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REVUE MÉDICALE SUISSE WWW.REVMED.CH 22 août 2018 1438 Nouveautés dans la prise en charge du myélome Le myélome multiple est le second cancer hématologique le plus fréquent. Il reste malheureusement incurable à l’heure actuelle. Pourtant, ces deux dernières décennies ont été marquées par des progrès dans la compréhension de la physiopathologie du myé- lome, ce qui a permis le développement de nouvelles molécules thérapeutiques, améliorant la survie et la qualité de vie des pa- tients. Les critères diagnostiques et pronostiques du myélome ont été revus et sont maintenant plus performants pour détecter des stades précoces et déterminer ainsi la stratégie thérapeu- tique à entreprendre. Les nouveaux régimes de traitement sont grevés d’un profil d’effets secondaires différent qu’il faut pou- voir reconnaître et traiter. What is new in the management of multiple myeloma Multiple myeloma is the second most frequent hematological mali- gnancy. Unfortunately, it is still incurable. A better understanding of the myeloma pathophysiology favored the development of new therapeutic molecules that improved both survival and quality of life of patients. Diagnostic and prognostic criteria for myeloma have been reviewed and help to detect multiple myeloma more early and further help to define the best therapeutic strategy. These new regimens are associated with side effects that differ from those of classic molecules and that we have to be able to recognize and to treat appropriately. INTRODUCTION Le myélome multiple (MM), ou maladie de Kahler, est un can- cer hématologique défini par un envahissement médullaire par des plasmocytes malins produisant généralement une im- munoglobuline (Ig) monoclonale. La prolifération clonale au sein de la moelle est souvent responsable de complications telles que des destructions osseuses pouvant aller jusqu’à la fracture pathologique (figure 1). Alors qu’il ne représente que 1 à 2 % de toutes les néoplasies, le MM arrive deuxième par ordre de fréquence parmi les hémopathies malignes, après les lymphomes. 1 Il touche préférentiellement les hommes, avec un âge moyen au diagnostic de 66 ans. Malgré l’amélioration de la survie ces dernières années avec l’avènement de nou- velles molécules thérapeutiques, le MM reste incurable à l’heure actuelle. Dans cet article, nous aborderons les modifi- cations récentes de sa prise en charge, qui sont résumées dans le tableau 1. ONCOGENÈSE La cellule à l’origine du MM serait un lymphocyte B postger- minatif, apte à migrer vers la moelle osseuse qui lui fournit un environnement facilitant sa différenciation en plasmocyte. 2 En plus des anomalies génétiques, les interactions entre les Drs LOUISE VRANCKEN  a,b , JOSÉPHINE MULLER  b , MARGAUX LEJEUNE  b , Dr CÉLINE GREGOIRE  a,b , LOÏC DELENS  b , Drs AURÉLIE JASPERS  a , SOPHIE SERVAIS  a,b , BERNARD PRIJCK  a , Prs FRÉDÉRIC BARON  a,b , JO CAERS  a,b et YVES BEGUIN  a,b Rev Med Suisse 2018 ; 14 : 1438-42 a Service d’hématologie, CHU Liège, 4000 Liège, Belgique, b Laboratoire d’hématologie, GIGA-I³, Université de Liège, 4000 Belgique [email protected] | [email protected] [email protected] | [email protected] [email protected] | aurelie.jaspers@chuliège.be | [email protected] [email protected] | [email protected] | jo.caers@chuliège.be yves.beguin@chuliège.be  Introduction de nouveaux critères diagnostiques qui permettent d’instaurer un traitement plus précocement dans l’évolution de la maladie  Accès à de nouvelles molécules qui prolongent la survie des patients, mais qui nécessitent souvent une prise de médicaments prolongée  Ces traitements peuvent provoquer des effets secondaires spécifiques  Des immunothérapies émergent de plus en plus TABLEAU 1 Nouveautés dans la prise en charge du myélome FIG 1 Eléments diagnostiques d’un myélome multiple (MM) A. Infiltration de la moelle osseuse par des plasmocytes malins (HE x 40). B. Electrophorèse des protéines sériques qui montre un pic monoclonal dans la région des gammaglobulines ; C. et D. Lésions osseuses liées au MM qui entraînent une fracture pathologique.

