune. L'Empereur le
combla de careffes, & le retint auprs de fa peribnne. 11lui
donna fucceffivement plufieurs emplois tels que ceux de Tay-
tdiao & de Ta-tchoung, Ta -fou qui etoient alors ce que
peuvent tre aujourd'hui ceux des Grands de la premire Ckifle.
Dans l'exercice de fes charges, Toung-fang-chouo avoir
occafioli de voir l'Empereur trs-fouvent & clans des circon-
ftances o fe dpouillant pour aini dire de la majeft du
trne il permettoit ceux qui l'environnoient de fe dpouiller
leur tour de la refpectueufe contrainte qu'ils portoient en faprefence dans les autres momens. Par fes bons mots fes faillies
& cette aimable libert qui plat toujours quand elle eft d-
cente & jamais dplace, il gagna le cur de fon matre,& le gagna au point, qu'il devint le favori de prdilectionfhomme nceiaire & le bel-efprit oracle de la Cour.
Un feul de ces titres fumToit de reile pour lui fufeiter une
foule d'ennemis ou de jaloux; & cependant il n'eut que des
pangyriftes & des amis parce qu'il n'offenfa jamais par fes
plaifanteries & qu'il rendit fouvent fervice par ion crdit,
Les traits que je vais rapporter, d'aprs les anecdores hiitc-
nques du temps, feront connotre cet homme qu'on pourroitpeut-tre appeller unique en ion genre.
La Cour de l'Empereur n'etoit pas alors des mieux rgles le
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RORTRAITS
dfordre s'etoit introduit dans l'intrieur mme de fon Palais. Sa
propre fille entretenoit un commerce criminel avec un jeune
homme de baffe extraction; mais qui oignoit la figure plufieurs
desqualits
brillantesqui
tiennent fouventlieude mrite. L'Em-
pereur fut averti plus d'une fois, fans vouloir jamais le croire, du
dfordre de fa fille. Cependant les dlateurs prirent fi bien
leurs mefures, qu'ils furent inftruits de l'entre du jeune homme
dans l'appartement de la Princeffe & fur le champ ils en
donnrent avis l'Empereur. Sa Majeft ordonna qu'on fermt
toutes les portes par o le coupable auroit pu s'echapper &
courut pour tcher de le furprendre. Toung-fang-chouo &
quelques Officiers de fervice etoient feuls fa fuite. Oncherche par-tout & l'on ne trouve rien. Dis-moi donc o ejlton amant dit l'Empereur fa fille d'un ton de douceur
propre la raffurer, je veux le voir je te promets que je riahu-
feraipas de la confidence. Si c ejl peu que de vous pardonr.er
L'un & l'autre j'y joindrai un autre bienfait. Tu es veuve il
te faut un mari; je te donnerai celui-l, puijquil efl ton gots
mais je veux tre
obi fur le champ.La Princeffe fe profierna aux pieds de fon pere avoua fa
faute, verfa des larmes, frappa plufieurs fois la terre de fon
front & alla chercher aufi-tt celui qu'elle avoit cach.
L'Empereur fut charm de fa bonne min,e & fe mit en devoir
de tenir la parole qu'il venoit de donner. Pour le faire avec
quelque dcence il dit au jeune homme qu'il Fle voit la
dignit de Grand du premier Ordre & qu'il lui donnoit fa
fille. A ces mots Toung-fang-chouo s'approche de l'Empereur& lui dit: Vous venez de prononcer l'arrt de nzort de celui quivous avei promis la vie & vous vous dshonorer^ doublement.
Ne voye^-vous pas que ce que vous vaille^ faire vous attirera,
une foule de reprfentations de la part de vos graves Aa-giflrats?i'' ne vous conjioijje^-vous pas a(fe-{vous-mme } pourcomprendre
ds-
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DES CHINOIS CELEBR.ES.
Tome III. &
9-- i- -L
ds--prfent que, las de tant de remontrances vous leur
accordere? enfin ce qu'ils vous demanderont ? En s'infinuant
furtivement dans l'intrieur du Palais en entrant dans l'appar-
tement des femmes fans ordre exprs de votre Majeft & enpntrant jufques dans celui de votre fille pour la dshonorer es
jeune- homme a commis trois crimes dont le moindre efi plus
que fuffifant pour le faire condamner mort. Vous lui pardonnent i
cela efi trs-bien y mais que ce ne foit pas pour y revenir. Laijfe^-
le s'vader, &qu'il s'en aille loin d'ici. Ce n'efi qu' ce prix qu'il
peut conferver fa vie & tout Souverain que vous tes vous
nave7v pas d'autres moyens
vous-mmepour
la luiconferver
longtemps L'Empereur baiffa la tte & ne rpondit rien.
