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NORMALISATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE Faten Loukil De Boeck Supérieur | Innovations 2009/1 - n° 29 pages 35 à 57 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2009-1-page-35.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Loukil Faten, « Normalisation et développement durable », Innovations, 2009/1 n° 29, p. 35-57. DOI : 10.3917/inno.029.0035 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h55. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h55. © De Boeck Supérieur

Normalisation et développement durable

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NORMALISATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE Faten Loukil De Boeck Supérieur | Innovations 2009/1 - n° 29pages 35 à 57

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2009-1-page-35.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Loukil Faten, « Normalisation et développement durable »,

Innovations, 2009/1 n° 29, p. 35-57. DOI : 10.3917/inno.029.0035

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Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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NORMALISATIONET DÉVELOPPEMENT DURABLE

Faten LOUKILUniversité de Tunis, UAQUAP, ISG Tunis

[email protected]

INTRODUCTION

La normalisation connaît aujourd’hui une évolution importante aussi biendans le secteur industriel que dans le domaine des services. En 2005, près de33 % des certificats ISO 9001 relatifs à la mise en place d’un système demanagement de la qualité et 31 % des certificats ISO 14001 liés à l’engage-ment dans une démarche de management environnemental ont été délivrésà des organismes et entreprises dans les différents secteurs des services (ISOSurvey, 2005). Le second pourcentage montre également la contribution desdémarches volontaires comme la normalisation au développement durable.Les institutions de normalisation se présentent alors comme un appui à laréglementation divergente qui caractérise aujourd’hui l’environnement inter-national.

Par ailleurs, la littérature économique replace aujourd’hui les institutionséconomiques au centre de l’analyse de la croissance et du développement deséconomies (Le Bas, 2003). Les conditions d’émergence de nouvelles insti-tutions ou de renforcement de celles existantes constituent des questionsd’actualité dans les débats économiques. La mobilisation des approchesnéo-institutionnaliste, conventionnaliste et évolutionniste fournit un cadrethéorique qui assimile les organismes de normalisation à des institutionscontribuant à l’enrichissement de l’environnement institutionnel.

Dans le domaine du développement durable, ce cadre théorique s’associeavec une actualité économique qui est le projet en cours de la norme ISO26 000 relative à la responsabilité sociétale des organisations et dont la pu-blication est prévue en 2009. La nouvelle norme, un nouveau domaine ex-ploré par l’organisation internationale de normalisation, apparaît commeune créativité institutionnelle censée accompagner les organisations dansleur démarche de développement durable. Mais des interrogations nouvellesse posent quant aux conditions d’émergence et d’efficience de la nouvellenorme (Amable et Lung, 2003) ?

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Pour apporter des éléments de réponse à ces différentes interrogations,l’article est structuré en deux sections. La première s’interroge sur la transpo-sition du concept de développement durable à l’échelle de l’entreprise etmontre qu’au-delà d’une nouvelle contrainte à intégrer dans la stratégie dedéveloppement, le développement durable est porteur de nouvelles opportu-nités à saisir. La normalisation est alors présentée comme le moyen d’aiderles entreprises à profiter des opportunités sur le marché. La deuxième sections’intéresse au projet en cours de la norme ISO 26000 comme l’exemple d’unecréativité institutionnelle dans le domaine du développement durable. Oron ne peut parler d’innovation institutionnelle sans aborder la question dela conduite d’un changement institutionnel (North, 1990). La mise en reliefde la notion de dépendance de sentier nous amène à mettre l’accent sur l’his-toire de la nouvelle norme qui apparaît comme la résultante d’un processusde négociation et d’interaction spécifique entre les différents acteurs.

ENTREPRISE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE, QUELLE PLACE A LA NORMALISATION ?

Le concept de développement durable commence aujourd’hui à influencerles pratiques des entreprises et des institutions publiques. Si la commissionBrundtland (1987) le définit comme celui « qui permet à toutes les popula-tions vivant actuellement sur Terre de satisfaire leurs besoins sans compro-mettre les possibilités des générations futures », le sommet de la Terre àJohannesbourg apporte encore plus de précision en soulignant la nécessitéd’assurer un compromis entre les dimensions économiques, environnemen-tales et sociales.

Incontestablement, le concept de développement durable a entraîné unerévolution importante en mettant l’accent sur les nouvelles questions aux-quelles les sociétés sont confrontées : repenser la mesure de la croissanceéconomique afin de refléter les dimensions économiques, environnementa-les et sociales du développement durable, tenir compte des besoins des géné-rations présentes et futures et aussi articuler les dimensions globales et locales.Transposé à l’échelle de l’entreprise, le concept de développement durablesoulève de nouvelles interrogations : comment concilier les objectifs écono-miques, sociaux et écologiques et comment faut-il s’y préparer ? L’engage-ment dans un processus de développement durable se résume-t-il à assumerde nouvelles contraintes ou s’accompagne-t-il des nouvelles opportunités àsaisir par les entreprises durables ? Comment aider les entreprises à saisir lesnouvelles opportunités ?

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L’entreprise et le développement durable, contraintes et opportunités

Dans le cadre du développement durable, l’entreprise est confrontée à despressions nouvelles qu’elle doit intégrer comme une contrainte supplémen-taire dans sa stratégie de développement. La notion de contrainte apparaît àtravers les nombreux textes réglementaires nationaux et internationaux quiappellent l’entreprise à assumer sa responsabilité sociétale. Le livret vertpublié par la Commission européenne (2001) a pour objectif de « promou-voir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises ». Plusencore, depuis des années, la publication par les entreprises des rapportssociaux et environnementaux est, dans certains pays, obligatoire. Les con-traintes internationales pèsent notamment sur les comportements polluantsde certaines entreprises d’autant plus que les consommateurs sont de plus enplus sensibles au développement durable dans leur comportement de consom-mation. Les Organisations non gouvernementales (ONG) sont les ambassa-drices des consommateurs et exercent des pressions de plus en plus fortes surles entreprises en instaurant soit des démarches d’opposition soit des démar-ches d’accompagnement ayant pour objectif de favoriser le recours à desactions durables. A titre d’exemple, la global Reporting Initiative (GRI),lancée en 1997 par l’ONG américaine CERES, le Tellus Institute et l’Asso-ciation of Charterd Certified Accountants vise à intégrer les pratiques dudéveloppement durable au sein des entreprises via la diffusion d’indicateursrelatifs à la performance économique, sociale et environnementale (GRI,2002).