Nouveautés dans la prise en charge du myélome

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REVUE MÉDICALE SUISSE

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22 août 20181438

Nouveautés dans la prise en charge du myélome

Le myélome multiple est le second cancer hématologique le plus fréquent. Il reste malheureusement incurable à l’heure actuelle. Pourtant, ces deux dernières décennies ont été marquées par des progrès dans la compréhension de la physiopathologie du myé-lome, ce qui a permis le développement de nouvelles molécules thérapeutiques, améliorant la survie et la qualité de vie des pa-tients. Les critères diagnostiques et pronostiques du myélome ont été revus et sont maintenant plus performants pour détecter des stades précoces et déterminer ainsi la stratégie thérapeu-tique à entreprendre. Les nouveaux régimes de traitement sont grevés d’un profil d’effets secondaires différent qu’il faut pou-voir reconnaître et traiter.

What is new in the management of multiple myeloma

Multiple myeloma is the second most frequent hematological mali-gnancy. Unfortunately, it is still incurable. A better understanding of the myeloma pathophysiology favored the development of new therapeutic molecules that improved both survival and quality of life of patients. Diagnostic and prognostic criteria for myeloma have been reviewed and help to detect multiple myeloma more early and further help to define the best therapeutic strategy. These new regimens are associated with side effects that differ from those of classic molecules and that we have to be able to recognize and to treat appropriately.

INTRODUCTIONLe myélome multiple (MM), ou maladie de Kahler, est un can-cer hématologique défini par un envahissement médullaire par des plasmocytes malins produisant généralement une im-munoglobuline (Ig) monoclonale. La prolifération clonale au sein de la moelle est souvent responsable de complications telles que des destructions osseuses pouvant aller jusqu’à la fracture pathologique (figure 1). Alors qu’il ne représente que 1 à 2 % de toutes les néoplasies, le MM arrive deuxième par ordre de fréquence parmi les hémopathies malignes, après les lymphomes.1 Il touche préférentiellement les hommes, avec un âge moyen au diagnostic de 66 ans. Malgré l’amélioration de la survie ces dernières années avec l’avènement de nou-velles molécules thérapeutiques, le MM reste incurable à

l’heure actuelle. Dans cet article, nous aborderons les modifi-cations récentes de sa prise en charge, qui sont résumées dans le tableau 1.

ONCOGENÈSELa cellule à l’origine du MM serait un lymphocyte B postger-minatif, apte à migrer vers la moelle osseuse qui lui fournit un environnement facilitant sa différenciation en plasmocyte.2 En plus des anomalies génétiques, les interactions entre les

Drs LOUISE VRANCKEN a,b, JOSÉPHINE MULLER b, MARGAUX LEJEUNE b, Dr CÉLINE GREGOIRE a,b, LOÏC DELENS b, Drs AURÉLIE JASPERS a, SOPHIE SERVAIS a,b, BERNARD PRIJCK a, Prs FRÉDÉRIC BARON a,b, JO CAERS a,b et YVES BEGUIN a,b

Rev Med Suisse 2018 ; 14 : 1438-42

a Service d’hématologie, CHU Liège, 4000 Liège, Belgique, b Laboratoire d’hématologie, GIGA-I³, Université de Liège, 4000 Belgique [email protected] | [email protected] [email protected] | [email protected] [email protected] | aurelie.jaspers@chuliège.be | [email protected] [email protected] | [email protected] | jo.caers@chuliège.be yves.beguin@chuliège.be

• Introduction de nouveaux critères diagnostiques qui permettent d’instaurer un traitement plus précocement dans l’évolution de la maladie• Accès à de nouvelles molécules qui prolongent la survie des patients, mais qui nécessitent souvent une prise de médicaments prolongée• Ces traitements peuvent provoquer des effets secondaires spécifiques• Des immunothérapies émergent de plus en plus

TABLEAU 1 Nouveautés dans la prise en charge du myélome

FIG 1 Eléments diagnostiques d’un myélome multiple (MM)

A. Infiltration de la moelle osseuse par des plasmocytes malins (HE x 40). B. Electrophorèse des protéines sériques qui montre un pic monoclonal dans la région des gammaglobulines ; C. et D. Lésions osseuses liées au MM qui entraînent une fracture pathologique.

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cellules myélomateuses et le micro-environnement médul-laire sont cruciales pour le développement et la progression tumorale.