On raconte encore que la nourrice de l'Empereur s'etant
rendue coupable d'un crime qui mritoit la mort ou tout au
moins l'exil eut recours au crdit de Toung-jang-chouo pourobtenir fa grace, fuppof qu'elle et t accule: Si vous n'tes
pas encore
aceufe lui
rpondit Toung-fang-chouo vous ne
tarderez pas L'tre. Vos liaifons avec T Impratrice & le Prince
hritier vous ont rendue fufpecle. L'Empereur efi dj comme
perfuad de la ralit du complot qu on lui a dit s'tre formcontre lui par fou fils l'Impratrice & tous ceux qui fontdvous l'un ou l'autre. J'ai oui dire que fa Majefi Joie
elle-mme juger quelques Dames du Palais mais je ne fais pisencore leurs noms fi vous tes du nombre je tcherai
de dire
deux mots pour vous. Aye^ attention feulement ne pas vouloir
trop vous jufiifier. Parler^ peu mais fanglote^ & verfe^ des
larmes i & lorj que fa Majefi vous ckajj'era de fa prfence pourvous envoyer au fupplice ou en exil retirez-vous pas lents
arrtez-vous de temps en temps & tourne^ la tte vers l'Empe~reur je me charge du refie..
La nourrice avoit vritablement t implique dans l'accu-
fation & l'on avoir fourni des preuves qui etoient plus qu
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PORTRAITS
fuffifantes pour la convaincre. Elle comparut devant l'Empe-
reur, qui la jugea & la condamna. Elle te coiidiiifit fuivant les
infini tions de Toung-fang-chouo elle parla peu mais elle
fanglota & pleura beaucoup. Elle n'oublia pas fur-tout detourner fouvent la tte en fe retirant & d'efuyer fes larmes
pour pouvoir fixer fr elle quelques regards de fa Majef Que
lignifie tout ce mange lui dit alors Toung-fang-chouo voudriez
vous donner encore tetter ci l'Empereur? Il y a long-temps
qu'il ejl fcvr vous lui avei donn du lait pendant trois ans; cejl
bien affe^ il n'a plus befoin de vous. Il vous condamne
l'exil n'ejl-il pas le maure ? Retirez-vous fans tant de faon
cbiffe- promptemenu
Cette faillie fit impreffion fur l'efprit de l'Empereur elle
rveilla dans ion cur les fentimens de reconnorfance &
procura la coupable le pardon entier de fa faute.
Quand ontrouvoit dans les diffrentes Provinces de l'Empire
quelque chofe d'extraordinaire, de curieux, de rare ou de
prcieux, les Mandarins en faif oient l'acquifition, & i'offroient
l'Empereur. On lui offrit un Nain, dont la taille n'excdoit
pas la hauteur d'un pied. Ce Nain parloir fort bien, & etoit
fur-tout trs-inftruit de ce qui regarde la doctrine des Tao.
L'Empereur voulut que Toung-fang-chouo qui etoit de cette
Secle, interroget ce petit nouveau venu; il le fit en ces termes.
Dites-moi mon petit ami la mre de Ku-iing ejl-ellc de retour
ou faut-il l 'attendre encore ? Le Nain, foit qu'il ft choqu ou
pour quelqu'autre raifon ne
daigna pas rpondre
mais fe
tournant du ct o etoit l'Empereur Cet homme lui dit-il, en
montrant du doigt Toung-fang-choi/o a dja tent trois fois de
voler les pches de cet arbre merveilleux plant par Ouang-mou,
qui a et trois mille avant que de donner fes fleurs & trois autres
mille ans avant que fes fruits fuffent en tat de maturit. Ces
paroles du Nain furent regardes comme un loge par quel-
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DES CHINOIS CELEBRES.
Kij i w:
K ij
ques-uns, & comme une incartade par quelques autres tous
en rirent l'exception de Toung-fang-chouo qui contre fon
ordinaire, parut tout dconcert & ne rpliqua rien. C'eft
cependant cette petite fcene qu'il dut une partie de fa clbrit.Son nom, qui jufqu'alors avoit et concentr d ans l'enceinte de la
Capitale, franchit tout d'un coup les bornes au-del defquelles
il ne ft peut-tre jamais parvenu. Il vola de bouche en bouche,
& l'on dit par-tout, comme l'on dit encore aujourd'hui, Toung-
fang-chouo a vol les pches. Les pches, dans la Secte des
Tao, font un des fymboles de l'immortalit.
XXX.
TOUNG-TCHOUNG-CHOU, Savant &Minift.
Le nom de fa famille etoit Tnung & fou nom propre
Tchoung-chou. Il naquit Kouang-tchouan. Le Tchun-tfieoude Confucius fut le livre qu'il tudia de prfrence pendant fa
jeunelTe. Son application l'tude etoit fi grande qu'il fut
trois annes de fuite fortir de fa chambre, fans mme jetterles yeux fur la cour de fa mafon. Il et voulu pouvoir fe pafferde nourriture & de fommeil, afin d'employer plus de temps
s'inftruire.