A cet égard, la notion de performance mérite d’être définie dans une nou-velle logique de développement durable et être associée à une réflexion surles choix du mode de développement. La question qui s’impose est commentorienter les entreprises vers le choix de ces nouveaux modes de performance.Quelles sont les incitations au « management responsable », qui ne se réduitplus à la performance financière et s’étend aux sphères sociales (ou sociéta-les) et environnementales (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004).

Plusieurs entreprises affirment aujourd’hui que le développement durableest un axe majeur de leur stratégie de développement alors que dans la théo-rie économique le profit réalisé baisse si les firmes sont soumises à des con-traintes supplémentaires. Or, au-delà du seul profit, l’objectif de la firmeapparaît comme une fonction complexe. Berle et Means (1933) ont déjàmontré que, la séparation entre les propriétaires (les actionnaires de l’entre-prise) et les dirigeants (managers) devenue une caractéristique des entreprisesmodernes, peut s’accompagner d’un conflit d’objectifs. Des nouvelles voix ontsuggéré qu’il existe des arbitrages différents entre les objectifs de profits, de

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croissance des ventes (Baumol, 1959), du taux annuel de croissance (Marris,1964), etc. Dans l’analyse d’Alchian et Kessel (1962), l’objectif de la firmeest de satisfaire les membres et les groupes qui la composent, elle poursuit alorsdes objectifs pécuniaires et non pécuniaires. Dans l’analyse « behaviouristede la firme », Cyert et March (1963) poussent encore plus loin l’analyse deBerle et Means, en soulignant que l’objectif de la firme ne s’exprime qu’à tra-vers des sous-objectifs qui sont soumis à l’influence des groupes de pression.L’entreprise apparaît alors comme un lieu de négociations.

Le développement durable s’intègre alors dans les objectifs de l’entrepriseen s’inscrivant dans la satisfaction de ses parties prenantes : l’environne-ment, les communautés, les ONG et les autres groupes de pression. Dans cecadre, l’enquête sur le management environnemental menée en 2003 auprèsde 270 Établissements industriels Français par l’ADEME en collaborationavec l’OCDE (Glachant et Vincent, 2004), révèle que le groupe le plusinfluent sur le comportement environnemental des entreprises est les auto-rités publiques, viennent ensuite les groupes internes : le siège de l’entrepriseet la direction de l’établissement. Ainsi, la prise en compte des dimensionssociales et environnementales contribue à des gains économiques pour lafirme. Un meilleur usage des matières premières réduit les coûts pour l’entre-prise et assure des gains d’efficacité. Des nouvelles opportunités de part demarché et de profit sont aujourd’hui, à saisir pour les entreprises qui s’affi-chent comme respectueuses de l’environnement. Dès lors, une entreprise quis’investit dans des normes sociales ou environnementales peut gagner desparts de marché sur ses concurrents.

La performance se conçoit aussi dans l’articulation entre le long terme etle court terme. Comme la réglementation en matière de développement du-rable va probablement évoluer et devenir plus contraignante, les entreprisesqui ont intégré aujourd’hui le développement durable dans leurs pratiques ma-nagériales seront épargnées dans le futur contre les baisses du profit dues à desnouvelles réglementations. Les risques financiers relatifs à des nouvelles régle-mentations ou sanctions sont à leur tour réduits. Par ailleurs s’engager dansune démarche de développement durable améliore l’image de marque de l’en-treprise particulièrement dans certains secteurs polluants. Elle montre ainsi saloyauté et son respect pour ses clients et ses salariés en assumant sa responsabi-lité sociale. L’engagement des entreprises dans le processus du développementdurable semble alors motivé non seulement par des facteurs incitatifs commela réglementation mais aussi par des facteurs attractifs. Cependant s’affichercomme une firme socialement responsable comporte des risques de crédibilitéet de légitimité car l’entreprise doit apporter la preuve de son engagementsinon elle court le risque d’être traitée de manipulatrice ou de recourir à lacommunication mensongère. Dans ce cadre, la normalisation, en tant

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qu’un vecteur informationnel qui renforce la transparence sur la qualité en-vironnementale et sociale des entreprises, occupe une place importante dansle processus d’institutionnalisation du développement durable.

Apport de la normalisation dans la stratégie de développement durable d’une entreprise

Le développement durable soulève aujourd’hui plusieurs interrogations no-tamment sur la nature du cadre institutionnel et le rapport entre les démarchesvolontaires et les démarches réglementaires. En effet, on assiste aujourd’hui àun véritable processus d’institutionnalisation du développement durable (Bodetet Lamarche, 2007 ; Petit, 2003) qui implique que des règles, des conven-tions, et des droits se développent. Dans ce processus d’institutionnalisation,la norme joue un rôle important.

En effet, le marché ne permet pas d’assurer le développement durable.L’intervention de l’État et la réglementation des services afin de pallier lesdysfonctionnements du marché ne permettent pas non plus d’atteindrel’objectif d’un développement durable. D’un côté, plusieurs insuffisances ontété reprochées au monopole étatique notamment la faible efficacité des ins-truments traditionnels et la sous-représentation de certains intérêts dans lesprocessus de décision politique. D’un autre côté, les barrières réglementairesreprésentent aujourd’hui un obstacle mineur devant l’évolution des presta-tions par voie numérique.

Ces motivations légitiment la régulation des enjeux de développementdurable par des acteurs non gouvernementaux. Dans un tel système, des nor-mes largement acceptées et équilibrées peuvent accroître la transparence dumarché et encourager le développement d’un environnement institutionnelfavorable au développement durable. La mobilisation des théories des coûtsde transaction, conventionnaliste et évolutionniste met en évidence l’ap-port de la normalisation dans la stratégie de développement durable d’uneentreprise.

Dans l’analyse transactionnelle, la normalisation 1 se présente comme ledispositif d’élaboration des documents de références qui jouit (Coase, 1937 ;Williamson, 1975, 1985, 1991) d’un rôle informationnel de réduction del’incertitude en fournissant une définition des produits et de leurs caracté-ristiques. Elle contribue à l’accroissement de connaissances des agents en

1. Elle se distingue de la standardisation qui renvoie expressément à l’uniformisation et à laréduction de la diversité (Foray, 1996). La certification, en revanche est la procédure par laquelleune tierce partie apporte l’assurance écrite qu’un produit, un service ou un organisme est con-forme aux exigences spécifiées (Couret et al., 1995).