Il s’agit d’une maladie cliniquement et biologiquement hété-rogène (elle implique différentes sous-populations clonales) et de multiples altérations génétiques sont proposées comme étant les événements clés dans sa pathogenèse. Son dévelop-pement passe par un état préclinique appelé gammapathie monoclonale de signification indéterminée (GMSI), qui cor-respond à une prolifération d’un clone plasmocytaire sécré-tant une immunoglobuline monoclonale, mais sans autre effet délétère et asymptomatique sur le plan clinique.

La physiopathologie du MM peut, dès lors, être envisagée en deux phases. La première est représentée par l’installation de la GMSI, qui dépend d’anomalies cytogénétiques dites « pri-maires », impliquées dans le développement tumoral. La se-conde correspond à la progression de la GMSI vers le MM, où se produisent des événements génétiques dits « secondaires », menant à la progression tumorale.

SUSPICION DE MYÉLOME MULTIPLE : DIAGNOSTIC, LES BONS GESTESLe diagnostic de MM sera envisagé soit sur base de signes cliniques (critères CRAB (C : hypercalcémie ; R : insuffisance rénale ; A : anémie ; B : atteinte osseuse (Bone)…), soit lors de la découverte fortuite d’un pic monoclonal dans un contexte d’exploration pour une autre affection. Le diagnostic de MM est basé sur des critères objectifs. Nous veillerons parti-culièrement à différencier le MM de ses états précliniques, la GMSI et le MM indolent (SMM pour smoldering myeloma), puisque ceux-ci ne doivent pas être traités, ainsi qu’à exclure d’autres pathologies pouvant être responsables de symp-tômes similaires. Les critères diagnostiques du MM les plus largement acceptés sont les critères établis par l’International Myeloma Working Group (IMWG),3 qui permettent de le dis-tinguer de ses états précliniques (tableau 2). Ces critères ont été révisés en 2014 et comprennent maintenant trois biomar-queurs de malignité : a) une plasmocytose clonale médullaire > 60 % ; b) un ratio de chaînes légères sériques impliquées/non impliquées > 100 et c) plus d’une lésion osseuse focale à l’IRM. Ces marqueurs permettaient, dans le passé, l’identifi-cation des patients avec un SMM à très haut risque de pro-gression vers un MM (80 % à 2 ans). Après la démonstration qu’un traitement instauré à ce stade différait la rechute et améliorait la survie, l’IMWG a décidé d’intégrer ces biomar-queurs dans la définition d’un MM symptomatique. Ces pa-tients doivent donc être traités afin d’éviter la survenue d’une atteinte organique irréversible.4

STRATIFICATION DU RISQUE ET DU PRONOSTICAprès le diagnostic, on recherche les anomalies cytogéné-tiques qui conditionnent l’efficacité du traitement pour les classer en trois groupes : à haut risque, risque intermédiaire, et risque standard.5 Ensuite, on intègre ces résultats dans le calcul de l’index pronostique international ISS révisé (Inter-national Staging System, révisé en 2015 par l’IMGW)

( tableau 3), qui tient compte du taux de bêta2-microglobu-line, d’albumine sérique, des anomalies chromosomiques et du taux de lactate déshydrogénase (LDH) sérique.6 Un taux sanguin élevé en bêta2-microglobuline sérique est corrélé à

GMSI

Le risque de progression vers un MM est ± 1 % par anPrévalence : 3 % > 50 ans (environ 6 % chez les Afro-Américains)

Les 3 critères diagnostiques suivants doivent être présents : 1.  Taux de protéine monoclonale sérique < 30 g/l et protéine de Bence Jones

< 500 mg/24 h2.  Plasmocytose médullaire monoclonale < 10 % 3.  Absence d’atteinte organique potentiellement liée au myélome, absence

d’amyloïdose ou de maladie à dépôts de chaînes légères

Le taux de protéine monoclonale reste stable dans le tempsAttitude : pas de traitement requis, surveillance simple

SMM

Le risque de progression d’un stade SMM vers un myélome est d’environ 10 % par an dans les 5 premières années après diagnostic

Pour le diagnostic : absence des critères de GMSI ou de MM et donc : 1.  Taux de protéine monoclonale sérique ≥ 30 g/l OU plasmoscytose médullaire