Aprs qu'il eut paff par l'preuve. des examens, il fe pr-
fenta pour tre admis dans les pofles qui pouvoient tre de
ion reffort. Il obtint pour premier grade un Mandarinat
fubalterne du titre de Po-ch. Il l'exera avec tant
defageie,& une fupriorit fi marque que Ses Suprieurs dans le
mme Tribunal crurent devoir le propoier l'Empereur
Han-ou-u comme une des lumieres de l'Empire & comme
un Sage trs-propre remplir avec diftinction les premires
charges de l'Etat. L'Empereur voulut le voir & s'affurer par lui-
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PORTRAITS
mme de ce qu'on lui difoit. Il lui fit plufieurs queflions relatives
au gouvernement, & fut fi fatisfait de fes rponfes, qu'il lui
ordonna de les mettre par ecrit, afin, dilbit-il, de s'en rappeller
fouvent le fouvenir, pour fa propre infiruction & l'avantage
de fes fujets.
Toung-tchoung-chou profita de cette occafion pour mettre
dans tout fon jour la doctrine des premiers Empereurs & des
anciens Sages. Il avoit fa difpofition la plupart de ces monu-
mens antiques que l'indullrie des amateurs avoit fouftraits la
profcription du barbare TJln-ch-hocuig il en avoit calqu pour
ion ufage propre, tout ce qui lui avoit paru mriter d'tre
conferv il avoit fouill dans toutes les Bibliothques danstous les Cabinets o l'on dpofoit les anciens Ecrits, mefure
.qu'on en faifoit la dcouverte, & il en avoit fait des extraits
dtaills qui pouvoient fuppler aux Ouvrages mmes. Infrruit
fond de tout ce qui s'etoit pratiqu de mieux fous les rgnes
prcdens il mit fa fcience profit & compofa fur de
rgner trois Difcours qui furent regards comme autant de
chefs-d'uvre. Les Lettrs en firent d'autant plus de cas qu'ils
les trouvrent exempts des taches qui fouilloient la plupart des
Ecrits qui paroifbient alors. La Secte des Tao etoit la domi-
nante l'Empereur la favorifoit ouvertement & les Savans quivouloient faire leur cour pour tre placs en adoptoient les
-principes & en rpandoient les maximes dans leurs ouvrages.Les trois difcours de Toung-tchoung-chou ne contenoient
que la plus pure doctrine des anciens; & il la faifoit valoir avec
tant d'loquence que l'Empereur le regarda ds-lors commeun homme auquel il pouvoit confier le gouvernement de l'Etat.
Sa Majeft ne voulut pas le placer d'abord auprs de ik per-
fonne mais pour lui faire acqurir par l'exprience ce qui
pouvoit lui manquer, il le donna au Prince de Kiang-tou.Dans cette place importante il fut gagner l'amiti & la con-
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79/509
DES CHINOIS CELEBRES.
fiance de fon matre fe fit aimer &eftimer de tout le monde
& rgla ce petit Etat avec tant de fageffe que ion gouver-
nement fut bientt propof pour modele dans tout l'Empire.
Aprs avoir
rgl le
Royaume de Kiang-tou il
paffa
celui de Kao-fi qu'il rgla de mme & quand il crut qu'on
pouvoit fe paffer de fon fecours dans ce qui regardoit le mini-
tere il fe dmit de fon emploi, pour ne s'appliquer qu' la
culture des Lettres. Il compoia quantit d'exceUens ouvrages,
qu'on rduifit en un corps
fous le titre deFan-lou,qv. revient
ce que nous appelions en franc ois mlanges de Littrature. Ses
Commentaires fur le Tchun-tjeou furent donns part, &
fervirent infiniment dans le renouvellement des Lettres, pourfaciliter l'intelligence de cet excellent ouvrage de Confucius.
En gnral, on regarde Toung- tchoung- chou comme le
Savant qui la Littrature a le plus d'obligation, parmi ceux quiillustrent la Dynaftie des Han. On ne fait iurement ni l'anne
de fa naiffance, ni celle de fa mort mais comme il fleunffoic
fous le regne de Han-ou-ti on peut fixer le cours de fa vie
littraire entre l'an avant J. C. 1 40 & Fan 87.
XXXI.
SE-MA-TSIEN, Pere de l'Hift. chez les Chinois.
Se-ma etoit le nom de fa famille il avoit pour nom propre
Tfien & pour frnom Tfe-tchang. Il naquit Loung-men& eut
l'avantage d'tre lev fous les
yeux d'un
pre lavantplus riche en collections littraires qu'en or & en argent. Ds
l'ge de dix ans, il connut afiez de caractres pour pouvoir lire
couramment leKou-ouen ce livre utile dans lequel
en fe
formant l'loquence & la n oble {imp licite
du ftyle ou
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PORTRAITS
peut prendre une connoiffance exacte des murs des cou-
tumes & du gouvernement des anciens. Il montra ds-lors un
got dcid pour le genre d'occupation auquel fa naiflance
fembloit le def