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assurant une meilleure transparence du marché. En effet, le recours aux nor-mes est un moyen de réduire l’opportunisme des agents en palliant les risquesde manipulation de l’information et en réduisant les procédures de contrôleset de supervision des contrats. Mais, l’opportunisme dépend de la notion despécificité des actifs. Plus l’actif est spécifique, plus difficile son redéploie-ment vers d’autres utilisations sans une dépréciation de sa valeur. Or, dansun contexte où l’incertitude est faible, on n’est plus confronté à un problèmed’opportunisme, ni de spécificité de la transaction et le marché devient lemode d’organisation le plus efficace. En revanche, dans le cas de biens spéci-fiques qui ne peuvent faire l’objet d’une certification, Williamson recom-mande l’intégration qui exclut d’office le recours à des normes pour garantirla qualité des transactions. Ainsi, dans l’analyse transactionnelle, l’apport dela normalisation se limite à définir les caractéristiques des produits et à sou-tenir la coordination marchande.

Le cadre de l’approche conventionnelle (Thévenot, 1989 ; Eymard-Duver-nay, 1989 ; Favereau, 1989) est en revanche plus adéquat pour expliquerl’émergence des normes et leurs fonctions dans le processus de production.Une caractéristique importante de la recherche conventionnaliste est l’étudede formes de coordination non marchande : organisation, institution, stan-dards techniques, normes de comportement, règles morales. Le recours auterme « dispositifs cognitifs collectifs » employé par Eymard-Duvernay (1994)présente l’avantage d’être plus général que la notion de règle et englobe lesentités sur lesquelles s’appuient les individus pour se coordonner. Ces dispo-sitifs cognitifs sont collectifs car ils permettent aux acteurs de s’appuyer surle savoir des autres pour surmonter leur ignorance. La norme apparaît ainsicomme un dispositif cognitif collectif.

Sa fonction informationnelle (un dispositif cognitif) est envisagée à tra-vers le partage de l’ensemble d’éléments techniques, scientifiques ou de réfé-rences. Elle se présente comme un savoir partagé et un langage commun quifacilite les échanges. Ainsi, les normes sont aujourd’hui un appui et un com-plément à la réglementation dans le domaine du développement durable. Eneffet, devant les multiples problèmes à résoudre, la réglementation se recen-tre aujourd’hui sur les objectifs essentiels de politique publique ; elle trouvedans la normalisation des solutions techniques mises au point par les acteurseux mêmes, gage de leur application effective sur le terrain. La procédure denormalisation repose sur la participation et la concertation de toutes les par-ties concernées par l’accord et aboutit à l’accroissement des informationscodifiées et transférables. La norme possède ainsi la propriété d’être faculta-tive et d’application volontaire. Cette absence de contrainte obligatoire àson application lui confère le rôle de promouvoir l’innovation et le progrèstechnique.

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Cependant, des interrogations persistent sur la légitimité des institutionsprivées comme l’ISO, à définir des attentes sociales qui sont de la compé-tence d’organisations intergouvernementales comme l’Organisation inter-nationale de travail (OIT). A cet égard, la Confédération européenne dessyndicats s’inquiète de voir les démarches volontaires se substituer à la régle-mentation sur des questions comme les normes environnementales ou sociales.Mais, en raison d’une lente réaction et construction des organisations inter-nationales par rapport aux problèmes internationaux, on s’appuie aujourd’huidavantage sur les démarches volontaires comme la normalisation qui, issued’un processus de négociation collective ouvre la voie à la réglementation.Le programme d’action de Johannesbourg (Nations Unies, 2002) proposeaussi d’aider les entreprises à améliorer leurs résultats dans les domaines socialet environnemental en encourageant le recours à des initiatives volontairescomme la mise en place des systèmes de management de l’environnement oude la sécurité à condition que ces nouvelles normes n’imposent pas un coûtéconomique et social injustifié pour les pays en développement.

Mais, une norme reflète aussi les valeurs et principes de fonctionnementdes participants au réseau, une différenciation possible eu égard à l’histoirede l’entreprise et à sa réputation construite à travers le temps. La fonction desélection des partenaires par la norme s’explique par le mouvement de seg-mentation des processus de production et la spécialisation progressive desfirmes. En effet, les entreprises ont tendance à se désintégrer verticalementpar la décentralisation de certaines activités. Ce mouvement de décentrali-sation s’accompagne d’une interrogation sur les compétences possédées parles entreprises auxquelles se voient confier certaines tâches. L’entreprise, enexigeant de ses partenaires l’engagement dans des normes sociales et envi-ronnementales, exporte les pratiques de responsabilité sociétale des entrepri-ses. La mondialisation favorise la diffusion des pratiques de développementdurable entre les pays et particulièrement dans les rapports entre les pays dunord et les pays du sud. L’inscription dans une démarche de développementdurable est envisagée comme un investissement spécifique (Williamson,1983) mobilisant des ressources irrécupérables qui confortent l’intention del’entreprise au respect de ses engagements. Les ressources spécifiques con-tribuent à promouvoir les conditions de travail décentes et à respecter lesprincipes du commerce équitable particulièrement dans les pays où la ré-glementation est faible ou inexistante.

Ce système de réseau soulève toutefois, des interrogations sur le rôle desnormes comme une arme discrétionnaire pour les grandes entreprises et unmal nécessaire pour les PME à la conquête de nouveaux marchés. La diffu-sion des normes peut, en effet, être abordée comme un effet de réseau sem-blable à celui de l’innovation dans l’analyse de Tirole (1988). Une entreprise

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engagée dans une démarche de développement durable ne peut qu’être sen-sible à une initiative analogue de son partenaire. À cet égard, si on examinel’évolution du nombre de certificats ISO 14001 dans le monde, on s’aperçoitque l’évolution a été importante d’abord auprès des entreprises asiatiques quicraignaient l’utilisation de la norme comme une barrière à leurs exportationsen Europe. Les certificats se sont ensuite accrus en Europe sous les exigencesde certains clients vis-à-vis de leurs partenaires. En revanche, les entreprisesaméricaines ont été réticentes vis-à-vis des normes environnementales carelles estimaient que la réglementation américaine est plus exigeante que lanorme ISO 14001 (ISO Survey, 2004).

Dans ce système, la normalisation se présente comme une réponse àl’évolution de l’environnement et en particulier à l’évolution de l’organisa-tion de l’industrie. Le système de normalisation est ainsi amené à évoluer età se transformer pour suivre les différents mouvements de réorganisationindustrielle et de ce fait accompagner les changements organisationnels. Mais,le caractère librement consensuel de la norme laisse la place à une nécessitééconomique. L’organisation industrielle et le système de normalisation onttendance à évoluer de façon parallèle car les normes reflètent un « choix col-lectif raisonné » compatible avec les techniques actuelles et les intérêts detoutes les parties concernées.