≥ 10 %2.  MAIS absence d’atteinte organique potentiellement liée au myélome, absence

d’amyloïdose ou de maladie à dépôts de chaînes légères

Attitude : pas de traitement requis, surveillance simple

MM

Plasmocytose médullaire clonale ≥ 10 % démontrée par biopsie de moelle osseuse OU démonstration de la présence d’un plasmocytome extramédullaireET un ou plusieurs des critères suivants associés au MM  : •  Evidence d’une ou plusieurs atteinte(s) organique(s) attribuable(s)

aux plasmocytes tumoraux CRAB :– Taux de calcium sérique supérieur d’1 mg/dl (0,25 mmol/l) par rapport à la limite supérieure du taux de référence (> 11 mg/dl (2,75 mmol/l))– Clairance de la créatinine sérique < 40 ml/min ou taux de créatinine sérique > 2 mg/dl (177 µmol/l)– Anémie normochrome normocytaire ; taux d’hémoglobine < 10 g/dl ou à plus de 2 g/dl inférieur à la limite basse des valeurs de référence (< 10 g/dl)– Présence d’une ou plusieurs lésions, lésions ostéolytiques ≥ 5 mm, ostéopé-nie sévère ou fractures pathologiques

•  ≥ 1 de ces biomarqueurs de malignité :– Plasmocytose médullaire clonale ≥ 60 % – Rapport de chaînes légères libres impliquées/non impliquées ≥ 100– Plus qu’une lésion focale à l’IRM (de diamètre supérieur à 5 mm)

Attitude : traitement requis !

TABLEAU 2 Critères diagnostiques de GMSI, SMM et MM

GMSI : gammapathie monoclonale de signification indéterminée ; SMM : myélome multiple indolent ; MM : myélome multiple ; critères CRAB : C : hypercalcémie ; R : insuffisance rénale ; A : anémie ; B : atteinte osseuse (Bone).

Stade I Stade II Stade III

Bêta2-microglobuline (mg/l) < 3,5 3,5-5,5 < 3,5 ≥ 5,5

Albumine (g/dl) ≥ 3,5 –  < 3,5 –

Anomalies chromosomiques Risque standard –  Haut

risque

LDH Normale –  > limite

Survie globale médiane 62 mois 44 mois 29 mois

TABLEAU 3 Index pronostique international ISS révisé

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une charge tumorale élevée, mais également à une insuffi-sance rénale. Un faible taux en albumine sérique dans le myé-lome est principalement causé par des cytokines inflamma-toires telles que l’interleukine-6 sécrétée par le micro-envi-ronnement myélomateux.7 Un taux élevé de LDH traduit une agressivité élevée et évoque un haut taux de prolifération cellulaire.

TRAITEMENTLe myélome reste, à ce jour, une maladie incurable, qui re-chute même en cas de réponse prolongée après une thérapie initiale. Ces quinze dernières années, une meilleure compré-hension de la physiopathologie et de l’hétérogénéité du MM a mené au développement de nouvelles molécules et de straté-gies de prises en charge individualisées. Ces molécules dif-fèrent des traitements classiques par leurs modes d’action et par leurs profils de toxicité.

Les six classes thérapeutiques actuellement approuvées par l’Agence européenne des médicaments (EMA) dans le traite-ment du MM sont : les stéroïdes, les inhibiteurs du protéa-some (PI), les agents immunomodulateurs (Imid), les agents alkylants, les inhibiteurs des histones désacétylases (HDAC) et les anticorps monoclonaux. Ces molécules sont associées, en diverses combinaisons, pour exercer une pression sélec-tive sur les différents sous-clones tumoraux. De nombreuses directives quant au choix du traitement adéquat sont dispo-nibles, comme celles de l’European Myeloma Network ou de l’IMWG.

Thérapies initiales

Le but de la thérapie initiale est de contrôler rapidement le processus néoplasique et d’empêcher la survenue de compli-cations. Elle n’est entamée que chez les patients qui ont des symptômes imputables au myélome ou des biomarqueurs de malignité.

Les stratégies employées varient selon que le patient soit éli-gible à l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (ASCT, pour « autologous stem cell transplantation ») ou non (figure  2). L’absence de comorbidités et un état général conservé sont les critères de sélection clés pour l’ASCT qui, en général, est réalisée chez des patients jeunes (<  65 à 70 ans).

Pour les patients inéligibles à l’ASCT, le traitement standard consiste en plusieurs cycles d’une association incluant un agent immunomodulateur (lénalidomide) ou un inhibiteur du protéasome (bortézomib), en combinaison avec un gluco-corticoïde (prednisone) et avec un agent alkylant (melpha-lan). Deux combinaisons validées par l’EMA ont démontré une efficacité équivalente : bortézomib-melphalan-predni-sone ou lénalidomide-dexaméthasone.

Traitement de la rechute

Plusieurs aspects sont pris en compte lors de la sélection du traitement après rechute, notamment l’âge, la fonction rénale, le profil d’effets secondaires et les comorbidités. Pour les pa-

tients jeunes (et donc en rechute après une première ASCT), on peut reprendre le traitement d’induction, mais souvent le choix se porte sur une molécule de seconde génération (car-filzomib, ixazomib, lénalidomide), plus puissante ou une deux ième autogreffe. Afin d’obtenir une réponse plus rapide et plus profonde, des associations de trois médicaments sont préférées aux doublets. Concernant les patients plus âgés, on préconise, en général, de changer de classe médicamenteuse (Imid vers PI ou vice versa) et, souvent, en doublet pour éviter une toxicité excessive chez des patients plus fragiles, ce qui fa-vorise une prise de médicaments plus longue.

Immunothérapie

L’immunothérapie est une approche thérapeutique qui consiste à manipuler le système immunitaire d’un patient pour lutter contre sa maladie ou prévenir son apparition. Dif-férentes approches intéressantes sont actuellement à l’essai, comme la vaccination peptidique, les anticorps bispécifiques qui combinent une cible sur le plasmocyte tumoral et une cible sur un effecteur immunitaire et des lymphocytes repro-grammés (CAR-T, « chimeric antigen receptor T cells »). Ces derniers sont des lymphocytes T génétiquement modifiés par des technologies d’ingénierie cellulaire et dotés d’un récep-

Diagnostic de myélomemultiple

Eligibilité à l’ASCT ?OUI

InductionVTD ou VCD

Mobilisationdes cellules souches

G-CSF

Autogreffe (1)+ Conditionnement

(Melphalan)

VGPR

2e autogreffe

Consolidation Reprise de l’induction

(2-4 cycles)

NON

Evaluation réponse

MaintenanceLénalidomide

ChimiothérapieChoix selon caractéristiques propres du patient et du MM

• 1re intention : VMPRd

• Options alternatives : MPT ; bendamustine/prednisone ;VelDex…

VGPR

FIG 2 Approche schématique des thérapies initiales

ASCT : autogreffe de cellules souches ; VTD : bortézomib-thalidomide-dexaméthasone ; VCD : bortézomib-cyclophosphamide-dexaméthasone ; G-CSF : granulocyte-colony stimulating factor ; VGPR : très bonne réponse partielle ; VMP : bortézomib-melphalan-prednisone ; Rd : lénalinomide-dexaméthasone.

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teur spécifique qui reconnaît les cellules malignes exprimant l’antigène cible.

Thérapies ciblées

Les anticorps monoclonaux diffèrent des thérapies molécu-laires conventionnelles par leur capacité à recruter des cellules de l’immunité innée et adaptative afin de détruire les cellules tumorales. Les anticorps CD38 (daratumumab) et CS1 (élotuzumab) ont été approuvés pour le traitement de patients MM. Le daratumumab est un anticorps humain dirigé contre le CD38 qui a démontré une activité antiproli-férative et qui agit sur le micro-environnement tumoral, en déplétant les cellules T régulatrices et en favorisant l’expan-sion des cellules T cytotoxiques.8 Il a été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) chez les patients ayant reçu 3 cycles préalables de traitement incluant un IP et un Imid, ou chez les patients réfractaires à la fois à un PI et un Imid. L’élotuzumab, quant à lui, se fixe au CS1 (cell-surface glycoprotein CD2 subset 1), surexprimé dans plus de 95 % des cas de MM.9 L’élotuzumab exerce son activité par l’inhibition de l’adhésion des cellules MM aux cellules stromales de la moelle, par ADCC (antibody-dependent cell-mediated cytotoxicity) et par l’activation des cellules NK. Il a été approuvé par la FDA dans le traitement du MM récidivant et réfractaire.10

Effets secondaires et paramètres à surveiller

Dans le MM se mêlent les comorbidités du patient, les consé-quences directes de la néoplasie et les effets secondaires des différentes combinaisons de traitements entrepris.11 Dans ce contexte, il est parfois difficile d’identifier les manifestations indésirables imputables à une drogue en particulier. Le tableau 4 reprend les effets secondaires principaux de chaque molécule.