La question de la stratégie de la firme devient alors une composanteimportante quand il s’agit d’investir le sujet de la responsabilité sociale.L’apport de Teece et al. (1990), inspiré de Penrose (1950) et de Chandler(1977) est central car reliant la stratégie de la firme à ses savoirs et compé-tences. Il introduit la notion de « compétences dynamiques » pour désignerle caractère changeant de l’environnement et la nécessité d’une réactionrapide face à l’accélération de l’innovation. Une compétence est alors dési-gnée comme stratégique, lorsqu’elle est unique, destinée à un certain usageet difficile à copier. Teece et al. (1994, 1997) définissent trois dimensions àprendre en considération lors d’une décision d’investissement destinée àrenforcer les connaissances et compétences de la firme. D’abord, le processusorganisationnel se réfère à la manière dont la firme fait les choses ou ce qui ren-voie donc à ses routines ou ses méthodes pratiques et son apprentissage.Ensuite, son positionnement est déterminé en fonction de ses bases techno-logiques, intellectuelles et ses relations avec ses fournisseurs et ses clients.Enfin, sa trajectoire d’évolution fait référence aux différentes stratégies pos-sibles suivies par la firme et à l’attractivité des différentes opportunités qui seprésentent. La firme poursuit alors une croissance et une évolution dynami-que qui respecte une certaine cohérence stratégique pour ne pas disperser sesressources. Toutefois, pour permettre une communication effective dans uneorganisation, il est nécessaire de choisir un langage commun ou un code par-

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tagé par tous les membres de l’organisation. Les normes environnementaleset sociales s’inscrivent bien dans l’accroissement de l’efficience du systèmede communication à la fois interne et externe et se présentent comme uninvestissement qui facilite l’acquisition et la création d’autres connaissances(Loukil, 2005).

NORMALISATION, CRÉATIVITÉ INSTITUTIONNELLE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le système de normalisation et l’organisation industrielle évoluent dans lemême sens. Le projet en cours de la norme ISO 26000 relative à la responsabi-lité sociétale des organisations révèle l’intérêt porté au développement durabledans la stratégie des firmes. Cependant, si l’intention de l’organisation inter-nationale de normalisation était au départ de produire un système de mana-gement de la responsabilité sociale certifiable comme la norme ISO 9001pour le système de management de la qualité ou la norme ISO 14001 pour lesystème de management de l’environnement, les négociations ont abouti àune norme de lignes directrices non certifiable.

L’objet de la section est de montrer à travers une mobilisation de la litté-rature économique que les normes sont des dispositifs institutionnels quienrichissent l’environnement institutionnel. Mais, l’histoire de la normali-sation dans le domaine du développement durable soulève la complexité etl’originalité des interactions qui ont accompagné le processus de création dela norme ISO 26000 notamment la participation accrue des pays en dévelop-pement et des catégories d’acteurs à ressources limitées comme les ONG etles groupes des consommateurs.

La norme ISO 26000, un nouveau dispositif institutionnel

En juin 2002, un rapport de la commission des consommateurs de l’ISO(COPOLCO, 2002) recommande à l’ISO de se lancer dans la préparationd’une nouvelle norme internationale relative à la responsabilité sociale. Aucours de l’année 2003, l’ISO a constitué un groupe consultatif stratégique surla responsabilité sociétale afin de réfléchir sur la valeur ajoutée de l’ISO dansle domaine de la RS par rapport aux différentes pratiques et initiatives pri-vées existantes. Après 18 mois de débats et travaux intensifs, le groupe consul-tatif stratégique (SAG) a conclu que la RS touche des domaines nouveauxpour l’ISO qui devrait revoir ainsi, ses processus internes afin de s’ouvrir surles syndicats et les organisations non gouvernementales. En effet, le processus

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d’élaboration des normes ISO a souvent été critiqué, dans le passé, en raisond’une sous représentation des groupes minoritaires par manque de ressourceséconomiques et techniques.

Établi en 2005, le groupe de travail relatif à la norme ISO 26000 se com-pose de 300 experts provenant de 54 pays membres de l’ISO et 33 liaisonsorganisationnelles qui représentent six groupes de parties prenantes : l’indus-trie, le gouvernement, les syndicats, les ONG, les organismes de soutien etles organisations de recherches et autres. Dans l’histoire de l’ISO, c’est legroupe de travail le plus important en terme de nombre mais aussi de diver-sité de participants. La norme ISO 26000 qui va apparaître au cours del’année 2009 constitue-t-elle un nouveau dispositif institutionnel au profitdu développement durable ? Les approches néo-institutionnalistes, conven-tionnalistes et évolutionnistes envisagent de manière différente la contribu-tion des institutions dans la coordination des échanges.

Dans l’analyse de Williamson, la révision de la conception dichotomiquefirme-marché (Williamson, 1975) et l’adoption de modalités intermédiairesde coordination (Williamson, 1985) ouvrent la voix à de nouvelles perspec-tives pour l’analyse des organismes de normalisation et de certification commedes appuis institutionnels aux relations industrielles. L’analyse des formeshybrides remonte aux travaux de Davis et North (1971) qui ont introduit leconcept d’environnement institutionnel défini comme un ensemble derègles politiques, sociologiques et légales censées gérer l’ensemble des rela-tions de production et d’échange. Ils ont fait la distinction entre l’environ-nement institutionnel et les arrangements institutionnels. En effet, ce sontles institutions, des entités administratives, qui ont la charge de renforcer leséchanges et les accords privés. Elles produisent ainsi l’environnement danslequel des arrangements ou des structures de gouvernance peuvent exister.L’approche de Williamson semble ambiguë pour définir un cadre économi-que qui assimile les organismes de normalisation et de certification à des ins-titutions (Menard, 1995, 2000). En effet, si on considère qu’un dispositif denormalisation est une institution, on doit supposer que son existence pré-cède les structures de gouvernance et qu’il est un facteur exogène dans uncadre institutionnel défini à l’avance.

De façon générale, on se réfère à la définition de North (1991) des insti-tutions comme « un ensemble de règles formelles et informelles ». Au mêmetitre, l’institution apparaît dans l’approche conventionnaliste comme un« objet collectif et intentionnel » (Salais, 1998), jugée sur sa capacité à édic-ter et à respecter des règles qui assurent l’intérêt général. Elle se définit alorscomme « un système cohérent de règles, associé à une entité collective clai-rement identifiable et généralement sanctionné par le droit » (Favereau,1996). Les institutions exercent donc une influence sur les organisations et

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les individus en déterminant le cadre des interactions 2. La coexistence d’ins-titutions différentes permet de soutenir des dispositifs différents de coordina-tion contribuant ainsi à la stabilisation des échanges.