Neuropathie périphériqueLa neuropathie périphérique est une des complications fré-quemment retrouvée avec les nouveaux traitements du myélome. Sa survenue doit faire l’objet d’une surveillance rapprochée lors de l’utilisation de thalidomide et de borté-zomib. Elle se présente, le plus souvent, comme une po-lyneuropathie sensitive des extrémités. S’y ajoutent parfois des symptômes moteurs tels que des crampes ou des paré-sies. Si les symptômes deviennent invalidants, il faut ré-duire la posologie des médicaments, voire les arrêter, tant qu’ils sont réversibles. Le traitement symptomatique, rare-ment suffisant, repose sur l’emploi d’agents antiépilep-tiques tels que la gabapentine ou la prégabaline ou d’autres antidépresseurs.

Complications thromboemboliquesL’incidence accrue des phénomènes thromboemboliques chez les patients porteurs d’un MM s’explique par la pré-sence de différents facteurs synergiques : des facteurs liés au patient (obésité, présence d’un cathéter veineux central…), aux complications du MM (hyperviscosité, sécrétion de cytokines proinflammatoires…) et des effets secondaires des traitements (dexaméthasone, Imid). Pour les éviter, il faut agir sur les facteurs de risque modifiables du patient et mettre en place une thromboprophylaxie adéquate : acide

acétylsalicylique ou anticoagulation selon le niveau de risque du patient.11

CONCLUSIONLes avancées thérapeutiques de ces dernières décennies ont amélioré de façon significative la survie et la qualité de vie des patients atteints de MM. Des nouvelles cibles thérapeutiques ont été développées, les deux premières thérapies ciblées par daratumumab et élotuzumab ont été approuvées. Pourtant, le MM reste inguérissable et les patients ont encore besoin de nouvelles approches novatrices, particulièrement ceux qui ont un MM en rechute ou réfractaire aux molécules actuelle-ment disponibles. A  ce sujet, l’immunothérapie se détache totalement des mécanismes anticancéreux habituels et offre beaucoup d’espoir.

Molécule Effets secondaires

Imm

unom

odul

ateu

rs (

Imid

)

Thalidomide(T)

Dépendants de la dose et de la durée du traitementNeuropathie périphérique induite par le thalidomideSomnolenceConstipationRéactions cutanéesBradycardie, syncopeThromboembolie, nécessitant une prophylaxieNeutropénie et thrombocytopénie

LénalidomideRevlimid

(R)

Complications hématologiques (cytopénies)Thromboses veineuses et artériellesInfectionsRéactions cutanées sévèresSur le long cours : diarrhée chroniqueAdaptation des doses en cas d’insuffisance rénale

PomalidomideImnovid

Cytopénies (anémie, neutropénie et thrombopénie)InfectionsConfusion, altération de l’humeurŒdèmes périphériquesRéactions cutanées

Inhi

bite

urs d

u pr

otéa

som

e (P

I) BortézomibVelcade

(V)

Cytopénies (thrombopénies menaçantes)Neuropathie périphérique induite par le b ortézomibRéactivation virale (HSV) (qui justifie l’introduction d’un traitement par valaciclovir)Troubles digestifsAsthénie, céphaléesEruption cutanée

CarfilzomibKyprolis

Anémie, thrombocytopénieToxicité cardiaque avec surcharge pulmonaireHypertension artérielleInsuffisance rénale aiguë sur syndrome de lyse

IxazomibNinlaro

Rash cutanéThrombocytopénieTroubles gastro-intestinauxPolyneuropathie

Antic

orps

mon

oclo

naux

Daratumumab(anti-CD38)

Réactions liées à l’infusion (pyrexie, allergie)Bronchospasme (attention aux patients avec BPCO)Cytopénies (3 lignées)Infection des voies aériennes supérieuresAsthénie

Elotuzumab(anti-CS-1)

Réactions liées à l’infusionPyrexieTroubles digestifsInfections

TABLEAU 4Principaux effets secondaires

des nouveaux traitements du myélome multiple

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Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Les critères diagnostiques et les indications de traitement du myélome multiple ont été révisés

De plus, les options thérapeutiques pour cette maladie se diversifient, avec l’introduction de nouveaux médicaments, chacun responsable d’autres effets secondaires que nous citons dans cet article

IMPLICATIONS PRATIQUES

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* à lire** à lire absolument