La future norme ISO 26000 s’attachera, en s’appuyant sur les initiativesexistantes, à établir une compréhension partagée de la RS et à fournir deslignes directrices aux organisations pour la mise en œuvre. Son champd’application ne se limite pas aux entreprises mais concerne toutes les orga-nisations. Elle est donc porteuse d’un système de règles qui devra ainsi, facili-ter la réflexion stratégique permettant à chaque acteur d’identifier les enjeuxsignificatifs et de s’investir dans une démarche de progrès. Cette phasenécessite une connaissance du cadre institutionnel, des attentes des partiesintéressées et des risques et des opportunités offertes et implique notammentune coopération avec d’autres acteurs.

Encadré 1 – Architecture de la norme ISO 26000

0. Introduction1. Domaine d’application2. Références normatives3. Termes et définitions4. Le contexte de la responsabilité sociétale dans lequel les organisations opèrent5. Les principes de la responsabilité sociétale relatifs aux organisations6. Lignes directrices sur les questions centrales / sujets centraux de la responsabilitésociétale7. Lignes directrices sur la mise en œuvre de la responsabilité sociétale8. AnnexesBibliographieSource : ISO/TMB, 2005.

Qui se charge de l’exécution et de l’application de ces règles de jeux.Brousseau (2000) définit les institutions comme une combinaison de règleset de décisions établies par des organisations institutionnelles qui assurent troisfonctions essentielles : intégrer les règles dans le comportement des agents,

2. Cette distinction peut paraître trop générale car certaines organisations produisent des règlesdu jeu et donc contribuent à l’enrichissement de l’environnement institutionnel. Les travaux deBessy et Favereau (2003) ont l’avantage de préciser le rapport des institutions avec les conven-tions et les organisations. En effet, ce sont les conventions en tant qu’objet collectif qui permet-tent l’interprétation, l’application et la révision des institutions. En revanche, les institutions seprésentent comme un ensemble de règles de jeu préexistants et objectivables à la disposition desagents économiques pour résoudre leurs problèmes de coordination. Dans ce modèle à trois com-posantes : conventions, institutions et organisations, les organisations sont le milieu où les règlesde jeu sont activées. Elles utilisent des règles institutionnelles mais par la même occasion créentde nouvelles règles qui leur sont propres.

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fournir des interprétations lorsque les règles sont vagues et ambiguës et enfins’assurer que les règles sont bien appliquées. Ceci renvoie à l’existence d’unsystème « d’enforcement » qui veille à l’application et aux contrôles desrègles ainsi qu’aux sanctions en cas de non application. A partir de cettedéfinition, on peut concevoir les normes comme des règles de comportementgénérées par des institutions de normalisation. En revanche, les organismesde certification sont des organisations institutionnelles qui jouissent d’unpouvoir d’autorité pour vérifier la conformité aux normes. Or, la norme ISO26000 apporte des lignes directrices pour les entreprises mais elle n’est pascertifiable. Elle énonce des principes d’actions mais ne précise pas la manièrede faire et laisse donc l’organisation employer sa propre démarche pouratteindre les objectifs définis. Cependant, d’autres vérificateurs informels etnon officiels comme les associations non gouvernementales disposent d’autresmoyens de sanctions à l’encontre des organisations. Aoki (2001) montre queles règles du jeu deviennent « self-enforcing » à travers les interactions stra-tégiques des agents. La perte d’un client ou d’un marché, une publicité défa-vorable qui affecte l’image de marque d’une organisation et le boycott desproduits sont des mécanismes de sanctions informels.

Dans ce système, les firmes multinationales jouent un rôle importantdans la diffusion des normes ISO 26000. En effet, devant une réglementationdivergente et parfois absente dans certains pays, elles sont amenées à impo-ser des règles internes qui sont souvent critiquées par les autorités locales. Lerecours à la norme ISO 26000 permet de structurer les réseaux sur la base desnormes profitant d’une légitimité internationale (Castka et Balzarowa, 2008).Ainsi, les organisations désirant rejoindre le réseau d’une firme multinatio-nale doivent adopter la norme ISO 26000.

A ce titre, la norme ISO 26000 apparaît comme un nouveau dispositifinstitutionnel. Or on ne peut parler de créativité institutionnelle sans aborderla question de la conduite d’un changement institutionnel (North, 1990). Ilexiste un vrai débat au sein des approches institutionnalistes sur l’efficiencedes institutions car certains estiment que les institutions créées par desagents économiques rationnels sont forcément efficientes alors que d’autressoulignent la complexité du processus d’émergence des institutions. En effet,North (1990) montre l’existence de chemins de dépendance institutionnels.Ces chemins traduisent l’incapacité de copier les institutions les plus perfor-mantes même sur une longue temporalité. L’hypothèse de rationalité limitéeexplique chez North, le maintien d’institutions inefficaces même à longterme. Les institutions ne sont pas toujours socialement efficaces mais ellesont été parfois créées par des individus jouissant du pouvoir de les imposer etce dans l’objectif de défendre leurs propres intérêts. Ainsi, les institutionsdéveloppent des règles de jeu qui délimitent l’ensemble des possibles. Cette

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délimitation est une contrainte qui peut amener les organisations à tenter demodifier les règles du jeu et conduit à un processus continu de changementinstitutionnel. Pour explorer l’existence ou non de ces stratégies dans le pro-cessus d’émergence de la norme ISO 26000, on propose de reconstruire l’his-toire de ce projet comme recommandé par North.

Le projet de la norme ISO 26000, une perspective historique

Retracer le processus d’émergence d’un projet de norme relative au dévelop-pement durable n’est pas une tâche facile et la liste des facteurs définis ici nepeut être exhaustive. Cependant, on estime que le projet de la norme ISO26000 est l’aboutissement de deux facteurs majeurs : d’une part l’évolutionde la normalisation internationale et l’extension de son champ d’activité àplusieurs domaines et secteurs d’activités, d’autre part la propagation du con-cept de responsabilité sociale dans les pratiques des entreprises. Le croise-ment de ces deux axes aboutit à distinguer les phases suivantes :

Phase 1 : Tertiarisation de l’économie et évolution de la normalisation organisationnelle

L’organisation internationale de normalisation (ISO3), créée à Genève en1947 s’est rendue compte, dans les années quatre vingt de l’importance quel’assurance de la qualité est en train d’acquérir et du rôle que peut avoir ladiffusion des normes. En 1979, une commission a été chargée d’étudier lesdifférentes normes d’assurances de la qualité et de les regrouper en un ensem-ble de normes d’une portée multi-sectorielle et internationale, publiées en1986 sous l’appellation ISO 9000. D’abord destinées à des grandes entrepri-ses industrielles, les normes se sont propagées auprès des entreprises de peti-tes tailles et des entreprises de services. Par ailleurs, une réforme importantede la norme a abouti à une nouvelle version en 2000 qui introduit plus desouplesse et laisse une marge de manœuvre aux entreprises pour adapter lesnormes à la spécificité de leur organisation. La nouvelle version a été moti-vée par la nécessité d’adapter la norme aux nouvelles exigences du marché etnotamment le recours croissant des entreprises de services à la normalisation.

3. L’ISO a pour mission de promouvoir l’échange des biens et services à travers des normes inter-nationales volontaires. Elle intervient ainsi dans tous les secteurs d’activités à l’exception del’ingénierie électrique et électronique et des télécommunications qui sont respectivement du ressortde la commission Electro-technique Internationale et de l’Union Internationale des Télécommu-nications. La première norme ISO « Température normale de référence des mesures industrielles delongueur » a été publiée en 1951.

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En effet, la tertiarisation de l’économie s’est accompagnée de produits deplus en plus complexes et attachés à des services (Gadrey, 2000). Cette com-plexité est source d’incertitude sur la qualité puisque le terme « produit »s’avère dans plusieurs cas inadapté, mais offre un éventail plus large de diffé-renciation des produits. Dans les travaux de Chamberlin (1933), les biensdiffèrent les uns des autres suivant des degrés différents, des différences quipeuvent être inhérentes à des caractéristiques liées au produit lui-même ouencore aux conditions générales de vente comme la réputation du vendeur,la commodité de son emplacement et les liens personnels qui l’attachent auclient. Le produit est alors rendu unique par sa spécificité lui infligeant unaspect monopolistique mais reste soumis à la concurrence des autres pro-duits. Le défaut de concurrence entre les entreprises, conséquence de la sin-gularisation des produits augmente le nombre des entreprises intervenantessur le marché. Il en résulte une forte dispersion du secteur liée à une faiblestructuration du marché. Le cas des services est particulièrement intéressantdans la mesure où derrière la forte dispersion de tels secteurs se cache une fai-ble objectivité des services. La définition d’une prestation de service propo-sée par Gadrey (2000) conçoit l’achat d’un service par un agent économiqueB (individu ou organisation) comme l’achat à une organisation A du droitd’usage pour une période déterminée des capacités techniques et humainespossédées et gérées par l’organisation A dans le but de produire des effets uti-les portant sur l’agent B ou le bien C propriété ou sous la responsabilité del’agent B. A partir de cette définition, on peut déduire que lors d’une presta-tion de service, l’évaluation ex-ante de la qualité porte sur la capacitéhumaine et technique mobilisée par une organisation. Gadrey (2000) insistesur l’importance du concept d’organisation dans une économie de produc-tion de services pour renforcer l’engagement et assumer la responsabilité dela livraison à temps. Ainsi, dans une économie de service, le jeu stratégiquede qualification ne porte plus sur le positionnement de produits mais sur lepositionnement d’une capacité humaine et technique dont l’usage permetd’aboutir aux effets sollicités par l’acheteur. Dans un objectif de différencia-tion, l’organisation positionne alors cette capacité socio-technique sur unsegment de qualité bien déterminé. On passe alors d’un positionnement deproduits à un positionnement d’organisations.

Phase 2 : L’évolution de la normalisation environnementale et sociale

Mais, la notion de la qualité s’est encore élargie pour intégrer des dimensionsenvironnementales et sociétales relatives au processus de production. Lesexternalités environnementales et leur internalisation deviennent une nou-velle exigence dans l’évaluation des performances des entreprises et de leur

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différenciation. Ceci est valable autant pour les biens industriels que pour lesservices qui participent à peu prés aux trois-quarts de la richesse et de l’em-ploi crées dans les pays riches. Les pressions et les attentes des communautéslocales, des consommateurs et des associations environnementales et socia-les ont contribué à une prolifération des normes et certifications environne-mentales et sociales.

Dans le domaine de l’environnement, le nombre important des référen-tiels, dans les décennies 1980 et 1990 s’accompagne non seulement de risquede contradiction entre des normes différentes mais aussi de coûts de transac-tion élevés (Grolleau et Mzoughi, 2005). Pour remédier à cette situation, lanorme ISO 14001 représente l’aboutissement à une nouvelle solution collec-tive qui remplace des référentiels séparés et parfois incompatibles. A la fin del’année 2005, au moins 111 162 certificats ISO 14001 (versions 1996 et 2004)ont été délivrés dans 138 pays avec une augmentation de 24 % par rapport àl’année 2004. 31 % des certificats ISO 14001 sont délivrés à des prestatairesde services (ISO Survey, 2005). En effet, l’harmonisation des normes permetd’abaisser les barrières à l’entrée qui sont relativement plus importantes dansles secteurs de services que dans les échanges internationaux de marchandi-ses. C’est le cas surtout du secteur des services aux entreprises qui entretientdes forts liens en aval avec les autres secteurs (OCDE, 2007).

Ces chiffres nous amènent à réfléchir sur la contribution des normesenvironnementales au développement d’une économie durable et écologi-que des services. Par ailleurs, les travaux de Gadrey (2008) ont mis l’accentsur le caractère polluant et consommateur de ressources naturelles des acti-vités de services. Une économie durable de services ne peut alors se concré-tiser que si on prend en considération certaines spécificités des servicescomme l’intégration des facteurs matériels de la co-production d’une part etla consommation de ressources naturelles par le facteur humain de produc-tion d’autre part. Une norme environnementale de services doit s’orienterdavantage vers un renouvellement des processus de production des servicespour les rendre plus économes en matière de consommation des ressourcesnaturelles. Certes, la norme ISO 14001 est basée sur une approche de maî-trise des processus de production, mais elle demeure davantage destinée auxentreprises industrielles.

Dans le domaine social, l’histoire des normes du travail remonte à la créa-tion de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui a déjà adopté enoctobre 1919 les six premières Conventions internationales du travail rela-tives aux heures de travail dans l’industrie, le chômage, la protection de lamaternité, le travail de nuit des femmes, l’âge minimum, et le travail de nuitdes jeunes dans l’industrie. A partir de ces différentes conventions, certaines

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initiatives ont mis au point des normes de travail. Le référentiel OHSAS 4

18001 accompagne les entreprises dans la maîtrise des risques d’accidents autravail. Il a été développé par un groupe de treize organisations de normali-sation et d’audit. La norme SA8000, développée en 1997 par l’organisationnord-américaine Social Accountability International (SAI) fournit une basede certification fondée sur le respect des droits fondamentaux des travailleurset destinée aux entreprises possédant des centres d’achat ou de productiondans des pays où il est nécessaire de s’assurer que les produits sont réalisésdans des conditions de travail décentes. Mais, la faiblesse de cette normeréside autant dans son contenu trop général qu’en l’absence de mécanismesde vérification.

Phase 3 : Des référentiels privés intégrés au projet de la norme ISO 26000

L’entreprise est tenue aujourd’hui d’intégrer les dimensions environne-mentales et sociales dans sa stratégie de développement. Des institutionsde normalisation nationales proposent, aujourd’hui, des normes relativesau développement durable. Ainsi, le projet britannique SIGMA est uneinitiative de British Standards Institution (BSI), qui propose une stratégiede gestion et valorisation de cinq types de capitaux : naturel, social, humain,technologique et financier.

Le guide SD 21000, premier document publié par l’Association françaisede normalisation (AFNOR, 2003), est réalisé dans le but d’élaborer desrecommandations pour la prise en compte des enjeux de développementdurable dans la stratégie et le management des entreprises. Il aide les entre-prises à hiérarchiser les enjeux et à organiser les relations stratégiques avecles parties externes. Le SD 21000 permet à l’entreprise d’intégrer dans sonsystème de management des principes et des valeurs qui n’étaient pas prisesen compte avec les normes ISO 9001 et ISO 14001.

Les deux référentiels (SD 21000 et SIGMA) affichent une approchesubstantive de la responsabilité sociale en intégrant des enjeux tels que lapréservation des ressources, le respect des droits universels de l’homme ou dutravail, etc. Ainsi, la responsabilité sociétale va au-delà de la prise en comptedes parties prenantes pour s’intéresser aux acteurs faibles ou généralementabsents (Brodhag, 2006 ; Brodhag et al., 2004). En revanche, d’autres réfé-rentiels comme le Q-RES élaboré par le centre d’éthique et d’économie(CELE) de l’université de Castellanza en Italie, ou le AA1000, un référentielbritannique de l’AccountAbility, organisation professionnelle internationale,

4. L’OHS est l’abréviation de l’expression anglaise Occupational Health and Safety

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défendent davantage une approche de la responsabilité sociétale baséeexclusivement sur la satisfaction des parties intéressées.

La prolifération de ces référentiels privés reflète l’inquiétude croissantequant à l’intégrité sociétale des entreprises et soulève des interrogations surle positionnement de la nouvelle norme internationale relative à la respon-sabilité sociale des entreprises dans l’environnement institutionnel. Lanorme ISO 26000 est-elle un substitut à des référentiels privés ? Si plusieursauteurs avancent que la prolifération des référentiels s’accompagne de coûtsde transactions importants, la diversité des institutions demeure un facteurd’enrichissement de l’environnement institutionnel à l’origine de la trajec-toire d’évolution spécifique à chaque institution. A cet égard, on estime queles institutions entretiennent des relations de complémentarité car chacuneest amenée à influencer la trajectoire de l’autre (Aoki, 2000).

Les institutions sont complémentaires si la performance économique etle « bien-être social » engendrés par la coexistence de deux ou plusieurs ins-titutions sont supérieurs à ceux de chaque institution prise individuelle-ment. La cohérence doit aussi être assurée entre les institutions formelles etinformelles et veiller à ce que les nouvelles institutions formelles ne soientpas en opposition avec les institutions informelles existantes (Nee, 1998).Les institutions informelles désignent ici les normes sociales, les habitudescomportementales et les croyances culturelles. L’introduction d’une nouvelleinstitution qui ne respecte pas ce principe de cohérence peut avoir des résul-tats néfastes sur le comportement des acteurs et la structuration de l’organi-sation industrielle. Le processus de création de la norme ISO 26000 répond-t-il à ce principe de cohérence ?

La norme ISO 26000 est l’aboutissement de trente ans de réflexion sur lesrecommandations des grandes institutions internationales comme l’OIT oul’OCDE. L’ISO a mis en place un processus inédit puisque les délégations na-tionales sont composées de six représentants de six intérêts différents : en-treprises, gouvernements, syndicats, consommateurs, associations et autresorganismes de conseil et de recherche 5. Le Groupe de Travail de l’ISO26000, rassemblant tous les experts internationaux, est coprésidé par un paysindustrialisé, la Suède, et un pays en développement, le Brésil. Le jumelageentre un pays développé et un pays en développement est un nouveau dispo-sitif introduit par le bureau de gestion technique de l’ISO (TMB) qui viseà renforcer la participation des pays en développement. En effet, le nombreimportant des pays en développement engagés dans le processus a pour

5. Dans la procédure classique d’élaboration d’une norme ISO, chaque pays membre délègue unexpert sur le sujet pour participer aux négociations internationales.

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objectif d’éviter que la nouvelle norme devienne une barrière à l’entrée con-tre les commerces des pays en développement.

Par ailleurs, on voit que l’élaboration de la norme ISO 26000 répond à unevéritable recherche de consensus entre les différentes parties intéressées :66 pays et 32 organisations internationales participent au Groupe de Tra-vail. Le nombre des experts des pays en développement représentent 45 %des experts ce qui est une représentation significative comparée à la partici-pation des PVD dans l’élaboration des normes internationales comme l’ISO14001 ou l’ISO 9001. En revanche, un déséquilibre persiste dans la représen-tation des différents groupes d’acteurs (ISO/TMB, 2006). Ainsi, les groupesIndustrie et Organismes de soutien sont les plus présents dans les différentesrencontres. Par contre, la participation des organisations syndicales et desconsommateurs est relativement faible en raison essentiellement d’un man-que de moyens. De même, dans le groupe gouvernement, il y a plus des repré-sentants des États que des collectivités locales.

De façon générale, dans un processus de décision, chaque participantdéfinit ses objectifs en fonction de ses préférences. Mais pour défendre sesobjectifs dans le cadre du processus de décision, il est amené à prendre enconsidération le contexte institutionnel, la règle de décision collective et lesstratégies des autres acteurs (Elster, 1996). La norme ISO 26000 se trouveface à un défi difficile, celui d’arriver à un consensus sur les principes de res-ponsabilité sociétale. Ce consensus est d’autant plus difficile qu’il doit sefaire à deux niveaux : entre les principaux acteurs d’une part et entre les paysou groupes de pays d’autre part.

Le projet de la norme ISO 26000 est l’occasion pour les organisations in-tergouvernementales de diffuser à grande échelle les chartes et conventionsrelatives à la responsabilité sociale. La pression syndicale a permis la signa-ture d’un accord entre l’ISO et l’Organisation Internationale de travail (OIT)qui stipule que la norme ne peut être publiée sans le consentement de l’OITqui peut émettre son veto. L’organisation internationale du travail a aussiimposé la participation de la confédération internationale des syndicats li-bres (CISL) au processus de l’ISO. Cependant, les syndicalistes demeurentfaiblement représentés dans les débats sur la responsabilité sociale. Les délé-gations nationales sont, en effet, indépendantes et n’adhèrent pas tous à laCISL. Certains représentants expriment la position de l’autorité dans leurspays en même temps que la position des travailleurs. Ainsi, les discussionsn’ont pas abouti à un bouleversement du concept de responsabilité sociale.Les syndicalistes ont approuvé le passage de la notion de responsabilité socialeet environnementale des entreprises au concept de responsabilité sociétale,afin d’interpeller les entreprises autant sur leur responsabilité interne vis-à-vis des employés que sur leur responsabilité externe vis-à-vis des parties pre-

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nantes. Mais la suppression de la référence aux entreprises sollicitée par lesemployeurs estimant ne pas être les seuls responsables socialement, peut en-traîner une confusion dans les responsabilités. Certes, les parties prenantesont une responsabilité à assumer dans la société mais le rôle des entreprisesdemeure prépondérant.

Par ailleurs, même si le groupe industrie est largement représenté dans leprocessus d’élaboration de la norme ISO 26000, l’étude de Perera (2008)portant sur la probabilité que les petites et moyennes entreprises recourent àla norme ISO 26000 révèle une faible représentation des PME dans le pro-cessus d’élaboration de la norme ISO 26000 pouvant être à l’origine d’un fai-ble recours de cette catégorie d’entreprises à la norme. Les entreprises deservices ne sont pas à leur tour représentées alors que les travaux de Gadrey(2008) soulignent la nécessité de prendre en considération la spécificité desentreprises de services dans la définition d’une stratégie de développementdurable.

Lors des négociations relatives à l’élaboration d’une vision partagée de laresponsabilité sociale, deux visions se sont affrontées : une vision contrac-tualiste anglo-saxonne qui conçoit la responsabilité sociale comme indivi-duelle portant sur les acteurs et une vision institutionnaliste européenne oùla responsabilité sociale est basée sur des choix politiques collectifs. Un con-sensus a été recherché sur deux points fondamentaux : d’une part ce qu’onpeut exiger d’une organisation et d’autre part sur la démarche d’opérationna-lisation des exigences. Il semble cependant que la vision institutionnaliste adominé les négociations.

Au niveau des possibilités de certification, les anglo-saxons ont réclaméun référentiel éthique portant sur le système de management et qui peut êtrevérifié par une tierce partie. Or la vision institutionnaliste a rejeté la possi-bilité d’une norme unique en raison d’une variété des organisations et ducontexte dans lequel elles exercent et privilégie une approche qui s’intéressedavantage aux enjeux qu’au système de management.

L’importance accordée aux parties prenantes était aussi un point de dé-saccord dans les négociations. En effet dans la vision contractualiste, lacontribution de l’organisation au développement durable se fait à travers lasatisfaction des engagements vis-à-vis des parties intéressées. En revanche,l’approche institutionnaliste considère que l’entreprise ne peut pas satisfairela demande de toute partie prenante et qu’elle peut envisager d’autres objec-tifs de performances à atteindre. L’approche contractualiste est ici d’autantplus critiquable qu’il s’agit des pays en voie de développement où les partiesprenantes manquent souvent de compétence et de pouvoir pour exercer despressions sur les entreprises.

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Pour les pays en développement, la participation à l’élaboration de lanorme ISO 26000 garantit une prise en considération des stratégies nationa-les de développement durable qui s’orientent davantage vers les questions dela réduction de la pauvreté et des inégalités. Or, les lacunes de connaissanceset d’apprentissage sur le sujet de la responsabilité sociale associées à un man-que de temps et de moyens financiers entraînent un alignement des enjeuxsur ceux des pays développés. La langue a aussi constitué une barrière à laparticipation des pays francophones dans les débats sur la norme. Le recoursà la traduction des documents ne résout pas complètement le problème carle temps nécessaire à une bonne traduction empêche de préparer les com-mentaires et de les envoyer dans les délais au groupe de travail de l’ISO.

CONCLUSION

L’article s’est penché sur l’examen de la contribution de la normalisation audéveloppement durable. La mobilisation des approches institutionnaliste,conventionnaliste et évolutionniste d’une part et l’examen du processus del’émergence de la future norme ISO 26000 relative à la responsabilité socié-tale d’autre part, nous ont permis de mettre en exergue une véritable dynami-que institutionnelle. En effet, le développement durable, en pénétrantl’organisation industrielle, a influencé aujourd’hui le système de normalisa-tion. L’organisation internationale de normalisation s’est lancée dans la ré-flexion sur une nouvelle norme relative à la RS qui s’est accompagnée desinnovations dans son processus d’élaboration et notamment la recherched’un équilibre entre les représentants des différents acteurs : parties prenan-tes, pays du sud et pays du nord, etc.

D’un autre côté, la normalisation participe activement au processus d’ins-titutionnalisation de développement durable, en élaborant un cadre interna-tional qui reprend et divulgue d’une part les meilleurs pratiques et initiativesprivées développées dans le domaine de la RS et d’autre part les déclarationset conventions correspondantes des Nations Unis et de ses institutions spé-cialisées.

Cependant et au-delà de cette dynamique institutionnelle, on estime queles années à venir vont être marquées par une évolution importante dans lanormalisation relative à la RS. En effet, plusieurs référentiels spécifiquesvont se développer pour accompagner l’évaluation des pratiques de respon-sabilité sociale dans différents secteurs d’activité, notamment dans le secteurdes services, et contribuer à l’interprétation des lignes directrices de la normeISO 26000.

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